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Introduction
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Problématique
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Méthodologie
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Chapitre 1
23 26
Le centre historique de Paramaribo ou une ville figée dans l’ère coloniale ?
1.
Une première lecture de Paramribo à travers une analyse cartographique de son évolution.
1.1. L’évolution géographique depuis la conquête coloniale de 1631 jusqu’à 2015. 1.2. Les événements historiques ayant marqués Paramaribo. 1.3. La frise chronologique du développement du centre historique de Paramaribo.
36 40 42
2. Les éléments constituant le patrimoine architectural de Paramaribo.
44 46 50 53
2.1. 2.2. 2.3. 2.4.
Les Les Les Les
édifices coloniaux. paysages urbains. infrastructures : quais, canaux. monuments historiques.
3. Les spécificités du patrimoine architectural de Paramaribo. 3.1. L’inscription du centre historique de Paramaribo à l’UNESCO. 3.2. Les valeurs exceptionnelles du patrimoine architectural de Paramaribo.
54 64 70
4.
5
L’UNESCO ou le caractère figeant d’une protection de bonne volonté.
73
Chapitre 2
Lé départ des sourires : une ville qui perd son identité.
1. La sectorisation progressive du centre historique de Paramaribo.
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84 88 90 93 101 105 106 114
6
1.1. 1.2. 2.
Une ville progressivement isolée et abandonnée. Une ville visiblement scindée en plusieurs entités.
2.1. 2.2. 2.3
Un développement urbain non maitrisé et des interventions urbaines très disparates. L’absence d’infrastructures permettant de protéger le patrimoine architectural. Les délaissés et les ruines.
3.
Un patrimoine architectural inapproprié par les citoyens.
Les difficultés locales conduisant à la disparition progressive d’une architecture identitaire.
3.1. La valeur du patrimoine et la signification de celle-ci pour les citoyens. 3.2. Des différences intergénérationnelles et sociales conduisant à un désaveu du patrimoine architectural. 4.
Questionnement de l’identité architecturale du centre historique de Paramaribo.
4.1. Les origines de cette architecture patrimoniale : un retour historique sur les fondements. 4.2. Une architecture à l’image de son peuple : un métissage architectural grâce au métissage ethnique.
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Chapitre 3
Vers une requalification de l’identité architecturale du centre historique de Paramaribo.
1.
Reconnaître, préserver et valoriser.
1.1. 1.2.
Les quatre types d’architecture qui composent l’image globale du patrimoine historique de Paramaribo. Un regard critique sur le patrimoine architectural
2.
Les structures qui conservent le patrimoine architectural du Suriname.
3.
Les méthodes et les techniques de préservation employées au Suriname.
4.
Reconvertir le centre historique de Paramaribo pour une meilleure dynamique urbaine.
4.1. 4.2.
Restaurer, rénover, reconvertir : quelles méthodes employer ? Exemples des interventions architecturales dans un contexte classé patrimoine.
157
5.
S’inspirer des modèles de reconversions internationales?
162 170 178 186
5.1. Cinq exemples mettant en comparaison constante le patrimoine architectural de Paramaribo. 1. Moritzburg Museum, Halle, Allemagne, Nieto Subejano Arquitectos. 2. Tour Massimiliana, Venise, Italie, C&S Associati. 3. La Casa C, Reckingen, Suisse, Camponovo Baumgartner Architekten. 4. Eglise Dominicaine, Maastricht, Pays-Bas, Merkx et Girod. 5. Fondazione Prada, Milan, Italie, OMA.
130 138 140 144
150 154
194 203
6.
7
Tentatives : Une recherche et un regard personnels pour la requalification des édifices coloniaux.
204
Conclusion du mĂŠmoire
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Bibliographie
209
CrĂŠdits photographiques et sources documentaires
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Remerciements
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Paramaribo ville aux mille sourires1
« Schoon Suriname, O land van mijn dromen Statig bespoeld door de ruisende zee
« Propre Suriname, Ô pays de mes rêves Affleuré par les bruissement de la mer
Trots zijn uw stromen en heerlijk uw bomen Fris waait de wind over land vanuit zee.
Fiers sont vos affluents et charmants vos arbres Frais est le vent qui souffle depuis la mer
Surinaam gij zijt mij dierbaar Land vol schoonheid overal Land ik wil u mijn hart verpanden En u trouw zijn bovenal
Suriname, vous m’êtes très cher Pays plein de beauté surtout Pays je veux vous offrir mon coeur Et vous être fidèle au delà de tout
Nimmer zal ik Suriname vergeten Nimmer al vaar ik de wereld rond Niemand kan immers de liefde ooit meten Liefde gewijd aan mijn volk en grond
Jamais je n’oublierai le Suriname Jamais même si je navigue le monde entier Personne ne pourrait mesurer cet amour L’amour pour mon peuple et ma terre
Surinaam gij zijt mij dierbaar Land vol schoonheid overal Land ik wil u mijn hart verpanden En u trouw zijn bovenal »
Suriname, vous m’êtes très cher Pays plein de beauté partout Pays je veux vous offrir mon coeur Et vous être fidèle au delà de tout »
1 Citation du ressenti de De ROOS P.F. pour sa première visite au Suriname durant les années 1860. Les milles sourires faisant référence aux multiples ethnies. _ Chanson et poème tirés de l’oeuvre de L.H. AGARD Natasia, Hoezee voor Suriname, 2ème édition,1955. VAN KEMPEN Michiel, Een geschiedenis van de Surinaamse literatuur, 2 t. Breda : De Geus, 2002.
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2 En sranan tongo, langue du peuple surinamien: cela signifie les anecdotes qui font peur. 3
En sranan tongo: les histoires d’amour
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N avec les autres. Des informations historiques et architecturales, qui par une retranscription permet une meilleure compréhension de l’architecture locale. Et permet face à cette retranscription de bien se positionner par rapport à la situation actuelle du pays. Ce mémoire est donc un outil de recherche et de questionnement sur le futur d’un pays en voie de développement. À travers cette même recherche, il en résultera des analyses et des modèles, que nous espérons pertinents et adaptés aux édifices sur lesquels nous porterons une attention particulière. Une étude de comparaison entre modèles locaux et modèles occidentaux sera mise en place afin d’aboutir à différentes réponses possibles. Par une collection des savoirs et d’information, ce médium du mémoire pourrait intéresser d’autres étudiants du Suriname. Aujourd’hui, nous manquons énormément d’études menées sur ce territoire et notamment sur cette question du patrimoine architectural du Suriname. Nous souhaitons que ce regroupement d’informations différentes puisse servir à d’autres fins.
Un chant patriotique ou seulement un message à faire passer ? Cette chanson a été écrite par un groupe composé d’écrivains, d’interprètes et des musiciens très peu après l’indépendance de 1975. Pour évoquer une sensation d’unité au sein du peuple surinamien, jeune enfant tout juste émancipé, qu’elle a été composée et diffusée comme une sorte de propagande à travers les médias. On retient de cette chanson une fraternité, un amour inconditionnel, mais aussi une fierté de porter en avant, les couleurs et les beautés de tout un pays. Aujourd’hui, elle nous montre les valeurs du pays et nous espérons qu’elle le continuera toujours, à l’avenir. Souvent, la beauté de l’Amazonie et la sérénité reviennent dans les histoires et les anecdotes de nos parents et nos grands-parents. Il est inimaginable pour les futures générations de construire leur identité sans cette devise et cette recherche du respect de l’héritage et du patrimoine, quelles que soient leurs formes. Si le message prône un amour inconditionnel et un patriotisme, c’est avant tout le respect envers la dimension paisible de la nature qu’il faut souligner. Cette nature, est un élément du quotidien, qui intervient dans la manière de vivre, qui est propre aux citoyens du Suriname. Elle est incorporée dans la vie quotidienne et nous pouvons remarquer sa présence à travers plusieurs éléments paysagers et architecturaux. L’architecture locale, singulière pour son histoire et sa construction, nous témoigne aujourd’hui des événements historiques importants. S’il nous arrive encore à s’asseoir avec nos grands-parents pour écouter les « spuku tories2 » ou des « switi tories3 »; des histoires vécues d’antan, c’est que ces événements historiques, semblent être importants. Ils aident à forger notre identité et essaient de nous faire part d’un passé important pour mieux avancer à l’avenir.
L’indépendance récente du pays a énormément influencé la dynamique de la ville et l’a surtout modifiée. Il est donc très important de comprendre ces fluctuations de dynamique : depuis l’essor économique, à la crise politique jusqu’à la crise pétrolière, qui sont étroitement liées au développement de la ville et plus directement à l’architecture. Comprendre le passé de ce pays jeune est alors primordial. Non seulement pour se construire ou se reconstruire, mais aussi pour apporter une vision de sa transformation dans les vingt-cinq ans à venir. Cette période correspond à un moment de mutation possible aux échelles urbaines et architecturales afin de pouvoir constater un réel changement. Vingt-cinq ans, c’est presque aussi un temps d’une nouvelle génération, celle qui nous précédera et celle qui portera demain, nous espérons, les mêmes valeurs et avec la même fierté l’héritage du pays. Cet héritage sera l’objet de travail dans ce mémoire. Un terme qui a priori semble être très vaste, mais que nous allons développer plus tard pour
Pour commencer, écrire un mémoire sur mon pays d’origine est une façon pour moi de retracer des informations importantes de l’histoire qui me semblent être primordiales à récolter et à communiquer
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se recentrer sur deux points de discussions. Afin de délimiter le champ d’analyse : plus particulièrement sur le patrimoine architectural et sa reconversion. Le patrimoine architectural sera le sujet que nous développerons le plus, car il est l’objet principal qui nous intéresse. Car c’est un des objets physiques qui nous raconte un passé, une histoire, une vie, un ensemble de structure d’une époque antérieure. Le patrimoine architectural aussi pour ses valeurs singulières et ses qualités remarquables dont nous ferons l’objet d’une étude approfondie plus tard. Plus précisément le patrimoine architectural du centre historique de Paramaribo, car c’est le seul endroit depuis son existence qui est resté intact et qui se trouve aujourd’hui « menacée » malgré une forte protection par l’UNESCO. Ces bâtiments, classés patrimoine mondial, ne trouvent plus de rattachement au contexte urbain, car ils se sont de plus en plus « isolés » et de plus en plus reniés par les citoyens. Dus au manque de fonctions et d’usages différents ou simplement dus à la classification à l’UNESCO ?
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P R O B L E M A T I Q U E notamment sur la périphérie et les banlieues ; ce qui la rend vide d’activités. Notamment à la fermeture des bureaux de travail4 et architecturaux sans vie, laissant penser et donnant l’impression d’une ville fantôme. Par la suite, d’autres problèmes sociaux se développent en parallèle : l’insécurité, la délinquance, la prostitution et les commerces illicites. La sensation dans certains coins du centre-ville durant la nuit n’est pas agréable.
Le centre historique de Paramaribo nous témoigne aujourd’hui des architectures datées depuis la colonisation occidentale. On y retrouve également des apports et des développements urbains plus contemporains des années soixante grâce au mouvement moderne. Analyser ce morceau de ville revient à décortiquer des couches historiques qui se sont superposées au fil du temps et d’en déduire des points critiques pour son évolution.
Une simple promenade dans les rues, qui ont été si prônées et appréciées avant ; par le biais des publications, des chansons, des photographies, des contes, est à présent loin dans les habitudes et dans les envies des citadins. Dans un premier temps, il est peutêtre évident de lier ces problématiques fonctionnelles et sociales aux architectures historiques reniées. Dans un second temps, le manque de mixité fonctionnelle est peut-être précurseur de ces problèmes énumérés juste avant. Nous allons dans ce premier temps vérifier cette évidence par un travail quantitatif d’enquêtes et de statistiques officielles. Ce travail sera aussi nourri par une analyse purement architecturale et urbaine de la ville et par la suite, par un travail sociologique en questionnant les populations qui y vivent par des enquêtes, renforcées par certaines études qui ont déjà été menées. Des questionnaires ciblés aux représentants de structures différentes complèteront aussi ce travail. Dans ce second temps, nous allons faire un état des lieux de ces bâtiments, vérifier leurs statuts, leurs états, leurs mutations et questionner leur fonctionnement actuel dans la ville. Pour repérer ces bâtiments, nous allons se référer à quatre époques différentes. Elles correspondent à des époques non seulement d’un point de vue architectural intéressant, mais apportent aussi des informations historiques à prendre en compte. Dans le centre historique de Paramaribo, il est judicieux de prendre en compte les architectures situées dans des zones « difficiles ». Ces zones correspondent souvent à des grands espaces publics où ni activités ni présence de vie sont remarquées.
L’analyse devrait aussi permettre une meilleure compréhension de la ville ; de sa construction, ainsi que de sa dimension sociale, de notamment s’interroger sur les peuples successifs et comment ils y ont vécu. Si nous nous concentrons actuellement sur le centre historique de Paramaribo, c’est qu’aujourd’hui ce morceau de ville est protégé et classé patrimoine mondial à l’UNESCO. Ce classement permet avant tout, une protection importante des monuments historiques de la ville et de faire vivre un héritage remarquable dans les nombreuses années à venir. Mais le centre historique est actuellement situé dans une position difficile quant au développement urbain de la ville. Il est contraint d’une part, par la protection à l’UNESCO et d’autre part, atteint par un nouveau mouvement de sectorisation : un phénomène de réaffectation inadaptée des usages et des fonctions, lié à cette même protection.
4 D’après un échange avec Stephen Fokké, directeur du SGES (structure de conservation du patrimoine) : «That’s why it’s a dead city after closing hours», Interview locale, Paramaribo, décembre 2015.
En effet, la plupart des bâtiments du centre historique de Paramaribo étaient des maisons coloniales (maisons de maître, édifices religieux, édifices militaires, etc.), mais à l’heure actuelle, ces maisons protégées, se voient transformées et plus précisément réhabilitées à l’identique (c’est-à-dire restaurées). Afin de faire de ces lieux des monuments inaccessibles, voire dans les meilleurs cas, des lieux de travail ou de commerces, créant une dynamique fonctionnelle et sociale déstabilisée au sein de la ville. Les habitants se voient poussés à vivre en dehors de la ville,
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Les premiers constats étaient que dans ces grands espaces publics, des maisons coloniales ou des équipements publics datant de cette ère coloniale s’y retrouvent. La première question que nous nous sommes posée, est celle du lien que l’on pourrait avoir entre « une architecture non-fonctionnelle » et « l’activité de son environnement proche ». Est-ce que systématiquement, l’une est la conséquence de l’autre ? Faut-il penser que ce rapport est celui d’une cause/conséquence ? questions :
Nous nous sommes alors posé quelques
Le patrimoine classé à l’UNESCO, exclut-il d’autres démarches de conservation à l’heure actuelle ? N’existet-il pas d’autres démarches architecturales actuelles de reconversion ? N’existe-t-il pas d’autres démarches architecturales prenant en compte l’aspect morphologique d’un bâtiment tout en proposant d’autres usages ? Un bâtiment est-il prédestiné à n’avoir qu’une seule fonction ? Qu’une seule vie ? L’architecture coloniale sera-t-elle vouée à changer au fil du temps ? Faut-il l’inscrire dans un nouveau cycle de vie ? De nombreuses questions qui demandent d’être vérifiées et d’être étudiées, mais la question principale revient à interroger les caractéristiques de cette architecture patrimoniale afin d’éviter la seule démarche de transformation : la restauration. Comment instaurer un lien entre les édifices isolés et rapprocher les citoyens de ces architectures ? Comment faire de ces architectures une continuité dans les vingt-cinq années prochaines ?
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Pour répondre à cette série de questions, nous procédons par un travail organisé en trois temps. Le travail principal de ce mémoire a été établi par une consultation importante d’ouvrages sur le centre historique de Paramaribo. En effectuant des lectures ciblées sur le patrimoine architectural, sur sa conservation et sur sa protection à l’UNESCO, un point intéressant s’est alors dégagé. Notamment la question de son devenir. En se focalisant ensuite plus précisément sur cette problématique, nous étions alors menés à consulter des ouvrages locaux. Dans la plupart des cas, ces ouvrages étaient écrits en néerlandais et en anglais, ce qui nous permettait aussi de nous rendre compte d’un regard différent que possédaient ces différents auteurs. Des thèses qui ont déjà été faites par des étudiants locaux, des œuvres sur le patrimoine, sur l’histoire locale, ainsi que des œuvres plus vastes sur le patrimoine d’outre-mer (de la Guyane, de l’Indonésie, etc.) et quelques travaux d’étudiants en urbanisme, ont été les principaux ouvrages dans lesquels nous avons pu puiser des informations nécessaires, afin de constituer notre corpus de recherche.
Finalement, une visite et un travail sur terrain durant l’été dernier, nous a permis de rentrer en contact avec des structures locales s’intéressant à la conservation du patrimoine architectural du centre historique de Paramaribo. Ces rencontres nous ont donné la possibilité d’accéder à des ressources nécessaires pour effectuer dans les bonnes conditions cette recherche. Au mois de décembre, nous avons pu échanger avec Stephen Fokké, autour de ce travail de mémoire et autour du sujet du développement urbain de la ville. L’enjeu principal de ce mémoire est alors d’établir et d’identifier les différents liens qui existent entre un patrimoine classé et l’absence d’activités multiples dans le centre historique. Dans une première partie, nous établissons une description courte du contexte et dressons les différentes valeurs et qualités liées à ce contexte ; dans lesquels les édifices coloniaux semblent de plus en plus s’isoler et entraîner un évidemment social. Dans une seconde partie, nous développons et nous nous appuyons sur les différentes recherches qui ont été menées, afin de dégager les difficultés et les problématiques liées à la disparition progressive de l’identité architecturale du centre historique de Paramaribo. Dans une troisième partie, nous mettons l’accent sur ce patrimoine architectural qui est un bien culturel, qu’il faut à tout prix conserver et proposons des modèles de transformations architecturales pouvant tendre à une requalification du centre historique de Paramaribo. Avec l’objectif final, d’instaurer un équilibre social. Pour ce faire, utiliser des méthodes de transformation architecturale les plus variées possibles, nous semble un outil de recherche intéressant, pour éviter que la ville ne reste figée dans un phénomène dangereux déjà en cours.
Ensuite, par un travail d’identification de bâtiments en question et l’analyse de ceux-ci à travers des notions précises : historique, social, fonctionnel et architectural, nous avons pu établir une sorte d’état des lieux. Ce qui nous a permis d’ouvrir des champs de réflexions autour de la question de la transformation architecturale pour ces bâtiments coloniaux. Cette analyse architecturale s’est accompagnée d’une série de comparaisons ; cinq études de cas ont permis de confronter des bâtiments locaux à des modèles de transformation architecturale occidentaux. Elle a aussi été complétée par un travail de relevés métriques et photographiques. Redessiner les bâtiments et les photographier, nous semblait important pour la compréhension globale de ces architectures atypiques. D’une part pour explorer toutes les capacités spatiales qu’elles proposent afin de savoir quels nouveaux usages nous pourrions les attribuer.
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5 ENNEN Elizabeth, Heritage in fragments : the meaning of past for city centre residents, 1999 - 259 p., p 24. 6 Institut national du patrimoine, Architecture coloniale et patrimoine; L’expérience française, Somogy éditions d’art, 2005 191 p., p 11. 7 L’architecture coloniale s’est établie sous la même forme dans les colonies: c’est-à-dire issue d’une économie marchande, sans accompagnement d’une colonisation effective. Elle produit des comptoirs de commerces, rapidement fortifiés et entourés par des villages indigènes liés à l’activité commerciale (Alain Sinou). 8 Identique dans le processus de création. Fondée sur les même principes.
Le centre historique de Paramaribo ou une ville figée dans l’ère coloniale ?
Ce qui fait patrimoine ou ce qui est considéré comme tel, est tout élément historique physique ou moral, permettant de se rendre compte d’une époque précise. L’auteur Ennen Elizabeth5 résume bien en quelques mots cette notion de patrimoine.
Quelle que soit la nature ; de l’ordre physique ou moral, ces valeurs sont souvent des moyens et des outils permettant de transmettre un héritage, une histoire, une éducation, un savoir et d’autres éléments nombreux qui ont forcément un impact sur notre vie.
« L’héritage, c’est tout ce que nos ancêtres nous ont laissé derrière ».
Dans le cas du centre historique de Paramaribo, il est important de mettre en avant les périodes coloniales, que l’on a traversées au cours des derniers siècles. « Ces époques coloniales représentent souvent l’ensemble de bâtiments laissés derrière par les Occidentaux avant l’Indépendance6 » Ils représentent l’évolution d’une architecture, que l’on peut ici qualifier de « surinamienne ». Une architecture rapportée de l’Occident, mais fortement influencée par la vie locale. Comme présenté dans l’œuvre de l’expérience française7, cette architecture coloniale est très souvent identique8 dans les colonies partout dans le monde (que ce soit l’Indonésie, Casablanca ou le Sénégal). L’architecture surinamienne est aussi complexe que son peuple, un véritable métissage de plusieurs ethnies.
Pour partir de cette notion de patrimoine, nous nous sommes d’abord intéressés à son origine. Dans ce chapitre, nous essayons de comprendre par des étapes historiques successives comment l’architecture patrimoniale du centre historique de Paramaribo a évolué au cours du temps. Nous partons tout d’abord à la recherche des identités différentes des bâtiments en question. Nous avons choisi de questionner et analyser cinq bâtiments, tous différents : historiquement, socialement, fonctionnellement et architecturalement parlant. Ces bâtiments en question, sont les plus isolés du centre historique de Paramaribo et représentent de la meilleure façon, les problématiques, auxquelles nous nous intéressons. Pour mener à bien l’analyse et les réponses cherchées aux problématiques de ce mémoire, nous allons premièrement présenter de façon succincte ces édifices.
Nous voulons alors présenter quelques bâtiments, montrant cette architecture métissée. Ils appartiennent chacun à des époques différentes, certaines retraçant jusqu’à la conquête première des Occidentaux et certaines se référant après le colonialisme. Commençant par la conquête coloniale du XVIIe siècle, nous présentons la fortification du fort Zeelandia. Ensuite, nous nous intéressons au bâtiment Het gebouw 1790 du XVIIIe siècle en passant par le bâtiment Het Waaggebouw et De hervormde kerk originairement du XVIIe siècle, mais reconstruits au XIXe siècle, pour finir avec le marché couvert du XXe siècle du mouvement moderne. Ils représentent aussi une certaine importance dans l’histoire due à des nombreux événements sociaux. Grâce à cette première présentation succincte des bâtiments coloniaux, nous pourrons établir un modèle de comparaison, qui nous paraît nécessaire dans le processus de réflexion autour de leur transformation urbaine.
Pour la plupart des édifices du centre historique de Paramaribo, le classement en tant que monument historique, influence énormément leur état actuel et leur rôle dans le développement urbain. Isolés, à cause du manque de leurs fonctions et leurs usages adaptés, ces bâtiments deviennent non seulement des architectures sans vie, mais présentent aussi une polémique concernant la question de la valeur patrimoniale qu’ils représentent. En effet, pour considérer une architecture comme patrimoine, il faut que les citoyens y retrouvent des valeurs significatives.
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Nous considérons que ces cinq bâtiments sont identitaires et reflètent l’image globale du patrimoine architectural du centre historique de Paramaribo. Aujourd’hui, ils sont quasiment tous dans un état critique et demandent un investissement majeur. Une réaffectation, une réhabilitation, une transformation ou simplement une autre façon de conservation. Rarement, nous avons observé des cas de restauration où l’intervention est contemporaine et donne une autre fonction adaptée aux édifices locaux. Nous présenterons une période résumant quatre siècles différents ; de laquelle sont issus ces différents bâtiments que nous mettons au centre de notre travail. Dans l’optique d’ouvrir différentes possibilités de démarches architecturales pour leur conservation. La rotonde de la Villette à Paris, transformée en restaurant ou encore la fabrique de tabac et de café, Van Nelle, à Rotterdam, transformée en espace multifonctionnel (arts, culture et bureaux) témoignent une introduction d’une nouvelle fonction dans l’édifice existant. Dans la présentation suivante, nous mettons en comparaison les états différents des bâtiments que nous analyserons. La première partie est réservée pour la localisation de ces édifices dans le centre historique de Paramaribo. Ils sont majoritairement situés sur le littoral et sont inscrits dans une logique précise d’extension coloniale que nous verrons plus tard dans le chapitre. Sur la carte suivante (page 18, fig. 01), de gauche à droite, nous retrouvons le marché couvert (de centrale markt), la maison de la normalisation du poids et de la marchandise (het waaggebouw), le fort Zeelandia (het fort Zeelandia) et enfin l’ancien dortoir militaire et ancien magasin aux vivres (het gebouw 1790). L’égliseréformée (de hervormde kerk) est le seul édifice qui ne se situe pas sur le littoral et qui est dans un contexte plus complexe. Nous constatons aujourd’hui, que ces édifices se retrouvent dans des situations critiques, d’une part à cause de leur fonction actuelle (ou l’absence de celle-ci ou une fonction inappropriée) et d’autre part à cause de leur insertion dans le développement urbain de la ville.
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Le deuxième point qui est important à souligner pour ces bâtiments, est leur état physique. Trois bâtiments (centrale markt, fort Zeelandia, gebouw 1790) sont dans un état délabré : mauvais état de l’ensemble, hygiène et normes non respectés. Seuls het waaggebouw et de hervormde kerk restent dans un très bon état, grâce à leur réhabilitation récente. Néanmoins, ils trouvent aujourd’hui la difficulté de s’intégrer à la vie urbaine, car leur position actuelle est parasitée par de nombreux locaux délaissés. Pour het waaggebouw, son architecture est de ce fait, très peu mise en valeur et l’environnement dans lequel l’édifice se retrouve n’est pas très attirant ; donc très peu fréquenté par l’ensemble de la population. Un restaurant étoilé a pris place au sein de ce bâtiment avec sa terrasse qui s’étend vers le front de mer, mais cet endroit public est très méconnu de la population à cause de son environnement et de la fonction qu’elle occupe, destinée à une certaine élite de la société. Pour l’église-réformée, une clôture vient encercler l’édifice sur une place, qui était publique jusqu’à 1900, mais devenue privée aujourd’hui et a transformé l’ancien parc en un carrefour : des voitures circulent constamment autour de l’église coupant l’accès à l’espace fluide d’origine. La présentation suivante des bâtiments nous permet de connaitre en premier lieu, les édifices de façon succincte, de connaitre les difficultés liées à leur conservation et les conséquences qu’ils pourront engendrer s’ils ne sont pas inscrits dans une réflexion urbaine bien étudiée et bien élaborée par les différents intervenants politiques et urbains.
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Fig. 01 Photo aérienne retravaillée, du centre historique avec les cinq édifices localisés pourl’étude.
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Het gebouw 1790
Comme son nom l’indique, il a été construit durant le XVIIIe siècle tout d’abord prévu comme un magasin des vivres pour ensuite fonctionner comme dortoir militaire et finalement comme ministère de l’éducation. Malgré un incendie qui a détruit toute la construction intérieure en bois, à présent la structure périphérique du bâtiment est restée intact. Les problématiques Classé patrimoine architectural à l’UNESCO, aucune transformation architecturale n’est prévue pour le moment. Le bâtiment est isolé et transforme le lieu l’entourant en un lieu infréquentable et vide d’activités, tandis qu’il se retrouve dans un secteur dédié à l’art et la culture. Hypothèses/Recherches Il faut intégrer het gebouw dans un contexte global dédié à l’art et la culture. Une transformation architecturale de cet édifice pourrait l’inscrire dans le développement urbain du centre historique de Paramaribo. Réfléchir à sa fonction et son usage dans le contexte éducatif ne semble pas hors de portée. La transformation architecturale pourra aussi sauver l’édifice qui risque de s’effondrer.
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Fig. 02 Etat d’origine, Het gebouw 1790, © Jan Koenraadt, 1979. Fig. 03 Etat après un incendie, Het gebouw 1790, © Pieter Edelman, 2003.
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Het fort Zeelandia
Construit à partir de 1631, par des colons français, anglais et achevé par les Néerlandais, ce fort a fonctionné durant la plus grande partie comme base militaire et une protection de la ville. A présent, «un musée» de petite taille conserve quelques éléments historiques de la colonisation et de l’esclavage. Les problématiques Le fort Zeelandia, aussi classé patrimoine architectural à l’UNESCO, abrite aujourd’hui un espace de presentation. L’ensemble des espaces extérieurs est fermé au public général. L’entrée payante donne accès à l’intérieur du fort qui nécessite aujourd’hui un vrai investissement architectural et paysager pour une ouverture et une insertion urbaine plus publique pour créer un ensemble cohérent. Fig. 04 Vue depuis la rivière Suriname, Het fort Zeelandia, Jan © Koenraadt, 1979. Fig. 05 Vue depuis la place de la statue de la reine Wilhelmina, Het fort Zeelandia, © Margriet Kruiper, 2008.
Hypothèses/Recherches Il faut s’ouvrir au public et trouver un juste-milieu entre le passé et le présent pour faire évoluer le fort Zeelandia. D’un point fonctionnel, mais aussi d’un point moral. Très connu pour les événements historiques sombres dans le passé, enlever son côté mystérieux et renfermé, permettra dans un premier temps de s’ouvrir à sa population locale et faire le deuil pour avancer. Ce deuil semble nécessaire, car d’après l’enquête menée par Maartje Rijkers, peu de citoyens s’identifient à cet édifice à cause des mauvais souvenirs coloniaux.
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Het waaggebouw
Construit XVIIe et reconstruit au XIXe siècle, pour peser des esclaves et normaliser le poids de la marchandise agricole des plantations, het waaggebouw a toujours fonctionné comme un local destiné à ces manœuvres. A la fin du XXe siècle, il cède sa fonction d’origine et devient un local délaissé, pour enfin devenir un restaurant étoilé après sa réhabilitation récente. Les problématiques Réhabilité récemment, het waaggebouw abrite un restaurant étoilé au rez-de-chaussée avec une terrasse étendue. Le problème majeur est son contexte proche, qui représente un ensemble vaste des édifices délaissés, variés, temporaires (bateaux, boite de nuit, locaux temporaires de pêcheurs, terrasses, etc.). La fonction actuelle n’est pas appropriée pour un édifice d’une telle symbolique historique et la mise en valeur de l’édifice lui-même est parasitée par des éléments nombreux, sans véritables fonctions pérennes. Hypothèses/Recherches Het waaggebouw se situe dans un contexte très stratégique grâce au développement touristique du côté Est et un endroit dédié aux transports en commun (bus, pirogues, bateaux). Une réaffectation appropriée et un redéveloppement du contexte autour de celui-ci permettra de mieux l’intégrer et l’apprécier pour sa valeur architecturale. Un projet de plateformes d’embarcadères est déjà prévu.
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Fig. 06 Dans la rue Waterkant, Het waaggebouw, © Stichting Surinaams Museum, 1915. Fig. 07 L’entrée principale, Het waaggebouw, © ParamariboStad, 2013.
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De hervormde kerk
Construit en 1688 en bois, l’église de la réforme catholique a été transformée plusieurs fois, pour accueillir d’autres fonctions multiples (mairie, maison de quartier,...), détruite (incendie) et reconstruite à l’identique cinq fois au cours de l’histoire. Aujourd’hui, elle est très peu fréquentée : seulement quelques événements religieux s’y organisent durant l’année. Les problématiques L’église très centrale dans l’espace urbain est clôturée et l’accès est limité. Elle agit aussi comme un carrefour ; un endroit où l’on ne fait que circuler autour de cette place. Les programmes autour de cette église ne permettent pas de faire vivre l’espace. De nuit, c’est un endroit très peu fréquenté voire mort. L’arrivée du Burger King, n’a pas participé à la réanimation de la place. Fig. 08 Le parc, de hervormde kerk, © Stichting Surinaams Museum, 1920. Fig. 09 L’espace clôturé, De hervormde kerk, © Flickr, Sawiranoe, 2003.
Hypothèses/Recherches Autour de l’église, il existe des bâtiments qui sont vides la plupart du temps. Au-delà des horaires de travail, comme la majorité des édifices coloniaux du centreville, ils restent inoccupés. Peut-on retrouver une autre programmation pour l’église (qui n’est aujourd’hui pas fréquentée pour les pratiques religieuses) ? Une recherche de mixité programmatique ou de fonctions annexes à la place, ainsi qu’une réorganisation du carrefour et des espaces publics pourraient aider à la dynamisation de ce secteur.
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De centrale markt
Construit à la fin du XXe siècle, par l’architecte néerlandais Peter Nagel, durant le mouvement moderne, le premier grand marché couvert s’installe dans la capitale du Suriname. Aujourd’hui, on prévoit sa démolition, car il crée un point de flux ingérable. Des structures locales luttent contre sa démolition en tentant de l’inscrire au patrimoine architectural, mais l’architecture du mouvement moderne n’a pas encore sa reconnaissance au Suriname. Les problématiques Le principal problème du marché est le nœud de flux qu’il crée. Très incontrôlable actuellement, par les flux de commerces, les flux automobiles, les piétons, ainsi que les flux de réseaux de transports en commun, le marché se trouve étouffé. Son état physique laisse peu à désirer aussi, car il n’a jamais subi de réhabilitation depuis sa construction. Hypothèses/Recherches Le marché, situé dans un contexte difficile, doit continuer à exister pour le patrimoine architectural qu’il représente, mais aussi pour son attractivité fonctionnelle. Le marché n’a jamais cessé de fonctionner et représente le mieux aujourd’hui la culture diversifiée de la population locale métissée. Une réorganisation et une mixité programmatique semblent nécessaires afin d’améliorer l’environnement étouffé de celui-ci.
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Fig. 10 La structure apparente en béton, De centrale markt, © Maria Nagel De Groot, Monographie Peter Nagel, 1960. Fig. 11 De centrale markt, Youtube, © Vice, 2014.
Une première lecture de Paramribo à travers une analyse cartographique de son évolution.
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1.1. L’évolution géographique depuis la conquête coloniale de 1631 jusqu’à 2015.
Nous avons retravaillé des cartographies tirées du musée national du patrimoine architectural du Suriname, pour montrer l’évolution urbaine du centre historique de Paramaribo. « L’implantation du centre historique de Paramaribo commence en 1613, quand deux colons mettent en place un lieu de commerce et de triade près de Parmubo ou Permaba.»9 En effet, à partir de 1613 par l’établissement des colons occidentaux, le territoire surinamien ne cessera d’évoluer au cours du temps à des vitesses remarquables grâce aux exploitations agricoles plus tard au XVIIIe et au XIXe siècle. À la fin du XXe siècle, l’expansion de la ville prend une autre tournure avec un développement du pavillonnaire extrêmement important. Cette extension urbaine entraine une dé-densification du centre historique de Paramaribo ; une ville qui est très basse à l’origine avec ses bâtiments n’excédant rarement quatre étages.
9 D’après les informations du dossier de consultation du patrimoine mondial et du plan d’aménagement CONSULTATION DRAFT, Paramaribo world heritage site management plan 2011-2015 : providing an instrument for the conservation and enhancement of the outstanding universal values of Paramaribo, mai 2011 - 87 p, page 16.
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En 1613, le centre historique de Paramaribo n’était qu’un regroupement de quelques édifices construits en bois. Ils étaient installés à proximité d’une ancienne communauté amérindienne qui portait le nom de Parmubo ou Permuba. Établi près de la rivière appelée aussi le Suriname, qui servait d’endroit stratégique avec Nieuw Amsterdam10, qui a été établi à l’embouchure à quelques kilomètres de l’embouchure.
10 A ne pas confondre avec Nieuw Amsterdam des Etats-Unis de cette époque. Fig. 12 Carte retravaillée, d’après © Maars 1690, © Stanney Kasmo 2016.
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L’établissement du village occidental précédent s’est transformé en une petite ville structurée selon une direction nord-ouest. Des axes routiers bordés d’arbres apparaissent dans des découpages parcellaires quadrillés. Aux alentours de 1712 « quelque 500 maisons à Paramaribo se sont établies au long des rues principales, telles que le Knuffelsgracht, Klipstenenstraat, Gravenstraat et la rue principale bordant le front de mer Waterkant »11.
11 D’après les informations du dossier de consultation du patrimoine mondial et du plan d’aménagement, page 17. Fig. 13 Carte retravaillée, d’après © Ottens 1719, © Stanney Kasmo 2016.
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Vers 1750, la ville se développe vers le sud du territoire. D’autres grands axes apparaissent et d’autres « quartiers » de maisons dédiées aux militaires et travailleurs civils composent globalement le tissu urbain. Quelque 800 maisons donnant sur les rues principales composent le paysage colonial de la deuxième moitié du XVIIIe siècle.
Fig. 14 Carte retravaillée, d’après © Tirion 1760, © Stanney Kasmo 2016.
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Vers 1769, l’extension urbaine s’est épaissie avec un développement de la partie ouest du territoire. De nouvelles rues principales apparaissent telles que le Gravenstraat, Keizerstraat, Stoelmanstraat et Zwartenhovenbrug straat.
Fig. 15 Carte retravaillée, d’après © Bellin,1760, © Stanney Kasmo 2016.
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Nous remarquons qu’au cours de la dernière moitié du XVIIIe siècle, un développement urbain rapide s’est mis en place. Cela est dû à l’arrivée des populations occidentales et des populations africaines, pour principalement diriger et travailler sur les nombreuses plantations.
Fig. 16 Cart retravaillée, d’après © Tirion1760, Stanney Kasmo 2016.
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À la fin du XVIIIe siècle, le centre de Paramaribo mesurait à peu près 2,6 km de longueur et 1,4 km de largeur. Grâce à la visite de John Gabriel Stedman en 1796, il décrit le développement du centre historique de Paramaribo comme le suivant :
12 D’après les informations du dossier de consultation du patrimoine mondial et du plan d’aménagement, page 19. Fig. 17 Carte retravaillée, d’après © Hiemcke 1805, © Stanney Kasmo 2016.
« Un très bel espace, avec des rues bondées de planteurs, des marins, des Juifs, des Indiens et des nègres, tandis que la rivière grouille avec des canots, des barges, des yoles, des bateaux, sans cesse allant et venant de différents domaines, et le croisement et le passage de l’autre comme les esquifs sur la Tamise, et surtout accompagnées de bandes de musique... »12
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Durant le XIXe siècle, les extensions urbaines consistaient généralement en des exploitations agricoles sous forme de plantations (canne à sucre, cacao, riz, bananes, indigo, etc.). Ce que nous avons repéré aux alentours de 1950 d’après la cartographie du bureau « centraal luchtvaardiging », est le développement du secteur pavillonnaire sur les anciens tracés des plantations.
Les tracés historiques des plantations se sont divisés en des parcelles plus petites, créant de nombreuses voiries secondaires. Ce développement pavillonnaire se répand de façon centrifuge avec une intensité plus importante au nord. Au même moment durant le XIXe siècle, il y a eu un développement de plantations sur la rive droite. L’arrivée des populations asiatiques (travailleurs «libres» explique ce développement du territoire.
Fig. 18 Carte retravaillée, d’après © Spirlet 1950, © Stanney Kasmo 2016.
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À présent, Paramaribo est devenu un territoire où la partie historique est le seul noyau dense. Son développement en périphérie est une vaste étendue de terrains privés des maisons pavillonnaires. Ce développement pavillonnaire est dû, d’une part, à la reconversion des anciennes plantations en parcelles vendues et d’autre part, au classement à l’UNESCO et la protection des bâtiments historiques du centre-ville.
Fig. 19 Carte retravaillée, © Google Earth, Vue aérienne 2000, © Stanney Kasmo 2016.
De nombreux bâtiments historiques reconvertis en bureaux, en services et en commerces, ont poussé les populations à vivre en dehors du centre historique de Paramaribo. De plus, aucune réflexion architecturale n’a jusque-là été menée pour une densification du centre de Paramaribo, ni à un mode des habitations collectives. Le pavillonnaire reste aujourd’hui le principal mode de vie des Surinamiens.
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Présent
La carte ci-dessus, représente aujourd’hui le vrai noyau du centre historique de Paramaribo avec son développement concentrique du pavillonnaire. Ce noyau (représenté en rouge), est toute la zone qui a été classée patrimoine mondial à l’UNESCO. Plus tard, nous verrons qu’au sein de cette zone, la classification est beaucoup plus complexe et sectorisée selon des époques historiquement différentes.
Au même moment durant le XIXe siècle, il y a eu un développement de plantations sur la rive droite, que nous n’avons pas décidé de représenter pour ne montrer que l’évolution du centre de Paramaribo lui-même.
Fig. 20 Carte retravaillée, © Google Earth, Vue aérienne 2000, © Stanney Kasmo 2016.
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L’analyse urbaine représentée par ces cartographies successives, montre l’évolution constante durant les quatre derniers siècles. Dans un premier temps, nous pouvons noter une évolution, très lente durant les deux premiers siècles succédant la découverte de Paramaribo par des colons espagnols. Dans un second temps, une évolution rapide à partir du XIXe siècle, avec l’expansion pavillonnaire incessante. Ces dates choisies, semblaient pour nous, des périodes clefs dans l’histoire du centre de Paramaribo, car elles marquent aussi des événements politiques, économiques et sociaux.
1.2.
Les événements historiques ayant marqués Paramaribo.
XVIIème Siècle
1613 Découverte de Parmubo par les colons espagnols. 1621 Création de « West-Indische Compagnie » : WIC 1639 Premier établissement des juifs à proximité de Thorarica. 1640 Première arrivée des esclaves issus de la WIC.
Très inspiré des tracés urbains des villes occidentales, Paramaribo est très vite devenue une ville coloniale où il faisait bon vivre durant le XVIIe et le XVIIIe siècle. Au même moment, dans les pays voisins : la Guyane française, le Guyana, ainsi que dans les îles de la région caribéenne, les villes coloniales s’émergent et des exploitations agricoles commencent à apparaitre. Ces exploitations agricoles ont notamment caractérisé les tracés urbains de la ville au cours du XVIIIe et du XIXe siècle. Accompagnés de ces tracés, d’autres éléments urbains et d’infrastructures telles que les rues, les chemins de fer, les digues, les canaux, les écluses, ont aussi été construits, participant aussi à la structuration de la ville de Paramaribo durant les temps coloniaux. Grâce à ces différentes dates clefs, nous avons essayé de repérer certains événements politiques, économiques et sociaux, qui ont marqué fortement le centre historique de Paramaribo. Ces événements marquants. En établissant ces événements importants et en essayant de les lier avec les différentes dates, repérées juste avant, nous avons dessiné une sorte de frise chronologique. Elle permet de lire l’évolution historique du centre-ville de Paramaribo et de comprendre aussi son évolution architecturale et urbaine depuis sa découverte. Cette frise chronologique nous permettra aussi de résumer sous forme d’une rétrospective le patrimoine colonial hérité des Occidentaux et que nous essayons de mettre en avant pour une réexploitation contemporaine dans les années à venir.
1650 Fondement d’une colonie anglaise au Suriname, par Francis Willoughby. 1665 Paramaribo devient la vraie capitale du Suriname. 1667 Abraham Crijnssen conquiert la colonie des Anglais.
Traitée de Breda.
Fort Willoughby devient Fort Zeelandia.
1695 Création du marché des produits agricoles.
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XVIIIème Siècle
XIXème Siècle
1712 Reconquête par l’amiral français Jacques Cossard.
1804 Traité d’Amiens.
Environs 500 maisons construites.
1728 Construction du complexe Combé.
1808 Abolition du marché d’esclavages. Construction de Coronie.
1809 Construction du canal Saramacca.
Environs 402 plantations.
1816 Royaume des Etats-Néerlandais .
1745 Grand Incendie
1821 Grand Incendie
1763 Grand Incendie
1832 Grand Incendie
1793 614 Plantations
1837 Construction du théâtre Thalia.
1799 Protectorat Britannique.
1846 Construction de Albina. 1853 Immigration des Chinois. 1862 Emancipation. 1863 Abolition de l’esclavage.
Création de 15 districts.
Création district Paramaribo.
1873 Immigration des Indiens.
Environs 121 plantations.
1890 Immigration des Javanais. 1892 Première automobile à Paramaribo. 1897 Premier Omnibus.
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XXème Siècle
Au fil de l’histoire et grâce aux grandes étapes de découvertes, de l’exploitation agricole et de l’occupation par les occidentaux, le Suriname s’est transformé d’un petit bijou de Paradis vert en un territoire de dispute. Concurrencé par les Espagnols, les Français et les Portugais, ce sont enfin les Néerlandais qui en prennent la possession et gardent ce pouvoir jusqu’en 1975, le jour où le Suriname redevient pays libre.
1901 Création des lignes maritimes. 1903 Environs 82 plantations. 1905 Construction du chemin de fer Parmaribo- Republiek. 1917 Création ALCOA : Aluminium Company of America.
