Espece en voie d'extinction

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La 1ere tondeuse éco-conçue Chèvre bon état cherche gazon

La Chine survoltée

N°56 - juin 2008 - LE MAGAZINE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE - www.terra-economica.info

On a retrouvé le géant vert

Climat.

en voie 10Espèce raisons d’extinction d’espérer



sommaire

4 BREVES 5 LU D’AILLEURS 6-7 L’OBJET

Le panneau solaire 8-9 LE MARKETING EXPLIQUÉ À MA MÈRE

Rencontre avec l’homo consumerus 10-17 DOSSIER

L’éclairage dans tous ses éclats 18-20 L’ÉCONOMIE EXPLIQUÉE À MON PÈRE

Crise alimentaire : les raisons de la colère 21 ZOOM

« Breakfast » 22-23 ALORS L’EUROPE ?

Grenelle, puissance 27 24-30 ENQUÊTE

La Chine, une force de la nature 32-33 ILS CHANGENT LE MONDE

Les huîtres tracent leur route 34-37 REPORTAGE

A Abidjan, dans l’écume du « Probo Koala » 38-39 ENRICHISSEZ-VOUS

Attention, œuvres en péril 40-41 EN DIRECT DE WWW.PLANETE-TERRA.FR 42 LE FEUILLETON

Métropole position (10e épisode)

Ont participé à ce numéro (ordre alphabétique inversé) : Charlie Pegg, Karine Le Loët, Solenne Legeay, Arnaud Gonzague, Gaw, Hélène Fily, Hélène Duvigneau, Vincent Defait, Caroline Boudet, Cyrielle Blaire, Anne Bate, Simon Barthélémy, Matthieu Auzanneau, Louise Allavoine, Agence Vu, Toad, Tendance Floue, Frédéric Stucin, Sipa, Rea, Bernardo De Niz, Raphaël Dallaporta (Une), Cire, Steven Burke, AFP – Direction artistique : Denis Esnault – Responsable de l’édition : Karen Bastien – Directeur de la rédaction : David Solon – Responsable des systèmes d’information : Gregory Fabre – Directrice commerciale : Kadija Nemri – Conseiller abonnement : Baptiste Brelet – Assistantes commerciales : Véronique Frappreau et Elodie Nicou – Directeur de la publication : Walter Bouvais. Terra Economica est édité par la maison Terra Economica, SAS au capital de 137 233 euros – RCS Nantes 451 683 718 – Siège social : 42 rue La Tour d’Auvergne, 44 200 Nantes – Principaux associés : Walter Bouvais (président), Gregory Fabre, David Solon, Doxa SAS – Cofondateur : Mathieu Ollivier – Dépôt légal : à parution – Numéro ISSN : 1766-4667 – Commission paritaire : 1011 C 84334 – Numéro Cnil : 1012873 – Impression : Goubault imprimeur, 8 rue de Thessalie, BP 4429, 44244 La Chapelle-sur-Erdre cedex. Lisez-nous, abonnez-vous sur notre site Internet : www.terra-economica.info/abo, par courriel : abo@terra-economica.info ou en nous appelant au 02 40 47 42 66. Ce magazine est imprimé sur papier écologique (ARCTIC Matt paper en 90g/m² pour l’intérieur et 150g/m² pour la couverture) avec des encres végétales.

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brèves

Pomper et prier « Seigneur tout-puissant, viens à nous et donne-nous de la force pour que nous fassions baisser ces prix de l’essence trop élevés », récite Rocky Twyman à une station-service Shell de Washington. Il a fondé récemment le groupe « la Prière à la pompe », rapporte l’Agence FrancePresse. Mains jointes et tête baissée, ils sont une demi-douzaine de fidèles à prier pour que le cours du pétrole s’infléchisse. « Avec la flambée du baril, il y en a qui font beaucoup d’argent et c’est très, très mal. » Mal de cheveux Messieurs, si la calvitie menace, mieux vaut vivre à l’air pur qu’en milieu urbain. Une équipe de scientifiques de l’université de Londres a en effet découvert que la pollution (et la fumée de cigarette) accuentuait la chute des cheveux. Selon eux, les toxines et susbtances cancérigènes contenues dans l’air pollué bloquent le mécanisme de production de la protéine dont sont constitués les cheveux. La calvitie est connue pour être héréditaire, mais la pollution intensifierait le phénomène.

“ Fuel poverty ” Des millions de Britanniques souffrent d’un mal très tendance : la « fuel poverty » ou « pauvreté en carburant ». Cette notion, développée par l’ONG Les Amis de la Terre, « apparaît quand un ménage doit dépenser plus de 10 % de ses revenus en chauffage et en électricité. Il y a actuellement 4 millions de ménages concernés en Grande-Bretagne, alors qu’ils n’étaient “ que ” 2 millions en 2004 ». La hausse des prix mondiaux de l’essence et du gaz a fait totalement capoter le Warm Home and Energy Conservation Act, programme gouvernemental lancé en 2000, rappelle le site Novethic. La nouvelle loi anglaise facilitant les démarches administratives pour tous les propriétaires désireux de produire leur propre énergie renouvelable arrive à contre-courant. Car ce ne sont pas les ménages les plus en difficulté qui vont s’équiper en panneaux solaires, soulignent Les Amis de la Terre. Anne Bate

gros mot

www.novethic.fr

1,13 milliard de dollars

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Téléphone à jeter On connaissait le rasoir, le stylo ou le mouchoir. Voici le téléphone jetable. En provenance directe des Etats-Unis, ce produit éphémère est censé répondre à des demandes « très ponctuelles ». Pas question en revanche d’espérer faire des photos ou enregistrer en vidéo la chute en vélo de votre voisin. Car ces appareils minimalistes ne feront que... téléphone. C’est le constructeur

nord-américain Hop-on qui a remporté le contrat auprès d’opérateurs français. Conscient que son initiative va faire les choux gras des défenseurs de l’environnement, le fabricant prend les devants en annonçant que ses mobiles posséderont une batterie rechargeable et en partie recyclable, et qu’ils seront dépourvus d’écran. Un moindre mal. Charlie Pegg

artgapan / fotolia.com

Les bénéfices de Disney au premier trimestre 2008 en hausse de 22 % par rapport à l’année précédente. La marque aux grandes oreilles a surpris les analystes qui prévoyaient un recul en raison de la crise économique et financière. Mais c’est bien connu, il n’y a pas d’heure pour s’amuser.


lu d’ailleurs

“ Durant les cinq ans à venir, notre croissance s’appuiera sur les semences OGM. ” MONSANTO, leader mondial des graines génétiquement modifiées, a réalisé, au deuxième trimestre de son exercice décalé 2007-2008, un bénéfice de 730 millions d’euros, en hausse de 107 % par rapport à l’année précédente.

Un arbre par an et par lecteur Selon une étude publiée par Greenpeace en 2003, il est difficile pour les écolos britanniques d’avoir bonne conscience en ouvrant leur bouquin de chevet. Certains passionnés économes ont (re)découvert une solution vieille comme les livres : l’échange. Puisque « 40 % seulement de l’industrie du livre en Grande-Bretagne utilise du papier recyclé », détaille le quotidien The Guardian, la seule manière d’épargner les forêts est de traîner dans les bibliothèques. Ou de s’inscrire sur Internet. Car désormais, des sites gratuits mettent en contact les lecteurs intéressés. Bookmooch a ainsi permis l’échange de 700 000 livres en deux ans. Il ne reste plus à l’internaute qu’à payer les frais postaux avant de dévorer tranquillement le best-seller du moment. C.B.

mick20 / fotolia.com

http://blogs.guardian.co.uk

Singapour se jette à l’eau Carton plein. Singapour, pour ses innovations en matière de gestion de l’eau, vient de récolter les louanges du prix Nobel de la paix Muhammad Yunus et une distinction mondiale, le Global Water Award 2008. L’île, qui ne dispose d’aucune nappe phréatique exploitable,  est depuis des

Engrais au biscuit F

aire du compost avec des gâteaux secs : l’idée peut sembler farfelue, et pourtant, c’est une sérieuse étude scientifique québécoise qui l’avance. « Les résidus qui se perdent dans la chaîne de production d’une biscuiterie peuvent nourrir des champs où l’on cultivera des bleuets et des graines de lin », décrit le quotidien Le Devoir. Cet engrais, composé de résidus de biscuits, d’écailles de cacao et de céréales, serait de haute qualité, selon la chercheuse

années « dépendante des importations de la Malaisie voisine », souligne la chaîne BBC News. Vu la hausse des tarifs, Singapour a investi 6 milliards de dollars dans de gigantesques réservoirs d’eau de pluie et des systèmes de désalinisation. Objectif : produire elle-même 1,36 milliard de litres d’eau par jour. Mais surtout, le

qui a mené les tests. « C’est un cycle parfait, sans perte », explique-t-elle. Un gain financier pour la biscuiterie, qui possède des champs cultivés, mais aussi un bienfait pour l’environnement : simplement enfouis, ces déchets auraient dégagé du méthane et des gaz à effet de serre. Avec ce compost, les restes de friandise nourriront la terre, pour un goûter d’un nouveau genre. Caroline Boudet www.ledevoir.com

pays a innové avec  le procédé NEWater, qui permet d’obtenir un liquide propre et potable à partir des eaux usées. Une prouesse technologique et économique, puisqu’un seul litre de cette eau « coûte 30 cents contre 2,20 dollars pour de l’eau désalinisée ». C.B. http://news.bbc.co.uk

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l’objet

Le soleil brille pour longtemps. Et ses rayons sont propres. Mais le panneau qui sert à les tranformer en électricité l’est-il autant ? PAR LOUISE ALLAVOINE

P

hotovoltaïque : d’après Le Petit Robert, « adjectif relatif à la transformation de la lumière en énergie électrique ». Le panneau photovoltaïque, dit « PV » pour simplifier, génère donc des électrons sous l’effet des photons, et ceci grâce à des petites cellules constituées de semi-conducteurs. Des semi-conducteurs ? A priori, ça ne sonne pas très écolo. D’ailleurs, le cycle de vie du panneau solaire PV débute à la mine. Celle de silicium. Cet élément, issu de la silice et une fois traité de façon

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appropriée, va donner les semi-conducteurs nécessaires à la conversion de la lumière en électricité. Mais d’abord, la silice. Il s’agit d’un minéral et par conséquent d’une ressource non renouvelable. Pourtant, notre planète serait loin, très loin, d’en manquer, selon Philippe Veyan. « Comme la silice compose en grande partie la croûte terrestre, on en trouve partout et en quantité quasi illimitée. Ce qui fait tout son intérêt », expose le pédégé de Silpro, future première usine française de silicium pour l’industrie photovoltaïque. Le site de Saint-Auban, en Provence, ouvrira ses portes en 2010 et produira 4 000 tonnes de silicium par an. De quoi fabriquer des panneaux pour une capacité de 400 à 500 mégawatts à l’année. C’est beaucoup, surtout pour l’Hexagone où la filière a besoin d’un électrochoc (lire ci-contre). Dans la chaîne de fabrication des panneaux PV, la

cire / www.cirebox.com

Le panneau solaire


mission de Silpro consiste à purifier le silicium. Ce dernier doit passer du niveau de qualité suffisant pour l’industrie métallurgique à celui nécessaire pour le solaire, soit plus de 99 % de pureté. Pour parvenir à cette performance, le silicium réagit à très haute température avec des produits dangereux tels que l’acide chlorhydrique. « C’est une usine chimique, souligne Philippe Veyan. Elle sera donc soumise aux règles Seveso, ce qui comprend notamment la protection de la population (1). » Les impacts environnementaux sont surtout liés à la consommation d’énergie. « Les très hautes températures nécessaires au processus pompent beaucoup d’électricité. Mais le site sera alimenté par une centrale hydroélectrique. » Propre, donc. Du cristal en tranches La purification et la cristallisation du silicium représentent les étapes les plus énergivores de la fabrication des panneaux photovoltaïques. Ensuite, il faut encore couper le cristal en tranches et l’assembler en modules. Puis restent le transport, l’installation et éventuellement le recyclage. Finalement, le bilan entre l’énergie « grise », c’est-à-dire celle consommée de la mine jusqu’au toit, et l’énergie produite par le panneau après son installation est-il intéressant ? « Clairement, répond Jean-Michel Parrouffe, du département Energies renouvelables de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). Le temps de retour sur investissement représente deux ans en moyenne. » Une étude de l’Agence internationale de l’énergie

Fin 2007, la production photovoltaïque mondiale s’élevait à 12 400 mégawatts. L’Allemagne est définitivement la championne du monde avec, fin 2006, une puissance installée sur son territoire de plus de 3 000 MW. A ses côtés, les principaux pays producteurs sont le Japon, les Etats-Unis et la Chine. Côté fabricants, les trois premières positions sont occupées par Sharp (Japon), Q-Cells (Allemagne) et Suntech (Chine). La France se situe à la cinquième place européenne avec 32 MW installés, fin 2006, selon le baromètre EurObserv’ER.

c’est le niveau que doit atteindre le silicium pour le solaire.

