P. 14 — Art
ALICJA KWADE – ~
– TEXTE LAURENCE PERRILLAT – – PHOTOGRAPHIE COURTESY DE L’ARTISTE - GALERIE KAMEL MENNOUR, PARIS & GALERIE JOHANN KÖNIG, BERLIN –
— Le vélo de course de la jeune artiste Alicja Kwade, courbé sur lui-même, dessine le mouvement circulaire et infini du temps qui passe, une œuvre qui est moins une sculpture qu’une exploration d’un instant suspendu. Alicja Kwade est une jeune artiste polonaise établie à Berlin. Son œuvre Reise ohne Ankunft (Rennrad) de 2012 - que l’on pourrait traduire par “Voyage sans fin (vélo de course)” - consiste en un vélo déformé sur lui-même en forme de cercle. Cette déformation lui permet de tenir debout seul, sans béquille. Et si l’on tentait de le chevaucher et de pédaler, c’est en cercle, dans le sens des aiguilles d’une montre que l’on roulerait. Cette sculpture, comme beaucoup d’œuvres récentes d’Alicja Kwade, explore la déformation manuelle, courbe et parfois violente d’objets prélevés dans la vie quotidienne. Une inclinaison circulaire que l’on peut aisément imaginer instinctive et spontanée du vélo lui-même qui, lassé de rouler linéairement d’un point à l’autre, préférerait subitement tourner sur lui même ; ou encore la réaction empathique du cadre métallique rectiligne qui perçoit la circularité et la rotation des composants voisins tels que les roues et les pignons, et en reproduit spontanément la forme pour s’accorder au décorum de volutes et enrouler l’ensemble dans une mécanique fluide et infinie. Cette sculpture centrifuge éveille l’imaginaire d’un voyage infini, sans début ni fin. Ainsi courbé sur lui-même, le vélo s’il roulait, produirait un mouvement parfait autour de son centre : la trace arrondie laissée par la première roue serait précisément recouverte par la seconde. Plus vraiment d’avant ni d’arrière, mais tout de même un sens de rotation, celui du temps qui défile. Un tel objet développe certes un puissant potentiel narratif. Cette déformation, pourquoi, comment, pour quoi faire, pour qui, et surtout pour aller où ? Mais c’est plutôt sur le registre allégorique qu’il est saisissant. Cette œuvre s’inscrit dans une réflexion menée par l’artiste autour de la notion de durée du temps présent. Coincé entre le passé et le futur, le présent, combien de temps dure-t-il ? Tournant sur lui-même, le vélo condense et combine le temps et l’espace, il est le manège d’un mouvement infini. Née en 1979 à Katowice, Pologne, Alicja Kwade vit et travaille à Berlin.
— Young artist Alicja Kwade’s race bike, all curved in on itself, represents the endless circular movement of passing time: not so much a sculpture as an exploration of a suspended moment.
Alicja Kwade is a young Polish artist who lives and works in Berlin. Her 2012 piece Reise ohne Ankunft (Rennrad)I – which could be translated as “Endless journey (race bike)” – consists of a bicycle that has been bent to form a circular shape. The deformation allows it to stand by itself without a kickstand. If one tried to ride it and push the pedals, the bicycle would be turning around clockwise in a circle. Like many of Alicja Kwade’s works, the sculpture explores a process of curvilinear and sometimes brutal deformation, operated by hand on everyday objects. It is as if the bicycle, tired from riding from A to B, had instinctively decided to curve in on itself; or as if the bicycle’s square metal frame had spontaneously reacted to the other components’ shape and rotation by matching their swirls with an infinite mechanical gyration. This centrifugal sculpture takes the imagination on an endless journey, without an end or a beginning. If the bicycle could move, it would create a perfect movement around its center: the circular trace left by the front wheel would be precisely covered by the back wheel. There is no front or back anymore – just the sense of rotation and passing time. The object does have a powerful narrative potential: why? how? what for? who for? And more importantly, where to? But the piece’s most powerful aspect is its allegorical dimension. It fits within the artist’s reflection around the notion of present time: what is the duration of the present, stuck in between past and future? As it turns around on itself, the bicycle condenses and combines time and space, like a merry-go-round of infinite movement. Born in 1979 in Katowice, Poland, Alicja Kwade lives and works in Berlin. Reise ohne Ankunft (Rennrad) 2012 Vélo courbé 100 x 80 x 60 cm © Alicja Kwade Courtesy de l’artiste, Kamel Mennour, Paris et Johan König, Berlin
P. 38 — Portrait
NOÉ – ~
– INTERVIEW MARC SICH - PHOTOGRAPHIE FRÉDÉRIC MARGUERON –
— Rencontre avec Noé Duchaufour-Lawrance. Designer et architecte d’intérieur, le voisin souriant que l’on salue au passage et l’homme élégant que l’on remarque sur son vélo. Découvrant que nous avions des amis en commun, je commence à m’intéresser au personnage. Ses références sont impressionnantes, sa réputation est sans égale, son style reste unique. C’est après plusieurs échanges que nous nous sommes arrêtés sur une date et un lieu. Le monsieur “vélo” que j’incarnerai lors de notre entretien, tentera de cerner le personnage, de connaître ses inspirations et ses modus operandi. Mais surtout savoir ce qu’un designer, tel que lui, pense du vélo, de son esthétique et de son usage en ville. Et par un beau jeudi d’été (qui manquait cruellement cette année à Paris) nous nous sommes retrouvés au Caffé dei Cioppi. Une bouteille d’eau sur la table, nous prenons nos marques et tergiversons simultanément. On décide alors de partager l’entrée : Burratta di Buffala et ses tomates cerise, un délice… La discussion s’engage et je me lance dans l’interview. Soudain nos deux assiettes de Liguine alle vongole se posent ente nous… Le plat semble délicieux, la situation propice, c’est entre deux bouchées que nous échangeons.
