Écolos, entrepreneurs, visionnaires...

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Homme-sandwich

J’ai vendu mon corps à la pub

Mangez des huîtres

N°51 - janvier 2008 - LE MAGAZINE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE - www.terra-economica.info

C’est bon pour le climat

Écolos, entrepreneurs, visionnaires

Ils changent le monde


Lutter contre la destruction de la planète et les inégalités entre le Nord et le Sud.


sommaire

4 A NOS LECTEURS 5 BREVES 6 LU D’AILLEURS 7 ZOOM

Industria 8-9 L’OBJET

Les huîtres 10-11 LE MARKETING EXPLIQUÉ À MA MÈRE

La publicité à fleur de peau 12-27 DOSSIER

Entrepreneurs sociaux : ils changent le monde 28-30 ENQUÊTE

Les marins n’en mènent pas large 32-33 L’ÉCONOMIE EXPLIQUÉE À MON PÈRE

La déprime des subprimes 34-37 REPORTAGE

L’Egypte à court d’eau 38-39 ENRICHISSEZ-VOUS

Spect-acteur de théâtre 40-41 EN DIRECT DE WWW.PLANETE-TERRA.FR 42 LE FEUILLETON

Métropole position (5e épisode) Ont participé à ce numéro (ordre alphabétique inversé) : Toad, Frédéric Stucin, Olivier Philipponneau, Charlie Pegg, Florence Morice, Romain Meffre, Yves Marchand, Laure Noualhat, Karine Le Loët, Anne-Françoise Hivert, Pauline Hervé, Jean-Claude Gerez, Gaw, Nicolas Filio, Cire, Cécile Cazenave, Caroline Boudet, Laurence Borrel, Anne Bate, Simon Barthélémy, Louise Allavoine, Adrien Albert (couverture), Tendance Floue, Sipa Press, Rue des Archives, Picturetank, Œil Public, M.Y.O.P, Agence Réa, AFP Photo – Directeur artistique : Denis Esnault – Responsable de l’édition : Karen Bastien – Directeur de la rédaction : David Solon – Responsable des systèmes d’information : Grégory Fabre – Conseillers abonnement : François Terrier et Baptiste Brelet – Assistantes commerciales : Véronique Frappreau et Elodie Nicou – Directeur de la publication : Walter Bouvais – Terra Economica est édité par la maison Terra Economica, SAS au capital de 102 167 euros – RCS Nantes 451 683 718 – Siège social : 42 rue La Tour d’Auvergne, 44 200 Nantes – Principaux associés : Walter Bouvais (président), Gregory Fabre, David Solon, Doxa SAS – Cofondateur : Mathieu Ollivier – Impression : Goubault imprimeur, 8 rue de Thessalie, BP 4 429, 44 244 La Chapelle-sur-Erdre cedex – Dépôt légal : à parution – Numéro ISSN : 1766-4667 – Commission paritaire : 1011 C 84334 – Numéro Cnil : 1012873 – Lisez-nous, abonnez-vous sur notre site Internet : www.terra-economica.info/abo, par courriel : abo@terra-economica.info ou en nous appelant au 02 40 47 42 66. Ce magazine est imprimé sur papier écologique (MUNKEN Print White 15 en 90g/m² pour l’intérieur et 150g/m² pour la couverture) avec des encres végétales.

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à nos lecteurs

Cent pour cent Il y a quatre ans, presque jour pour jour, Terra Economica naissait sur la Toile, porté par une trentaine de journalistes issus de la presse économique. Notre idée : rendre accessibles à tous les enjeux économiques, sociaux et environnementaux. Notre recette : construire patiemment un média citoyen, indépendant, financé largement par ses lecteurs abonnés. En 2004, nous étions au creux de la vague Internet et l’immense majorité des Français ignorait tout du « développement durable ». Bien peu croyaient en notre projet. Nous passions pour de doux rêveurs. C’est donc avec fierté que nous ouvrons 2008 avec ce 100e numéro (1), qui marque le quatrième anniversaire de notre aventure. C’est avec plaisir, également, que nous mettons à la une de ce 100e numéro d’autres doux rêveurs : celles et ceux que l’on nomme les « entrepreneurs sociaux ». Formés à la dure école du pragmatisme économique, ces entrepreneurs visionnaires ont refusé de consentir au monde tel qu’il est, et ne se contentent pas de le refaire autour d’un verre. Ils mouillent la chemise, prennent des initiatives et des risques, pour inventer un monde différent. Leurs recettes n’ont rien d’original. Mais ces femmes et ces hommes se distinguent par leur créativité, par leur capacité à examiner un problème sous toutes ses coutures, à le transformer en une « simple » question et à y répondre concrètement. Ils se distinguent également par leur obstination et par leur ambition : entreprendre au service de l’homme et de son environnement, autant que possible à grande échelle. Nous tenions à vous faire partager l’énergie phénoménale qui émane de ces personnalités 100 % idéalistes, tenaces, pragmatiques et un brin mégalos… un peu à l’image de la rédaction de Terra Economica. En relayant les aventures de ces « entrepreneurs sociaux », nous espérons qu’elles susciteront d’autres vocations. —

(1) Terra Economica a publié 49 numéros à un rythme hebdomadaire, entre 2004 et 2005. Nos éditions ont été renumérotées en septembre 2005, date depuis laquelle nous avons publié 51 numéros (en incluant la présente édition).

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adrien albert

Walter BOUVAIS - directeur de la publication de TERRA ECONOMICA


brèves

Verts de joie

Encore des surprises au palmarès annuel du développement durable des multinationales. BP est socialement responsable. Tellement responsable que cette compagnie pétrolière britannique rafle la première place du classement établi par le cercle de réflexion Accountability, en partenariat avec le cabinet de conseil CSR Network. Une fois l’an, ce palmarès distribue les bons et les mauvais points en matière de développement durable aux plus grosses firmes mondiales. Peugeot, première Frenchie, se classe septième. Total passe de la 17e à la 18e place tandis que EDF dégringole de la 4e à la 20e place. A noter par ailleurs que 18 des 20 premières entreprises de ce classement sont européennes. Anne Bate

CO2 au bout de la ligne « Allo ? Tu es où ? » « A l’aéroport, je pars à Saint-Domingue.» « Ah bon, moi je traverse le Sahara en 4x4 »... Plus besoin, pour mesurer son impact écologique de filer sur le Net à la recherche d’un calculateur CO2. Le Centre commun de recherche de la Commission européenne a élaboré une application de mesure d’empreinte carbone – Mobgas – utilisable sur le téléphone portable. Les informations recueillies, enregistrables sur un site web sécurisé, peuvent être comparées aux moyennes nationales. Charlie Pegg Des tonnes de silicium L’industrie photovoltaïque manque de silicium. Or ce semi-conducteur est très utilisé dans les puces des ordinateurs ou téléphones portables. Bonne nouvelle : IBM propose de revendre ses propres galettes de silicium. Et la firme américaine a de la marge. Trois millions de ces « wafers », gaufrettes en anglais, finissaient au rebut chaque année. En récupérant ces composants, des panneaux solaires représentant un potentiel de 13,5 mégawatts d’énergie propre pourraient être fabriqués. C.P.

www.accountabilityrating.com

7 000

xiver / fotolia.com

Chaîne de pubs à la chaîne Chérie on se fait une soirée télé ce soir, il y a une rediff de tous les spots de lessive de l’Asie orientale ? Pourquoi pas. Firebrand, une start-up lancée début décembre aux Etats-Unis, propose les films publicitaires les plus drôles et les plus créatifs en diffusion continue. Cette chaîne « tri-écran » (TV, Internet et téléphone portable)

fondée conjointement par Microsoft et NBC Universal réunit la crème des réclames de la planète. Plus besoin désormais de zapper pour retrouver le dernier spot de M. Propre. Les « programmes » de Firebrand sont en accès libre sur la Toile. Louise Allavoine www.firebrand.com

C’est le nombre d’éoliennes offshore qu’a prévu de « planter » la Grande-Bretagne le long de ses côtes. A supposer qu’il remplisse les conditions d’impact environnemental, le projet ne sera pas effectif avant 2020. Selon le secrétaire d’Etat aux Entreprises, ces équipements pourraient représenter une puissance de 25 gigawatts et avec ceux déjà planifiés, alimenter jusqu’à 25 millions de foyers en électricité. terra economica

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lu d’ailleurs

“ Volontourisme ” gros mot

Ras-le-bol des plages parfumées au béton, des hôtels surpeuplés et des vacances sans queue ni tête. La tendance est désormais au voyage à sens. Dans une enquête menée par Future Brand, un cabinet de tendances, on appelle cela du « volontourisme ». En clair, des touristes qui seraient devenus « plus » responsables et occuperaient désormais leurs heures oisives à chérir leur prochain ou l’environnement. On chercherait davantage à donner un sens à ses actes, plutôt qu’enquiller les kilomètres ou collectionner les couchers de soleil sur pellicule. Du coup, les acteurs du secteur prennent le train en marche. Les loueurs de voitures Hertz, Avis ou Budget offrent des véhicules plus propres pour l’environnement, les sites de voyages proposent de payer des compensations sur les émissions de CO2... Un petit détail toutefois. En 2006, 846 millions de touristes (1) – un record – se sont déplacés dans le monde. Sans émettre de CO2 ? David Solon (1) Source : www.unwto.org

Femmes du monde

L

françois doisnel / fotolia.com

a moitié des migrants dans le monde sont des femmes. Une étude de la Banque mondiale, citée par le quotidien sénégalais Walf Fadjri, en compte 95 millions parmi les 190 millions d’individus qui vivaient pour des raisons économiques hors des frontières de leur pays d’origine en 2005. Depuis les années 1960, cette proportion a largement augmenté. Ce phénomène influencerait considérablement le

développement. Faute de données, on sait peu de choses sur le type de profession qu’elles exercent et les sommes renvoyées dans leur pays d’origine. Néanmoins, il est établi, toujours selon cette étude, que les femmes « envoient beaucoup plus d’argent que les hommes à leur famille au pays » affirme Andrew Morrison, qui dirige le groupe d’étude de l’institution financière. L.A.

Le bois de la discorde Au Congo, la Banque mondiale et des tribus de Pygmées – 600 000 personnes – multiplient les prises de bec, selon l’agence de presse IPS. L’institution financière milite pour un redémarrage rapide de l’exploitation industrielle de la forêt, abandonnée pendant la guerre civile. De leur côté, les tribus indigènes, soutenues par des ONG comme Rainforest, exigent une étude d’impact environnemental et social du commerce du bois. Les Pygmées ont porté plainte à plusieurs reprises contre l’organisation financière ces derniers mois, mais se disent « prêts à travailler ensemble ». A.B.

www.walf.sn

www.ipsinternational.org/fr

Les assurances refusent d’affronter les tempêtes Les changements climatiques et leur cortège de catastrophes naturelles empoisonnent les finances des compagnies d’assurances de la planète. Lloyd’s of London, la plus célèbre d’entre elles, étudierait la possibilité d’augmenter

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les primes des clients qui polluent le plus, rapporte le quotidien québécois Le Devoir. Des années 1960 aux années 1990, la quantité d’événements climatiques violents a doublé et les pertes assurées ont été multipliées par sept. Lord Peter Levene, qui préside le conseil de la compagnie britannique, a déclaré lors

d’un voyage à Montréal que, pour des raisons purement commerciales et économiques, il fallait agir dès maintenant contre l’effet de serre. Tout simplement parce que « plus on attend, plus ça coûte cher ». Charlie Pegg www.ledevoir.com


zoom

yves marchand et romain meffre

Zoom sur Industria Pierres éclatées au sol, tôles froissées, toitures éventrées, halls endormis… C’est la « matière » principale des photographies d’Yves Marchand et de Romain Meffre. Du nord de la France à la Belgique, en passant par l’ex-Allemagne de l’Est, les deux hommes réalisent un inventaire des reliques en décomposition. Il n’y a rien d’exhaustif dans ce travail de mémoire débuté il y a cinq ans, mais une « tentative pour ne pas laisser ce patrimoine tomber dans l’oubli ». Ici, la salle des machines de la centrale électrique de Port Richmond, à Philadelphie (Etats-Unis), bâtie dans les années 1920. Mais pour les deux jeunes Français, c’est à Detroit que se trouve le patrimoine urbain en ruine le plus symbolique. La ville du Michigan – passée en cinquante ans de 2 millions à 800 000 habitants avec l’effondrement de l’industrie automobile – fourmille d’usines, de théâtres, d’hôtels, de cinémas et de commissariats abandonnés. http://reliques.online.fr Exposition « Movie Theaters – Les palais oubliés du cinéma », du 31 janvier au 13 mars à la galerie Cédille, 38, rue de citeaux, 75 012 Paris. terra economica

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l’objet

Les huîtres

T

op. Je suis un produit de la mer 100 % naturel, très prisé au moment des fêtes. On me gobe à la douzaine et, selon les goûts, arrosée d’un filet de citron ou de vinaigre d’échalotes. Les puristes, eux, me préfèrent nature. Mes régions d’origine sont principalement la Bretagne et le Poitou-Charentes, respectivement 35 % et 21 % de la production nationale en 2005. Mollusque de la classe des lamellibranches et de la famille des ostréidés, mon nom latin est crassostrea gigas. Je suis… Je suis… l’huître creuse bien sûr ! Comme son nom ne l’indique pas, l’huître creuse est d’origine japonaise. Cette espèce a envahi les côtes françaises dans les années 1970, par immigration choisie. Il a bien fallu remplacer sa janvier 2008

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cousine, l’huître plate (ou huître de Belon, comme disent les Bretons) menacée de disparition par un parasite. L’espèce indigène persiste dans quelques poches de résistance, la baie de Cancale et celle de Quiberon notamment. Mais elle est rare. Elle constitue à peine 1,4 % des 128 500 tonnes d’huîtres qui ont été annoncées en France pour la saison 2006-2007 d’après le Comité national de la conchyliculture (CNC). Rondes, charnues, goûteuses Pour être d’un bon cru, ce mollusque de luxe doit grandir dans des conditions optimales : eau impeccable, salinité et température adéquates. Les ostréiculteurs préservent donc le milieu naturel. La mer, c’est leur gagne-pain. « Les huîtres bio ? Ça n’existe pas, elles le sont toutes ! », vante Emmanuelle Papin, ostréicultrice à La Tremblade (Charente-Maritime). Sa famille dirige une société de 17 salariés. Chaque année, ils récoltent 500 tonnes d’huîtres. Leurs Marennes Oléron spéciales de claires ont ra-

cire

Produit de la mer à 100 % naturel, l’huître est une perle pour l’environnement. Balade marine avec un mollusque « eco-friendly ». PAR LOUISE ALLAVOINE


flé la médaille d’or au dernier Salon de l’agriculture. Parce qu’elles sont rondes, charnues, goûteuses. Pour obtenir ce résultat, les ostréiculteurs retournent inlassablement les poches qui les contiennent. Les coquillages doivent être séparés, disposer d’espace, respirer. Mais pas seulement. Les huîtres Papin voyagent de bassin en bassin. Elles trempent en eaux normandes pour l’engraissement et bretonnes pour le durcissement de la coquille. « C’est la transhumance, comme les moutons », s’amuse Emmanuelle Papin.