L’usine de Silicium de Provence (Silpro) : www. siliciumdeprovence. com/index.php Le solaire photovoltaïque expliqué par l’Ademe : www2.ademe.fr (section énergies renouvelables) L’association PV Cycle : www.pvcycle.org La plateforme européenne de la technologie photovoltaïque : www.eupvplatform. org/index. php?id=133

(AIE) a en effet montré que, selon la localisation en Europe et donc l’ensoleillement, les panneaux solaires mettaient de un à trois ans pour « rembourser » l’énergie grise dépensée par leur fabrication. Et « leur durée de vie est estimée à une trentaine d’années », ajoute Jean-Michel Parrouffe : ils produiraient donc 10 à 30 fois l’énergie consommée. Par ailleurs, la technologie des systèmes photovoltaïques progressant rapidement, ce rapport pourrait encore s’améliorer. « Actuellement, le rendement des panneaux PV, c’està-dire la quantité de lumière réellement transformée en énergie électrique, est de 6 % à 15 %. Entre 2020 et 2025, il devrait se situer dans une fourchette de 20 % à 25 % », selon le spécialiste de l’Ademe. Des modules en fin de vie Et une fois au rebut ? Il n’existe pas, pour le moment, d’obligation pour les fabricants de retraiter et recycler les panneaux solaires en fin de vie. Mais le « gisement est encore faible », constate l’Association européenne de l’industrie photovoltaïque (Epia). Cette filière devrait relever directement de la directive européenne sur les déchets d’équipements électriques et électroniques (D3E). Mais les producteurs préféreraient un système harmonisé à l’échelle de l’Union et dédié uniquement au photovoltaïque. C’est pourquoi ils ont créé, en juillet 2007, PV Cycle, une association pour la récupération des modules. Son objectif est d’atteindre 85 % de panneaux retraités d’ici à 2015. — (1) Une entreprise Seveso a une activité liée à la manipulation, la fabrication, l’emploi ou le stockage de substances dangereuses (par ex., raffineries, sites pétrochimiques, usines chimiques, dépôts pétroliers ou d’explosifs).

L’Allemagne en puissance

Plus de 99 % de pureté,

Pour aller plus loin

« Les apprentis z’écolos » et le papier-toilettes Découvrez le nouvel épisode de la série de dessins animés de Terra Economica qui dit tout sur le papier-toilettes (en coproduction avec Télénantes et Six Monstres) : www.planete-terra.fr (rubrique Environnement)

Un panneau « rembourse » en un à trois ans l’énergie consacrée à sa fabrication.

Les Pays-de-la-Loire sont leader français en photovoltaïque avec 1  44O kW installés. terra economica

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le marketing expliqué à ma mère

Rencontre avec l’homo

consumerus

Les publicitaires rêvent d’un individu à hauts revenus, en quête effrénée de nouveautés, imité par d’autres consommateurs. Ils l’ont trouvé dans la communauté gay. Enfin, dans son stéréotype. PAR KAREN BASTIEN

Des hommes-échantillons Dans certains secteurs, c’est même l’embouteillage au portillon gay. Au rayon des voyages par exemple. A la tête de 1 400 membres, la Gay and Lesbian Travel Association affirme que la population ho juin 2008

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steven burke - http://stevenburke.blogspot.com

«P

apa, maman, il faut que je vous dise quelque chose », lâche le fils. Silence gêné autour de la table. « Mais qu’est-ce qu’on a fait de mal ? », implore le père. « J’aime la viande ! », lâche le beau gosse. Ce « coming out » fait-il de Charal une viande gay ? A l’image des cartes bancaires dédiées – la « Rainbow Card » de Visa –, des croisières 100 % homo ou des alcools – la gamme « Rainbow Spirit » de Marie Brizard – qui enivrent spécialement leur soirée, l’estampille gay remplit les poches des marques. On est certes encore loin du yaourt, du camembert, de la pizza ou du steack gay. Mais les marketeurs y songent certainement. Car à leurs yeux l’homosexuel(le) prend les formes généreuses d’un gros portefeuille : un statut de cadre ou une profession libérale, une vie de couple avec deux revenus, sans enfants. On parle de DINK dans les pays anglo-saxons pour « double income, no kids ». Comme ils ne s’inscrivent pas dans une logique de transmission de patrimoine ou d’épargne pour leur famille, on les classe en purs consommateurs. Aux Etats-Unis, la communauté gay – dont le pouvoir d’achat est estimé à plus de 640 milliards de dollars (1) – représente le marché communautaire non ethnique le plus lourd du pays (lire ci-contre). Les Anglo-Saxons qui ont le sens de la formule résument l’affaire en « dream market » – « marché de rêve » – pour les Américains et en « pink pound » – la « livre sterling rose » – pour les Anglais.


5 000 dollars annuels,

c’est ce que dépense un gay américain pour voyager.

400 e-mails d’indignation reçus 1994 : Ikea met en par Matelsom après une pub montrant un couple homosexuel.

mosexuelle concentre 10 % du marché touristique américain, soit 54,1 millliards de dollars de chiffre d’affaires. Ces clients voyagent en moyenne 7 fois par an et y consacrent 5 000 dollars annuels. Dans l’Hexagone, près de 70 % des homosexuels déclarent avoir bourlingué à l’étranger dans les douze derniers mois (2), alors qu’ils ne sont qu’un Français sur cinq à faire de même. Le secteur des assurances fait lui aussi sa révolution rose. Il était jusqu’alors difficile pour cette catégorie de clients, de s’assurer car les contrats types oubliaient la case « couple homosexuel ». Le néerlandais Aegis et le français April group ont donc façonné des « produits » sur mesure favorisant l’accès à la propriété des couples homosexuels ou permettant enfin aux individus séropositifs d’obtenir des assurances de prêt. Mais les gays ne sont pas uniquement des parts de marché. Ce sont aussi de précieux détecteurs de tendances. Dans les études marketing, on les qualifie d’« early adopters ». Sensibles aux innovations, au design, aux technologies, à la mode, les marketeurs les considèrent comme d’excellents échantillonstests pour le lancement de produits. La marque Martial Viahero, qui a vu son sac bandoulière, le « record bag », adopté par la communauté homosexuelle, a rapidement gagné une image tendance. Bilan : plus de 300 000 exemplaires vendus. Bien loin de la transgression Mais attention, la ménagère de moins de 50 ans n’est pas exclue de ce billard marketing à cinq bandes. Car les gays, réputés pour être des clients exigeants, ont une bonne image auprès des consommatrices. Procter et Gamble n’a donc pas craint d’afficher, dès 2002, un jeune homo dans sa publicité pour Vizir. « Cela a permis de dépoussiérer la marque. En plus, les femmes aiment l’idée d’un homme qui s’occupe de la lessive, c’est plus valorisant que de voir une ménagère en blouse…», précise Laure Leveel, chef de publicité à l’agence Leo Burnett (3). Aujourd’hui, communiquer en direction des gays ou en utilisant l’imagerie homosexuelle n’est plus un acte remarqué pour son militantisme. « Nous sommes passés d’un marketing de la transgression à un marketing de l’opportunité », constate Gauthier Boche, auteur de l’article « Publicité » dans le Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes. Les risques étaient tout autres, en 1994, quand Ikea a mis en scène un couple gay s’achetant des meubles de salle à manger. Aujourd’hui, l’affi-

Pour aller plus loin

Site avec toutes les publicités ayant une thématique homosexuelle : www.commercial closet.org Site sur les tendances marketing des gays américains : www.gaymarket news.com Le marketing gay, Yohan Gicquel, éd. Le Génie des Glaciers (2007) Ethnik, le marketing de la différence, Anne Sengès, Autrement (2003)

scène un couple gay dans une publicité grand public.

che pour les matelas Matelsom mettant en scène deux hommes, en pyjama, dormant l’un contre l’autre, a suscité 400 e-mails d’indignation, essentiellement de blogs d’ultras catholiques. Pas de quoi faire flancher Emery Jacquillat, le patron de Matelsom, qui l’assure : « C’est une image de notre temps. Les homosexuels font partie de notre société. » (4) La peur du ghetto Reste qu’en France le marketing dit communautaire – sexuel, ethnique, religieux, voire même régional – ne prend guère. « La France républicaine est une et indivisible et rejette le communautarisme sous prétexte qu’il risque de ghettoïser la société », explique Anne Sengès, journaliste indépendante et auteur d’Ethnik, le marketing de la différence. En Europe, la Grande-Bretagne ou les Pays-Bas ont franchi le pas depuis plus de cinq ans. Et aux Etats-Unis, on ne s’embarrasse pas de telles considérations. « Les Américains utilisent le marketing pour faire admettre à l’Amérique qu’elle ne peut pas se passer de ses minorités, poursuit Anne Sengès. Etre américain, c’est désormais partager non pas une couleur de peau, mais des habitudes de consommation. » — (1) Evaluation de Witeck-Combs Communications. (2) Enquête de BSP réalisée en 2006. (3) L’Express, octobre 2004. (4) Libération, 30 avril 2008.

Un fantasme publicitaire ?

Mais combien sont-ils ces homosexuels qui font tant rêver le monde de la publicité ? Entre 1,5 et 3,5 millions en France, 3,6 millions en Grande-Bretagne... Des chiffres sujets à caution puisque la plupart des statistiques européennes s’interdisent de poser des questions sur l’origine ethnique ou les orientations sexuelles. Et le recensement américain n’a entrepris qu’il y a peu d’inclure les données relatives aux couples homosexuels. Finalement, les données concernant ce marché proviennent surtout du lectorat des magazines ou des sites gays qui mènent les enquêtes. Or ces échantillons autoconstitués ne prennent pas en compte l’hétérogénéité de cette communauté, mais viennent au contraire renforcer le stéréotype du gay fêtard, urbain, branché.

Retrouvez « le marketing expliqué à ma mère » sur : www.terra-economica.info terra economica

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meyer / tendance floue

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L’éclairage mond dans tous ses éclats


Haro sur la lampe à filament.

Après cent ans de bons et loyaux services, la trouvaille d’Edison n’est plus la bienvenue dans un monde d’économies d’énergie. Sa fin programmée aiguise les appétits. Qui, de la fluocompacte ou de la LED, gagnera la place au plafonnier ? PAR CYRIELLE BLAIRE

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as le choix. Economies d’énergie obligent, les 7 milliards d’êtres humains que nous sommes allons devoir nous résoudre à nous éclairer autrement. Les chiffres de la Commission européenne claquent comme un coup de fouet : l’éclairage électrique génère l’équivalent de 70 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) des véhicules des particuliers dans le monde ! La directive européenne sur la consommation énergétique des produits (EuP) préconise donc de renoncer aux équipements les moins performants. Exit les ampoules incandescentes et halogènes, jugées beaucoup trop gourmandes, d’ici à 2012. Un bref coup d’œil au plafond de votre bureau vous permettra de constater que les tubes fluocompacts sont déjà quasiment partout, le milieu professionnel s’étant largement converti à la faible consommation. Dans nos rues, le halo doré des lampes à vapeur de sodium ou la lumière blanche à iodures métalliques allègent considérablement la facture d’électricité des communes. Mais il reste un mauvais élève : nous, les particuliers. Car éteindre ses loupiotes en

ndial Times Square, à New York en 2000.

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dossier

Arrêt de mort mondial De l’autre côté de l’Atlantique, la Californie, connue pour ses pannes d’électricité à répétition, a d’ores et déjà annoncé l’abandon des ampoules à tungstène d’ici à 2010. L’Australie et le Canada devraient emboîter le pas dès 2012. Et l’Hexagone ? Le Grenelle de l’environnement a promis de mettre rapidement hors la loi les modèles les plus énergétivores (plus de 100 W). Les deux grands fabricants, Philips et Osram, ont d’ores et déjà annoncé l’arrêt de leur production d’ampoules incandescentes dès l’année 2015. La mise au rebut des 12 milliards d’ampoules d’Edison éclairant la planète semble programmée. Mais par quoi les remplacer ? Tous les professionnels le clament en chœur : dans quelques années, la lumière sera électronique. Electronique ? Vous avez bien lu. Car dans le monde de l’éclairage, la petite bête qui monte se prénomme diode électroluminescente. Ou LED pour les intimes. Le marché de la diode s’affole et devrait connaître, en 2008, un pic de croissance de 12 %. Les géants de l’éclairage ont donc les yeux braqués sur les clignotants de cette technologie extrêmement prometteuse. Mais qu’est-ce qui fait donc tant tilter ces groupes industriels ? Terra Economica vous livres ses éclairages. — 12 juin 2008

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jan banning / panos-rea

sortant de chez soi ne suffit plus. Selon les fabricants d’ampoules, l’exclusion des lampes domestiques à faible efficacité énergétique au sein de l’Union européenne permettrait, d’ici à 2015, de « récupérer » 7 milliards d’euros par an. « Les économies d’énergie globales espérées grâce à la basse consommation sont de l’ordre de 40 %, estime Guy Gauthier, responsable des marchés professionnels chez Philips Eclairage. Cette technologie permettrait d’éviter l’émission de 592 millions de tonnes de CO2. L’équivalent de la production annuelle de 530 centrales électriques de taille moyenne en Europe ! »

Dans une usine Philips en Pologne, en 1995.