Aujourd’hui, il est assez remarquable de noter qu’au cours de quatre siècles d’occupation occidentale, le territoire s’est énormément transformé. Malgré l’abondance de végétation présente (94,6 % du territoire du Suriname reste aujourd’hui encore vert et le reste représente un éparpillement de bâtis dispersé13), ces changements se ressentent notamment au sein du peuple, au sein des activités, des modes de vie et de la ville « urbaine » de Paramaribo, celle qui a su marquer l’histoire du pays. Actuellement, capitale du Suriname, la ville a trouvé ses origines au XVIIe siècle et s’est continuellement développée grâce aux exploitations agricoles pour se transformer en une ville soigneusement inventée par des influences européennes. Au XVIIe, le Suriname sera marqué par un enchaînement conquêtes territoriales, chassant les peuples originaires de cette terre en les conduisant à regagner les jungles profondes, seuls endroits où ces amérindiens se sentent en sécurité.
1912 Atterrissage du premier avion à Paramaribo. 1926 Premier réseau électrique. 1933 Premier réseau d’eau potable. 1945 Création du centre culturel à Paramaribo. 1975 L’indépendance du Suriname. 1980 Coup d’Etat par un groupe militaire. 1982 Les meurtres de Décembre. Repérage des dates clefs parmis celles présentées dans l’oeuvre VAN DEN KLOOSER Olga, BAKKER Michel, Architectuur en bouwcultuur in Suriname, Stichting LM Publishers, November 2009 392 p.
1988 Anthony Nesty. 1997 Création de Gebouwd Erfgoed : patrimoine construit.
Ces prises de pouvoir, n’ont jamais été accueillies chaleureusement par cette population originaire du pays, mais se sont au cours du temps améliorées grâce aux échanges de marchandises. Rapidement les occidentaux ont été étonnés par les potentiels agricoles que cette terre tropicale possédait et ont mis en place des plantations pour l’exploitation de produits exotiques ; bananes, canne à sucre, riz, indigo, etc. Par cette même découverte, l’esclavage s’est créé. Histoire douloureuse, mais réalité néanmoins, l’esclavage a quasiment parcouru toute l’histoire de l’existence du Suriname.
13 D’après les dernières statistiques du rainforest.mongabay : http:// rainforests.mongabay.com/ deforestation/2000/Suriname. htm
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Au même temps, cette réalité en crée une autre. Le Suriname, n’aurait pas existé sans ces découvertes. Le peuple surinamien, l’architecture surinamienne, n’existeraient guère sans cette étape historique. Au XVIIIe siècle, ce territoire disputé, n’est pas épargné par les nouvelles populations rapportées de l’Afrique. Marrons, ou, autrement dit, les esclaves qui ont pris la fuite, montrent une colère incessante contre les colons et gouverneurs occidentaux. Souvent suivie par des énormes incendies de plantations pour venger leurs libertés, le Suriname et ses nombreux éléments construits ont été dévastés et réduits en cendres à plusieurs reprises. Parmi ceux-là, quelques importants édifices coloniaux et quelques maisons de maître ont été détruits. Au XIXe, partout dans le monde, la question de l’esclavage fait polémique et les droits de l’homme sont remis au centre du débat. De nombreux traités ont été mis en place, afin de respecter dans une certaine limite la liberté de l’homme. Des traités entre populations ont aussi été mis en place, afin d’éviter les nombreuses guerres qui se reproduisent pour récupérer le pouvoir du territoire. L’esclavage africain, devient moins important et les esclaves noirs sont maintenant devenus des « travailleurs libres ». Cela, ne signifiait pas que leur liberté a été remise en cause, mais montrait à quel point les conditions de travail n’avaient pas évolué14. Le territoire surinamien, se transforme continuellement, faisant de Paramaribo, une véritable ville d’entrée et de sortie de marchandises. Une ville d’affaires où il faisait bon vivre et où la majorité des populations y venaient quotidiennement se balader. Pour développer le reste du territoire, des tentatives ont été menées en créant un réseau de districts pour subdiviser le territoire global et pour mettre en relation les différents développements agricoles et minéraux. Avec l’abolition de l’esclavage, l’exploitation agricole s’est au fil des années diminué. Les esclaves ou travailleurs libres d’origine africaine n’y travaillaient presque plus et la demande de main d’œuvre a été très importante.
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À tel point, que des travailleurs asiatiques ont été réquisitionnés pour non seulement prendre le relais des Africains, mais aussi pour développer les nouveaux districts qui viennent d’être structurés. Cette nouvelle vague de population asiatique (Chinois, Indonésiens, Indiens) va marquer l’histoire du Suriname, car elle contribue aujourd’hui énormément à l’identité locale, tant ethnique qu’architecturale. Le métissage social et architectural est le fruit de cette étape historique majeure. Au cours du dernier siècle, le Suriname voit lentement arriver des nouvelles infrastructures. Des évolutions urbaines, sociales mais aussi politiques. Indépendant en 1975, il continue encore jusqu’aujourd’hui à marquer l’histoire du pays. Sa récente existence, en tant que pays véritablement indépendant, questionne l’identité nationale du peuple. Idenité(s), au pluriel, comme nous pouvons le constater partout ailleurs. Chaque territoire ayant eu un passé colonial, questionne son patrimoine, ce qui lui est essentiel et ce qui lui est propre, ce qui lui appartient. Aujourd’hui, le Suriname n’a pas clairement identifié ses identités et tente de la reconquérir ou de la trouver par des projets politico-socio-urbains.
14 Dans l’article de, SENS Angelie, La révolution batave et l’esclavage. Les (im) possibilités de l’abolition de la traite des noirs et de l’esclavage (1780-1814), on peut notamment lire les différentes postures occidentales par rapport à l’esclavage de cette époque. Le regard envers l’esclavage par les Néerlandais a été condamné et considéré comme déshumanisant. Aujourd’hui, on note notamment aussi une persistance des éléments culturels liés à l’esclavage comme zwarte piet aux Pays-Bas ; personnage imaginé par Jan Schenkman en 1845, un noir déguisé étant le serviteur de SaintNicolas. Ces dernières années, la polémique concernant zwarte piet revient à chaque fois les fêtes populaires se rapprochent ; les personnes contestent cette persistance raciste. De l’autre côté, il y a aussi la célébration de l’abolition de l’esclavage au Suriname et dans les grandes villes hollandaises comme Amsterdam, Den Haag ou Rotterdam. Nommée ketikoti, qui signifie littéralement la chaine brisée.
FRISE CHRONOLOGIQUE
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1.3. La frise chronologique résumant l’évolution du centre historique de Paramaribo. D’après l’œuvre d’Olga van der Klooster et Michel Bakker, intitulée « Architectuur en bouwcultuur in Suriname »15, nous avons pu retracer les événements historiques par rapport aux différentes époques. La frise permet de rendre compte de manière succincte, de la chronologie sociale, politique et architecturale. Elle transmet en une première partie, les différentes époques significatives. Ensuite, elle reflète aussi une image globale de cette époque précise à un certain moment, sous forme d’une photographie. Finalement, elle transmet aussi d’autres informations physiques de l’architecture. Le travail de la frise, permet de mettre en ordre certains éléments géographiques, historiques et politico-sociaux, afin de retracer un schéma chronologique de l’évolution de l’architecture surinamienne. Une architecture, devenue patrimoine mondial et aujourd’hui protégée. Ce tracé historique permet alors, de mieux situer les édifices afin de comprendre comment ce patrimoine architectural est né.
15 VAN DEN KLOOSER Olga, BAKKER Michel, Architectuur en bouwcultuur in Suriname, Stichting LM Publishers, November 2009 392 p. 16 La base des archives des monuments historiques: http://www.surinameheritage-guide.com Archives des monuments historiques d’outre mer des Pays-Bas:http://uba.uva.nl/ diensten/overige/dpc
Pour une meilleure compréhension de cette architecture singulière, que l’on essayera aussi de développer plus tard dans le chapitre 2, nous allons tout d’abord schématiser une image globale de ce patrimoine architectural du centre historique de Paramaribo. Essentiellement, grâce à l’œuvre d’Olga van der Klooster et Michel Bakker, ainsi que la base des archives des monuments historiques du Suriname16, nous avons pu récolter des informations. Ces informations tant photographiques que textuelles, très abondantes, nous ont permis d’établir quatre éléments qui composent le terme « patrimoine » du centre historique de Paramaribo. En effet, si le terme patrimoine peut signifier plusieurs choses (physiques ou morales), nous avons décidé de le réduire à toute œuvre construite, physiquement, au centre de notre sujet, c’està-dire le contexte du centre historique de Paramaribo. Nous avons alors conclu, que ce patrimoine se compose des maisons coloniales, des monuments historiques, des paysages et finalement des infrastructures.
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2. Les éléments constituant le patrimoine architectural de Paramaribo. Le patrimoine architectural comme nous l’avons évoqué dans la partie précédente n’a pas de valeur juste, si cela n’est pas apprécié ou reconnu par les citoyens. Ces « éléments du passé », d’après Renes17, peuvent se constituer en « des aspects matériels et immatériels. Cela peut évoquer des bâtiments, des paysages, des sculptures, mais aussi des anecdotes, des chansons, des histoires ». Dans la documentation : Draft of management plan, Paramaribo world heritage site 2011-2015, page 11, l’auteur résume en quelques mots ce que nous aimerons mettre en avant.
Nous partons sur ce classement, car cette appréciation a été mesurée par le SGES (Stichting gebouwd erfgoed Suriname): une structure de conservation du patrimoine.
« En général, le terme de patrimoine se concentre sur des éléments physiques et non-physiques du passé, qui sont bien conservés, car ils ont des valeurs significatives. Mais ces élémentslà ne peuvent être considérés comme tels, s’ils ne signifient rien pour les citoyens. Une certaine appréciation doit précéder cette conservation ». Le patrimoine en question présente une valeur exceptionnelle, que l’on démontrera dans le chapitre 2, grâce à des enquêtes et des statiques nationales. Ce patrimoine fort apprécié par les citoyens du centre historique de Paramaribo : environs 76 % de la population détenant une parcelle dans le centre historique avec un édifice historique, qui a été interrogée, a répondu positivement18, doit continuer à vivre pour les générations suivantes. C’est essentiel, qu’il soit un élément nourrissant pour chacune de nos identités différentes. De ce fait, nous allons considérer que le patrimoine dont nous allons traiter et développer l’essentiel, n’est pas juste un patrimoine imaginaire, mais qu’il existe déjà dans la mentalité de plusieurs générations et qui nécessite d’être reconnu. Pour ne pas partir dans le terme du patrimoine moral et non-physique, nous avons décidé de ne nous concentrer que sur l’aspect physique et le représenter par une sorte de classement. Il consiste en tout ce qui a été construit par les mains des citoyens d’antan.
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17 Van Beemster tot Borobudur, Geografische kanttekeningen bij de Werelderfgoedlijst, Agora, Erfgoed en Planning,’20, #2, p. 8-12. 18 D’après une étude menée par Maartje Rijkers. RIJKERS Maartje, Cultureel erfgoed in Paramaribo, 2006, page 6.
2.1.
Les édifices coloniaux.
Les maisons coloniales, représentent une grande partie du patrimoine architectural du centre historique de Paramaribo. Reconnues pour leur construction en bois et dans la majorité des cas et repeintes en blanc, elles ont vu le jour au début du XVIIe siècle grâce à l’arrivée de la population occidentale. Ces maisons imaginées par des Occidentaux, ont notamment été adaptées et transformées lors de leurs constructions par des constructeurs créoles19 (une population métissée, d’origine africaine). Dans le dossier de consultation du patrimoine mondial et du plan d’aménagement à la page 26, les informations suivantes montrent une image plus détaillée de ces maisons si particulières.
19 CONSULTATION DRAFT, Paramaribo world heritage site management plan 2011-2015 : providing an instrument for the conservation and enhancement of the outstanding universal values of Paramaribo, mai 2011 - 87 p - Page 19. Les constructeurs créoles sont issus de l’esclavage (des personnes d’origines africaines, métissés). Fig. 22 Maisons coloniales à Kerkplein, dans le centre historique, © Tino Sawiranoe, 2014.
« Traditionnellement, des bâtiments en bois de 1 ou 2 étages ont été construits, sur un soussol de briques, en général avec une galerie en bois à l’avant et l’arrière, peint en blanc, avec des fenêtres vertes, et un sous-sol rouge. Une autre caractéristique, souvent citée, se réfère à la coutume particulière de placer les pignons vers les rues. Cette image de Paramaribo a essentiellement resté inchangée. Malheureusement, une grande quantité de bâtiments en bois a été détruite, principalement par le feu, mais aussi par la négligence. » Ces maisons coloniales sont actuellement classées monuments historiques, ce qui signifie que ce sont des édifices qui existent depuis au moins 40 ans et qui continuent à caractériser le centre historique de Paramaribo. Aujourd’hui, elles ne respectent plus leur fonction d’origine de « maison » et ont été transformées en lieux de travail ou de commerce. Cette transformation constitue une des premières problématiques du mémoire. Dans un horizon étendu, ces architectures, devenues des «objets isolés», marquent le paysage vert et ensoleillé. Des objets blancs, dotés de chapeaux rouges, viennent rythmer les rues et composent la ville, fig 23.
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Fig. 23 Photo aÊrienne, Vue du centre historique et le front de mer - Waterkant, Š Dulamari, 2004.
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2.2.
Les paysages urbains. « La ville elle-même est sur une centaine de pas de la barrière de la forteresse, mais n’est pas close par un mur. Ses larges rues, principalement non pavées, avec du sable de coquille sont même avec la plus lourde pluie, en quelques heures sèches ; la plupart d’entre elles sont ornées d’orangers sur les deux côtés. Dans les rues secondaires de la rivière et d’autres qui leur sont liées, les maisons sont proches les unes des autres et sont rarement isolées par leurs jardins. À l’exception de quelques maisons en brique, toutes sont faites de bois. En réalité, il n’y a ni sentiers, ni jardins publics, bien que la belle largeur et les demeures cachées parmi les plantes les plus attrayantes et les brises tropicales, offrent des perspectives les plus étonnantes ».
Les maisons coloniales s’inscrivent dans des paysages urbains typiquement coloniaux qui sont composés des rues parallèles bordées d’un système de drainage ouvert et des arbres majestueux : des palmiers, des amandiers et des orangers. Aujourd’hui, ce paysage urbain est en voie de disparition. Malgré les tracés des rues qui n’ont pas changé depuis au moins 300 ans, les éléments importants constituant une image globale du patrimoine architectural se voient de plus en plus se détruire, notamment les arbres. Les auteurs du DCPMPA20, citent ce qui suit : « Bien que le tracé des rues de la ville intérieure soit resté inchangé durant les 300 dernières années, le paysage urbain a définitivement changé. À l’origine, toutes les rues étaient bordées d’arbres et étaient couvertes de coquilles, avec un drainage au moyen de caniveaux à ciel ouvert et des canaux. Cette vue sur la rue est restée plus ou moins inchangée jusqu’à ce que le deuxième quart du XXe siècle, lorsque les drains ont été progressivement fermés et les rues pavées d’asphalte. Dans le dernier quart du XXe siècle, à la suite de la circulation automobile accrue, la plupart des arbres ont été coupés pour le stationnement qui a transformé le paysage de la rue dans une large mesure ».
20 Abréviation DCPMPA : Dossier de consultation du patrimoine mondial et du plan d’aménagement.
Cette valeur ajoutée à une ville déjà atypique, doit être rétablie, ce qui n’est malheureusement pas encore le cas aujourd’hui, ceci malgré les différentes mobilisations et la volonté de certains citoyens, une grande conscience n’est pas établie parmi la population. Comme cité dans le DCPMPA : « La pression constante de la modernisation de la ville, ainsi que les conséquences d’un flux d’automobiles oppressantes, vont à l’encontre des mobilisations conservatoires ».
Aujourd’hui, la disparition constante des arbres dans le centre historique de Paramaribo, a alerté de nombreux citoyens, conduisant à des structures qui se mobilisent pour la conservation de ces arbres. Ils méritent non seulement d’être sauvegardés, mais doivent constituer une valeur importante à la population. Une valeur que de nombreuses personnes racontent dans des écrits, dans des peintures, des films, des photographies voire des chansons ou des poèmes. Cette valeur est notamment bien mise en avant par l’écrivain Pierre Benoit, qui qualifiait Paramaribo comme « élégant et riche » et le peintre allemand Kappler en ses mots propres :
Les arbres cèdent alors leurs places pour des places de parking, de stationnement ou simplement des arrêts de bus. « Une vingtaine de tamariniers qui avaient à peu près 200 ans ont été coupés pour faire place à un terminal de bus ». Il est évident de noter que les paysages urbains d’origine doivent être mieux conservés pour essayer de rétablir une image globale de ce qu’a été le patrimoine architectural du centre historique de Paramaribo.
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Sachant que l’évolution est toujours liée aux changements et que ces derniers ne peuvent pas être contrôlés quand il s’agit du cycle naturel, il est néanmoins possible d’en garder certains de ces éléments fondateurs qui composent l’image globale. Nous avons pris connaissance de l’importance de cette problématique et nous savons qu’il est très difficile à gérer. Mais rendre des citoyens conscients de ces points-là, semble déjà être un pas vers l’avant. Les paysages urbains naturels, ne sont pas qu’une volonté d’un mouvement écologiste, mais ont démontré être de bons éléments de la vie quotidienne. Aussi, a été démontré par l’enquête menée par Bert Claes en Wim Debaene21, que les citoyens du centre historique de Paramaribo, adhèrent plus à un centre-ville qui reste proche de la nature et des éléments ne pouvant pas remplacer les sensations de bien-être. « Centre-ville planté des arbres, créant des ombres pour s’asseoir durant les heures chaudes de la journée » « centre-ville plein d’arbres au lieu de places vides » « nous préférons les arbres qu’aux monuments historiques et les statues »22
21 Deux étudiants d’Anvers, qui ont travaillé sur la thèse suivante: Master en urbanisme et aménagement territoire de Paramaribo, Stadsprojection ParamariboAntwerpen, Antwerpen, 2008. 22 Réponses données par les citoyens suite au questionnaire réalisé vis-à-vis du centre-ville.
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Fig. 24 Photographie d’une scène journalière dans la Domineestraat, © Stichting Surinaams Museum, 1960. Fig. 25 Photographie de la même scène aujourd’hui dans la Domineestraat, © Jovrede Youtube, 2004.
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Fig. 26 Photographie d’une scène journalière dans la Maagdenstraat, © Stichting Surinaams Museum, 1950. Fig. 27 Photographie de la même scène aujourd’hui dans la Maagdenstraat, © Jovrede Youtube, 2004.
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2.3. Les infrastructures : quais, canaux. Ces éléments historiques structurent le centre de Paramaribo, comme on peut le voir sur la photographie aérienne ci-contre. Durant l’ère coloniale, ces cours d’eau ont été pratiqués par les habitants. Dans les pirogues, ils naviguèrent à travers la ville de Paramaribo, afin d’arriver à la rivière Suriname pour gagner le front de mer, où des spectacles de bateaux et d’autres activités nautiques s’y déroulaient.
Un autre élément qui structure le centre historique de Paramaribo, est le drainage ouvert. Jusqu’aujourd’hui, on peut noter sa présence, élargi, fermé, aménagé, qui ont fortement participé à l’assèchement des marais et qui a contribué au fondement de la ville au XVIIIe siècle. En plus du drainage ouvert, des canaux et des écluses ont été construits pour contrôler les marées. Nous devons ces éléments historiques aux Néerlandais, qui ont transformé le centre historique depuis leur arrivée au XVIIe siècle. Aujourd’hui, ces éléments qui dessinent le territoire, demandent un investissement plus étudié et plus précis. De nombreux canaux et drainages ont été bouchés laissant le système global en cas d’évacuation des eaux dans un état critique. D’après le DCPMPA, il faut prendre en compte cet élément historique et veiller de près à son évolution dans les années à venir. « La structure de ces cours d’eau est toujours visible dans le centre historique de Paramaribo, ainsi que tous les autres canaux de l’Ouest à l’Est, qui débauchent directement dans la rivière Suriname. Pourtant, cette configuration a changé durant les 60 dernières années. Presque plus de la moitié de ces canaux ont été semi- voire fermés entièrement, comme la Viottekreek, le Steenbakkersgracht, le Knuffelsgracht, le Drambrandersgracht et la Picornikreek. Non seulement pour des raisons pratiques, mais aussi pour des raisons esthétiques. Ces dernières entrainent des conséquences très négatives pour la capacité de drainer la ville. Les nombreuses inondations durant les saisons de pluie au sein du centre-ville, sont les plus dévastatrices pour le patrimoine architectural. Le seul canal très visible et qui continue à fonctionner comme il y a 300 ans, est le Sommeldijksekreek. Il est alors évident, que celui-ci doit figurer comme patrimoine historique ».
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Fig. 28 Photographie du canal rambrandersgracht à marrée basse, © Stichting Surinaams Museum, 1940. Fig. 29 Vue aérienne du parcours des pirogues dans le cana Sommeldijkse Kreekl, longeant le c e n t r e historique. Photo aérienne retravaillée, © Google Earth, 2016.
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2.4.
Les monuments historiques. Un rattachement sentimental et moral, pour commémorer des événements historiques qui auront marqué leurs vies et qui témoigneront dans l’avenir sous une autre forme aux générations suivantes. À travers ces monuments, les populations locales trouvent une manière de transmettre des choses. De l’histoire certes, mais aussi des philosophies.
D’autres
éléments physiques que nous évoquerons juste dans cette partie, mais qui ne feront pas l’objet d’une étude plus approfondie sont les monuments historiques. Un terme qui signifie, un ouvrage d’architecture, de sculpture, ou inscription destiné à perpétuer la mémoire d’un homme ou d’un événement remarquable d’après le dictionnaire de Larousse. On dit monument historique aussi, car d’après Aloïs Riegl23, c’est avant tout : « Au sens ancien du terme, une œuvre créée de la main de l’homme et édifiée dans le but précis de conserver toujours présent et vivant dans la conscience des générations futures le souvenir de telle action ou de telle destinée ».
23 RIEGLE Aloïs, Le Culte moderne des monuments, Le Seuil, Paris, 1984
Comme certains arbres, très significatifs dans l’histoire de Paramaribo, pour commémorer certains événements historiques, des monuments et des statues ont été placés sur des endroits soigneusement choisis. Majoritairement, ces monuments historiques sont placés sur la place de l’indépendance, dans une certaine direction ou dans une certaine position. Actuellement, nombreux de ces monuments attirent des touristes et constituent même des objets autour desquels les enfants jouent24. Ils font partie de l’espace public et peuvent être rapprochés, ce qui est le cas contraire sur d’autres monuments. Dans le DCPMPA, de nombreux monuments historiques sont décrits et présentés, comme celui qui représente l’arrivée au pouvoir de la Reine Wilhelmina en 1898 jusqu’au plus récent de Johanna Schouten-Elsenhout en 2011. D’autres comme celui de l’abolition de l’esclave, celui de la Révolution ou encore celui qui représente l’arrivée des immigrés différents, sont quelques-uns des centaines de monuments historiques du centre de Paramaribo. Cela montre quelque part, le rattachement à ces objets physiques, des citoyens.
24 Observations personnelles in situ, été 2014.
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Fig. 30 M o n u m e n t commémorant le centenaire du parlement colonial, Vaillantsplein, Parmaribo, © Romelang - Panoramio, 2014. Fig. 31 M o n u m e n t commémoratif de la révolution (Guerre de Vietnam), © Rolfes - Mediakit, 2006.
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3.
Les spécificités du patrimoine architectural de Paramaribo.
3.1. L’inscription du centre historique de Paramaribo à l’UNESCO. Le centre historique de Paramaribo, représente en grande partie un métissage ethnique et architectural, que l’on retrouve souvent dans d’autres villes coloniales25, mais se distingue de celles-ci grâce aux différents facteurs qu’on développera plus loin dans ce chapitre. L’unicité de Paramaribo est d’une part, mise en avant par une population métissée, que l’on retrouve rarement ailleurs dans le monde sous cette forme de mutualité et de respect. Une forme d’harmonie naturelle. Depuis sa découverte, des Européens, Africains, Asiatiques, Amérindiens et dernièrement Latinos, vivent ensemble et considèrent qu’être Surinamien est d’abord, appartenir à une image globale, une identité nationale, très fortement représentée par un mode de vie, par une ville, par une architecture. Cette architecture se réfère à l’ère coloniale, imaginée par des Occidentaux et conçue par les mains des populations locales jusqu’aux architectures nouvelles récentes.
25 Après comparaison d’une lecture de, Architecture coloniale et patrimoine, L’expérience française, Paris Institut national du patrimoine Septembre 2003. 26 Référence, Page 7 du DCPMPA. 27 UNESCO propose une convention à Paramaribo, Référence http://whc.unesco. org/fr/list/940
Critère (ii) : Paramaribo est un exemple exceptionnel de la fusion progressive de l’architecture et des techniques de construction européenne avec les matériaux et les artisanats indigènes sud-américains, qui a fini par donner naissance à un nouveau langage architectural. Critère (iv) : Paramaribo est un exemple unique de contact entre la culture européenne des Pays-Bas et les cultures et l’environnement indigènes d’Amérique du Sud à l’époque de la colonisation intensive de la région, aux XVIes et XVIIes siècles. Sur le site Internet d’UNESCO, nous pouvons lire le suivant concernant l’authenticité et l’intégrité du patrimoine mondial, que représente le centre historique de Paramaribo : « À l’époque de l’inscription, on a enregistré que la plupart du tissu urbain de Paramaribo datant de 1680-1800 était resté pratiquement intact, principalement en raison de la faible croissance économique des trois dernières décennies. Le plan urbain d’origine est resté authentique en ce qui concerne l’environnement bâti historique, car aucun changement majeur d’infrastructure n’a eu lieu, aucun alignement des bâtiments n’a été modifié et aucun édifice en hauteur n’a été construit dans le centre-ville. Les bâtiments en bois sont vulnérables au feu, et le centre-ville pâtit de l’absence d’application des contrôles de protection et de la négligence due à la situation socioéconomique. Depuis lors, l’intégrité du bien a été compromise par la création d’une nouvelle place d’armes, la modification du schéma urbain autour de la place de l’Indépendance et le remplacement d’espaces verts par des surfaces pavées. L’intégrité du bien est vulnérable au développement du front de mer, qui, tout en ayant le potentiel de contribuer de façon positive à l’économie de la ville, a aussi le potentiel d’avoir un impact sérieux sur la valeur universelle exceptionnelle du bien s’il n’est pas bien conçu et localisé. »
À la fin du XXe siècle26, l’État devient conscient et voit l’importance de ce patrimoine architectural. Cette conscience, certainement déclenchée par une modernisation de la ville qui ne cesse d’exercer une pression sur ces édifices coloniaux, est d’autant plus stimulée par la volonté de faire de Paramaribo ou du Suriname, un pays attractif dans la région. En 199727, une première étape a été franchie. En acceptant la convention d’UNESCO, Paramaribo doit assurer une protection de son héritage culturel et naturel. Ceci s’accompagne par des actions mises en place pour produire de l’aide technique et professionnelle. Ces actions doivent être surveillées et rapportées pour éventuellement accéder à un classement de patrimoine mondial. Paramaribo, n’obtient ce classement qu’en 2002, après avoir été refusée celui-ci en 1997 pour un manque d’investissement et d’importance donnés par l’État. Il existe plusieurs critères pour être inclus sur la liste du patrimoine mondial et d’après le site internet d’UNESCO, Paramaribo a bénéficié des deux critères suivants :
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« Il y a 291 monuments répertoriés à Paramaribo et, au cours des trois dernières décennies, seuls quelques-uns ont disparu au profit de nouvelles constructions. Beaucoup de monuments présentent un degré d’authenticité élevé du fait de l’usage des techniques et des matériaux traditionnels pour la restauration et la réhabilitation, bien que certains bâtiments en bois aient été remplacés par du béton. »
1. Le schéma et le modèle du plan des rues, qui sont restés inchangés depuis les 300 dernières années ;
En effet, le patrimoine architectural du centre historique de Paramaribo majoritairement construit en bois, représente environs 90 % du patrimoine global classé. Néanmoins, de nombreux édifices construits en brique et en béton, aujourd’hui très iconiques font aussi partie de ce patrimoine architectural. Ce patrimoine mondial est donc un regroupement d’architectures différentes et successives. On démontrera plus tard que ces architectures successives peuvent être regroupées selon une époque précise et qu’elles représentent une image forte et identitaire pour leur époque respective. Nous avons pu noter cela, par une première image succincte grâce à la frise chronologique (pages 19, 20).
3. Son architecture en bois. Parmi les 244 monuments officiellement protégés de Paramaribo, environ 50 % (y compris les plus importants) est situé à l’intérieur de la zone de conservation désignée et environ 15% dans les deux zones tampons désignées. En dehors des zones de conservation et les zones tampon et désignées il y a encore, relativement un grand nombre de bâtiments historiques, certains d’entre eux formellement protégés (environ 35 %), d’autres pas. Ces bâtiments garantissent la continuité d’une ville en bois en dehors de la zone proposée pour inscription ;
Autre matériau omniprésent que le bois, la brique a été employée dès le XVIIe, grâce aux Néerlandais et leur savoir-faire. Le béton, au contraire, n’a été employé qu’à partir de la deuxième moitié du XXe siècle notamment avec les œuvres de Ir. P.J. Nagel. Architecte et ingénieur néerlandais qui a construit de nombreux édifices tels que l’Assemblée nationale, la Surinaamsche banque, le marché couvert parmi d’autres. De 1951 jusqu’à 1969, ces édifices viennent compléter l’architecture patrimoniale du centre historique de Paramaribo. Nous retenons donc cette date du 29 juin 2002, durant la 26e session du comité du patrimoine mondial, lorsque le centre historique de Paramaribo est inscrit sur la liste du patrimoine mondial à l’UNESCO. Les points suivants ont été évalués et ont conduit à cette inscription28 :
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2. Son ensemble (les bâtiments monumentaux connectés). La démarcation de la partie du centre-ville pour la nomination, aujourd’hui, a été justifié par l’apparition d’ensembles ; il y a peu ou pas d’ensemble en dehors de la zone sélectionnée et il n’y a donc aucune raison de craindre une violation ;
4. Enfin, les fonctions de Paramaribo : le commerce, le port, la zone résidentielle et le siège du gouvernement. Depuis que le gouvernement de la République du Suriname a pris des mesures importantes en ce qui concerne la protection et la gestion du centre-ville historique, des changements radicaux ne sont pas attendus dans les valeurs historiques culturelles pour lesquelles Paramaribo a été nominé. Finalement, afin de préserver ce patrimoine architectural et cette nomination sur la liste du patrimoine mondial à l’UNESCO, de nombreuses règles sont à respecter par l’État et les structures de conservation du patrimoine. Si elles ne sont pas respectées, la nomination peut être retirée. D’âpres la dernière décision prise par le comité du patrimoine mondial29 les points suivants sont mis en avant :
28 D’après les informations du site internet d’UNESCO et du DCPMPA. 29 Document consulté sur http://whc.unesco.org/fr/ decisions/6034 et retranscrit.
La carte ci-contre30 (fig. 32), montre la partie du centre historique de Paramaribo, qui a été classé patrimoine mondial à l’UNESCO avec ses deux zones tampon. Divisées en trois parties, la superficie totale représente environ 90ha. La zone I, correspond au site classé patrimoine et les zones II et III, représentent les zones tampon en cours d’intégration au reconstitution du centre historique.
1 Ayant examiné, le document WHC-14/38. COM/7B, 2 Rappelant, la décision 26 COM 23.20, adoptée à sa 26e session (Budapest, 2002), 3 Accueille favorablement l’élaboration et l’approbation du plan d’action d’urgence pour le bien et les efforts déployés par l’État partie pour répondre aux préoccupations en matière de conservation et de gestion ; 4 établir le comité de travaux publics et constructions afin d’évaluer les conceptions de nouveaux projets, 5 finaliser le processus officiel de création de zones tampons et leurs mesures réglementaires et soumettre une proposition de modification mineure des limites, conformément à la procédure établie dans les Orientations, pour examen par le Comité du patrimoine mondial ; 5. Reconnaît l’engagement de l’État parti à s’assurer que toutes les demandes de démolition de bâtiments historiques soient rejetées ; 6. Demande à l’État partie de soumettre, conformément au paragraphe 172 des Orientations, des propositions projets pour le réaménagement de la zone située en bordure de l’eau, ainsi que des spécifications et détails techniques sur les interventions de conservation et de réhabilitation prévues l’intérieur du bien ou dans sa zone tampon, pour examen avant de prendre des engagements quant à leur mise en œuvre.
30 Voir http://whc.unesco. org/fr/list/940/, carte retravaillée après consultation du document original.
7. Demande également à l’État parti de soumettre au Centre du patrimoine mondial, d’ici le 1er décembre 2015, un rapport actualisé, incluant un résumé exécutif d’une page, sur l’état de conservation du bien et sur la mise en œuvre des points ci-dessus mentionnés, pour examen par le Comité du patrimoine mondial à sa 40e session en 2016.
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Fig. 32 Carte avec la désignation de la zone de conservation d’après UNESCO, © Stanney Kasmo, 2016. En rouge, le centre historique. En violet, les zones tampon.
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La zone I (fig. 33, ci-dessous) est un ensemble de tissu urbain historique qui date depuis le XVIIe siècle. Elle regroupe des édifices les plus emblématiques du centre historique de Paramaribo tels que le palais présidentiel, la bourse, le fort Zeelandia et le Waaggebouw parmi d’autres.
Fig. 33 Photo aérienne retravaillée après consultation du document ci-dessus (fig.32), délimitant la zone I. Fig. 34 Photographie de la place de l’indépendance avec de gauche à droite, ancien palais et nouveau palais de congrès, la bourse et le palais présidentiel, © Karel Donk, 2014.
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La carte ci-dessous (fig. 35), montre la zone qui fait partie du centre historique classé patrimoine à l’UNESCO. Nominé comme zone tampon II, elle regroupe des édifices coloniaux qui ont fait partie de la première grande extension urbaine (aux alentours de 1700). Aujourd’hui, la majorité de ces édifices est resté inchangé et fonctionne de jour : écoles, lycées, bureaux, banques et services. L’aspect urbain de ce morceau urbain, renvoie à l’image des villes occidentales, avec des tracés de voiries perpendiculaires et des bâtiments de hauteur homogène et des alignements de façades respectés.
Fig. 35 Photo aérienne retravaillée après consultation du document fig.32 Fig. 36 Photographie de Henck Arronstraat, avec les édifices allignés sur la rue, © Lennart Schoorts, 2015.
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La carte ci-dessous (fig. 37), représente la zone III du contexte classé. Elle regroupe un ensemble d’édifices coloniaux différents. Il est sans doute, le contexte urbain le plus hétérogène et diversifié, que ce soit d’un point de vue architectural (époques, styles) ou d’un point de vue programmatique et fonctionnel (hôtels, restaurants, services, ministères). Du côté de la rivière, de nombreux hôtels s’y sont installés depuis les années 20 et ont fait de ces endroits, des lieux emblématiques d’un point de vue touristique.
Fig. 37 Photo aérienne retravaillée après consultation du document fig.32 Fig. 38 Photographie d’une cabane traditionnelle avec son ponton et sa passerlle partant d’un htôtel particulier, © Faun070, 2012. Son architecture renvoie à l’image de premières constructions de maisons réalisées au XVIIe.
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3.2. Les valeurs exceptionnelles du patrimoine architectural de Paramaribo. Cela implique que les dommages aux biens culturels ne sont pas souhaitables et que le public est tout à fait disposé à payer pour éviter des dommages aux artefacts. En outre, il est important de noter que dans certains cas, en particulier les utilisateurs de la propriété culturelle, souvent les citoyens les plus riches et les plus instruits, apprécient le patrimoine culturel de manière positive. Beaucoup de gens ne se soucient pas des activités culturelles ; la préservation du patrimoine culturel est faible sur la liste des priorités en termes de biens publics. L’étude de Ganzeboom (Ennen, 1999: 74)35 montre que les monuments sont généralement mieux évalués, que les bâtiments qui ne sont pas des monuments historiques. Peut-être que nos goûts ne sont pas si différents que ça.
S’inscrire sur la liste du patrimoine mondial, signifie que l’héritage en question présente des valeurs importantes pour les citoyens qui le partagent. En plus de ces deux critères selon lesquels le patrimoine a été jugé (référence paragraphe 3.1. page 27), d’autres critères ou d’autres valeurs sont néanmoins importants à souligner. Dans la thèse de Maartje Rijkers31, on parle de trois valeurs importantes : 1. Esthétique 2. Identitaire 3. D’usage 31 Thèse RIJKERS Maartje, Cultureel e r f g o e d in Paramaribo: goed voor iedereen?, Nijmegen, April 2006. 32 Voir YUE B, Searching for place identity in Singapore, Habitat International, volume 29, 2, pages 197-214, 2005. 33 Voir ENNEN, E 1999, Heritage in fragments: the meaning of past for city centre residents, Groningen, Page 72. 34 Pear D, professeur au Department of Economics in the University College London. Voir Review of existing studies, their policy use and future research needs, In: S Navrud, Valuing cultural heritage, applying environmental valuation techniquesto historic buildings, monuments and artefacts, Edward Elgar Publishing Ltd. Cheltenham. 35 Voir ENNEN, E 1999, Heritage in fragments: the meaning of past for city centre residents, Groningen, Page 74.
Elle développe chacune des parties en soulignant que le patrimoine « représente un moyen pour faire passer l’identité nationale. Non seulement l’identité d’une population, mais aussi l’identité urbaine, l’identité d’une ville. Le patrimoine peut contribuer à l’unicité d’une ville32». Le patrimoine architectural du centre historique de Paramaribo présente une valeur esthétique, d’après elle :
L’appréciation est largement un processus individuel. Un bâtiment, pour un seul individu peut avoir un sens, parce que le bâtiment en question a une valeur nostalgique pour cette personne. Qu’est-ce que quelqu’un trouve beau ou laid, est déterminé par des expériences personnelles et le contexte social. Souvent, il y a certaines modes ou des manies qui ont une influence majeure sur ce que les gens à l’époque ont trouvé «beau». Après un certain temps, il peut devenir ce « laid ». La valeur esthétique d’un objet est très difficile à déterminer, car il y a des influences diverses qui se produisent consciemment et inconsciemment, et qui l’influencent ou non l’appréciation et l’évolution de quelque chose. Pourtant, il semble que les monuments par de nombreuses personnes sont perçus comme «beaux». »
« Les goûts diffèrent, donc rien ne peut être objectivement nommé beau ou laid. Il n’y a pas de définition objective de la notion de « beau ». Le patrimoine ne peut donc pas être étiqueté comme objectivement beau. Il n’y a aucune preuve scientifique que le patrimoine est apprécié et contribue au bien-être des personnes. Plusieurs enquêtes, cependant, soulignent l’historicité qui est assez souvent évaluée positivement et qui contribue positivement au bien-être des personnes. Sort aussi de ces études, une démonstration que les citoyens et les gouvernements sont en faveur du patrimoine et la préservation des monuments (Ennen, 1999: 72)33. La conclusion de Pearce34 (2002) est que les gens donnent une valeur positive à la préservation ou la restauration d’artefacts culturels.
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D’après ce développement par Maartje Rijkers, nous allons considérer que le patrimoine architectural de Paramaribo présente une valeur esthétique en démontrant les éléments favorisant cette appréciation. Nous avons mis en avant deux principales caractéristiques ou des éléments permettant d’apprécier cette architecture patrimoniale du centre historique, qui sont la symétrie et la couleur. Dans d’autres domaines des arts, tels que la photographie, le dessin ou encore la peinture, certains éléments de composition sont principalement utilisés et constituent un ensemble de travaux qui a dépassé la notion de beauté à travers différents siècles, différentes époques et différentes civilisations. Ces éléments de composition restent néanmoins, des outils que l’on utilisera pour toujours, nous semble-t-il. Composer une image, à l’aide des géométries familières est en principe un travail identique ou semblable à celui de la conception d’une ville. Ces géométries viennent dessiner les espaces dans lesquels nous vivons et composent de manière générale, un entourage, un environnement dans lequel nous nous sentons bien pour vivre. « La beauté » de cette composition géométrique dans l’architecture du centre historique de Paramaribo, réside dans des inspirations faisant référence au classicisme. Faisant recours à la symétrie, certains de ces édifices renvoient très souvent aux pavillons et temples classiques.
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La symétrie
Référence
à une architecture classique, mais plus particulièrement inspirée de l’architecture française de Louis XIV, cette architecture : « Se caractérise par une étude rationnelle des proportions héritées de l’Antiquité et par la recherche de compositions symétriques. Les lignes nobles et simples sont recherchées, ainsi que l’équilibre et la sobriété du décor. Le but étant que les détails répondent à l’ensemble. Elle représente un idéal d’ordre et de raison.36»
Dans le cas des édifices du centre historique de Paramaribo, cette recherche de symétrie, s’est faite grâce aux emplacements des galeries, des colonnades et de fenêtres. Ces éléments viennent en premier lieu animer la façade qui donne sur la rue, mais permet techniquement aussi de s’abriter du soleil excessif, de ventiler la maison naturellement, ainsi de créer un premier seuil de l’entrée de la maison. Les maisons coloniales sont souvent dotées d’un escalier en briques ou en pierres, qui est aussi placé au centre de la façade. Au fil des années, cet élément majeur a progressivement disparu, pour laisser place à des passages piétons et d’autres espaces publics.
36 Voir article architecture classique site internet ; https://fr.wikipedia. org/wiki/Architecture_ classique Fig. 39 Façade retravaillée d’un bâtiment colonial du centre historique, d’après un relevé métrique de © KDV Architects, Waterkant, © Stanney Kasmo, 2016.
Cette symétrie très présente dans le centre historique de Paramaribo structure la ville depuis le XVIIe siècle, et même jusqu’à la fin du XXe siècle avec le mouvement moderne. Très remarqués dans ce mouvement architectural, les éléments décoratifs disparaissent, et l’architecture du béton s’impose face à ces maisons en bois. Contrastée matériellement, elle trouve néanmoins sa place parmi les maisons historiques, grâce à cette composition simplifiée et épurée. La symétrie perdure, et la continuité de la ville est assurée par cette nouvelle architecture de béton, néanmoins harmonieuse et respectueuse du tissu existant.
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Fig. 40 Façade retravaillée d’un bâtiment colonial à Waterkant, d’après un relevé de © KDV Architects, © Stanney Kasmo, 2016. Fig. 41 Façade retravaillée d’un bâtiment colonial à Waterkant, d’après un relevé de © KDV Architects, © Stanney Kasmo, 2016. Fig. 42 Façade retravaillée d’un bâtiment colonial à Gravenstraat, d’après un relevé de © KDV Architects, © Stanney Kasmo, 2016.
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La couleur
37 Mots propres l’écrivain BENOIT Pierre.
de
38 Expression utilisée pour désigner l’invariance morphologique d’un espace urbain. Extrait d’un étude de cas de Louisiane, « …dans le milieu de la Ville qui fait face à la place, se trouvent tous les besoins publiques... » : remarques sur la notion de centralité urbanistique en Louisiane coloniale et à New Orleans, Anglophonia (Université de Toulouse Le Mirail), LANGLOIS GillesAntoine, Des Villes pour la Louisiane française, Théories et pratiques de l’urbanistique coloniale au 18e siècle, 452 p., Paris : L’Harmattan, coll. « Villes et Entreprises », p. 389. Fig. 43 Les maisons coloniales autourdu fort Zeelandia, © Extrait du film de VAN DE VELDE Jean, Hoe duur was de suiker, 2013. Fig. 44 Les maisons coloniales sur le front de mer, Waterkant, © ForestjunkyWikipedia, 2008.