Questions sur la « quatre saisons » Grâce à une technique mise au point en 1997 par l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer), il est désormais possible de proposer des huîtres non laiteuses tout au long de l’année. A leur apparition sur les étals au début des années 2000, ces huîtres triploïdes, dites « des quatre saisons » soulèvent des interrogations. Organisme génétiquement modifié ? Non. Un règlement sanitaire européen l’atteste. Quant à l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa), elle conclut en novembre 2001 que les huîtres triploïdes « ne présentent, a priori, pas de risque sanitaire ». Il n’y a pas de danger à la consommation, mais y a-t-il un risque pour la biodiversité ? Que se passerait-il si ces huîtres issues d’une manipulation chromosomique colonisaient le milieu naturel ? Rien d’après une expertise commandée en 1999 par le ministère de l’Agriculture et de la Pêche au professeur Bernard Chevassus-au-Louis, un expert de l’Institut scientifique de recherche agronomique (Inra). Et par principe de précaution, « la lignée de reproducteurs est maintenue en milieu confiné », garantit André Gérard, directeur de recherche à l’Ifremer.

518 millions d’euros,

le chiffre d’affaires de la filière ostréicole en 2006.

Pour aller plus loin

Le site des amateurs d’huîtres : www.ostrea.org Le site du comité national de la conchyliculture : www.cnc-france. com La fiche de l’Ifremer sur les huîtres triploïdes : www.ifremer. fr/aquaculture/ fr/fiches/huitres_ triploides.htm

Les pérégrinations de l’huître s’achèvent à Marennes-Oléron pour l’affinage en « claires », méthode spécifique à ce bassin. Au cours de son cycle de trois à quatre ans, une huître est manipulée près de 150 fois. L’ostréiculture, métier artisanal, protecteur du milieu naturel, apparaît donc irréprochable d’un point de vue environnemental. Bon, il y a bien le transport en camions réfrigérés. Mais là, c’est chercher la petite bête. Coquille vide Question gobage de mollusques vivants, le Français est champion du monde. Il s’enfile pas moins de 2 kilos d’huîtres crues par an, dont la moitié pendant les fêtes de fin d’année. Après aspiration du contenu (le corps mou), le contenant (la coquille) peut trouver une seconde vie à l’état de poudre. Voilà comment certaines huîtres finissent dans les basses-cours, en guise de complément alimentaire pour volailles. Le calcium et le magnésium du coquillage aident les poules à constituer les coquilles d’œuf. Et depuis peu, la poudre de coquille d’huître sert aussi à mettre au point des peintures de signalisation routière sur le bitume breton. —

« Les apprentis z’écolos » et le sapin En ligne, découvrez le nouvel épisode de la série de dessins animés de Terra Economica (en coproduction avec Télénantes et Six Monstres) qui dit tout sur votre sapin de Noël : www.planete-terra.fr (rubrique Environnement)

La France est le premier 128 500 tonnes d’huîtres producteur européen et le quatrième mondial.

annoncées en France pour la saison 2006-2007. terra economica

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le marketing expliqué à ma mère

Les corps humains transformés en panneaux de réclame. Des mètres carrés de peaux à tatouer. Ce rêve d’agences de com n’est plus totalement de la science-fiction. PAR CECILE CAZENAVE

L

a peau de Brooke ne vaut pas un kopek. Cet Australien comptait pourtant vendre cher son front comme support publicitaire vivant. Fin novembre, c’est sous le nom de « rednecksombie138 », qu’il a mis aux enchères le tiers supérieur de son visage à 500 000 dollars (340 000 euros), 10 janvier 2008

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Caricature de l’homme-sandwich Ces centimètres carrés d’épiderme transformés en panneaux muraux ressemblent à une série B futuriste. Pourtant, le phénomène est réel. En 2003, le casino en ligne Golden Palace a versé 15 000 dollars sur le compte de Karolyne Smith, une Américaine de l’Utah, pour qu’elle tatoue définitivement son front à l’enseigne du site de jeux. Vidéo à l’appui, l’événement a fait du bruit, notamment sur le Net. L’enseigne a remis le couvert en rémunérant des streakers (spectateurs qui traversent nus les pelou-

olivier philipponneau

La publicité à fleur de PEAU

prix de départ, invitant n’importe quelle marque audacieuse à y tatouer son nom pour une durée de deux ans. Pas d’acquéreur. « Je vais réessayer en diminuant le prix de départ, mais j’ai peu d’espoir », explique le jeune homme déçu qui misait sur cette singulière manière, « la plus simple et la plus rapide », de gagner assez d’argent pour se sortir de difficultés financières. A défaut du front de Brooke, il était possible, au même moment, de choisir le dos de David Lepage, un habitant de Floride, pour y graver son logo. Les 2 millions de dollars (1 350 000 euros) demandés étaient supposés financer le lancement de sa société dans l’industrie du divertissement. Mais là encore, chou blanc.


Un Américain a mis son dos aux enchères sur eBay pour de dollars.

2 millions

15 000 dollars, le

montant du chèque pour le tatouage Golden Palace.

ses de stades) pour débouler tatoués sur les terrains d’événements sportifs internationaux. « C’est un retour peu réjouissant, à la fois banal et paroxystique, caricatural même, de l’homme-sandwich, analyse Thomas Jamet, codirecteur de l’agence Reload (Publicis groupe media). Ce phénomène fait partie du nouveau contrat de notre société : les marques font passer des messages par nous. » Et le publicitaire de faire remarquer que le mot « brand » (« marque » en anglais) désigne avant tout le marquage au fer rouge des taureaux. En France, l’agence Tribeca s’est elle aussi creusé les méninges. En 2005, plusieurs milliers de tatouages temporaires ont été distribués gracieusement aux participants de la course Marseille-Cassis pour le compte de Nike, l’un des sponsors. L’image figurait un cœur traversé de la mention « Gineste forever », du nom de la côte la plus dure à grimper, précédée du logo de la marque. « C’est une traduction de ce qui se fait aux Etats-Unis, mais de manière ludique. Aller plus loin serait contre-productif pour le client. On ne peut pas rire avec tout », explique Laurent Valembert, directeur de l’agence. L’opération fut à peine plus sulfureuse qu’une vignette Malabar. « La grande fête de la marque » Faut-il s’attendre à lire des « J’aime mon Vuitton », ou « Kro pour toujours » sur les avant-bras de nos concitoyens dûment rémunérés ? « C’est de la science-fiction, rétorque Romain Achard, directeur associé de l’agence Nouveau Jour. Un tel phénomène correspond davantage à un défi qu’à une idée industrielle. Le corps humain n’est pas un vrai support. » Pas d’un point de vue économique en tout cas. Quelques entrepreneurs s’y sont bien essayés. Au Canada, le site TatAd, une plate-forme mettant en relation candidat au tatouage et annonceurs, n’a pas fait fortune. Aux Etats-Unis la société Handvertising – amalgamant main (hand) et publicité (advertising) – tente de faire parler d’elle, sans gros succès pour l’instant. Car les tatoueurs le savent, des milliers de jeunes se font déjà dessiner sur la peau la fameuse vague de Nike, sans contrepartie. « Dans la société du spectacle, il s’agit d’en mettre plein la vue, de participer à la grande fête de la marque ! De longue date, le corps est devenu un écran sur lequel projeter ses fantasmes et ses rêves », explique le sociologue David Le Breton. Porter le logo de la multinationale sportive pour le

Pour aller plus loin

- « Le corps communiquant, le XXIe siècle, civilisation du corps ? », ouvrage coordonné par Béatrice Galinon-Melenec et Fabienne Martin-Juchat (L’Harmattan, 2007). - « En souffrance, adolescence et entrée dans la vie », David Le Breton, (Métailé, 2007).

Le corps

“ est devenu un écran sur lequel projeter ses fantasmes et ses rêves. ”

restant de sa vie ne fait pas peur. Au contraire. L’inscription participe d’un partage des valeurs véhiculées par l’équipementier. Les messages « je peux être fort », « je peux atteindre mes buts », « je peux maîtriser la douleur » n’ont effectivement rien d’infamant. La chercheuse Fabienne Martin-Juchat, professeur de sciences de l’information et de la communication à l’université de Grenoble, est beaucoup plus mesurée. Celle-ci inscrit cette pratique dans une logique sociohistorique. « Aujourd’hui, investir dans un projet collectif est insécurisant. Les gens se replient donc sur leur corps, le seul domaine contrôlable. Celui-ci devient un instrument au service du développement personnel. Pourquoi pas un média publicitaire ? » Pour cette spécialiste, la marchandisation du corps humain est en route. « L’idée de faire de son corps son propre projet entre dans une logique de l’individualisme moderne. Typique des Etats-Unis, cette tendance envahit aujourd’hui l’Europe, avec certes, des résistances », conclut-elle. Le temps des vignettes Malabar décalquées sur les avant-bras semble définitivement révolu. — Retrouvez « le marketing expliqué à ma mère » sur : www.terra-economica.info

Epiderme invendable en France « En droit français, la réponse à un tel phénomène est claire : le corps est hors commerce », explique Michel Dupuis, professeur de droit à Lille-II. L’article 6 du Code civil énonce que des conventions ne peuvent être passées en étant contraires à l’ordre public et aux bonnes mœurs. « Le Vieux Continent a une vision de la morale et de l’éthique qui sacralise l’homme », ajoute-t-il. Pour le juriste, la question est la suivante : jusqu’où peut-on contraindre une personne à renoncer à une liberté enfreignant l’ordre ? Or, en 1996, une campagne d’affichage Benetton, exposant des personnes tatouées « HIV positive », fut condamnée, au motif de non-respect de la dignité humaine. « Dans cette affaire, la personne, même consentante, disparaissait derrière son corps, utilisé comme objet », rappelle Marie-Angèle Hermitte, chercheuse à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, pour qui vendre sa peau à une marque tomberait sans doute sous le coup d’un même raisonnement. terra economica

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dossier

Entrepreneurs sociau

Ils changent le m 12 janvier 2008

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monde

combattant du grand écran 20-21 La Norvège met de l’éthique dans sa finance 22-23 Jean-Marc Borello, le businessman de l’insertion 24-25 José Roberto Giosa, le recycleur de lumière 26-27 Jeroo Billimoria apprend l’argent aux enfants.

Ils pullulent dans les écoles de commerce, mais pas seulement. Ils ont dix mille idées à la seconde. Ils veulent sauver la planète et la rendre plus juste. Ils, ce sont les « entrepreneurs sociaux », une nouvelle génération ravie de faire le grand écart entre le monde des affaires et l’intérêt collectif. PAR KARINE LE LOËT

I

ls parlent mandarin, brésilien ou français. Ils ont fait leurs classes dans les rues de leur quartier ou sur les bancs d’une école de commerce renommée. Ils sont à la tête d’une association, d’une mutuelle, d’une coopérative… Ils agissent sur le terrain de l’exclusion, de la santé, de la culture ou encore de l’écologie. Les entrepreneurs sociaux poussent aujourd’hui tout autour du globe. Leurs profils sont multiples mais présentent quelques traits communs. Courageux acrobate, l’entrepreneur social fait le grand écart entre les mondes, jusqu’ici antinomiques, des affaires et de l’intérêt collectif. Car il n’aime pas les caricatures. Aussi refuse-t-il obstinément de porter l’étiquette du doux rêveur ou, inversement, celle du requin de la finance. Sa force à lui : combiner les qualités des deux camps. S’il s’enorgueillit de maîtriser les lois du marché et de la concurrence, il sait aussi discer-

ner les contours d’une situation d’exclusion. Une alchimie gagnante pour Jean-Claude Rodríguez-Ferrera. Tout a commencé par un constat : la communauté immigrée peine à accéder aux services financiers. Sa réponse ? De petits cercles autogérés d’une trentaine de membres, où ces exclus de la finance rassemblent leurs économies et organisent des prêts. S’il a lancé son projet en Catalogne, Jean-Claude Rodríguez-Ferrera rêve aujourd’hui de partir à l’assaut de l’Espagne et pourquoi pas de l’Europe tout entière (lire page 21). L’homme est un « visionnaire pragmatique », souligne la fondation Schwab, une organisation consacrée à la promotion de ces nouveaux acteurs de l’économie. Depuis le début des années 1980, le secteur dit « citoyen » a eu une croissance deux à trois fois supérieure au reste de l’économie dans les 30 pays de l’Organisation de coopération et de développement éconoterra economica

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julien daniel / œil public

ux

sommaire 14-15 Danone, taille micro au Bangladesh 18-19 John Liu, le


dossier miques (OCDE). Certes, au cœur de cette zone en expansion ne gravitent pas simplement les entrepreneurs sociaux. Il n’empêche. Ces nouveaux inventeurs en sont sans aucun doute le turbo. Des « victimes » qui ont des idées A l’origine du projet germe une idée dans le cerveau fertile de notre entrepreneur. Pour gagner ses galons sur l’échelle de ce nouveau secteur rien ne sert de créer une énième boulangerie ou de monter une franchise McDonald’s. Non, « il s’agit d’instituer un changement systémique qui pourra être répliqué », souligne Olivier Kayser, vice-président d’Ashoka en Eu-

rope, une organisation sœur de la fondation Schwab. Notre entrepreneur de génie s’appelle par exemple Govindappa Venkataswamy. Son objectif ? Rendre la vue à des millions d’Indiens touchés par la cataracte. Mais les malades sont nombreux et les opérations coûteuses. Venkataswamy imagine alors un système inspiré de la solidarité économique. Il fait endosser aux plus riches le coût de l’opération des plus pauvres. Rentables, les hôpitaux de Venkataswamy dégagent aujourd’hui des bénéfices qui sont, chaque année, réinvestis dans de nouvelles structures. Enfantin ? Peut-être. Encore fallait-il y penser. Et surtout le faire à grande échelle.

Ces drôles d’idées ne poussent pas sans raison dans une caboche. Dans 50 % des cas, estime Olivier Kayser, l’entrepreneur social aura été « victime » directe ou indirecte du problème qu’il s’échine à résoudre. C’est le cas de Ryadh Sallem, fortement handicapé à la naissance et triple champion d’Europe de basket handisport. L’homme est aujourd’hui à la tête de Cap SAAA, une organisation française qui rassemble enfants handicapés et valides autour d’un ballon et fait de la sensibilisation dans les écoles. Pour d’autres, c’est le spectacle d’une absurdité qui est à la source de la conversion. Révoltée par ces enfants équatoriens livrés Suite page 16

Danone, taille micro au Bangladesh Microcrédit, micro-usine, micromarché… La multinationale française teste un nouveau modèle économique et social pour les pays en développement. PAR SIMON BARTHELEMY

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A Bogra, des femmes apportent leur lait à l’usine Danone. 14 janvier 2008

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Quel premier bilan tirez-vous de votre implantation au Bangladesh ? Après quelques problèmes d’approvisionnement et de qualité, notre équipe est opérationnelle depuis août. Nous inventons une nouvelle forme de distribution en zones rurales. Du porte-à-porte en fait, qui est assuré par les « Grameen ladies », près de 250 femmes recrutées dans les communautés grâce aux réseaux de la Grameen Bank. Dans un premier temps, nous nous sommes heurtés à

haley / sipa

u Bangladesh, Danone produit et distribue des yaourts à bas prix grâce à la banque Grameen, spécialiste du microcrédit. Il s’agit du « pilote » d’un vaste programme économique et social visant à combattre pauvreté et malnutrition. Révolution ou coup de pub ? Emmanuel Marchant, le directeur du projet, s’explique.