Industrie cherche idée lumineuse Les professionnels n’ont que le mot LED à la bouche. Mais l’éclairage électronique, qui n’en est qu’à ses prémices, va devoir redoubler d’efforts pour emballer les consommateurs. uel est le point commun entre les feux du Velib, les flashes GSM d’un téléphone portable et l’ambiance lumineuse du TGV Est ? Vous ne voyez pas ? Tous ces systèmes d’éclairage fonctionnent grâce à des diodes électroluminescentes. Retour historique. La fin du XIXe siècle fut marquée par l’apparition de la bonne vieille lampe à incandescence d’Edison. Le XXe siècle permit l’émergence d’une lampe à fluorescence économe en énergie. Mais la révolution du siècle qui s’ouvre pourrait bien venir de la lumière électronique, à travers les LED (Light-Emitting Diode) fonctio nnant à très basse tension. Ses atouts ? Des couleurs saturées qui font craquer les décorateurs, une faible consommation électrique, une forte luminosité et un allumage instantané capables de séduire les ménages. Ces diodes miniaturisées sont aussi en mesure de résister près d’une centaine de milliers d’heures. Petites mais costaudes donc. Car l’obsession aujourd’hui consiste à éclairer à l’économie. Les blocages de la ménagère Dans les années 1980, en réponse au deuxième choc pétrolier, les industriels propulsaient dans le panier de la ménagère la lampe basse consommation à fluorescence de mercure. Cette technologie consommait en effet 4,5 fois

moins d’énergie que l’incandescence. Mais voilà, les premiers modèles fluocompacts firent un flop. Trop froids, trop lourdingues avec leurs doubles culots, trop lents à s’allumer. Bref, une calamité. « La ménagère de moins de 50 ans n’a pas adhéré », lâche Bernard Duval, délégué général de l’Association française de l’éclairage. Depuis, un arsenal de normes a contribué à l’amélioration qualitative de celle qu’on surnomme la « fluo ». Elle a ainsi conquis le secteur tertiaire. Mais le marché domestique lui résiste. Alors que 280 millions de lampes à incandescence sont vendues chaque année en France, seules 20 millions d’ampoules basse consommation sont achetées par les ménages. « On ne peut pas convertir des pratiques du jour au lendemain, même en réglementant », déplore Bernard Duval. On compte aujourd’hui, en moyenne, seulement deux lampes basses consommation par foyer. Avec 95 % des incandescentes situées à l’intérieur de nos maisons, l’enjeu est pourtant clair. Les gros culots de la fluo ne sont plus à la mode ? Qu’à cela ne tienne. La lampe halogène haute efficacité, qui vient de débarquer sur le marché, permet de réaliser 30 % à 50 % d’économie et dure plus longtemps qu’une lampe classique. « Elle apporte une meilleure qualité de lumière et d’allumage que la fluocompacte. C’est une bonne technologie transitoire en attendant l’arrivée des LED », indique Pierreterra economica

juin 2008 13


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Yves Monleau, chargé de communication au Syndicat de l’éclairage. Pas un simple gadget Les LED, parlons-en. Les professionnels de l’éclairage n’ont que ce mot à la bouche. Bêtes de laboratoire issues du secteur de l’électronique, les diodes électroluminescentes ont été inventées en 1962 par un chercheur américain, Nick Holonyak. Dans son laboratoire, l’homme avait réalisé que pour chaque watt d’électricité utilisé, la diode produisait une lumière plus brillante que toute autre ampoule. Aujourd’hui, les diodes ont dépassé le statut gadget de simple voyant lumineux. Grâce à leur qualité de restitution des couleurs, elle se sont imposées dans des domaines comme l’illumination, la décoration et la signalisation. Les communes elles aussi s’y convertissent afin de conjuguer économie et esthétisme. A Rouen, la mise en lumière de la Tour des archives grâce à des LED a permis de diviser la facture d’électricité par six. Les LED sont partout et elles séduisent, comme ces diodes installées il y a une dizaine &) _j^c '%%- iZggV ZXdcdb^XV

280 millions de lampes à incandescence sont vendues chaque année en France, contre seulement 20 millions de basse consommation.

d’années à tous nos feux tricolores et qui s’y trouvent encore. Alors à quand des LED pour s’éclairer à la maison ? A l’heure actuelle, « les diodes permettent d’éclairer, mais pas de s’éclairer, résume Bernard Duval. Mais la révolution est marche. On peut ainsi, depuis quelques années, générer de la lumière blanche. » Or qui dit blanc, dit éclairage général. En septembre 2007, CREE, un des leaders dans le domaine des éclairages électroniques, annonçait qu’une de ses LED blanches avait été en mesure de produire l’équivalent lumineux d’une ampoule domestique de 75 W. Un bond de géant pour des puces qui pourraient bientôt mettre au rancart halogènes et incandescentes.

La viande a l’air plus rouge « Dans cinq ans, la lumière sera électronique », n’hésite d’ailleurs pas à prophétiser le responsable de l’Association française de l’éclairage. Car, face à la LED, la « fluo » ne tient pas la comparaison : « Les diodes n’encombrent pas, permettent des gains d’énergie de 1 à 10, diminuent le recours à la maintenance, énumère Bernard Duval. De plus, les systèmes électroniques sont capables de gérer la présence et la lumière du jour. Donc d’apporter, par exemple, un éclairage de simple compensation dans un bureau. » Soit autant d’heures en moins d’éclairage inutile. A écouter les chercheurs, les LED donneraient même meilleure mine ! « Sur l’étal du boucher, la


Basse consommation : l’heure critique Fluocompactes et LED consomment moins, mais elles ne font pas le maximum. Recyclage insuffisant, fabrication très énergivore ou utilisation de matériaux rares : les critiques fusent.

A

près avoir été portées au pinacle, c’est la curée. Les lampes fluocompactes sont actuellement la cible de vives critiques. Les ampoules à culot contiennent en effet de la vapeur de mercure à hauteur de 5 mg. Elles constituent donc un déchet dangereux qui doit être collecté et traité après usage. Une information méconnue du grand public qui continue de les jeter directement à la poubelle. Conscient que ce défaut plombe l’image écolo de ce produit plein d’avenir, Philips prend les devants. La multinationale garantit qu’elle sera capable de

supprimer le mercure des lampes basse consommation au cours des prochaines années. Mais une seconde charge a récemment été retenue contre les fluo : certains modèles émettraient des champs électromagnétiques « susceptibles de gravement perturber les personnes ». La mise en garde est venue en septembre 2007 du Centre de recherche et d’information indépendantes sur les rayonnements électromagnétiques (Criirem), déconseillant leur usage comme lampe de chevet. En réponse, la Fédération européenne des industries des lampes a dégainé une étude suisse

indiquant que les rayonnements seraient identiques à ceux de l’incandescence. L’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (Afsset), qui a été saisie de l’affaire, devrait prochainement trancher. Quête de composants alternatifs Les LED n’ont pas tous ces défauts. Mais sont-elles propres pour autant ? Pas si sûr. Leur fabrication exige d’importantes dépenses énergétiques ainsi que l’utilisation de métaux rares. « L’industrie des semi-conducteurs est beaucoup plus polluante que l’industrie classique de la lampe. Les solvants utilisés sont dangereux, et certains composés comme l’indium ou le phosphide peuvent entraîner des malformations… », détaille Georges Zissis, chercheur spécialisé dans les sciences de la lumière à l’université de Toulouse. Des expérimentations sont actuellement menées sur des matériaux alternatifs tels que l’oxyde de zinc ou le silicium pur. Au même titre que les fluocompactes, les diodes doivent ensuite être collectées après services rendus. Pour être recyclées ? « Les LED sont soumises à la directive D3E sur les déchets électroniques en fin de vie, rappelle Hervé Lefebvre, spécialiste de l’éclairage à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). Mais après 50 000 heures d’usage, les composants ne sont pas récupérables et sont donc voués à la destruction. » Chez Recylum, éco-organisme chargé du recyclage des ampoules, on avoue manquer de recul : « Les LED sont très récentes, explique Ophélie Plantard, chargée de communication. La plupart des produits ne sont pas encore arrivés en fin de vie. Mais on peut penser que les LED devraient être recyclées de la même manière que les cartes électroniques que l’on trouve à l’intérieur des ordinateurs ou dans l’électroménager. » Reste que l’énergie électrique consommée tout au long de la durée de vie d’une source de lumière est responsable pour plus de 90 % de son effet sur l’environnement. — iZggV ZXdcdb^XV _j^c '%%- &*


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-µnMFDUSPOJRVF B QJHOPO TVS SVF La technologie des LED pourrait très vite s’imposer comme la nouvelle source d’éclairage des espaces publics. Des chercheurs de l’université de Manchester (Grande-Bretagne) travaillent actuellement sur des modules d’éclairage à faible coût, utilisables en extérieur. Cette option technologique pourrait permettre une réduction de 25 % à 50 % de la consommation énergétique dédiée à l’éclairage public. Alors que les lampadaires à sodium couramment utilisés en Europe ont une efficacité de 85 lumens/W, les modules d’éclairage à LED pourraient atteindre – voire dépasser – les 150 lumens/W.

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viande a l’air plus rouge. Miracle ? Non, c’est simplement parce que les diodes permettent de trafiquer le spectre des couleurs », explique Françoise Viénot, professeur au Musée national d’histoire naturelle. Pour autant, la qualité lumineuse des LED blanches doit encore être améliorée afin de trouver preneur chez les consommateurs. Obtenues grâce au saupoudrage de poudres fluorescentes jaunes sur des diodes bleues, elles ne donnent pas toujours le rendu voulu. Les ambiances sont souvent jugées trop « froides », le blanc a tendance à « tour-


Dans le quartier d’affaires de Pékin en 2006.

ian teh / agence VU

Une partie de la Terre n’est pas éclairée : 1,6 milliard d’êtres humains n’ont pas encore accès au réseau électrique.

ner » avec le temps ou une augmentation de la température. Mais surtout, « l’électroluminescence reste une technologie qui coûte cher », insiste Georges Zissis, chercheur spécialisé dans les sciences de la lumière. Le salut pourrait venir alors d’une cousine des LED, celle dite organique, l’OLED. Après quatre ans de recherches et de tests, General Electric, le géant américain, est parvenu à fabriquer sur rotatives des composants OLED à faibles coûts. Son objectif est désormais de commercialiser ces nouveaux produits d’éclairage d’ici à 2010.

Une révolution de vingt ans Reste qu’on ne jettera pas du jour au lendemain la lampe héritée de grand-mère pour la remplacer par un support à diodes. « Pour renouveler un parc d’éclairage domestique, il faut compter vingt ans, souligne Frédérique Le Houedec, directrice du développement chez Future Lighting Solutions. L’adoption des diodes devrait d’abord démarrer dans les commerces et les bureaux en remplacement des tubes fluocompacts. » Des produits éducatifs montrent déjà discrètement leur nez dans nos maisons. « Pour être adopté par le consommateur, il ne suffit pas qu’un produit présente un avantage écologique. Il faut aussi qu’il soit marketé efficacement », commente Julien Irraga Gracia, fondateur du cabinet de conseil Econcepts. Les marques se sont donc déjà attelées à rendre leur gamme plus « tendance ». Dans les pays émergents, l’enjeu est tout autre. Une partie de la terre n’est effecti-

vement pas encore éclairée : 1,6 milliard d’humains n’ont pas encore l’électricité. Seuls 26 % des Africains y ont accès. L’électricité électronique pourrait-elle changer la donne ? C’est ce que veut croire Frédérique Le Houedec. « En arrivant au bout du monde dans un baraquement kényan, j’allume la lumière, raconte-t-elle. Or il était équipé de LED alimentées par un capteur solaire. » Une solution que développe Light up the World, une ONG qui s’est donné pour mission d’équiper en diodes alimentées au solaire des foyers jusque-là dépourvus d’électricité. Attention toutefois aux fausses bonnes idées. « Certaines études montrent que les consommateurs auraient tendance à laisser leurs ampoules basse consommation allumées plus longtemps, ce qui annulerait les gains en économie d’énergie… » rapporte Julien Irraga Gracia. Hum, hum… Je vais aller vérifier si j’ai bien éteint dans la cuisine… — iZggV ZXdcdb^XV _j^c '%%- &,


l’économie expliquée à mon père

37 pays subissent aujourd’hui une grave crise alimentaire, selon les Nations unies. 18 juin 2008

terra economica

760 dollars, le cours

de la tonne de riz en mars, alors qu’elle se négociait 300 dollars en début d’année.

Six années de

sécheresse consécutives en Australie ont réduit les récoltes de riz de 98 %.


Crise alimentaire : les raisons de la colère

Les émeutes de la faim agitent le monde entier. Les denrées de base, comme le riz et le blé, sont devenues inaccessibles. Sommes-nous face à la première grande crise de la mondialisation ? PAR MATTHIEU AUZANNEAU

P

toad / www.politicommedia.fr

ort-au-Prince, capitale du pays le plus pauvre de la planète : Haïti. C’est là que la colère a éclaté aux yeux du monde entier. Le Premier ministre haïtien a dû quitter ses fonctions après des émeutes de la faim meurtières, en avril. Pourtant, l’organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) avait prévu la catastrophe il y a déjà plus d’un an. D’autres émeutes ont démarré ailleurs, dans de nombreux pays africains, en Indonésie, ou encore au Mexique. En tout, 37 pays font aujourd’hui face à une grave crise alimentaire, selon la FAO. Les stocks de nourriture mondiaux sont au plus bas depuis un quart de siècle. Le problème ne date pas d’hier matin et risque de durer. La faim a en effet de l’avenir. Démonstration avec l’exemple du riz : il se négociait à 300 dollars la tonne début 2007, son prix est monté à 760 dollars au mois de mars 2008. « Tout converge pour faire augmenter durablement les prix, s’inquiète l’agronome français Michel Griffon, directeur général adjoint de l’Agence nationale de la recherche. Nous sommes devant la première très grande crise systémique de la mondialisation. » Entre fortes contraintes environnementale et démographique, et impasse des stratégies libérales, explication en 7 points. 1/ La demande des pays émergents Il y a un siècle, les Français utilisaient l’expression « gagner son pain ». Aujourd’hui, on dit plutôt « gagner son bifteck ». La même transition est à l’œuvre dans les pays émergents, mais à une tout autre échelle. Les nations les plus peuplées de la Terre s’enrichissent à grande vitesse. La demande alimentaire des nouvelles classes moyen-

Pour aller plus loin

Nourrir la planète, Michel Griffon, Odile Jacob (2006). Nourrir l’humanité, Bruno Parmentier, La Découverte (2007). Eco-économie, Lester R. Brown, Seuil (2003).

