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LA FORÊT / en Belgique Olivier Baudry FrĂ©dĂ©ric Demeuse


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préface

Philippe Blerot, Inspecteur gĂ©nĂ©ral DĂ©partement de la Nature et des ForĂȘts – DNF

/4 Depuis des siĂšcles, l’homme a façonnĂ© les visages de la forĂȘt belge en la traversant, en la dĂ©frichant, en y produisant du charbon de bois et en y Ă©duquant les peuplements pour une production de bois de qualitĂ©. Depuis la ïŹn du XXe siĂšcle pourtant, les fonctions forestiĂšres ne sont plus uniquement liĂ©es Ă  la production de bois. La gestion forestiĂšre intĂšgre des composantes Ă  la fois Ă©conomiques, Ă©cologiques et sociales, pour inscrire le patrimoine forestier au cƓur du dĂ©veloppement durable.

Dans cet ouvrage, l’auteur dĂ©crit la forĂȘt dans sa diversitĂ©. Elle y est racontĂ©e sous les angles de son fonctionnement Ă©cologique et de son importance Ă©conomique, mais aussi selon l’approche historique. Il est vrai que la forĂȘt, sous un certain air d’immuabilitĂ©, est dynamique. Elle change et Ă©volue au grĂ© des saisons, des annĂ©es, des dĂ©cennies. Pour l’accompagner, des forestiers formĂ©s et passionnĂ©s, publics et privĂ©s, sont prĂ©sents quotidiennement pour planter, Ă©duquer, mesurer et rĂ©colter l’accroissement de la forĂȘt.

La forĂȘt belge est multiple. Elle diffĂšre selon les rĂ©gions gĂ©ographiques du pays et leurs diffĂ©rents potentiels de production ainsi que par la proximitĂ© des zones urbanisĂ©es. Selon la richesse du sol, le climat, la proximitĂ© d’industries forestiĂšres et la frĂ©quentation touristique, la forĂȘt prĂ©sente des enjeux variĂ©s.

Dans son dernier chapitre, l’auteur tente une intĂ©ressante prospective forestiĂšre. Quelle sera la forĂȘt de demain ? Et les questions et essais de rĂ©ponses interpellent. Comment pourra-t-on asseoir une demande en bois local ? Quelles espĂšces rĂ©sisteront aux changements globaux et aux nouvelles maladies ? La lutte contre les espĂšces envahissantes sera-t-elle concluante ? Autant de questions parfois occultĂ©es par nos prĂ©occupations quotidiennes. Pourtant, la forĂȘt exige une vue Ă  long terme et il est important de se projeter dans l’avenir, vu l’échelle de temps forestier.

En Wallonie, la forĂȘt occupe environ un tiers du territoire. Une superïŹcie considĂ©rable pour des enjeux socioĂ©conomiques et environnementaux majeurs. Stockage du carbone, emploi et savoir-faire local, protection des sols, conservation des espĂšces et ouverture de la forĂȘt au public constituent les dĂ©ïŹs actuels. La ïŹliĂšre bois, de la graine Ă  la planche, fournit du travail Ă  plus de 18 000 personnes, avec un savoir-faire reconnu internationalement. Un emploi local, pour une demande et un bien marchand tout aussi local.

Dans ce livre, l’auteur cite et dĂ©crit des forĂȘts wallonnes emblĂ©matiques, d’exception, telles que celles de Saint-Hubert, d’Anlier ou encore du Grand Bois. Ces forĂȘts, et les forestiers qui y travaillent, vous accueillent. Elles sont ouvertes pour vous sensibiliser Ă  la nature, aux divers services qu’elles offrent Ă  notre sociĂ©tĂ© du XXIe siĂšcle.