« Notre yaourt à 6 centimes d’euro

leur réticence à l’idée de sortir seules, ainsi qu’aux craintes de leurs maris. Aujourd’hui, les résultats suivent : chaque femme vend entre 30 et 100 yaourts de la marque Shoktidoi par jour, quand nos prévisions tablaient sur 40 yaourts au quotidien.

reste un investissement dans un pays où 22 % de la population gagne moins de 1 euro par jour. »

Cela leur suffit-il pour vivre ? Ces femmes touchent entre 0,7 et 1 taka (BDT) par yaourt qui en vaut 5. Une lady qui en écoule 50 gagne donc l’équivalent d’un salaire minimum journalier pour environ 4 heures de travail. A côté de cela, nous achetons le lait au-dessus du prix du marché à 500 fermiers, eux-mêmes équipés grâce aux microcrédits de la Grameen, et nous leur garantissons un débouché.

Ce sont surtout des femmes : Grameen développe ainsi une force de travail et une capacité d’initiatives jusqu’ici inutilisées, mais n’en fait pas pour autant des esclaves à vie… Il faut rappeler que sans la Grameen notre projet n’aurait jamais vu le jour. Cette institution est à la fois un exemple d’entreprise sociale et l’ONG la plus commerciale. Elle fait du business depuis trente ans.

Certains critiquent les taux importants, proches de l’usure, que doivent rembourser les clients des microcrédits de la Grameen. Qu’en pensez-vous ? Les taux importants sont une caractéristique du microcrédit. Ils sont plus coûteux car les employés de la Grameen vont rencontrer leurs clients chaque semaine. Ils apportent des moyens de développement à des populations qui n’y avaient pas accès. En outre, les clients doivent réussir leur projet avant de pouvoir réemprunter.

Au-delà d’une belle campagne de communication, quel bénéfice Danone espère-t-il en tirer ? Vous parlez à un idéaliste ! Nous menons ce projet car c’est en partie l’avenir et la mission de Danone que d’apporter la santé par l’alimentation au plus grand nombre. C’est aussi très important pour mobiliser nos salariés. Notre investissement (un million de dollars par usine) devrait être rentabilisé d’ici à quatre ans. Nous ouvrons là un nouveau marché, mais

Un programme de 50 usines Danone a inauguré en février 2007 son usine de yaourts à Bogra, dans le nord du Bangladesh, en partenariat avec le groupe Grameen (dont le président Muhammad Yunus, prix Nobel de la paix 2006, possède 50 % de la nouvelle société, Grameen Danone Food). La multinationale française a créé une quarantaine d’emplois dans cette première usine (une deuxième va bientôt ouvrir), mais assure surtout de l’activité aux fermiers locaux, débiteurs de la Grameen Bank, et à ses ladies, converties en « VRP de yaourts » (elles devraient être 2 000 à Bogra d’ici deux ans). Le champion des produits laitiers veut quadriller le Bangladesh avec, à terme, une cinquantaine d’usines installées au cœur des communautés. Objectif : faire vivre 1 600 personnes par site. Et donner le goût du yaourt Danone à tout le pays.

ce ne sera pas une machine à faire de l’argent. L’objectif est plutôt de créer un modèle pérenne : cette usine est la plus petite du groupe, dans un pays qui a peu d’infrastructures et où les gens n’ont pas de réfrigérateur. Mais nous l’avons installée au plus près de nos clients, ce qui leur permet d’avoir enfin accès à des produits frais et d’approvisionner à pied ou en rickshaw. Au Bangladesh, la moitié des 144 millions d’habitants n’a pas les moyens de s’alimenter correctement. Ne craignezvous pas d’être une goutte de yaourt dans un océan de pauvreté ? Danone ne va pas sauver le monde, mais nous espérons contribuer à ce que des gens vivent mieux. L’objectif est que chaque usine puisse « approvisionner » 350 000 enfants. Si nous créons les 50 usines prévues, cela ferait près de 18 millions de personnes. Aujourd’hui, les Bangladais mangent un yaourt local très sucré, plutôt les jours de fête. Nous souhaiterions les inciter à une consommation quotidienne, ou au moins deux fois par semaine pour que cette consommation ait des effets significatifs sur la santé, qui seront évalués par l’association Global Alliance for Improve Nutrition (1). Notre yaourt n’est pas cher (6 centimes d’euro), mais cela reste un investissement pour les plus pauvres, les 22 % de la population qui gagnent moins de 1 euro par jour. Nous ciblons donc plutôt les personnes qui gagnent entre 1 et 3 euros par jour (53 % des Bangladais), pour lesquels « l’effort » est tout de même de 5 % à 6 % de leurs revenus pour deux enfants qui consommeraient des yaourts 3 fois par semaine. — (1) www.gainhealth.org

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Consultation auprès d’un malade du sida au Malawi.

treprise espagnole de produits laitiers. Ses 203 employés – dont 120 souffrent d’un handicap mental ou physique – sont propriétaires des 4 centres de production. L’entreprise affiche aujourd’hui 6 millions d’euros de chiffre d’affaires et menace les géants Danone et Nestlé. Démocratie participative en boîtes Objectif social, démocratie participative, fin du tout-profit. Autant de raisons pour les désabusés du secteur des affaires de changer de crémerie. A leurs risques et périls toutefois. « Car les entrepreneurs sociaux sont pris entre les feux du système associatif qui n’aime pas trop leurs approches ambitieuses et le secteur privé qui ne com-

prend pas leur démarche », souligne Olivier Kayser d’Ashoka. Bref, on les prend souvent pour des illuminés. Depuis quelques années, le regard du public se fait toutefois bienveillant. « Il y a un phénomène générationnel, explique Tariq Ghezali, responsable du programme entrepreneurs sociaux auprès de l’Agence de valorisation des initiatives socio-économiques (Avise). Il y a dix ans, les jeunes des écoles de commerce ne rêvaient que d’une chose : monter une start-up. Aujourd’hui, ils veulent que leur travail serve à quelque chose. Si la tendance se poursuit, ne faire “ que ” de l’économique deviendra bientôt ringard. » Et ce nouvel appétit, les écoles de commerce et les universités l’ont bien compris. Elles propo-

L’entrepreneuriat social Multiples et variées, les entreprises sociales sont difficiles à recenser. En Grande-Bretagne, un rapport gouvernemental de 2005 évaluait leur nombre à 15 000 (1,2 % du nombre total d’entreprises) et leur masse salariale à 775 000 personnes (dont 300 000 bénévoles). Selon la même source, ces entreprises sociales génèreraient 0,8 % du chiffre d’affaires total des entreprises britanniques. En France, il n’existe que quelques données sur le secteur de l’économie sociale. Selon le Cerphi (Centre d’étude et de recherche sur la philanthropie), 210 000 employeurs contribuaient au secteur de l’économie sociale en 2006 et employaient 2 622 431 personnes.

samuel bollendorf / œil public

à eux-mêmes dans les rues des villes, Sylvia Reyes crée, en 1995, l’association Juconi qui offre des services individualisés de formation et d’accès aux soins à ces gamins. Jusqu’à peu, les entrepreneurs sociaux semblaient fleurir davantage sous le soleil des pays en développement. Dès 1982, Ashoka recensait ainsi l’initiative d’un homme déterminé à résoudre la carence en vitamine A et à doper les revenus d’une population indienne en introduisant la culture de la papaye. Cinq ans plus tard, elle pointait l’ingéniosité d’un inventeur, à l’origine de petites conférences scientifiques truffées d’expériences ludiques sensibilisant les Brésiliens les plus démunis. Depuis quelques années, la donne change : les idées poussent aujourd’hui partout sur la planète. Et grandissent même sur le bitume des pays occidentaux. Il y a quatre ans, Ashoka a du coup lancé une filière en Amérique du Nord avant de s’ouvrir vers l’Europe deux ans plus tard. La raison d’une telle contagion ? Les gouvernements, qui jusqu’ici gardaient jalousement le monopole des solutions sur le terrain social, semblent comprendre peu à peu le potentiel de ces nouveaux participants. Car les terrains de jeux ne manquent pas. Notamment du côté de l’exclusion et du handicap. Et ils sont de plus en plus nombreux à s’y risquer, offrant ici une réponse à la discrimination à travers une agence de recrutement spécialisée dans les candidats issus des banlieues. Proposant là une récompense aux entreprises et autorités locales les plus impliquées dans l’insertion des handicapés. Mais si l’espèce des entrepreneurs sociaux est aussi prolifique, c’est qu’elle bouleverse le cadre figé de l’entreprise traditionnelle. A l’aube de son projet, le créateur prend en effet un engagement : il offrira à sa société les bienfaits d’une gouvernance participative. Dans ses organigrammes, les parties prenantes seront impliquées. Les décisions non fondées sur la propriété du capital, et l’écart de rémunération entre dirigeants et salariés réduit au maximum. C’est l’exigence de Cristóbal Colón, fondateur de La Fageda, une en-


« Aujourd’hui, les jeunes des écoles de commerce veulent que leur travail serve à quelque chose. Si la tendance se poursuit, ne faire que de l’économique sera bientôt ringard. » Tariq Ghezali, de l’Agence de valorisation des initiatives socio-économiques

sent aujourd’hui des filières, adaptées à la tendance. A l’Essec, on peut depuis 2003 suivre une formation en « entreprenariat social », tandis qu’à HEC existe une majeure « management alternatif », ouverte aussi aux élèves de l’ESCP-EAP. Selon une étude d’Ashoka, plus de 80 grandes écoles et universités proposeraient aujourd’hui un enseignement similaire à travers le monde, dont la prestigieuse Insead (Institution européenne d’administration des affaires), l’IESE de Barcelone ou encore la School for Social Entrepreneurs (SSE) érigée à Londres, en 1997, et qui, en dix ans, a formé 300 étudiants.

La communauté des créatifs

A proximité de la sphère des entrepreneurs sociaux gravite un autre univers, si proche que les deux mondes se chevauchent parfois : celui des créatifs culturels. Identifié en 2000 par deux chercheurs américains, le sociologue Paul H. Ray et la psychologue Sherry Ruth Anderson, ce « mouvement » concernerait près d’un quart de la population américaine. Selon les conclusions d’une étude menée pendant treize ans auprès de 100 000 personnes, les créatifs culturels se soucient d’écologie, cultivent la solidarité, le développement personnel et spirituel, s’engagent pour défendre leurs valeurs et optent pour une alimentation et une médecine saines. Dans l’Hexagone, 17 % des Français et surtout des Françaises (67 % des créatifs culturels) formeraient cette famille à la pointe du changement sociétal, selon une étude de l’Association pour la biodiversité culturelle de 2007. L’émergence des créatifs culturels, Paul H.Ray et Sherry Ruth Anderson. Ed. Souffle d’or. Les Créatifs culturels en France, Association pour la diversité culturelle, Ed.Yves Michel.

Clés magiques vers de juteux marchés Le financement est lui aussi en courbe ascendante. Ashoka, par exemple, verse un salaire à ses fellows – ou membres – pendant les trois premières années de leur projet. D’autres structures, comme la fondation Schwab, parient plutôt sur le réseau. Aussi a-t-elle mis sur pied le Forum économique mondial qui se réunit tous les mois de janvier à Davos (Suisse). C’est là, par exemple, que Mel Young, entrepreneur écossais, a croisé la route du pédégé de Nike et décroché le financement à l’organisation de sa Coupe du monde de foot des sans-abri. Un partenariat réussi : en 2007, la rencontre accueillait 48 pays. Pas de doute, les multinationales saisissent peu à peu le potentiel de cette nouvelle race d’entrepreneurs, clés magiques vers de nouveaux marchés. Ainsi Cemex, géant du ciment, s’est ouvert, par le truchement d’une entreprise sociale, la porte des bidonvilles du Mexique. En acceptant de ses acheteurs un remboursement graduel hebdomadaire, l’entreprise s’est assuré la fidélité d’une immense clientèle. Certes, pour aligner les plateaux de sa balance,

notre entrepreneur social doit se montrer parfois plus ingénieux que ses confrères. « Monter un programme d’éducation primaire en Afrique ou assurer un service sanitaire possède a priori peu de chances d’être rentable, précise Mirjam Schöning, directrice de la Fondation Schwab. Et pourtant, les solutions existent. Au Paraguay et au Brésil, un programme fait cohabiter agriculture et éducation des enfants. Les élèves suivent un enseignement classique et apprennent à cultiver les champs. Du coup, le programme devient rentable parce qu’ils forment les futurs acteurs de l’économie. » Certains projets, rentables en diable, font même des petits. C’est le cas de l’idée de Mohammad Yunus, créateur du microcrédit. Inventé au Bangladesh en 1978, son système déploie ses règles inédites dans 45 pays et touche 60 millions des personnes, dont 27 millions parmi les plus pauvres. L’homme a décroché le Nobel de la paix, rien de moins. D’autres marchent dans ses pas. C’est le cas des cinq projets sur lesquels Terra Economica a décidé de porter la lumière aujourd’hui. Du Brésil à la France, de la Chine à l’Inde en passant par la Norvège, ceux-là s’attèlent à apprendre aux enfants à épargner, à pousser les plus démunis à réduire leur facture d’électricité en recyclant leurs canettes, à mettre en réseau des associations, à sensibiliser à l’environnement ou à mettre de côté les bénéfices pétroliers pour assurer des jours meilleurs à un pays. Lancés depuis dix ou vingt ans, ils participent au « changement systémique », celui qui bouleverse la vie de millions d’habitants, faisant fi des frontières et des cultures. Et jurent même de grossir, oh pardon, de grandir encore davantage. — Fondation Schwab : www.schwabfound.org Ashoka : www.ashoka.org terra economica

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ENVIRONNEMENT

Un combat sur grand écran

Montagne en Ethiopie, pays dont le président a été séduit par le projet de John Liu.