nes chinoise et indienne explose. Conséquence : « L’ère de la nourriture à bas prix se trouve derrière nous », prévient Olivier de Schutter, le nouveau rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l’alimentation (1). 2/ La stagnation des rendements La FAO constate que la productivité agricole ne progresse plus dans de nombreuses régions du globe. La hausse des rendements obtenue grâce à la « révolution verte » – mécanisation de l’agriculture et introduction des produits chimiques – s’essouffle. En outre, l’urbanisation réduit l’accès aux meilleures terres. Dans de nombreuses régions d’Asie, la production se trouve désormais limitée par l’assèchement des eaux souterraines, trop sollicitées. Dans le nord du Gujurat, cœur de l’agriculture indienne, les nappes phréatiques baissent de 6 mètres par an, selon New Delhi. 3/ Les aléas climatiques L’Australie est l’une des principales nations exportatrices de nourriture. Six années consécutives de graves sécheresses ont réduit les récoltes de riz de 98 %. L’ampleur et la fréquence de ces sécheresses est cohérente avec les prédictions des climatologues des Nations unies : le changement climatique a de fortes chances d’en être la cause. Même si le réchauffement pourrait bien un jour améliorer les récoltes au Canada, en Argentine ou en Russie, il risque d’ici là de déstabiliser les capacités de production de pays proches des tropiques, comme l’Australie. 4/ Le prix du pétrole L’équilibre alimentaire de la planète dépend des terra economica

juin 2008 19


l’économie expliquée à mon père

5/ La spéculation La plongée des marchés d’actions depuis le début de 2008 a entraîné un report massif et sans précédent de la spéculation sur les denrées et les matières premières agricoles, des semences aux pesticides. Les fonds de pension se sont en effet rués sur les seules valeurs qui – avec le pétrole – dégagent actuellement de hauts rendements. Les politiques défensives de l’Inde ou de la Chine, qui ont constitué des stocks massifs, accentuent le phénomène. A Chicago, où sont cotées la plupart des denrées, des hausses de 30 % au cours d’une seule journée ont été enregistrées en mars sur les prix de céréales comme le blé et le riz. 6/ Les agrocarburants Les carburants à base de plantes, telles que le maïs ou la canne à sucre, sont au centre de la polémique. Les Etats-Unis consacrent déjà près du quart de leur récolte de maïs à la distillation d’éthanol. Washington considère les agrocarburants comme un instrument indispensable pour réduire la dépendance vis-à-vis du pétrole du Golfe persique. Pour Bruno Parmentier, auteur de Nourrir l’humanité (La Découverte), « ça a été une folie de penser que nous avions trop de céréales et que nous pouvions en brûler dans nos moteurs ». Il dénonce : « C’est le réservoir d’essence des riches contre l’assiette des pauvres. » Le Suisse Jean Ziegler, ex-rapporteur des Nations unies sur le droit à l’alimentation, ne mâche pas ses mots contre le développement rapide des agrocarburants qu’il qualifie de « crime contre l’humanité ». 7/ Les limites de la dérégulation En avril, le directeur général de la FAO, Jacques Diouf, lançait : « La situation actuelle est le résultat de vingt années de politiques inappropriées. Entre 20 juin 2008

terra economica

Pour aller plus loin

Le site de l’organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture : www.fao.org

1990 et 2000, les aides à l’agriculture ont été divisées par deux ». En 2008, la Banque mondiale a publié son premier rapport annuel consacré à l’agriculture depuis… 1982, insistant pour la première fois sur l’importance du rôle des subventions publiques pour encourager les investissements. Un virage à 180 degrés, après deux décennies passées à condamner les aides publiques. — (1) Le Monde du 3 mai 2008.

Lire aussi le dossier « Nourrir l’humanité » sur : www.terra-economica.info/a3566.html

“ Paradoxalement, c’est une chance pour l’agriculture de demain ” MICHEL GRIFFON, agronome

Des responsables des Nations unies, dont le directeur général de la FAO, fustigent la politique menée depuis vingt ans par les grands bailleurs de fonds. Pourquoi ? Depuis 1985, les politiques dites « d’ajustement structurel » du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale ont très directement pénalisé la productivité agricole des pays en voie de développement. Ces politiques libérales visaient à accorder des prêts en échange de la suppression des barrières douanières et des subventions. C’est cette stratégie qui a fait plafonner les rendements et la production, en décourageant les investissements qui étaient indispensables. Jamais autant de pays pauvres n’ont été aussi dépendants des exportations des pays riches. Il existe aujourd’hui, notamment en Afrique, une déconnexion entre la croissance de la demande des populations urbaines et la faiblesse de l’offre des campagnes. Les subventions agricoles maintenues par les pays du Nord ne sont-elles pas également en cause ? Les subventions américaines et, en Europe, la Politique agricole commune ont eu pour effet de maintenir des prix agricoles bas, décourageant la nécessaire hausse de la production dans les pays pauvres. Sauf que maintenant, les denrées agricoles sont devenues chères. Ce nouveau régime des prix n’est-il xpas une opportunité ? Je le crois. Le système alimentaire mondial se trouve face à la première très grande crise systémique de la mondialisation. La hausse actuelle des prix va augmenter les revenus de l’agriculture. Il faut saisir cette occasion de relancer les investissements publics et d’améliorer la productivité des pays pauvres. Ces derniers vont enfin pouvoir rattraper leur retard. L’argent gagné aujourd’hui doit profiter aux investissements que les politiques d’ajustement structurel ont empêché pendant deux décennies. Car il ne faut pas perdre de vue le défi à long terme. Il faut doubler la production agricole d’ici à 2050 pour faire face à la demande future, et ceci sans dégrader encore davantage l’environnement. —

frederic stucin / MYOP

exportations d’un petit nombre de pays : EtatsUnis, Australie, Argentine, Canada et Thaïlande. Ces pays se sont dotés d’agricultures à haut rendement, très voraces en hydrocarbures (machinesoutils, serres chauffées, engrais à base de gaz naturel, etc.). Le célèbre agronome écologiste Lester Brown le souligne : aux Etats-Unis, les hydrocarbures comptent pour plus du tiers du coût total de la production agricole ! Pour lui, « l’agriculture moderne est devenue une technique de transformation du pétrole en nourriture ». La flambée durable des cours de l’or noir alimente donc la hausse des coûts des produits agricoles.


zoom

jon huck

Zoom sur « Breakfast »

Jon Huck est un photographe compulsif. Et ce sont ses amis qui en « souffrent » le plus. Dans sa série « Couples », il avait immortalisé une centaine d’entre eux avec leur conjoint du moment. Ce natif de Los Angeles voulait ainsi rendre compte – avec un cynisme assumé – de la volatilité des relations amoureuses. D’aspect plus léger, « Breakfast » (photo) approfondit son travail qu’il qualifie lui-même de « sociologique plus qu’artistique ». Dans cette série d’une centaine de clichés, ses proches lui ont révélé ce qui faisait le bonheur de leur assiette et de leur tasse matinales. http://jonhuck.com Jon Huck publie ses propres livres sur www.blurb.com/user/store/jhuck terra economica

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alors l’Europe ?

Le Grenelle puissance 27

Paris va prendre les rênes de l’Union européenne avec en tête de ses priorités la lutte contre le changement climatique. Mais les négociations sur le « paquet énergie-climat » s’annoncent difficiles.

V

ous avez applaudi Al Gore à l’Elysée pour le Grenelle de l’environnement ? Apprécié que Jean-Louis Borloo mouille le maillot à Bali et que Nicolas Sarkozy relance l’Europe avec son mini-traité ? Alors vous adorerez la présidence française du Conseil de l’Union européenne, à partir du 1er juillet. Après la Slovénie, Paris va donner le cap aux palabres pendant six mois. 22 juin 2008

terra economica

Le dossier « lutte contre le changement climatique » trône au sommet de la pile. La Commission Barroso espère faire adopter le « paquet énergie-climat », dernier grand projet de son mandat. Piqûre de rappel de la secrétaire d’Etat à l’Ecologie, Nathalie KosciuskoMorizet : « On est dans la seringue du point de vue du calendrier, si nous voulons parvenir à un accord avant les élections européennes du printemps 2009 et la réu-

philippe lopparelli / tendance floue

PAR SIMON BARTHELEMY


7 %, c’est l’objectif de 120 g de CO par biocarburants contenus dans l’essence en 2010.

2

kilomètre, la limite posée pour les voitures en 2012.

nion internationale sur le climat organisée à Copenhague en décembre 2009. » Paris souhaite aussi présider au débat sur l’avenir de la politique agricole commune, dont la France est la première bénéficiaire. Peutêtre remettre une couche en faveur du nucléaire en évoquant la sécurité énergétique. Mais aussi parler immigration ou union de la Méditerranée… « Paris veut aller vite et met la pression sur les instances européennes, ce qui peut être contreproductif », alerte Miroslav Ouzky, député tchèque du Parti populaire européen et président de la commission environnement au Parlement européen. Au milieu de tout cela, l’environnement parviendra-t-il à se faire une place au soleil ? Inventaire des points chauds. Climat : l’usine à gaz Moins 20 % d’émissions de CO2 d’ici à 2020 et 20 % d’énergies renouvelables dans le « paquet » énergétique européen, c’est le cocktail de l’UE pour limiter à 2 degrés le réchauffement planétaire. « Ces objectifs sont très en-deçà des recommandations du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental d’études sur le climat) », grognent les ONG qui, face aux lobbies industriels, préfèrent toutefois soutenir les propositions de la Commission. Notamment la révision du marché de quotas d’émission de gaz à effet de serre, les fameux permis de polluer. « Alors qu’ils étaient attribués gratuitement aux entreprises polluantes (électriciens, cimentiers) – qui représentent 40 % des émissions –, on va désormais les leur vendre aux enchères », traduit Damien Demailly, du WWF France. Le secteur de l’aviation, jusqu’ici épargné, sera lui aussi concerné. Et le système pourrait rapporter 50 milliards d’euros par an, dont une – petite – partie pourrait venir aider les pays en développement à s’adapter au changement climatique. Outre cette usine à gaz, les 27 doivent négocier la répartition des réductions d’émissions entre nations. Face à des pays de l’Est dont beaucoup de centrales électriques tournent au charbon, la France devra déployer des trésors de diplomatie. Transports : un risque de déroute Selon Damien Demailly, « la France joue sa présidence sur le climat, et pour faire adopter le paquet, nous craignons qu’elle lâche trop de lest ailleurs. » Notamment sur la réglementation des voitures, négociée en direct et en coulisses avec l’Allemagne. Les berlines allemandes sont sur la sellette, car en 2012, les voitures

Pour aller plus loin

L’observatoire européen du lobbying : www.corporate europe.org La direction environnement de la Commission européenne : http://ec.europa. eu/commission_ barroso/dimas/ index_en.htm L’agence européenne de l’environnement : www.eea.europa.eu Le bureau européen de l’environnement, qui représente des dizaines d’ONG à Bruxelles : www.eeb.org Le Réseau action climat France : www.rac-f.org

20 %

Le paquet énergie, c’est d’émissions de CO2 en moins d’ici à 2020 et 20% d’énergies renouvelables. devront se limiter à une moyenne de 120 grammes d’émission de CO2 par kilomètre. Berlin défend un système calculé sur le poids du véhicule et donc arrangeant pour ses grosses autos. Des comptes d’apothicaire en soi sûrement utiles en eux-mêmes mais guère à la hauteur des enjeux, critique en substance Ronan Uhel, de l’Agence européenne de l’environnement. Car, quel que soit le résultat des négociations et des progrès technologiques, l’augmentation du parc automobile risque d’annihiler ces efforts, estime-til : « Les transports vont exploser en Europe de l’Est. Or la Commission européenne, au lieu d’aider le rail dans un souci d’intermodalité et d’aménagement du territoire, va dépenser 20 milliards d’euros sur les sept ans à venir pour construire 10 000 km d’autoroutes. Et l’Europe n’empêche pas non plus les constructeurs de vendre des voitures à bas prix en Chine et en Inde. » Agrocarburants : le gros coup de pompe « Manger ou conduire, il faudra sans doute choisir », reconnaît une conseillère du ministère de l’Environnement. La France n’a pourtant cure des rapports (lire aussi p. 18-20) et maintient son objectif de 7 % d’agrocarburants contenus dans l’essence et le gazole en 2010, contre moins de 1 % aujourd’hui. C’est davantage que l’objectif européen fixé à 5,75 % pour 2010 et à 10 % à l’horizon 2020. « Malgré la pression du Royaume-Uni et de l’Allemagne, il va être politiquement très difficile de faire machine arrière sur ce qui était présenté comme une panacée il y a deux ans », pronostique Ronan Uhel. Efficacité énergétique : des objectifs a minima « L’Europe n’a pas rendu contraignant son objectif de réduire de 20 % la consommation énergétique, déplore Karine Gavand, de Greenpeace. Or cette décision permettrait aux pays d’atteindre plus facilement leurs objectifs d’énergie renouvelable et d’émissions de gaz à effet de serre. » Lot de consolation : la Commission veut interdire les ampoules à incandescence (lire p. 10-17). Et imposer des normes d’éco-conception à cinq nouveaux produits, dont les voitures. A la demande de la France, la TVA à taux réduit sur les produits « verts » sera discutée. « La production durable et les labels, c’est bien, mais il reste encore tabou pour la Commission d’inciter les gens à consommer mieux ou moins, estime Nathalie Cliquot, du Bureau européen de l’environnement. Et le sujet est inaudible dans une actualité française obnubilée par le pouvoir d’achat. » — terra economica

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enquête

La Chine, force de la nature

Premier émetteur mondial de C02, l’Empire du Soleil levant contre-attaque vertement. Recyclage, énergies renouvelables, lois impitoyables… Le respect de l’environnement résistera-t-il au boom économique ?