À l’origine, Paramaribo, comme l’ensemble du territoire surinamien, n’était qu’un vaste étendu de forêt. L’architecture coloniale héritée du XVIIe et du XVIIIe siècles, est un contraste fort avec cette verdure. Blanche et pure, cette architecture reflétait une sensation d’apaisement, de richesse et d’élégance37. Les toitures étaient rouge et vert et restaient proches des couleurs de la nature. Très inspirées de l’architecture hollandaise, les maisons coloniales sont aujourd’hui devenues l’emblème du centre historique de Paramaribo. On les reconnaît par leurs formes, mais surtout par leurs couleurs. Aujourd’hui, elles composent quasiment tout le centre historique. Côte à côte, par famille, par époques, ces maisons nous témoignent une histoire et nous font transgresser constamment dans un autre temps. La photo ci-contre (fig. 43), est un travail du photographe Verte Ruelle. Prise en 1930, il a retravaillé les couleurs des personnages, afin de les ajuster et les incorporer dans le temps actuel. A présent, les maisons, sont restées identiques, sans aucune modification importante. Dans l’alignée des maisons coloniales typiques, la ville s’est répandue de manière progressive avec des édifices respectant à peu près le même langage architectural. Sur le front de mer, Waterkant, voir photo ci-contre (fig. 44), nous pouvons observer cette juxtaposition de maisons coloniales. Toutes blanches, avec des galeries et des balcons donnant sur la rue et la rivière. Dans la ville plus moderne du XXe siècle, ces maisons sont de moins en moins dotées de galeries et de balcons. Actuellement, ces maisons ne sont plus habitées et hébergent des fonctions liées aux activités tertiaires, commerciales ou administratives. Les maisons n’ont plus les mêmes relations avec le contexte. L’espace public devant celles-ci, est de plus en plus approprié par des voitures, contrairement à l’époque où les familles ou les personnes du quartier s’y attardaient, afin de profiter et regarder au loin des bateaux qui passaient. L’ère de la modernisation de la ville a laissé la place à la conquête de l’automobile, transformant comme dans d’autres villes, le paysage urbain originel. Protégé par UNESCO et la pression qu’exerce la modernisation sur ces édifices coloniaux, comment peuvent-ils retrouver une dynamique nouvelle et essayer de sortir de la gélification patrimoniale38 ?
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4.
L’UNESCO ou le caractère figeant d’une protection de bonne volonté.
La mission générale d’UNESCO reste globalement, une mission de « sauvetage ». Une mise en protection d’un bien, qui a des valeurs spécifiques et utiles pour les générations actuelles et futures. Une protection d’un bien qui sert à apprendre, à éduquer, à ressentir, à émouvoir afin de faire de nous des hommes plus conscients. Une protection non seulement pour des valeurs locales, utiles aux citoyens du territoire concerné, mais aussi des valeurs universelles pouvant intéresser d’autres populations. D’après le site Internet d’UNESCO39, un pays peut prétendre à une nomination ou un classement d’un bien, seulement s’il est capable de respecter certains critères.
(v) être un exemple éminent d’établissement humain traditionnel, de l’utilisation traditionnelle du territoire ou de la mer, qui soit représentatif d’une culture (ou de cultures), ou de l’interaction humaine avec l’environnement, spécialement quand celui-ci est devenu vulnérable sous l’impact d’une mutation irréversible
« Pour figurer sur la Liste du patrimoine mondial, les sites doivent avoir une valeur universelle exceptionnelle et satisfaire à au moins un des dix critères de sélection. »
(vii) représenter des phénomènes naturels ou des aires d’une beauté naturelle et d’une importance esthétique exceptionnelles ;
(vi) être directement ou matériellement associé à des événements ou des traditions vivantes, des idées, des croyances ou des œuvres artistiques et littéraires ayant une signification universelle exceptionnelle (Le Comité considère que ce critère doit préférablement être utilisé en conjonction avec d’autres critères) ;
(viii) être des exemples éminemment représentatifs des grands stades de l’histoire de la terre, y compris le témoignage de la vie, de processus géologiques en cours dans le développement des formes terrestres ou d’éléments géomorphiques ou physiographiques ayant une grande signification ;
Ces critères sont les suivants : (i) représenter un chef-d’œuvre du génie créateur humain ;
(xi) être des exemples éminemment représentatifs de processus écologiques et biologiques en cours dans l’évolution et le développement des écosystèmes et communautés de plantes et d’animaux terrestres, aquatiques, côtiers et marins ;
(ii) témoigner d’un échange d’influences considérable pendant une période donnée ou dans une aire culturelledéterminée, sur le développement de l’architecture ou de la technologie, des arts monumentaux, de la planification des villes ou de la création de paysages ; (iii) apporter un témoignage unique ou du moins exceptionnel sur une tradition culturelle ou une civilisation vivante ou disparue ; 39 Voir la liste de critères établie par UNESCO, Critères récopiés, http://whc. unesco.org/fr/criteres/
(x) contenir les habitats naturels les plus représentatifs et les plus importants pour la conservation in situ de la diversité biologique, y compris ceux où survivent des espèces menacées ayant une valeur universelle exceptionnelle du point de vue de la science ou de la conservation
(iv) offrir un exemple éminent d’un type de construction ou d’ensemble architectural ou technologique ou de paysage illustrant une ou des périodes significative(s) de l’histoire humaine ;
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Grâce à ces critères et notamment grâce aux différents classements des biens, sur la liste du patrimoine mondial, nous avons une meilleure connaissance de notre monde, des civilisations antérieures, de l’histoire, d’une éducation, de la culture. Dans l’article40 de Saskia Cousin41, intitulé « l’UNESCO et la doctrine du tourisme culturel », nous pouvons notamment lire que l’UNESCO a des intentions très précises et qu’un classement d’un bien, relève d’une démarche purement politique et économique, souvent voulue par l’État lui-même. Cette démarche permet dans la plupart des cas à créer un flux de tourisme, voulu, pour contribuer au développement de l’économie locale. Ce flux touristique permet de créer un échange à double sens pour le pays concerné et les pays en relations avec celui-ci. Dans le même article, nous pouvons lire : « Michel Picard note que cette doctrine a pour finalité de démontrer que « le tourisme international se traduit en définitive par un double courant d’échanges, de valeurs économiques vers les pays récepteurs et de valeurs culturelles vers les pays émetteurs » (Picard 1992 : 111). Dans The Unesco Courrier de 1966, la politique d’encouragement du tourisme est justifiée par le fait que celui-ci s’inscrit parfaitement dans les buts primordiaux de l’UESCO : « UNESCO encourages the development of tourism because tourism contributes in innumerable ways to education, culture and international understanding » (1966 : 11). » Plus loin dans l’article, nous pouvons aussi lire les effets positifs qu’un classement à l’UNESCO peut signifier pour le pays le souhaitant. Notamment en termes de « biens culturels », qu’il faudrait mettre en avant. « The Unesco Courrier indique que « la préservation des sites permet le tourisme culturel » et que le tourisme culturel est « un trésor inexploité pour le développement économique ».
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Il faut donc « transformer les biens culturels en biens économiques » (1966 : 5 et 11). Le tourisme culturel est également présenté comme un moyen de désengorger les sites touristiques déjà trop fréquentés, en proposant une diversification de l’offre et une alternative au tourisme de masse. » Finalement, un autre point positif que nous pouvons retirer de cet article concernant le classement à l’UNESCO et la touristification de cette démarche et la relation que peuvent entretenir les pays différents en terme de valeur universelle et de valeur commune. « Le tourisme est alors considéré comme ayant une importance fondamentale (pour) les rapports entre nations et la connaissance mutuelle qu’en retirent les hommes (Monumentum 1970 : 3). Cette assertion s’inscrit directement dans les buts primordiaux de l’Unesco édicté en 1946 : contribuer au maintien de la paix et de la sécurité et aider l’humanité à atteindre graduellement une prospérité commune, et cela, par le moyen de l’éducation, la science et la culture ». Malgré ces points positifs et ces volontés considérablement humanistes, dans le cas de Paramaribo, nous nous retrouvons aujourd’hui encore dans un état difficile. Le patrimoine en question regroupe un morceau de ville qui représente 90ha à peu près. Au sein de ce patrimoine immense, de nombreux éléments contribuent à des effets sociaux non prévus, ou non maîtrisés. Pour mieux mener la question, nous nous concentrons que sur la zone I du patrimoine classé, qui correspond au centre historique lui-même. Contrairement à d’autres villes ou d’autres sites classés patrimoines mondiaux, qui peuvent montrer une certaine affluence touristique, Paramaribo ne présente aujourd’hui pas encore les outils nécessaires pour que le tourisme contribue de façon mesurable une significative part pour l’économie.
40 Voir l’article de COUSIN Saskia, L’UNESCO et la doctrine du tourisme culturel - Généalogie d’un « bon » tourisme, https://civilisations. revues.org/154, p. 41-56, 2008. 41 Saskia Cousin est docteure en anthropologie sociale, maîtresse de conférence en sociologie à l’Université François-Rabelais` (IUT de Tours).
Nous pouvons supposer que d’une part, la faible économie actuelle et la dynamique urbaine lente du pays, comme premier facteur de cette volonté positive de l’UNESCO.
Le caractère figeant du classement de l’UNESCO ; que veut cela dire en réalité ? D’après le cas de Paramaribo, nous pouvons dire que cela conduit à questionner l’identité physique d’un édifice. Figer, dans le sens de garder intact, geler en quelque sorte, d’après une expression utilisée par Gilles Antoine Langlois et le cas de la ville de Louisiane en Nouvelles Orléans. Cette démarche de capturer et de restaurer l’image : les dimensions physiques d’un édifice, revient à protéger l’édifice d’une éventuelle disparition. Cette disparition inquiète notamment les conservateurs et les historiens, non seulement par peur de perdre un patrimoine, mais aussi toutes les spécificités qui y sont liées : la culture, l’histoire, les modes de vie. Des éléments qui nous témoignent aujourd’hui le passé dans lequel non seulement des membres de nos familles ont vécu, mais des civilisations bien lointaines qui ont forgé de manière plus large les prémices de nos vies. Cette protection du patrimoine n’est pas quelque chose de novatrice, car pendant des siècles, les civilisations essaient de protéger leurs biens pour une éventuelle transmission.
Ensuite, nous considérons et émettons comme hypothèse majeure, que le classement en luimême, présente des effets stagnants et non-fructueux à Paramaribo. En effet, depuis le classement, Paramaribo devient progressivement une ville figée. Bloquée dans l’ère coloniale, certes grâce à ses monuments historiques coloniaux, mais bloquée aussi à cause d’un manque de réflexion sur la qualification de ces monuments historiques. Cette réflexion primordiale, est nécessaire pour le développement économique mais aussi socio-culturel de la ville. Le manque de réflexion sur la qualification des usages et des fonctions d’un monument classé patrimoine mondial, l’entraine dans un cycle d’évidement et de stérilisation. Le classement permet de restaurer et sauvegarder un monument physique, mais doit aussi contribuer à la pratique de celui-ci, à son évolution et à sa réinscription urbaine. Nous verrons dans une première partie les effets non maîtrisés qu’engendrent ces conservations sans aucune réflexion sur l’ensemble des monuments.
Ces biens sont aujourd’hui transformés et divergents. Ils constituent aussi des éléments de partage, entre individus, mais aussi entre civilisations. Ces biens communs, ont pour but de transmettre d’une certaine manière des savoirs, des connaissances, à faire partager dans le monde entier de la richesse culturelle. Très répandu, en Europe et partout dans le monde, ce partage du bien commun par le biais des structures bien encadrées ; musées, bibliothèques, archives, etc. n’est pas très présent dans Paramaribo. Pourtant, le territoire constitue un des endroits atypiques parmi d’autres anciennes colonies où la créolisation soit le centre de tout. Métissage ethnique, mais aussi métissage architectural. Il manque, aujourd’hui une planification claire en terme de gestion du patrimoine et de gestion du partage du bien commun.
Comment Paramaribo s’est entrainé dans un cycle de vie à caractère figeant, laissant son patrimoine très distant de ses propres citoyens ? Quelles conséquences premières sont directement liées à ce classement à l’UNESCO ? Comment Paramaribo est-il devenu une ville « sans sourires »?
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Cela, pourrait éventuellement conduire à des projets urbains visant à dynamiser le grand territoire. Mais à quel prix, les conservateurs et les historiens, qui sont souvent aussi des hommes politiques, sontils prêts à transformer la ville de Paramaribo en un musée à grande échelle ? Il est peut-être extrême de dire que la muséification d’une ville pourrait conduire à des répercussions négatives, car la majorité des villes françaises ont été reconverties sur ce principe-ci. Comment ne pas transformer une ville entière, ses espaces urbains, son architecture, en un musée grotesque ? Nous pourrons éventuellement dire, que cette muséification tend ou a engendré dans le passé, une véritable mise en valeur de l’esthétique des édifices patrimoniaux. Ce qui nuit à cette transformation-là, c’est exactement le cas de Paramaribo, mais plus grave encore. L’esthétique emporte souvent, voire quasiment toujours sur le fonctionnel, ce qui implique que la ville ne fonctionne plus de la même manière. Les activités économico-politiques ne sont plus identiques. Restaurer une architecture en voie de disparition, sans questionner son usage et son fonctionnement dans la ville, est un souci majeur auquel Paramaribo fait constamment face. Le nombre d’édifices patrimoniaux ayant été restaurés et ensuite réintégrés dans la ville pour participer à son bon fonctionnement, est aujourd’hui très peu représenté. La plupart des édifices patrimoniaux restaurés ont été reconvertis en des bureaux et des services, car d’après l’ancienne démocratie de 1975, le centre-ville doit être le lieu de pouvoir, de dynamisme intellectuel, de l’intensité tertiaire, le monde du travail. Cette image de grande ville qui rayonne dans le monde entier, n’a jamais été entreprise par les dirigeants politiques du Suriname, mais c’est une volonté à petite échelle qui les aspire à transformer le territoire en ville attirante et touristique. Le tourisme, question importante aussi dans une ville comme Paramaribo, n’est pas exploité de manière globale sous un angle positif.
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On aurait pu croire que la classification à l’UNESCO du centre-ville historique de Paramaribo en 2002, aurait conduit à des afflux touristiques importants, mais cela n’est pas véritablement le cas. Le centre historique classé, ne présente aucune activité dite touristique. C’est un secteur entier dédié aux services de l’État. Hormis les espaces publics (jardins, place de l’indépendance, un front de mer très peu mis en valeur et le Fort Zeelandia très peu exploité), il n’existe pas des loisirs, de la restauration, des « architectures » iconiques, ou juste des endroits pouvant constituer des possibilités de détente, de farniente, de plaisir, de divertissement. Au contraire, cela n’implique pas une conduction d’une politique de transformation urbaine touristique, mais plutôt de questionner les atouts de l’existant et de questionner la transformation des secteurs pouvant tendre à un équilibre. Un juste-milieu où les édifices sauvegardés ne se voient pas tous transformés en des bureaux, mais certainement en des logements, des loisirs, des restaurants, des bars ou encore des activités pouvant améliorer la vie actuelle du centre-ville de Paramaribo. Notamment par des structures culturelles, éducatives et sportives. De nombreux édifices du centre historique pourraient accueillir des fonctions et des usages autres que celui du travail. C’est en parti aussi grâce à cette exploration de cinq édifices, que nous menons l’étude et cherchons à transformer l’architecture patrimoniale du centre historique. Comment faire revenir une dynamique dans le centre historique de Paramaribo, qui a exclut tous ses citoyens sur les périphéries ? Comment peut-on renverser la tendance des pavillonnaires et des microvilles où chaque village possède ses propres services et ses propres activités ? N’est-il pas envisageable de restaurer au centre-ville, un équilibre entre le logement, le travail et le divertissement ? En réalité, cela n’est pas très si simple. Nous verrons notamment, par une analyse des secteurs du centre-ville, que les différentes activités sont très tenues et très regroupées, laissant presqu’aucune place pour un brassage, ce que renvoient à l’inverse de l’identité architecturale et l’identité locale.
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Le départ des sourires : une ville qui perd son identité. Ces flux correspondent aux flux de transport : automobiles et transports en commun, qui se sont multipliés de façon considérable ces dernières années. À l’inverse du XIXe siècle, la ville est envahie par des voitures conduisant à un manque d’espaces publics dédiés aux piétons. Ceux qui se baladaient le long du fleuve, le long des magasins, le long des allées plantées, se retrouvent dorénavant contraints à cheminer entre obstacles progressifs créés par les automobiles. Dans le même poème de Paul François Roos, on ressent encore ce plaisir de la vie, des ballades, de la fraîcheur du climat, tout un ensemble permettant de profiter pleinement de la ville.
Quelques poètes, écrivains et peintres, ont retranscrit de différentes manières les qualités de vie présentes à Paramaribo durant le XVIIIe siècle. Un de ces personnages s’appelle Paul François Roos, qui a montré à travers ses poèmes, une certaine beauté de Paramaribo. « Il est allé après la mort prématurée de ses parents en 1768 au Suriname et était planteur sur le Byenkorf dans Commewijne. Après deux courts voyages en Hollande en 1783 et 1784, il a vécu comme un marchand à Paramaribo, et plus tard en 1785 comme conseiller à la Cour de justice. De 1786 à 1790, il était président de la Société « Le Suriname Lettre Vrinden. Une partie de son travail consiste à la poésie occasionnelle, où l’on trouve dans ses meilleurs poèmes un sentiment spécial pour la beauté de la nature tropicale, qui se reflète dans les grandes descriptions rythmiques.42»
42 Voir description de l’oeuvre de ROOS Paul François Surinaamsche mengelpoëzy door P.F. Roos 1804, http://encheres. catawiki.eu/kavels/2608689suriname-paul-fran-ois-roossurinaamsche-mengelpo-zydoor-p-f-roos-1804 43 Poème en néerlandais, qui signifie, « J’aimerais commémorer Paramaribo dans ma chanson», voir http://encheres.catawiki. eu/kavels/2608689suriname-paul-fran-ois-roossurinaamsche-mengelpo-zydoor-p-f-roos-1804
Ce cadre de vie semble être une qualité exceptionnelle pour les habitants de la ville. En effet, ce même plaisir, cette joie de vivre, est aujourd’hui absente dans le centre historique de Paramaribo. Les flux constants d’automobiles ont transformé l’image du centre-ville aérien et agréable en une ville bouchée de voitures, changeant de manière drastique le paysage urbain de la ville. Les sourires semblent se disperser, très loin des beaux paysages urbains de la ville et semblent s’être emportés vers la périphérie ; sur les « ceintures » du centre-ville. Les citoyens n’habitent plus le centre-ville, qui s’est transformé en un centre d’affaires et commercial. Les familles n’habitent plus les maisons coloniales et préfèrent vivre dans un paysage plus détendu où la maison s’implante dans un jardin boisé, où les rues sont larges et plantées, où les enfants peuvent jouer dans les rues, un paysage urbain qui correspond notamment à celui du pavillonnaire.
Il décrit notamment dans le poème, « Ik wil Paramaribo ook in mijn lied gedenken43» , les scènes journalières de la ville de Paramaribo. Il la qualifie et parle de « sa propreté, son élégance, sa température », tout en décrivant les rues, les fronts de mer, les maisons coloniales dans un ton presque mélancolique. Cette image perdure jusqu’à l’indépendance, où depuis, la ville de Paramaribo a changé. Les « mille sourires » de Paramaribo sont échangés lors d’évènements politiques marquants, tels que les tumultes ethniques, les coups d’état, l’exécution d’un groupe d’intellectuels parmi les plus importants. De plus, la nouvelle ère plus « moderne » à partir de 1975, est une urbanisation de la ville de Paramaribo sans prise en considération de son territoire et notamment de son centre historique. Ce dernier devient de plus en plus dense, non pas par des architectures, mais par une présence forte de flux constants.
Dans la partie suivante, nous allons à la recherche de ce départ des familles et vérifier comment la ville s’est rapidement transformée en une ville d’affaires et de commerce.
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1.
La sectorisation progressive du centre historique de Paramaribo. 1.1.
Un centre ville progressivement isolé et abandonné.
Le premier facteur qui explique ce phénomène de départ progressif des habitants vers la périphérie date de la deuxième guerre mondiale. Juste après celle-ci, la ville s’agrandit vers l’ouest du territoire. Comme nous avons pu le voir précédemment, dans le chapitre 1, depuis l’implantation des colons en 1631, la ville se répand de manière progressive dans deux directions privilégiées ; vers le nord et vers l’ouest. En effet, la direction ouest semble être la plus naturelle pour les extensions de la ville, à cause de la situation géographique du territoire contraignant la ville à se développer vers l’est. Les fermes sur cette partie ouest de la ville ont été progressivement transformées, en les lotissant et en les distribuant aux familles afin qu’ils y construisent leurs maisons. Ces lotissements de fermes ont en partie engendré le départ des familles du centre ville44.
Grâce à ce pont, nommé après le président Jules Wijdenbosch, le district Commewijne a pu se développer rapidement. Les différents échanges territoriaux se sont multipliés et créent en même temps un début d’une nouvelle ville sur ce nouveau territoire relié à Paramaribo. Ce développement a permis aux populations de s’installer près de ces nouvelles exploitations. La plupart décident alors de quitter le centre-ville et s’installent à Commewijne, où la vie, comme sur les périphéries que l’on a évoqué au précédent chapitre, est beaucoup plus paisible. Les terrains sont vendus moins chers et ce qui constitue un critère fondamental dans le choix de vie de nombreuses familles de classe moyenne. Ce nouveau pont, aussi appelé « surinaamse brug » ou « de bosje brug » en langage familier peut être considéré comme un des facteurs importants de l’évidement du centre historique de Paramaribo.
Yves Blufpand, a aussi mesuré cette transformation des plantations sur la partie nord du territoire, qui elles aussi ont été progressivement transformées en des lotissements.
En restant sur le sujet de développement de la ville, partout sur les périphéries et notamment aussi dans les autres districts proches de Paramaribo, il y a un développement progressif. La plupart des familles ne peuvent pas se permettre d’acheter ou de racheter les terrains en centre-ville. Ceux qui y habitent déjà, se retrouvent souvent dans des maisons louées. Devenues trop chères au fil du temps et comparées aux lotissements partout ailleurs, ils décident alors de quitter le centre-ville afin de gagner des habitations plus adaptées à leurs besoins et à leurs moyens.
« Pas longtemps après la deuxième guerre mondiale (1960-1970) étaient également transformées, les plantations de café, de cacao et d’agrumes lotis dans le nord (Rainville, Elisabethshof, Blauwgrond, Geyersvlijt, Clevia et Tourtonne) et distribuées comme une zone résidentielle avec la plupart des maisons de la classe moyenne.45» Le deuxième facteur territorial qu’on a pu mesurer, est celui de la construction du seul pont franchissant la rivière Suriname, reliant Paramaribo à Commewijne. (fig. 49). La construction de ce pont en 2000, a permis une connexion physique des deux rives jusque-là séparées et dont les exploitations territoriales ont été contraintes. Ce pont, considéré comme historique, pour l’évolution de la ville de Paramaribo, a permis un développement remarquable de l’économie locale.
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Comme en Europe, ce qui privilégie une habitation en tissu pavillonnaire est la disposition d’un certain luxe. Souvent plus grandes, avec des jardins privés, de grandes terrasses, la proximité avec la nature, ces maisons constituent l’habitat idéal de plus de la moitié de la population. Vers la fin du XXe siècle, de nombreuses opérations vont alors construire des villages fermés, des modèles ressemblant les gated communities des Etats-Unis. Des villages indépendants, structurés, sécurisés et souvent ciblés pour une catégorie sociale aisée, vont aussi attirer les familles. Le Palm Village (fig. 45, 46, 47, 48) le Mon Plaisir, Le North Ressort, ou encore Morgenstond, font partie de ces communautés fermées.
44 D’après la thèse de Y. F. Blufpand, Paramaribo op orde: structure visie 2020, TU Delft, juli 2006 45 Référence page 19, Paramaribo op orde: structuur visie 2020, Y. F. Blufpand, TU Delft, juli 2006`(IUT de Tours).
Fig. 45 Photographie de l’entrée sécurisée de Palm Village, © Vakantie Suriname, 2014. Fig. 46 Photographie d’une maison individuelle d’une famille mixte dans le Palm village, © Vakantie Suriname, 2014. Fig. 47 Photographie de l’espace naturel du Palm village, © Vakantie Suriname, 2014. Fig. 48 Photographie d’une maison individuelle d’une famille d’origine indienne, © Vakantie Suriname, 2014. Fig. 49 Vue aérienne des deux rives avec le pont Wijdenbosch reliant les deux villes. © Google Earth.
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« Depuis quelque temps, à côté de ce déploiement actuel de l’urbanisation d’une nouvelle tendance démographique. Déplacement de la zone urbaine de Paramaribo vers les banlieues, aux zones périphériques, en particulier dans Commewijne et les quartiers du nord. Ici, les gens se déplacent souvent dans des quartiers relativement élevés au niveau de la qualité spatiale ; un logement adéquat avec toutes les commodités. Contrairement aux populations des districts, avec ce courant, on retrouve principalement des gens de classe moyenne et les groupes à revenus supérieurs. »
46 Voir page 39, tableau d’études réalisé dans la thèse de Y. F. Blufpand, Paramaribo op orde: structure visie 2020, TU Delft, juli 2006. 47 Voir page 34, tableau d’études réalisé dans la thèse de Y. F. Blufpand, Paramaribo op orde: structure visie 2020, TU Delft, juli 2006.
En effet, la plupart de ces habitants partent vivre ailleurs, mais les services, les commodités, restent sur place. Cela implique que le centre historique de Paramaribo se retrouve face à une dynamique déstabilisée. L’équilibre social n’existe plus et la ville ne vit plus de la même manière. « Remarquable est le déclin de la population du centre-ville, dans la période 1995 - 2004. Tant en termes absolus et en pourcentage de ce phénomène nous montre le plus fort déclin de la population du Grand Paramaribo. Le logement dans le centre-ville est de plus en plus remplacé par la fonction administrative. Les habitants sont poussés à vivre sur les zones résidentielles, dans la zone de transition autour du centre-ville, voire au-delà de celles-ci, car les quartiers résidentiels n’attirent plus les habitants. D’une part en raison de la dégradation physique et sociale dans ces quartiers anciens, et en partie en raison des prix relativement élevés des terrains. Autres déclins du nombre d’habitants avec une forte baisse sont les quartiers Beekhuizen et Latour.47»
Le troisième facteur peut être qualifié de social. Après l’indépendance de 1975, presque 185.000 personnes ont quitté le Suriname pour vivre aux Pays-Bas. Cela représente presque la moitié de la population totale du Suriname à l’époque. Ce grand départ a notamment été enclenché par une peur nationale. Des milliers de personnes ont eu peur que le pays et son économie s’effondrent suite à l’indépendance. Ils estimaient que ce choix de l’indépendance très prématuré et considéraient que le pays n’était pas encore prêt pour une autonomie. La majorité de ces personnes était des citadins ; qui non seulement ont quitté leur pays, mais aussi toutes leurs familles. Ce que l’on a pu mesurer également, c’est le facteur indicatif de la démographie à Paramaribo. Contrairement aux autres territoires périphériques, le nombre d’habitants ne semble pas s’améliorer et qu’au contraire, est progressivement en déclin. L’étude de Yves Blufpand montre cette croissance continue de la démographie sur les autres territoires. Pour son étude réalisée en 2006, la croissance d’habitants à Paramaribo (entre 2003 et 2005), était de 0 %, celle de Commewijne de 4,7 %, de Wanica de 0,6% et sur le reste du territoire de 1,2 %46. Cela nous montre en premier lieu, le phénomène qui est toujours en cours, de l’évidement du centre historique de Paramaribo et dans un deuxième temps nous montre que le départ de ces habitants créent des instabilités fonctionnelles que l’on va développer dans le prochain paragraphe.
Si ce phénomène est considéré comme un élément social concerné par les familles et les modes de vie du pavillonnaire qu’ils préfèrent largement à la vie citadine, c’est qu’en réalité et qu’au même moment certains services et les qualités de vie n’y sont plus présentes pour augmenter la valeur qualitative de la vie dans le centre historique. Ce manque de qualité de vie est notamment aussi lié à la privatisation des bâtiments historiques. D’un côté, à la place des habitations, sont aujourd’hui installés des bureaux du secteur privé. Le centre historique de Paramaribo est aujourd’hui clairement un centre administratif ; on y vient pour travailler et on repart le soir. À quelques endroits, il y a eu un développement pour la vie nocturne, mais cela ne concerne pas le centre historique lui-même, contrairement aux siècles précédents. Un simple indicateur de sectorisation du centre historique de Paramaribo est la mise en évidence des trafics ; les flux automobiles et les transports en commun sont très présents durant toute la journée.
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À la fin de la journée, quand tout se ferme (bureaux, entreprises, commerces, etc.), la ville se transforme entièrement en dortoir. La ville s’évide, il n’y a quasiment aucune activité humaine notable. Cela est dû en partie à la sectorisation importante du centre historique.
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1.2. Une ville visiblement scindée en plusieurs entités. Quant aux habitations, presque aucune se retrouve à l’intérieur de ces deux zones ni à proximité directe. Il est alors facile d’imaginer le scénario de la ville, une fois la nuit tombée. Sachant que ces zones représentent les parties les plus emblématiques de la ville, elles deviennent des endroits d’insécurité durant la nuit. Deux autres zones peuvent être présentées, notamment la zone liée à l’art et la culture et la zone sportive. Très scindés et dispersés, les bâtiments abritant des activités culturelles et artistiques, telles que le théâtre, le cinéma, la salle de concert, la peinture, l’art, etc., se retrouvent à l’extérieur du centre historique. Seul un endroit dans le centre historique pourrait devenir une zone liée à l’art et la culture ; le fort Zeelandia. En effet, on y retrouve une école d’art, un musée, mais e nombreux bâtiments sont vides et sans activités
Aujourd’hui, on distingue deux grandes parties dans le centre historique de Paramaribo ; une zone commerciale et une zone de services. La zone commerciale (traduite en bleu fig. 50), représente un ensemble de magasins, des boutiques, des marchés et quelques restaurants. La zone de services (traduite en vert fig. 50), représente un ensemble de bureaux, de banques, des institutions gouvernementales telles que les ministres, des agences d’avocats, de notaires et des entreprises privées pour les services de l’État (électricité, téléphonie, eau potable, etc.). Les deux zones ne se mélangent quasiment à aucun instant et sont clairement identifiables sur le territoire. (voir fig. 50).
Fig. 50 Carte de la distinction des activités : commerces/Services, d’après le travail de © BLUFPAND Yves, © Stanney Kasmo, 2016.
La zone sportive est, elle aussi en dehors du centre historique de Paramaribo. À la frontière du centre historique et la ceinture périphérique, un stade a été construit dans les années 1960, pour introduire la mixité fonctionnelle au centre-ville. Aujourd’hui, le stade fonctionne toujours, mais de nombreux autres stades ont été construits dans les zones périphériques, facilitant les déplacements des habitants des zones pavillonnaires à gagner ces endroits plus rapidement. Ce stade se retrouve alors confronté à une fréquentation très faible dans le centre historique de Paramaribo, vu des habitants peu nombreux qui y vivent. Un autre élément qui joue un rôle très important dans les activités journalières des Surinamiens, est le marché central (de centrale markt). Placé à l’extrémité du centre historique de Paramaribo, il est aujourd’hui l’endroit le plus fréquenté et le plus passant durant la journée. Construit dans les années 1960, le marché abrite aujourd’hui 6 500 vendeurs de produits agricoles et autres, représentant environs 5 % de l’activité économique de Suriname). Cet endroit très fréquenté crée aujourd’hui un nœud de congestion très difficile à gérer. Durant toute la journée, le trafic reste « bloqué » à cause de nombreux camions, transports en communs et automobiles qui y passent. La nuit tombée, cet endroit projette une toute autre image.
Habitations Hôtelleries Commerces Services
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Pour mieux comprendre la sectorisation du centre historique de Paramaribo, nous nous sommes référés au travaux réalisés par Yves Blufpand, Bert Claes et Wim Debaene, en retravaillant leurs cartographies. Voir carte ci-contre, fig. 51.
Habitations Hôtelleries Commerces Services Fig. 51 Carte des différentes activités du centre historique de Paramaribo et les zones tampons II, III, d’après le travail de © BLUFPAND Yves, © Stanney Kasmo, 2016.
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Nous pouvons déduire que ces secteurs ne vivent pas la nuit, créant ainsi le déséquilibre sociofonctionnel dont la ville a besoin pour fonctionner au quotidien. Ce déséquilibre est aussi lié à l’analyse que nous avons faite dans le chapitre précédent. Si le centre historique s’est progressivement vidé de ses habitants, c’est qu’en premier lieu, rien n’est pensé pour les garder sur place. Au contraire, malgré l’embellissement de la ville et notamment du centre historique concerné, les places d’habitations ont été cédées pour des bureaux, des institutions, des services de l’État et d’autres services n’ayant qu’un seul usage et une seule fonction.
Un autre élément permettant de lire la ville en tant que ville sectorisée est l’évolution architecturale au cours du temps. Précédemment, nous avons analysé les extensions urbaines de la ville au XVIIe, XVIIIe et au XIXe siècles, en démontrant que ces évolutions constantes se sont réalisées selon une grille quadrillée et selon des axes majeurs. A présent, cette ville est restée inchangée et l’architecture de ces différentes extensions ne correspondent plus aux usages et aux fonctions actuelles de nos jours. Sur la carte ci-contre (fig. 52), on peut identifier les trois parties du centre historique de Paramaribo ; le XVIIe, le XVIIIe et le XIXe siècles. En analysant de près, ces couches historiques, nous avons conclu qu’elles présentent aujourd’hui des fonctions nouvelles par rapport à celles d’origine. Les maisons du secteur XVIIe siècle sont aujourd’hui abritées par des institutions gouvernementales telles que les ministères, certains bureaux administratifs et des cabinets d’avocats. Le secteur XVIIIe abrite aujourd’hui des institutions éducatives et des services d’État, tandis que les maisons présentes dans le secteur XIXe abritent une partie administrative et des bureaux. Ces changements ou reconversions d’usages des fonctions d’origines, font partie d’un mouvement très récent. Ces maisons abritaient encore jusqu’au début du XIXe siècle des familles aisées, des familles qui ont hérité les maisons des maîtres de plantations.
48 Statistiques réalisées par CLAES Bert et DEBAENE Wim, de la thèse; Master en urbanisme et aménagement territoire de Paramaribo, page 92 Stadsprojection ParamariboAntwerpen, Antwerpen, 2008.
Contrairement aux maisons coloniales dans les périphéries du centre-ville, qui abritent des multi-fonctions, celles présentes dans le centre historique n’abritent presque aucune habitation. Les modèles de maisons coloniales que nous connaissons dans les périphéries sont les suivants : RDC - commerce / R+1 Habitation RDC - Restauration / R+1 Habitation RDC - Bureaux / R+1 Habitation Les modèles de maisons coloniales dans le centre historique ne présentent aucun schéma mixte et sont destinés à une seule fonction. Dans certains cas, certains de ces bâtiments ont des étages vides. D’après l’analyse faite par Bert Claes en Wim Debaene où ils répertorient les étages disponibles dans le centre historique de Paramaribo., nous pouvons constater que pour les 2631 étages disponibles, 120 sont inoccupés en période d’activité ce que revient presque à 5 %. L’analyse montre aussi que certains secteurs présentent des locaux inoccupés et inhabités. Sur la cartographie ci-contre (voir fig. 53), nous pouvons constater les zones dessinées par rapport aux statistiques48 et pouvons faire la conclusion que le secteur du centre historique luimême n’est pas habité par la population. Il est largement occupé par des services de l’État et ne présente aucun commerce. (voir fig. 50 page précédente).
Ce mouvement de reconversion est en premier lieu, lié au classement du contexte historique au patrimoine mondial à l’UNESCO et d’autre part par une privatisation par l’État. Ces derniers permettent d’après une bonne volonté, de garder les maisons historiques actives et permettent de les faire entretenir, remettre en bon état, rénover, restaurer, etc., sauf que les fonctions et les usages ne sont que destinés à une partie de la journée. Ceux qui habitent ces bâtiments sont de personnes qui ne viennent que pour travailler et quittent les lieux en fin de journée.
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Aujourd’hui, nous pouvons conclure grâce à ces analyses que le centre historique de Paramaribo est dans une dynamique urbaine déséquilibrée. Les activités sont très dispersées, ne se confrontent en aucun moment et créent des moments inégalitaires. Le centre historique est passé dans une dynamique de ville-dortoir. La tendance ne semble pas s’améliorer et la ville s’évide de plus en plus de ses habitants créant d’autres problèmes sociaux : délinquance et prostitution et surtout de l’insécurité. Les conditions du classement à l’UNESCO ne permettent pas d’intervenir dans le contexte. Le tissu urbain qui est classé doit garder ses aspects coloniaux sur lesquels ils ont été jugés. Un changement drastique de ceux-ci peut conduire à une sanction voire l’exclusion de la liste du patrimoine mondial.
Aujourd’hui, les solutions sont difficiles à trouver ; car d’une part l’État n’investit pas assez dans les projets urbains et n’a pas officiellement prévu un plan d’aménagement futur pour la ville. D’autre part, les structures actuelles ne sont pas dans la capacité de réfléchir à d’autres solutions complexes pouvant respecter la conservation d’un édifice colonial et le réintégrer dans une dynamique urbaine plus adaptée aux modes de vies actuels. Dans la prochaine partie, nous essaierons de relever les principales difficultés locales qui nous montrent la disparition progressive d’une architecture identitaire. Une architecture qui correspondait à un certain mode de vie et qui aspirait à une certaine image, qui a complètement été détournée dans la société surinamienne d’aujourd’hui.
Fig. 52 Carte représentant les différents siècles d’extension, XVIIe > XVIIIe > XIXe. Fig. 53 Carte représentant les étages libres dans le centre -ville, © CLAES Bert et DEBAENE Wim, 2010.
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2.
Les difficultés locales conduisant à la disparition progressive d’une architecture identitaire.
2.1.
Un développement urbain non maitrisé et des interventions urbaines très disparates. « Le Ministère ne dispose pas d’un plan stratégique global de politique du patrimoine culturel. Un document de la politique culturelle intégrante a été compilé en 2007, mais la conservation des monuments et le PSPM n’étaient pas intégrés. En conséquence, seule une politique ciblée est appliquée.51»
L’économie du pays, comme son développement, représentent aujourd’hui l’élément déclencheur pour l’urbanisation. On ne peut séparer le développement de la ville de la croissance économique. Les deux vont souvent dans un même sens et dépendent fortement des facteurs politiques. A présent, il n’existe pas de projet politico-urbain qui a clairement signé un plan d’aménagement urbain ou autre projet lié au développement de la ville de Paramaribo pour les prochaines années. Ce manque de projet clair, suivi et engagé par les politiques locales est un très grand ralentisseur.
Ces différents points traduisent le « chaos » actuel, des projets en cours non coordonnés et aboutissent à des projets partiellement réalisés ou ne participant pas à l’intérêt de l’État ; c’est-à-dire au développement d’un potentiel économique.
D’un autre côté, la tendance des politiques actuelles, est plutôt dans l’optique de soutenir d’autres causes plus précaires et plus urgentes comme l’éducation nationale et la santé encore sous-développées dans les autres districts du Suriname. Le manque de fonds pour les projets urbains et notamment les projets de conservation du patrimoine est très présent. D’après la recherche d’Yves Blufpand, les « bons » projets manquent de financement et doivent souvent dépendre des parties extérieures. Cela va de pair, qu’il manque aussi une certaine coordination entre les différents projets à petite échelle de la ville, qui semblent aller dans tous les sens. Des personnes spécialisées et des experts dans le domaine de l’aménagement urbain manquent aussi d’après le DCPMPA. 49 PSPM = Paramaribo Site du Patrimoine Mondial. 50 Voir page 54, du DCPMPA. 51 Voir page 59, du DCPMPA. 52 Voir page 54, du DCPMPA.
« Si des projets sont réalisés, ceux-ci semblent généralement avoir un caractère hautement consommateur ; ils portent peu ou pas de rapport avec l’élargissement de la base économique de la société surinamienne.52» Dans le passé des extensions urbaines se sont faites naturellement, grâce aux grilles quadrillées dessinées vers l’ouest et le sud-ouest de la ville. Ces extensions urbaines étaient nécessaires pour accueillir des logements des familles, des maîtres de plantations ainsi que les habitations des planteurs de plantations. À chaque époque, l’agrandissement de la ville a été fait sur la demande d’une population grandissante. On soumet l’hypothèse que la ville est en train de se reconvertir ou doit reconvertir son cycle urbain pour accueillir les nouveaux habitants.
« L’organisation de gestion actuelle est faible et a besoin d’être restructurée et renforcée afin de relever les défis en matière de conservation du PSPM49. Il n’y a pas suffisamment de personnel possédant les compétences appropriées. Cependant, il ne peut être modifié dans le contexte juridique, financier et organisationnel actuel. Une institution spécifique de gestion statutaire doit être établie pour exécuter la gestion du PSPM conformément à ce plan.50»
Dans le chapitre 2. 1.1., ous avons vu que la tendance s’est inversée. Les habitants sont de moins en moins nombreux en centre-ville, mais les développements urbains ne sont pas associés à ces dynamiques. La ville est de plus en plus étalée, créant des distances entre services et habitations plus longues. Cet étalement urbain aurait pu être évité afin de rester sur une ville urbaine plus habitée et plus harmonieuse. Plus dense, mais gardant quand même ses qualités architecturales héritées du colonialisme.
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Aujourd’hui, le souci majeur est de surveiller l’étalement urbain trop vaste sur les périphéries de la ville ainsi que dans les autres districts à proximités. Comme développé précédemment, les familles préfèrent habiter dans un cadre meilleur et dans un environnement proche de la nature. Ces développements urbains sont devenus prioritaires. Sauf que le cadre en centre-ville présente d’énormes avantages et des qualités de vie supérieures. Cela était le cas durant les trois siècles du colonialisme et s’est progressivement détérioré grâce à la disparition des éléments qui le constituaient : allées plantées, espaces verts, détente, promenades, activités marines, etc. La reconversion des habitations, maintenant classées patrimoine mondial à l’Unesco, oublient dans la majorité des cas de prendre en compte leur fonction première. Celle de l’habitation, convertissant l’édifice en monument historique « sans vie ». Un centre-ville est très représentatif d’un mode de vie d’une civilisation et d’un patrimoine identitaire, la préserver et la faire évoluer devraient constituer les seules priorités des politiques urbaines. Néanmoins, le manque d’une politique cohérente bascule le développement urbain dans un chaos. Ce chaos n’est pris en considération que durant les dix dernières années et le temps qu’une nouvelle politique harmonieuse se mette en place pourrait durer une génération entière. Les remarques suivantes53, retranscrites de la recherche d’Yves Blufpand et du DCPMPA démontrent bien la dissociation des projets nombreux et le manque de réflexion globale. « Il y a une lacune évidente dans la planification urbaine dans le pays. La Loi sur l’urbanisme 1972 et le plan de développement pluriannuel (MOP), sont les deux seuls produits statutaires en matière de développement urbain, mais, comme mentionné précédemment, ils sont trop généraux et doivent être revus.
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En 2002, un plan directeur pour le drainage du Grand Paramaribo a été conçu dans le but de mettre fin à des inondations et des problèmes de drainage de la ville. Le plan comprend une douzaine d’études détaillées. Une recommandation importante du plan est de trouver des solutions dans une approche intégrée, des liens vers d’autres domaines politiques. La réorganisation de la Maagdenstraat est dans une certaine mesure le résultat de cette approche, qui est également la réhabilitation du domaine public et les transports publics qui ont été réorganisés. Le Plan de développement urbain conçu en 2005 par le bureau français PHI, fournit une stratégie de développement de haute qualité pour Grand Paramaribo. Un cadre institutionnel est fourni. L’UDP n’a pas de base légale, ce qui entrave son utilisation comme document politique, mais plusieurs éléments de base du plan sont utilisés dans la pratique. Une conclusion importante de l’UDP est que Paramaribo centre-ville devrait être développé comme un centre mûri. Il indique également qu’il y a un besoin pour un plan de circulation intégrée pour améliorer la circulation à l’intérieur et à l’extérieur du centre-ville pour les véhicules motorisés, les transports publics et privés, cyclistes et piétons, tandis que le domaine public devrait être amélioré. » Si nous rajoutons à ces différents points, les projets publics d’une échelle plus petite, mais néanmoins importantes dans la vie quotidienne des citoyens, nous pouvons conclure qu’il est plus qu’urgent de renverser la tendance et mettre l’accent sur un aménagement du territoire qui permettra dans un premier temps de raisonner chez les citoyens. Dans un deuxième temps, protéger le patrimoine et l’intégrer de nouveau dans un cycle afin qu’ils ne deviennent des monuments statiques et sectorisés.
53 Voir page 57, du DCPMPA.
Finalement, il faut réintroduire des éléments ou de les renforcer, afin de trouver une qualité de vie qui est proche de celle d’antan et qui reste encore l’identité que nos ancêtres nous ont transmise. Ces projets de petite échelle malgré nécessaires, sont encore très dispersés et ne rentrent pas dans une dynamique globale. Ce sont de projets d’aménagement urbain notamment dans les espaces publics : Le premier projet que nous pourrons présenter est celui de la place de l’indépendance, qui a subi un changement radical. Jusqu’en 2012 la place des drapeaux étant située dans un endroit jusque-là historique fig. 55, a été déplacée pour créer un grand vide urbain sans aucune fonction attribuée maintenant. Cette place qui représentait l’union du pays avec d’autres dans la région caribéenne portait 15 drapeaux. Aujourd’hui, la nouvelle place fig. 56 possède 38 drapeaux dont 29 sont en permanence levée. Ils sont ceux des pays du CARICOM, ceux des pays possédant une ambassade au Suriname et celui de Nations Unies. Ce projet malgré sa petite échelle, est très visible et notable par la population, car celle-ci a été longtemps habituée par un emplacement historique qui ne lui échappe pas. La nouvelle place ne semble pas être critiquée autant, mais on ne peut nier le vide non-fonctionnel laissé derrière causé par son déménagement. Faut-il remettre en question un projet urbain historique ? Ce projet remet en question la pertinence de ce genre d’intervention urbaine, pour le moment non-nécessaire. Fig. 54 La nouvelle place des drapeaux, © Sara Clem 2012. Fig. 55 Anciennce des drapeaux, © Earth, 2012.
place Google
Fig. 56 Nouvelle place des drapeaux, © Bing, 2016.