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préface

StĂ©phane Vanwijnsberghe, Chef de sous-division Nature et ForĂȘts Bruxelles Environnement – IBGE

Bruxelles, capitale de l’Europe, capitale de la Belgique, Ville-RĂ©gion, est l’une des capitales les plus vertes. Le « vert » y couvre 54% du territoire rĂ©gional. Les espaces verts accessibles au public constituent 32% des surfaces vertes ; les bois et la forĂȘt reprĂ©sentent Ă  eux seuls 20% de ces surfaces. Ces sites bĂ©nĂ©ïŹcient de statuts de protection forts : ils sont classĂ©s pour leur valeur patrimoniale et sont Ă©galement intĂ©grĂ©s dans le rĂ©seau europĂ©en Natura 2000 pour leur richesse naturelle. Il est remarquable d’avoir pu prĂ©server dans cette Ville-RĂ©gion de statut international une telle richesse. La gestion de ces espaces boisĂ©s est orientĂ©e vers l’accueil du public, la conservation de la nature et la prĂ©servation des paysages. La production de bois n’est pas un objectif de gestion, mĂȘme si du bois de premiĂšre qualitĂ© – certiïŹĂ© selon les critĂšres de gestion durable dĂ©veloppĂ©s par le FSCÂź (Forest Stewardship Council) – est mis sur le marchĂ© et obtient, pour le hĂȘtre, les meilleurs prix du pays. Un des plus beaux joyaux de notre rĂ©gion, prĂ©sentĂ© dans ce livre, est sans nul doute la forĂȘt de Soignes, situĂ©e Ă  moins de 10 kilomĂštres de la Grand-Place de Bruxelles, forĂȘt domaniale de 4 400 hectares, entourĂ©e d’un ensemble d’espaces verts – le bois de la Cambre (Bruxelles), le parc Tournay-Solvay (Watermael-Boitsfort), l’Arboretum de Tervuren et le bois des Capucins (Tervuren), le parc de Tervuren, le parc Solvay (La Hulpe)
 –, anciennes parties du massif transformĂ©es en parcs. Ce complexe vert couvre prĂšs de 5 000 hectares d’un seul tenant aux portes de la capitale de l’Europe ! La forĂȘt de Soignes est rĂ©partie sur les trois rĂ©gions du pays ; prĂšs de 40% se trouvent en RĂ©gion de Bruxelles-Capitale. Elle couvre 10% du territoire rĂ©gional et reprĂ©sente Ă  elle seule plus de 60% des espaces verts bruxellois ouverts au public. C’est dire son importance pour Bruxelles ! ForĂȘt exceptionnelle par son histoire, elle l’est tout autant par son paysage caractĂ©ristique – la hĂȘtraie cathĂ©drale –, dont

l’image est intimement associĂ©e Ă  Bruxelles. Mais les changements climatiques en cours risquent de mettre Ă  mal ce paysage unique
 Pour prĂ©server la forĂȘt de Soignes, les gestionnaires des trois rĂ©gions collaborent pour Ă©laborer un plan directeur – le « SchĂ©ma de Structure de la forĂȘt de Soignes » –, dont les principes seront dĂ©clinĂ©s dans chacune des trois rĂ©gions. Si la prĂ©servation du patrimoine boisĂ© rĂ©gional est acquise, le dĂ©ïŹ majeur pour le futur sera trĂšs certainement de rĂ©ussir Ă  prĂ©server la richesse biologique qu’il abrite. Les deux grandes menaces qui pĂšsent sur la faune et la ïŹ‚ore proviennent, d’une part, de la pression rĂ©crĂ©ative et, d’autre part, de l’isolement de ces sites. On annonce en effet, pour les annĂ©es Ă  venir, une forte augmentation de la population Ă  Bruxelles. À l’horizon 2020, la population bruxelloise pourrait augmenter de 150000 habitants, soit de prĂšs de 15%. La pression rĂ©crĂ©ative sur les espaces verts augmentera inĂ©vitablement, au dĂ©triment de la diversitĂ© biologique. Le dĂ©veloppement de la Ville-RĂ©gion devra ĂȘtre pensĂ© et rĂ©alisĂ© en essayant, autant que possible, d’assurer la prĂ©servation de cette richesse. Autre dĂ©ïŹ : Ă©viter que ces sites de nature ne deviennent des Ăźlots dans un dĂ©sert urbanisĂ©. Ainsi, la prĂ©servation des connexions vertes entre ces sites boisĂ©s est essentielle. Il sera Ă©galement important de prĂ©server les connexions entre ces sites et les sites naturels situĂ©s en dehors de la rĂ©gion bruxelloise (forĂȘt de Meerdael, bois de Hal
) pour permettre aux animaux de circuler, de se mĂ©langer, d’apporter du « sang neuf » et ainsi Ă©viter que ces populations ne s’effondrent par consanguinitĂ©. Ce livre prĂ©sente quelques-uns des plus beaux joyaux naturels de notre pays, dont la forĂȘt de Soignes. Je souhaite aux lecteurs une trĂšs belle immersion dans ce patrimoine naturel remarquable. Bonne lecture !