O

n guettait la nouvelle. Propulsée par une croissance à deux chiffres qui doit tout au charbon, la Chine vient de ravir aux Etats-Unis le titre peu glorieux de premier émetteur mondial de CO2, avec 6,2 milliards de tonnes contre 5,8 pour le deuxième. En 2010, elle devrait rejeter 600 millions de tonnes de plus qu’en 2000. De quoi s’attirer les foudres des pays développés, qui affirment suer sang et eau pour limiter, eux, leurs rejets polluants. Pour sa défense, l’Empire céleste rappelle qu’un Chinois émet quatre fois moins de CO2 qu’un Américain. Et démontre aussi par A + B qu’en tant qu’usine du monde, il n’est pas seul responsable du changement climatique actuel. Accusée hors frontières de sacrifier l’écologie sur l’autel de la croissance, la Chine ne reste pourtant pas les bras croisés et 24 juin 2008

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multiplie les mesures « vertes » à l’échelle nationale. Parmi la batterie de nouvelles résolutions, Pékin a décidé de soigner sa tête. L’agence nationale de l’environnement – poids plume face aux cartels et pouvoirs locaux – a été élevée au rang de ministère. Un mois après sa création, en mars dernier, l’institution exhibe pour la première fois des mesures contraignantes de contrôle des émissions de méthane de charbon, applicables dès le mois de juillet et tente d’encadrer la pollution sur les décharges de déchets solides. Des bouteilles collectées à la main « Ces décisions montrent que la question environnementale est largement intégrée par les décideurs », souligne Jean-François Huchet, directeur du Centre d’études français sur la Chine contemporaine. Ce n’est pas tout. Depuis le 1er juin, les magasins ont interdiction de fournir gratuitement des sacs plastique de moins de 0,025 mm d’épaisseur, trop fins pour être

recyclés. Conséquence directe de cette mesure : le premier fabricant de sacs plastique Hua Qiang a fermé ses portes. La Chine s’efforce aussi de limiter les dégâts côté énergie. Depuis un an, les centrales thermiques ont été équipées de filtres, 553 petites centrales obsolètes au charbon ont été fermées afin d’être remplacées par de plus grandes, moins consommatrices de charbon à production énergétique égale. Pour ce qui est des déchets, la Chine tente d’instaurer un système de tri sélectif et de limiter le recours à l’enfouissement. Le chemin vers le succès semble encore bien difficile. « Forte » de sa réputation de poubelle du

qilai shen / panos-rea

PAR HELENE DUVIGNEAU (A PEKIN)


Ferme d’éoliennes près de la ville chinoise d’Urumuqi.

monde – 80 % des 40 millions de tonnes de déchets électroniques produits chaque année dans le monde échouent dans ses décharges –, elle s’enorgueillit de nombreuses réussites malgré son peu d’expérience. Bienvenue chez Incom, usine de recyclage de plastiques semi-publique, implantée à la périphérie nord de Pékin et présentée par les autorités comme un modèle de modernité. Bâti en 2006, ce site possède la plus grosse capacité annuelle de retraitement du pays : 60 000 tonnes de déchets plastiques contre 55 000 tonnes pour la plus importante usine française. Grâce à des techniques importées d’Eu-

A Pékin, 150 000 tonnes de bouteilles plastique ont été recyclées en 2006, permettant d’économiser 300 000 tonnes de pétrole. rope, les bouteilles plastique, empilées sous forme de cubes compacts, jaillissent comme neuves. « Si elle est unique en son genre, c’est que son degré de recyclage du plastique est très élevé », explique Angel, assistante de la direction. L’ensemble du processus est contrôlé sur ordinateur et la chaîne de transformation est presque

entièrement automatisée. Triées, broyées, lavées, les bouteilles passent ensuite par une phase d’élimination des paillettes, puis de filtration, avant l’obtention de résines par une technique dite de « polycondensation ». Ce sont ces résines qui donnent une seconde vie aux bouteilles et permettent d’économiser la moterra economica

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enquête

Le roi soleil

Arrivé un peu par hasard au commerce du solaire en 2001, Shi Zhenrong, 45 ans, patron de Suntech, est aujourd’hui le 4e producteur mondial de cellules photovoltaïques. Avec un patrimoine de 2,7 milliards de dollars, il pointe au 25e rang des fortunes chinoises. Clés du succès: 40 % de croissance du marché, des aides publiques, une technologie de pointe et une main-d’œuvre bon marché. Suntech commercialise sa production à 80 % hors de ses frontières. www.suntech-power.com

Feu de paille

En quête d’alternative au charbon, la Chine se tourne vers l’énergie de la biomasse, résultat de la combustion ou gazéification de matières organiques (paille de blé, coton, écorces). Une centrale test a été lancée, fin 2006, dans le Shandong, riche région agricole. Avec 229 millions de kWh produits l’an dernier, elle a permis d’économiser 110 000 tonnes de charbon.

Petits électrochocs

Les centrales thermiques petites et polluantes n’ont qu’à bien se tenir. D’ici à 2010, la Chine fermera 700 usines (représentant 16 000 MW ), en particulier les centrales de moins de 100 MW, qui émettent 3 fois plus de dioxyde de soufre et consomment 3 fois plus de charbon que les centrales dites « super-critiques » de plus de 1 000 MW.

26 juin 2008

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Chaque année, 750 000 personnes meurent de la pollution en Chine. Et en 2007, 50 000 émeutes liées à la dégradation de l’environnement ont été recensées. dique quantité de 300 000 tonnes de pétrole par an. « A Pékin, 150 000 tonnes de bouteilles plastique ont été collectées en 2006, c’est énorme », souligne Angel. Par comparaison, 230 000 tonnes d’emballages plastique ménagers ont été collectées en France en 2007. En amont de la chaîne du recyclage, le secteur reste pourtant largement informel et artisanal. Des milliers de travailleurs individuels collectent chaque jour les bouteilles plastique de la capitale pour les revendre pour quelques centimes d’euro. « Aujourd’hui, le gouvernement essaye de rationaliser les filières de recyclage, notamment pour les déchets électroniques les plus dévastateurs pour l’environnement », assure Yun Lai, de Greenpeace Chine. Objectif : « société harmonieuse » De fait, la Chine ne peut plus fermer les yeux. Selon les sources officielles, plus de 50 000 émeutes éclatent chaque année en raison de la dégradation de l’environnement. Selon la Banque mondiale, dont le rapport a été mystérieusement retiré de l’Internet local, 750 000 personnes meurent chaque année en Chine du fait de la pollution. De plus, Pékin enregistre une augmentation de 30 % par an de ses émissions de dioxyde de soufre (SO2), responsable des pluies acides. Acteur du changement climatique, la Chine en est aussi la première victime. Ce pays-continent concentre 7 des 10 villes les plus polluées au monde, 400 000 personnes y sont victimes de maladies respiratoires chaque année et 70 % de ses cours d’eau sont souillés. « La pollution coûte à la Chine 8 % à 12 % de son produit intérieur brut en pertes directes », estime Michal Meidan, chercheur à l’Asia Centre à Paris. Dans les hautes sphères du pouvoir, ce n’est un secret

pour personne : l’environnement est le talon d’Achille de la croissance, et pourrait, à terme, coûter cher au pays. D’où la mise en avant par le président Hu Jintao du concept de « société harmonieuse », certes lénifiant, mais qui traduit la volonté d’instaurer une harmonie entre l’homme et la nature. L’arme des « crédits verts » Au-delà des mesures environnementales annoncées depuis le début de l’année, la Chine s’est concoctée, depuis l’arrivée de Hu Jintao au pouvoir en 2002, des plans ambitieux et inscrits sur le long terme. Réduction de 20 % de l’intensité énergétique par point de PIB d’ici à 2010, 16 % de l’électricité du pays produite à partir d’énergies non fossiles d’ici à 2020, 1,35 % du PIB attribué chaque année à la lutte contre la pollution, ou encore accès à l’eau potable pour les habitants des grandes villes. « Même si tous les objectifs ne sont pas atteignables, la volonté du gouvernement est nette », juge Frédéric Gourdin, directeur général de Suez Environnement en Chine. Et de citer des exemples de réalisations : « Vingt villes ont été pourvues de stations de mesure de la qualité de l’air, 3 MW d’énergie solaire vont être installés à Pékin d’ici à 2008, dont 1 100 panneaux couvrant le stade olympique. » Ouvert aux expérimentations, le gouvernement ne demande qu’une chose : que les pays riches transfèrent leurs technologies. Sur le parc industriel Shanghai Chemical Industry Park (SCIP), le plus grand du pays et gros producteur de déchets dangereux, Suez a installé une usine d’incinération d’une capacité de traitement de 60 000 tonnes de déchets par an. L’incinérateur est équipé d’un système de récupération d’énergie qui permet de revendre la vapeur produite sur le parc


bernardo de niz

Chez Incom, usine de recyclage de plastique.

chimique. Ce modèle d’économie « circulaire » a vocation à être étendu au niveau national. Dans l’immobilier, l’Etat tente aussi d’instaurer de bonnes pratiques et va débloquer 100 millions d’euros par an pour des projets immobiliers utilisant la géothermie, l’énergie solaire ou la biomasse. Mais Pékin ne joue pas seulement sur l’incitation. Les autorités savent aussi contraindre. L’introduction en Bourse de toute entreprise dont l’activité est jugée « polluante » – 13 secteurs ont été répertoriés – doit désormais être précédée d’un bilan environnemental strict. Quant aux firmes énergivores et à celles déjà cotées, elles vont devoir plancher sur leur bilan vert et le rendre public chaque année. Les investisseurs auront ainsi toutes les cartes en main pour évaluer le risque,

Débordés par des déchets... importés Avec 1,3 milliard de tonnes de déchets industriels en 2005 – dont 11,6 millions de résidus dangereux – et plus de 150 millions de tonnes d’ordures ménagères, la Chine dépasse largement ses capacités de traitement. Seuls 3 % à 5 % des déchets seraient ainsi recyclés et, malgré cela, le pays en importe à tour de bras. Faute de moyens, 7 milliards de tonnes d’ordures ont été stockées aux portes des villes en 2004, sur une surface de 500 millions de m². L’enfouissement, alternative peu coûteuses au recyclage, pose problème car les centres sont construits sans système efficace d’étanchéité. Néanmoins, les choses évoluent : l’incinération, qui permet de réduire la masse des déchets et de produire de l’électricité, se développe. Et le gouvernement multiplie les efforts pour inscrire leur gestion dans un cadre juridique moderne. En 2003, un programme prévoyait ainsi d’augmenter la capacité de traitement des déchets dangereux et médicaux. Autre révolution : le concept des 3R – réduire, réutiliser, recycler – a été inscrit dans le XIe plan quinquennal (2006-2010).

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enquête

Polluer plus pour gagner moins Le gouvernement possède une dernière arme dans son arsenal : les « crédits verts ». Inaugurés à la mi-2007, ils ont pour but de limiter ou geler l’accès au crédit d’entreprises polluantes. Le principe : le ministère de l’Environnement livre à la Banque centrale et au régulateur bancaire une liste d’entreprises susceptibles d’être mises au ban des établissements financiers pour avoir transgressé les réglementations environnementales. Plus de 30 000 firmes ont ainsi été épinglées. Seul problème : certains gouvernements locaux ont tendance à protéger les industries à taux de profit élevé… Fort heureusement, la population pourrait en venir à se saisir des problèmes, car la prise de conscience environnementale n’est pas confinée à un cercle de happy few. Comme le rappelait Pan Yue, ministre de l’Environnement, « sans la participation du public, il ne peut y avoir de protection de l’environnement ». Les ONG vertes ont elles aussi fleuri, comme Global Village Beijing, dont l’objectif est de sensibiliser la population pékinoise à la protection de l’environnement. Membre de longue date, Junling a ainsi fait campagne pour le réglage des climatiseurs sur 26° C. « Si les climatiseurs de Pékin étaient réglés sur cette température, explique t-elle,

Billets verts

Les start-up chinoises vertes ont désormais leurs banquiers, des fonds d’investissement spécialisés dans le financement de projets de développement d’énergies alternatives. Entre juin 2005 et juin 2006, les capitaux-risqueurs américains ont ainsi placé 100 millions de dollars en Chine. Récupération d’énergie, tourisme vert, traitement des déchets... La demande est forte, et les perspectives de croissance juteuses malgré la petite taille des acteurs.

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cela diminuerait les émissions de dioxyde de soufre de 1 200 tonnes par an. » Toutefois, de nombreux obstacles aux politiques « vertes » subsistent. D’une part parce que la question environnementale en Chine doit composer avec l’appétit de ses habitants pour les grosses cylindrées. Rien qu’à Pékin, 1 000 nouveaux véhicules prennent chaque jour possession du bitume. D’autre part, parce qu’il est difficile d’inciter aux économies d’énergie une population qui se chauffe et roule quasiment « à l’œil ». L’Etat contrôle en effet les prix à la pompe et décide de la température à laquelle les immeubles sont chauffés. Autre problème : sans tradition juridique, les lois environnementales sont souvent mal ou peu appliquées par des autorités locales, accrochées à la croissance de leur PIB. Ainsi, un amendement du 28 février prévoit que les patrons des entreprises les plus polluantes pourront perdre jusqu’à 50 % du salaire de l’année précédente. Mais sans justice indépendante, comment faire appliquer les lois ? Pressée, la Chine s’emploie à développer des prototypes, à l’image de l’usine de recyclage de plastiques de Pékin, destinée à être dupliquée. Symbole d’une Chine « verte », cette usine fait la fierté de la presse officielle, qui lui a tressé des lauriers qu’elle ne mérite pas, la qualifiant à tort de « plus grande usine de recyclage de plastiques au monde ». —

Papiers de luxe

Cheung Yan, pédégé de Nine Dragons Papers, premier producteur de carton chinois, est devenue en 2005 la première femme milliardaire de Chine avec une fortune de 3,4 milliards de dollars. Partie de rien, elle s’est lancée en 1985 dans le recyclage de vieux papiers, puis s’est installée à Los Angeles d’où elle importe en Chine le papier usagé pour le transformer en carton d’emballage pour des sociétés comme Coca-Cola ou Nike. www.ndpaper.com

Murs sains

Encore minoritaires, les projets d’écobâtiments et d’écovilles fleurissent néanmoins, telle la ville pilote de Dongtan, près de Shanghai, destinée, à terme, à être autosuffisante en énergie. Depuis 1999, la Chine – qui bâtit 1 milliard de m2 par an – s’est associée au Fonds français pour l’environnement mondial (FFEM) dans un programme de 3,3 millions d’euros de réduction des émissions de CO2 sur 11 300 logements. Objectif : 44 000 tonnes de CO2 évitées par an.

qilai shen / sinopix-rea

une firme polluante étant désormais considérée comme « non durable ».


Chez CDC Suntech, l’un des leaders mondiaux du photovoltaïque.

renouvelable en 2006, la Chine serait aujourd’hui le plus gros investisseur du secteur, juste après l’Allemagne. Explications avec Eric Martinot, coauteur du rapport. Aux quatre coins de la Chine et à tous les niveaux, le secteur des énergies renouvelables croît à un rythme fulgurant. C’est exact. Au début, il n’y avait dans ce domaine que des initiatives portées par de petites entreprises privées. Aujourd’hui, il s’agit d’un projet supervisé et planifié par l’Etat à tous les niveaux. Du coup, ça va à toute allure. Depuis que j’ai rendu mon rapport en novembre 2007, les choses ont déjà beaucoup changé. Par exemple, dans le secteur de l’éolien, des douzaines d’entreprises sont apparues sur le marché. La Chine dispose déjà d’une capacité éolienne de 5 GW, objectif qu’elle s’était fixé pour 2010. A cette date, ce pays pourrait disposer en fait de 10 GW [l’équivalent de 100 petites centrales au charbon, ndlr]. C’est très excitant.