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Le deuxième exemple est celui de la nouvelle promenade sur le front de mer. Commencé en 2012, ce projet veut mettre en place un système de digues afin de protéger le littoral des érosions importantes durant les marées hautes. Progressivement, la côte Waterkant, est détériorée par les eaux puissantes de la rivière le Suriname. Cela met en danger le patrimoine historique du centre-ville. Directement en contact avec la rivière le fort Zeelandia, het Waaggebouw ainsi que des centaines de maisons coloniales risquent d’être inondées par les marées hautes. Afin d’éviter cette catastrophe naturelle, l’État a mis en place un plan d’attaque et commencent les travaux en 2012. Cette digue d’une longueur de 600m doit protéger le littoral à partir du fort Zeelandia jusqu’au Waaggebouw, sauf qu’elle ne peut constituer une vraie promenade pour sa hauteur importante mettant à distance les pratiquants de la rivière. Le contact à l’eau, qui a été fort apprécié et qui rentrait dans le quotidien des habitants d’antan est perdu à jamais. Le projet n’a pas fait l’objet d’une révision et semble s’être réalisé sans consultation extérieure des tierces parties. Cela fait notamment objet d’une démarche purement locale, qui n’est pas coordonnée avec d’autres structures qui semblent s’intéresser au sens direct du patrimoine et de l’histoire du centre historique de Paramaribo. Il perd son identité et efface à jamais une image, une habitude, un patrimoine dont nombreuses personnes se sont attachés. Ceci dit, le projet peut toujours évoluer dans le futur, mais semble être une impasse qui aurait pu être évitée. De plus d’après l’analyse menée par les deux étudiants belges, tout le littoral du centre historique doit être pris en compte et non pas seulement une partie. Les projets doivent correspondre à une dynamique globale ; la promenade de 600m aurait dû être une digue jusqu’au marché couvert afin de présenter un projet urbain pouvant intégrer un potentiel économique. Un projet qui aurait un double sens ; d’une part, la protection nécessaire pour le patrimoine et un lieu stratégique pouvant présenter des qualités importantes pour le développement de la ville (marchés, activités nautiques, lieux de représentations, lieux de détente.)
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Ajouté à ces deux exemples, de nombreux autres projets urbains de telle sorte se font un peu partout dans la ville de Paramaribo. L’essentiel semble être de protéger dans un premier temps le patrimoine architectural du centre historique de Paramaribo, en l’inscrivant dans une dynamique urbaine et qui permettra de produire un potentiel économique pour les années à venir. Si nous avons noté cette volonté progressive de mettre en place une protection du patrimoine architectural du centre historique de Paramaribo, la recherche de Maartje Rijkers démontre que la volonté de conserver ce patrimoine n’est pas toujours présente chez la population et que cette absence de signification de valeur pour la population se traduit par le manque d’investissement des politiques. Ce manque de signification de valeur pour le patrimoine est aujourd’hui clairement ressenti par l’absence d’infrastructures permettant de sauvegarder le patrimoine du centre historique.
Fig. 57 Digue séparant le litoral et la rivière, © Jao Lateio - Flickr, 2013.
2.2. L’absence d’infrastructures permettant de protéger le patrimoine architectural. Dans la partie précédente, nous avons pu constater qu’un projet de digue a été commencé en 2012 afin de protéger 600m du littoral, mais pour les 20 années à venir aucun prolongement n’est prévu ni discuté. Faut-il considérer que seul le contexte délimité par l’UNESCO soit du patrimoine mondial ou faut-il regarder au-delà de cette frontière ?
Un projet de remise aux normes du système de drainage est en cours, mais n’est pas encore effectif. Durant les fortes saisons de pluies, de nombreuses rues du centre historique et partout dans la ville sont encore sous l’eau mettant en danger l’état déjà vulnérable des constructions en bois. 3. En troisième lieu, comme le patrimoine architectural est constitué non seulement des édiles coloniaux, mais aussi des paysages urbains, les éléments de la rue sont aussi en danger et se voient de plus en plus détériorés. Le manque de place de stationnement et le manque de parkings, étouffent le centre-ville et son paysage urbain. Les automobiles et les transports en commun stationnent de façon aléatoire dans la ville, allant jusqu’à conquérir tous les espaces dédiés aux piétons (trottoirs, places, aires libres). Ces espaces ne sont pas dédiés à être fréquentés par des automobiles et sont souvent conçus légèrement (dalle sur surface en sable). Ne supportons pas le poids de ces dernières, ces espaces s’abîment très rapidement et au fil du temps sont difficilement fréquentables pour certaines personnes (personnes âgées, personnes à mobilité réduite, etc.), car ils peuvent éventuellement causer des ennuis vus leur mauvais état.
En effet, le centre historique de Paramaribo est celui représenté sur la carte ci-contre (voir fig. 31), mais le centre de Paramaribo ne résume pas à cette zone. Au-delà de ce contexte délimité, les activités se poursuivent, plus dynamiques, plus nombreuses, plus diverses ; Telles que les activités commerciales autour du Marché Central (De centrale markt) et au sud-ouest de la ville magasins, centres commerciaux, etc. Parmi ces activités d’autres monuments historiques de grande importance s’y retrouvent, certains qui ne sont pas encore classés, mais devront l’être s’ils représentent une valeur exceptionnelle pour les citoyens. On retrouve notamment de nombreux édifices du mouvement moderne qui sont des architectures qu’il faut préserver. La majorité de ces bâtiments n’est pas directement confrontée à l’érosion du littoral, mis à part le Marché Central. Ils ne sont pas abrités contre les inondations nombreuses durant les hautes saisons de pluie. 1. En premier lieu, il manque à ce projet de digue, une extension d’au moins 700m permettant de protéger un territoire, que l’on doit considérer comme un patrimoine architectural important. Le projet de promenade peut alors trouver son vrai sens, en se prolongeant d’une zone liée à l’art et la culture vers une zone de restauration et de commerces (si la cohérence des activités le permet).
Les deux premiers points permettent dans un premier temps de protéger la ville des inondations et semblent être prioritaires dans un projet urbain. L’absence de politique urbaine claire, joue aussi un rôle important dans les décisions à prendre. Aujourd’hui, il est aussi question de savoir si l’architecture du mouvement moderne constitue aussi un patrimoine architectural pour les citoyens. La réponse me parait personnellement être oui, car l’architecte-ingénieur Peter Nagel, a été un des fondateurs et rares personnes, d’origine néerlandaise ayant construit plus de cinquante édifices emblématiques tels que l’Assemblée nationale, la piscine municipale, la banque nationale parmi d’autres.
2. En deuxième lieu, le système de drainage de la ville n’est pas optimisé. Depuis que le système de drainage à ciel ouvert a été conçu durant le colonialisme, certains canaux ont été fermés. La fermeture systématique a conduit à un blocage du système ingénieux, ne permettant pas d’évacuer les eaux excessives à temps.
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Aujourd’hui, ces édifices ne sont pas classés patrimoine architectural, car ils ne rentrent pas dans les critères de sélection sur lesquels les autres bâtiments ont été choisis notamment pour leur unicité de construction en bois. Ces bâtiments modernes, rentrent néanmoins dans un contexte entier, qui lui est classé patrimoine mondial. Malgré que le contexte global classé patrimoine mondial est défendu et présente des valeurs pour les citoyens, les derniers bâtiments modernes doivent néanmoins rentrer aussi dans une convention permettant de les conserver.
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2.3
Les délaissés et les ruines.
Les conséquences directes de l’absence de politique cohérente, du manque de financement, du manque d’expertise accompagné d’un manque de conscience chez les citoyens envers les édifices coloniaux, sont la disparition progressive de ces bâtiments. Le classement seul à l’Unesco, ne permet pas de protéger un édifice colonial. Il faut d’autres structures qui se mobilisent pour dynamiser cette volonté de conservation. Le SGES est une des structures importantes qui veille notamment sur le patrimoine colonial de Paramaribo et au-delà des frontières de la ville. C’est une structure qui lutte sans cesse contre la dégradation et le délaissement des édifices coloniaux, mais qui ne peut aujourd’hui atteindre ses objectifs, à cause de leurs moyens limités. Hormis le fait d’un budget souvent très important qui suscite la rénovation de ces édifices coloniaux, d’autres moyens ne sont pas mis en place (avis de la population, subventions, etc.). Avant que l’on intervienne sur un édifice nécessitant une rénovation ou une réhabilitation importante, il est trop tard. L’édifice demeure alors inoccupé, délaissé jusqu’à progressivement tomber en ruine et disparaitre. Des édifices de telle nature, existent par des centaines dans le centre historique et ne restent dans cet état délabré parce qu’il n’y a aucun projet de réhabilitation prévu. L’autre problème, c’est qu’un édifice colonial peut se maintenir en bon état seulement s’il est occupé et habité. La plupart de ces bâtiments après réhabilitation ne le sont guerre. Ils ne proposent aucune nouvelle fonction et restent vides durant une grande partie de la journée. Nous pouvons distinguer ces différents bâtiments en plusieurs catégories Les délaissés du colonialisme:
Fig. 58 Maison coloniale délabrée et abandonnée, Paramaribo, © Jan Broekema, 2014.
Ils représentent la totalité des bâtiments issus du temps colonial, complètement inchangés depuis leurs constructions et qui sont aujourd’hui en voie de disparition (démolitions constantes de ces édifices pour reconstruire du neuf).
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Les délaissés des incendies/Les ruines: Paramaribo est une ville de constructions de bois et a connu des grands incendies au fil du temps. Très susceptibles, ces bâtiments risquent souvent de disparaitre totalement lors d’un incendie. Les bâtiments sauvés partiellement après un incendie ne font souvent pas objet d’une reconstruction. Ils restent dans leur état délabré et se perdent au fil du temps. Dans le centre historique, nous pourrons notamment noter la présence de nombreux cas identiques.
Des édifices ne présentant aucune utilité pour la ville, ont vu leur état se dégrader au cours des années. Souvent liés aussi aux incendies, ces bâtiments ne sont pas complètement démolis, car certaines personnes croient que l’on peut toujours les sauver. Parmi les ruines, on y retrouve aussi les puits d’eau ; des éléments historiques qui ne servent aujourd’hui plus leurs fonctions, mais qui peuvent constituer des éléments nous retranscrivant une époque.
Fig. 59 Ancien bâtiment annexe, assemblée nationale, en ruines après incendie, © SGES, 2010. Fig. 60 Ston oso ou la maison de brique, emblématique dans l’histoire de Paramaribo ; maison de justice. Elle date de 1776 et s’est dégradée au fil des années, car une dispute de la parcelle est toujours en cours, © SGES, 2012.
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Les délaissés après réhabilitation:
Cet ensemble d’édifices laissés à l’abandon ou laissés vides, représente une grande partie de la ville historique. S’il est judicieux de mener une politique de conservation de ces édifices-ci, encore faut-il, qu’ils constituent une valeur importante pour l’ensemble de la population. Ces valeurs ne sont pas toujours défendues de la même façon chez les citoyens. Certains, ne voient même pas que certains édifices constituent une valeur patrimoniale qu’il faut préserver. Dans la thèse de Maartje Rijkers, nous pouvons lire que le patrimoine est apprécié selon différents critères, selon différentes générations et selon différentes ethnies.
Ils représentent tous les bâtiments qui ont subi des rénovations, mais qui restent vides aujourd’hui par manque de fonction ou des usages. Ces édifices sont notamment implantés dans des endroits particuliers et peuvent difficilement accueillir des programmes différents, car d’autres bâtiments institutionnels limitent certaines activités.
Fig. 61 Maison coloniale, domaine du Fort Zeelandia, © SGES, 2014.
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3.
Un patrimoine architectural inapproprié par les citoyens.
3.1.
La valeur du patrimoine et la signification de celle-ci pour les citoyens.
Dans cette partie, nous allons faire une démonstration des valeurs significatives du patrimoine architectural, grâce aux différentes recherches qu’ont été menées dans la thèse de Maartje Rijkers en 2006. Évoqué dans le chapitre 1. 3.2. le patrimoine présente trois valeurs que l’on peut distinguer par : une valeur esthétique, une valeur identitaire, une valeur d’usage. Une valeur esthétique Suffit-il aujourd’hui qu’un objet architectural soit beau pour qu’on lui approuve cette valeur et pour qu’il constitue une raison de sa conservation ? Avant de répondre à la question, nous sommes allés à la recherche du terme esthétique. D’après les différents dictionnaires, avoir une valeur esthétique signifie : « Qui se fixe pour objet de déterminer ce qui provoque chez l’homme le sentiment que quelque chose est beau.54» « Partie de la philosophie qui se propose l’étude de la sensibilité artistique et la définition de la notion de beau.55» Comment peut-on alors qualifier les édifices du centre historique de Paramaribo comme beaux ? Maartje Rijkers, propose de mesurer cette dimension par une enquête. Elle permet d’interroger sur 100 personnes les facteurs différents du sentiment de beauté pour les édifices en question. Même si l’enquête reste un outil de mesure hypothétique, les résultats démontrent dans la plupart des cas, une partie représentative de la population totale. Plusieurs tableaux, elles démontrent que la majorité de la population trouvent une certaine beauté de ces édifices, que ceux-ci doivent rester dans le centre historique de Paramaribo et que le centre historique de Paramaribo est unique en soi. (voir tableaux ci-contre fig. 62)
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54 D’après le dictionnaire Larousse, voir http://www. larousse.fr/encyclopedie/ divers/esthétique/49481 55 D’après le dictionnaire cntrl, voir http://www.cnrtl.fr/ definition/esthétique Fig. 62 Tableaux des différents questionnaires par rapport aux édifices coloniaux dans le centre-ville et leur valeur esthétique pour les populations, d’après, Thèse RIJKERS Maartje, Cultureel erfgoed in Paramaribo: goed voor iedereen?, Nijmegen, April 2006, page 48.
Fig. 63 Tableau des résultats par rapport à la question de la beauté du centre-ville, d’après la thèse RIJKERS Maartje, Cultureel erfgoed in Paramaribo: goed voor iedereen?, Nijmegen, April 2006, page 100.
Le tableau suivant présente une réponse différente concernant les édifices contemporains dans le centre historique. À la question suivante, 44 % sont plutôt favorables pour des constructions contemporaines.
D’après ces résultats, nous pouvons supposer qu’un édifice beau présente une valeur symbolique pour ceux qui le détiennent. Le patrimoine architectural appartient à l’État (par des organismes différents, certains privés certains publics), mais constitue un élément à qui, tout citoyen peut se référer, se sentir rattaché de par son histoire et par son héritage, donc, constitue un élément important dans la vie quotidienne. Posséder un objet « beau » peut donc améliorer les conditions de vie et les conditions morales d’une personne. C’est en conséquence de cette idée, qu’un édifice colonial peut présenter une valeur distinctive pour un citoyen. À l’inverse, certaines personnes peuvent éprouver un désaccord par rapport à cette valeur esthétique et se posent alors la question de l’utilité de la conservation d’un édifice quelconque. Il s’agit pour eux de reconstruire quelque chose de « beau » à la place de l’édifice ne respectant plus les qualités esthétiques.
Faut-il des édifices contemporains pour améliorer l’image historique et « datée » du centre-ville ? (voir fig. 65).
Le tableau suivant démontre cette partie de la population et leur sentiment par rapport aux édifices coloniaux délabrés et que l’on peut qualifier d’esthétiquement faible (voir fig. 63). Les édifices délabrés transforment les paysages urbains du centre historique à une esthétique faible. Auquel 57 % répond oui (Voir tableau (fig. 64).
Fig. 64 Tableau des résultats par rapport à la question des édifices délabrés dans le centre-ville, d’après la thèse RIJKERS Maartje, Cultureel erfgoed in Paramaribo: goed voor iedereen?, Nijmegen, April 2006, page 100. Fig. 65 Tableau des résultats pour les édifices contemporains dans la ville, d’après la thèse RIJKERS Maartje, Cultureel e r f g o e d in Paramaribo: goed voor iedereen?, Nijmegen, April 2006, page 101.
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Les résultats précédents démontrent en partie la signification du patrimoine architectural selon la dimension esthétique. On peut conclure que sur ces enquêtes menées, la plupart des habitants sont plutôt favorables à garder un patrimoine historique s’il possède des qualités esthétiques fortes.
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Une valeur identitaire « Très souvent, l’identité sociale se crée au contact avec un autre groupe, qui rend l’appartenance à son propre groupe et qui, du fait de son existence même, provoque chez l’individu des processus d’identification. On peut citer le cas extrême de groupes (minoritaires) qui se définissent même en assumant les stéréotypes du groupe majoritaire à leur égard. De façon générale, le sentiment d’appartenir à un groupe conduit l’individu à exagérer les différences par rapport à des individus d’autres groupes et à minimiser les différences entre individus d’un même groupe. Il en résulte un comportement spécifique à l’intérieur du groupe (intra-groupe) et entre groupes (inter-groupes), si bien que le sentiment d’appartenir à une catégorie sociale est suffisant chez l’individu pour produire un comportement caractéristique de cette catégorie58.
Suffit-il qu’un édifice soit beau pour qu’il présente un élément déterminant pour notre identité ? Notre identité est-elle reflétée par un patrimoine architectural ? Dans quelle mesure, nous pouvons lier une identité architecturale à une identité personnelle ?
56 D’après la définition attribuée par Wiktionnaire, voir https://fr.wiktionary.org/wiki/ identité. 57 D’après la définition attribuée par Wiktionnaire, voir https://fr.wiktionary.org/wiki/ identité. 58 D’après la définition attribuée par Larousse, voir http://www.larousse. fr/encyclopedie/divers/ identité/59715. 59 Ennen E., Heritage in fragments : the meaning of past for city centre residents, 1999 - page 24. 60 R I J K E R S Maartje, Cultureel e r f g o e d in Paramaribo: goed voor iedereen?, Nijmegen, April 2006, page 13.
La notion d’identité est vaste et peut référer à des dimensions ethniques, politiques, culturelles ou religieuses. Pour ne pas s’étaler sur toutes ces dimensions, nous allons nous poser la question de l’identité locale, qui elle est constituée de deux paramètres : géographique et morale. Le premier est celui d’un territoire qui est issu d’un métissage architectural, d’une juxtaposition des architectures influencées de populations différentes (occidentales, africaines, asiatiques). Le second est celui du moral ; vivre en harmonie malgré son origine différente. Un métissage d’ethnies différentes qui aspirent aux mêmes valeurs ; richesses culturelles, richesses naturelles, richesses culinaires, richesses linguistiques.
Ces définitions nous ont permis dans un premier temps de centrer notre regard sur la notion de l’identité et dans un second temps de voir ce qui la constitue dans le cas de Paramaribo. D’après Ennen59, le patrimoine ou l’héritage d’une population permet de le « considérer comme un produit consommateur ; il est consommé pour accentuer l’identité pour soi-même et pour le monde extérieur. »
Pour renforcer la notion d’identité, est-ce que les citoyens se retrouvent dans l’architecture locale, dans le centre historique, dans l’espace qu’ils vivent ? « Une ville peut porter l’identité d’une population », d’après Maartje Rijkers. Dans cette optique, quelle identité est mise en avant par le centre historique de Paramaribo ?
Cette identité géographique de Paramaribo, réside en un passé commun ; celui du colonialisme, des plantations, d’un territoire construit par différentes populations rapportées des continents différents. L’identité comme Maartje Rijkers le cite, « c’est cette aspiration personnelle d’appartenir à des histoires passées ; des éléments qui nous retranscrivent une image de nos racines60».
D’après quelques dictionnaires, ce que l’on décrit comme une identité est : « Caractère unique d’une communauté humaine formant une unité, une nation.56» « Ce qui fait qu’une chose est la même qu’une autre, que deux ou plusieurs choses ne sont qu’une ou sont comprises sous une même idée.57»
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Cette appartenance partagée par les citoyens permet d’avancer une identité nationale, qui est l’outil ou la dimension permettant de réunir des personnes qui ne se sont jamais vues auparavant, lutter pour une même cause. L’héritage à travers sa valeur identitaire ouvre des possibilités de rassemblement des personnes a priori semblables grâce aux éléments auxquels elles peuvent s’identifier. Nous pourrons alors considérer que le patrimoine architectural, de par sa richesse d’éléments historiques physiques, possède une valeur identitaire valable pour sa protection. Le patrimoine architectural peut aussi mettre en avant une identité d’une ville, notamment pour son unicité ou pour sa particularité par rapport aux autres villes. Il peut constituer une richesse fondamentale pour tisser des liens avec l’économie et son développement. L’identité d’une ville dépend fortement du patrimoine architectural, car celui-ci la distingue. Il est important de souligner que l’identité d’une ville constitue un point important. Grâce à son patrimoine, elle peut générer un processus économique. Comme nous avons pu le noter dans le chapitre 1, 4, d’après l’article de Saskia Cousin, le processus de patrimonialisation d’une ville est un enjeu politique et économique et permet dans le cas d’un pays en voie de développement d’exploiter ses richesses naturelles (patrimoine, réserves naturelles, cultures, etc.) afin de les utiliser comme moteur économique sous la forme d’un tourisme culturel. D’après l’auteur Kurt Krapf61, « Le tourisme est donc une modalité presque automatique de redistribution des richesses – à condition que des infrastructures soient mises en place – en même temps qu’un processus d’expansion des échanges internationaux, considérés comme bénéfiques à terme pour les pays du tiers-monde.
Enfin, l’économiste considère le tourisme comme un moyen de mettre en valeur les « matières premières » abondantes des pays en voie de développement : le climat, la nature et le patrimoine « Sans la venue des touristes étrangers, toutes ces richesses resteraient en friche, elles ne pourraient être exploitées économiquement et le pays manquerait une occasion unique de s’aider luimême » Au contraire, tous les aspects négatifs que le tourisme culturel peut engendrer n’est pas une dimension qu’il faut considérer comme mécanique et que le pays en voie de développement lui-même pourrait grâce aux doctrines mises en place par l’UNESCO et l’Icomos62, produire une économie saine. Du fait que cette notion de tourisme culturel présente de nombreux développements politiques et sociaux, nous ne nous concentrerons pas plus sur sa signification.
61 Dans un article paru en 1961, Kurt Krapf, premier « expert touristique » de la Banque mondiale, « Les pays en voie de développement face au tourisme. Introduction méthodologique», Revue de tourisme, 16 (3). 62 Le conseil international des monuments et des sites.
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L’identité morale N’importe la forme sous laquelle, cet esclavagisme s’est produit, les différentes populations partagent cette histoire souvent douloureuse. Nous pouvons dire dans le cas de Paramaribo (ou le Suriname pour élargir le champ), ces différentes populations étaient toutes dans la même posture, la même idéologie, la même joie si on préfère, quand des événements historiques ont été achevés.
L’identité morale comme l’explique Leibniz63, n’est pas entière celle que nous voulons exposer, car elle représente plutôt un état psychologique duquel il nous semble difficile de mesurer les fondamentaux. « Je ne voudrais point dire non plus que l’identité personnelle, et même le soi, ne demeurent point en nous et que je ne suis point ce moi qui ai été dans le berceau, sous prétexte que je ne me souviens plus de rien de tout ce que j’ai fait alors. Il suffit pour trouver l’identité morale par soi-même qu’il y ait une moyenne liaison de conscienciosité d’un état voisin ou même un peu éloigné à l’autre, quand quelque saut ou intervalle oublié y serait mêlé. Ainsi, si une maladie avait fait une interruption de la continuité de la liaison de conscienciosité, en sorte que je ne susse point comment je serais devenu dans l’état présent, quoique je me souviendrais des choses plus éloignées, le témoignage des autres pourrait remplir le vide de ma réminiscence.
63 LEIBNIZ, Nouveaux essais sur l’entendement humain, Publiés avec une introduction, des notes et un appendice, Paris, Henri Lachelier, Edition II, Livre II, 268p. - chap27. 64 Voir page 54, du DCPMPA. 65 Voir page 59, du DCPMPA. Fig. 66 Drapeau surinamien ci-dessus.
L’abolition de l’esclavage et l’indépendance sont deux événements qui nous témoignent de cette joie sur laquelle les différentes populations malgré leurs origines différentes, partageaient un sentiment d’union. Ces formes de rassemblements construisent des liens patriotiques et notamment cette identité morale qui n’est plus personnelle, mais locale. L’exemple de la France avec la devise Liberté, égalité, fraternité, nous montre jusqu’où différentes personnes peuvent se réunir autour des valeurs identiques ou dans un contexte géographique les valeurs exceptionnelles que propose le pays, le territoire, qu’est la France. Celle du Suriname peut être retrouvée dans le drapeau national qui est une traduction de toutes ces idées et aspirations nationales. Conçu par quatre couleurs, différentes dont trois en bandes ; le vert pour l’espérance et la fertilité, le blanc pour la justice et la paix, le rouge pour l’amour et le progrès et le jaune en forme d’étoile pour l’unité des 5 groupes ethniques d’origine qui on constitué le pays. Ajouté à ceci, la devise Justitia, Pietas, Fides (du Latin Justice, Piété et Foi) permet aussi de regrouper toutes les populations différentes, même si cela se base que sur une idéologie morale et peut être aperçue sur des nombreux éléments locaux (la monnaie, les drapeaux des institutions, les écoles, etc.).
On pourrait même me punir sur ce témoignage, si je venais de faire des commentaires innapropriés que j’eusse oublié un peu après cette maladie. Et si je venais à oublier toutes les choses passées, et serais obligé de me laisser enseigner de nouveau jusqu’à mon nom et jusqu’à lire et écrire, je pourrais toujours apprendre des autres ma vie passée dans mon précédent état, comme j’ai gardé mes droits, sans qu’il soit nécessaire de me partager en deux personnes, et de me faire hériter de moi-même. Et tout cela suffit pour maintenir l’identité morale qui fait la même personne. » Ce que nous préférons entendre par l’identité morale, est celle d’un ensemble ou d’un regroupement d’état de pensées. Dans le cas de Paramaribo, l’identité morale comme dans plusieurs villes coloniales, semble se focaliser sur l’héritage ou le passé esclavagiste.
Si l’identité morale reste une dimension sociologique, elle constitue néanmoins à travers le patrimoine architectural un moyen de remémoration.
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La valeur d’usage Comment défendre un patrimoine à travers la notion d’utilité ? Peut-on dire qu’un patrimoine est utile ou ne l’est pas pour une population, leur vie, leur bien-être ? Avant de répondre à ces questions, nous avons cherché sa définition comme réalisé précédemment avec les notions d’esthétique et d’identité. « La valeur d’usage désigne la valeur d’un bien ou d’un service pour un consommateur en fonction de l’utilité qu’il en retire par rapport à sa personne, à ses besoins et à ses connaissances dans des circonstances données.66» « L’utilité d’une chose fait de cette chose une valeur d’usage. Mais cette utilité n’a rien de vague et d’indécis. Déterminée par les propriétés du corps de la marchandise, elle n’existe point sans lui. Ce corps lui-même, tel que fer, froment, diamant, etc., est conséquemment une valeur d’usage, et ce n’est pas le plus ou moins de travail qu’il faut à l’homme pour s’approprier les qualités utiles qui lui donne ce caractère. Quand il est question de valeurs d’usage, on sous-entend toujours une quantité déterminée, comme une douzaine de montres, un mètre de toile, une tonne de fer, etc. Les valeurs d’usage des marchandises fournissent le fonds d’un savoir particulier, de la science et de la routine commerciales.67» « Aptitudes, réelles ou supposées, d’un bien à satisfaire un besoin ou à créer les conditions favorables à cette satisfaction.68» Que le patrimoine présente une valeur d’usage importante et que celle-ci soit défendue par des conservateurs semble quasiment lié aux valeurs précédentes et que les trois valeurs ne peuvent pas être dissociées. Sauf que la valeur esthétique ne peut présenter à elle seule un critère, car juger un objet beau ou le contraire, relève d’un jugement personnel et subjectif. Ce qui peut justement renforcer ce critère est cette valeur d’usage. Jusqu’à quel point, un patrimoine peut influencer la vie des citoyens ? Présente-t-il des atouts dans la vie quotidienne d’un citoyen ?
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D’après nos recherches de définitions, une valeur d’usage semble s’associer à une satisfaction. Plus le patrimoine a une valeur d’usage importante, plus il est capable de satisfaire des citoyens. Ils peuvent constituer des édifices du quotidien, qui peuvent embellir, réjouir, égayer, l’état d’esprit de quelqu’un comme ils peuvent aussi rappeler des événements, des mauvais souvenirs et des histoires sombres. Il est alors du rôle de ceux qui luttent pour la conservation, d’intervenir et de réfléchir à une éventuelle relecture de ces édifices en question. La tendance actuelle démontre que de nombreux édifices patrimoniaux retrouvent souvent une deuxième vie si leurs fonctions de départ (liées à des histoires obscures), sont reconverties en des fonctions et des usages plus gais. La transformation d’une prison en espace culturel à Rotterdam par exemple peut constituer un exemple fort, du basculement d’une fonction d’origine obscure. Un autre exemple à Rotterdam est celui de la fabrique Van Nelle, où le travail acharné des fabricants de cigarettes, café, cacao, est aujourd’hui remplacé par un centre pluridisciplinaire. Jusqu’à très récemment ces deux architectures contrastées n’ont plus aucune utilité, à cause des leurs fonctions et usages obsolètes, mais constituent des potentiels de reconversions uniques et précieux pouvant à la fois honorer un édifice significatif d’une époque et participer à l’histoire d’une ville reflétée par ces différentes couches physiques et historiques. Dans le cas de Paramaribo, le centre historique présente des centaines d’édifices pouvant participer à une fortification d’une identité locale et à une valeur esthétique. Soutenu par la plupart des citoyens, ce patrimoine local, présente non seulement pour eux un repère dans la construction de leur propre identité personnelle, mais constitue aussi des images dans lesquelles ils semblent tous adhérer. L’identité architecturale de Paramaribo est très forte et présente, mais difficile est de dire si elle tient une valeur d’usage importante.
66 D’après la définition du wiktionnaire, source internet. 67 MARX Karl, Le Capital; Livre I, Section I : Marchandise et monnaie, Chapitre 1, 42 p. - Page 3. 68 D’après la définition de Larousse, source internet.
En effet, comme nous allons le découvrir dans la partie prochaine, les édifices coloniaux du centre historique sont aujourd’hui confrontés à cette question ; quelle utilité ? À cette question, nous connaissons, une réponse très défavorable, car, elle constitue même le sujet de ce mémoire. La première réponse est : aucune69, car non seulement la plupart de ces bâtiments coloniaux sont laissés sans fonctions et usages, ils présentent des objets qui pour le moment demandent un investissement économique important. Si la dynamique urbaine nous montre qu’ils constituent des espaces de travail et de services à l’État forts importants, elle démontre aussi que ce n’est pas le cas à long terme et qu’ils forment même un facteur déstabilisant pour la vie sociale du centre historique (le départ des familles, l’insécurité de nuit, bâtiments vides, etc.). Trouver la fonction et l’usage qui correspondent aujourd’hui à ces anciens édifices, doit être une priorité lors de la conservation et la réhabilitation de ceux-ci. Encore faut-il que les citoyens soient convaincus qu’ils puissent être utiles
69 Nous avons soumis l’hypothèse et avons exagéré cette réponse d’après les recherches menées par Yves Blufpand et les étudiants belges; où l’on a constaté que non seulement la ville s’est vidée des familles, elle a une fonction très mono-orientée transformant la ville en dortoir à la fin du travail (16h).
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3.2. Des différences intergénérationnelles et sociales conduisant à un désaveu du patrimoine architectural. Renforcée par la recherche menée par Maartje Rijkers, cette présentation démontre en quoi les valeurs esthétiques , identitaires et d’usage ne suffisent pas complètement pour la conservation d’un patrimoine. Celle-ci demande d’être interrogée de manière plus sociologique. Dans la constitution de sa problématique de la recherche, Maartje Rijkers met en confrontation les valeurs ressenties par les citoyens (Selon deux catégories d’âge : seniors et jeunes) et les démarches de conservation du patrimoine. Elle essaie de mettre en évidence que la conservation d’un patrimoine n’est pas appréciée par tout le monde et que cela dépend de la personne ; son âge, son origine, son éducation, etc. Nous allons reprendre cette étude afin de présenter le sentiment d’appréciation mitigée selon deux catégories : - La génération - Les origines Tout d’abord, nous aimerions mettre l’accent sur le fait que ces études ont été menées dans le cadre de la recherche par Maartje Rijkers en 2006 et que les résultats peuvent différer aujourd’hui. Néanmoins, il est certain que les points que nous émettons reprennent un ressenti plus général et qu’ils constituent les bases d’un travail hypothétique. La génération Comme nous le savons, le Suriname est un pays, qui a été colonisé depuis le XVIIe siècle et représente aujourd’hui des générations différentes qui n’ont pas forcément vécu les mêmes situations. La ville, la vie, l’architecture auxquelles certaines générations sont attachées ne représentent pas les mêmes valeurs d’une génération à une autre. De plus, celles qui ont vécu durant le XVIIe siècle sont complètement différentes à celles qui ont vécu durant le XIXe siècle par exemple. Il est donc évident de tirer une conclusion provisoire, que le patrimoine n’est forcément pas une valeur universelle à laquelle tout le monde peut adhérer.
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Dès alors, il est important de questionner, même si cela implique, d’interroger des minorités, les différentes catégories d’une population complexe. En premier lieu, de par l’histoire coloniale que connaît Paramaribo, l’enquête de 2006, permet d’interroger deux générations différentes. La première est celle appartenant à la période avant l’indépendance ; les personnes âgées et la seconde celle appartenant à la période après l’indépendance ; les juniors. Elles sont représentées par deux subdivisions : 11 - 30 ans / 31+ ans La génération avant l’indépendance regroupe les personnes âgées ayant plus de 30 ans, ceci pour lier à leur âge le fait d’avoir vécu une époque proche du colonialisme. Cette génération a encore connu les plantations et les événements historiques tumultueux du Suriname. Elle a été confrontée aux différentes situations difficiles qu’a connues le pays qui transforme ce vécu souvent à une association d’une certaine rancune, rancœur, voire un déni envers les responsables de ces événements sombres. L’époque coloniale était synonyme de domination ; notamment une domination néerlandaise. Le centre historique présente des éléments architecturaux très hollandais et peuvent donc restituer une image sombre chez cette génération. Comme le dit Maartje Rijkers: « Le centre-ville est construit dans une large mesure au moment de la colonisation. Certains bâtiments ont des éléments néerlandais, comme l’utilisation de la brique. Pendant la colonisation, les Néerlandais dominaient sur la population surinamienne. Il y avait une relation de pouvoir/ soumission. Probablement, ceux qui ont vécu la colonisation hollandaise, ne regardent pas cette époque et donc ce patrimoine comme quelque chose de positive.70»
70 RIJKERS Maartje, Cultureel erfgoed in Paramaribo: goed voor iedereen?, Nijmegen, April 2006, page 8.
Les origines Cette génération peut considérer ce patrimoine comme néerlandais et si cela implique que ces personnes gardent des pensées négatives envers les dominants, probablement cela se traduirait par une influence négative sur l’appréciation du patrimoine architectural en question.
Une autre catégorie présente un paramètre d’appréciation nouveau, car il introduit la question d’origine. Elle est d’autant plus pertinente, car elle regroupe des personnes par groupes. Néanmoins, elle ne peut constituer un outil de mesure si on se réfère seulement à la question de l’ethnie.
La génération après l’indépendance, au contraire, n’a pas été confrontée à ces événements sombres liés au colonialisme. Cela n’exclut pas le fait qu’elle puisse éprouver une émotion ou un sentiment de compassion. Ce qui ressort des enquêtes est plutôt une attitude positive chez les jeunes. Il s’agit pour cette génération de conserver le patrimoine, car il permet notamment de construire leur identité. Le patrimoine leur est nécessaire afin de se rendre compte de leur histoire, de leur origine, de leur passé afin d’avancer sur des meilleures idéologies. Contrairement à la génération précédente, celle-ci peut attribuer des sentiments positifs au patrimoine architectural et conduire à une appréciation plus positive envers celui-ci.
Avoir des origines différentes ne signifie pas forcément que l’on pense différemment. Ce dernier est plus lié à l’identité morale et personnelle de la personne en question. Seul, nous semblent-ils, que le facteur du temps lié à l’ethnie, peut composer un outil de mesure pertinent. Nous pouvons considérer que les populations africaines, arrivées durant XVIIe siècle puissent penser différemment de celles arrivées à la fin du XIXe siècle (Asiatiques). En effet, la période durant laquelle les populations africaines sont arrivées est un contexte complètement différent à celui des populations asiatiques. Les dernières, n’ont pas vécu durant l’esclavage et sont arrivées comme travailleurs libres. Elles possédaient des droits et n’avaient pas la même sensation de dominance par rapport aux esclaves africains. Les populations asiatiques n’ont peut-être moins de pensées négatives aux éléments historiques que les rappellent des événements sombres. Arrivées beaucoup plus tard, ces dernières ont peut-être aussi moins d’attachement aux édifices coloniaux, car ils ne leur appartiennent pas forcément (aucun sentiment de rattachement à cause de leur époque de construction).
Maartje Rijkers pointe le suivant :
« Van Dithuizen cite dans un article paru dans De Ware Tijd (2003) que la plupart de la population surinamienne ne se soucient pas des bâtiments historiques. Les Javanais et les Indiens sont arrivés vers la fin du XIXe siècle, au Suriname, le centre colonial ne leur constitue pas d’énorme rattachement.
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Les Créoles autre-part, préfèrent ne pas être rappelés des maisons où leurs ancêtres comme des esclaves ont été victimes de mauvais traitements. En outre, la plupart des gens le voient comme quelque chose de néerlandais (Dithuijzen, 2003). Il est important pour Paramaribo que sa population soit consciente de l’importance du patrimoine. Avec cette conscience, nous pouvons d’avantage obtenir plus de financements, des bâtiments historiques obtiennent davantage d’attention politique et des experts seront embauchés pour protéger le patrimoine. »
Pour donner du sens à ces enquêtes, nous avons décidé d’en soustraire que certains éléments qui se concentrent sur le centre historique de Paramaribo lui-même. Les tableaux de Maartje Rijkers, présentent des nuances assez larges et ne sont pas juste de l’ordre de OUI / NON. Afin d’avoir des réponses trop nuancées et qui ne nous servent pas dans notre recherche, nous avons décidé de regrouper ses résultats de la manière suivante.
Dans les enquêtes menées par Maartje Rijkers, cette catégorie ne constituera pas un élément important pour les résultats. Ce qu’elle va chercher, est plutôt la catégorie d’âge parmi laquelle le point focal sera la différenciation entre les deux générations. Nous avons décidé de souligner la catégorie des origines, car elle permet d’ouvrir le champ des possibles et constitue un paramètre que l’on ne peut ignorer quand on intervient dans un contexte aussi complexe qu’une ville coloniale composée d’ethnies différentes. Afin de mesurer que les deux catégories différentes soutiennent la conservation du patrimoine, quelques questions ont été posées : 1. L’âge influence-t-il le soutien du centre historique ? 2. L’âge influence-t-il l’intention de préserver le centre historique ? 3. L’âge, constitue-t-il un outil de mesure d’appréciation d’un certain édifice du centre historique ? 4. L’âge influence-t-il l’intention de préserver certains édifices du centre historique ? Entre les 4 questions, nous pouvons noter une certaine ressemblance, mais la différence de ces questions résident en l’élément ciblé qui est différent à chaque fois : centre historique contre les édifices du centre historique, l’un représentant un ensemble de choses et l’autre représentant qu’un ou plusieurs édifices.
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NON
Helemaal oneens (entièrement en désaccord) Gedeeltelijk oneens (partiellement d’accord)
ABST Geen mening/Weet niet (Pas d’avis/Abstention) OUI
Gedeeltelijk mee eens (partiellement d’accord) Helemaal mee eens (entièrement d’accord)
Fig. 67 Tableaux d’après, Thèse RIJKERS Maartje, Cultureel erfgoed in Paramaribo: goed voor iedereen?, Nijmegen, April 2006, page 9.
Cultureel erfgoed in Paramaribo: GOED voor ie
Lim A Po straat
Jongeren Helemaal oneens Gedeeltelijk oneens Geen mening Gedeeltelijk eens Helemaal eens
% 82 4 4 4 7
Ouderen Helemaal oneens
40
Dans notre cas, il est intéressant de Gedeeltelijk oneens 10 savoir si le patrimoine architectural du centre historique Geen mening 40 Cultureel erfgoed in Paramaribo: GOED voor iedereen? présente un intérêt de conservation et le regroupement Gedeeltelijk eens des réponses permettent de nous donner une réponse claire. Par un enchainement de questions posées, nous Helemaal eens 10 avons Keizerstraat vu que les personnes âgées sont moins favorables Tabel III GOED Lim Avoor Po straat: Dit gebouw hoeft niet behouden te blijven Cultureel erfgoed in Paramaribo: iedereen? que les jeunes pour la conservation du patrimoine % architectural.
Fig. 68 Tableaux d’après, Thèse RIJKERS Maartje, qui montre que les jeunes s’opposent très souvent à la pensée globale des seniors, Cultureel e r f g o e d in Paramaribo: goed voor iedereen?, Nijmegen, April 2006, Annexes. Fig. 69 Fig. 70 Fig. 71
Tableaux _ Tableaux _ Tableaux _
Jongeren Helemaal oneens 89 Fort Zeelandia Keizerstraat Gedeeltelijk oneens 7 Geen mening % % Gedeeltelijk eens Jongeren Helemaal oneens 96 Jongeren Helemaal oneens 89 Helemaal eens 4 Gedeeltelijk oneens Gedeeltelijk oneens 7 Geen mening Geen mening Ouderen Helemaal oneens 43 Gedeeltelijk eens Gedeeltelijk eens Gedeeltelijk oneens Helemaal eens 4 Helemaal eens 4 Geen mening 57 Gedeeltelijk eens Ouderen Helemaal oneens 43 Ouderen Helemaal oneens 50 Helemaal eens Gedeeltelijk oneens Gedeeltelijk oneens 10 Tabel V Keizerstraat: Dit gebouw hoeft niet behouden te blijven Cultureel erfgoed in Paramaribo: GOED voor ied Geen mening 57 Geen mening 10 Gedeeltelijk eens Gedeeltelijk eens 10 Helemaal eens Helemaal eens 20 Lim A Po straat Ministerie van Financiën Tabel V Keizerstraat: Dit gebouw hoeft niet behouden te blijven Tabel IV Fort Zeelandia: Dit gebouw hoeft niet behouden te blijven % % Jongeren Helemaal oneens 82 Jongeren Helemaal oneens 96 Ministerie Gedeeltelijk van Financiën Gedeeltelijk oneens 4 oneens 4 Geen mening 4 Geen mening % Gedeeltelijk eens 4 Gedeeltelijk eens Jongeren Helemaal oneens 96 Helemaal eens 7 Helemaal eens Gedeeltelijk oneens 4 mening Ouderen Helemaal oneens 40 Ouderen Geen Helemaal oneens 62Gedeeltelijk eens Gedeeltelijk oneens 10 Gedeeltelijk oneens Helemaal eens Geen mening 40 Geen mening 38 Gedeeltelijk eens Gedeeltelijk eens Ouderen Helemaal oneens 62 Helemaal eens 10 Helemaal eens Gedeeltelijk oneens Dit gebouw Tabel III A Po straat: Dit gebouw hoeft niet behouden te blijven Tabel VI Ministerie van Financiën: hoeft niet behouden te Lim blijven Geen mening 38 Gedeeltelijk eens Helemaal eens Fort Zeelandia Tabel VI Ministerie van Financiën: Dit gebouw hoeft niet behouden te blijven % Jongeren Helemaal oneens 96 Gedeeltelijk oneens Geen mening Gedeeltelijk eens Helemaal eens 4 103 Ouderen Helemaal oneens Gedeeltelijk oneens
50 10
4.
Questionnement de l’identité architecturale du centre historique de Paramaribo.