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préface

Jos Rutten, Directeur gĂ©nĂ©ral Agentschap voor Natuur en Bos – ANB

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Parcourant ce superbe livre aux photos magniïŹques, vous serez sans doute surpris par la grande diversitĂ© des forĂȘts qu’abrite la Belgique, depuis les vastes forĂȘts ardennaises, cathĂ©drales d’arbres atteignant 50 mĂštres de haut et taillis sous futaie fĂ©Ă©riques oĂč le cavalier et son cheval ne sont jamais loin, aux bois de pins clairsemĂ©s et aux denses forĂȘts de bouleaux oĂč rĂšgne une atmosphĂšre de taĂŻga. Par le choix des forĂȘts qu’il prĂ©sente, Olivier Baudry montre que chaque type de forĂȘt est le reïŹ‚et d’une interaction entre le type de sol, l’histoire de sa formation et son utilisation. Ainsi, il brise l’image statique que beaucoup peuvent se faire de la forĂȘt. Il indique Ă©galement comment certaines dĂ©cisions politiques peuvent continuer d’agir durant des dĂ©cennies et rĂ©vĂšle l’incidence du micro- et du macroclimat sur la structure de la forĂȘt. Dans cette dynamique se manifestent aussi bien la vulnĂ©rabilitĂ© que la force de la forĂȘt. Si, Ă  l’instar de la Belle au bois dormant, nous pouvions nous rĂ©veiller aprĂšs un siĂšcle, la quasi-totalitĂ© de la Belgique serait recouverte de forĂȘt. Pour l’illustrer, Olivier propose une simple promenade dans l’une des forĂȘts des riches plateaux limoneux brabançons, oĂč, lors des jours ensoleillĂ©s d’hiver, la chaude lueur rouge des millions de jeunes plants de hĂȘtre se donne Ă  voir. Depuis la ïŹn du XXe siĂšcle, la rĂ©gĂ©nĂ©ration naturelle du hĂȘtre a commencĂ© un spectaculaire mouvement de rattrapage, qui fut longtemps empĂȘchĂ© par le pĂąturage artiïŹciel en forĂȘt, la coupe du taillis et les pluies acides.

En Flandre, cette importante dynamique forestiĂšre est engagĂ©e par la gestion de la nature, notamment pour atteindre des buts ambitieux qui cadrent avec les directives europĂ©ennes Habitats et Oiseaux. Pour obtenir des habitats forestiers en bon Ă©tat, la conversion des forĂȘts (au moins 28 000 ha) comme le reboisement (au moins 6 000 ha) sont nĂ©cessaires. Sur proposition de l’Agentschap voor Natuur en Bos (ANB), une nouvelle lĂ©gislation a Ă©tĂ© Ă©dictĂ©e qui poursuit rĂ©solument l’intĂ©gration de la forĂȘt et de la nature. Cet ouvrage montre que cette intĂ©gration conduit Ă  une plus grande biodiversitĂ©. Il explique Ă©galement comment l’utilisation multiple de la forĂȘt peut parfaitement coexister avec une gestion forestiĂšre axĂ©e sur la nature. Une forĂȘt Ă©cologiquement saine offre une expĂ©rience forestiĂšre authentique aux visiteurs ainsi que des services Ă©cosystĂ©miques tels que la puriïŹcation de l’eau, le contrĂŽle de l’érosion ou la ïŹxation des particules ïŹnes et du carbone. La lecture de ce livre donnera sans doute l’envie d’aller se promener dans ces forĂȘts magniïŹques. En Flandre, les gardes forestiers de l’ANB pourront indiquer tel imposant chemin de promenade, telle agrĂ©able piste de mountain bike, telle aire de jeux d’aventure, tel joli coin barbecue ou telle zone de bivouac isolĂ©e. On rencontre les gardes forestiers dans la forĂȘt, naturellement, mais aussi sur le site Internet de l’ANB. Bonne lecture et bonne promenade !