John Liu promène sa caméra partout dans le monde pour témoigner de la dégradation des écosystèmes, mais surtout montrer des solutions. Ecoles, palais présidentiels, conférences internationales… Rien ne résiste à ses films. PAR KARINE LE LOËT (A LONDRES)

18 janvier 2008

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I

l se dit à l’aise partout. Dans la poussière d’un bidonville du Rwanda comme au comptoir d’un pub londonien, où il est venu exposer ses actions ce jour-là. Fils d’un père chinois et d’une mère d’origine écossaise, John Liu l’Américain a fait honneur au méli-mélo de ses racines en arpentant le globe. Et construit une vision du monde en forme de microcosme, fragile au creux de sa paume. Aujourd’hui, le directeur de l’EEMP (traduit en français par « Projet médiatique pour l’éducation

Paysage lunaire et stérile John Liu quitte CBS et s’attèle à la réalisation de films sur l’environnement. Mais son projet manque encore d’un squelette solide pour porter le corps de son message. En 1997, il lance sa première structure, l’EEMPC (Environmental Education Media Project for China). Objectif : sensibiliser le peuple chinois aux problèmes environnementaux. Grâce à son carnet d’adresses gonflé par des années de reportages, il se fraye une voie dans les écoles, les conférences, les réunions au sommet. Là, il diffuse ses films. La prise de conscience gagne du terrain. « Il y a une dizaine d’années, les Chinois étaient peu sensibles aux urgences écologiques, convaincus que c’était à l’Etat de régler ça, souligne John Liu. Aujourd’hui,

Ittel / sipa

à l’environnement ») a endossé une mission de taille : sensibiliser les humains aux problèmes écologiques et offrir des solutions. Nous sommes à la fin des années 1980. L’histoire de John Liu suit un cours inattendu. Caméraman pour la chaîne d’information américaine CBS à Pékin, John est catapulté aux quatre coins du bloc soviétique en début d’effondrement. Les premières questions émergent. « Qu’estce qui est important ? Les sujets politiques, économiques, me semblaient soudainement centrés sur des enjeux uniquement humains. » Au même moment, la Chine commence à ressentir les effets d’une économie et d’une population en croissance exponentielle. Des nuages de pollution s’amassent au-dessus de ses villes, la poussière y règne. « Quand j’arrivais au bureau, je me disais chaque matin : “ Il faut faire quelque chose. ” Jusqu’à ce qu’un jour, je me dise que c’était peut-être à moi d’agir. »


n’importe quel individu dans la rue vous dira que c’est important et qu’il faut faire quelque chose. » John Liu est heureux, mais pas encore satisfait. Les frontières de la Chine tiennent sa mission trop à l’étroit. Il lance donc le projet Earth Hope, une initiative médiatique d’envergure chargée d’« engager la communauté internationale à réduire la pauvreté et à réhabiliter l’écosystème à grande échelle ». L’idée a germé au détour d’un de ses reportages. En 1995, John Liu filmait alors la réhabilitation du plateau de loess en Chine centrale. Dans ce paysage lunaire, grand comme la France, élevage et agriculture intensifs ont stérilisé les sols. Les cultivateurs et les éleveurs vivotent entre deux famines. John Liu persuade les villageois de replanter des arbres, de bannir les cultures en pente et le pâturage des bêtes en plein air. Dix ans plus tard, les collines du plateau ont retrouvé leurs vertes couleurs et les habitants une source de revenus régulière. Rwanda et Ethiopie convaincus Estomaqué par cette métamorphose, John Liu veut la faire partager. Cassettes sous le bras, il part à l’assaut du monde. Son message tient en quatre points : biodiversité, stabilité et fertilité des sols, régulation hydrologique et cycle du carbone. Ce sont, selon lui, les clés pour réparer un écosystème dévasté et éliminer la pauvreté chronique. Au Rwanda, il croise la route du Premier ministre Bernard Makuza. Conquis par

« Quand j’arrivais

au bureau, je me disais chaque matin : “ Il faut faire quelque chose. ” Jusqu’à ce qu’un jour, je me dise que c’était peut-être à moi d’agir. »

ses arguments, l’Etat africain modifie les lois encadrant la culture des sols. Aujourd’hui, il négocie avec la Banque mondiale et les Nations unies un projet de réhabilitation de l’écosystème à grande échelle. L’an passé, John Liu a fait un crochet par l’Ethiopie. Le temps de serrer la main du président Girma Wolde-Giorgis et voilà ce pays en pleine réflexion sur le sujet. Rien ne sert de résoudre un problème environnemental dans son coin, martèle l’Américain, car les lois de l’écosystème ne s’arrêtent pas aux frontières des pays. C’est donc en tant qu’« espèce humaine » qu’il faut agir, assure-t-il. A lui de relayer le message. « Qui suis-je ? Un simple cameraman ? Et pourtant, j’offre une réponse au changement climatique. Ce n’est peut-être pas la solution ultime. Mais en absence d’alternative, il faut exploiter celle-là. Car c’est maintenant qu’il faut agir. » —

fiche d’identité

www.preciouswoods.ch

Sekem

Fondateur et pédégé : Ibrahim Abouleish. Pays : Egypte. Création : 1977. Objet : Sekem (« Force du soleil ») est un réseau de fermes agricoles biologiques basées au Soudan et en Egypte. Sekem cultive des fruits et légumes mais aussi des produits phytosanitaires. Résultats : Lauréat de la fondation Schwab, Sekem emploie 2 000 personnes. www.sekem.com

Enlaw

Fondateur : Surachai Trong-ngam. Pays : Thaïlande. Création : 2001. Objet : l’association Environmental Law Centre (Enlaw) a pour but de venir en aide aux communautés thaïlandaises en leur octroyant une assistance juridique, notamment en ce qui concerne les litiges liés aux problèmes environnementaux. Résultats : Surachai Trong-ngam est en passe d’obtenir la création d’une cour de justice spécifiquement liée aux contentieux écologiques. www.enlaw.org (en thaïlandais uniquement)

DR

FONDATEUR : John Liu. CREATION : 1997. OBJECTIF : sensibiliser aux problèmes environnementaux à travers des films documentaires. REALISATIONS : création de la plus grande bibliothèque chinoise sur le développement durable en 1998, ouverture d’un réseau d’information chinois sur le sida en 2002. PARTENAIRES : Nations unies, Banque mondiale, Union européenne, ministère britannique du Développement international (DFID), Banque asiatique de développement (ADB)...

Precious Woods

Pédégé : Andreas Heusler. Pays : Suisse. Création : 1990. Objet : l’entreprise cotée en Bourse gère de façon durable des forêts tropicales en Amérique centrale et en Amérique du Sud. Elle participe ainsi à leur protection et commercialise des produits fabriqués à partir de bois labellisé FSC. Résultats : 53,4 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2006.

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Mines antipersonnel en Inde.

FINANCE

Depuis 1996, le royaume place ses économies pétrolières dans un fonds public. Qui n’investit que dans des entreprises « morales ». PAR ANNE-FRANçOISE HIVERT (À MALMÖ)

20 janvier 2008

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C

ompter parmi les pays les plus riches du monde ne va pas sans responsabilité. C’est en tout cas une opinion largement partagée en Norvège. Le petit royaume de 4,7 millions d’habitants figure aujourd’hui au cinquième rang parmi les exportateurs de brut sur la planète. Chaque jour, la pétromonarchie scandinave produit 2,8 millions de barils. Plutôt que de dilapider cette manne financière, Oslo a décidé en 1990 de placer les recettes issues de l’exploitation de l’or noir dans un « fonds pétrolier ». Les premiers transferts ont eu lieu en 1996. Dix ans plus tard, la valeur du fonds de pension public norvégien a atteint 2 000 milliards de couronnes, soit 250 milliards d’euros, ce qui en fait l’un des mieux dotés au monde.

Eviter la surchauffe Le pactole est géré par la banque centrale du pays. Les capitaux sont investis en actions et obligations, dans 3 500 entreprises, exclusivement à l’étranger. Jamais le fonds ne prend plus de 5 % du capital d’une société. Les administrateurs visent la rentabilité au moindre risque. « Notre but est de transformer les revenus pétroliers en atout financier sur le long terme », explique Steinar Selnes, conseiller à la Banque de Norvège. D’ailleurs, seuls les intérêts générés par les investissements peuvent être versés au budget de l’Etat. La création du fonds vise à éviter les risques d’une surchauffe de l’économie et à préparer le vieillissement de la population, qui devrait intervenir alors que les ressources en hydrocarbures seront en train de s’épuiser.

strdel / AFP et DR

Norvège : une éthique de fond


Mais l’enrichissement de la Norvège ne doit pas se faire à n’importe quel prix. En 2004, les députés du royaume ont donc adopté à l’unanimité un code d’éthique, encadrant la gestion des investissements. Gro Nystuen, avocate et spécialiste des droits de l’homme, préside depuis janvier 2005, le Comité consultatif sur l’éthique, chargé de contrôler la « moralité » des entreprises dans lesquelles le royaume place son fonds de pension. « Nous estimons que nous avons une responsabilité particulière quand nous générons de tels revenus et qu’il est important que le peuple norvégien, qui est propriétaire du fonds, sache comment il est géré », explique-t-elle. Composé de cinq personnes, ce comité consultatif doit s’assurer que les générations futures recevront une part équitable des richesses issues du pétrole. Mais aussi que les droits fondamentaux des populations affectées par les activités des compagnies dans lesquelles le fonds investit sont respectés. Celui exclut notamment les fabricants d’armements « particulièrement inhumains » (armes chimiques, nucléaires, biologiques ou mines antipersonnel), ainsi que les compagnies coupables de violation des droits de l’homme, de corruption ou de dégradation de l’environnement à grande échelle. Depuis janvier 2005, sur les conseils du comité, le ministère des Finances s’est débarrassé de ses parts dans

une vingtaine d’entreprises. La plupart sont américaines. Mais les européennes Thales, EADS et Safran figurent aussi sur la liste noire. Les deux premières depuis septembre 2005, pour leur rôle dans la production d’armes à fragmentation. La troisième, depuis décembre 2005, pour la fabrication de composants utilisés dans l’armement nucléaire. Le numéro un mondial de la grande distribution, l’américain Wal-Mart, figure parmi les multinationales ayant fait les frais de l’engagement éthique de la Norvège : ses fournisseurs sont accusés d’avoir eu recours au travail des enfants. Banquier philosophe Mais Oslo ne se contente pas de boycotter les entreprises dont la moralité laisse à désirer. La Banque de Norvège n’hésite pas à mobiliser les conseils d’adminis-

tration des compagnies dont elle est actionnaire, sur des sujets tels que le travail des enfants ou le réchauffement de la planète. « Nous ne le faisons pas parce que nous sommes gentils ou pour la publicité, mais parce que si ces questions ne sont pas résolues, elles risquent de limiter la profitabilité de nos investissements sur le long terme », commente Henrik Syse. Le philosophe travaille depuis juin 2005 à la banque centrale. Il affirme que les compagnies sont réceptives. Récemment, la ministre des Finances a plaidé pour que le fonds s’engage dans la lutte contre le changement climatique. Un paradoxe, alors que la richesse du royaume provient de l’exploitation du pétrole ? Henrik Syse dément : « Nous avons d’autant plus intérêt à contribuer à ces efforts dans ce domaine que nous voulons que nos investissements soient durables. » —

fiche d’identité CREATION : le fonds, créé en 1990, a été transformé en fonds de pension public norvégien en 2006. MONTANT (octobre 2007) : 2 007 milliards de couronnes, soit 250 milliards d’euros. Revenu pEtrolier net (2005) : 222,8 milliards de couronnes, soit 27,5 milliards d’euros. PART DU pEtrolE dans le PNB : 25 %. Part moyenne du fonds : 0,3 % (dans plus de 3 000 entreprises). www.etikkradet.no

Communauté d’autogestion financière

New Ventures

Fondateur et directeur général : Rodrigo Villar Esquivel. Pays : Mexique. Création : 2004. Objet : ce fonds créé à l’initiative du World Resources Institute du Fonds mexicain pour la conservation de la nature (FMCN) investit dans des projets liés au développement durable. « Incubatrice », la structure aide de jeunes projets innovants. Résultats : New Ventures a lancé 28 projets d’entrepreneurs et misé 24 millions de dollars depuis sa création.

Fondateurs : Laure Waridel et Sydney Ribaux. Pays : Canada. Création : 1993. Objet : Équiterre souhaite bâtir un mouvement citoyen en prônant des choix individuels et collectifs à la fois écologiques et socialement équitables. Notamment dans l’agriculture biologique, le transport durable, l’efficacité énergétique et le commerce équitable. Résultats : avec près de 3 500 membres, cette association a donné une centaine de conférences en 2006.

www.desarrollo-comunitario.com

www.nvm.org.mx

www.equiterre.qc.ca

Fondateur : Jean-Claude Rodriguez Ferrera Massons. Pays : Espagne. Création : 2004. Objet : réunir les participations financières de 30 à 50 immigrés au sein d’une « CAF » afin de leur permettre un accès au microcrédit et faciliter leur insertion. Récompensé par la fondation Ashoka. Résultats : 14 CAF en fonctionnement en 2007.

Equiterre

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SOCIAL

Businessman de l’insertion Ancien éducateur de rue, Jean-Marc Borello dirige neuf associations et dix entreprises commerciales d’insertion. Avec le Groupe SOS, il fait du public avec les moyens du privé. PAR CECILE CAZENAVE

L

es deux planisphères délavés affichés aux murs et le lourd bureau dégarni font songer au pupitre d’un maître d’école. Jean-Marc Borello n’y a pourtant pas brillé. « Sauf pour être le chef de classe, c’était la seule chose que je savais déjà bien faire », se rappelle le grand escogriffe de cinquante ans, tout de noir vêtu, entre rockeur et anar. La vocation lui est restée. L’ancien éducateur de rue est aujourd’hui délégué général du Groupe SOS. Dans la petite pièce dont les fenêtres donnent sur les embouteillages de l’autoroute A1, en face du Stade de France, à la Plaine SaintDenis, l’homme aux yeux perçants est

au gouvernail d’une structure hybride, comprenant neuf associations et dix entreprises commerciales d’insertion, qui emploie au total 2 200 personnes aux quatre coins de la France. Un ovni dans le monde de l’entreprenariat social. « Tous les damnés de la Terre » Le Groupe SOS ne dénote pas seulement par sa taille. « Ici, ça va des soins palliatifs au commerce équitable, autant dire qu’on nous prend pour des hurluberlus », explique le patron. Le monde associatif tolère mal ceux qui sortent des sentiers tracés. Lorsque, en 1984, il crée SOS Drogue, l’homme fraye dans les cabinets minis-

tériels de la jeune gauche au pouvoir. « Il y avait besoin de monde, on pensait qu’on allait y changer les choses », lâche-t-il discrètement avant de souligner qu’il géra ensuite un restaurant prestigieux sur les Champs-Elysées. Sphère publique, sphère privée, Jean-Marc Borello n’a visiblement cure de franchir les frontières. « Moi, je veux les objectifs du public avec les moyens du privé, ça s’appelle l’économie sociale », lance-t-il. Aujourd’hui, la branche associative dépend à 95 % de subventions publiques. La branche commerciale fonctionne, elle, à 95 % sur son chiffre d’affaires (6 à 7 millions d’euros) et à 5 % sur les subventions. « L’un distribue les richesses, l’autre les crée », souligne Jean-Marc Borello. Cerise sur l’organigramme, un cabinet de conseil intégré au groupe gère le volet financier. Chacun son métier. A SOS, les administrateurs sortent de Sciences-Po et de l’Ecole nationale d’administration. On parle direction des finances et des ressources humaines. Le discours maison est si loin de l’assistanat bon teint qu’on en oublie presque la vocation du groupe. Et pourtant. Mères célibataires, toxicomanes, malades du sida, mineurs délinquants : « Tous les damnés de la terre nous connaissent », sourit le délégué général. L’homme rechigne à s’embarquer dans de grands discours. Au cœur du dispo-

One World Health

Power Women Network Fundacion Solidaridad Fondatrice : Kousalya Periasamy (lauréate Ashoka). Création : 1998. Objet : ce réseau permet aux femmes indiennes contaminées par le virus du sida de lutter contre les discriminations, d’accélérer leur intégration au sein de la société et de défendre leurs droits. Le projet a aussi pour objectif de faciliter l’accès aux soins des populations les plus fragiles. Résultats : Power Women Network compte désormais 5 000 membres.