Les différents éléments de recherches nous ont permis d’arriver à ce moment-ci et de conclure sur ce second chapitre, qui nous a fait prendre conscience qu’il existe de nombreux facteurs économiques, politiques et sociologiques liés à la valeur d’un patrimoine et la volonté de sa conservation. À ce stade, nous ne pouvons pas aller au-delà de notre recherche, car cela implique des recherches plus spécifiques et plus nuancées, que nous ne sommes pas en mesure de réaliser. Néanmoins, cette recherche jusque-là nous a permis de comprendre les différentes problématiques auxquelles le patrimoine architectural du centre historique de Paramaribo est confronté et s’il fallait mener un travail plus personnel et plus pertinent, qu’il est peutêtre judicieux de faire un travail sur soi-même. Nous trouvons ce travail sur soi, très important, non seulement pour prendre conscience de l’évolution d’une société complexe à laquelle nous appartenons, mais aussi important à prendre en compte, car il peut constituer un outil personnel pour l’appréciation du patrimoine et finalement être capable de dire sur quelles bases, nous aspirons à le conserver. Ce travail personnel sur soi-même, parait à nos yeux importants à aborder selon deux façons différentes. La première étant de faire sa propre lecture du contexte qui nous intéresse. En l’occurrence, une lecture du centre historique de Paramaribo, qui peut se traduire par une prise de conscience d’éléments historiques qui le composent. Sur quels fondements, ce patrimoine architectural a été construit ? Comment la ville s’est développée jusqu’à maintenant ? Par qui la ville a été bâtie ? Toutes ces questions nous mettent face à un retour historique qui nous semble primordial afin de savoir de quels éléments le centre historique s’est constitué.
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4.1. Les origines de cette architecture patrimoniale : un retour historique sur les fondements. Terre d’Amérique Latine, créolisée par différents mondes.
Tout d’abord, le Suriname se situe plus précisément en territoire de l’Amérique du Sud avec la Guyane (à l’Est), le Guyana (à l’Ouest), et le Brésil (au Sud) comme pays limitrophes. Situé au véritable centre de ces trois pays voisins, son contexte est assez différent du reste des pays d’Amérique Latine. D’une part, ces quatre pays, ensemble, sont les seuls sur le continent à ne pas parler l’espagnol comme première langue.
Dans cette partie historique, il est tout d’abord très important de noter que les sources des textes, que vous découvrirez au fil de la lecture sont issues d’une collection d’articles, des extraits de livres, des histoires transmises par les grands-parents ainsi que des reportages et des documentaires que nous avons pu récolter. Ces documents sont tous des éléments qui n’existaient qu’en néerlandais. Nous avons réécrit et reformulé certains de ces textes afin de produire une lecture qui nous semble le plus clair possible. Ce travail d’écriture a été renforcé par le travail de la traduction qui en soi était un travail intense de sélection d’informations.
71 D’après les statistiques de 2011 : http:// www.statistics-suriname. org/index.php/statistieken/ database/149-bevolking 72 Informations récoltées sur la plate-forme des statistiques nationales du Suriname. Aujourd’hui les statistics-suriname.org est la seule organisation fiable pour les données nationales. Malgré son imprécision par manque de capacités, elle permet néanmoins donnée une idée approximative.
Ceci est dû en partie par la colonisation du XVIIe siècle où les Néerlandais, les Anglais et les Portugais ont succédé aux Espagnols pour finir par les remplacer en conquérant ainsi ces territoires. D’autre part, contrairement aux trois autres pays voisins, malgré la mixité ethnique qu’ils connaissent aujourd’hui, le vrai peuple surinamien est une créolisation de différentes ethnies, qui se sont établies depuis le XVIIIe siècle. Avec ses 539 910 habitants71, le Suriname est actuellement le pays le moins peuplé et le pays le plus jeune du continent Amérique-latin. Sur ce territoire quasiment vierge (90 % de la superficie du territoire est couvert par la forêt tropicale), vivent à présent Amérindiens (2 %), Créoles (31 %), Marrons (10 %), Juifs (1 %), Indiens (37 %), Indonésiens (15 %), Chinois (2 %) et d’autres ethnies minoritaires mais non-négligeables : Libanais, Blancs (Néerlandais et Boeroes = descendants de colons ruraux d’Afrique du Sud) et Brésiliens72.
Avant de s’interroger sur les caractéristiques de l’architecture patrimoniale du Suriname, nous allons à la recherche de ses racines. En établissant les origines de cette architecture, cela permettra plus tard, de mieux constituer une grille d’analyse qui regroupera les caractéristiques différentes de celle-ci. Cette recherche consiste à puiser dans l’histoire et la géographie du pays. L’orthographe officielle est le « Suriname » , mais le « Surinam » est toujours employé dans certaines œuvres et certains contextes. Pour ne pas confondre et mélanger ces deux orthographes, nous avons décidé d’employer la première, vu qu’elle est officiellement utilisée par l’ONU, l’Union européenne, la commission de toponymie de l’institut national de l’information géographique et forestière et d’autres organismes importants. Le Suriname, est un pays très jeune, mais fort imprégné d’histoire. Chercher à définir ce qu’est ce pays, demande un investissement riche en matières historique et géographique. C’est pour cela que nous allons décrire et élaborer un portrait succinct de cette terre assez inconnue au reste du monde entier.
De ces différentes ethnies sont apparus les doglas, métisses en sranan tongo. Ces nouvelles populations métissées ont un héritage culturel très riche. D’une part, ils sont souvent polyglottes et héritent des savoirs de leurs ethnies originelles respectives, que l’on retrouve aussi dans l’architecture. D’autre part, ils sont la preuve d’une vraie mixité ethnique aujourd’hui, jusqu’à en définir ce qu’est un vrai sranan man73. Ce brassage ethnique a résulté par un emploi de langues assez multiple, allant du néerlandais, à l’espagnol, à l’anglais, au chinois, au javanais, au créole, à l’hindi et au portugais pour en citer juste les plus parlées. Le répertoire de langues parlées au Suriname s’élève actuellement à quinze langues.
73 Sranan man signifie homme surinamien en sranan tongo.
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Pour l’institution, le néerlandais est la langue officielle du pays et la langue maternelle pour 300 000 locuteurs sur la totalité d’habitants. De ces différentes langues est née le créole surinamien, aussi officiellement appelé, le sranan tango. Il est apparu durant l’esclavage et est issu d’un mélange de l’anglais, le néerlandais et l’espagnol. Les esclaves communiquaient entre eux pour brouiller la compréhension de leurs maîtres. Découverten 1500 par les Espagnols, ce territoire n’a cessé de muter et de se transformer. Que ce soit du point de vue territorial ou du point de vue de sa population, cette transformation continuelle se concentre notamment autour de la notion du métissage. Nous avons employé ce terme tout au long du mémoire, car non seulement il constitue un élément fondateur de la recherche, mais est aussi l’élément majeur du patrimoine architectural et du patrimoine culturel74 du Suriname. Ce métissage est aujourd’hui présenté comme un point important dans la vie sociale des citoyens. Le citoyen surinamien prône cet élément, qu’ils estiment, fondateur pour l’établissement de leur identité nationale. Cette identité, constituée par des règles et normes sociales est reflétée par la construction d’une image, notamment l’architecture, qui en est une. Par ce fait, l’architecture reflète aussi les différents aspects de cette population métissée. Nous verrons plus loin que cette architecture n’est pas constante ni identique, d’une époque à l’autre. Elle est une sorte de juxtaposition des époques différentes. À l’heure actuelle, malgré cette juxtaposition de différentes architectures héritées de différentes populations, il est appréciable de noter une forme d’harmonie urbaine dans le centre historique. Au contraire, la question douloureuse, qui veut opposer cette harmonie, est celle des citoyens qui font partie des générations avant l’indépendance de 1975. Elle se concentre sur la conservation de l’architecture «coloniale».
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Entre les générations d’avant et les générations actuelles, il y a une différence importante par rapport à cette volonté de conservation patrimoniale. Comme on l’a évoqué dans la partie 3, d’un côté, ces générations d’antan n’aiment pas être soumises au rappel des périodes douloureuses de leur passé et l’architecture est un des éléments qui constitue ce rappel. De l’autre côté, les générations nouvelles admirent l’architecture coloniale, pour pouvoir s’imaginer leur histoire et retracer leurs racines en quelque sorte. Pour comprendre cette architecture coloniale héritée, appréciée selon différents degrés et selon différentes générations, nous allons d’abord retracer le fil de l’histoire depuis la création du centre historique de Paramaribo au temps de l’esclavage. Nous retraçons tout d’abord les événements historiques qui se sont enchaînés depuis la conquête coloniale. En commençant par la colonisation de 1613, en passant par l’indépendance de 1975 et pour terminer sur l’état actuel des liens politiques que le Suriname entretient avec le reste du monde. Nous verrons à travers cette reconstitution historique, comment la ville de Paramaribo et plus précisément son centre historique, s’est développé au cours du temps. De plus, cette transformation historique et continuelle du pays et de sa population, influence directement la construction architecturale. Les différentes ethnies qui se sont installées au fil du temps, ont chacune apportée leurs techniques, leurs savoirs faire et leurs méthodes de construction. Ces éléments ont contribué à l’image, celle de l’architecture, de leurs époques respectives et constituent aujourd’hui en partie le patrimoine architectural de Paramaribo.
74 Culturel c’est-àdire vis-à-vis des différentes ethnies, leurs apports.
La colonisation à partir de 1613 Nous considérons les architectures datant de cette époque déjà comme du patrimoine architectural, car c’est en effet depuis ce moment qu’elles vont s’établir et vont rester intactes jusqu’à nos jours. Cette architecture coloniale de 1613, est celle d’une petite communauté établie par deux colons néerlandais. Ils arrivent sur le territoire que l’on nommait Parmubo ou Permerba, situé près de la crique Paramari, sur la côte est du fleuve du même nom Suriname.
fig. 72 Gravure de la communauté Parmubo, à l’arrivée des colons, document des archives coloniales. BENOIT, Pierre Jacques (1782-1854) Voyage à Surinam : description des possessions néerlandaises dans la Guyane : cent dessins pris sur nature par l’auteur, Bruxelles : Société des BeauxArts, © Manioc. fig. 73 Gravure de la population amérindienne et leur premier échange avec un colon espagnol, document des archives coloniales. BENOIT, Pierre Jacques (1782-1854) Voyage à Surinam : description des possessions néerlandaises dans la Guyane : cent dessins pris sur nature par l’auteur, Bruxelles : Société des BeauxArts, © Manioc.
Les colons arrivent sur un territoire qui appartenait aux habitants originaires, c’est-à-dire les Amérindiens. Ces habitants originaires du territoire sont des tribus qui pour la plupart du temps, vivaient dans des petites communautés toujours à proximité du fleuve et en plein milieu forestière. Nous estimons aujourd’hui que cette population s’est installée aux alentours de 1100 avant J.C. Par la suite, nous connaissons l’arrivée d’autres populations indigènes telles que les Arawaks au premier siècle et les Karibs et Tupis à partir de 900. Ces populations continuent toujours à vivre dans des tribus dans la profonde jungle de l’Amazonie, une vaste zone forestière que les quatre pays voisins partagent entre eux. Les Européens échangeaient avec les Amérindiens des produits et des marchandises locales dans le but d’établir un premier lien, mais finissent finalement de les chasser de leur territoire. Néanmoins, certains Amérindiens continuaient à marchander avec les Européens et par ces échanges premiers, sont nés les premières habitations occidentales. Des constructions de simples palissades en bois pour assurer une protection minime, ont été les premières traces de cette civilisation occidentale. D’après la thèse de Maartje Rijkers datant de 2006 et l’ouvrage nommé « Architectuur en bouwcultuur in Suriname » d’Olga van de Klooser, le centre historique de Paramaribo est un nom dérivé de ce territoire, anciennement appelé, Parmubo ou Permerba.
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Pour que Paramaribo devienne le véritable centre, il faut attendre trois siècles plus tard. Autour des années 1640-1644, les Français succèdent les Néerlandais et commencent la construction de la forteresse de défense territoriale. Les Français ne réussissent pas à occuper le territoire pour longtemps, car les Anglais l’ont envahi, avec quelque trois cents planteurs d’origine de la Barbade, sous le commandement de Sir Francis Willoughby Lord of Parham. Ils bâtissent la forteresse commencée par les Français et l’attribuent le nom du Fort Willoughby en 1651. Au même moment, dans les années 1660, d’après cette même œuvre de Martje Rijkers, les Juifs séfarades se sont installés au long de la rivière le Suriname. Cette population, très détestée par les Occidentaux, a finalement eu l’accord de Francis Willoughby, d’exercer avec liberté leurs modes de vie. Les Juifs pouvaient alors commercer, acheter et posséder des terrains et avant tout pratiquer leur culte publiquement. Par la suite, cette population s’est agrandie et en 1659 plus précisément, le représentant de la communauté juive à Amsterdam, Paulo Jacomo Pinto, fait créer un véritable village près de Thorarica ; qui était à cette époque la « ville » la plus habitée du territoire surinamien, par des Amérindiens et des colons européens. Cette communauté juive s’est avérée très « utile » pour les colons occidentaux, car ils faisaient très bien marcher les plantations. C’était des bons travailleurs et ont rendu des services importants aux propriétaires de plantations. C’est en partie, grâce à leurs services que les colons maintiennent cette population à Thorarica et font venir de nombreux autres Juifs. À cette époque, les conquêtes européennes se reproduisaient successivement entre les Anglais, les Français et les Néerlandais. Les Néerlandais ont finalement eu leur dernier mot avec leur reconquête de 1667 sous Abraham Crijnssen et avec l’aide des marrons cachés dans la jungle. Ils récupèrent la forteresse et lui donnent le nom qui sera porté jusqu’aujourd’hui, du Fort Zeelandia.
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En rétablissant et agrandissant cette forteresse, la capitale Paramaribo, devient véritablement le centre du Suriname, laissant l’ancienne ville, Thorarica : située à 50km de celle-ci, comme une zone commerciale et secondaire. En cette même année, le traité de Breda a été signé, ce qui signifie la fin des conquêtes entre les pays européens. Un accord a été trouvé pour que NewYork (anciennement, Nieuw-Amsterdam) revienne aux Anglais et que le Suriname appartient dorénavant aux Néerlandais. L’arrivée d’Abraham Crijnssen, a renforcé le territoire appartenant maintenant aux Néerlandais pour les prochains trois cent ans. Durant lesquels, le territoire a été exploité sous forme de plantations, faisant de cette colonie, un endroit où esclaves rapportés d’Afrique et Juifs travaillaient afin de produire du sucre, du café, du cacao, du coton, de l’indigo et du tabac. L’exploitation a très vite fait de Paramaribo un territoire en pleine expansion, créant ainsi des habitations, des marchés et surtout un nouvel endroit administratif pour les dirigeants et les maîtres. Durant cette même période, le développement de Thorarica en parallèle, était aussi important que celui de Paramaribo, mais pour plusieurs raisons, il s’évidera lentement. En effet, les différentes attaques des Karibs, le départ des habitants juifs et la peste de 1670, ont complètement dépeuplé Thorarica. Paramaribo se voit alors, de plus en plus se développer avec des exportations constantes vers les Pays-Bas. Avec l’arrivée du gouverneur van Sommelsdijck75 en 1683, Paramaribo, devient officiellement la capitale du Suriname. Les activités politiques et économiques se sont alors concentrées uniquement sur ce territoire-ci. De nombreux Néerlandais se sont installés dans cette capitale avec l’intention d’y vivre pour longtemps. Cette colonisation s’est au fil des années énormément développé, avec l’aide notamment des populations ramenées de l’extérieur. Nous allons décrire plus précisément, l’arrivée de ces populations successives à travers l’architecture représentative de leur époque.
75 Cornelis van Aerssen van Sommelsdijck était un colonel de cavalerie. Il a été gouverneur du Suriname du 28 Novembre 1683 jusqu’au 19 Juillet 1688 le jour où il a été tué. Van Aerssen était liée aux Marquis de Saint André Montbrun, situé au pied du Mont Ventoux, grâce à sa femme, la fille d’un soldat français illustre, Alexander du Puy.
76 Le documentaire intitulé, Andere Tijden, est une collection de deux épisdes dans laquelle nous pouvons retrouver l’histoire de la colonisation du Suriname et le parcours avant son indépendance. fig. 74 Gravure d’une demeure amérindienne dans la forêt profonde, document des archives coloniales. BENOIT, Pierre Jacques (1782-1854) Voyage à Surinam : description des possessions néerlandaises dans la Guyane : cent dessins pris sur nature par l’auteur, Bruxelles : Société des BeauxArts, © Manioc.
Nous estimons que chaque population est arrivée avec sa culture, ses modes de vie, ses habitudes, que l’on va retrouver systématiquement dans l’habitat et les édifices qu’ils auront eus en leur possession. De cette colonisation de 1613, nous pouvons noter premièrement la mise en protection d’un territoire, sur lequel vivaient déjà des populations : les Amérindiens et que ces populations ont constamment essayé de protéger leur territoire sans succès. Nous pouvons très bien le voir dans le documentaire76 de « Andere tijden : Leven in koloniaal Suriname », de Paul Ruigrok, où les premiers échanges décrits au début du paragraphe, ont été les premiers signes de contact entre Occidentaux et Amérindiens. Par une triade de marché et des échanges, ils ont progressivement cédé leur territoire. Dans les années qui suivent, ces populations vont de plus en plus chercher à s’éloigner de Thorarica et de Paramaribo, pour retrouver des modes d’habitat qui leur correspondaient au mieux. Dans les prochains chapitres, nous verrons notamment comment les habitants de cette époque ont vécu sur ces différents territoires et quelles modes de vie, ils avaient adapté. Nous verrons une évolution de la ville au fil des décennies plus en détails et une rétrospective courte des événements historiques concernant l’arrivée des esclaves africains, des Juifs et des planteurs asiatiques.
fig. 75 Gravure d’un colon qui visite un village amérindien, document des archives coloniales. BENOIT, Pierre Jacques (1782-1854) Voyage à Surinam : description des possessions néerlandaises dans la Guyane : cent dessins pris sur nature par l’auteur, Bruxelles : Société des BeauxArts, © Manioc.
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L’indépendance de 1975 Durant trois siècles, le Suriname sera colonisé par les Pays-Bas en faisant du territoire d’outre-mer, un endroit stratégique pour les Néerlandais. L’indépendance du Suriname a été obtenue par un sentiment de trahison. D’un côté, les Pays-Bas voulaient absolument couper tous les liens avec le Suriname, notamment pour des raisons économiques et politiques. Nous sommes à la fin des années 1930, quand presque toutes les colonies obtiennent leurs indépendances respectives. Les Indes néerlandaises n’appartenant plus aux Pays-Bas à ce moment-là, à cause de la défaite durant les deux guerres mondiales successives. Les Allemands ont le pouvoir sur les Néerlandais et ceux-ci perdent les Indes néerlandaises à la faveur des Japonais. En 1945, les Indes néerlandaises proclament leur indépendance et deviennent officiellement l’Indonésie. Cette indépendance crée des échos dans les autres colonies encore sous pouvoir néerlandais. En effet, après la deuxième guerre mondiale, les Pays-Bas promettent plus de liberté à ses colonies. En 1942 par une émission passée à la radio Oranje, depuis Londres, la Reine Wilhelmina77 proclame que toutes ses colonies d’outre-mer, auront davantage plus d’autonomie. Cette nouvelle était pour les Surinamiens, une première étape vers une éventuelle indépendance. Néanmoins, le Suriname était très loin d’être autonome et ne possédait aucune capacité de diriger son propre pays. En 1954, la reine Juliana met en avant la charte pour le Royaume des Pays-bas, ce qui veut dire qui tous les pays au sein du Royaume sont considérés à égalité. Les Surinamiens pouvaient alors obtenir la nationalité néerlandaise. À la fin des années 1950, quelques intellectuels d’origine surinamienne ayant profité une éducation et une présence aux Pays-Bas, font entendre leur voix. Ils créent le parti politique PNR (parti nationaliste républicain) et demandent une indépendance le plus tôt possible. Il faut attendre quelques années plus tard, quand les différences ethniques ont défavorisé et scindé la fraternité au sein du peuple surinamien.
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Les deux populations les plus importantes du Suriname : les Africains et les Indiens, n’étaient pas en accord et c’est à ce moment précis que chaque ethnie était dès lors représentée par un parti politique différent. D’un côté, les Africains avec le NPS (En français PNS : parti national du Suriname) et de l’autre côté les Indiens avec le VHP ( en français PRP : parti pour une réforme progressive). En 1973 ils n’ont pas pu obtenir une coalition et le NPS prend alors le pouvoir sous Premier Henk Aaron en réclamant une indépendance « pour 1975 au plus tard78». Cependant, le Suriname n’était toujours pas prêt. Nous allons voir un peu plus loin pour quelles raisons précises. Ces informations historiques permettent notamment de comprendre comment le territoire a été dominé et de quelles influences il a justement profité avant d’arriver aujourd’hui à un territoire métissé. Les Pays-Bas versent jusque-là de l’argent constant pour améliorer la situation dans ses colonies, notamment pour le développement de l’éducation nationale et la santé. Cet argent très conséquent est très mal distribué dans la gouvernance du Suriname. Toutes les constructions des hôpitaux, des écoles, des infrastructures, etc. étaient financées par les Pays-Bas. Cette architecture n’a pas pu s’établir sans l’influence néerlandaise. Nous pouvons alors comprendre pourquoi le Suriname, n’a jamais été prêt pour son indépendance. Car à ce stade, les ressources locales n’avaient aucun poids significatif pour que l’économie du pays reste dynamique. En coupant les ponts avec les Pays-Bas, une grande partie des Surinamiens craignaient le chaos et l’effondrement de l’économie, mais aussi la société. Les années 1970, ont été des années charnières pour les Surinamiens. Entre les différents partis politiques qui n’étaient pas en accord pour le futur du pays et les éclats « ethniques » au sein du pays, l’état actuel était plus que désastreux pour une indépendance. Néanmoins, les Pays-Bas font tout pour donner l’indépendance et notamment pour une deuxième raison plus politique et sociale.
77 D’après l’article de Yoris Makman, http:// www.isgeschiedenis.nl/ nieuws/25-november1975-onafhankelijkheid-vansuriname/ 78 Citation de Henk Aaron lui-même voulant une indépendance dans les meilleurs délais.
En effet, la période de chaos au Suriname, a créé une peur parmi le peuple. Pour la crainte de plusieurs choses : pauvreté, guerres, etc., de nombreux Surinamiens sont partis vivre aux PaysBas, environs 36.399 au total à la fin de 197579. Ce flux d’immigration était plus qu’inattendu de la part des Pays-Bas. Économiquement, le pays a pris un sacré coup et n’était pas en mesure d’accueillir un tel nombre « d’immigrants » (certains Surinamiens ne possédant pas la nationalité néerlandaise) sur leur territoire. Pour arrêter cette immigration, le processus de l’indépendance a été accéléré et les politiques ont mis en place de nombreuses lois mettant en accord les Surinamiens et les Néerlandais.
79 Chiffre d’après http:// www.historischnieuwsblad.nl/ nl/artikel/5552/verlangennaar-suriname.html fig.76 Photographie de la célébration par le peuple, Een vol één natie = Un peuple, une nation, © Nationaal Archief, Den Haag, nummertoegang 2.24.01.07, 1975. fig. 77 Photograpie de la célébration de l’indépendance avec les représentants de l’Etat ; Henck Arron, la Reine Beatrix et Johan Ferrier, Nationaal Archief, Den Haag, Rijksfotoarchief: Fotocollectie Algemeen Nederlands Fotopersbureau (ANEFO), 1975, © Wikikids.nl
Le 25 novembre 1975, est enfin le jour où le Suriname obtient l’indépendance. Malgré la peur de certains citoyens envers cette indépendance, une sensation de fraternité était de nouveau, née parmi le peuple. Les différents partis politiques ont juré aller de l’avant et travailler pour la construction d’un pays autonome et surtout indépendant. Les Pays-Bas offrent 3,5 Milliards gulden au Suriname pour les dix à quinze années qui suivent l’indépendance. Les années qui suivent n’ont pas été faciles, mais l’économie du pays prévoyait un boom positif. La bauxite, le pétrole, ainsi que l’agriculture se développent de plus en plus en la ville se répand très rapidement dans les années 1980 avec l’expansion urbaine vers la périphérie.
fig. 78 Photograpie de la célébration de l’indépendance de deux jeunes citoyens tenant un drapeau du Suriname, © Yoricksmakman, 1975.
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Les interruptions économiques et politiques avec les Pays-Bas à partir de 2010. En 2010, Desi Bouterse est élu président de la République. Cette élection va susciter énormément de polémique, non seulement aux Pays-Bas, mais aussi au sein du Suriname. Son élection n’a rien d’étonnant, car Desi Bouterse a été l’homme politique, peut être le plus connu dans les quarante années précédentes. Notamment pour plusieurs coups d’état qu’il a menés avec l’armée nationale sous 16 leaders en 1980 pas très long après l’indépendance, il va aussi reprendre le pouvoir du pays dans les années succédant son élection de 2010. Cette dernière manifestation sera plus que décisif entre les relations néerlando-surinamiennes. Économiquement et politiquement, le président Desi Bouterse, veut couper tous les liens avec les Pays-Bas et développer des relations plus proches dans l’Amériquelatine et les Caraïbes. De l’autre côté, les Pays-bas, à partir de là, se ferme au Suriname. Le président Desi Bouterse est encore pris dans des affaires judiciaires, mais son élection exclut toute implication devant la cour de justice. Ces derniers points constituent un frein pour le développement du Suriname. Beaucoup d’infrastructures (le pont Wijdenbosch qui relie les deux rives, les systèmes de drainage, les routes, etc.) étaient des manœuvres néerlandaises. Des techniques de construction que peu de Surinamiens maitrisent au jour d’aujourd’hui. Malgré ces coups dures, le territoire veut encore plus se développer et les découvertes récentes du pétrole sur le littoral permettent de donner un optimisme important. Nombreux sont les étudiants qui se spécialisent à l’étranger pour revenir et aider à construire leur pays. La réélection du président Desi Bouterse en 2015 donne un nouvel élan pour l’instant favorable, mais qui commence à recevoir des rebondissements négatifs ; l’inflation et le manque d’exploitations des propres ressources.
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4.2. Une architecture à l’image de son peuple : un métissage architectural grâce au métissage ethnique. La mosaïque d’architecture à l’image de d’une population juxtaposée et rapportée. La partie précédente nous a permis de comprendre le contexte sous un angle économique et politique. Non seulement, a-t-il permis de nous familiariser avec le territoire, mais établit aussi les dates historiques clefs que nous allons utiliser dans cette prochaine partie. En effet, la période coloniale a duré presque quatre siècles. Ce qui est dans l’histoire du monde, une durée significative. Le colonialisme a apporté avec lui, de nombreux points que l’on ne discutera pas dans ce mémoire. Nous allons dans ce chapitre se focaliser sur la construction de la ville de Paramaribo. Une construction urbaine, très singulière et spécifique du continent d’Amérique-Latine. Grâce aux différentes périodes dans l’histoire du Suriname, nous en avons pu identifier cinq moments clefs. En regardant en arrière, ces moments successifs se sont juxtaposés avec une certaine harmonie dans la ville de Paramaribo. Nous devons cette juxtaposition, notamment grâce aux différentes populations qui y ont vécu. L’architecture était-elle le reflet de son peuple durant les époques coloniales ? Est-elle aujourd’hui encore le reflet de ce peuple qui a évolué ? L’architecture a-t-elle évolué avec le changement de son peuple qui est maintenant plus métissé qu’avant ? Nous allons à la recherche des architectures significatives et reflétant les cinq moments clefs dans l’histoire du Suriname.
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L’architecture coloniale du XVIIème des colonisateurs. Après l’implantation du fort Zeelandia en 1631, l’expansion de Paramaribo s’est faite très lentement. Aux alentours de 1680 quelques cinquantaines de maisons en bois se sont construites à proximité de la forteresse80. Cela permettait d’avoir une sorte de protection de la ville ; qui s’est ensuite développé vers l’ouest du territoire avec des rues larges, très arborées, créant de grandes promenades. Nous pouvons voir sur la carte datant de 169081, les premiers tracés des rues majeures. Les maisons alignées au fleuve ainsi que celles alignées aux axes qui correspondent aux Waterkant, Gravenstraat et Heerenstraat qui d’ailleurs, continuent à porter leurs noms jusqu’aujourd’hui. Ces quelques maisons n’étaient que des petites constructions en bois qui logeaient marchands, marins et quelques maisons de maîtres néerlandais et des esclaves. À cette époque, on pouvait déjà noter la présence de petits bars et de petites « maisons de plaisir ». L’architecture était celle des Occidentaux : anglaise, française, et néerlandaise. Les maisons construites (voir fig. 78) ressemblaient aux maisons occidentales ; très symétriques et très sobres, elles étaient des imitations des maisons européennes mais transformées, c’est-à-dire qu’on employait les matériaux locaux, en l’occurrence le bois. Les maisons étaient blanches et étaient dotées d’une toiture rouge. Les fenêtres et les portes très simples étaient souvent peintes en vert ou en gris. À la fin du XVIIe siècle, il y habitait environ 300 colons et 3 000 esclaves qui travaillaient sur les 30 hectares de plantations de cannes à sucre. Vers la fin du XVIIe siècle, les Juifs occidentaux ainsi que les Juifs portugais venant du Brésil se sont installés dans un village qui s’appelle Jodensavanne (la savane des Juifs), très loin de Paramaribo. La ville se répand progressivement jusqu’à ce que la période de l’esclavage au vrai sens du terme a commencé. C’est-à-dire au début du XVIIIe siècle. Les colons européens voyaient en cette exploitation agricole des bénéfices assez furtifs et font venir travailler des esclaves africains (fig. 79)
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80 D’après l’écrit de Maartje Rijkers et le DCPMPA. 81 Carte du centre ville de Paramaribo, dessinée par A. Maars, référence plateforme SGES, © SGES, 1690. fig. 79 Gravure d’une scène journalière de Parmaribo, quelques maisons coloniales et des esclaves africains, BENOIT, Pierre Jacques (1782-1854) Voyage à Surinam : description des possessions néerlandaises dans la Guyane : cent dessins pris sur nature par l’auteur, Bruxelles : Société des BeauxArts, © Manioc, 1631. fig. 80 Gravure d’une plantation et des maisons d’esclaves africaines, © SGES.
L’architecture coloniale du africains et planteurs juifs.
XVIIIème des
Les Juifs qui s’étaient installés à quelques km de Paramaribo, à Jodensavane (fig 80), se sont de plus en plus envahis par les Marrons. Ces derniers étaient à l’origine des esclaves africains qui ont pris la fuite. Nous avons pu puiser certains faits historiques dans l’œuvre, Capitaine au Suriname : « Une campagne de cinq ans contre les esclaves révoltés », de G. Stedman, édité à Londres en 1794. Pour leur maltraitance et les conditions plus que dérisoires, ces esclaves se sont échappés et se sont cachés dans la jungle. On les nomme aussi les businenge, bosnegers en néerlandais ou bien les nègres de la jungle en français. Cette nomination souligne des faits historiques très discriminatoires, car c’est un terme qui est à l’origine employé pour les animaux domestiques fugitifs. Elle apparait pour la première dans l’île Saint-Domingue et se répand par la suite partout sur les territoires esclavagistes des Amériques. Ce terme désigne à la fois les nègres de la jungle, mais veut avant tout désigner l’acte de la fuite : qui symbolisait pour les esclaves un premier moment de liberté.
fig. 81 Gravure du Jodensavane, situé sur des collines près du fleuve, Suriname, © SGES, 1800. fig. 82 Photographie d’un village africain ; maisons alignées à la rue, Suriname, © SGES. fig. 83 Une famille d’origine africaine dans un village et en costume traditionnel, Suriname, © SGES.
Aujourd’hui, au Suriname et en Guyane française, les businenge sont les seules populations des descendants directs d’une vraie communauté (fig. 81) « marronne ». Partout dans les autres pays d’Amérique latine, ces populations ont été poursuivies et anéanties. De nos jours, on peut toujours retrouver ces communautés implantées aux longs des fleuves et forêts intérieurs du territoire surinamien. Ces communautés ont leurs propres infrastructures, car il y a une certaine organisation et méthode particulière lors des constructions des villages au sein de cette communauté. Les maisons sont des cabanes souvent construites en bois (troncs d’arbre pour la structure, branches pour la toiture et les murs, etc.). En Guyane française, certaines de ces maisons, sont appelées des carbets. Les photos datant du début XXe siècle montrent encore les populations dans leurs pratiques et vêtements traditionnels (fig. 82).
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L’architecture coloniale du XIXème des ouvriers asiatiques; Venant de l’Indonésie, de l’Inde et de la Chine. Cette architecture, très caractérisée par des maisons individuelles selon une structure de village ou de petite communauté, est une construction principalement en bois. Ces villages se développent dans les terrains de plantations et très loin de la capitale de Paramaribo. Commewijne, situé sur l’autre rive face à Paramaribo est devenu dans la seconde moitié du XIXe siècle un territoire d’exploitation agricole important. Clevia, Lelydorp et dans le district Wanica, de nombreuses autres plantations ont été développées. La canne à sucre pour la production du sucre roux et du rhum, était l’exploitation agricole la plus importante à cette époque. Les travailleurs, arrivés en grande partie de l’Indonésie (fig. 83), s’installaient alors dans ces petits villages, où leurs modes de vie et leurs traditions se démontrent à travers une architecture très adaptée. Nous pouvons voir quelques impressions de ces habitations plus loin.
La seconde arrivée de travailleurs était une grande partie issue de la Chine (fig. 84). Moins couteux que les Indonésiens, les Chinois ont travaillé sur les plantations notamment situées dans le district Saramaracca. Au fil des années, ces travailleurs chinois, ont progressivement gagné le centre-ville de Paramaribo où ils prennent des métiers de petits commerçants. Aujourd’hui, l’immigration chinoise est toujours en constante évolution ; elle constitue notamment un des facteurs économiques importants dans la société surinamienne. De nombreux commerces et restaurants ont notamment envahi le centre-ville et d’autres rues commerçantes se sont développées dans les grands axes majeurs qui relient le centre-ville aux périurbains. L’architecture d’une maison chinoise se compose d’un rez-de-chaussée dédié au commerce ou à la restauration et un second niveau dédié à l’habitation. Dans d’autres modèles que l’on voit régulièrement se construire, nous pouvons aussi retrouver un développement de la façade entière pour le commerce ou restauration et le fond de parcelle dédié à l’habitation.
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fig. 84 Photographie d’une famille d’origine indonésienne avec leur chef de plantation, Suriname, © SGES. fig. 85 Photographie d’une famille d’origine chinoise, Suriname, © SGES.
L’arrivée des Indiens (fig. 85), constitue peut-être une des plus importantes dans l’histoire du Suriname. Elle représente aujourd’hui la plus grande minorité de la population entière du Suriname. Arrivés à la fin du XIXe siècle pour travailler dans les plantations situées à l’ouest du pays ; districts Nickerie, Coronie, etc., ces derniers ont pendant longtemps constitués un groupe d’individus fort intellectuels dans la gouvernance du pays. Notamment grâce à leur développement individuel sur les plantations, dont ils sont souvent devenus les maîtres et les propriétaires. Leurs exploitations des champs leur ont fait progressivement acquérir des statuts favorables jusqu’à en constituer des familles nombreuses de classes moyennes. Les enfants de la deuxième génération constituaient des représentants de droits forts emblématiques et pouvaient se présenter aux postes les plus réservés. Ils constituent notamment un des partis politiques importants dans la vie politique du Suriname. Le parti politique VHP dont nombreux de ses représentants ont bénéficié d’une éducation occidentale grâce aux échanges avec les Pays-Bas. Aujourd’hui, cette minorité, est toujours aussi présente dans la société hollandaise. Une grande partie de cette population s’est installée à Den Haag, plus précisément depuis les périodes tumultueuses avant l’indépendance du Suriname en 1975.
fig. 86 Photographie d’une famille d’origine indonésienne avec leur chef de plantation, Suriname, © SGES. fig. 87 Photographie d’un village indien, Suriname, © SGES.
« L’abolition de l’esclavage en 1863 (effective en 1873) a apporté un autre flux de personnes à Paramaribo. Moins d’une centaine de plantations étaient toujours en activité et plus de personnes se sont déplacées en centre ville, y compris les anciens esclaves. En conséquence Paramaribo s’est développé rapidement, laissant les exploitations des plantations en péril. Les «ouvriers libres» apportés de la Chine, des Indes orientales et l’Indonésie ont fortement contribué à ce développement. Pendant les années 1873 - 1939 un total de 34.000 hindoustani et 33.000 Javanais ont été amenés au Suriname, en ajoutant plus de couleur à la mosaïque du pays. »
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fig. 88 Photographie d’une maison communautaire chinois, Suriname, © SGES. fig. 89 Photographie d’un village de maisons de plantations asiatiques, Geyersvlijt, © SGES.
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L’architecture du mouvement moderne. L’architecte très distingué par sa culture architecturale qu’il a su adapter et intégrer à Paramaribo, va recevoir la médaille d’or d’honneur par le colonel Beets; commandant des forces au Suriname. Peter Nagel a reçu cette médaille le 7 juillet 1963 à la gratitude pour ses efforts lors de la construction de la Société publique. A présent, ses travaux ne sont pas protégés à l’UNESCO et ne constituent pas un patrimoine universel d’après l’inscription du centre-ville de Paramaribo.
Jusqu’à la seconde moitié du XXe siècle, les populations étrangères, maintenant devenues des minorités ethniques de classe moyenne (pour la plupart d’entre elles, notamment les Chinois et les Indiens, les Javanais sont restés dans leurs villages d’origines exploitant à petites échelles des produits agricoles), ont progressivement gagné le goût de vivre dans la capitale du Suriname. Les habitations, réservées aux populations occidentales et créoles, sont maintenant aussi habitées par de nouvelles populations étrangères. Durant cette croissance économique et le développement de la ville de Paramaribo, de nombreuses maisons ont été construites avec des touches individuelles, renvoyant dans la plupart des cas aux pratiques culturelles des populations étrangères. Ce que nous allons observer au fil du temps, notamment durant le XXe siècle, est l’apparition d’une architecture très inspirée et très adaptée par les populations étrangères. D’origine occidentale, les maisons de villes vont de plus en plus se distinguer par leurs éléments décoratifs culturels.
Néanmoins, les travaux de Peter Nagel, sont inscrits dans le contexte classé patrimoine mondial et bénéficient naturellement d’une certaine protection. Aujourd’hui, il est nécessaire de conserver ces œuvres architecturales, car elles ont participé à la construction de Paramaribo et notamment d’une identité architecturale qui est actuellement connue au centre-ville. Sans ces édifices emblématiques, la mosaïque d’architecture historique n’a plus de signification. Dans les édifices publics, nous retrouvons une grande référence à l’architecture moderne de Le Corbusier et de l’école de Bauhaus. Les façades rythmées par des ouvertures, les toitures plates, les pilotis, ou encore les volumétries brutes nous rappellent fortement les inspirations de Peter Nagel. Dans les maisons privées, nous retrouvons au contraire, une adaptation à l’architecture locale. Les maisons coloniales du XVIIIe siècle en bois à toiture galbées, sont reprises dans leurs géométries et dans leurs apparences. Le bois est ici remplacé par le béton et la symétrie s’est progressivement effacée.
Cette architecture métissée, nous le verrons, progressivement apparaitre et progressivement se juxtaposer à l’architecture très présente qui elle est coloniale (occidentale). C’est en effet, à partir de cette période, c’est-à-dire la seconde moitié du XXe siècle, qu’une autre architecture coloniale va apparaitre : l’architecture du béton. Celle-ci, très fortement inspirée du mouvement moderne de Le Corbusier et l’école de Bauhaus, va envahir le centre-ville de Paramaribo, basculant l’architecture de bois en architecture de béton. De nombreux édifices importants dans le centre-ville et partout ailleurs vont apparaitre de 1951 jusqu’à 1969 notamment, grâce à l’architecte Peter Jacobus Nagel. L’architecte-Ingénieur d’origine néerlandaise, va construire environs une cinquantaine de bâtiments modernes au Suriname. Sa carrière, contrairement à son travail qui se poursuit jusqu’au 1969, va durer de 1951 au 1963.
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fig. 90 P h o t o g r a p h i e d’un magasin général à Paramaribo, © Maria Nagel De Groot, Monographie Peter Nagel, 1960. fig. 91 Photographie d’un bâtiment de services à Paramaribo, © Maria Nagel De Groot, Monographie Peter Nagel, 1960. fig. 92 Photographie d’une maison privée à Paramaribo, © Maria Nagel De Groot, Monographie Peter Nagel, 1960. fig. 93 Photographie du théâtre national, Star, à Paramaribo, © Maria Nagel De Groot, Monographie Peter Nagel, 1960. fig. 94 Photographie d’une banque à Paramaribo, © Maria Nagel De Groot, Monographie Peter Nagel, 1960.
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L’architecture du XXI : ré-interprétations, pastiches, métissages. L’architecture du XXIe siècle est très complexe et ne peut pas se qualifier d’un certain style ou appartenant à un certain mouvement. Contrairement à l’architecture contemporaine, à l’architecture durable ou à l’architecture vernaculaire que nous pouvons observer en Europe ou en Asie, une architecture particulière à proprement parler n’existe pas (du moins pas encore). Cependant, nous pouvons constater une certaine apparition de bâtiments référencés, qui sont souvent inspirés des modèles étrangers et transformés par les matériaux locaux. Remarquable aussi, sont les maisons privées et les maisons pavillonnaires ; les premières étant très inspirées des modèles américains, espagnols ou italiens (villas de luxe, villas de vacances, etc.) et les dernières étant des pavillonnaires inspirés des modèles anglais et américains.
Réinterprétations Partant de l’architecture classique, certains éléments sont repris et utilisés pour composer autrement des géométries. Les colonnes, l’entablement, les bases et d’autres éléments sont réinterprétées afin d’être réadaptées à des manières plus locales, notamment pour habiller les terrasses des façades d’entrée. Les maisons coloniales, d’influence occidentale, sont réinterprétées aussi et ont des géométries beaucoup plus épurées et simplifiées. Dans le centre historique, nous pouvons retrouver quelques édifices récents (datant de la fin du XIXe et début du XXIe), de l’ordre institutionnel. Le palais de congrès et la cour des districts.
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fig. 95 Photographie du palais de congrès. Inspiré de l’architecture coloniale, construit en acier et en verre, Paramaribo, © PVT Pauline, 2011. fig. 96 Photographie l’hôtel Residence Paramaribo, © Residence inn, 2014.
de Inn, Hôtel
fig. 97 Photographie de l’hôtel Royal Torarica, Paramaribo, © Royal Torarica, Bedrijf Kiesel, 2014.
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Dans les périurbains, le tissu urbain est beaucoup moins dense ; modèle de pavillonnaires américains. Les terrains sont découpés de parcelles rectangulaires et selon des grands axes routiers (anciennement, les tracés de plantations), les habitations sont implantées en retrait par rapport à l’espace public. Très récurrent dans ces modèles, est l’absence de trottoir ou de piste cyclable. Les routes principales sont destinées à être pratiquées par les voitures au même temps que les cyclistes et les piétons. En retrait de ces routes, nous retrouvons systématiquement une bande de 1 à 4m de profondeur, ce qui représente souvent les jardins ou simplement un premier seuil à l’habitation. L’habitation, elle-même placée au milieu de la parcelle est très individualisée et peut prendre une forme architecturale aléatoire.
fig. 98 Vue aérienne du péri-urbain, grand étendu de maisons pavillonnaires structuré selon de grilles orthogonales, Paramaribo, © Google Earth, 2014. fig. 99 Photographie d’une maison privée, Paramaribo, © Stuvrede, 2012. fig. 100 Photographie d’un quartier pavillonnaire, Mon Plaisir, © Waiting for the sun Flickr, 2014.
Dans le cas des péri-urbains de Suriname, la plupart des habitations sont souvent influencées des styles espagnols, italiens et récemment aussi américains. Les anciennes maisons de style colonial, sont de plus en plus remplacées par des maisons reproduites. Il n’est pas du tout étonnant de retrouver des maisons identiques dans ces quartiers, parce que les constructeurs se sont souvent inspirés d’autres maisons existantes. Il faut peutêtre aussi noter, que le recours à un architecte n’est pas obligatoire au Suriname. C’est pour cette raison notamment que les maisons se ressemblent presque toutes. Le constructeur prend souvent la place de l’architecte et il suffit qu’un client lui présente quelques photos de référence pour reproduire une maison. Aujourd’hui, il y a une émergence lente de maisons qui ont fait recours à un architecte, grâce à l’ordre des architectes qui s’est mis en place et grâce au mouvement de constructions bénéficiant d’un prêt bancaire où le permis de construire est une obligation.