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sommaire

/ prĂ©face / partie 1 DES CYCLES NATURELS IMITÉS PAR L’HOMME / chapitre 1

18

DES CYCLES IMMUABLES / chapitre 2

48

LES ACTEURS DE NOS FORÊTS / chapitre 3

80

UNE RESSOURCE LOCALE AU CƒUR D’UNE FILIÈRE

/ partie 2 UNE FORÊT D’HISTOIRE, D’ACCUEIL ET DE PROTECTION / chapitre 4

108

UNE SOURCE D’HISTOIRE / chapitre 5

128

L’HOMME, LA FLORE ET LA FAUNE / chapitre 6

160

LA FORÊT POUR PROTÉGER LES RESSOURCES NATURELLES / chapitre 7

176

QUELLE FORÊT BELGE EN 2100 ?

/ adresses utiles

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partie 1

DES CYCLES NATURELS IMITÉS PAR L’HOMME


Jadis, le bois du pin sylvestre approvisionnait les mines en bois de soutĂšnement. Aujourd’hui, le couvert lĂ©ger de cette espĂšce apporte de la lumiĂšre au sol et permet aux hĂȘtres, aux bouleaux et aux chĂȘnes de remplacer progressivement les peuplements de pins.

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chapitre 1

DES CYCLES IMMUABLES Par leur relation diffĂ©rente au temps qui passe, il existera toujours un fossĂ© entre la perception humaine de la forĂȘt et le fonctionnement de cet Ă©cosystĂšme. Pour l’homme, une pĂ©riode de trente ans relĂšve du long terme alors que pour l’arbre, il ne s’agit que d’une prime jeunesse. Comment dĂšs lors apprĂ©hender la complexitĂ© des processus Ă  l’Ɠuvre sous nos yeux lors d’une promenade en forĂȘt ? La forĂȘt que nous admirons aujourd’hui est-elle celle qu’observeront nos enfants ? Rien n’est moins sĂ»r. Lorsque l’on parle de forĂȘt, il convient de penser aux cycles de l’arbre et de la forĂȘt. UNE VIE D’ARBRE /20

Pour Ă©voquer la vie d’un arbre, partons vers l’une des plus vastes forĂȘts du pays : la forĂȘt d’Anlier. Cette forĂȘt s’étend sur plus de 7 000 hectares, sur les territoires des communes de Fauvillers, Habay-la-Neuve, LĂ©glise et Martelange, sĂ©parant les bassins hydrographiques du Rhin et de la Meuse. Elle offre une diversitĂ© de sites oĂč la nature s’épanouit. ForĂȘt ancienne, aux limites dĂ©jĂ  cartographiĂ©es par le comte de Ferraris Ă  la ïŹn du XVIIIe siĂšcle, la grande forĂȘt d’Anlier est couverte en grande majoritĂ© par des peuplements feuillus (85%). En parcourant la forĂȘt d’Anlier sur les chemins et sentiers de randonnĂ©e, le visiteur sera Ă©bloui par la beautĂ© et la solennitĂ© de la vieille hĂȘtraie, enivrĂ© par les hauteurs des frondaisons et Ă©merveillĂ© par la diversitĂ© des vallons, cours d’eau, Ă©tangs et points de vue. La grande forĂȘt d’Anlier est le lieu idĂ©al pour observer tous les stades de dĂ©veloppement de la forĂȘt, des semis jusqu’à la vieille futaie, pour apprĂ©hender l’échelle de temps forestiĂšre et en apprĂ©cier la lenteur des cycles. Quel Ăąge ont ces arbres ? Par quels stades de dĂ©veloppement sont-ils passĂ©s ? Se sont-ils dĂ©veloppĂ©s naturellement ou sont-ils le fruit d’une intervention humaine ? L’échelle humaine est peu appropriĂ©e pour apprĂ©cier le mode de vie des arbres. Notre fonctionnement mĂȘme diffĂšre de celui de la forĂȘt. Si nous osions une comparaison anthropomorphique, deux traits sĂ©pareraient les hommes des arbres: l’espace et le temps. Dans l’espace, malgrĂ© la hauteur qu’il atteint, l’arbre est limitĂ© dans son exploration. Par exemple, dĂ©pendant de l’endroit oĂč la graine s’est ïŹxĂ©e, il ne pourra pas traverser les riviĂšres et les mers et dĂ©veloppera des