Fondatrice : Winnie María Lira Letelier. Pays : Chili. Création : 1990. Objet : fondation à but non lucratif, elle soutient les populations les plus pauvres et les communautés indigènes du Chili. L’objectif est de les accompagner – notamment les femmes – dans leur processus de création de micro-entreprises et dans la distribution de leurs produits. Résultats : 6 000 femmes aidées depuis la création de la fondation.

www.oneworldhealth.org

www.pwnplus.org/index.php

www.fundacionsolidaridad.cl

Fondatrice et pédégé : Victoria Hale. Pays : Etats-Unis. Création : 1998. Objet : cette structure à but non lucratif développe de nouveaux médicaments accessibles aux populations des pays en voie de développement. Résultats : One World Health, qui bénéficie du soutien de la fondation de Bill Gates, a mis au point la paromomycine. Cet antibiotique arrive sur le marché et pourrait sauver des milliers de vie.

22 janvier 2008

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frederic stucin / M.Y.O.P

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sitif se niche pourtant une morale politique et poétique. « L’initiative féconde prétend réhabiliter l’être social », stipule la charte du groupe. La formule se résume aussi dans le mot d’ordre: « Entreprendre autrement. » A ceux qui voient SOS comme « le Vivendi du social », Jean-Marc Borello répond d’un revers de main. « Pourquoi contruire des structures avec 5 personnes quand on peut créer 50 postes

en réinsertion ? », tonne-t-il en montrant l’Usine, très chic plate-forme événementielle de la porte de la Chapelle. Sur la brochure de présentation, pas un mot de la vocation sociale du lieu, fondé il y a cinq ans. Ici, on vend du professionnalisme et de la qualité. « On ne peut pas considérer que les gens en réinsertion veulent uniquement ramasser les déchets des autres », résume-t-il.

Le tutoiement avec l’accent du Sud Entre les trois restaurants et la salle de conférences, le délégué général sert du « tu » avec l’accent d’Aix-en-Provence et une ferme poignée de main aussi bien aux employés qu’à Didier Paillard, maire de Saint-Denis, de passage pour un colloque. « L’essentiel, c’est de traiter tout le monde équitablement », lâche-t-il. Cette année, l’entreprise, premier employeur social de Seine-Saint-Denis, devrait dégager un bénéfice de 500 000 euros. Une coquette somme utilisée pour alimenter la branche commerce équitable du groupe et notamment le réseau des fournisseurs. Au programme : accorder de nouvelles franchises de la marque Alter Mundi, qui commence à se faire un nom dans l’Hexagone. Autant dire que la machine n’est pas près de ralentir. « Quand un truc fonctionne, je m’emmerde, il faut que j’en crée un autre ! », ajoute-t-il. Pendant vingt-quatre ans, c’est dans l’ombre que Jean-Marc Borello s’est occupé. Il y a peu, le conseil d’administration a fini par lui taper sur les doigts et exiger qu’il se montre. Mais, dans l’immeuble de la Plaine Saint-Denis, à l’heure des interviews, on cherche encore la bio. Elle arrive finalement sous forme de huit lignes laconiques. Et Jean-Marc Borello de répéter encore une fois: « Je suis éducateur, je ne sais rien faire d’autre »… Mon œil, patron ! —

fiche d’identité BUDGET : 112 millions d’euros. GROUPE : trois associations fondatrices – SOS Drogue international, SOS Habitat et Soins et SOS Insertion et Alternatives – auxquelles se sont adossées six autres structures. BRANCHE ASSOCIATIVE : chaque jour, prise en charge de 300 malades à domicile, autant d’hébergement d’urgence, 1 000 familles logées et 650 mineurs en hébergement éducatif. BRANCHE COMMERCIALE : la holding Groupe Alterna Développement regroupe dix entreprises dont Alter Mundi, la Compagnie du commerce équitable et l’Usine. www.groupe-sos.org

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dossier

ENERGIE

Du soda naît la lumière Au Brésil, le projet « Vale Luz » réduit les factures d’électricité des habitants des favelas. Et recycle les canettes usagées. PAR JEAN-CLAUDE GEREZ (A SALVADOR DE BAHIA)

Un nouvel accès aux crédits « Cette idée est née d’un triple constat, explique José Roberto Giosa, l’ancien pédégé d’Aleris Latasa et à l’origine de « Vale Luz » (« Val Lumière »). Nous avions besoin de matière première pour notre activité, or les habitants des quartiers défa24 janvier 2008

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vorisés éprouvaient des difficultés à honorer leurs factures d’électricité et les favelas étaient en proie à de gros problèmes d’environnement. » En mars 2005, Aleris Latasa a donc tenté une première expérience en signant avec Light, la compagnie d’électricité locale (1), un partenariat sur un principe simple : attribuer des bons de réduction sur la facture d’électricité à toute personne qui récupère des déchets recyclables. « Ceci permet à des personnes vivant dans l’exclusion et dans le secteur informel de reconquérir une citoyenneté. En réglant leurs factures, ils bénéficient à nouveau d’un accès au crédit, explique José Roberto Giosa. Et ils prennent aussi conscience de l’importance du recyclage pour l’environnement. » L’homme a passé plus de vingt-cinq ans dans l’industrie de l’aluminium. « L’histoire du recyclage des canettes a véritablement commencé en 1991 avec l’implantation d’un premier poste de collecte à la sortie d’un supermarché dans le quartier de Barra da Tijuca, à Rio. Je me souviens que le premier jour, nous avions récolté 127 canettes vides payées chacune 3 centavos (1,2 centime d’euro). Trois ans plus tard, la collecte s’élevait à 18 000 canettes par jour. » Mais « Vale Luz » a véritablement germé dans l’esprit de José Roberto Giosa après le succès du projet « Ecole », consistant à échanger des ca-

Ramassage de canettes sur la plage, à Bahia (Brésil).

nettes vides contre des fournitures et des équipements scolaires. « Ce système a fonctionné pendant dix ans et a bénéficié à 16 000 écoles du pays. Non seulement, il palliait les carences budgétaires de l’Etat vis-à-vis des établissements scolaires, mais il avait aussi une valeur éducative en sensibilisant les enfants à la préservation de l’environnement. » Les impayés ont chuté de moitié La sensibilisation a été nettement plus difficile auprès des adultes, lors du lancement de « Vale Luz ». « Au début, les habitants de la favela da Maré imaginaient en effet qu’il s’agissait d’une tentative déguisée de la compagnie d’électricité pour recouvrer les factures impayées », se souvient José Roberto Giosa. Mais l’accord avec cette dernière était clair : pas de rétroactivité sur les factures. Et puis les compagnies ont vite fait leur calcul et ont compris leur intérêt. « Le nombre

jean-claude gerez

I

l y a encore trois ans, Alzira pestait contre la saleté de la Nouvelle Hollande, un quartier de la favela da Maré, bidonville de 50 000 habitants de Rio de Janeiro (Brésil). Dans celui-ci, dépourvu de système de toutà-l’égout et déserté par les services de voirie, les habitants ne pouvaient compter que sur eux-mêmes pour éviter de crouler sous les ordures, en particulier les canettes en aluminium des boissons gazeuses. « Et puis un jour, raconte cette dynamique trentenaire, qui est née, a grandi et vit encore aujourd’hui avec son mari et ses quatre enfants dans ce quartier, une “ voiture-son ” est passée dans la favela. La sono expliquait qu’en récupérant ces emballages en aluminium et en les déposant dans des collecteurs placés aux différentes entrées du quartier, on pouvait réduire notre facture d’électricité. » Une information confirmée quelques jours plus tard par la visite d’employés d’Aleris Latasa, une entreprise de production et de recyclage d’aluminium.


Solar Electric Light Fund

Directeur : Robert Freling. Pays : Etats-Unis. Création : 1990. Objet : cette association à but non lucratif a pour objectif l’électrification de petits villages ruraux grâce aux panneaux photovoltaïques. Résultats : Solar Electric Light Fund mène des projets en Chine, en Inde, au Sri Lanka, au Vietnam, au Brésil, en Ouganda, au Nigeria, en Tanzanie... www.self.org

Eoliennes en pays de Vilaine

d’impayés a chuté de moitié dans certaines localités, assure José Roberto Giosa. Quant aux factures, leur montant a été réduit de 20 % à 35 % en moyenne. » Le projet « Vale Luz » change aujourd’hui la vie de plus d’un million de personnes et représente 450 000 canettes collectées par jour dans le pays. Le prix de ces emballages en aluminium se situe autour de 3 réais le kilo (1,15 euros le kilo). De quoi contribuer à l’excellence brésilienne

dans le domaine. Pour la sixième année consécutive, le pays est en effet celui qui a le plus recyclé ses emballages en aluminium au monde. Avec un taux de 94,4 %, il devance le Japon (90,9 %) où le recyclage est pourtant obligatoire, ou encore le Danemark, la Finlande, la Norvège et la Suisse (88 % pour chacun), où la législation est très contraignante. — (1) Au Brésil, toutes les compagnies distribuant l’électricité sont privées.

fiche d’identité

http://leseoliennes.free.fr

Electricité par la biomasse

Fondateur : Lalith Seneviratne. Pays : Sri Lanka. Création : 2004. Objet : le projet est destiné aux zones rurales sri-lankaises dépourvues d’électrification à plus de 60 %. L’idée est de les aider à développer leurs propres systèmes de production d’électricité à base de biomasse. Résultats : plus d’une centaine de familles ont pour l’heure bénéficié de cette initiative récompensée par Ashoka.

DR

CREATION : mars 2005. IMPLANTATION : actuellement actif dans 3 Etats brésiliens, une extension à trois autres Etats est prévue en 2008. POPULATION CONCERNEE : environ 1 million de personnes. RESULTAT : 450 000 canettes récupérées par jour (soit environ 6 tonnes). Dans le pays, 10 milliards d’emballages sont recyclés chaque année. SECTEUR : l’industrie de l’aluminium représente 4,3 % du PIB du Brésil.

Fondateur : Michel Leclerck. Pays : France. Création : 2003. Objet : créer un parc d’éoliennes coopératif et participatif. L’idée est de financer ce parc via l’investissement des habitants de la région. Résultats : l’association soutenue par l’Agence de valorisation des initiatives socioéconomiques (Avise) compte aujourd’hui 200 membres.

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Ecole au Maharashtra en 2004.

La fortune des sans-le-sou L’argent n’est pas un tabou chez Aflatoun. Au contraire, cette ONG veut briser le cycle de la pauvreté en apprenant aux écoliers à épargner et à gérer un budget. PAR CAROLINE BOUDET 26 janvier 2008

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C

’est une petite boule de feu venue de l’espace, qui a déjà pris la main de 70 000 enfants dans le monde. Son nom, Aflatoun, signifie en arabe « l’explorateur ». La mission de cette association : aider les enfants défavorisés du monde entier à prendre leur destin en main grâce à une éducation financière de base. Jeroo Billimoria, qui porte le projet, n’en est pas à ses débuts. Cette Indienne de 42 ans travaille depuis des années auprès des enfants des rues. Elle a déjà été récompensée, en 1999, par Ashoka, l’association de promotion de l’entreprenariat social, pour sa première initiative, Child Helpline International

johann rousselot / œil public

LUTTE CONTRE LA PAUVRETE


(CHI). Elle avait alors mis en place un numéro de téléphone gratuit 24 heures sur 24 permettant aux enfants des rues d’appeler à l’aide en cas de problème. Aujourd’hui, CHI intervient dans 150 pays, mais Jeroo en a laissé les clés à une autre équipe afin de se consacrer à Aflatoun. L’idée de créer le réseau Aflatoun (exChild Savings International) est née d’un constat finalement assez simple. « Les enfants des rues ont souvent de l’argent sur eux, donné par leur parents ou gagné grâce à un job. Mais ils ne le gardent jamais pour épargner. Résultat : la plupart du temps, cet argent finit dans la drogue. Il fallait réagir », raconte cette ancienne universitaire. Au cœur de son action, il y a la certitude que les enfants sont l’un des plus importants facteurs de changement. « Armés de conseils financiers et sociaux, ils représentent une force potentielle importante pour briser le cycle mondial de la pauvreté », explique-t-elle. Epargner à travers des jeux de rôles Leur apprendre à économiser alors qu’ils n’ont a priori pas un sou en poche : l’idée n’est-elle pas saugrenue ? « On nous fait constamment ce reproche depuis notre première intervention. Mais notre but n’est pas simplement d’aider ces enfants à s’enrichir, mais plutôt de leur donner les réflexes de mettre de l’argent de côté, de faire des plannings et des budgets. » Un rôle que nombre de parents, qui luttent au quotidien pour survivre, ont dû abandonner. « Ce que

nous voulons éviter, précise Jeroo Billimoria, c’est que des enfants stoppent leur scolarité quand celle-ci devient payante, uniquement parce que la famille n’a pas mis d’argent de côté. » Une boutique au cœur de l’école L’école se trouve au cœur de l’action d’Aflatoun. C’est dans les salles de classe – et particulièrement dans les établissements publics où sont scolarisés les enfants des familles modestes – qu’interviennent les membres du réseau. Leurs armes : des jeux de rôles, des chansons, des lectures, pour toucher les enfants de façon ludique et efficace. Les intervenants donnent aussi à ces futurs étudiants ou chefs de famille des conseils très pratiques sur la gestion d’un budget et sur l’épargne. « Faire des économies, ce n’est pas simplement mettre de l’argent de côté, c’est aussi apprendre à éteindre la lumière quand on quitte une pièce », précise Jeroo Billimoria. Aflatoun ne quitte pas les écoles sans avoir participé à la mise en place d’un projet à petite échelle, comme une micro-entreprise ou un système d’épargne propre à l’établissement. Jeroo Bilimoria revient tout juste du village indien de Maharashtra, où les enfants ont commencé à épargner à l’école il y a trois ans. « Le village se trouve à des kilomètres du magasin le plus proche. Avec l’argent placé en commun, ils ont pu ouvrir une petite boutique au cœur de l’école, où chacun peut acquérir des jouets, des stylos, des cahiers d’exerci-

fiche d’identité Fondatrice : l’Indienne Jeroo Billimoria, récompensée par le label Ashoka en 1999 pour sa première initiative, Child Helpline International. CrEation : 2005. ACTIVITES : a touché 70 000 enfants scolarisés. Budget (2006) : 552 442 euros de revenus (mécénat et dons privés), 436 679 euros de dépenses. SIEGE : Amsterdam (Pays-Bas).