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Métissages Entre architectures contemporaines, architecture régionale et l’architecture coloniale, les constructions nouvelles ne sont jamais clairement élaborées. Voulant produire une certaine nouveauté architecturale, les édifices actuels sont aussi contraints de respecter une certaine cohérence surtout dans le centre historique. Proche de celui-ci, les édifices se retrouvent alors dans l’obligation de compléter ou de rester dans un certain style architectural. Hors le centre historique, l’architecture employée semble désobéir à tout contraint stylistique et peut constituer des objets isolés sans aucune relation au contexte.
fig. 101 Vue depuis le canal, Ma Retraite Mall ; Centre commercial et hôtel, Paramaribo, © Over Suriname,2013. fig. 102 Le centre-ville, côté commerces, Paramaribo, © Karel Donk, 2014. fig. 103 Vue du Sud du centre-ville. L’architecture est plus hétérogène et se multiplie plus formellement et matériellement, Paramaribo, © Karel Donk, 2014.
Dans le cas d’une réhabilitation, il n’est pas question de réfléchir à une intervention plus contemporaine, même si cela pouvait constituer une cohérence parfaite avec l’héritage. Tant l’aspect extérieur tant l’aspect intérieur. Cela pose des questions, notamment pour les différentes fonctions et usages qui peuvent être limités lors de la conception. Dans le cas d’une réhabilitation, il n’est pas question de réfléchir à une intervention plus contemporaine, même si cela pouvait constituer une cohérence parfaite avec l’héritage. Les espaces créés ou récréés ne sont pas d’une nouvelle invention ou d’une innovation qui pourrait améliorer la qualité de vie. Dans une observation plus globale, les constructions récentes font souvent recours à un mélange de connaissances diversifiées. Certaines méthodes de constructions du mouvement moderne sont utilisées en complément des constructions locales. Les années récentes ont démontré un fort recours aux constructions en acier. Les structures en acier remplacent les structures en béton, le bois et les plaques de ciment remplacent les parpaings, etc. On peut notamment voir ce genre d’architecture dans les constructions de malls, de magasins et des bureaux. Une architecture métissée à proprement parler, continuera toujours à exister et se développer dans un pays tel le Suriname. Étant en plein développement économique et urbain, le recours aux différentes techniques et méthodes ne cessera pas, car les nombreuses architectures déjà existantes et celles rapportées de l’étranger continueront toujours à mélanger l’ensemble. Néanmoins, une certaine harmonie pourrait exister, notamment plus dans le centre historique et les territoires à proximité.
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En essayant de décortiquer l’architecture du centre historique de Paramaribo, nous cherchions les différentes étapes dans son histoire à travers des événements économiques, politiques et sociaux que nous avons observé grâce à la recherche et la documentation. Dans cette recherche historique, nous avons pu comprendre comment les différentes architectures se sont développées au cours des années. Des constructions premières, simples, des colons jusqu’aux constructions actuelles, complexes. La composition d’une identité architecturale reflète une image mosaïque. L’architecture de Paramaribo est très singulière, car elle est issue d’un métissage qu’elle doit aux différentes populations étrangères qui l’ont influencée. Aujourd’hui, il nous semble essentiel de réfléchir à une conservation et un protection de cet héritage notamment dans le centre historique, mais aussi réfléchir à l’ensemble architectural. Comment peut-on protéger l’architecture coloniale et l’intégrer à un développement urbain qui semble s’émerger dans un contexte plus hasardeux et plus métissé afin d’aspirer à une mosaïque architecturale cohérente ? Faut-il penser que le centre historique correspond à un territoire isolé et que celui-ci doit se détacher d’une périphérie en mutation constante ? Il nous semble surtout important de garder cette notion d’héritage et de patrimoine architectural et la faire intégrer dans le développement de la périphérie, mais surtout de prendre en compte ce centre historique en voie d’isolement et de l’intégrer dans le processus du développement urbain global. En notre opinion, il est nécessaire que ces identités architecturales différentes (tant que référencées à des époques différentes, tant que stylisés), entrent en contact avec respect et se développent dans l’idée de créer une seule entité identifiable par les citoyens : celle d’un centre-ville agréable, équilibré socialement, praticable et fonctionnellement diversifiée.
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Vers une requalification de l’identité architecturale du centre historique de Paramaribo. 1. Reconnaître, préserver et valoriser. Après avoir étudié les valeurs architecturales du centre historique, ainsi que les différentes populations qui l’ont fondé, nous pouvons à présent regrouper les différentes architectures selon quatre catégories.
Notre recherche autour du patrimoine architectural s’est jusqu’à maintenant concentré sur les différentes problématiques auxquelles il est confronté. Nous avons pu identifier les éléments qui constituent ce patrimoine et notamment les fondements de ces éléments physiques. Dans ce chapitre, nous recherchons un processus de création pour la transformation du patrimoine architectural. Ce processus de création, nous semble important afin de réfléchir à une intervention architecturale cohérente et adaptée pouvant redonner au centre historique de Paramaribo une nouvelle dynamique. Cette dynamique est une autre recherche en soi. Pour tenter d’instaurer l’équilibre social dans le centre historique, la transformation des édifices, qui sont aujourd’hui des fragments isolés, est une démarche applicable.
Premièrement, cela permettra de mieux reconnaitre et de mieux lire l’architecture patrimoniale du centre historique de Paramaribo. Deuxièmement, en faisant ce classement les caractéristiques de celle-ci pourraient mieux ressortir et éventuellement constituer des éléments significatifs à défendre. Le classement est constitué d’une architecture coloniale dès l’implantation des colons avec le Fort Zeelandia jusqu’à l’architecture du mouvement moderne. Nous avons décidé d’inclure la collection des édifices emblématiques de Peter Nagel dans ce classement, car elle présente à nos yeux une valeur architecturale remarquable. Aujourd’hui, les cinquantaines d’édifices modernes ne bénéficient pas d’un statut protégé à l’UNESCO, mais font partie du contexte délimité, qui lui en l’occurrence est protégé. Si nous présentons ces différentes architectures catégorisées, c’est qu’elles s’interrogent aussi sur des questions importantes et qui avancent des sujets d’actualité. Nous pouvons grâce à ces architectures patrimoniales différentes se pencher sur la question de la mémoire, de la société qui évolue, de l’architecture en tant que produit consommateur, de l’architecture en tant que catalyseur touristique, etc. Dans le centre historique de Paramaribo, tous ces sujets sont constamment interrogés et font l’objet d’un débat intérieur entre conservation et démolition. La première permet de rentrer dans une démarche liée au respect de la mémoire ; qui elle peut être sujette à différents questionnements sociaux. La seconde est plus liée à un développement urbain, qui permet de renouveler les dynamiques au sein d’un territoire et rentre dans un processus de création qui ne respecte pas la mémoire du lieu. Dans les deux cas, il nous semble que la question primordiale est celle d’une réflexion intelligente et précise qui permet de ou de participer à l’évolution de la ville, de la société et de l’architecture.
La recherche et la dynamique peuvent se formuler par un projet d’architecture, qui doit réfléchir sur des questions de société locale et actuelle. Comment par le biais de l’architecture, peut-on s’interroger sur la société et ce qu’elle décide de porter en avant comme valeurs universelles ? Dans l’introduction et dans la problématique du mémoire, la réhabilitation à l’identique était l’hypothèse soumise, qui conduisait à la stérilisation du patrimoine architectural du centre historique de Paramaribo. Avant d’étudier de près les autres formes de transformations architecturales : extensions, reconversions, rénovations ou restaurations, nous nous sommes penchés sur la démarche utilisée actuellement : la réhabilitation à l’identique ou la restauration. Nous préférons la notion de réhabilitation à l’identique à celle de la restauration, car dans la majorité des cas les édifices historiques de Paramaribo sont modifiés. Cette modification ne renvoie pas exactement à la notion de restauration ; elle vise à remettre un édifice dans son état initial proche. La notion de réhabilitation à l’identique se dissocie donc aussi du processus de transformation, qui elle est une démarche souvent contemporaine, de plusieurs interventions ou des « aménagements contemporains ».
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1.1. Les quatre types d’architecture qui composent l’image globale du patrimoine historique de Paramaribo.
Grâce
à l’étude historique, nous nous sommes rendu compte que cette architecture patrimoniale avait plusieurs facettes. Inspirée des civilisations différentes et des modes de vie différents. La juxtaposition de siècles marqués par des civilisations différentes a donné à Paramaribo une image fortement coloniale, toutefois en cours d’évolution. Afin de dégager un point de vue plus critique sur son évolution et sur sa représentation par rapport au monde, nous avons souhaité représenter de manière succincte la pluralité et cette image évolutive que l’on retrouve dans l’architecture coloniale.
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Le XVII siècle ou l’architecture défensive. Largement constituée d’édifices militaires et des fortifications, cette architecture très singulière montre l’origine même du métissage architectural. Massive ; composée de pierres de coquilles et de sables fins, des briques et des digues de terre, elle est aujourd’hui conservée mais n’a plus sa fonction et son usage d’origine Aujourd’hui, cette architecture est exclue du développement de la ville et abrite des fonctions strictement privées.
fig. 104 Photographie de l’entrée du fort Zeelandia, Parmaribo, © Art Photos Flickr, 2013. fig. 105 Photographie de la juxtaposition de pierres et de la brique, Fort Zeelandia, Parmaribo, © Art Photos Flickr, 2013. fig. 106 Photographie de la juxtaposition de pierres et de la brique, Fort Zeelandia, Parmaribo, © Art Photos Flickr, 2013 fig. 107 Vue aérienne de la citadelle Nieuw-Amsterdam, Commewijne, © Google Earth, 2014.
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Le XVIIIème et le XIXème: L’architecture coloniale. Elle regroupe deux siècles fortement marqués par la colonisation occidentale et présente des constructions diversifiées ; maisons d’esclaves, maisons de maître, édifices institutionnels et édifices à usages mixtes (commerce/habitation, travail/habitation). Construits la plupart du temps en bois, ces édifices sont bâtis sur un socle lourd (souvent en briques ou en pierres) et avec une structure à l’inverse légère en ossature bois. Quelques édifices ont été complètement bâtis en briques apparentes, d’autres en briques en tant que structure et couverts de bois. Aujourd’hui, ces édifices sont classés patrimoine mondial à l’UNESCO ; la plupart sont conservés et reconvertis en commerces et bureaux, d’autres sont conservés, mais n’ont pas de fonctions ni d’usages, ou ont des fonctions et des usages inadaptés reniant la mémoire du lieu.
fig. 108 Edifices coloniaux sur des socles rouges en brique, © Els Slots - Flickr, 2013. fig. 109 Palais présidentiel, Paramaribo, © Swietiesranang, 2015. fig. 110 S y n a g o g u e construite en brique et en bois, © Teachandlearn Flickr, 2012. fig. 111 Anciennces maisons de maître, vue depuis le fort Zeelandia, Paramaribo, © Karel Donk, 2014.
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Le XXème siècle ou l’architecture du mouvement moderne. Constituée de constructions en béton, cette architecture « lourde » a été rapportée par Peter Nagel durant la seconde moitié du XXe siècle. Adaptée à l’environnement tropical, cette architecture a su trouver une cohérence avec l’architecture coloniale en bois. Les édifices n’ont rien perdu de leur élégance et ont su conserver cet aspect lisse des maisons blanches de l’époque coloniale. Construits en béton ; ces édifices étaient très divers et ont participé à l’image coloniale du centre historique. De nombreux édifices modernes sont restés intacts et ancrés dans l’histoire de la ville. Aujourd’hui, ces édifices sont très bien conservés, mais ne bénéficient pas d’un statut protégé à l’UNESCO. La plupart ont gardé leurs fonctions et usages d’origine, car ils datent d’une soixantaine d’années et et sont toujours en très bon état.
fig. 112 L ’ a s s e m b l é e nationale, Paramaribo, © Tino Sowiranoe, 2014. fig. 113 Palais présidentiel, Paramaribo, © Swietiesranang, 2015. fig. 114 Surinaamsche bank, Paramaribo, © Xenocrates Mars, 2014. fig. 115 Bâtiment de services, Paramaribo, © Tino Sowiranoe, 2014.
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1.2. Un regard critique sur le patrimoine architectural pour ouvrir le débat. Faut-il continuer dans le partage et la diffusion d’une seule image de la ville ? L’architecture de Paramaribo est-elle seulement celle de l’époque coloniale ? À quel point, les politiques peuvent-elles intervenir à conserver cette image de la ville coloniale à travers une architecture qu’il faudrait presque imiter afin de restaurer, produire dans le même style ou reproduire même ? Entre conservatisme et contemporanéité, comment faire évoluer un patrimoine hérité ?
Si l’on considère aujourd’hui que le patrimoine architectural du Suriname consiste en un brassage de plusieurs influences, pourrait-on imaginer que ces architectures soient en leur nom propre des architectures identitaires ? La réponse semble évidente, car toute architecture semble être propre à une civilisation, une histoire, est donc la création d’une représentation, d’une image, un processus qui conduit à la création d’une identité. De ce fait, l’architecture patrimoniale du Suriname n’est qu’un exemple de plus démontrant que l’architecture n’est pas seulement un abri, une maison, un espace pour vivre, mais sert aussi à représenter une identité, un pouvoir, d’autres modes de vie. Elle est représentative d’une civilisation grâce à son histoire, retranscrite par les activités et les appropriations qui prennent place au sein des espaces conçus soigneusement pour.
Les questions peuvent se multiplier et quasiment toutes les villes coloniales comme le Casablanca, Jakarta, ou encore Alger sont en quête de reconnaissance et d’acceptation d’une architecture qui ne semble pas leur appartenir au premier regard, du fait qu’elle soit influencée par l’Occident et qu’ils les considèrent comme des architectures importées. Aujourd’hui, la question n’est plus de chercher si ces architectures leur appartiennent, mais de reconnaître qu’elles soient leur patrimoine et qu’il faudrait presque les valoriser, car elles appartiennent à leur histoire, leur origine et leur identité quelque part. Dans un débat télévisé de l’institut du monde arabe intitulé regards contemporains sur l’architecture coloniale en Algérie, Nabila Cherif, met l’accent notamment sur cette désignation architecturale, l’architecture coloniale.
Prenons par exemple les échoppes de Bordeaux, nous remarquons que cette architecture renvoie à un chapitre de l’histoire qui est très fortement imprégné dans la vie des Bordelais. Ce qui caractérise la ville de Bordeaux est entre autres ces échoppes héritées, protégées, reconverties, du XVe siècle. Mais elles font partie d’une architecture qui est aujourd’hui, plus hétérogène, malgré son omniprésence et son étendu territorial, la ville de Bordeaux a tendance à projeter une image globale qu’est la ville de pierres. Mais au-delà des frontières du centre historique classé, au-delà de cette architecture de pierres, il existe aussi l’architecture héritée du mouvement moderne. Les grands ensembles, les extensions et les opérations d’habitations sont multiples et viennent compléter voire composer une image de Bordeaux qui n’est plus homogène, mais plurielle. Dans cette même idée, Paramaribo, est dans une étape de reconnaissance envers son patrimoine originel (celui de son ère coloniale), mais au même rythme et en parallèle l’image de la ville devient plurielle, avec des multiples facettes, et se construit au fil du temps une image complétée par des architectures hétérogènes (l’architecture de Peter Nagel, l’architecture métissée et d’autres architectures plus récentes) qui viendront surement composer une ville plus complexe.
Elle considère une notion qui est souvent employée et définie comme une désignation de chercheurs européens. Dans un territoire concerné par ce patrimoine architectural, les citoyens et ceux qui mènent un combat de sauvegarde et de conservation, préfèrent dépassionner cette notion d’« architecture coloniale », pour ouvrir un débat plus neutre et plus ciblé sur l’architecture en elle-même donc de dissocier la mémoire douloureuse qu’a engendré le colonialisme. Y répondre et définir ce que sont la vraie méthode et la règle d’or pour faire évoluer la ville, n’est une issue sans fin. Il est peut-être plus judicieux de s’interroger sur l’idée de faire de la ville un ensemble ? Une structure harmonieuse, entre la vie sociale et les activités complémentaires pour son bon fonctionnement. Comment à travers la ville et grâce à son architecture, peut-on continuer à créer son identité ?
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La question que nous nous posons par rapport à l’ensemble architectural du centre historique de Paramaribo, est celle de sa place actuelle et de sa valeur au sein d’un tissu urbain qui se diversifie. L’idée est par le biais de la réhabilitation et par la réinsertion, faisant recours à une transformation architecturale contemporaine, d’instaurer et considérer cette architecture « nouvelle », comme patrimoine architectural. Dans cette continuité, l’idée est de faire évoluer une architecture qui doit s’interroger et s’adapter aux rythmes actuels des citoyens du Suriname. Quelques architectes, historiens et urbanistes internationaux ont déjà traité ces questions. Les répliques et les citations suivantes, nous ont permis d’ouvrir un champ de réflexion plus large et de se questionner aussi notre vision propre de ce que pourrait être une réponse pour la requalification de la ville de Paramaribo.
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2.
Les structures mises en place pour la conservation du patrimoine architectural de Paramaribo.. Garder des relations proches avec des organismes internationaux, cités précédemment permet aussi de créer une vision politique pour la ville. Réfléchir à son évolution économique par le biais du tourisme est entre autre une des préoccupations de ce bureau. La plupart des projets de rénovation ou de construction en zone conservée et protégée, doivent passer par une validation ou une étude détaillée. Souvent, certaines nouvelles constructions ou altérations aux édifices existants ne font pas appel au SGES et se font sans permission. Le permis de construire du SGES n’a pas le même fonctionnement ni la valeur juridique que le permis de construire de la mairie. Ceci dit, il semble donc très évident que certains architectes n’ayant pas pu collaborer avec le SGES, font construire des édifices sans réel accord préalable avec le domaine du patrimoine et de conservation. Cette attitude nonchalante, crée des tensions entre les différents partis et conduit dans la plupart des cas, à un désordre architectural ou urbain.
La mise en place d’une structure conservatrice du patrimoine architectural de Paramaribo a commencé en199882. Un regroupement de plusieurs structures et d’organisations s’est forgé afin de faire prendre conscience les citoyens l’importance de leur patrimoine. À travers différents moyens comme les articles de presse, les expositions, les interviews et autre, les paroles conservatrices des représentants ne prônent qu’une chose ; la protection du patrimoine architectural de Paramaribo et plus largement du Suriname. Les différentes structures n’ont pas la même mission. Tandis que certaines vont travailler sur la diffusion d’une pensée, d’une politique de conservation, afin que l’image et l’identité du patrimoine puissent perdurer dans le temps, d’autres structures vont davantage se concentrer sur la réalité physique. Nous pouvons distinguer ces structures en deux grands groupes. La diffusion de l’image du patrimoine du Suriname et la protection physique du patrimoine.
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A l’initiative de Stephen Fokké.
1. Stichting gebouwd erfgoed Suriname SGES. Le bureau est dirigé par Stephen Fokké et quelques employés dans le domaine du patrimoine. Généralement dirigé par lui-même et son assistant, car ce sont les seuls au sein de l’agence ayant eu un atout académique, le bureau a besoin de personnes qualifiées. Sa mission principale est d’instaurer un nombre de réglementations entre les politiques et les organismes internationaux tels qu’ UNESCO, ICOMOS ou encore Monumentenzorg. Des structures permettant de financer la protection d’un patrimoine architectural. Ces financements permettent en partie de couvrir les coûts de travaux nécessaires pour la restauration. Il s’implique notamment aussi dans la communication, par le biais de réseaux sociaux, d’ articles de journal et d’écrits fréquents, il essaie de mettre en constante collaboration le développement du tourisme avec le patrimoine hérité.
2. World heritage site manager WHS. Ce domaine appartient au SGES et cible des questions et problématiques de haute importance, pouvant causer des risques au site classé. Le directeur du SGES est aussi à la tête de cette structure et doit jongler entre plusieurs décisions importantes. Il conseille notamment par le biais du WHS le ministre de la Culture concernant les pratiques mal menées sur l’espace global du site classé. Très limité en tant que structure, à cause du manque de personnel, le WHS permet néanmoins d’établir quelques réglementations pour la conservation du site historique. 1. Ministerie van openbare werken MOW Le ministère des travaux publics est plus impliqué dans la conservation physique du patrimoine et joue un rôle important non seulement dans le site historique classé, mais aussi au-delà de ce secteur.
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Ses missions concernent toute construction physique, toute planification sur le territoire, la mise aux normes des structures et leur conservation. Toutes ces tâches sont importantes, mais deux tâches sont cruciales pour la conservation du WHS à savoir le maintien de l’état des constructions en possession (incluant des monuments inscrits) et le travail du Comité de Construction d’expert de l’évaluation de construire des plans pour des structures modernes dans le WHS. Ce comité est responsable des nouvelles constructions dans une zone préservée et ses zones tampons comme ils sont nommés en 2001. Le comité est nommé par le Ministre des travaux publics. 3. Le ministre de l’éducation et de la culture. Sa mission et la responsabilité de la politique culturelle font du ministère de la Culture un pion qui dans le cadre institutionnel du WHS. En raison de grandes pénuries de ressources financières et de personnel qualifié, le ministère n’a pas la capacité d’élaborer des politiques adéquates pour renforcer la protection du site et de ses monuments. Le ministère de la Culture est responsable de l’entretien du jardin Palm historique et la zone de Fort Zeelandia, tant au sein du WHS. Le Ministère n’a pas un plan stratégique global de politique du patrimoine culturel. Un document de politique culturelle intégrale a été compilé en 2007, mais la conservation des monuments et Paramaribo WHS n’a pas été intégré. En conséquence, seule une politique limitée est appliquée. L’autorité organe d’exécution et de gestion du WHS revient au SGES, représenté par son directeur. 4. Stichting stadherstel Paramaribo. La Fondation Stadsherstel Paramaribo créée le 25 Octobre 2011 en raison de la conservation du projet de jumelage (SGES) et Stadsherstel Amsterdam N.V. Stadsherstel Paramaribo est une
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entreprise qui achète des propriétés historiques, les restaure et les fait fonctionner d’une manière durable. L’objectif est de préserver les bâtiments uniques du Suriname. Stadsherstel Paramaribo se concentre non seulement sur des monuments, mais aussi sur des bâtiments historiques typiques sans statut énuméré, mais qui sont l’image prise en charge dans la vieille ville. La société ne repose pas sur les profits financiers, mais lutte pour un rendement socialement responsable aux fournisseurs de capitaux. Le centre-ville est depuis 2002 sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. Les nombreux monuments déterminent dans une large mesure, le caractère unique de Paramaribo et sont donc un aimant pour les touristes. Cependant, la ville perd une certaine popularité et affectent de nombreux édifices monumentaux en mauvais état. Ces facteurs menacent la ville. Un équilibre est à trouver pour que Paramaribo soit de nouveau attractif en termes de mode de vie et de travail. 5. KDV architects. Lorsque les architectes KDV sont de plus en plus impliqué dans la restauration de bâtiments patrimoniaux au Suriname, l’entreprise a réalisé que la restauration doit toujours être accompagnée par la technique et la documentation historique. Par conséquent, l’entreprise a mis en place un petit département de recherche dédié à ce qui précède (Seulement deux membres du personnel: Philip Dikland et Rasijem Karijosemito). Mais la recherche a dépassé son installation initiale, et documente désormais sur l’esemble du patrimoine Surinam. Il y a 2 principales activités de recherche : recherche de terrain sur les bâtiments et les plantations.
Malgré ces différents obstacles, le centre historique a besoin d’une organisation peut être plus pointue et plus claire pour le long terme. Un plan stratégique pouvant relier tous les efforts de chaque structure. Le manque de plan d’urbanisme ou de plan de requalification du centre historique de Paramaribo est la principale question à laquelle il faudrait répondre. Elle permet d’établir de points stratégiques d’interventions urbaines, architecturales ou d’une autre dimension, afin de retisser d’une façon globale les liens et les dynamiques du territoire au-delà du centre historique défini. L’image de Paramaribo comme on l’a suggérée précédemment, est une juxtaposition de plusieurs images, de plusieurs identités architecturales. Le patrimoine architectural est alors un objet qu’il faut protéger, intégrer dans la vie des citoyens et le faire évoluer de façon intelligente. La citation de l’architecte Rem Koolhaas, résume en quelques mots, une certaine volonté de protection du patrimoine et plus de respect envers ce qui existe déjà. L’existant, c’est avant tout un outil pour faire progresser la société, tout en passant par différentes dimensions, l’architecture contemporaine doit pouvoir marier l’histoire et l’instaurer dans une nouvelle ère avec de nouveaux programmes et de nouvelles fonctions bien évidemment.
6. Parmi les agences d’architecture qui réalisent des réhabilitations et des rénovations (mais qui ne sont pas spécialisées dans ce domaine ) et qui participent à la protection du patrimoine: Aurora architects, Ulrich Bab architects. 7. D’autres structures et organismes de petite taille, complètent et s’entraident afin de protéger le patrimoine architectural de Paramaribo et travaillent pour une structuration de la ville : le ministère du développement régional, le ministère du transport, de la communication et du tourisme, le comité des monuments, le management du front de mer Waterkant. Ils travaillent sur les dimensions sociales de la ville et notamment sur la question de l’insécurité et des flux : le contrôle policier des trafics, le buurtmanager (management du « voisinage »), le stichting uitgangs centrum Paramaribo (développement et organisation de la vie nocturne à Paramaribo).
83 Article apparu sur Archdaily à propos de la vision de l’architecture actuelle et le recours de plus en plus récurrent de préservation et d’attention apportée à l’existant, discours de Rem Koolhaas, 21-05-2016, Diana Budds. http://www.fastcodesign. com/3060135/innovationby-design/rem-koolhaasarchitecture-has-a-seriousproblem-today
Il semble à première vue que ces structures multiples pour une petite ville comme Paramaribo, semblent nombreuses à gérer les différentes missions dans une bonne dynamique, mais les faits montrent le contraire (réf articles Stephen Fokké, stadherstel) . Malgré, les efforts multipliés, ces structures sont dirigées par très peu de personnes qualifiées. Il y a un grand déficit de personnel ayant étudié ou bénéficié d’une éducation spécialisée dans le domaine du patrimoine et de sa conservation. Au même titre, il manque aussi des personnels qualifiés dans l’architecture et dans l’urbanisme. Le manque de personnel qualifié n’est pas tant une problématique liée à un manque d’étudiants ou professionnels, mais au manque de ressources pouvant financer ces emplois.
Preservation is a path forward.83 «We’ve tried to discover domains and areas in architecture which are not a simple vulgar multiplication of uninspired global projects. Recently, we have looked at preservation. The beautiful thing about preservation is you begin with something that already exists and therefore is already local. By definition, a preservation project is an homage to earlier cultures and mentalities to which you can add a new dimension, a new function, a new beauty or appeal. Almost every impulse signals that globalization needs rethinking or adjustment.»
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Dans un certain sens, l’existant permet de constituer une base sur laquelle on vient bâtir, construire, transformer une architecture nouvelle. La plupart des transformations architecturales sur des monuments historiques classés, altèrent l’image et l’identité de l’édifice historique. Nous verrons dans le chapitre suivant quelques exemples sur les transformations architecturales ayant altéré l’identité de l’édifice et certaines qui sont davantage dans le respect de l’image globale de l’édifice. Ces exemples montreront des cas de villes coloniales et des cas d’un contexte historique qui a été classé à l’UNESCO. Mais avant cette immersion dans le monde de la transformation architecturale contemporaine, la démarche de la restauration reste un outil de conservation important et bien employé. C’est le cas des édifices à Paramaribo, qui ont quasiment tous eu recours à cette démarche architecturale. À l’exception de la cathédrale Saint Paul, les autres édifices emploient des techniques locales de restauration.
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3. Les méthodes et les techniques de préservation employées au Suriname. On note également le processus de la fabrication de ce bois par la citation suivante86 :
D’après la description courte du CAUE, la restauration est une technique employée pour redonner au bâtiment son caractère d’origine grâce à un emploi de matériaux et de techniques de l’époque. Elle serait un bon moyen d’éviter le désordre architectural et demande un savoir-faire spécialisé84.
«... Une fois l’arbre a été coupé, il est recoupé en carré. La tâche normale pour ce poste est: 1 nègre fera 4 arbres en une semaine. La plupart de ces arbres seront taillés 2 à 3 pieds carrés, et ont une longueur de 25 à 50 pieds. Par conséquent, les arbres sont sciés en 1 «et 1 1/2» planches à droite sur l’endroit où ils ont été abattus. La tâche normale : 2 nègres scieront 18 planches de 30 pieds en une semaine. Ces planches sont ensuite transportées à la maison par des servants nègres. Ils les transportent sur leur tête. Il est fréquent que la distance soit plus de 2 heures, tout au long de la forêt dense. Pourtant, ils vont faire deux de ces voyages par jour ...»
La restauration à Paramaribo, a été mise en lumière par un écrit de deux restaurateurs en patrimoine, Philip Dikland et Carel van Hest. À travers leur écrit85, on découvre notamment plusieurs étapes historiques, où ils introduisent le premier emploi du bois dans l’architecture. Cela remonte à la fin du XVIIe siècle, lorsque des plantations font grandir l’économie.
84 Voir le site du CAUE53, l’article suivant, http://www.caue53.com/ Restauration-renovation-et. html 85 An introduction to Surinam timber architecture, Philip Dikland – Carel van Hest, 2004. 86 An introduction to Surinam timber architecture, Philip Dikland – Carel van Hest, 2004, Page 4.
C’est en effet les moulins (fig. 115) de sucre, produisant du sucre, obtenu grâce à la pression des cannes à sucre, qui ont été premièrement construits en bois. De dimensions moyennes, ces moulins étaient logés sous une structure ressemblant une halle, de hauteur dégagée. Cette architecture a été en premier lieu conçue par des Occidentaux et au fil du temps s’est adapté grâce aux techniques locales des ouvriers (la plupart des esclaves d’origine africaine). Ces esclaves étaient notamment les « privilégiés », car ils étaient les apprentis directs des Occidentaux et valaient plus lors des ventes.
Au cours des siècles ce recours à la fabrication manuelle des esclaves a été remplacé par le transport par les animaux au XIXe siècle et par les chars et les locomotives au XXe siècle. Autre point à noter est l’exploitation du bois, qui s’est faite dans la plupart des cas près d’un fleuve ou d’une rivière, permettant ainsi de transporter par bateaux le bois vers la ville de Paramaribo et ses alentours. Au XVIIIe siècle, l’architecture de la ville ressemblait à une rue typiquement hollandaise : des maisons construites en bois, parfaitement alignées à la rue, émergent dans le paysage et viennent embellir la ville de leur symétrie et leur blancheur.
La géographie du Suriname a notamment énormément influencé l’architecture locale. Situé en plein coeur de l’Amazonie, le Suriname est couvert à 94,6% de forêts tropicales permettant ainsi de puiser les matériaux de construction dans les bois. Le développement et l’emploi de ce matériau ont été accéléré au début du XVIIIe siècle, lorsque les plantations sont passées de petits moulins aux plus grandes structures pouvant optimiser leurs productions agricoles. Ce bois, utilisé dans les constructions, a été produit sur des « propriétés de bois », des terrains mesurant entre 1000 et 2000 hectares environs, où des esclaves produisaient le matériau prêt pour l’emploi.
La production du bois, malgré la variété des techniques, a rapidement été réduite à une fabrication standardisée. Le bois est coupé selon des dimensions précises et récurrentes, qui font référence au bois utilisé en Amérique et dans d’autres villes coloniales. Ces dimensions sont les suivantes :
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fig. 116 R e c o n s t r u c t i o n virtuelle par l’agence KDV architectes du moulin Peperpot, Paramaribo, © KDV architects, 2013. fig. 117 Photographie moulin Peperpot en phase restauration, Commewijne, Exotische reizen Suriname pinterest, 2015.
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du de © -
Constitué largement des édifices de plantations, l’architecture en bois des moulins a fortement imprégné l’image coloniale du XVIIIe siècle. Des milliers d’édifices datant de cette époque, seulement deux ont résisté à l’usure du temps et sont actuellement en cours de restauration. Parmi ces deux édifices, ayant servi de production de cacao et de café, celui nommé le « Peperpot » est dans un état délabré. On remarque sur les images précédentes, sa structure apparente, tramée de 1m60, qui se répète sur une longueur de 30m et s’élargit sur 13m. Les travées principales ont été construites en bois de 8’’ x 11’’, ce qui était bien particulier comme dimensions et avant que le bois soit standardisé. Le reste de la structure (poteaux) a été construit en bois de 7’’ et 6’’. Le recouvrement était fait de planches de 2’’. Pour la restauration, les spécialistes font recours aux mêmes matériaux, remplaçant toutes les constructions endommagées par du neuf.
Les carrés 10’’ x 10’’ / 8’’ x 8’’ / 6’’ x 6’’ / 5’’ x 5’’ Les planches 11/4’’ – 11/2’’ x 12. Les carrés principalement utilisés pour la structure des édifices et les planches pour le recouvrement (sols, murs,). Un édifice colonial typique du XVIIIe siècle a été modelé par KDV architects et nous pouvons notamment observer les différentes couches successives ; une base massive de pierre ou de briques périphérique sur laquelle sont posées des lattes latérales de 6’’ x 6’’, recouvertes de planches de 11/2’’ x 12, ensuite la structure globale de la maison qui émerge du socle jusqu’à la toiture par des poteaux/poutres carrés de 6’’ x 6’’ et le tout recouvert de parois de 11/4’’ x 12. Au fil des siècles, les méthodes de construction ont relativement peu changées. L’arrivée de nouveaux matériaux comme l’acier et le béton n’a pas été introduite dans cette architecture de bois. Plus tard, au XIXe siècle, on voit quelques édifices faire recours à une structure hétérogène dans l’architecture. L’acier sera de plus en plus utilisé pour la structure et la toiture, mais aussi pour les menuiseries et les éléments décoratifs (fig. 117, ornements, balustrades, garde de corps, etc.). Nous pouvons classer l’architecture de bois en trois types, selon leur siècle et selon leurs techniques employées. Le XVIIIe siècle : l’architecture des moulins. Le XIXe siècle : l’architecture des édifices coloniaux. Le XXe siècle : l’architecture du bois éclectique. fig. 118 Galleries et emploi de nouveau matériaux (fer et fente), © SGES, 2014.
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fig. 119 Reconstruction virtuelle par l’agence KDV architectes d’une maison coloniale typique, symétrie et simplicité, Paramaribo, © KDV architects, 2013.
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Au XIXe siècle, les techniques employées n’ont pas changé, mais ont plutôt évolué dans l’optimisation des structures. Grâce au bois standardisé, les édifices coloniaux ont eu recours au bois carré aux bois carrés de 6’’ x 6’’ au lieu de 8’’ x 8’’. Pour les édifices publics, l’architecture n’a pas changé et est restée concentrée sur une production d’architecture typiquement occidentale (symétrie, classicisme, monumentalité). Tandis que pour les maisons personnelles, des changements remarquables ont été constatés. Les fenêtres coulissantes du XVIIIe siècle ont été remplacées par des baies à persiennes en bois. Ce détail, redessine complètement la façade et donne un autre rythme à l’apparence globale de la maison. À partir de 1860, les balcons font leur apparition sur les maisons et c’est à ce moment-là que les galeries se sont améliorées en rendant les maisons plus confortables : créant ainsi une nouvelle typologie de maisons.
fig. 120 R e c o n s t r u c t i o n virtuelle par l’agence KDV architectes d’une maison coloniale typique, symétrie et simplicité, Paramaribo, © KDV architects, 2013. fig. 121 Apparition première de balcons et galeries, Paramaribo, © SGES.
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A partir de 1920, les constructions techniques se sont peu à peu érodées et de nouvelles constructions apparaissent, laissant de côté la symétrie et employant un langage architectural plus éclectique, plus hétérogène. Les carrés de bois, ont été réduits, passant de 6’’ x 6’’ au 5’’ x 5’’ voire du 4’’ x 4’’. Cela avait un impact visuel notable sur les édifices construits après.
Plus tard, la compagnie Bruynzeel, introduit une gamme de nouvelles dimensions en référence à l’Amérique allant du 2” x 4”, 2” x 6”et 2” x 8”. Économiquement plus viables, ces constructions nouvelles n’avaient néanmoins plus le même charme que les précédentes. Dans les années 50 et 60, l’arrivée du béton va complètement bousculer les méthodes de constructions. Le bois sera considéré comme le matériau des « pauvres » et presque toutes les nouvelles constructions auront recours au nouveau matériau qu’est le béton. Fabriqué en blocs (blocs de ciment) ou coulé sur place, le béton sera dorénavant et jà partir de là et jusqu’à aujourd’hui considéré comme le matériau premier dans les constructions
L’architecte remarquable qui a persisté durant le mouvement moderne, en employant le bois dans un langage architectural plus éclectique est Arie Verkuijl. Il a construit de nombreux édifices pour lesquels, les structures étaient complexes mais mais ont toujours été attentives à la méthodologie de l’architecture du XVIIIe siècles. C’est-à-dire, un recours aux bois carrés standards de l’époque et des techniques relativement identiques.
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fig. 122 A r c h i t e c t u r e éclectique, emploi des volumétries plus complexes, Paramaribo, © KDV architects, 2013. fig. 123 La maison préfabriquée de Bruynzeel, Paramaribo, © KDV architects, 2013. fig. 124 La maison privée Dojo de l’architecte Arie Verkuijl, Paramaribo, © KDV architects, 2013.
4.
Reconvertir le centre historique de Paramaribo pour une meilleure dynamique urbaine.
4.1. Restaurer, rénover, reconvertir : quelles méthodes employer ? Pour distinguer plus facilement le terme de restaurer, de rénover et de reconvertir, nous avons déduit d’après les différentes lectures que le terme restaurer renvoie à l’idée de conserver l’aspect physique et fonctionnel de l’édifice. Rénover signifie transformer l’aspect physique du bâtiment et reconvertir renvoie à l’idée de transformer l’aspect physique et fonctionnel de l’édifice. En résumé, ces trois termes sont pourtant très complexes et possèdent des dérivées nombreuses que nous avons choisi de représenter de la même manière que Dominique Rouillard, dans un tableau.
Nous abordons ce chapitre et notamment le sujet de la reconversion, car nous estimons que dans le cas d’un patrimoine classé UNESCO, il était question de parler de préservation et non pas d’une idée involontaire de destruction ou de transformation architecturale « gratuite ». La reconversion sous ses différentes formes possibles, sera ici plus ciblée autour de la notion de transformation. La transformation, car nous partons de bâtiments déjà existants. La plupart se trouvant dans des états plus ou moins délabrés voire très déplorables. En matière de démarches architecturales, le vocabulaire autour du terme transformation est multiple et vaste. Plusieurs démarches peuvent parfois être employées pour une seule intervention et donc renvoyer à une multitude d’actes signifiant plus ou moins la même chose.
Restaurer - Restauration = Conservation, Sauvegarde. -
Dans l’œuvre de Dominique Rouillard, on distingue trois termes spécifiques qui sont les plus souvent employés en matière de transformation architecturale. Apparus pour la première fois en 1978, ces nouveaux termes, ne détiennent plus les mêmes définitions aujourd’hui, car les interventions ont évoluées et ne renvoient plus à une démarche spécifique. Pour comprendre cette démarche spécifique qui pourrait correspondre aux interventions futures du centre historique de Paramaribo, nous avons voulu présenter les trois termes utilisés dans l’œuvre de Dominique Rouillard, que l’on retrouvera aussi dans d’autres œuvres comme « Un bâtiment, combien de vies ? - La transformation comme acte de création », « Old buildings, New designs Architectural transformations » et « Surprenants espaces reconvertis ». Des œuvres qui font une démonstration de toutes les démarches architecturales possibles en terme de transformation architecturale.
Achèvement Entretien Consolidation Continuation Maintenance Préservation Protection Reconstitution Reconstruction Récréation Réfection Régéneration Réparation, soin Restauration inventive Restitution Résurrection Rétablissement
Programme - affectation = conservé. On note ainsi que dans restauration, on retrouve souvent le préfixe re-, renvoyant à l’origine de quelque chose, à reprendre ou à recréer.
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Reconvertir - reconversion = aménagements, transformations.
Rénover - rénovation = aménagements, transformations. -
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Adaptation Animation Amélioration Compléter Destruction Mise en scène Modernisation Parachèvement Recomposition Réhabilitation Réinterprétation Restructuration Restauration créative Restauration critique Restauration pédagogique Restauration inventive Transposition Transfiguration Valorisation
Adaptation Détournement Réaménagement Réaffectation Récupération Recyclage Redistribution Réemploi Réhabilitation Requalification Réutilisation Réinvestissement
Programme - affectation = modifié.
Programme - affectation = conservé. On note ici moins la notion de conservation et plus un sentiment de transformation, de suppression ou de modification.
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Finalement, dans le terme de reconversion, on note aussi la référence au préfixe re-, mais cette fois renvoyant à l’objet nouveau créé. Détourné, comme marqué sur la liste, l’origine n’est jamais recherchée, la transformation est voulue. Cette fois, nous nous concentrons plus finement sur la notion de reconversion, car dans le cas de Paramaribo, elle semble parfaitement s’adapter. Reconvertir un édifice, revient donc à procéder par un acte de transformation architecturale à un bâtiment d’origine. Cela signifie que les fonctions d’origine sont très probablement remplacées par des nouvelles, ou complétées voire mélangées. L’aspect physique est altéré et l’édifice d’origine n’est plus du tout fidèle à l’image originelle.
Paramaribo semble démontrer le parfait exemple de cette restauration à l’identique tant controversée. Comment peut-on alors distinguer une restauration réussie d’une restauration ratée ? Les édifices coloniaux de Paramaribo, ne sont-ils pas justement des monuments historiques ne pouvant être réadaptés et réutilisés ?
Nous rejoignons la pensée de Violet le Duc et Ruskin ; un édifice lors d’une restauration ne pourrait jamais atteindre l’aspect originel, car toute construction est représentative d’une époque ; une expression honnête des savoirs faire et des techniques employées lors de la construction initiale. « Whereas Viollet-le-Duc maintained that new indistinguishable from old is a valid design proposition, Ruskin argued that it is impossible to restore old work faithfully. As a matter of principle, Ruskin’s position is undeniably correct. For a design to have integrity, it must be a product of its own time—an honest expression of the cultural forces active when the design was executed. In Ruskin’s classical tradition, truth equals beauty. »
Il semble évident de classer ces édifices par catégories : fonction, usage, représentation, institution. De ce fait, mis à part les œuvres majestueuses comme le palais présidentiel, la bourse du travail, l’Assemblée nationale ou d’autres édifices d’une image institutionnelle importante, tous les autres édifices coloniaux peuvent « subir » des transformations architecturales sans forcément perdre leur histoire et leur passé. De plus, les grands monuments religieux tels que les cathédrales, les églises ou les mosquées sont, quant à eux, très attachés à une image et à une pratique définies. Il est alors difficile de considérer une autre manière de conserver ces édifices si ce n’est que la restauration. Néanmoins, en occident et depuis le temps des Romains, de nombreuses églises ont été reconverties sans cesse : altérant peu l’édifice d’origine, dans son aspect physique. Nous voyons donc que dans le cas de certains de ces édifices, que la reconversion ne s’accouple pas forcément avec la restauration, car il y a toujours un acte de transformation, peu importe la dimension qu’elle prend. D’autres exemples démontrent aussi le contraire : qu’il est possible de restaurer l’aspect physique global d’un édifice, mais de reconvertir son usage ou son programme (L’église des Dominicains à Maastricht en bibliothèque ou la rotonde de la Villette en restaurant.
Pour Violet le Duc, il est question de s’inspirer de l’architecture présente pour faire une continuité. Il n’est jamais question de rétablir entièrement un édifice endommagé à son état d’origine. Plutôt de chercher à comprendre et à restaurer à l’identique, il raisonne par une réflexion basée sur l’architecture existante pour la faire évoluer. Ses travaux résultent souvent en un parfait anachronisme, rendant la distinction entre les différentes époques de construction très difficile. Un de ses exemples démontrant cette confusion temporelle est la cité de Carcassonne, où il vient compléter l’œuvre initiale avec des nouveaux éléments architecturaux qui n’ont jamais été dessinés ou imaginés lors de la conception. Dans le même sens, pour Ruskin, il est inimaginable d’imiter l’architecture du passé pour arriver à une restauration fidèle. Il est impensable de considérer qu’un édifice aura la même intégrité et la même représentation aujourd’hui s’il essaie d’être restauré à l’identique.
La recherche à mener, se focalise alors sur la question de comment trouver la bonne réflexion pour un édifice historique. À l’intégrer aujourd’hui, grâce à une idée nouvelle, de trouver une coexistence entre le passé et le présent (ou le futur). Notre point de vue considère qu’un édifice colonial, historique, ou ancien peut aussi retrouver sa valeur, sa beauté, son intégrité grâce au contraste créé entre lui-même et « l’apport contemporain ».