stratĂ©gies pour vivre dans son environnement local. Dans le temps, l’arbre est l’un des seuls ĂȘtres vivants Ă  dĂ©passer des longĂ©vitĂ©s supĂ©rieures au millier d’annĂ©es. L’arbre est un ĂȘtre exceptionnel, puisqu’immobile et ne se dĂ©veloppant qu’à partir d’un subtil dosage de gaz (le CO2), d’eau, de lumiĂšre et de quelques Ă©lĂ©ments minĂ©raux, un ĂȘtre « autotrophe » produisant lui-mĂȘme ses molĂ©cules organiques. Si l’on ajoute Ă  cette description le fait que l’on retrouve des arbres sous quasi toutes les latitudes, des dĂ©serts les plus arides aux toundras les plus glacĂ©es, on peut affirmer que les arbres sont des ĂȘtres non seulement exceptionnels, mais aussi prodigieux ! Avant d’atteindre les sommets de la canopĂ©e, l’arbre franchit des Ă©tapes difficiles et vit dans des environnements d’une compĂ©tition extrĂȘme. Son histoire a ainsi commencĂ© par une graine.

UNE ÉBAUCHE DE GÉANT Les graines des arbres utilisent divers moyens pour dissĂ©miner l’espĂšce. Le vent, les animaux et l’eau en sont les principaux vecteurs, Ă  courte mais aussi Ă  longue distance lorsque la graine, arbre en puissance, traverse un continent en tombant dans la source d’une riviĂšre, puis dans un ïŹ‚euve. La forme de la graine renseigne sur la stratĂ©gie de dĂ©veloppement des arbres, de la semence lĂ©gĂšre du saule ou du bouleau, espĂšces pionniĂšres, Ă  la graine lourde du hĂȘtre qui tombe Ă  la verticale des arbres et tĂ©moigne du caractĂšre climacique de l’espĂšce. Lire la graine, c’est dĂ©jĂ  comprendre quelque peu l’arbre Ă  venir.


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chapitre 1

DES CYCLES IMMUABLES

DĂšs le dĂ©but de l’automne, les glands du chĂȘne pĂ©donculĂ© (1) tombent au sol ; au printemps, une plantule de 10 cm Ă©mergera de la graine. En dessous de chaque Ă©caille du cĂŽne de l’épicĂ©a (3), une Ă©bauche de gĂ©ant (2) attend. Au mois de mai, les frondes des fougĂšres-aigles (4) s’épanouissent et forment de denses tapis.

La graine possĂšde le matĂ©riel nĂ©cessaire Ă  la construction d’un nouvel arbre. Elle comporte des tissus protecteurs des Ă©lĂ©ments extĂ©rieurs tels que la sĂ©cheresse ou les prĂ©dateurs et, pour certaines espĂšces, un embryon d’arbre. La graine contient Ă©galement des rĂ©serves permettant Ă  la plantule de survivre et de dĂ©velopper ses premiers organes, pour ses premiĂšres semaines de vie.