DMT Mobile Toilets

Fondateur : Isaac Durojaiye. Pays : Nigeria. Création : 1999. Objet : cette entreprise construit et commercialise des toilettes publiques pour ce pays de plus de 120 millions d’habitants. Résultats : la société DMT Mobile Toilets a équipé le Nigeria de plus de 1,5 million de toilettes publiques. Ce pays, le plus peuplé d’Afrique, n’en comptait que 500 avant les débuts de l’entreprise. www.dmttoilet.com

International Development Enterprises

Fondateur : Amitabha Sadangi. Pays : Inde. Création : 1992. Objet : l’International Development Enterprises a pour objectif de réduire la pauvreté en Inde en commercialisant des kits d’irrigation vendus au prix modique de 1 dollar. Résultats : les programmes d’IDE India ont bénéficié à plus de 450 000 personnes depuis l’origine du projet. www.ide-india.org

DR

www.aflatoun.org

ce. » Le travail d’Aflatoun essaime désormais dans onze pays émergents, en s’appuyant sur des partenaires locaux, entrepreneurs ou ONG. Mais l’organisation compte bien toucher une centaine de pays dans le monde d’ici à 2010. En mars s’ouvrira à Amsterdam la campagne internationale d’Aflatoun : 250 partenaires – dont des ONG comme l’Unicef ou Plan International – sont attendus pour cette journée de sensibilisation à l’éducation sociale et financière des enfants. —

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enquête

Les marins

n’en mènent pas large Quotas de pêche et flambée des prix du pétrole bousculent le monde de la pêche. La profession sera-t-elle la première victime de la crise écologique ? PAR LAURE NOUALHAT

D

u voyage du président Nicolas Sarkozy au Guilvinec (Finistère), début novembre, certains ont retenu les insultes dont il a été victime. D’autres, le montant du chèque : 200 millions d’euros par an pour le secteur des pêches. Face à l’augmentation du prix du gasoil (+ 100 % en presque trois ans), la profession s’est mobilisée et a décroché la timbale : des exonérations patronales et salariales à hauteur de 21 millions par trimestre, doublées d’une compensation de 25 centimes d’euro par litre de gasoil. Un geste significatif pour une profession qui brûle plus de 400 millions d’euros de carburant par an. Dotés d’une flotte en surcapacité, les marins-pêcheurs devaient déjà adapter leurs armements aux recommandations de Bruxelles. Désormais, ils doivent aussi abaisser leur dépendance au pétrole. Depuis que le baril flirte avec les 100 dollars, c’est même la priorité absolue. Les pêcheurs disposent du Fonds de prévention des aléas-pêche (FPAP), créé en octobre 2004, pour répondre aux hausses constantes du prix du gasoil. Entre 2004 et 2006, l’entité a redistribué plus de 87 millions d’euros. « Quand on a mis en place ce dispositif, raconte Gérald Evin, directeur du Centre de gestion des pêches artisanales, qui administre le fonds, personne n’avait anticipé ce qui s’est produit depuis. » Depuis ? Trois années de yo-yo. « Entre octobre 2004 et aujourd’hui, les pics de prix ont atteint des records qui se succèdent. » Au port, le litre 28 janvier 2008

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de gasoil affiche aujourd’hui 55 centimes. A l’origine, le FPAP devait permettre aux pêcheurs de se couvrir ponctuellement. La hausse étant devenue permanente, il faut désormais orienter la pêche vers d’autres solutions énergétiques. « La filière s’adapte, vaille que vaille, souffle Gérald Evin. Nous nous trouvons dans une période transistoire et nous avons besoin de temps pour faire de la recherche et développement. » Economètres et huile de carcasse de poulets La chasse au gaspi s’est ouverte début 2006. L’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer), l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), la profession, les motoristes, les pôles de compétitivité et les experts se sont assis autour de la table pour amoindrir la dépendance au pétrole. Annoncé en 2005, le plan de Dominique Bussereau dédié à l’avenir de la pêche a promis d’investir 40 millions d’euros dans la restructuration de la flotte. On y parle beaucoup d’économies d’énergie. Mais peu de reconversions. A très court terme, la profession va donc découvrir les joies de l’écoconduite. « On peut facilement économiser 5 % à 10 % du carburant en formant les capitaines à mieux gérer les parcours, l’inertie du bateau, les arrêts, les accélérations », détaille Bertrand-Olivier Ducreux, ingénieur au département transports et mobilité de l’Ademe. Et installer des économètres à bord, qui renseignent sur la consommation du bateau à l’heure et en euros. « Quand le compteur affiche 300 à 400 euros


helene david / picture tank

l’heure, ça fait ralentir ! » Carènes des bateaux, moteurs, lignes de lancers : les projets d’optimisation des bateaux fleurissent. Il faut alléger les trains de pêche, utiliser des matériaux composites, « ce qui permettrait une économie de gazole de 5 % à 10 % » précise Gérald Evin. Chaque pourcent gagné se traduit en millions d’euros épargnés. Le groupe pétrolier Total travaille, de son côté, sur les huiles additivées qui permettraient de réduire de 5 % les consommations des navires. Certains utilisent un mélange diesel et huile de carcasse de poulets pour réduire leur apport de diesel. D’autres planchent sur le moteur pantone, un système qui utilise de la vapeur d’eau à 400° C et qui permettrait d’optimiser le rendement des moteurs de bateaux, actuellement utilisés à 30 %, en moyenne, de leurs capacités. A moyen terme, des moteurs hybrides (mi-électriques, mi-diesels) ou à hydrogène pourraient équiper ces bateaux. Mais pas avant au moins cinq à dix ans. D’autres projets sont plus extravagants que d’autres

comme « Grand Largue », celui d’un ex-ingénieur de l’Institut national des sciences appliquées de Rennes, consistant en l’automatisation des voilures. Il expérimente son procédé sur trois bateaux, un bolincheur, un coquillier et un chalutier en janvier. « Sur nos simulations, nous parvenons à économiser 15 % à 30 % du carburant », assure Pierre-Yves Glorennec, gérant de la société Avel Vor Technologie. Pour une marée de quinze jours, un bateau du Guilvinec, par exemple, consomme 21 000 litres de carburant. En économiser 7 000 correspond à une ristourne de 2 100 euros. Un petit pactole. Mais le prix du pétrole n’est pas l’unique difficulté à laquelle se heurtent les pêcheurs. Le chiffre d’affaires de la filière est en baisse en raison d’une faible valorisation du produit de la mer. On estime de 2 % à 15 % l’érosion des recettes des halles à marée, selon le ministère de l’Agriculture. Davantage de charges, des résultats en berne, des quotas contraignants, une flotte en surcapacité,

Pêche aux crabes en mer de Béring.

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enquête

la profession cumule les obstacles. Et le niveau de revenus mensuels rend la profession nettement moins attractive. De futurs paysans de la mer ? Comment diversifier les activités en mer ? Les marins peuvent devenir des fournisseurs d’énergies renouvelables, gérer des parcs éoliens off-shore ou des aires marines protégées, surveiller des récifs artificiels, s’initier à l’écotourisme ou se transformer en paysans de la mer. « La production d’algues est par exemple très prometteuse pour produire les biocarburants de deuxième génération », souffle-t-on à l’Ademe. Mais le ministère de la Pêche reste très discret sur ces pistes. « Les programmes de formation – continue ou professionnelle – sont en cours de réactualisation », précise du bout des lèvres Rachel Sellin, responsable de projet sur la technopole Quimper-Cornouailles. Depuis le 1er janvier 2007, un outil pourrait pourtant financer le futur. Son nom : le Fonds européen pour la pêche (FEP). Il permet par exemple d’utiliser un bateau de pêche pour une activité rémunérée autre que la prise de poisson. « Cela est entièrement nouveau », prévient Marie-Hélène Aubert, eurodéputée verte et membre de la Commission pêche au Parlement européen. Doté d’un budget de 3,8 milliards d’euros, le FEP prévoit des enveloppes pour chaque Etat membre, dont 215 millions d’euros pour la France. « Mais Paris n’a pas épuisé ses crédits et les informations arrivent au compte-gouttes dans les comités des pêches », regrette la députée. Elle sillonne

Carbone à la criée

Le protocole de Kyoto appliqué à la pêche est un axe de recherche prometteur. Les « projets domestiques CO2 » doivent en effet élaborer des méthodologies, filière par filière, afin que s’ouvre un simili-marché de la tonne de carbone. La Caisse des dépôts et consignation (CDC) travaille à un dispositif devant entrer en vigueur cette année. « Les bateaux sont ainsi incités à réduire leurs émissions de CO2. La CDC intervient comme intermédiaire financier et achète des crédits carbone attribués par l’Etat à la filière », explique Anne Choppard, de la direction « finance carbone » de la CDC. Les réductions d’émissions de CO2 pourraient atteindre 800 000 tonnes (sur 256 chalutiers concernés).

30 janvier 2008

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Pour aller plus loin

L’institut français de recherche pour l’exploitation de la mer : www.ifremer.fr Le fonds européen pour la pêche : http://europa. eu/scadplus/leg/fr/ lvb/l66004.htm Le ministère de l’Agriculture et de la Pêche : http://agriculture. gouv.fr/sections/ thematiques/pecheaquaculture

donc l’ouest du littoral français pour informer les pêcheurs de l’existence du fonds. « Je me suis rendue à La Turballe en Loire-Atlantique, mi-décembre, pour rencontrer les pêcheurs d’anchois, car cette pêche ne sera probablement pas rouverte en 2008. Mais le fonds européen est là pour ça : accompagner une pêche durable et préparer, dans une certaine mesure, la reconversion des pêcheurs. » Le FEP peut en effet financer la diversification des activités (ecotourisme ou production d’énergies renouvelables), des reconversions, des départs anticipés, des aides aux jeunes pour la reprise d’armements. Selon la députée, l’avenir de cette profession n’est pas viable à moyen terme : « Le pêcheur ne touche pas grand-chose de son travail tandis que le consommateur paie un poisson de plus en plus cher. C’est totalement illogique. » L’écotaxe de 1,8 % décidée par le gouvernement, sur tous types de poissons vendus en poissonnerie, en surgelé ou dans la restauration, ne rééquilibrera pas les choses. Mis en place depuis ce 1er janvier, ce mécanisme devrait dégager entre 50 et 100 millions d’euros par an. Exactement le montant du chèque qui aide les marins à compenser l’augmentation du prix du pétrole. « Que le gouvernement cherche à amortir ce choc pour les entreprises de pêche peut se comprendre. Quand il y a le feu dans la maison, on cherche d’abord à l’éteindre, tempère Jean Boncœur, chercheur au Centre de droit et d’économie de la mer et professeur en sciences économiques à l’université de Bretagne. Toutefois, on ne prend pas de grands risques en disant que ce mouvement est durable. Essaie-t-on de masquer ce problème par des aides ? Ou bien se donne-t-on les moyens d’adapter durablement la filière à cette nouvelle donne ? » Dans le milieu, on joue plutôt au bernard-l’ermite. « Vous êtes jeté dans le port si vous dites aux marins qu’ils doivent changer de métier. Il est dur, mais c’est le leur. Il faut vivre en face de la mer pour comprendre », raconte un observateur. La mort programmée de la profession reste taboue. Mais elle va devoir s’adapter aux nouveaux vents porteurs. —

La filière pêche en France Effectifs : 21 000 marins embarqués, 6 000 navires immatriculés sous pavillon français, 380 entreprises de mareyage, 290 entreprises de transformation *. Infrastructures : 40 criées. Chiffre d’affaires : 1,8 milliard d’euros en 2005. * Chiffres de l’Ofimer de 2004


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l’économie expliquée à mon père

La grande déprime des subprimes Des millions d’Américains à la porte de leur maison, des milliards volatilisés et un sérieux ralentissement économique mondial en vue. Retour sur la débâcle du marché immobilier américain. PAR NICOLAS FILIO

Nitroglycérine Pendant des années, le système a donné satisfaction. Naturellement, de nombreux emprunteurs se sont retrouvés face à des mensualités bien trop lourdes pour eux. Mais les prix de l’immobilier grimpant en flèche, la valeur de leur maison s’arrondissait et ils pouvaient ainsi « refinancer leur crédit » : par exemple, transformer la plus-value prise par leur demeure en réserve d’emprunt. « A manipuler avec soin. » Voilà ce qu’il aurait fallu inscrire sur les contrats des crédits « subprime ». Car ils cachaient de la nitroglycérine : des taux d’intérêt variables (sauf pour les premiers versements, destinés à 32 janvier 2008

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toad / www.politicommedia.fr

’est un vieux mythe américain : aux Etats-Unis, tout est possible. Vous gagnez moins de 2 000 dollars par mois mais cette maison à 500 000 dollars vous fait rêver ? Alors, elle est à vous ! Pendant quelques folles années, les publicités télévisées n’ont cessé d’inciter les Américains à acheter ces pavillons rutilants avec jardin qu’on aperçoit dans les séries de TF1 ou de M6. Car devenir propriétaire, c’est s’assurer un statut social. Et posséder une maison, c’est aussi pouvoir l’hypothéquer, afin d’obtenir de nouveaux crédits, pour s’acheter une voiture, équiper sa cuisine, etc. De nombreux foyers modestes se sont donc endettés pour s’offrir le style de vie de leurs rêves. Leurs revenus mensuels ne leur permettaient pas d’emprunter au taux le plus avantageux (le « prime rate »), réservé aux ménages les plus solvables. Mais ils ont pu bénéficier des crédits « subprime », accordés plus facilement en contrepartie d’un taux d’intérêt plus élevé. Il fallait bien que le prêteur gagne à prendre le risque de ne pas être remboursé.


5,25 %, le taux directeur de la banque centrale américaine en juin 2006.

1,8 million de ménages américains expulsés sur les dix premiers mois de 2007.

attraper le chaland). Ces taux fluctuent en fonction du taux directeur défini par la banque centrale américaine, la Fed. Or, celui-ci est passé de 1 % en juin 2004 à 5,25 % en juin 2006. Les versements mensuels des ménages américains ayant un emprunt « subprime » à rembourser en ont été affectés en proportion. Une mauvaise nouvelle ne venant, paraît-il, jamais seule, « la situation sur le marché du travail américain s’est dégradée, explique JeanMarc Figuet, professeur de sciences économiques à l’université Montesquieu-Bordeaux-IV. De nombreuses entreprises, notamment dans le secteur industriel, ont procédé à des licenciements, qui ont essentiellement concerné les ménages les plus pauvres qui sont devenus incapables de rembourser leurs crédits hypothécaires ». La hausse des taux d’intérêt et la conjoncture économique maussade ont mis un frein à la grimpette des prix de l’immobilier dès novembre 2005. La valeur des maisons a commencé à s’effriter à partir d’août 2006. Témoignant dans le quotidien San Francisco Chronicle l’été dernier, Johnny Pitts, un chauffeur de bus, racontait qu’en deux ans la valeur de son pavillon était tombée de 430 000 à 330 000 dollars. Etouffés par leurs mensualités, ne pouvant plus refinancer leur crédit, de nombreux Américains ont donc dû quitter leur maison et restent endettés. Sur les dix premiers mois de 2007, près de 1,8 million de ménages ont été expulsés, selon les chiffres du spécialiste de l’immobilier RealtyTrac. Quant aux organismes de crédit, la revente des maisons ne leur a pas procuré suffisamment de liquidités pour se refaire. D’où des faillites en série, qui ont fini par retomber sur les grandes banques américaines, poussant les patrons de Citigroup – groupe bancaire méconnu en France, mais pourtant n°1 mondial – et de Merrill Lynch vers la sortie. Contrairement aux nuages radioactifs, les crises financières ne s’arrêtent pas aux frontières. Celle des « subprimes » a donc atteint les places boursières européennes, entre autres. Comment ? Petite explication : lorsqu’une banque prête de l’argent à un client, on dit qu’elle détient une créance. Il s’agit d’un droit à percevoir le remboursement progressif

Pour aller plus loin

- Reportage vidéo sur les expulsions aux Etats-Unis : www.libelabo. fr/2007/11/14/ subprimes-unetragedie-americaine - Rapport de l’ambassade de France aux EtatsUnis sur le crédit « subprime » : www.ambafranceus.org/fr/ ambassade/ finance/af00157.pdf - Le point de vue de deux économistes, Elie Cohen et Augustin Landier : www.lemonde. fr/web/article interactif/0,41-0,49944553,0.html