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« By definition, most old buildings truly are irreplaceable; this gives them a special, endangered status in the eyes of many individuals. The desire to save these buildings can be based on rational thinking, emotional dogma, or some combination of the two. » Il s’agit alors de se poser les questions fondamentales sur l’édifice potentiellement à reconvertir, s’il possède des valeurs remarquables. Conserver ces édifices est notamment une bataille constante, car ils opposent souvent des partis qui ne partagent pas les mêmes valeurs. Ces édifices peuvent représenter des unicités architecturales, des repères émotifs (lien moral ou émotionnel dans l’histoire), ou dans l’extrême cas des « objets » difficiles à entretenir. Reconvertir certains édifices nous semble alors une bonne perspective à entreprendre. Dans notre étude, nous nous sommes aussi attardés sur quatre édifices particuliers qui ne revoient à aucune pratique religieuse, culturelle ou institutionnelle. Malgré leur classement à l’UNESCO, ce ne sont pas des bâtiments qui engendrent des activités « utiles » pour la ville et ne participent en aucun cas à l’économie ou à la dynamique urbaine de la ville. Ces quatre édifices sont alors des pions de potentialités ; des précurseurs architecturaux, une fois réintégrés dans la ville, pouvant lier, relier, interconnecter plusieurs activités économiques, culturelles et éducatives. Démontrant peutêtre aussi qu’une restauration ne suffit plus aujourd’hui et qu’il y aurait grand besoin de proposer d’autres alternatives aux conservateurs locaux.
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Nous aimerions développer plusieurs points : 1. la question de la dynamique urbaine – l’évolution de la ville, ses activités multiples et son fonctionnement. 2. l’équilibre social – la question de l’habitat dans le centre historique. À ce stade du mémoire, s’intéresser à la lecture urbaine de la ville de Paramaribo renvoie à un travail urbain qui serait presque le sujet déjà d’un projet d’architecture. Le temps qui nous est accordé pour aboutir à cette recherche ne nous est pas suffisant. À cet instant, nous connaissons deux grands projets urbains pour la ville et qui ont été étudiés de près par les étudiants Belges. En huit livres, ils exploitent le territoire et repèrent les grandes activités, les grands réseaux et les différentes problématiques liées à la gestion et au développement de la ville historique. Nous avons regardé ces analyses et ces projets et avons conclu qu’il existe peut-être une alternative à leurs projets avancés ; qui consiste à transformer tout le littoral en un grand espace public à l’image des villes occidentales (Barcelone, Bordeaux, Anvers, etc.). Ce littoral transformé se voit alors rythmé par de nombreux édifices nouveaux abritant pour la plupart des commerces, des restaurants et des parkings. Avec cette proposition, il est certain, que la ville trouvera une autre dynamique forte, mais à nos yeux très brutale et non-respectueuse du patrimoine architectural local.
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Le front littoral est notamment un endroit emblématique, non seulement pour son histoire (sur les côtes sont arrivés les occidentaux, les bateaux remplis d’esclaves, les marchandises étrangères, les peuples étrangers, tiennent lieu des rites culturels, des activités aquatiques, passent les voiliers et s’entraînent les futurs champions olympiques).
PROGRAMMA ‘WATERKANT’
Ce projet belge soutenu par quelques représentants a donné lieu à une stratégie urbaine mise en place par l’État. Malgré son côté touristique et son point de vue consommateur, il pourrait peut-être se voir réaliser d’ici 25 ans (voir ensemble des photographies ci-contre). Une posture, qui nous semble contre balancer le projet des étudiants belges, est notamment celle de la conservation de cet espace littoral avec les édifices existants sans aucune transformation lourde. À l’inverse du projet urbain qui voudrait construire par grande quantité sur le littoral et dynamiser ce territoire, il serait surement intéressant de questionner d’abord d’intégrer l’architecture coloniale existante. Ces édifices coloniaux semblent être plus importants à prendre en compte.
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Reconvertir non pas l’ensemble des édifices sur le littoral, mais en sélectionner certains aptes à pouvoir engendrer des activités bénéfiques pour le développement de la vie sociale et urbaine. Les édifices étudiés dans ce mémoire, présentent notamment des qualités singulières qui sauront transformer et dynamiser le grand territoire.
fig. 125 L’ensemble des documents présentent les grandes intentions du projet du littoral. Nouveaux édifices et nouveaux espaces publics le long du fleuve promettent de rendre la côte très touristique. © Philip Dikland, Koenraadt, KDV architects, UDP, 2008 2014.
Très ponctuellement premier temps ces édifices dispersés, pourront ensuite induire d’autres aménagements respectueux à tisser des liens et à créer un espace global lisible, clair et plus local : identifiable, appropriable et investi par les citoyens.
2008 idee uitonderzoek voor heeft geleid Conclusie voor d Het een ontwerpmatig het formuleren van een de ontwikkeling van detotcluster rondom hetaantal randvoorwaarden voor de ontwikkeling van de site. Waaggebouw. (figuur 1.4). In 2010 was deze Door middel van de Deze randvoorwaarden zijn gebaseerd op tekening al fors uitgebreid met devan omgeving illustratie op basis v de resultaten de workshop in combinatie met de visie-elementen Centrale Markt. Deze uitbreiding kwam opdie voortvloeien wordt aangetoond uit het onderzoek naar de totale Binnenstad. vraag van de overheid. ZeHet resultaat een niet geëigend is om liggen aan de basisisvan de twee scenario’s die voor de Waterkant project met een opeenstapeling van elkwerden z’n uitgewerkt. heid op te nemen. eigen programma-onderdelen. Ondanks een eigen investeingsbudget en een intentieoverDeze conclusie stem eenkomst met het Ministerie van RGB, lijkt dingen door Van D de groep er niet te slagen om haar plannen 243-244) in het boe te realiseren. ke projecten, maats vernieuwend’. Daar figuur 7.2 | Omgaan met water - collage De onderzoekers werden 2010 Dikland, doorKoenraadt, 2003-2006) “de regie niet eenvo bron: eigenbegin verwerking (luchtfoto: Wizard Ventures benaderd om samen na te delegeerd naar de p denken over de plannen en na te gaan of ze niet aan de markt, het masterplan konden gebruiken als kader rendement van een voor hun ontwikkelingen. Omdat deze visie stuur van stedelijke strijdig was met die van het masterplan, en staan.” Hoewel de a de standpunten te ver uit elkaar lagen, was clusies specifiek rich dit niet mogelijk. torenveld, hebben z buitenlandse cases o in staat het volgend niet ondenkbaar da maatschappelijke c handen is van een tele organisatie) of orgaan. Maar zelfs d voor de publieke grenzen moet afbak moet bepalen.”
De groep werkte in RANDVOORWAARDEN
figuur 1.5 | Voorstel project Waterkant ‘Riverside Harbour Village’ (2008)
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sheen de Surinamerivier
zal geen verbinding legterkant en het historisch rke aantasting betekenen bied als geprivatiseerde zone ellende toeristen, weinig r inwoners van de stad 26 miljoen US dollar
opmerking
> ontwikkeling in de onmiddellijke nabijheid van het historisch centrum, kan aantasting betekenen van UNESCO-gebied > het project wordt voorgesteld als publieke zone. In realiteit dreigt het semi-publiek ruimte te worden voor welstellende toeristen > de overheid kon niet onmiddellijk overtuigd worden
De private markt is hoe dan ook afhankelijk van de overheid. Alleen al de vergunningsplicht maakt het voor private partners onmogelijk om zonder overheid projecten te realiseren. Het goedkeuringsrecht voor projecten ligt bij de staat. Het gebrek aan regie en aan interne samenwerking maakt dat de overheid geen toetsingskader heeft om te bepalen wat goed of slecht is voor de Binnenstad. Voor kleinere perceelsgebonden projecten lukt het om goedkeuring te krijgen. Bij grotere projecten, die onder meer ingrijpen op de publieke ruimte, werkt de reactieve houding van de overheid contraproductief.
Zo komt het dat de private ontwikkelingen zich hoofdzakelijk afspelen op de eigen private percelen, met als gevolg dat de stad sluimerend verandert. Deze problemen worden duidelijk met het volgende praktijkvoorbeeld. Het betreft een project voor de Waterkant ingediend door de Nederlandse investeringsgroep Wizard Ventures B.V. en het Surinaamse Carimexco NV, in samenwerking met het architectenbureau KDV Architecten.
figuur 4.1 | Omgeving van het Waaggebouw bron: Dikland
OVERHEID OF PRIVAAT INITIATIEF?
nv Havenbeheer, 2006
figuur 1.4 | Voorstel project Waterkant ‘Riverside Harbour Village’ (2010)
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bron: Wizard Ventures B.V., Carimexco NV i.s.m. KDV Architects
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4.2. Exemples des interventions architecturales dans un contexte classé patrimoine. Le projet d’architecture est dans ce sens, une recherche constante ; un débat sans fin, car de par sa plasticité, l’image d’une identité précise pourrait à jamais être ternie. L’architecte a alors ce rôle de trouver une réponse pouvant allier plusieurs partis différents. Rudi Ricciotti avec le musée de … semble avoir trouvé un projet, pas très controversé, qui a su s’adapter aux paramètres locaux du site.
Le projet urbain ne peut être conçu, élaboré et réfléchi autrement que par une étude locale. Néanmoins, nous trouvons qu’il est primordial de se référer à d’autres sites mondiaux, où la question de la conservation du patrimoine ; sa reconversion et sa requalification, ont déjà été traitées avec plus ou moins de « réussite ». Prenons le premier cas du muséemémorial du champ de Rivesaltes aux PyrénéesOrientales, avec l’intervention architecturale de l’architecte français, Rudi Ricciotti.
Très présents, les édifices existants sont très identitaires ; fort reconnaissables et très emblématiques. L’idée principale du projet était alors de venir créer un parcours immersif dans le sol. Comme une sorte de grand socle enterré ; il vient se glisser entre l’existant et vient à peine se montrer dans le paysage. À l’arrivée, seule la toiture du musée est visible. Le projet invite les visiteurs à parcourir les espaces intérieurs, à travers une succession de salles d’exposition.
Le contexte semble sensible ; baigné dans une histoire sombre, le territoire en question était devenu un sujet tabou pour nombreux de politiques et historiens. « Situé sur l’ancien camp militaire Joffre ouvert en 1939 et devenu camp d’internement, le site est occupé par des baraques alignées danse une logique sérielle, se sont succédé républicains fuyant l’Espagne, militaires en transit, juifs de la zone sud déportés ensuite en Allemagne via Drancy, prisonniers de guerre, Tsiganes, harkis, puis 24e RIMa de 1986 à 2007, le camp devient l’un de plus importants centres de rétention administrative français ».
fig. 126 Vue de l’entrée du musée, située entre deux édifices classés, Rivesaltes et Salses-le-Château, © Conseil Général des Pyrénées Orientales, Frédéric Hedelin, Kévin Dolmaire, 2015.
« La stratégie est d’occuper le seul vide possible de l’îlot F (42 hectares) sans toucher à l’organisation du plan ni à l’intégralité de l’architecture existante. Une insertion puissante qui ne se permet pas toute fois de dépasser la ligne de faitage des baraques. - Le bâtiment s’affirme d’une pièce, monolithe de béton ocre bloc de matière sans aucun percement. Ancré dans la réalité de l’histoire du site, il fait corps avec les baraques environnantes, le tout dans une simplicité absolue. - Interface entre lourd passé et le présent. - Il s’agit alors de comprendre ici ce qui s’est passé « là ». »
Quand un projet de musée de commémoration d’une telle envergure est en cours, nombreuses sont alors les polémiques concernant l’intervention architecturale. Jusqu’à quel point peut-on déplacer le curseur, afin de ne pas rentrer dans l’irrespect du lieu et de l’histoire ? Faut-il systématiquement prendre en compte le dogme qui stigmatise ces contextes afin de laisser mourir ces édifices historiques. Faut-il toujours faire « attention » à ne pas heurter l’image du contexte classé et proposer des projets plus « respectueux » et plus « timides » ?
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Comme le site des Pyrénées-Orientales, celui de Bordeaux est le même « type » de contexte ; c’est-à-dire, qu’il est constitué de nombreux édifices emblématiques (édifices en pierres) et que l’ensemble du territoire vaste et protégé à l’UNESCO.
Le cas de Paramaribo, peut trouver ses références dans des villes comme Bordeaux ou Paris. Il est aussi emblématique grâce à son architecture coloniale en bois et son contexte laisserait penser, que toute nouvelle architecture contemporaine en fort contraste avec ces édifices historiques, constituerait un échec ou une erreur dans la continuité urbaine de la ville. Mais le plus important ne réside pas seulement dans l’image globale de l’architecture de la ville ; une sorte de cohérence plastique, mais réside en grande partie aussi à sa capacité de pouvoir fabriquer de la ville. Dans ce sens, Paramaribo, peut trouver une certaine « liberté » à notre sens, qui mérite une attention particulière évidemment, à faire de l’architecture « nouvelle », car la ville n’est pas encore figée et n’est pas à un tel point emblématique que Paris ou Bordeaux. Son architecture ne cesse d’évoluer, grâce au métissage ethnique qui l’influence énormément.
Contrairement aux Pyrénées-Orientales, Bordeaux est une ville métropolitaine et ne suit pas les mêmes règles d’urbanisme. La ville de Bordeaux est en pleine mutation, induisant son patrimoine architectural à se modifier, à se transformer, à évoluer. Malgré une présence forte de bâtiments en pierres, au sein de ce secteur classé, quelques nouveaux édifices émergent. Notamment plus vers le secteur des Chartrons et à la limite des Bassins à flots. Une intervention architecturale récente, a fait justement sa démarcation vis-à-vis du contexte urbain. En fort contraste avec la couleur ocre des pierres, un blanc net vient interrompre un horizon de bâtis emblématiques. Cette blancheur semble à première vue « déranger », mais en regardant de plus près, peut constituer une intervention contemporaine considérée comme réussie. La question est sans cesse exploitée par les architectes travaillant à Bordeaux et notamment sur le secteur protégé. Faut-il imiter les pierres, pour respecter le patrimoine ou faut-il être en désaccord total et interrompre cette continuité historique ?
fig. 127 L’hôtel Seek’o, dans le tissu urbain bordelais, Bordeaux, © Atelier King Kong - Archdaily, 2015.
Cet édifice en question se nomme l’hôtel Seeko, réalisé par les architectes français de l’agence King Kong. Après un regard de plus près, l’édifice nouveau semble s’intégrer avec justesse dans le contexte. Il imite certains éléments du contexte, mais ne bascule pas dans la reproduction ou dans le pastiche. Proportions des ouvertures et alignements aux façades, hauteurs et dimensions renvoyant aux façades des quais emblématiques de Bordeaux, font que cet hôtel ne soit pas si aliéné et dérangeant dans le contexte. Son imitation ici, est un geste plutôt intelligent et permet de lire l’évolution de la ville. Le contraste entre l’existant et le contemporain est net, mais semble trouver sa place.
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5. Se comparer aux modèles mondiaux pour élargir le champ des possibles des démarches locales. 5.1. Cinq exemples mettant en comparaison constante, le patrimoine architectural de Paramaribo. Cette démarche architecturale pour conserver l’histoire, la forme originelle, l’architecture d’origine et finalement le patrimoine, est très couteuse et revient finalement à faire face à des budgets comparables aux constructions neuves. Ce n’est absolument pas une généralisation de tous les édifices du centre historique, mais le nombre, faisant recours à cette démarche-ci n’est, en aucun cas, négligeable. Évidemment, chaque bâtiment ne se trouve pas dans ces états-là, car la réhabilitation n’est pas prononcée pour tous les bâtiments classés.
Dans ce chapitre, nous allons à la recherche de modèles précis qui ont été utilisés en Europe. La comparaison avec ces modèles-là, permet d’établir un schéma, qui regroupera les démarches et les postures d’architecte lors de l’intervention architecturale sur un édifice historique. La comparaison est nécessaire afin d’établir des similitudes et des caractéristiques que l’on retrouvera dans les édifices étudiés. Tout d’abord, nous partons du principe que les quatre édifices que nous choisissons, restent assez proches des édifices du centre historique de Paramaribo, non seulement dans leur fonction, mais aussi dans la dimension historique, sociale et structurelle. L’étude de comparaison se focalisera sur ces quatre critères : la dimension historique, la dimension sociologique, la dimension fonctionnelle et la dimension structurelle. Pour chacun des critères, nous classerons dans un tableau le type d’intervention architecturale qui a été mené. Ces interventions, permettent de poser un regard autre que la réhabilitation à l’identique ou la restauration, qui est la seule démarche employée actuellement dans le centre historique de Paramaribo.
Certains bâtiments ont déjà subi l’acte de cette démarche et nécessitent juste des rénovations et des entretiens réguliers. Le côté financier de cette démarche architecturale pose un problème majeur dans le développement du centre historique de Paramaribo, mais il est loin d’être le plus important, au sens large. L’architecture patrimoniale conservée semble être une bonne chose pour le développement du pays, car non seulement rapporte-t-elle une dynamique touristique pour l’économie, mais permet aussi de constituer et renforcer l’identité et l’unicité du territoire. Ce côté positif et entrainant, cache un phénomène beaucoup plus grave et interne.
Jusque-là, nous connaissons dans le centre historique de Paramaribo, la démarche architecturale la plus exercée depuis le classement à l’Unesco des bâtiments historiques, qui est celle de la réhabilitation à l’identique. Le bâtiment d’origine, dans la majorité des cas, se trouve dans un état délabré. Le bois, principal matériau utilisé dans les édifices coloniaux du XVIIIe et du XIXe siècles, est très usé, endommagé par des termites, s’effaçant à l’usure du temps, ou arrive juste au bout de son cycle de vie. Ce que l’on fait pour sauver ce bâtiment d’origine, est très étonnant pour dire le moindre. Structurellement, ces bâtiments sont aussi très instables et peuvent s’effondrer d’un moment à l’autre. Réhabiliter ces bâtiments, signifie, remplacer chaque élément en mauvais état par du neuf. Cela peut parfois dire qu’un bâtiment entier, dans sa matérialité, soit remplacée par du neuf.
Ces édifices, d’une beauté remarquable, resteront au final, des « éléments » dans le paysage urbain, sans véritablement appartenir ni à sa population ni à son contexte. Malgré leur emplacement et leur voisinage à d’autres bâtiments, auxquels ils semblent créer une architecture harmonieuse, ils restent néanmoins des édifices isolés dans leur fonctionnalité et dans leur usage. Nous verrons dans les cinq exemples, la volonté d’aller à l’inverse de ce phénomène qui est non seulement urbain, mais très sociologique ou social. Comment par des interventions sur des bâtiments isolés, arrive-t-on à s’ouvrir de nouveau à son contexte proche et à tisser des liens plus directs avec son environnement ?
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À travers l’analyse suivante, des bâtiments sélectionnés avec précaution, nous essaierons de montrer la démarche singulière des architectes à travers l’Europe. Le but de cette comparaison est dans un premier temps, de comprendre la démarche architecturale menée sur l’édifice européen en question, afin de susciter un imaginaire sur les possibilités de conservation que l’on pourrait mener sur l’édifice « surinamien ». Cette comparaison constante permet de nourrir une réflexion architecturale qui est multiple et peut constituer une base de recherche pour les édifices qui nécessiteront une rénovation.
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Moritzburg Museum, Halle, Allemagne, Nieto Subejano Arquitectos, 2004.
fig. 128
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Het gebouw 1790, Paramaribo, Suriname, 2003.
fig. 129
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Dimension Historique
Moritzburg Museum, Halle, Allemagne.
Het gebouw 1790, Paramaribo, Suriname.
Construit au XV siècle à Moritzburg en Allemagne. Commencé par Ernst von Sachsen en 1484 et succédé par l’archevêque Ernst cardinal Albrecht de Brandenbourg en 1490 jusqu’à 1545.
Construit au XVIII siècle à Paramaribo, Suriname, par major J G R Böhm.
Dimension Sociale
Y habitaient des archevêques et des familles aisées. Certains soldats pour protéger la ville y logeaient aussi.
Jusqu’en 1804 le bâtiment n’était pas habité et servait de magasin des vivres. A partir de 1804, il y habitait 350 militaires anglais et depuis 1969 accueillent le ministère de l’Education.
Dimension Fonctionnelle
Le bâtiment est identifié comme un ensemble de châteaux , ainsi qu’une forteresse.
Le bâtiment était tout d’abord un magasin de vivres, mais a fonctionné comme caserne militaire à partir de 1804 et finalement en tant que ministère de l’Education depuis 1969.
Dimension Architecturale Le bâtiment est entièrement bâti en briques. C’est la plus grande construction en briques à Paramaribo. Sa toiture était la seule partie en bois.
L’ensemble des édifices est principalement construit en pierres.
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La raison principale du choix de ce bâtiment pour la comparaison, est celle de la question de ruine. L’ensemble des édifices de Moritzburg est une architecture de châteaux et de forteresse qui a subi de changements constants au cours de son histoire, mais a notamment laissé une grande partie en ruines après la guerre des trente ans. D’après les informations tirées du site officiel du musée de Moritzburg, la construction de cet ensemble a commencé au 1484 à Halle en Allemagne, par l’archevêque Ernst von Sachsen et a été succédé par des agrandissements et des extensions sous l’archevêque Ernst cardinal Albrecht de Brandebourg de 1490 jusqu’à 1545. Le plan ci-contre (fig.3), montre l’état de l’ensemble des bâtis en 1550. L’ensemble des édifices a été entièrement achevé, mais durant la guerre des trente ans et plus précisément en 1637 un grand incendie détruit les ailes ouest et nord de l’ensemble. En 1639, une démolition du bastion sud-ouest laisse l’ensemble dans un état de ruines. D’un point de vue social et fonctionnel, ces événements successifs ont marqué l’ensemble des bâtis, leur changeant son fonctionnement principal de château et de forteresse, habités des familles aisées (archevêques, soldats, ) en un lieu qui aura un programme très académique et culturel. À partir de 1904, une grande partie de l’ensemble est dédiée à l’art et la culture. C’est à partir de ce moment-là que cet ensemble abrite un lieu dédié aux arts décoratifs. Successivement, ce lieu s’agrandit et se transforme en un grand musée jusqu’à aujourd’hui abritant le musée de l’art contemporain. D’un point de vue architectural, avant le tout dernier projet de l’intervention architecturale par Nieto Sobejano arquitectos en 2006, l’ensemble des bâtis étaient dans un état délabré, mais les parties massives en pierres étaient restées debout. L’ensemble de ces ruines restées intactes depuis des années a été modélisé en maquette, que l’on peut voir sur la photo suivante (fig.4), où on remarquera les parties hautes des édifices qui sont restées sans toitures et à l’air libre.
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En effet, pour le projet d’extension du musée d’art contemporain, cette partie va énormément intéresser les différents architectes concourant pour le projet lancé en 2004. Cette année, les architectes Nieto Sobejano arquitectos, gagnent le concours en proposant une toiture suspendue, abritant des nouveaux espaces fonctionnels. La démarche architecturale de ces architectes consistait à fabriquer une nouvelle volumétrie inspirée des édifices autour. Cette volumétrie est une toiture qui se déforme pour différentes fonctions et usages. Elle sert tout d’abord à abriter deux salles d’expositions suspendues, ainsi que de jouer le rôle de puits de lumière. Les pentes de cette toiture sont directement inspirées de celles du château et de la forteresse. Dans cet exemple, nous avons une démarche architecturale qui est beaucoup plus interventionniste, car l’image globale de celle-ci est un contraste fort entre le patrimoine et le contemporain. Les matériaux employés sont très éloignés de ceux de l’édifice d’origine. Du verre, du métal et des plaques d’aluminium viennent contraster les pierres beiges de l’architecture patrimoniale. Ce grand contraste entre les deux architectures, crée néanmoins une sorte de respect et harmonie dans l’ensemble. Malgré ces points différents, qui sont de l’ordre matériel, les volumes et les hauteurs semblent complètement respecter le contexte et les bâtiments proches. Les hauteurs des étages, ainsi que le rythme donné par la façade en verre (fig.5), donnent l’impression d’une imbrication d’un nouveau volume au sein des murs périphériques, très simplement glissé. Cette « simplicité » est beaucoup plus remarquable quand on regarde la confrontation des deux architectures à l’intérieur (fig.6 et fig.7), de l’édifice. Le contraste est très fort et remarquable, créant ainsi des espaces très intéressants. Sur des galeries longeant les anciens murs, nous pouvons accéder les deux volumes suspendus, prévus pour des conférences ou des projections.
Cette nouvelle volumétrie vient se poser sur les murs périphériques et donne une sensation de légèreté. Elle ne vient pas perturber l’architecture existante, mais vient l’effleurer (fig.6). Le bâtiment actuel a donc cédé sa première fonction d’habitation et est actuellement un espace dédié à l’art et la culture. Cela permet d’avantage d’inscrire le bâtiment dans une autre vie, s’ouvrant à nouveau à un public et s’affirmant aussi dans son contexte. L’intervention permet de juxtaposer des architectures différentes et montre que l’on peut réhabiliter un édifice sans forcément aller à la recherche d’une reconstitution parfaite de ce qu’il a été. L’intervention architecturale, est une sorte d’insertion partielle, du nouveau dans de l’ancien, une imbrication, mais néanmoins une architecture globalement harmonieuse. Il semble que l’intervention contemporaine, visait à compléter un édifice à moitié détruit, à le reconstituer, mais dans l’ère actuelle.
fig. 130
Quelques mots qui résument bien cette intervention architecturale : insertion, imbrication, réhabilitation, patrimoine, contemporain.
fig. 131
fig. 132
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Tour Massimiliana, Venise, Italie, C&S Associati, 2004.
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Le Fort Zeelandia, Paramaribo, Suriname, 2008.
fig. 138
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Dimension Historique
Tour Massimiliana, Venise, Italie.
Fort Zeelandia, Paramaribo, Suriname.
Construit au début du XIX siècle à Venise, Italie, tout d’abord par les Français et ensuite repris par les Autrichiens.
Construit au XVI siècle à Paramaribo, Suriname, avec la colonisation française, anglaise et néerlandaise. Les Français ont commencé la construction en 1651, très vite repris par les Anglais et achevé par les néerlandais en 1655.
Dimension Sociale
Le fort n’était pas habité et servait seulement pour défendre le territoire surtout durant la première guerre mondiale.
Le fort était habité par les militaires. Jusqu’aujourd’hui nous pouvons noter la présence des maisons d’habitations rajoutées sur la base du fort qui ont été réconverties en espaces d’exposition.
Dimension Fonctionnelle
La fonction principale du fort était purement militaire.
La fonction principale du fort était purement militaire. Elle constituait une des bases de défense durant la colonisation, ainsi durant les deux guerres mondiales. Servait ensuite de prison et à l’heure actuelle un petit lieu de présentation.
Dimension Architecturale La ceinture du fort est construite en pierre de coquilles et de sable fin. A l’intérieur de la ceinture, les locaux sont en briques et en bois.
La tour est principalement construite en briques avec des anneaux intermédiaires en métal et en béton.
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Nous avons choisi d’analyser ce bâtiment pour les quatre caractéristiques qui correspondaient à peu près à celles du Fort Zeelandia. Malgré leurs dates de constructions différentes, les méthodes demeurent les mêmes et l’histoire qui accompagnait ces deux édifices propose des similitudes. Dans le cas de la tour Massimiliana, nous avons vu qu’elle a été construite en plusieurs étapes, comme le fort Zeelandia. D’un point de vue historique, la tour a tout d’abord été commencée par les Français et ensuite terminée par les Autrichiens. Si nous soulignons ce point-là, c’est qu’en effet, cette dimension semble très importante quand on parlera d’héritage. Ce qui fait d’un édifice, un héritage, c’est aussi toute l’histoire liée à celuici. L’histoire qui lie cet édifice aux personnes est celle de la conquête territoriale. Venise, comme de nombreux autres territoires, a subi des conquêtes successives aux XVIII et au XIX siècles. Jusqu’à la fin de la deuxième guerre mondiale, la tour Massimiliana a été utilisée par des militaires et des personnes ayant participé à la surveillance du territoire. Elle ne fut pas habitée par les personnes durant les années. Après les deux guerres mondiales auxquelles la tour avait servi, elle a été abandonnée jusqu’à 2000, où le territoire englobant la tour, d’autres édifices historiques et des infrastructures (digues, quais, canaux), a été mis en protection par l’État. Elle n’a jamais servi pour d’autres fins, sa seule fonction était réduite à celle de la surveillance militaire. Ses principales caractéristiques architecturales sont remises en valeur après la réhabilitation. Elles sont notamment la forme cylindrique de la tour, assez basse, de trois étages et un soubassement et de quelques blocs massifs imbriqués dans des digues en périphérie de la tour.
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Principalement construite en brique, la tour est une succession de couches marquée par des interruptions d’étages formalisée par des anneaux de béton et du métal. Les blocs massifs encerclant le territoire sont construits en béton, pour assurer l’imperméabilité des eaux montantes et une protection militaire. En 2004, d’âpres le site de la commune de Venise (www.comune.venetia.it), grâce à l’environnement exceptionnel se situant dans une lagune, le maire a procédé la réhabilitation de l’édifice d’abord par une étude de projet de restructuration urbaine. L’idée générale du projet était de mettre en relation les édifices différents, très disparates, par des interventions architecturales respectant, l’existant, c’està-dire l’architecture patrimoniale du XVIII siècle. Comme on peut remarquer sur la coupe du projet fig. 3, le projet dirigé par les architectes de C&S Associati, met en scène l’édifice principal qui est la tour. Le reste du projet, qui sont des édifices imbriqués et enterrés dans la digue, est une démarche architecturale très subtile. Ne voulant pas « concurrencer » l’existant, le programme rajouté dans la digue, permet de lier la tour centrale dans son centre avec des pièces traversantes. Mettant en relation la tour et le paysage lointain par des fenêtres en bandeau, côté mer et de grandes ouvertures côté intérieur du fort. Ainsi, nous pourrons noter une certaine référence à la chapelle de Ronchamp de Le Corbusier, où Renzo Piano a décidé de poser délicatement des programmes annexes dans la falaise, afin de ne pas perturber la sérénité du lieu. Très semblable à la chapelle de Ronchamp, la tour Massimiliana, retrouve toute sa splendeur avec sa place centrale du site. Les architectes ont décidé de garder l’architecture patrimoniale dans l’état d’origine, en réparant les fissures et les parties endommagées par l’usure du temps. La tour est restée entièrement dans sa matérialité originelle, c’est-à-dire la brique, avec seulement quelques éléments de confort et règlementaires (baies en lamelles de bois, garde de corps en métal) qui ont été rajoutés ou remplacés.
Le bâtiment d’origine est reconverti en musée et centre culturel. Ayant servi de base militaire dans le passé, il sert aujourd’hui à accueillir un public diversifié. La tour centrale abrite à présent un hall avec des salles d’expositions, de réunion, une petite boutique et un espace de restauration. Les édifices annexes, imbriqués dans la digue sont des espaces dédiés aux nageurs et aux activités liées à l’eau proche. La chaufferie, la climatisation et des sanitaires sont également disposés dans ces espaces annexes. La démarche architecturale a été de conserver entièrement l’édifice fédérateur et relier par des nouveaux programmes très modestes et délicats cet élément avec le paysage environnant. Le projet permet de découvrir le site à travers un parcours grâce aux différents passages de piétons et de pontons recouverts de lanières de bois. Arrivé dans la cour intérieure de la tour, un escalier mène vers le toit terrasse, qui permet de contempler le paysage de l’île vénitienne. Nous pouvons dire que la démarche architecturale résidait dans le respect du lieu tout en l’ouvrant d’avantage à l’extérieur par ses nouvelles fonctions et nouveaux usages. Les espaces d’origine, ont retrouvé une deuxième vie, sans autant avoir été altérés. Les images suivantes représentent les travaux effectués sur l’édifice d’origine. On peut noter une juxtaposition des matériaux anciens et nouveaux : les briques cassées ont été remplacées par du neuf. Les sols ainsi qu’une structure secondaire pour accueillir d’autres fonctions ont été mis en place. Il y a finalement aussi, une mise en scène du bâtiment, qui le valorise en quelque sorte encore plus : le travail de la lumière artificielle de nuit. Ou simplement, le bâtiment en luimême qui est à découvrir selon un parcours spécifique. Quelques mots qui résument bien cette intervention architecturale : respect, patrimoine, histoire, paysage, ouverture, lien, réhabilitation, reconversion.
fig. 139
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39 Le Tour Massimiliana, Alessandra Chemolio, Marco Zanta, Paolo Barbaro, 2004, Surprenants espaces reconvertis. fig. 141
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La Casa C, Reckingen, Suisse, Camponovo Baumgartner Architekten, 2012.
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Het waaggebouw, Paramaribo, Suriname, 2013.
fig. 148
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Dimension Historique
La Casa C, Reckingen, Suisse.
Het waaggebouw, Paramaribo, Suriname.
Construit au début du XX siècle dans un village Suisse, Reckingen.
Construit en 1686, incendié en 1821. Reconstruit en pierres en 1824, à Paramaribo, Suriname, par l’architecte Willem de Vroome.
Dimension Sociale
Y habitaient des familles avec leurs animaux.
Le bâtiment n’a jamais logé des personnes.
Dimension Fonctionnelle
Le bâtiment en question est une grange, mais l’ensemble des édifices forment un village constitué de maisons individuelles annexées à des granges.
Le premier bâtiment en bois de 1686 devait réglementer la quantité et la qualité des produits des plantations avant leurs embarquements en Europe. Il servait aussi comme porte d’entrée pour les esclaves noirs africains et leur préparation à la vente. Ensuite il servait pour l’entrée des populations étrangères (Chinois, Indonésiens, Indiens).
Dimension Architecturale
Le premier bâtiment de 1686 était en bois posé sur une base de briques. En 1824 il a complètement été reconstruit en pierres.
L’ensemble des édifices est principalement construit en bois foncé de la région.
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Dans cette comparaison, nous interrogeons la question du patrimoine au sens plus stricte. Ce patrimoine, classé et protégé, exclut toute intervention sur le bâtiment en question. Aucune transformation n’est possible sur celui-ci, car il constitue une valeur importante dans la culture et le contexte étudiés. À première vue, la réhabilitation à l’identique semble la seule démarche tangible à mener sur ce genre d’édifices. Néanmoins, certaines règles permettent de réfléchir sur des interventions plus intelligentes et plus pointues. D’un point de vue historique, ces édifices datés du début du XXe siècle, rappellent la pérennité des édifices coloniaux en bois de Paramaribo. Conservés pendant plusieurs siècles ces édifices restant emblématiques du village suisse, Reckingen. Depuis toujours, ces édifices ont été habités par des familles et des animaux. La grange qui est annexée à la maison est due à la proximité voulue par les familles, pour pouvoir s’occuper des animaux plus facilement. La casa C, est une intervention architecturale d’une ancienne grange. L’édifice d’origine fait partie d’un ensemble de bâtiments typiques du village : des granges construites en bois foncé, abritant une écurie au sous-sol et un espace pour stocker le foin en haut. Ces granges sont souvent des annexes des petites maisons de famille. L’ensemble, forme un contexte assez homogène, sauf quelques exceptions d’édifices en pierres. Ils créent un patrimoine riche pour le village et sont actuellement des monuments historiques protégés. Ces bâtiments qui ont cent ans, doivent néanmoins continuer à vivre et s’insérer dans une mutation urbaine très lente. Les architectes Camponovo Baumgartner Architekten, ont alors une idée remarquable. Détourner les règles de la protection du patrimoine pour insérer ces bâtiments dans un autre cycle de vie. Garder l’aspect global du bâtiment d’origine, fig. (5), est la première démarche choisie. Les architectes n’interviennent pas sur les façades ; sur l’image de l’architecture typique du village.
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Les aspects de la grange nécessitant une rénovation sont entièrement respectés et n’ont pas été altérés. L’édifice garde son caractère initial et ne perd pas son identité en quelque sorte. Néanmoins, par un évidemment de la grange, c’est-à-dire, l’enlèvement de toute la structure intérieure (parois, poteaux, pièces), la grange devient une boite vide. À l’intérieur de cette boite vide, les architectes, viennent alors créer des espaces dédiés à se loger. L’architecture intérieure est contemporaine et vient contraster le patrimoine local. Ce contraste n’est pas très interventionniste, comme l’exemple précédent où les architectes ont clairement opté pour l’afficher. À travers les ouvertures, très soignées sur les façades, nous pouvons observer ce contraste entre deux mondes différents. Sur l’image ci-contre, nous voyons cette superposition de deux architectures, l’une semblant compléter l’autre. Cette intervention semble être très soigneuse et rigoureuse, car on peut noter sur les images de la maquette fig. (7) et les documents techniques fig. (8,9,10,) l’intervention du nouveau dans l’ancien. Le nouveau vient se poser délicatement contre l’ancien, en créant en plus deux espaces d’alcôves très intéressants. Ces alcôves, ont à première vue, une importance plus spatiale et liée à une fonction et un usage intéressants. Quand on regarde de plus proche, ces espaces ne sont pas que fonctionnels (seuils, filtres de saisons, espaces dédiés et flexibles pour l’hiver ou l’été), mais présentent aussi un regard assez démonstratif de l’intervention architecturale. Il permet de se rendre compte de cette juxtaposition d’époques différentes, nous laissant apprécier l’harmonie créée entre deux architectures opposées. Ces espaces d’une profondeur d’un mètre environ, permettent de créer une certaine intimité pour la partie habitée. Sur l’image ci-contre fig. (11), l’espace représenté est celui de l’entrée. Une grande baie vitrée permet d’ouvrir le salon à l’extérieur. Sur l’image fig. (12,13), l’alcôve permet de créer une certaine distance par rapport à l’espace intime, qui est celui de la chambre à coucher. Une certaine distance par rapport au rapport que l’on a avec l’espace extérieur. C’est un travail de seuils permettant d’accentuer les domaines du privé du public.
L’intervention ne vient pas altérer l’aspect global du patrimoine et le monument en question. Elle permet de donner à l’édifice un nouveau caractère pour continuer à vivre, sans le dénuder de son identité. Quelques mots résumant cette intervention architecturale: réhabilitation, insertion, patrimoine identitaire, évidemment, remplissage.
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Eglise Dominicaine, Maastricht, Pays-Bas, Merkx et Girod, 2005.
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De Hervormde kerk, Paramaribo, Suriname, 2008.
fig. 156
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Dimension Historique
Eglise Dominicaine, Maastricht, Pays-Bas, Merkx et Girod, 2005.
De Hervormde kerk, Paramaribo, Suriname, 2008.
D’un point de vue historique, l’église gothique a été construite durant le XIIIe siècle. Commencée en 1260 plus exactement.
Construit, incendié et reconstruit en plusieurs fois, l’église réformée fut construit en 1668, reconstruit en 1810 après un incendie, reconstruit en 1833 après un autre incendie.
Dimension Sociale
Y habitaient des religieux dans des monastères autour de l’église.
L’église réformée a toujours regroupé plusieurs personnes d’origines différentes. En 1747, le premier esclave a été baptisé dans l’église.
Dimension Fonctionnelle
Les événements marquant le plus, le fonctionnement de l’église sont l’année 1899 où elle perd sa fonction d’origine pour être rebaptisée lieu d’exposition et en 2005, elle se voit transformer en lieu culturel abritant une bibliothèque.
L’église n’a pas toujours fonctionné comme telle, elle a été durant les premières années de son existence aussi un lieu de repère de la ville : une sorte de mairie. Une maison d’événements afin de véritablement jouer le rôle d’église en 1833.
Dimension Architecturale ’église construite en grès, marne et en pierre de Namur, est quasiment restée intacte depuis sa construction.
Les deux premiers bâtiments étaient en bois. Après plusieurs incendies, l’édifice a été construit en pierres sur l’extérieur et l’intérieur en bois.
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Contrairement aux exemples précédents, nous n’avons pas pu aboutir à une comparaison constante, car nous n’avons pas su trouver une église construite en bois aux dimensions qui correspondaient à l’église de la réforme catholique de Paramaribo. De plus contrairement aux autres exemples, où nous avions déjà une idée précise, structurée par les échanges avec Stephen Fokké, dans le cas de l’église de la réforme catholique, il est pour l’instant impossible de savoir quel autre programme pourrait y être apporté pour son éventuelle reconversion. Les études menées sur le site du Kerkplein, où l’église réformée prend une place centrale, ont démontré que l’espace autour de l’église, ainsi que les bâtiments constituant la place ne sont pas adaptés à transformer l’endroit « mort » en quelque chose de dynamique et vivante. D’après les échanges, il semblerait que Stephen Fokké était plus d’un avis de transformation globale de la place. L’espace urbain en question pose un énorme souci pour la sécurité de la ville. Aucunement investis par des programmes de nuit, les seuls programmes sur la place sont deux restaurants (dont un fast-food et un restaurant asiatique). Ces programmes subissent directement des répercussions à cause de l’insécurité qui y règne sur la place durant la nuit. Très peu fréquentés, ces deux restaurants ont failli se fermer à plusieurs reprises. Un projet de restructuration de la place, a permis à ces programmes de rester en place afin de ne pas créer plus d’inactivités. La restructuration de l’espace urbain concerné, comprend l’église et son éventuelle reconversion, les espaces autours (clôturés en ce moment) pourtant très prisés par de la végétation (espaces agréables) et la petite place annexées où l’on retrouve un monument et deux fontaines, également assez arborées. Grâce au fastfood déjà en place, l’idée première a été de réanimer l’espace par une programmation de multiples événements pouvant intéresser les jeunes. Espace multi-fonctionnel ; bibliothèque, salle de sport, cinéma. Un étudiant hollandais avait déjà travaillé sur ce questionnement, mais qui n’est pas intervenu sur le périmètre de l’église. Son intervention concernait un ancien bâtiment des années 50 face à l’église, dans lequel il imaginait un projet englobant toutes les fonctions citées juste avant.
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Afin de pousser l’imagination un peu plus loin, nous avons voulu s’interroger sur le périmètre de l’église même. C’est un espace très stratégique et au même temps très difficilement placé d’un point de vue piétonnier. Très centralisée, les voitures tournent autour de cette place au quotidien. On pourrait presque dire que c’est un carrefour. Sans doute que le projet doit réinterroger son aménagement urbain et paysager. Pour se confronter à la reconversion programmatique de l’édifice même, nous avons étudié plusieurs cas d’églises reconverties. Néanmoins, une église en particulier nous intéressait le plus. Pour son intervention intelligente, délicate au même temps et surtout réversible. Reconvertir un édifice religieux, qui est d’une architecture assez distinguée et rare, pourrait presque être un échec si l’intervention n’est pas « réussie ». Dans ce cas, très altéré, l’église perd son unicité et ses qualités. Dans l’exemple que nous présentons, l’intervention montre justement qu’il est possible d’éviter ce genre de manipulations regrettables. L’édifice en question se nomme l’église des Dominicains, située à Maastricht aux les Pays-Bas. D’un point de vue historique, l’église gothique a été construite durant le XIIIe siècle. Commencée en 1260 plus exactement, elle a été objet de plusieurs événements historiques durant la guerre. Les événements marquant le plus, le fonctionnement de l’église sont l’année 1899 où elle perd sa fonction d’origine pour être rebaptisée lieu d’exposition et en 2005, elle se voit transformer en lieu culturel abritant une bibliothèque. L’église construite en grès, marne et en pierre de Namur, est quasiment restée intacte depuis sa construction. Mis à part quelques édifices secondaires (monastères et logements), l’église a conservé sa volumétrie originaire. Dans le volume de l’église, l’intervention des architectes hollandais, Merkx et Girod, a su garder l’aspect global de l’église. Avec plusieurs modules amovibles, ils sont venus glisser des nouvelles volumétries à l’intérieur de la nef et entre les arcades. .
Un parallélépipède majeur vient se développer sur plusieurs étages et vient se glisser dans la partie centrale de l’église. Il permet d’accéder à des œuvres tout en proposant un parcours permettant de déambuler de façon circulaire. Dans la partie haute du parallélépipède, des espaces de lectures sous les arcades créent des endroits assez remarquables. On note alors la dualité entre le passé et le présent, deux langages architecturaux différents, mais qui sont en parfaite corrélation. Ensuite, d’autres parties de l’église sont investies par des volumes assez petits. Des étagères et des bibliothèques sont installés contre les murs de l’église et positionnés entre deux colonnes. À la place de l’autel, un espace de restauration est proposé. Autour d’une table en forme de croix sont organisés quelques chaises et tables. L’espace prédominant, permet de profiter d’une vue élargie de l’église. Principalement construit en acier repeint en noir, le nouveau programme contemporain, vient contraster la couleur ocre des pierres de l’église. Sans forcément « concurrencer » le langage architectural classique, le noir devient quasiment clair grâce aux apports lumineux des vitraux. Ils reflètent à certains moments de la journée certains aspects colorés des fresques et crée des jeux de lumière avec les différents livres de la bibliothèque. Si nous avons étudié cette transformation architecturale, c’est qu’elle permet de réfléchir sur une intervention contemporaine réversible. Malgré sa simplicité de mise en œuvre, l’espace d’origine est entièrement transformé et en ayant visité le lieu, nous pouvons dire que l’expérience spatiale change complètement d’une visite d’église ordinaire. Dédié aux moments calmes et spirituels entre l’homme et la foi, ce calme est dorénavant remplacé par une présence de vie omniprésente. Quelques mots résumant cette intervention architecturale : réhabilitation, insertion, patrimoine glissement, remplacement, reconversion, transformation, réversibilité, temporaire.