ERIC MARTINOT, de l’ONG Worldwatch, coauteur d’un rapport sur les énergies renouvelables en Chine

“ La voie d’une plus grande indépendance énergétique ”

U

ne capacité éolienne doublée en 2006, la troisième production au monde de cellules photovoltaïques, le plus gros marché de chauffe-eau solaires... La Chine saute à pieds joints dans

l’univers des énergies vertes. C’est la conclusion d’un rapport (1) publié par Worldwatch, une organisation américaine dédiée à la recherche environnementale. Avec 32 milliards d’euros versés dans les tuyaux du

Comment la Chine parvient-elle à de tels résultats ? Grâce à une stratégie nationale très complète. Depuis 2005 et la loi sur les énergies renouvelables, l’Etat intervient tout au long de la chaîne. En amont, il verse des fonds pour financer la recherche. Plus loin, il encourage les investisseurs en garantissant un tarif minimum sur la vente de l’énergie éolienne ou celle tirée de la biomasse. Il contraint enfin les fournisseurs d’électricité à puiser un certain pourcentage de leur énergie au robinet renouvelable : 3 % (hors hydroélectricité) d’ici à 2010 et 8 % d’ici à 2020. En clair, le gouvernement terra economica

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Chantier du barrage des Trois Gorges qui doit être mis en service en 2009.

Est-il possible malgré tout que la Chine ne remplisse pas les objectifs qu’elle s’est fixés? Je ne vois pas pourquoi. A moins que le prix du pétrole dégringole à 30 dollars le baril et redevienne attractif, ce qui me semble improbable. Ou à moins que la crise internationale s’aggrave et gèle tous les crédits. Cela pourrait rendre difficile le financement des technologies ou des installations. Mais le gouvernement est si impliqué dans le secteur – il détient en propre une grande partie des installations – que les risques sont très faibles.

La Chine garde néanmoins l’image du mauvais élève du changement climatique. Oui, à cause des indicateurs utilisés. Depuis 1992 et le protocole de Kyoto, la lutte contre le changement climatique se mesure uniquement à l’aune des émissions en CO2. Comme si le carbone était la seule variable pour sauver le monde. Mais mesurer les émissions de la Chine est injuste. Le pays est en plein développement : ses émissions continueront à grimper de 6 % à 8 % par an avec la croissance. Il faudrait adopter de nouveaux indicateurs, mesurer la part des énergies renouvelables dans un pays et son efficience énergétique, c’està-dire l’énergie utilisée pour produire

Une course mondiale Énergie

Europe (2007)

Chine (2007)

Chine (2020)

Hydroélectricité Eolien Biomasse Photovoltaïque Chauffe-eau solaire

11,7 GW 48 GW 0,74 GW 3,2 GW 20 millions de m2

130 GW 2,6 GW 2 GW 0,08 GW 100 millions de m2

300 GW 30 GW 30 GW 1,8 GW 300 millions de m2

30 juin 2008

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une tonne d’acier ou d’aluminium par exemple. Et là, la Chine retrouverait une place de premier rang aux côtés de l’Allemagne, de l’Espagne ou même de la Russie. Vous soulignez cependant que la première motivation du gouvernement n’a rien d’écologique. Effectivement, c’est tout d’abord de limiter les importations d’énergie et d’éviter la panne sèche. Aujourd’hui, les coupures d’électricité sont fréquentes dans certaines régions. Et cela risque d’empirer. Certes, le pays dispose d’une réserve importante de charbon, qui durera sans doute encore plusieurs décennies, mais celle-ci finira bien par s’épuiser. Avec les énergies renouvelables, la Chine s’ouvre donc la voie d’une plus grande autonomie énergétique. Enfin, c’est une opportunité pour s’imposer comme un leader dans des industries de pointe. Une image de prestige et des créations d’emploi, que demander de plus. — Recueilli par KARINE LE LOËT (A LONDRES) (1) Le rapport « Powering China’s Development: The Role of Renewable Energy » sur le site de Worldwatch : www.worldwatch.org/node/5496

chris de bode / panos-rea

élimine les barrières qui pourraient freiner le développement du secteur.


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ils changent le monde

La matière première de la peinture : déchets de parcs, mollusque mort-nés ou victimes de prédateurs.

L’ENTREPRISE. Nettoyées et broyées,

leurs coquilles sont transformées en peinture blanche. Un produit 100 % écolo. PAR HELENE FILY

L

es coquilles d’huîtres étalent leur science. Sur des centaines de kilomètres de bitume. Bandes d’arrêts d’urgence, passages piétons, marqueurs de stop… En Bretagne et en Ile-de-France notamment, les rebuts des tablées de Noël subissent désormais 32 juin 2008

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Partenariat avec le groupe Bouygues C’est alors que la chambre de commerce et d’industrie du Morbihan entre en scène et joue les entremetteuses. Martine Le Lu est présentée à Jean Lalo, président de l’entreprise Prosign, filiale du groupe Bouygues et spécialiste de l’écoconception dans l’Essonne, en région parisienne. Prosign est justement à la recherche d’une matière calcaire pour le marquage routier. « Nous voulions créer un

benoit decout / rea

Les huîtres tracent leur route

les caresses rugueuses des pneus. Avant de finir transformées en peinture blanche, les coquilles ont été nettoyées, broyées, recyclées. A Cléguer, au nord de Lorient (Morbihan), elles forment d’étranges monticules blanchâtres et éblouissants, en attente d’être traités. « Il était temps de faire quelque chose. » A la tête de l , Martine Le Lu vocifère. Entre les dossiers qui jonchent le bureau, cette ancienne pharmacienne raconte la genèse de son idée il y a quatre ans. « J’étais frappée, en me promenant sur les côtes, de voir les amas de coquilles d’huîtres inexploités. C’était un gros problème pour la filière ostréicole. » Déchets de parcs, huîtres mortnées ou victimes de prédateurs naturels, elles sont quelques milliers de tonnes à pouvoir être le terreau d’une nouvelle production. Fournie par quatre ostréiculteurs morbihannais, cette matière première commence ainsi à être exploitée par la gérante et ses 8 salariés, déjà bien rodés à l’exercice. En effet, depuis la naissance de l’Usine de Kervellerin, dans les années 1960, l’entreprise fournit des engrais et des fertilisants naturels à l’agriculture biologique, notamment à partir d’algues. « Pour la coquille, c’était différent. Il fallait concevoir une machine spéciale pour la trier, la nettoyer et la broyer. » Elle l’invente avec son père, ancien gérant de la société et mécanicien. « L’investissement a été minime. On ne pouvait pas courir le risque de noyer l’entreprise avec la fabrication d’un produit qui n’avait pas encore de débouchés. »


produit 100 % renouvelable, rapporte le pédégé. Riche en calcium et en magnésium, l’huître remplace les agrégats des carrières jusqu’alors utilisés pour les produits thermoplastiques réfléchissants. Et des huiles et résines végétales se substituent aux huiles et résine de pétrole. » Le nouveau produit, écolabellisé NF-environnement et coiffé du nom d’Ostréa, est lancé fin 2006. « Il ne coûte pas plus cher et répond à la même certification que le précédent », assure Jean Lalo. Une annnée de commercialisation et le succès est déjà au rendez-vous. Des centaines de kilomètres de peinture « durable » courent désormais sur les routes de France. Le rythme de production devrait s’accélérer pour atteindre plusieurs milliers de tonnes. Martine Le Lu espère, à terme, dégager de ces coquilles broyées 40 % de son chiffre d’affaires (1,2 million d’euros) alors qu’elles ne représentent qu’une part modique aujourd’hui. Et cette quadra dynamique voit encore plus loin avec « d’autres applications possibles dans l’agroalimentaire, la cosmétique ou la pharmacie. »— www.usinedekervellerin.fr

Entreprenante banlieue L’association P

rès de 400 personnes accompagnées, une centaine d’entreprises créées. Après cinq ans d’activité, le bilan de Jeunes Entrepreneurs de France (JEF) est éloquent. Pour Abdellah Aboulharjan, cofondateur et aujourd’hui directeur général de la structure, tout est parti du constat suivant : « C’est simple, quand on demande aux Français ce qu’ils souhaiteraient faire sur le plan professionnel, 20 % à 30 % répondent “ créer mon entreprise ”. Si on pose la même question dans les banlieues, on grimpe à 50 %. » Du coup, le jeune homme, né au Val Fourré à Mantes-la-Jolie (Yvelines), a décidé d’aider ces jeunes, depuis la construction d’une stratégie jusqu’à la recherche de financements. Lauréat d’Ashoka, fondation des entrepreneurs sociaux, Abdellah Aboulharjan a luimême créé sept emplois et mobilise une trentaine de bénévoles. D. S. www.j-e-f.fr

Eleveuse de tondeuses LA FEMME. Marjorie Deruwez fait du débroussaillage écologique.

Les collectivités et entreprises s’arrachent ses 80 animaux miniatures et leur voracité.

DR

D

irection la commune de Bousbecque dans le nord de la France. Marjorie Deruwez embarque dans sa cammionette quelques moutons. Cap sur le parc de Lomme près de Lille (Nord). Cette femme

de 41 ans y a signé un contrat d’entretien d’un an. Son troupeau d’animaux miniatures (taille inférieure à 1 m) est chargé, dans un mode 100 % écologique, de tenir les pelouses à hauteur respectable. Eleveuse depuis une dizaine d’années, elle a mis en place, il y a quelques mois seulement, une petite structure baptisée Ecozoone. « J’ai été très surprise de l’accueil qui m’a été fait, reconnaît Marjorie Deruwez. Collectivités, particuliers et entreprises recherchent activement des solutions qui respectent l’environnement et je pense

que je tombe à point nommé. » L’entrepreneure est sollicitée dans toute la France et même à l’étranger. Ce qui provoque un éclat de rire. Un troupeau qui fait l’unanimité « Ma petite entreprise n’est pas encore une multinationale, mais c’est amusant de voir comment l’idée de louer un troupeau pour entretenir des espaces verts fait l’unanimité. » Vaches, poneys, alpagas, chevaux, moutons et chèvres – 80 animaux au total – jouent donc désormais les travailleurs intermittents. Ils sont parfois les seuls à pouvoir accéder à des terrains difficiles. Comme pour ce contrat lillois sur un terrain de 12,4 hectares, ceinturé par deux voies de chemin de fer. D. S. www.leptitchene.com

Retrouvez tous les acteurs qui « changent le monde » sur www.terra-economica.info (rubrique Ils changent le monde)

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reportage

Opération de Greenpeace contre le Probo Koala, ici bloqué en Estonie.

Abidjan : dans l’écume du « Probo Koala » En août 2006, le navire déverse plus de 500 tonnes de déchets toxiques dans le port de la capitale

économique ivoirienne. Depuis, les victimes bataillent pour se faire reconnaître, la justice ivoirienne a clos l’affaire et le « Probo Koala » navigue sous un autre nom. PAR VINCENT DEFAIT (A ABIDJAN) 34 juin 2008

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aslund / greenpeace international / sipa / kambou sia / afp

a puanteur transpire des tas d’immondices dans lesquels fourmillent hommes, femmes et enfants. Ici, on vient trouver en famille des sacs plastique, de la ferraille… Tout ce qui, raccommodé, peut se revendre pour quelques francs CFA. Les camions-bennes, eux, poursuivent leur ballet, chargés d’ordures à l’aller et de terre au retour. Dans la décharge d’Akouédo, au nord d’Abidjan, on ne s’offusque pas de la présence du visiteur. D’ailleurs, l’entrée n’est plus gardée depuis longtemps. C’est pourtant là, en août 2006, que les déchets toxiques du navire Probo Koala ont été déversés. Là et dans quatorze autres sites éparpillés autour de la capitale ivoirienne. Pas un Abidjanais ne peut oublier cette saisissante odeur d’œuf pourri à la fin de l’été 2006. Dans la nuit du 19 au 20 août, le navire Probo Koala, affrété par la société Trafigura, se débarrasse de déchets d’exploitation dont il ne sait que faire : 528 tonnes d’un mélange de soude caustique, de soufre, de mercaptans, de phénols et autres hydrocarbures. Dans les jours qui suivent, la capitale économique ivoirienne suffoque. Sous la pression de la population, l’Etat ouvre des consultations médicales gratuites. Les Nations unies dépêchent une équipe d’urgence pour évaluer la gravité de la situation. Verdict : les composants des déchets « peuvent être nocifs à l’environnement et aux êtres humains », affirme, sibylline, l’agence dans un rapport rendu à la mi-septembre 2006. Sur ses recommandations, des plantations situées à proximité des sites pollués sont arrachées. Un accord à la Ponce Pilate ? Officiellement, les émanations toxiques ont tué quinze personnes, envoyé à l’hôpital pour plusieurs jours une soixantaine d’autres et contraint une centaine de milliers à consulter un médecin. Au passage, le gouvernement a remis sa démission. Le président Laurent Gbagbo lui reprochait sa mauvaise gestion de l’affaire. Dans une Côte-d’Ivoire coupée en deux depuis quatre ans par un conflit armé, l’affaire remue. Il n’en subsiste aujourd’hui que l’écume, au grand dam de certaines associations, parmi lesquelles la Ligue ivoirienne des droits de l’homme (Lidho). « A notre grande surprise, nous avons appris que le président de la République avait signé un accord avec la société Trafigura alors qu’une enquête est encore en cours », assure Patrick N’Gouan, le président de la Lidho, début 2008, dans ses locaux. En février 2007, soit six mois après le déversement des déchets, la société a en