« Un déclin sans précédent depuis la Grande Dépression », selon la banque Wells Fargo.

de la somme ainsi que des intérêts. Or les banques qui avaient accordé des crédits « subprime » ont transformé ces créances en titres négociables en Bourse. D’une certaine manière, ce sont donc des investisseurs qui sont devenus les créanciers des ménages américains. Or ces investisseurs pouvaient venir de n’importe où. Parmi eux, des banques allemandes, anglaises, et même BNPParibas, le Crédit agricole et la Société Générale. “ Beaucoup d’argent sur les marchés ” Pourquoi ces habitués des marchés financiers n’ont-ils rien anticipé ? « C’est le même phénomène dans toutes les crises financières, analyse Jean-Marc Figuet. Après coup, on peut toujours dire qu’il y avait une bonne explication à l’effondrement et qu’on aurait dû le voir venir. Mais il y a toujours une sous-évaluation du risque. Avec les bénéfices réalisés par certaines grandes entreprises et les revenus liés au pétrole, il y avait beaucoup d’argent sur les marchés. Il fallait bien lui trouver des placements. » Difficile de chiffrer le coût de la crise. D’autant plus qu’elle n’est pas terminée. Alors que plusieurs banques situaient la facture autour de 400 à 500 milliards de dollars, l’américaine Goldman Sachs est allée jusqu’à chiffrer les pertes à 2 000 milliards de dollars dans le monde. Quoi qu’il en soit, la crise va évidemment peser sur cet important moteur mondial qu’est la croissance américaine. L’association des maires des Etats-Unis estimait, dans un rapport paru fin novembre, que le PIB américain allait être affecté à hauteur de 166 milliards de dollars en 2008. Et que 1,4 million de ménages supplémentaires devraient quitter leur logement. Une situation qualifiée de « sérieux défi national » par George Bush, longtemps réticent à intervenir sur ce sujet. Le secrétaire au Trésor, Henry Paulson, a discuté avec plusieurs établissements de crédit immobilier d’un gel temporaire – quelques années – des taux variables des « subprimes ». Mais sur une base « volontaire » des banques. — Retrouvez « l’économie expliquée à mon père » sur : www.terra-economica.info terra economica

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reportage

L’Egypte à court d’eau

Sur les bords du Nil, trouver de l’eau potable est une lutte quotidienne : 45 % des habitants des villes n’ont pas accès au robinet. Face à un réseau mal entretenu et pollué, les Egyptiens sont à bout. Or une pénurie généralisée est annoncée pour 2025. PAR FLORENCE MORICE (Au CAIRE)

a presse les a surnommés les « assoiffés ». Tout l’été, des villages du delta aux portes de Maadi, quartier huppé du Caire, de manifestations en sit-in improvisés, ils ont fait vibrer le Nil au son de leur révolte : « De l’eau pour les assoiffés ! » La méthode est nouvelle et surprend les médias. Mais le problème, lui, est ancien. Pollution, coupures intempestives, absence de canalisations : pour beaucoup d’Egyptiens, trouver de l’eau potable est une lutte quotidienne. Selon le dernier recensement, 45 % des habitants des villes n’ont pas accès à un robinet. Et le chiffre grimpe dramatiquement dans les zones rurales. Il est à peine plus de midi dans une ruelle improvisée d’Ezbet El-Haganna, l’une des plus grandes zones informelles du Caire. Fatma, 43 ans, avance à pas comptés, le dos voûté par l’effort. Sur sa tête, deux jerrycans d’eau achetés à un revendeur à l’autre bout de la ville. Comme 70 % de la population du quartier, Fatma n’est pas reliée au réseau d’eau potable. « Il passe très loin de chez moi et je ne peux m’offrir le luxe du raccordement », soupiret-elle. Celui-ci atteint les 225 euros en moyenne. Chaque jour, Fatma consacre donc deux heures à son ravitaillement ainsi qu’une grande partie de ses revenus : 75 piastres (0,10 euro) le jerrycan, alors qu’elle ne touche que 1 euro environ au quotidien. Les jours de lessive, le dîner est frugal. « Je n’ai pas lavé mes vêtements depuis plus d’une semaine », s’ex34 janvier 2008

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cuse-t-elle, la tête entre les mains. Souleymane, 46 ans, s’est d’abord cru plus chanceux. En 2004, après « des mois d’économies », il s’est offert le précieux sésame : le compteur d’eau. Trois ans plus tard, celui-ci tourne effectivement. Souleymane reçoit des factures, mais les travaux de raccordement n’ont toujours pas débuté… « De toutes façons, il y a de moins en moins de pression dans les tuyaux, et souvent même pas d’eau du tout », relativise-t-il un brin désabusé. Cet été, au plus fort de la crise, le précieux liquide ne coulait qu’une petite heure par jour : maigre ration pour le million d’habitants qui s’entassent dans ce vaste taudis. Alors, lorsque s’annonce la pénurie, les plus malins recourent à des détournements sauvages, contraints de « voler pour boire », quitte à léser encore davantage leurs voisins. Dans ce contexte, les tensions s’exacerbent entre habitants. Et il n’est pas rare de voir éclater des bagarres (lire page 34 ). Des tuyaux, mais pas de pression L’Egypte et ses 76 millions d’habitants (dont plus de 17 millions rien qu’au Caire) ne seraient pourtant qu’au début de leurs peines. Sur les bords du Nil, un Egyptien naît toutes les 23 secondes. Mais les infrastructures ne suivent pas. Selon un récent rapport du Centre national de recherche sur l’eau – organisme gouvernemental –, le pays s’acheminerait vers une pénurie d’eau généralisée en 2025. « Pénurie ? », le mot fait bondir le géographe Habib


cris bouroncle / AFP

Hayeb. Selon lui, « la balance hydraulique de l’Egypte est presque parfaite » : 65 milliards de mètres cubes par an (dont 95 % proviennent du Nil), auxquels s’ajoute la réutilisation des eaux d’irrigation, pour une consommation de 66 milliards de mètres cubes. « L’Etat utilise l’argument de la pénurie pour justifier les inégalités d’accès. L’eau ne manque pas. Ce qui manque c’est une bonne gestion des ressources », assène-t-il. Le gouvernement a pourtant procédé, en 2004, à une profonde réforme du secteur. A cette date, la gestion du réseau a été transférée à la Holding Company for Water and Wastewater. Celle-ci travaille en collaboration avec des entreprises internationales (Suez notamment) mais reste placée sous tutelle du ministère du Logement. Trois ans après, le bilan est mitigé. « Désormais, c’est la logique du privé qui l’emporte, lâche Abdo Abdel El-Razik, responsable d’une association locale de développement à Ezbet El-Haganna. Ici, nous sommes entourés de quartiers riches, dotés de nombreuses industries. Ils sont prioritaires et nous, nous partageons les gouttes. C’est la loi du marché. » « Le gouvernement est conscient du

Distribution d’eau potable à Al-Borollos, à 300 km au nord du Caire.

problème mais continue de placer à des postes clés d’anciens généraux souvent incompétents, regrette un observateur qui souhaite conserver l’anonymat. Cela ralentit considérablement la nécessaire modernisation du réseau. » Construit au début des années 1920, sous protectorat britannique, ce réseau n’a subi aucune réhabilitation de grande ampleur. Conséquence : un gros gaspillage. Selon le dernier rapport de la Banque mondiale, plus d’un tiers de l’eau retraitée en Egypte se perd entre la source et le robinet. L’institution pointe également les nombreux problèmes de pollution, liés en grande partie aux lacunes du système de retraitement des eaux. « Dans neuf gouvernorats sur vingt-six, la qualité de l’eau est défaillante », déplore Mohammed Nagui, du Centre Habi pour l’environnement. Et la situation s’aggrave chaque jour. La Banque mondiale a accordé à l’Egypte, en septembre, un nouveau prêt de 213 millions de dollars (145 millions d’euros), pour financer un programme d’amélioration des structures de réutilisation de l’eau dans le delta. Mais la tâche est immense. En Egypte, 40 % des villes et 96 % des villages terra economica

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reportage

ne disposent pas de réseau d’égouts. Dans ces zones, les habitants bricolent des fosses septiques. Parfois de mauvaise qualité et souvent mal entretenues, elles contaminent la nappe, voire même le réseau d’eau potable. Résultat : on boit et on déverse dans un seul et même tuyau l’eau du Nil, presque l’unique source d’eau du pays. Celui-ci accueille ainsi chaque année environ 1,8 milliard de mètres cubes d’eau usées, auxquels s’ajoutent – invisibles –, 13 milliards de mètres cubes de déchets industriels, engrais, pesticides et autres résidus chimiques.

« Bagarres-robinet » à répétition

Risquer sa vie pour quelques litres d’eau. Le 30 août 2007, en pleine révolte des assoiffés, deux grandes familles d’un village de Dakhaliya s’affrontent à coups de massue au pied d’une citerne de ravitaillement en plastique d’un autre âge. L’eau est absente des robinets depuis des semaines. La tension est telle que la population est prête à tout pour s’arroger le précieux liquide. Trois villageois sont grièvement blessés au cours de la bataille. Une semaine plus tôt, 58 paysans armés de couteaux, avaient, eux, entrepris d’intercepter le camion de ravitaillement avant même son arrivée à destination. Bilan : 4 blessés. Portées à la une des journaux cet été, ces « bagarres-robinet » sont toutefois affaire courante en Egypte. En 2006, selon un rapport du Centre de la Terre, elles auraient fait 10 morts et 31 blessés sur les bords du Nil.

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Sur les bords du Nil. Ce fleuve reçoit chaque année 1,8 milliard de mètres cubes d’eau usées.

tants n’ont d’autre choix que de consommer cette eau souillée. Selon Mohammed Kadim, médecin du village, « près de la moitié des gens souffrent de problèmes rénaux. Dix-sept personnes en sont mortes l’an passé ». Pour irriguer désert et piscines Insuffisances rénales, trachomes…, selon le Centre égyptien pour le droit au logement, la mauvaise qualité de l’eau serait responsable de 25 % des maladies prévalant en Egypte et d’un quart de la mortalité infantile entre 0 et 5 ans. La bilharziose, contractée par contacts répétés avec une eau croupie, toucherait même 2 Egyptiens sur 3 au cours de leur vie. « L’Etat a consenti de gros efforts pour développer des traitements, mais les gens n’ont pas les moyens de se soigner. Sans accès à des infrastructures adaptées, la maladie continuera de prospérer », prédit Mohammed Kadim. « L’accès à l’eau est avant tout un problème de pauvreté, ce n’est donc pas une priorité pour l’intelligentsia égyptienne, regrette le géographe Habib Hayeb. Dans leurs quartiers chics, les décideurs ne se soucient guère des enfants qui s’abreuvent dans des canaux putrides. Mais n’hésitent pas à puiser abondamment dans les ressources pour irriguer le désert et y construire villas, piscines et parcours de golf destinés à une clientèle haut de gamme. » Selon Mohammed Nagui, il manque une culture du « droit à l’eau ». Un droit pourtant inscrit dans l’article 16 de la Constitution égyptienne, ainsi que dans de nombreux traités internationaux ratifiés par le Caire. —

j.d. dallet / réa

Une vaste étendue d’eau croupie L’exemple d’Al-Rahawi à 30 kilomètres au nord du Caire est édifiant. A l’entrée du village, on aperçoit l’un des plus longs canaux d’évacuation d’Egypte, vaste étendue d’eau croupie et verdâtre, où osent à peine s’aventurer les poules. Le spectacle est assez fréquent. Mais ce qui l’est moins, c’est sa présence à deux pas de la station de pompage du village. « Les jours où la centrale fonctionne, le canal s’assèche, constate amèrement Hamdy Mabed, chercheur au Centre de la Terre, un organisme de défense des droits des paysans. Ici, on boit la merde de l’Egypte. » Pour les 15 000 habitants, trouver de l’eau potable est un enfer. Si les plus riches peuvent construire des puits profonds, la plupart des habi-


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enrichissez-vous

Pour aller plus loin

Entrées de jeu : www.entreesdejeu. net Entr’act : www.entract.fr Echomédiens : http:// echomediens.free.fr

Eduquer à l’environnement de manière ludique. C’est l’une des forces du théâtreforum, qui s’invite dans les écoles et les entreprises.

«M

ais Franck, comment peux-tu accepter un stage dans une entreprise qui se moque autant de l’environnement ? » « Si nous étions tous aussi obtus que toi, nous n’irions travailler nulle part. » « J’ai mes convictions, c’est tout. Et personnellement, je ne pourrai jamais travailler pour cette boîte. » Un vrai dilemme divise la famille Bouchegrain. Vous aimeriez y mettre votre grain de sel ? Vous le pouvez car cette scène est inspirée de Ma planète se meurt, spectacle de la compagnie Entrées de jeu qui sévit dans le théâtre-forum. Le concept ? Des scènes assez courtes, de 15 à 20 minutes, pendant lesquelles des acteurs abordent des thèmes d’actualité. Puis, à la fin, ils rejouent le tout mais laissent au spectateur la possibilité de monter sur scène, d’endosser un rôle et d’infléchir le cours des évènements. « Cela met le public en position interactive, très à la mode en ces temps de démocratie participative. Lui qui est saturé de messages de prévention, il peut intervenir sans recevoir de leçon de morale. La conférence passive, c’est terminé », assure Mickaël Davignon, responsable des Echomédiens, autre troupe spécialisée dans le théâtre-forum. 38 janvier 2008

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Méditerranée 2000 : www.mediterranee 2000.org Laboratoire I3M, « Information, Milieux, Médias, Médiations » : http://i3m.univ-tln. fr

Zapping Des talents à consommer durablement Après la démocratie participative, voici l’art participatif. Le ministère de l’Ecologie organise un concours « Le développement durable vu par les talents de demain ». Objectif : que les jeunes de 18 à 25 ans interpellent le citoyen sur le thème de la consommation durable. Ceux-ci ont jusqu’au 3 mars 2008 minuit pour envoyer leur œuvre originale (dessin, aquarelle, gouache, infographie, photomontage...). www.semainedudeveloppementdurable.gouv.fr/sdd

les echomediens

Spect-acteur de théâtre

Théâtre de l’opprimé : www.theatrede lopprime.com

Du sida au developpement durable Cette technique a été imaginée par le Brésilien Augusto Boal dans les années 1960. Il cherchait alors à éveiller les habitants des favelas de São Paulo aux questions de pauvreté, de pouvoir et de répression. Face à une population en partie analphabète, le théâtre-forum fut une réponse des plus efficaces. Considéré comme subversif par la junte en place, Augusto Boal est finalement arrêté, torturé et contraint à l’exil en France dans les années 1980. Il forma alors à Paris une génération de comédiens au sein du Théâtre de l’opprimé. Pascal Guyot est l’un d’entre eux. Aujourd’hui à la tête de la compagnie Entr’act, il poursuit ce travail notamment dans les établissements scolaires. « Le théâtre-forum s’adapte à toutes les problématiques sociales. Depuis notre création en 1991, nous avons abordé des thèmes aussi variés que le sida, la drogue, la maltraitance, les rapports hommefemme… Mais depuis quatre ans, c’est le développement durable qui concentre l’essentiel des demandes. » De l’entreprise qui veut sensibiliser ses salariés aux économies d’énergie à la capitainerie du port de Fréjus qui veut ouvrir les yeux des plaisanciers sur la question des déchets en mer, les interventions se font tous azimuts. Alors que l’éducation à l’environnement est sur toutes les lèvres – Grenelle oblige –, les institutions tentent d’évaluer l’impact de cet outil. Lancée par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) et la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, une étude mobilise actuellement l’organisation Méditerranée 2000 et l’université de Sophia Antipolis. Selon ses premières conclusions, la force du théâtre-forum, c’est d’aider le citoyen – qui a une confiance mitigée dans la capacité de changement du système sociopolitique – à percevoir sa propre capacité à agir dans ses vies professionnelle et personnelle. — KAREN BASTIEN