/24 Parfois, les conditions de germination ne sont pas rencontrĂ©es et la graine poursuit une pĂ©riode dite de dormance, restant au repos pendant des mois, voire des annĂ©es. Lorsque la graine rencontre des conditions adĂ©quates (rĂ©hydratation de la graine et tempĂ©ratures suffisantes), le dĂ©veloppement de l’embryon s’initie et fait exploser les tissus protecteurs. Une radicule Ă©merge, elle utilise les rĂ©serves de sucres prĂ©sentes dans ce que l’on nomme les cotylĂ©dons et acquiert progressivement les caractĂšres de son autonomie, l’autotrophie, grĂące Ă  ses premiĂšres et petites feuilles. L’arbre initie sa longue vie. Il arrive parfois que la graine soit dĂ©tournĂ©e de sa vocation premiĂšre. Eh oui, la graine est Ă©galement une source de nourriture pour de nombreux animaux : pensons Ă  la sitelle torchepot coinçant les glands entre les rides des Ă©corces du chĂȘne pour mieux les perforer, aux Ă©cureuils collectant des semences de toutes espĂšces en prĂ©vision de l’hiver prochain et Ă  l’homme qui, aujourd’hui encore, se nourrit de chĂątaignes, de pignons de pin ou de noix.

UN MONDE COMPÉTITIF La plantule nouvellement germĂ©e n’est pas seule. Autour et avec elle, d’autres jeunes semis viennent de sortir de terre ; dans une hĂȘtraie, on peut ainsi dĂ©nombrer plus de 200 000 semis naturels par hectare (soit 20 par mÂČ) pour la premiĂšre annĂ©e de vie. À ce stade de dĂ©veloppement, avec ses 10 centimĂštres de hauteur et ses quelques feuilles, le hĂȘtre paraĂźt

discret parmi les ronces, les fougĂšres et autres plantes herbacĂ©es. La compĂ©tition est forte entre ses voisins. CompĂ©tition pour l’eau, pour les Ă©lĂ©ments minĂ©raux mais surtout pour la lumiĂšre. Dans le sous-bois, la plantule reçoit ainsi moins de 1% de l’éclairement qui arrive au-dessus de la canopĂ©e. Cette rĂ©duction de lumiĂšre agit comme un ïŹltre en sĂ©lectionnant les espĂšces selon leur degrĂ© de tolĂ©rance Ă  l’ombrage. Champions toutes catĂ©gories, le hĂȘtre, le charme, le noisetier et le sapin pectinĂ© pourront subsister parfois plusieurs dizaines d’annĂ©es Ă  l’ombre, attendant une ouverture Ă  travers la canopĂ©e. Vivre en forĂȘt n’est donc pas simple pour un arbre. Des 200 000 arbres par hectare initialement installĂ©s, 50 Ă  100 subsisteront au terme de 200 ans. Qui pourrait donc dire, en voyant un jeune collectif d’arbres, qu’une vĂ©ritable guerre de subsistance s’est dĂ©clenchĂ©e et qu’une sĂ©lection drastique s’opĂšre ? Le cycle de l’arbre continue. Nous avons vu que la lumiĂšre Ă©tait un facteur essentiel pour assurer la survie de l’arbre. Mais elle n’est pas seule. L’eau est Ă©videmment tout aussi importante. Un classement des espĂšces selon leur degrĂ© de tolĂ©rance Ă  l’ombrage existe ; nous pouvons Ă©galement utiliser un systĂšme de classiïŹcation sur base de la tolĂ©rance Ă  la sĂ©cheresse. Alors que l’aulne glutineux et le bouleau pubescent seront parfaitement adaptĂ©s aux sols engorgĂ©s en eau, le pin sylvestre et le chĂȘne sessile supporteront des sols trĂšs drainants. On le comprend Ă  la lecture de ces paragraphes : toutes les espĂšces ne sont pas adaptĂ©es Ă  toutes les conditions de croissance. Le corollaire en est que la lecture d’un Ă©cosystĂšme par sa composition en espĂšces vĂ©gĂ©tales permet de mieux le comprendre en jugeant le degrĂ© de richesse du sol, le degrĂ© d’humiditĂ© ou encore d’éclairement.


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