Le 8 septembre 2006, visite des officiels français sur la décharge illégale.

effet donné à l’Etat ivoirien la somme de 100 milliards de francs CFA (152 millions d’euros) en guise de « dédommagement ». En échange, la justice ivoirienne devait mettre son action en sourdine. Une entente à la Ponce Pilate ? Patrick N’Gouan en est convaincu : « Dans cet accord, aucune partie ne reconnaît sa responsabilité. » Jeu de cache-cache Les mécontents ont donc choisi de déplacer leurs actions sur d’autres terrains. Sur trois fronts plus précisément. D’abord en Angleterre, sous la houlette du cabinet d’avocats Leigh, Day and Co, conseils de plus de 5 000 personnes, puisque la société Trafigura possède un siège à Londres. Ensuite à Paris, aux côtés de l’avocat William Bourdon, président de l’association de juristes Sherpa, parce que certains dirigeants de la société et des victimes sont français. Aux Pays-Bas enfin, où le navire avait d’abord tenté de décharger son colis encombrant. Stratégie gagnante ? Les avocats hollandais ont en tout cas obtenu que Trafigura, le capitaine du Probo Koala, la ville d’Amsterdam et une société de retraitement de déchets soient convoqués, les 26 et 27 juin prochains, devant un juge de La Haye. En France, une enquête préliminaire est en cours. « Des critiques ont émergé sur les conditions dans lesquelles la transaction [entre Trafigura et l’Etat ivoirien, ndlr] a été signée et exécutée, rappelle terra economica

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reportage

l’avocat parisien William Bourdon. De plus, il est avéré qu’un pourcentage important de victimes de cette catastrophe n’ont pas été dédommagées ou pas assez. Il est donc raisonnable de rechercher la responsabilité de ceux qui sont à l’origine de cette catastrophe. » Ces responsables, selon la défense de la société Trafigura, sont à chercher du côté de Tommy, la société ivoirienne à qui la gestion des déchets avait été confiée. Celle-ci n’avait été agréée pour l’épandage dans les décharges d’Abidjan que le 12 juillet 2006, soit à peine plus d’un mois avant l’arrivée du Probo Koala dans le port d’Abidjan. Trafigura a-t-elle été entendue ? Fin mars, la cour d’appel d’Abidjan abandonne en tout cas les charges criminelles « devant le manque de preuves », blanchissant définitivement la société de toute responsabilité. Dans la foulée, le directeur général de Tommy est arrêté dans la métropole ivoirienne et inculpé d’« empoisonnement ». La commission nationale d’enquête le considère comme l’« auteur principal du déversement des déchets ». De 100 000 à 250 000 victimes Un peu dépassées par tout ça, les victimes supposées et réelles continuent de se dépatouiller avec leurs maigres moyens. Officiellement, le dédommagement financier doit s’achever prochainement, ainsi que l’assurait le directeur du Trésor public, à la mi-décembre 2007. A raison de 200 000 francs CFA (environ 300 euros) pour les victimes « ambulatoires », c’est-à-dire recensées dans les centres de santé, 2 millions FCFA (3 000 euros) pour celles qui ont été hospitalisées, et 100 millions FCFA (150 000 euros) pour les ayants droit des personnes

Pour aller

décédées. Un processus en apparence efficace. Pas pour de nombreuses associations. Résultat : quand plus loin l’Etat ivoirien dénombre 100 000 victimes, d’autres Dossier très complet en recensent environ 250 000, comme la Fédération nationale des associations des victimes des déchets de l’association toxiques de Côte-d’Ivoire (Fenavidet-CI). Robin des Bois : De nouvelles listes de « victimes » sont ainsi dreswww.robindesbois. org/dossiers/probo_ sées. Avec un grief récurrent : l’Etat n’a reconnu que celles enregistrées dans un centre de santé koala/page_probo_ agréé par ses services. « Or, à l’hôpital, les médecins koala.html distribuaient du paracétamol. Moi, je ne voulais pas La société Trafigura faire la queue dès 4 heures du matin juste pour ça. Donc je n’ai pas été recensé », explique Félix Guiinforme sur hounou, dans sa petite maison du nord d’Abidjan. le Probo Koala : A un kilomètre de chez lui se trouve l’immense www.trafigura. com/trafigura_news/ décharge d’Akouédo. Son voisin, Pierre, n’a pas eu probo_koala_updates. de chance : « Je suis allé à l’hôpital avec mes enfants, mais on a mal écrit mon nom. Seuls quatre d’enaspx tre eux ont reçu de l’argent. » Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui se plaignent encore de toux, de maux de tête et de problèmes de peau. La faute aux déchets toxiques ? Difficile de le savoir avec certitude. D’après l’étude onusienne, les déchets, évaporés ou rincés par les pluies, ne présentent pas de risques à long terme. Mais à entendre le docteur Pilah, de la Lidho, aucune étude épidémiologique n’a été ou n’est menée.

Marpol, un texte sans sanctions Résultat d’une combinaison de deux textes – adoptés en 1973 et 1978 et sans cesse amendés depuis –, cette convention internationale encadre la protection de l’environnement marin en cas de rejet intentionnel ou accidentel de déchets par les navires. Le hic, c’est que « Marpol n’a aucun effet contraignant et ne met pas en place un régime de sanctions », souligne l’association Robin des Bois. Le texte enjoint en effet aux parties signataires de faire l’inventaire, une fois par an, des capacités portuaires de réception de résidus d’exploitation et de signaler au secrétariat de l’Organisation maritime internationale (OMI) les éventuelles insuffisances constatées. « A l’époque, la Côte d’Ivoire n’avait livré aucune liste d’installations susceptibles de recevoir des déchets. Pas plus qu’aujourd’hui. » 36 juin 2008

terra economica

Manifestations durement réprimées Pour l’Etat ivoirien qui, fin décembre 2006, dédommageait une vingtaine d’entreprises, le débat est considéré comme « stérile ». Si aucune société n’a protesté, les syndicats de salariés du port se sont faits entendre, fin janvier. Ils ont organisé une manifestation, par ailleurs durement réprimée. Les petites mains du port, leurs femmes et leurs enfants, s’entassent dans des abris de fortune, non loin des hangars de stockage avec leurs milliers de conteneurs. « On dédommage les entreprises, mais pas leurs employés et leurs familles ! », fulmine Basile Mahan Gahé, secrétaire général de Dignité, la confédération ivoirienne des syndicats libres. Dans son bureau, à l’autre bout de la ville, trône un épais dossier, dont on ne saura rien, mais que le syndicaliste avait avec lui, en février, quand il a rencontré le président Gbagbo. Qui lui a promis de mettre en place une nouvelle commission… chargée de recenser les victimes des déchets toxiques. L’affaire n’a pas changé grand-chose aux habitudes du port d’Abidjan, dépourvu de moyens d’organisation et de formation. Mettant en avant sa solide


issouf sanogo / afp

législation de protection – hélas, très peu appliquée –, le pays a les yeux braqués sur la relance de son commerce. Le scandale du Probo Koala l’a néanmoins obligé à renforcer sa vigilance. Mais les armateurs les moins scrupuleux sont revenus, après avoir évité un temps la Côte-d’Ivoire. Dans ce domaine, « il n’y a pas plus réactif que quelqu’un qui veut contourner une législation ou en exploiter les failles », regrette Charlotte Nithart, juriste à Robin des Bois, association de protection de l’homme et de l’environnement, en pointe dans le dossier. Certains ports africains ou asiatiques continuent ainsi d’accueillir des déchets que des autorités européennes obligeraient à traiter. De son côté, la société Trafigura commerce de nouveau avec Abidjan. Difficile pour elle de se passer de cette porte d’entrée sur Afrique de l’Ouest. Et pour les autorités ivoiriennes impossible de s’interdire

Mi-septembre 2006, dans les rues d’Abidjan, l’air était irrespirable.

de tels échanges marchands. Sur le Vieux Continent, l’Agence européenne pour la sécurité maritime (AESM) a constitué un groupe de travail sur la gestion des déchets. « Ça bouge. Doucement, mais ça bouge », note la juriste de Robin des Bois. Pendant ce temps, le Probo Koala vogue vers d’autres horizons. Depuis décembre 2006, il navigue sous le nom de Gulf Jash et sous pavillon panaméen. « Le navire a été inspecté en août 2007 à Zhangjiagang, en Chine, avec huit déficiences dont une concernant la convention internationale Marpol », relative à la prévention de la pollution des mers (lire ci-contre), relève Charlotte Nithart. Il y a quelques mois, la société Trafigura faisait publier dans la presse spécialisée une petite annonce d’embauche d’un Ship Quality Assessment Director, personne censée maîtriser les réglementations Marpol… Histoire d’éviter de nouvelles tempêtes. — terra economica

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enrichissez-vous

Pour aller plus loin

Blog d’actualités sur Spiral Jetty : http://spiral-jetty. blogspot.com

Mouvement des années 60, le land art américain voit quelques-uns de ses fleurons trembler sous les assauts de l’économie.

I

ls se battent pour 6 783 tonnes de roches. Mais pas n’importe lesquelles. Celles de Spiral Jetty, œuvre symbole du land art créée par Robert Smithson, en 1970 dans l’Utah (Etats-Unis). Sa veuve Nancy Holt et la Dia Foundation de New York mènent actuellement sur le Net une campagne pour dénoncer l’installation d’une exploitation pétrolière à quelques kilomètres de Rozel Point, d’où s’élance la jetée. C’est une demande de permis de forage exploratoire par Pearl Montana Exploration and Production Ltd qui a mis le feu aux poudres, en janvier. Depuis, des milliers de courriels de contestation se sont entassés dans les ordinateurs des autorités de l’Utah. Ces dernières viennent de demander à la compagnie canadienne des éclaircissements sur la qualité de l’air et de l’eau, la gestion des déchets industriels et toxiques et « l’impact sur l’équilibre d’un écosystème de portée locale et internationale ». Un répit, donc, pour les eaux roses du Great Salt Lake dans lequel baigne cette œuvre de 457 mètres de long. Cette affaire vient souligner la fragilité des « performances » du land art, mouvement artistique de la fin des années 1960. Aujourd’hui, trois autres sites sont aussi menacés : les Sun Tunnels (Utah) 38 juin 2008

terra economica

Conquête de l’Ouest Explosion du tourisme, recherche d’hydrocarbures, quête de retraites dorées par une population vieillissante, autant de dangers accrus pour les œuvres du land art américain. Ces dernières « ont été créées dans les déserts du sud-ouest qui réunissaient dans un seul lieu difficile d’accès, l’atelier, le musée et la galerie. A la conquête d’une nouvelle frontière, les land artists cherchaient à soumettre le grand sud-ouest à leur volonté », explique Jean-Paul Brun, auteur d’une thèse sur le sujet. Très influencés par le mythe fondateur de la wilderness (la nature sauvage), ces artistes ne se sont pas pour autant inscrits dans une logique écologique. «Tandis que les Européens sont dans un univers de fragilité, d’assemblage, les Américains sont dans le gigantisme, la monumentalité. Ils impriment leurs marques à ces déserts à l’aide de bulldozers, d’explosifs, d’ordinateurs », ajoute Jean-Paul Brun. Et s’ils avaient tous conscience que leur travail était périssable, ils en acceptaient les risques liés aux aléas de la nature, pas à ceux de l’exploitation humaine.— KAREN BASTIEN

Zapping Qui veut gagner des milliards ? Vous prenez un chiffre, au hasard 3 000 milliards de dollars, soit le coût de la guerre en Irak, et vous regardez ce que vous auriez pu faire avec cette somme. Le site 3trillion.org vous permet de faire votre marché : construire 8 millions de logements, embaucher 15 millions de professeurs, soigner 530 millions d’enfants, attribuer des bourses à 43 millions d’étudiants, offrir une couverture sociale à tous les Américains pendant cinquante ans. La technique n’est pas nouvelle – un peu démago, certes – mais redoutablement efficace. http://3trillion.org

Bambi et Mickey mangent bio Disney poursuit son œuvre d’éducation des jeunes. Après les avoir fait fantasmer sur le Prince charmant, accepter la différence à travers l’image des nains ou encore vilipender le mensonge avec Pinocchio, le géant américain vient de créer Disneynature. Cette société produira des films sur la vie sauvage et l’environnement. Le premier opus, annoncé pour décembre, Les Ailes pourpres : le mystère des oiseaux de feu, sera consacré à la vie des flamants roses du nord de la Tanzanie.

new jersey public television and radio

Attention œuvres en péril

Un sociologue sur les terres du land art, journal de voyages et de recherches 1996-2002 et Nature, art contemporain et société, le land art comme analyseur du social (3 volumes), Jean-Paul Brun, éd. L’Harmattan (2007).

de Nancy Holt par un projet d’exploitation pétrolière ; Complex City (Nevada) de Michael Heizer par la construction d’une voie de chemin fer destinée au transport de déchets nucléaires ; et Lightning Field (Nouveau-Mexique) de Walter de Maria par l’installation de résidences de loisirs et de retraite.


Un bonheur de statistiques Les leaders mondiaux ne savent plus à quels chiffres se vouer : produit intérieur brut, bonheur national brut, indice de dévelopement humain... La New Economics Foundation en ajoute un au débat : l’index de bonheur/malheur planétaire. Pour cela, elle a « mixé » l’empreinte écologique, l’espérance de vie et la qualité de vie, et obtenu « la capacité d’un pays à convertir les ressources limitées de la Terre en bien-être pour ses citoyens ». Au final, une carte mondiale qui en surprendra plus d’un.