Le design pour tous Sur les 6,5 milliards de personnes habitant sur la planète, près de 90 % n’ont pas accès à des produits et services de base. Designers, ingénieurs, étudiants, professeurs, architectes, entrepreneurs ont décidé de mobiliser leurs neurones pour inventer de nouvelles solutions pour les plus démunis : de « LifeStraw » (une paille permettant de filtrer et de purifier l’eau avant de la boire) à la bicyclette adaptée à ceux qui n’ont plus qu’une jambe, en passant par les liseuses sans piles ou encore le projecteur de microfilms portatif pour l’alphabétisation des adultes. Ils sont tous rassemblés sur le site du Cooper-Hewitt National Design Museum qui a produit, à New York, l’exposition « Design for the other 90 % ». http://other90.cooperhewitt.org

Un shaker de rêves Chacun a ses rêves, mais il manque souvent le réseau qui permettra de passer de l’idée au projet. La rencontre, le témoignage qui entraînera le déclic. Lancé début 2008, le site Dreamshake, « plateforme interactive du rêve » comme la qualifient ses fondateurs, veut connecter les offreurs et demandeurs de projets (individus, associations...), et les aider à mutualiser leurs expériences et compétences. www.dreamshake.com

Planète à plein volume Ambitieux, ce livre se veut la nouvelle Bible de la prise de conscience environnementale. Préfacé par le récent Nobel de la Paix, Al Gore, il offre un tour du monde de cette nouvelle économie « durable » : maisons « bio », transports, eau, marketing vert, droits de l’homme, micro-finance ou encore tourisme équitable disséqués par 63 spécialistes. www.worldchanging.com Changer le monde, un guide pour le citoyen du XXIe siècle, La Martinière, 608 pp., 39 euros.

DR

La lucarne des assoces Comment se faire remarquer dans la grouillante vie associative française ? En passant à la télé. Mais pas n’importe laquelle. Equisphere.tv offre une fenêtre sur le Web à de petites structures comme Dixièmefamille.com, Ateliers sans frontières, Les Doigts qui rêvent ou encore Loisirs pluriel. Des spots de deux minutes pour raconter l’origine du projet, sa vocation et, cerise sur la vidéo, pour convaincre les internautes de les soutenir financièrement. http://equisphere.tv

L’heure est grave

La 11e heure, le dernier virage – NADIA CONNERS ET LEILA CONNERS PETERSON. Avec Leonardo DiCaprio, Ray Anderson, Feisal Abdul Rauf. Sortie en salles le 9 janvier.

L

’homme a marché sur la Terre. Il l’a même piétinée. L’affiche donne le ton de La 11e heure, le dernier virage. Le film documentaire des sœurs Nadia et Leila Conners Peterson explore les dommages « quasi-irréversibles » causés à la planète du fait de l’être humain. Un an après Une vérité qui dérange, le blockbuster d’Al Gore, « ex-futur président des Etats-Unis » consacré depuis prix Nobel de la paix, Leonardo DiCaprio affiche les mêmes bonnes intentions : réveiller, à coups d’électrochocs, les consciences écologiques. L’acteur américain a promu et produit ce film dont il est également le narrateur. Ses interventions ponctuent une série d’entretiens avec des scientifiques, des intellectuels ou des politiques invités à délivrer leur diagnostic sur les symptômes de notre

monde. Et à cette cadence, la Terre pourrait bien survivre mais pas l’espèce humaine selon eux. Parmi ces experts, l’ancien dirigeant soviétique Mikhaïl Gorbatchev, le savant Stephen Hawking ou encore l’ex-directeur de la CIA James Woolsey. Leurs témoignages s’articulent autour d’images chocs d’ouragans et de sécheresses plus ou moins bien inspirées. Il va sans dire que le ton, définitivement dramatique, est assumé. L’équipe du film part du postulat que, pour convaincre, il faut choquer. Car l’urgence de la situation n’est plus à démontrer. La Terre a atteint la onzième heure, ultime fenêtre de tir pendant laquelle il est encore possible d’agir. C’est d’ailleurs au bout d’une longue heure cataclysmique que Leonardo DiCaprio daigne indiquer la lumière qui pointe au bout du tunnel. Car il subsiste, malgré tout, une poignée de solutions, selon lui. Dans ce dernier temps, plus optimiste mais trop court, l’acteur américain décline ces alternatives, essentiellement technologiques. Or, la science seule ne suffit pas. C’est là que le bât blesse, car aux Etats-Unis la volonté fédérale est inexistante. Au bout de 120 minutes, il reste à ce film le mérite de vouloir mobiliser. Seulement, l’étendard d’une cause juste peut-il légitimer des moyens dignes d’endoctrinement ? A trop vouloir culpabiliser, le message perd de sa crédibilité. Dommage. — LOUISE ALLAVOINE

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en direct de www.planete-terra.frra.fr

Sur Planète Terra, on refait le monde... version développement durable. Pour devenir Planète reporter, une simple inscription en ligne suffit. Et chaque mois, retrouvez les meilleures contributions dans ces pages.

Ils ont rêvé du bus idéal Prenez un bus, transformez-le en un tram mais gardez les pneus. Supprimez les câbles électriques, ajoutez un rail d’alimentation basse tension au sol et faites rouler. Vous obtenez un « trolley-tram », le bus électrique avec uniquement les avantages du tram. 3G-Trans, jeune entreprise parisienne, a imaginé de nouveaux transports urbains qui prennent à bras-le-corps tous les problèmes associés à la précédente génération. Avec le « trolley-tram », finies les toiles d’araignée de l’alimentation électrique, oubliées les limites d’autonomie du bus électrique et la pollution du diesel. Ce bus idéal n’est encore qu’à l’état de prototype. Mais il pourrait investir l’asphalte hexagonal dès 2009. L.A.

Ça sent le sapin L’arbre de noël écolo est-il plastique ou naturel ? C’est la question que s’est posée la famille des Apprentis Z’écolos. Instinctivement, on pencherait pour la version « plastoc » puisqu’elle a l’avantage de resservir tous les ans. Mais ce n’est pas si simple. Car le sapin PVC, prévu pour durer, ne sert en moyenne que 40 janvier 2008

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trois ans. Sans oublier qu’il est fabriqué à partir de dérivés de pétrole. En plus, il prend la poussière. Le naturel, lui, est biodégradable et absorbe du CO2 au cours de sa croissance. Retrouvez les aventures animées des Apprentis Z’écolos sur : www.planete-terra.fr (rubrique environnement)

Circuler, un droit à négocier ? Pour réduire la circulation urbaine et ses retombées polluantes, plusieurs grandes cités européennes, telles que Londres, ont opté pour le péage urbain. Il existerait une alternative : les « droits à circuler négociables ». S’il était mis en œuvre, ce système fonctionnerait sur le modèle des permis de polluer. Pour atteindre un objectif de diminution de la pollution automobile, la collectivité allouerait gratuitement un certain nombre de droits à circuler à chaque résident. Leur quota épuisé, ils devraient en acheter de nouveaux pour se déplacer. Les éoliennes entrent en lévitation C’est une petite révolution technologique pour l’énergie éolienne. La Chine a démarré la production d’une turbine à lévitation magnétique capable de générer à elle seule 1 gigawatt d’énergie propre (l’électricité nécessaire à 750 000 foyers) contre 5 mégawatts pour une éolienne classique. Cette nouvelle génération d’éoliennes tournerait même à vent faible. Trois mètres par heure minimum. Seulement, c’est une structure massive qui nécessite une surface d’environ 40 hectares (presque 60 terrains de foot) et plusieurs centaines de mètres de hauteur. Pas sûr que M. Tout-le-monde en plante dans son jardin ! Remorque ton énergie Les randos à vélo, c’est sympa. Difficile néanmoins de trouver dans la nature une prise pour recharger la batterie de son portable. Heureusement, Paul Smith, jeune British, étudiant en design, a imaginé une remorque à cycles capable de générer de l’énergie de différentes manières. Lorsque l’on tire Navitas derrière son vélo, la batterie de 24 volts se recharge comme une dynamo. Navitas peut aussi se transformer en mini-éolienne. Et si le soleil pointe son nez, elle se recharge grâce à des cellules photovoltaïques.


“ Les éoliennes, ces machines de 150 mètres de haut, sont en contradiction avec la tradition française du paysage. ” L’ACADEMIE DES BEAUX-ARTS

L’Europe respire par ses arbres

fouilli / anne-laure fleurette / fotolia.com

Dans la course contre la montre pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre, l’Europe pourrait avoir trouvé un allié de taille : la forêt. Les arbres, ce n’est pas nouveau, absorbent le CO2. La grande nouvelle, c’est que les forêts d’Europe ont plutôt tendance à s’étendre. Plus 10% dans les pays occidentaux de l’Union et plus 5 % pour ceux de l’Est entre 1990 et 2005. Or une forêt qui s’étale donne un aspirateur à carbone plus gourmand. L’extension nette des surfaces dans les 27 Etats de l’Union européenne aurait ainsi permis d’absorber 126 millions de tonnes de CO2 entre 1990 et 2005, selon des scientifiques finlandais, pas moins de 11 % des émissions européennes dues à l’homme durant cette période. Dans la lutte contre l’effet de serre, la croissance des forêts de l’Union a donc été deux fois plus efficace que les politiques européennes en faveur des énergies renouvelables. LOUISE allavoine Et si la lumière venait du désert Dans le désert, le soleil tape fort. Ses rayons produiraient chaque année, par kilomètre carré, une énergie équivalente à celle fournie par 1,5 million de barils de pétrole. C’est la théorie établie, en 2002, par le physicien allemand Gerhard Knies, inspirateur du projet Trec (Trans-Mediterranean Revewable Energy Cooperation). A l’en croire, cela représente une quantité si considérable d’énergie que « 1 % de la surface des déserts suffirait pour produire l’électricité nécessaire à l’ensemble de l’humanité ». Dès lors, il ne resterait plus qu’à récupérer les précieux photons qui brûlent les dunes des zones désertiques. Oui, mais comment ? Grâce aux technologies solaires à concentration mises au point par l’équipe du docteur Knies. Le principe : des miroirs font converger la lumière du soleil par effet de loupe. La chaleur est utilisée pour faire chauffer de l’eau, dont la vapeur entraîne une turbine qui produit de l’électricité. Le tout dans une centrale thermique telle que celle qui se construit depuis début novembre dans la zone gazière de Hassi R’mel en Algérie. Ouverture prévue en 2010.

Caltoche à flotte Comment crâner en cours de physique-chimie ? En sortant sa calculette à eau bien sûr. Ça va lui en boucher un coin au professeur, une calculatrice qui fonctionne à l’énergie hydrique. Mais l’idéal est encore de pouvoir lui expliquer comment ça marche. Et là, il ne s’agit pas de sécher. Le truc ? Une pile à eau capable d’extraire de l’énergie en jouant des différences de PH. Il suffit de remplir un petit réservoir d’eau. Le liquide réagit avec une solution dans laquelle il se mélange, et magie de la chimie : l’électricité naît. Avec seulement quelques gouttes, la calculette bénéficie d’une autonomie de trois mois. En prime, tous les composants sont recyclables. La machine est donc totalement écologique, de quoi impressionner aussi la prof de biologie. L.A.

PAULINE HERVÉ

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feuilleton

pardonne ce que nous lui avons fait subir pendant tant d’années », lâcha Hanzou.

Métropole position Fred a tout perdu. Tout son crédit de droits à polluer. Le jeune et brillant architecte découvre ce qu’est une vie sans quota de CO2. Pour s’en sortir, il doit réaliser un gros coup lors du 25e Concours international de la ville durable. Bienvenue en 2078.

collection BCA / rue des archives

(Episode 5) Aller à la rencontre des réfugiés climatiques n’était pas simple. La plupart, d’origine asiatique, ne parlaient pas le français. Chassés de leurs habitations par la montée des eaux, ils venaient principalement de Canton, Shangai, Tokyo, Hongkong ou encore Bangkok. Comme l’avait prédit l’Organisation de coopération et de développement économiques au début des années 2000, les inondations touchaient désormais plus de 130 villes dans le monde et avaient provoqué 24 000 milliards d’euros de pertes en biens et en infrastructures. Fred avait finalement déniché l’adresse d’une association dirigée par Hanzou, ancien trader de la bourse de Shangai, qui accueillait les réfugiés climatiques. 42 janvier 2008

terra economica

‑ « Les digues et les barrières fluviales qui ont fleuri un peu partout dans le monde ces trente dernières années n’ont fait que freiner un mouvement irréversible. Même si nous avons eu le temps de nous préparer à cette migration forcée, le débarquement dans une nouvelle culture constitue un choc, raconta le trentenaire. ‑ Comment vous aider alors à mieux vous acclimater à cette “ deuxième ” vie?, interrogea Fred, inquiet. ‑ En Asie, la nature fait partie intégrante de notre quotidien, de notre religion, de notre philosophie de vie. La voir se retourner contre nous nous a traumatisés. Alors maintenant, l’idéal serait que, grâce à notre futur habitat, elle nous

La discussion avait plongé Fred dans des abîmes de questionnements. Son ami Marc avait raison, il allait devoir initier une véritable révolution culturelle s’il voulait gagner ce concours international d’architecture. Car le malaise était profond. La tâche était immense. Pour se remettre les idées en ordre, une seule solution : dresser un état des lieux complet des dernières recherches en termes d’écoconstruction et d’énergie. Un mail aux Wikiboys et l’aventure pouvait démarrer. Fred ne pouvait plus se passer des services de ce groupe d’étudiants constitués une dizaine d’années auparavant. Ces jeunes arrondissaient leurs fins de mois en faisant à la demande des recherches spécifiques sur le Net. La masse d’informations disponibles sur la Toile était en effet devenue telle que les moteurs de recherche étaient dépassés. Même les célèbres algorythmes de Google avaient déclaré forfait. Sentant le vent tourner, la boîte californienne s’était, de toutes façons, reconvertie en productrice de technologies vertes dès le début du XXIe siècle. Le moteur de recherche Internet était devenu un moteur de véhicules hybrides… Ironie de l’histoire, l’humain avait finalement repris le dessus sur la technologie. Enfin pour ceux qui pouvaient s’offrir ce service. Car pour disposer des « faveurs » des Wikiboys, mieux valait avoir un compte en banque bien garni. (à suivre) Karen Bastien, en collaboration avec l’association d’architectes « Et alors ? » (www.etalors.eu)

Pour retrouver les épisodes précédents et participer à l’écriture de la suite, rendez-vous sur : www.planete-terra.fr (rubrique environnement)



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