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Fondazione Prada, Milan, Italie, OMA, 2015.
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De centrale markt, Paramaribo, Suriname, 2016.
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Dimension Historique
Fondazione Prada, Milan, Italie.
De centrale markt, Paramaribo, Suriname.
L’ensemble de distilleries et industries a été construit en 1910, à Largo, Milan. A partir de 1993, il devient le nouveau lieu de l’art et de la culture Fondation de Prada.
Construit en 1959 à Paramaribo, Suriname par l’architecte P.J. Nagel, l’édifice n’a jamais subi de réhabilitation ou de mise aux normes.
Dimension Sociale
Industries et manufactures durant des séquences dans la journée.
Vécu de 5h jusqu’à 17h tout au long de la semaine par des activités commerciales.
Dimension Fonctionnelle
Distillerie, travail, manufactures.
Le bâtiment a toujours conservé sa seule fonction de marché.
Dimension Architecturale L’ensemble des édifices est principalement construit en pierres avec des toitures en ardoises et certains murs étaient récouverts d’enduit.
Le bâtiment est entièrement construit en béton avec des renforcements métalliques. Les puits de lumières ont subi plusieurs changements, verre, tôle endulée et du polycarbonate.
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Nous avons choisi cet exemple-ci, car il représente un contexte assez particulier et une démarche architecturale assez intelligente à nos yeux. Le contexte en question est celui d’un ensemble de bâtiments inscrits au patrimoine. Cet ensemble est un morceau urbain duquel aucune altération sur l’aspect physique des édifices y appartenant ne peut être rapportée. Comparé au village suisse de Reckingen, où l’ensemble était des bâtiments plutôt indépendants et isolés, cet ensemble présente des bâtiments accolés et juxtaposés. Historiquement, cet ensemble était une ancienne distillerie et a été pris en charge par la Fondazione Prada, qui en fait de ce lieu un endroit d’arts. Jamais habité et toujours servi de lieux de travail et de manufacture de différents produits, aujourd’hui, il devient un lieu multi-fonctionnel mélangeant activités culturelles. Tous les métiers s’y retrouvent allant de la création, au cinéma, à la peinture, aux arts, au théâtre. En 2011, l’agence OMA a la direction de créer et imaginer un vrai complexe artistique. C’est alors que l’idée de contraste est venue. Selon le site d’architecture, Arcdhaily, il s’agissait de trouver une constante confrontation entre le passé et le présent. Comment deux notions comme « la préservation » et « la nouvelle architecture » se mettent constamment en contraste, l’une complétant l’autre, sans jamais se rivaliser, était l’objectif du travail recherché. « The Fondazione is not a preservation project and not a new architecture. Two conditions that are usually kept separate here confront each other in a state of permanent interaction – offering an ensemble of fragments that will not congeal into a single image, or allow any part to dominate the others. » Et c’est exactement que l’agence OMA fait quand on regarde de près l’intervention architecturale. Le complexe composé de différentes typologies de bâtiments, restent néanmoins gravé dans une écriture architecturale datant du début du XXe siècle.
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Le contraste fort de l’intervention n’est pas seulement dans les matérialités, mais dans les volumétries. C’est essentiellement grâce aux différents jeux de volumétries et de compositions que ces nouveaux édifices interagissent de façon remarquable avec les anciens. On pourrait croire que les nouveaux édifices viennent justement rivaliser les anciens avec leurs présences fortes ressenties à travers les matérialités (recouvrement en or, fibres de béton texturé, verre réfléchissant, etc), mais sont au contraire là, pour les compléter. L’idée principale est de relier les différents édifices par un espace public de déambulation. C’est un espace public, tracé perpendiculairement, traversants les différents bâtiments centraux. Il permet de les relier, non seulement visuellement par des ouvertures, mais aussi fonctionnellement. Ensuite par un jeu de composition, horizontalité, verticalité, des blocs purs viennent compléter le morceau urbain en y créant des signaux. Ces derniers étant plus des architectures qui permettent de se rendre compte de l’intervention elle-même, créent une juxtaposition harmonieuse. Cette démarche architecturale semble d’autant plus intéressante, car elle permet de renouveler un morceau urbain qui n’était pas prédestiné à avoir des fonctions et des usages liés à l’art et la culture. Ce qui est intéressant, semble aussi les espaces qui étaient disponibles pour ceux qui pratiquent les lieux. Les artistes réinvestissent les lieux, malgré leurs histoires. En créant des nouveaux édifices au sein d’un contexte qui semble être figé, l’agence OMA a réussi à mettre en place un système qui pourra être évolutif au cours du temps. Les lieux ne sont pas tous prédestinés à avoir un seul usage et une seule fonction. L’architecte, Rem Koolhaas, cite le suivant, concernant la flexibilité de l’intervention. Mettant l’accent sur le jeu de l’interaction constante que l’art et l’architecture pourront créer.
« By introducing so many spatial variables, the complexity of the architecture will promote an unstable, open programming, where art and architecture will benefit from each other’s challenges. » Cette interaction, nous pouvons précisément la remarquer sur les images fig. (1, 2), où on voit notamment les contrastes qui créent les nouveaux avec les anciens. Un contraste matériel, qui reste néanmoins respectueux du patrimoine et qui vient jouer avec les différents éléments rythmant les espaces. Le métal, le béton, le recouvrement en or, ne semblent pas concurrencer l’architecture patrimoniale. Nous pouvons considérer cette intervention architecturale comme une sorte de juxtaposition volumétrique et matérielle. Ces jeux volumétriques créent des confrontations intéressantes et permettent de jouer sur des notions de symétrie, d’horizontalité et de verticalité.
fig. 166
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En tant qu’étudiant en architecture, nous sommes constamment confrontés aux situations auxquelles nous devons faire face à la réalité. Cette réalité professionnelle, nous l’avons pu aborder au semestre 7 avec des projets traitant la question les modes vies actuels en France. Comment on habite, comment on travaille, comment on partage le monde d’aujourd’hui ? Ce regard critique que nous avons dû développer au cours des différents exercices de projet d’architecture nous a permis aussi de constater que le monde en dehors de l’école est beaucoup plus « dure » et qu’il ne suffit plus aujourd’hui d’avoir juste une bonne idée de projet ou une bonne idée architecturale, sensible, plastique, mais que la question revient à interroger la précision et l’exigence que demande le métier d’architecte. L’architecture est la représentation de notre mode de vie, elle véhicule l’image, l’identité, des courants de pensée, de l’amour, de la fraternité, de la sociabilité, des histoires et des souvenirs. Si nous devons penser l’espace aujourd’hui en tant qu’étudiant en architecture, il faudrait alors déjà se mettre dans la position d’un architecte de demain. L’espace nouveau conçu sera un élément de plus à rajouter au monde, à l’humanité, au partage et au développement de chacun. C’est en partie, grâce à cette volonté personnelle et la « dure réalité » des choses, que nous avons intitulé ce dernier paragraphe tentatives.
Celles-ci, méritent notamment d’être exploitées plus finement, avec des échanges plus pointus entre les élus et les intervenants. À cet instant de la recherche, nous n’avons pas pu aboutir à des propositions plus détaillées, formellement ou d’un point de vue fonctionnel. Néanmoins, nous avons pu dégager quelques pistes programmatiques pour ces édifices, grâce aux études urbaines qu’ont été réalisés par les étudiants belges et grâce à notre regard personnel. Nous considérons, que notre recherche académique, très théorique pour le moment, a d’abord permis de se confronter à la réalité historique de ces édifices et à questionner leur identité, leur rattachement au territoire, leur symbolique. De ce point de vue historique, nous nous sommes rendu compte de leurs valeurs singulières qu’ils présentent non seulement pour la ville, mais aussi pour toutes les générations confondues d’aujourd’hui. Ces édifices restent pour la plupart des personnes, des éléments de repère. Ils constituent pour elles, des endroits forts de représentation ; appropriation des espaces alentours pour divers usages culturels, festifs, de loisirs. Ils permettent aussi de décrire l’architecture et la ville de Paramaribo à travers des anecdotes, des faits divers, très connus ou transmis par les ancêtres. Dans le cadre du projet de fin d’études, nous aimerions exploiter spatialement les transformations contemporaines pour ces édifices. D’après notre première intuition et des échanges encadrés par Stephen Fokké, la ville historique a besoin d’être visible, d’avoir un espace urbain dynamique et clair. La ville a aussi besoin de trouver des activités qui permettront de redonner le goût de vivre dans le centre-ville. Une ville aimée et une ville investie. Le front de mer de Paramaribo est notamment un espace urbain très imprégné d’événements historiques. Les édifices longeant cette côte illustrent parfaitement cette histoire coloniale ; de la construction du fort Zeelandia jusqu’à la construction du marché couvert de centrale markt, cet espace montre aussi l’évolution architecturale au fil des siècles.
Tentatives, car elles représentent des esquisses imaginaires alimentées par plusieurs éléments ; des éléments théoriques, des éléments graphiques, des volontés d’expériences singulières et des contraintes urbaines et architecturales. Ces tentatives imaginaires permettent de nous forger un projet qui ne cessera d’évoluer jusqu’au moment qu’il trouvera sa juste forme, son usage et son programme. Plus que des simples essais de transformations architecturales, ces tentatives permettent de réfléchir sur les espaces existants, les prendre en compte, les étudier, les mesurer, les identifier, afin d’aboutir à des propositions pour l’instant intuitives.
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Dans ce morceau urbain, nous notons effectivement l’enchaînement des édifices issus des siècles différents. Le fort Zeelandia du XVII, het waaggebouw du XVIII, het gebouw 1790 du XVIII et de centrale markt du XXe siècle. Ce sont des éléments qui ont marqué l’image architecturale de la ville de Paramaribo et pourrait alors porter en avant l’identité architecturale de la ville voire du pays. Ces tentatives imaginaires proposent une réflexion plus ouverte et souple, contrairement aux contraintes de la restauration et doit déclencher la prise de conscience chez les conservateurs pour des transformations spatiales plus libres. Nous avons fait le choix de nous concentrer sur quatre édifices qui ont le potentiel de rentrer dans cette dynamique urbaine propice à l’évolution de la ville. L’édifice restant ; l’église de la réforme, rentre dans un acte de transformation qui nous semble hors de portée et bien détaché de celui des édifices du front de mer. Ce dernier espace urbain a notamment l’opportunité de regagner des espaces qui étaient dédiés aux activités culturelles et nautiques d’antan, actuellement perdues. De plus, les édifices en question, peuvent jouer le rôle déclencheur d’une régénération urbaine à partir de l’existant. Ces édifices très largement inscrits dans la culture et l’éducation, peuvent être diversifiés programmatiquement afin de créer des activités plus hétérogènes et éviter à nouveau une sectorisation fonctionnelle. Ils doivent pouvoir abriter des fonctions adaptées pour les citoyens et jouer le rôle de référence identitaire.
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Conclusion Cela a été démontré que cette génération de seniors, apprécie moins le patrimoine architectural, car leurs sentiments sont encore très attachés aux événements historiques sombres (nouvelle forme d’esclavage et dominance occidentale par les Pays-Bas) et influencent notamment leur ressenti par rapport aux édifices qui perdurent. En effet, ils véhiculent une image coloniale douloureuse de l’émancipation récente de 1975. Le deuil et l’oubli ne se sont pas encore manifestés. Ce retour historique était, entre autre, nécessaire pour comprendre cette évolution architecturale du centre-ville de Paramaribo. Nous n’avons pas pu aller plus loin dans l’histoire des édifices, car il y a un nombre très limité d’ouvrages sur ces sujets-là. Néanmoins, les différentes œuvres qui existent aujourd’hui sont d’un grand intérêt, car elles sont écrites dans deux langues employées localement (le néerlandais et l’anglais). Le retour historique nous a aussi démontré comment la ville a changé au fil des quatre siècles et quelles sont notamment les différentes raisons pour cette créolisation du peuple qui a fortement influencé l’architecture hétérogène et métissée d’aujourd’hui.
Le patrimoine architectural de Paramaribo représente aujourd’hui une image plurielle qui ne cesse d’évoluer. Le centre historique essaie de garder son caractère colonial à tout prix, ne laissant aucune chance à de nouvelles formes architecturales et urbaines de s’exprimer. Son architecture, figée dans l’ère coloniale, fait recours systématiquement à une restauration : une résurrection en quelque sorte d’un objet physique qui ne meurt jamais et qui se renouvelle à chaque fois. Son âme, son charme, sa beauté ont néanmoins été ternis, car elle est devenue vide. Tel un contenant sans son contenu. Elle reste vide, car la vie n’est plus présente. Les personnes ne l’approprient, ne l’habitent, ne la sentent, ne la touchent plus. Ce renouvellement part d’une volonté de préserver ce bien patrimonial, imprégné d’histoires multiples des conservateurs et notamment de l’UNESCO. Il a donné lieu à des répercussions urbaines désastreuses pour la ville de Paramaribo, le conduisant à se détacher de ses usages et de ses fonctions nouvelles de sa société actuelle. Il a conduit les citoyens à s’en aller du centre-ville et à gagner les zones pavillonnaires de plus en plus étendues.
Nous étions tout d’abord partis d’un constat hypothétique et avons pu démontrer par les différents retours historiques, que la plupart des édifices sont restés intacts depuis leurs constructions datant depuis 1631 et ont été considérés comme des objets ayant une valeur esthétique, une valeur historique et une valeur d’usage très importantes. Ces résultats ont été démontrés par la thèse de Maartje Rijkers, qui a su mesurer grâce à une série de questionnaires des données sociales et des idéologies qu’ont les citoyens ; jeunes et seniors, envers le patrimoine architectural de Paramaribo. Ce sentiment fort départagé entre les jeunes et entre les seniors est avant tout lié à la question de générations. L’une ayant vécu durant le temps colonial et l’autre après l’indépendance des Pays-Bas.
Très rapidement, la question du développement de la ville de Paramaribo s’est posée. Comment repenser la ville de demain à partir de l’existant ? Un existant qui est un ensemble d’architecture plurielle et qui possède donc a priori, une identité plurielle. Protégé à l’UNESCO, le développement urbain s’est notamment avéré très contraignant pour la réinscription des édifices locaux et pour sa répartition programmatique dans la ville de Paramaribo. Scindés en plusieurs secteurs monofonctionnels et mono programmatiques, le centre-ville est devenu très contrasté temporellement. De jour, le centre-ville est très vivant et de nuit la ville est « morte ». Comment pouvons nous réinstaurer et réinjecter de la vie dans le centre-ville de Paramaribo ?
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Telle était la réflexion tout au long de la recherche dans ce mémoire. Quels ont été les facteurs liés à cet évidement social et à ce départ des citoyens ? Nous avons pu démontrer qu’il existait plusieurs facteurs liés notamment au classement de l’UNESCO. Ce qui a chassé les habitants du centre-ville en le transformant en une ville de commerces et de services. Ce départ des citoyens est aussi lié aux qualités de vie qui n’existeraient que dans les pavillonnaires d’après les résultats obtenus par Wim Dabaene et Claes Bert. Comment se positionner alors face à un contexte qui semble progressivement s’évider de sa population, mais qui ne cesse d’évoluer grâce aux nouvelles constructions récentes au SudOuest de la ville ? Comment trouver une cohérence identitaire pour le centre-ville de Paramaribo ? Nous avons pu mener une réflexion visà-vis de cette problématique. Elle prend notamment en compte l’existant du centre historique de Paramaribo et réfléchit comment ces édifices isolés peuvent de nouveau trouver un rattachement au développement de la ville. Grâce à des analyses faites sur des édifices patrimoniaux occidentaux, nous avons pu élargir la réflexion autour du sujet de la requalification. Un terme qui est riche dans le domaine de l’architecture et qui regroupe notamment plusieurs démarches liées à la transformation architecturale. Ces nouvelles transformations architecturales nous ont démontrées qu’il est extrêmement important de prendre en considération l’héritage, car il peut aussi servir de base pour tout nouveau projet et tout nouveau processus de création architecturale. Grâce à cinq études de cas, nous avons essayé de mettre en place des pensées qui permettront peut-être aux locaux de considérer ces démarches architecturales non pas comme des actes contemporains gratuits, mais qui permettront peut-être de se détacher de l’unique méthode de préservation actuellement employée au Suriname qui est la restauration à l’identique. Malgré une évidence démontrée et des résultats obtenus par les différentes thèses que l’on a pu étudier (Blufpand Yves, Maartje Rijkers), il aurait été plus pertinent d’analyser un nombre plus important d’édifices coloniaux.
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Un travail plus analytique et plus in situ serait pertinemment plus intéressant à faire. À ce stade, nous considérons que ce mémoire est un outil modeste de suscitation d’intérêt. Il se présente notamment sous forme d’un travail préliminaire qui nécessite un approfondissement plus ciblé afin d’observer des résultats plus intéressants et plus satisfaisants. Le patrimoine architectural de Paramaribo est un outil de réflexion. Il sert à s’identifier, à se souvenir, à se construire ou à se reconstruire. Son identité réside en grande partie entre les mains de sa population de plus en plus créolisée. Il est là pour témoigner des histoires riches. Pour s’imaginer le passé, pour commémorer des événements, pour rendre un certain respect à l’antan. Paramaribo, n’est qu’un exemple de centaines de villes dans le monde entier, qui a hérité un passé et qui a vécu une dominance coloniale. Il est aujourd’hui la preuve d’un bel exemple que de préserver un certain mode d’habit est possible, mais qu’il faut aller de l’avant. Qu’il faudrait songer à s’adapter aux usages actuels, aux dynamiques nouvelles et aux évolutions urbaines de la société actuelle. D’après notre lecture de l’œuvre « Un bâtiment, combien de vies ? » de Francis Rembert, nous sommes convaincus qu’il existe une place pour la transformation architecturale de ces édifices coloniaux. Que la société actuelle ne peut rester vivre dans le passé et que l’architecture n’est pas un objet qu’il faut recycler à son état d’origine sans cesse, car les sociétés successives ne l’habitent pas de la même manière. Elle est source d’émotions, génératrice d’espaces communs, de sociabilité, d’habiter, de travail, de loisir, de pluralités fonctionnelles et usagères. Le processus de requalification urbaine présente de multiples facettes à exploiter et à être encouragées. Comment pourrait-on accéder à une cohérence identitaire de la ville de Paramaribo où son histoire semble être une valeur importante et unique à préserver ? Le temps ne s’arrête pas, l’architecture ne peut à cet égard s’arrêter. Célébrer l’histoire de Paramaribo à travers un projet de requalification de ses édifices coloniaux est notre piste de réflexion future. Comment intégrer son histoire au futur ?
B I B L I O G R A P H I E Les références bibliographiques sont présentées dans l’ordre chronologique de parution des ouvrages ; chaque chapitre ayant ses propres références.
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Chapitre 1
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Le centre historique de Paramaribo ou une ville figée dans l’ère coloniale ?
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Chapitre 2
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CREDITS PHOTOGRAPHIQUES ET SOURCES DOCUMENTAIRES Les photographies ainsi que les documents graphiques sont présentés dans l’ordre chronologique de parution.
Fig. 15 Carte retravaillée, d’après © Bellin,1760, © Stanney Kasmo 2016.
Chapitre 1
Fig. 16 Cart retravaillée, d’après © Tirion1760, © Stanney Kasmo 2016.
Le centre historique de Paramaribo ou une ville figée dans l’ère coloniale ?
Fig. 17 Carte retravaillée, Stanney Kasmo 2016.
Fig. 01 Photo aérienne retravaillée, du centre historique avec les cinq édifices localisés pourl’étude. © Google Earth. Fig. 02
Etat d’origine, Het gebouw 1790, © Jan Koenraadt, 1979.
Fig. 03 2003.
Etat après un incendie, Het gebouw 1790, © Pieter Edelman,
d’après © Hiemcke 1805, ©
Fig. 18 Carte retravaillée, d’après © Spirlet 1950, © Stanney Kasmo 2016. Fig. 19 Carte retravaillée, © Google Earth, Vue aérienne 2000, © Stanney Kasmo 2016.
Fig. 04 Vue depuis la rivière Suriname, Het fort Zeelandia, Jan © Koenraadt, 1979.
Fig. 20 Carte retravaillée, © Google Earth, Vue aérienne 2000, © Stanney Kasmo 2016.
Fig. 05 Vue depuis la place de la statue de la reine Wilhelmina, Het fort Zeelandia, © Margriet Kruiper, 2008.
Fig. 22 Maisons coloniales à Kerkplein, dans le centre historique, © Tino Sawiranoe, 2014.
Fig. 06 Dans la rue Waterkant, Het waaggebouw, © Stichting Surinaams Museum, 1915.
Fig. 23 Photo aérienne, Vue du centre historique et le front de mer - Waterkant, © Dulamari, 2004.
Fig. 07 2013.
L’entrée principale, Het waaggebouw, © ParamariboStad,
Fig. 24 Photographie d’une scène journalière dans la Domineestraat, © Stichting Surinaams Museum, 1960.
Fig. 08 1920.
Le parc, de hervormde kerk, © Stichting Surinaams Museum,
Fig. 25 Photographie de la même scène aujourd’hui dans la Domineestraat, © Jovrede Youtube, 2004.
Fig. 09 2003.
L’espace clôturé, De hervormde kerk, © Flickr, Sawiranoe,
Fig. 26 Photographie d’une scène journalière dans la Maagdenstraat, © Stichting Surinaams Museum, 1950.
Fig. 10 La structure apparente en béton, De centrale markt, © Maria Nagel De Groot, Monographie Peter Nagel, 1960.
Fig. 27 Photographie de la même scène aujourd’hui dans la Maagdenstraat, © Jovrede Youtube, 2004.
Fig. 11
De centrale markt, Youtube, © Vice, 2014.
Fig. 12 2016.
Carte retravaillée, d’après © Maars 1690, © Stanney Kasmo
Fig. 28 Photographie du canal rambrandersgracht à marrée basse, © Stichting Surinaams Museum, 1940.
Fig. 13 2016.
Carte retravaillée, d’après © Ottens 1719, © Stanney Kasmo
Fig. 29 Vue aérienne du parcours des pirogues dans le cana Sommeldijkse Kreekl, longeant le centre historique. Photo aérienne retravaillée, © Google Earth, 2016.
Fig. 14 2016.
Carte retravaillée, d’après © Tirion 1760, © Stanney Kasmo
Fig. 30 Monument commémorant le centenaire du parlement colonial, Vaillantsplein, Parmaribo, © Romelang - Panoramio, 2014.
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Fig. 31 Monument commémoratif de la révolution (Guerre de Vietnam), © Rolfes - Mediakit, 2006. Fig. 32 Carte avec la désignation de la zone de conservation d’après UNESCO, © Stanney Kasmo, 2016. Fig. 33 Photo aérienne retravaillée après consultation du document ci-dessus (fig.32), délimitant la zone I. Fig. 34 Photographiede la place de l’indépendance avec de gauche à droite, ancien palais et nouveau palais de congrès, la bourse et le palais présidentiel, © Karel Donk, 2014. Fig. 35 fig.32
Photo aérienne retravaillée après consultation du document
Fig. 36 Photographie de Henck Arronstraat, avec les édifices allignés sur la rue, © Lennart Schoorts, 2015. Fig. 37 fig.32
Photo aérienne retravaillée après consultation du document
Fig. 38 Photographie d’une cabane traditionnelle avec son ponton et sa passerlle partant d’un htôtel particulier, © Faun070, 2012. Son architecture renvoie à l’image de premières constructions de maisons réalisées au XVIIe. Fig. 39 Façade retravaillée d’un bâtiment colonial du centre historique, d’après un relevé métrique de © KDV Architects, Waterkant, © Stanney Kasmo, 2016. Fig. 40 Façade retravaillée d’un bâtiment colonial à Waterkant, d’après un relevé de © KDV Architects, © Stanney Kasmo, 2016. Fig. 41 Façade retravaillée d’un bâtiment colonial à Waterkant, d’après un relevé de © KDV Architects, © Stanney Kasmo, 2016. Fig. 42 Façade retravaillée d’un bâtiment colonial à Gravenstraat, d’après un relevé de © KDV Architects, © Stanney Kasmo, 2016. Fig. 43 Les maisons coloniales autourdu fort Zeelandia, © Extrait du film de VAN DE VELDE Jean, Hoe duur was de suiker, 2013. Fig. 44 Les maisons coloniales sur le front de mer, Waterkant, © Forestjunky-Wikipedia, 2008.
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Chapitre 2
Lé départ des sourires : une ville qui perd son identité.
Fig. 45 Photographie de l’entrée sécurisée de Palm Village, © Vakantie Suriname, 2014. Fig. 46 Photographie d’une maison individuelle d’une famille mixte dans le Palm village, © Vakantie Suriname, 2014. Fig. 47 Photographie de l’espace naturel du Palm village, © Vakantie Suriname, 2014. Fig. 48 Photographie d’une maison individuelle d’une famille d’origine indienne, © Vakantie Suriname, 2014. Fig. 49 Vue aérienne des deux rives avec le pont Wijdenbosch reliant les deux villes. © Google Earth. Fig. 50 Carte de la distinction des activités : commerces/Services, d’après le travail de © BLUFPAND Yves, © Stanney Kasmo, 2016. Fig. 51 Carte des différentes activités du centre historique de Paramaribo et les zones tampons II, III, d’après le travail de © BLUFPAND Yves, © Stanney Kasmo, 2016. Fig. 52 Carte représentant les différents siècles d’extension, XVIIe > XVIIIe > XIXe. Fig. 53 Carte représentant les étages libres dans le centre -ville, © CLAES Bert et DEBAENE Wim, 2010. Fig. 54 Fig. 55 Fig. 56 Fig. 57 2013.
La nouvelle place des drapeaux, © Sara Clem 2012. Anciennce place des drapeaux, © Google Earth, 2012. Nouvelle place des drapeaux, © Bing, 2016. Digue séparant le litoral et la rivière, © Jao Lateio - Flickr,
Fig. 58 Maison coloniale délabrée et abandonnée, Paramaribo, © Jan Broekema, 2014. Fig. 59 Ancien bâtiment annexe, assemblée nationale, en ruines après incendie, © SGES, 2010. Fig. 60 Ston oso ou la maison de brique, emblématique dans l’histoire de Paramaribo ; maison de justice. Elle date de 1776 et s’est dégradée au fil des années, car une dispute de la parcelle est toujours en cours, © SGES, 2012.
Fig. 61
fig. 74 Gravure d’une demeure amérindienne dans la forêt profonde, document des archives coloniales. BENOIT, Pierre Jacques (17821854) Voyage à Surinam : description des possessions néerlandaises dans la Guyane : cent dessins pris sur nature par l’auteur, Bruxelles : Société des Beaux-Arts, © Manioc.
Maison coloniale, domaine du Fort Zeelandia, © SGES, 2014.
Fig. 62 Tableaux des différents questionnaires par rapport aux édifices coloniaux dans le centre-ville et leur valeur esthétique pour les populations, d’après, Thèse RIJKERS Maartje, Cultureel erfgoed in Paramaribo: goed voor iedereen?, Nijmegen, April 2006, page 48.
fig. 75 Gravure d’un colon qui visite un village amérindien, document des archives coloniales. BENOIT, Pierre Jacques (1782-1854) Voyage à Surinam : description des possessions néerlandaises dans la Guyane : cent dessins pris sur nature par l’auteur, Bruxelles : Société des Beaux-Arts, © Manioc.
Fig. 63 Tableau des résultats par rapport à la question de la beauté du centre-ville, d’après la thèse RIJKERS Maartje, Cultureel erfgoed in Paramaribo: goed voor iedereen?, Nijmegen, April 2006, page 100. Fig. 64 Tableau des résultats par rapport à la question des édifices délabrés dans le centre-ville, d’après la thèse RIJKERS Maartje, Cultureel erfgoed in Paramaribo: goed voor iedereen?, Nijmegen, April 2006, page 100.
fig.76 Photographie de la célébration par le peuple, Een vol één natie = Un peuple, une nation, © Nationaal Archief, Den Haag, nummertoegang 2.24.01.07, 1975. fig. 77 Photograpie de la célébration de l’indépendance avec les représentants de l’Etat ; Henck Arron, la Reine Beatrix et Johan Ferrier, Nationaal Archief, Den Haag, Rijksfotoarchief: Fotocollectie Algemeen Nederlands Fotopersbureau (ANEFO), 1975, © Wikikids.nl
Fig. 65 Tableau des résultats pour les édifices contemporains dans la ville, d’après la thèse RIJKERS Maartje, Cultureel erfgoed in Paramaribo: goed voor iedereen?, Nijmegen, April 2006, page 101. Fig. 66
fig. 78 Photograpie de la célébration de l’indépendance de deux jeunes citoyens tenant un drapeau du Suriname, © Yoricksmakman, 1975.
Drapeau surinamien, © Images Google.
Fig. 67 Tableaux d’après, Thèse RIJKERS Maartje, Cultureel erfgoed in Paramaribo: goed voor iedereen?, Nijmegen, April 2006, page 9.
fig. 79 Gravure d’une scène journalière de Parmaribo, quelques maisons coloniales et des esclaves africains, BENOIT, Pierre Jacques (1782-1854) Voyage à Surinam : description des possessions néerlandaises dans la Guyane : cent dessins pris sur nature par l’auteur, Bruxelles : Société des Beaux-Arts, © Manioc, 1631.
Fig. 68 Tableaux d’après, Thèse RIJKERS Maartje, Cultureel erfgoed in Paramaribo: goed voor iedereen?, Nijmegen, April 2006, Annexes. Fig. 69 Fig. 70 Fig. 71
Tableaux _ Tableaux _ Tableaux _
fig. 80 Gravure d’une plantation et des maisons d’esclaves africaines, © SGES. fig. 81 Gravure du Jodensavane, situé sur des collines près du fleuve, Suriname, © SGES, 1800.
fig. 72 Gravure de la communauté Parmubo, à l’arrivée des colons, document des archives coloniales. BENOIT, Pierre Jacques (17821854) Voyage à Surinam : description des possessions néerlandaises dans la Guyane : cent dessins pris sur nature par l’auteur, Bruxelles : Société des Beaux-Arts, © Manioc.
fig. 82 Photographie d’un village africain ; maisons alignées à la rue, Suriname, © SGES. fig. 83 Une famille d’origine africaine dans un village et en costume traditionnel, Suriname, © SGES.
fig. 73 Gravure de la population amérindienne et leur premier échange avec un colon espagnol, document des archives coloniales. BENOIT, Pierre Jacques (1782-1854) Voyage à Surinam : description des possessions néerlandaises dans la Guyane : cent dessins pris sur nature par l’auteur, Bruxelles : Société des Beaux-Arts, © Manioc.
fig. 84 Photographie d’une famille d’origine indonésienne avec leur chef de plantation, Suriname, © SGES. fig. 85 SGES.
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Photographie d’une famille d’origine chinoise, Suriname, ©
fig. 86 Photographie d’une famille d’origine indonésienne avec leur chef de plantation, Suriname, © SGES.
fig. 101 Vue depuis le canal, Ma Retraite Mall ; Centre commercial et hôtel, Paramaribo, © Over Suriname,2013.
fig. 87
fig. 102 2014.
Photographie d’un village indien, Suriname, © SGES.
fig. 88 Photographie Suriname, © SGES.
d’une
maison
fig. 89 Photographie d’un village asiatiques, Geyersvlijt, © SGES.
de
communautaire maisons
de
chinois, plantations
fig. 90 Photographie d’un magasin général à Paramaribo, © Maria Nagel De Groot, Monographie Peter Nagel, 1960. fig. 91 Photographie d’un bâtiment de services à Paramaribo, © Maria Nagel De Groot, Monographie Peter Nagel, 1960. fig. 92 Photographie d’une maison privée à Paramaribo, © Maria Nagel De Groot, Monographie Peter Nagel, 1960. fig. 93 Photographie du théâtre national, Star, à Paramaribo, © Maria Nagel De Groot, Monographie Peter Nagel, 1960. fig. 94 Photographie d’une banque à Paramaribo, © Maria Nagel De Groot, Monographie Peter Nagel, 1960. fig. 95 Photographie du palais de congrès. Inspiré de l’architecture coloniale, construit en acier et en verre, Paramaribo, © PVT Pauline, 2011. fig. 96 Photographie de l’hôtel Residence Inn, Paramaribo, © Hôtel Residence inn, 2014. fig. 97 Photographie de l’hôtel Royal Torarica, Paramaribo, © Royal Torarica, Bedrijf Kiesel, 2014. fig. 98 Vue aérienne du péri-urbain, grand étendu de maisons pavillonnaires structuré selon de grilles orthogonales, Paramaribo, © Google Earth, 2014. fig. 99 2012.
Photographie d’une maison privée, Paramaribo, © Stuvrede,
fig. 100 Photographie d’un quartier pavillonnaire, Mon Plaisir, © Waiting for the sun - Flickr, 2014.
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Le centre-ville, côté commerces, Paramaribo, © Karel Donk,
fig. 103 Vue du Sud du centre-ville. L’architecture est plus hétérogène et se multiplie plus formellement et matériellement, Paramaribo, © Karel Donk, 2014.
Chapitre 3
Vers une requalification de l’identité architecturale du centre historique de Paramaribo.
fig. 104 Photographie de l’entrée du fort Zeelandia, Parmaribo, © Art Photos - Flickr, 2013. fig. 105 Photographie de la juxtaposition de pierres et de la brique, Fort Zeelandia, Parmaribo, © Art Photos - Flickr, 2013. fig. 106 Photographie de la juxtaposition de pierres et de la brique, Fort Zeelandia, Parmaribo, © Art Photos - Flickr, 2013 fig. 107 Vue aérienne de la citadelle Nieuw-Amsterdam, Commewijne, © Google Earth, 2014. fig. 108 Edifices coloniaux sur des socles rouges en brique, © Els Slots - Flickr, 2013. fig. 109 Palais présidentiel, Paramaribo, © Swietiesranang, 2015. fig. 110 Synagogue construite en brique et en bois, © Teachandlearn - Flickr, 2012. fig. 111 Anciennces maisons de maître, vue depuis le fort Zeelandia, Paramaribo, © Karel Donk, 2014. fig. 112 L’assemblée nationale, Paramaribo, © Tino Sowiranoe, 2014. fig. 113 Palais présidentiel, Paramaribo, © Swietiesranang, 2015. fig. 114 Surinaamsche bank, Paramaribo, © Xenocrates Mars, 2014. fig. 115
Bâtiment de services, Paramaribo, © Tino Sowiranoe, 2014.
fig. 116 Reconstruction virtuelle par l’agence KDV architectes du moulin Peperpot, Paramaribo, © KDV architects, 2013.
fig. 128 Photographie de l’entrée Moritzburg Museum, Nieto Sobejano Arquitectos, © Roland Halbe fotografie - Dezeen, Halle, 2004.
fig. 117 Photographie du moulin Peperpot en phase de restauration, Commewijne, © Exotische reizen Suriname - pinterest, 2015.
fig. 129 Photographie façade Het gebouw 1790, © Hans Sterkendries - Panoramio, Paramaribo, 2013.
fig. 118 Galleries et emploi de nouveau matériaux (fer et fente), © SGES, 2014.
fig. 130 2004
fig. 119 Reconstruction virtuelle par l’agence KDV architectes d’une maison coloniale typique, symétrie et simplicité, Paramaribo, © KDV architects, 2013.
fig. 131 Coupe longitudinale, Nieto Sobejano Arquitectos, © Dezeen, Halle, 2004 fig. 132 Plan de la citadelle, Nieto Sobejano Arquitectos, © Dezeen, Halle, 2004
fig. 120 Reconstruction virtuelle par l’agence KDV architectes d’une maison coloniale typique, symétrie et simplicité, Paramaribo, © KDV architects, 2013. fig. 121 Apparition première de balcons et galeries, Paramaribo, © SGES. fig. 122 Architecture éclectique, emploi des complexes, Paramaribo, © KDV architects, 2013.
volumétries
Axonométrie, Nieto Sobejano Arquitectos, © Dezeen, Halle,
fig. 133 Maquette de la citadelle avant le projet de restauration, Nieto Sobejano Arquitectos, © Dezeen, Halle, 2004 fig. 134 Photographie depuis la cour intérieur, Nieto Sobejano Arquitectos, © Roland Halbe fotografie - Dezeen, Halle, 2004
plus
fig. 135 Photographie d’un espace intérieur : le contraste du passé et du présent, Nieto Sobejano Arquitectos, © Roland Halbe fotografie Dezeen, Halle, 2004
fig. 123 La maison préfabriquée de Bruynzeel, Paramaribo, © KDV architects, 2013.
fig. 136 Photographie d’un espace intérieur : une salle d’exposition suspendue, Nieto Sobejano Arquitectos, © Roland Halbe fotografie Dezeen, Halle, 2004
fig. 124 La maison privée Dojo de l’architecte Arie Verkuijl, Paramaribo, © KDV architects, 2013. fig. 125 L’ensemble des documents présentent les grandes intentions du projet du littoral. Nouveaux édifices et nouveaux espaces publics le long du fleuve promettent de rendre la côte très touristique. © Philip Dikland, Koenraadt, KDV architects, UDP, 2008 - 2014.
fig. 137 Photographie de la tour Massimilana, C&S Associati, Archello , Venise, 2004
©
fig. 138 Photographie du fort Zeelandia et la statue de la reine Wilhelmina, © SGES - Flickr , Paramaribo, 2008
fig. 126 Vue de l’entrée du musée, située entre deux édifices classés, Rivesaltes et Salses-le-Château, © Conseil Général des Pyrénées Orientales, Frédéric Hedelin, Kévin Dolmaire, 2015.
fig. 139 Photographie de la cour et l’entrée au musée, C&S Associati, © Archello , Venise, 2004
fig. 127 L’hôtel Seek’o, dans le tissu urbain bordelais, Bordeaux, © Atelier King Kong - Archdaily, 2015.
fig. 140 2004
Plan et coupe du projet, C&S Associati, © Archello , Venise,
fig. 141 Photographie depuis la cour intérieur, C&S Associati, Archello , Venise, 2004
©
fig. 142 Photographie de la façade : détails de superposition de matériaux anciens et nouveaux, C&S Associati, © Archello , Venise, 2004
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fig. 143 Photographie de nuit : la façade illuminée et mise en valeur, C&S Associati, © Archello , Venise, 2004
fig. 159 Photographie du montage de la structure, Merkx et Girod, © Merkx , Maastricht, 2005.
fig. 144 Photographie de l’espace d’exposition, C&S Associati, Archello , Venise, 2004
©
fig. 160 Photographie d’un espace de lecture, Merkx et Girod, Merkx , Maastricht, 2005.
fig. 145 Photographie de la salle de projection, C&S Associati, Archello , Venise, 2004
©
fig. 161 Photographie de la confrontation du projet nouveau à l’espace dégagé de l’église, Merkx et Girod, © Merkx , Maastricht, 2005.
fig. 146 Photographie du rapport entre l’existant et le nouveau projet, C&S Associati, © Archello , Venise, 2004 fig. 147 Photographie de la casa C, Camponovo Baumgartner Architekten, © José Hevia - Ideasgn, Reckingen, 2012. fig. 148 Photographie de Het Waaggebouw, Paramaribo, 2013.
© SGES - Flickr,
fig. 149 Plan, coupe et maquette, Camponovo Architekten, © Ideasgn, Reckingen, 2012.
Baumgartner
fig. 150 Photographie de la grange avant l’intervention architecturale, et la façade nouvelle, Camponovo Baumgartner Architekten, © Ideasgn, Reckingen, 2012. fig. 151 Photographie de l’espace tampon : seuil entre la façade existante et la façade du projet nouveau, Camponovo Baumgartner Architekten, © José Hevia - Ideasgn, Reckingen, 2012. fig. 152 Photographie depuis la chambre, Camponovo Baumgartner Architekten, © José Hevia - Ideasgn, Reckingen, 2012. fig. 153 Photographie de l’espace tampon : seuil entre la façade existante et la façade du projet nouveau, Camponovo Baumgartner Architekten, © José Hevia - Ideasgn, Reckingen, 2012. fig. 154 Photographie de la façade d’entrée, Merkx et Girod, Merkx , Maastricht, 2005.
©
fig. 155 Photographie depuis le dernier étage de la bibliothèque, Merkx et Girod, © Merkx , Maastricht, 2005. fig. 156 Photographie de la façade d’entrée et l’intérieur, Kerkplein, © SGES - Flickr , Paramaribo, 2008. fig. 157
Plan du projet, Merkx et Girod, © Merkx , Maastricht, 2005.
fig. 158 2005.
Coupe du projet, Merkx et Girod,
© Merkx , Maastricht,
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©
fig. 162 Photographie depuis le dernier étage de la bibliothèque entre les arches, Merkx et Girod, © Merkx , Maastricht, 2005. fig. 163 Photographie de l’ancien autel transformé en espace de restauration, Merkx et Girod, © Merkx , Maastricht, 2005. fig. 164 Vue aérienne retravaillée de la Fondazione Prada, Rem Koolhaas OMA, © Google Earth , Milan, 2005. fig. 165 Vue aérienne retravaillée du Markthal, Paramaribo, 2016.
© Google Earth ,
fig. 166 Vue axonométrique, Rem Koolhaas OMA, © Google Earth , Milan, 2005. fig. 167 Vue axonométrique des nouveaux édifices rajoutés, Rem Koolhaas OMA, © Dezeen , Milan, 2005. fig. 168 Vue axonométrique de l’intention du projet, Rem Koolhaas OMA, © Dezeen , Milan, 2005 fig. 169 Plans du RDC, R+1 et R+2 du projet, Rem Koolhaas OMA, © Dezeen , Milan, 2005 fig. 170 Vue de l’ensemble : confrontation entre l’existant et les nouveaux édifices, Rem Koolhaas OMA, © Dezeen , Milan, 2005 fig. 171 Photographie depuis la cour intérieur, Rem Koolhaas OMA, © Dezeen , Milan, 2005 fig. 172 Photographie du nouveau projet juxtaposé sur l’existant, Rem Koolhaas OMA, © Dezeen , Milan, 2005 fig. 173 Photographie du vis-à-vis entre l’existant et le nouveau projet, Rem Koolhaas OMA, © Dezeen , Milan, 2005
Je tiens à remercier tous ceux qui me sont venus à l’aide pour réaliser ce mémoire et qui ont participé d’une manière ou d’une autre à l’aboutissement de ce travail. Monsieur Gilles-Antoine Langlois pour son encadrement et son point de vue intréressant sur le patrimoine en général. Son écoute et ses nombreux conseils. Monsieur Stephen Fokké, pour les nombreux échanges autour du sujet et du projet urbain actuel. Mes amis et ma famille pour leur soutien moral et leurs encouragements tout au long de ce parcours.
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Le patrimoine colonial de Paramaribo est un héritage architectural riche d’influences ethniques. Marqué par un métissage d’ethnies différentes, cette architecture coloniale repose aussi sur une image omniprésente qui est celle de la domination occidentale. Quarante et un an après l’indépendance, le Suriname est toujours en quête de son identité et de l’image qu’il veut véhiculer au monde entier. Projet socio-politico-urbain très ambitieux, il tente de préserver ses éléments physiques qui témoignent de son passé, fortement imprégné par l’esclavage et la dominance occidentale. Comment parvient-il à conserver un patrimoine architectural inapproprié aujourd’hui par ses citoyens ? À travers une série de questionnements précis sur cet héritage architectural, le mémoire exploite les origines de cette architecture coloniale et tente de mettre en place une prise de conscience considérable pour que ces éléments physiques inappropriés à l’instant, trouvent de nouveau une place dans le développement urbain de la ville de Paramaribo. Il essaie à travers un certain nombre d’exemples contemporains internationaux, de proposer des transformations architecturales adaptées aux édifices de Paramaribo. Cette recherche se veut alors plus ouverte d’esprit, plus libre, afin de diversifier la restauration à l’identique qu’impose l’UNESCO à l’ensemble des édifices protégés, les conduisant à une stérilisation et à un désaveu complet des citoyens. Mots clefs : patrimoine / colonie / architecture / héritage / métissage / reconversion / réhabilitation
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