Globe-penseur

www.happyplanetindex.org/map

A l’assaut du donjon musical Aux Etats-Unis, le plus gros vendeur de musique est un constructeur d’ordinateurs. Les ventes du logiciel iTunes d’Apple ont en effet dépassé celles de Wal-Mart, début 2008. L’industrie musicale vit une révolution : concentration des maison de disques, numérisation des supports, précarisation des musiciens... Le livre La Musique assiégée (éd. L’Echappée) fait le point sur les nouveaux modèles à créer, et notamment celui d’une musique plus équitable (lire aussi Terra Economica n° 47). www.jouerjuste.org

Stiglitz in vivo Six heures d’entretien avec un prix Nobel d’économie, ce n’est pas si courant. C’est donc un beau document qu’offre le site du magazine Challenges. Découpée en cinq chapitres (où va la mondialisation ; l’économie mondiale ; le système financier ; mondialisation et environnement ; mondialisation et pays en voie de développement), cette interview permet de découvrir un économiste pédagogue et fourmillant d’exemples sur des sujets pourtant complexes. Une rencontre à télécharger gratuitement sur www.challenges.fr/video

DR

Vive les pots d’échappement ! Etes-vous « urbanophile » ? De ceux qui adorent la pollution, le stress, les embouteillages ? Si le slogan « Prenez la ville du bon côté » vous parle, alors invitez vos « urbamis » à vous rejoindre sur le site de cette nouvelle communauté. Sinon, tournez la page en bas à droite et vous prendrez un bol d’air, de vert et de nature : une campagne de communication originale signée par la région Auvergne. www.lesurbanophiles.com

Benoît Chervalier – LA MONDIALISATION DEMYSTIFIEE, UN IPHONE A BAMAKO. Autrement, coll. « Frontières » (2008), 168 pp., 17 euros.

D

ans un excellent sketch du SAV des émissions d’Omar et Fred (Canal +), Omar constate que 94 % des Français redoutent l’inflation. « Mais, s’interroget-il, est-ce que 94 % savent vraiment ce qu’est l’inflation ? » « Allons, allons, répond Fred, bien entendu… » « Ah oui, alors c’est quoi ? » Et là, Fred, dans un élan de panique, raccroche le combiné. La mondialisation, c’est un peu la même chose : tout le monde a une idée de ce qu’elle représente – et surtout, a une opinion à son sujet – mais, au fond, bien peu sont capables de dépasser les approximations. Extension des échanges commerciaux mondiaux, explosion des délocalisations, mouais… En lisant La Mondialisation démystifiée, on se dit qu’un cours de mondialisation ne serait pas inutile dès le lycée. Car, plus encore que nous, nos enfants devront penser mondial. C’est-à-dire complexe souvent, barbant parfois, mais toujours

riche. Comme le livre de Benoît Chervalier, en somme. Il ne suffit pas de savoir situer Dakar sur une mappemonde ou de reconnaître la barbe de Lula pour comprendre ce phénomène multiforme. Il faut habiter vraiment dans un village composé de 6 milliards d’autochtones. Mais qui, en France, est capable de dire si les habitants de Bali pensent du bien ou du mal de la globalisation ? De répondre à la question : l’Afrique va-telle mieux ou moins bien depuis 2000 ? De comprendre pourquoi la grande pauvreté du tiers monde recule alors que les inégalités explosent ? De trancher si le monde s’américanise ou se sinise ? Personne, ou presque. Or nos enfants devront faire tomber les frontières mentales pour s’atteler à une tâche inédite dans l’Histoire : créer une vraie gouvernance mondiale. Mais chaque pays aura-t-il voix au chapitre ou faudra-t-il créer de grands ensembles qui parleront d’une seule voix ? Est-ce la démographie ou le PIB qui déterminera le poids électoral dans les votes mondiaux ? Autant de questions qui nous passent actuellement trois coudées au-dessus de la tête, et auxquelles un livre fourretout comme La Mondialisation démystifiée ne répond que très partiellement. Ah, nous aurons l’air fin quand nos enfants nous demanderont : « Dis papa, comment, techniquement, exporter les 35 heures à Kuala Lumpur ? »— ARNAUD GONZAGUE

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en direct de www.planete-terra.fr

Sur Planète Terra, on refait le monde... version développement durable. Pour devenir Planète reporter, une simple inscription en ligne suffit. Et chaque mois, retrouvez les meilleures contributions dans ces pages.

1,2,3, plouf... Connaître sa consommation d’eau en trois clics. Rendez-vous sur le questionnaire du site GoBlue pour réaliser à quel point nous sommes accros à l’eau. Très simple, le test ne prend que quelques minutes (mais il est en anglais). A partir de question telles que « combien de lessives faites-vous par semaine ? » ou « combien de temps passez-vous sous la douche ? », le calcul est immédiat et transmet le nombre approximatif de litres d’eau consommés par an et par personne. Cette surconsommation ne concerne cependant que les pays dits « développés ». En effet, les quantités d’eau utilisées à travers le monde passent d’un extrême à l’autre. En tête du peloton des « surconsommateurs » figurent les Etats-Unis , le Canada et le Japon. Leur consommation moyenne atteint 350 litres par jour et par personne. Les habitants de l’Afrique subsaharienne ne dépassent pas quant à eux 10 litres par jour et par personne. Traduction : un Japonais consomme quasiment en une journée ce qu’un Africain consomme en 35 jours. SOLENNE LEGEAY http://goblue.zerofootprint.net

40 juin 2008

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Permis de séjour en Amazonie Le gouvernement brésilien étudie un projet de loi visant à contrôler les excursions dans la forêt amazonienne. Si celui-ci est voté, il ne sera plus possible de se rendre dans la jungle brésilienne sans autorisation préalable. Ce texte vise surtout à enrayer la biopiraterie, c’est-à-dire l’utilisation illégale des ressources naturelles, dont l’Amazonie est victime. Pour le ministre brésilien de la Justice, Romeu Tuma, « quelques groupes internationaux se font passer pour des ONG. Ils viennent faire de la bioprospection et pénètrent sur les terres indigènes pour influencer leur culture. Il y a là de la piraterie et du vol de savoir ». Constellation poubelle A l’image d’un nuage de moustiques, les déchets spatiaux tourbillonnent autour de la Terre. « 2007 est une année noire dans l’histoire de la conquête spatiale pour le nombre record de débris qui se sont accumulés dans l’espace », déclarait John Nicholson, représentant de la Nasa, lors d’une récente conférence internationale. Au total, 9 100 objets d’une taille supérieure à 10 cm flottent aujourd’hui autour de la Terre. Seuls 7 % d’entre eux sont des satellites actifs ou en fonction. Autrement dit, les 93 % restants sont des appareils inactifs et des fragments de matériaux de fusée. L’ère du transport optimal Ecolo jusqu’au bout des ongles, vous êtes inquiet pour l’achat de votre prochain logement. Car vous souhaitez prendre en compte les distances par rapport à votre travail et vos loisirs afin de limiter votre bilan carbone et votre budget essence. Vous sortez votre calculette ? Pas besoin, le tout nouveau site www.immobilio.com, a tout prévu. Ce puissant moteur de recherche – développé par Jean-Baptiste Dumont, étudiant de l’Essec – calculera tous vos temps de déplacement. Selon l’Ademe, prendre le bus ou le métro plutôt que la voiture permet de réduire de 25 % ses émissions de CO2.


sylvie thenard / fotolia.com / 1933 universal studios tous droits réservés

BARACK OBAMA. Le candidat à l’investiture démocrate pour l’élection présidentielle américaine s’oppose ainsi à Hillary Clinton qui, elle, prône la suppression estivale de la taxe sur les carburants aux Etats-Unis.

L’émigration climatique se comptera en milliards Le changement climatique pourrait créer des flux migratoires sans précédent. A l’occasion d’une conférence organisée, fin avril, par l’Institut de recherche pour les politiques publiques (IPPR), un think tank proche des travaillistes britanniques, Craig Johnstone, le haut-commissaire adjoint de l’agence des Nations unies pour les réfugiés, a avancé le chiffre de 250 millions à 1 milliard de réfugiés climatiques à l’horizon 2050. Les conséquences de la hausse des températures – pénuries d’eau, mauvaises récoltes, flambée des prix des matières premières alimentaires – toucheront la majeure partie de l’Afrique, le centre et le sud de l’Asie et de l’Amérique du Sud, et pousseront les populations à se diriger vers le nord. Ces vagues humaines entraîneront d’autres batailles, juridiques celles-ci, car la définition de « réfugié » établie par la convention de Genève ne peut aujourd’hui s’appliquer qu’à des citoyens victimes de persécution. L’Australie a ainsi récemment refusé une demande d’asile collective de la part d’habitants des îles Tuvalu, menacées d’engoutissement par la mer. DAVID SOLON

Super héros, super écolo

Le covoiturage, c’est une pratique quotidienne pour L’homme invisible. Rencontre imaginaire avec un écolo de la première heure. Planète Terra : A quand remonte votre prise de conscience écologique et citoyenne ? L’homme invisible : Au risque de passer pour prétentieux, l’écologie est l’essence même de ma vie. Toutes les recherches scientifiques que j’ai menées pour découvrir le sérum de l’invisibilité ne visaient qu’une chose : réduire au maximum mon empreinte... écologique. Qu’avez-vous changé dans votre quotidien ? Ma principale contribution à la planète est mon mode de transport. En effet, je ne prends jamais l’avion. En général, je me poste sur une station-service. Et, lorsqu’un conducteur fait le plein d’essence, je me glisse à l’arrière du véhicule. Ni vu, ni connu. Je n’ai pas attendu les campagnes de promotion de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie : le covoiturage, ça fait trente ans que je le pratique ! J’ai parcouru ainsi 20 000 kilomètres par an en moyenne. Faites le compte : en se basant sur les émissions moyennes de CO2 d’une voiture, j’ai ainsi évité d’émettre 90 tonnes de CO2 en trente ans ! Une question personnelle : si vous étiez un animal ? Un hamster. J’ai fait mes premiers tests d’invisibilité sur un hamster, ce qui m’a valu les foudres de la SPA. Mais aujourd’hui j’ai changé, et je ne teste plus mes décoctions chimiques sur les animaux. Que faites-vous pour sensibiliser votre entourage ? J’ai décidé de faire mon coming-out. Avec mon agent, nous préparons une série de conférences pour promouvoir le covoiturage. Et je quitte l’incognito : cette fois-ci, ce sera à visage découvert. Recueilli par WALTER BOUVAIS

L’HOMME INVISIBLE ROULE SA BOSSE

“ Le seul moyen de faire baisser le prix de l’essence est de commencer à utiliser moins de pétrole. ”

Fiche d’identité Nom : Griffin. Prénom : Jack. Nationalité : britannique (création du romancier HG Wells). Profession : super héros (à la retraite). Ville : Londres. terra economica

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feuilleton

Fred a tout perdu. Tout son crédit de droits à polluer. Le jeune et brillant architecte découvre ce qu’est une vie sans quota de CO2. Pour s’en sortir, il doit réaliser un gros coup lors du 25e Concours international de la ville durable. Bienvenue en 2078. (Episode 10) Fred avançait à toute vitesse sur son projet. De toutes façons, il n’avait guère le choix, le Concours international de la ville durable clôturant ses incriptions quelques heures plus tard. Grâce à son système de pixels, l’agencement des quartiers, des rues, des jardins, des cours d’eau, lui apparaissait sous un jour nouveau. Les zones chaudes éclataient clairement sur le plan. A l’architecte alors d’affûter ses crayons – en fait, d’optimiser sa souris optique – pour les contrebalancer par des apports en fraîcheur. Fred était tellement excité par ses trouvailles qu’il voulait les faire partager à son ami Marc. Son téléphone lui indiquait qu’il était également connecté, une 42 juin 2008

terra economica

vidéodiscussion s’imposait. « Marc, j’arrive au bout de mon projet. – Génial, raconte-moi comment tu as travaillé avec tes pixels, car ça m’échappe toujours un peu. – Eh bien, dans chaque zone potentielle de très haute chaleur, j’ai posé un élément “ refroidissant ”. – Comme mettre un congélateur au milieu d’une rue sans ombre. – Tu manques parfois de subtilité… regarde, j’ai imaginé des maisons-aqueducs : à un étage passerait l’eau destinée à l’irrigation de la ville, et, au-dessus, les habitations profiteraient de la fraîcheur naturelle générée par la circulation de l’eau. – Il faut revenir aux fondamentaux.

(à suivre) Karen Bastien, en collaboration avec l’association d’architectes « Et alors ? » (www.etalors.eu)

Pour retrouver les épisodes précédents et participer à l’écriture de la suite, rendez-vous sur : www.planete-terra.fr (rubrique environnement)

collection BCA / rue des archives

Métropole position

– Tu m’enlèves les mots de la bouche. Il y a tellement de choses simples à faire. Comme rentabiliser au mieux les espaces souterrains. De nombreuses activités peuvent en effet se déployer en sous-sol, comme les piscines, les salles d’expositions, les boîtes de nuit… Je parie également sur la mixité dans les tours : bureaux, logements étudiants, habitations, commerces, hôtels doivent cohabiter car les rythmes de vie de chacun sont différents. Par exemple, la chaleur dégagée par les systèmes de climatisation des bureaux pourrait être stockée et récupérée pour chauffer des logements. – Et pour les voies de circulation, qu’astu envisagé ? – J’ai imaginé de couvrir les rues les plus chaudes, un toit me semble hélas incontournable vu les températures que nous subissons. Pour les autres, un canal percé au milieu recueillera les eaux de pluie et un système de voilage au-dessus retiendra l’évaporation du bassin. Je bannirai définitivement le bitume, devenu impraticable avec les grosses chaleurs. J’installerai à la place un sol gazonné qui absorbera une partie des précipitations et rafraîchira également l’atmosphère. – L’eau est un vrai thermostat universel. – Dire qu’on a gaspillé ce liquide pendant des siècles. En France, au début des années 2000, 30 % de l’eau potable se perdait dans les fuites. Pour redonner à l’eau toute sa valeur, j’ai imaginé que chaque habitation dispose d’une parcelle de sol, et donc de la surface de ciel équivalent, qui devra être mise à profit pour récupérer l’eau nécessaire à la vie de la famille. – C’est une véritable révolution que tu prépares, comme tu l’avais annoncé. »


PARTENAIRE OFFICIEL :

Le Salon de l’Environnement & des Métiers Durables Les solutions durables pour restaurer l’environnement

Palais Brongniart – Bourse de Paris



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