— Meet Noé Duchaufour-Lawrance. A designer and an interior architect, the smiling neighbor you greet in passing and the elegant man you notice on his bike. As we discover that we have friends in common, I start to become interested in this character. His references are impressive, his reputation without equal, and his style remains unique. During this interview, I will play “Mr. Bike” and I’ll attempt to understand the person, get to know his inspirations and his creative process. But above all, I’ll learn what he, as designer, thinks about bikes, their aesthetics and their use in the city.After many tos and fros, we finally settle on a date and a place. On a beautiful summer Thursday (a summer that had been cruelly lacking in Paris this year) we meet at Caffé dei Cioppi. A bottle of water on the table, we get our bearings and procrastinate together. We decide to share an appetizer: Burratta di Buffala with cherry tomatoes, delicious… The discussion starts, and I begin the interview. Suddenly, our two plates of linguine alle vongole land between us… The dish looks delicious, the situation promising, and between two bites, we start talking.
P. 44 — Rider
SIMON – ~
– INTERVIEW CAROLINE PAULEAU - PHOTOGRAPHIE JASON SELLERS / WWW.FWDBOUND.COM –
— Plus qu’une graine de champion, Simon Andraca alias Gomok, 24 ans, n’en finit plus de nous surprendre avec ses performances en FGFS (Fixed Gear Free Style).
Maître de la discipline en France depuis quelques années, c’est en regardant le premier DVD de MACAFRAMA en 2008 qu’il a découvert le Keo Spin, une figure inventée par Keo Curry, depuis reprise et déclinée par les “Tricksers”. Séduit par ce genre de figures, il commence alors à trickser en pignon fixe. Rapidement, les figures sont de plus en plus nombreuses et de plus en plus compliquées. N’étant pas du genre à renoncer, Simon ne cesse d’apprendre et de progresser. Il est l’un des premiers sur la scène française à maîtriser aussi habillement son vélo parmi les modules que la ville lui offre. Il se déplace régulièrement sur différents contests à Barcelone, Lisbonne, Londres ou même à Amsterdam pour rider avec son crew aux couleurs de ses sponsors. Mais cette année, c’est à San Francisco qu’il sévira pour le Red Bull Ride & Style, le rendez-vous incontournable de la rencontre du freestyle et de l’art contemporain. Tous les modules que les concurrents vont rider, sont imaginés et peints par des artistes de San Francisco comme Risk, Sam Flores, Insa et Tristan Eaton. Mais avant d’arriver début mai à SF, il atterrit d’abord à NewYork. C’est de là que va commencer son road-trip à travers les États-Unis. À NYC, il est accueilli par les riders Ed Wonka, Christian Hamrick, Ricadro Lino et Anthony Combs. Pendant 5 jours, ils parcourront la ville et ses célèbres spots de la scène street. “Rouler et lancer ses tricks” sur des spots qu’il voit depuis longtemps dans les nombreuses vidéos connues de BMX, c’était un peu un rêve de gosse qui se réalise. Grâce à leurs sponsors, ils peuvent participer au Red Bull Ride & Style. En revanche pour ce qui est du road-trip, nos riders y mettront de leur poche. Chacun donnera 500$ pour la location du camping-car et pour l’essence, mais pas un dollar de plus ne devra sortir de leurs poches pour ce road-trip. >
— More than a budding champion, Simon Andraca aka Gomok, 24, never stops surprising us with his FGFS (Fixed Gear Free Style) performances.
Having become a master of the discipline in France in the last few years, it was by watching the first MACAFRAMA DVD in 2008 that he discovered the Keo Spin: a figure invented by Keo Curry and since then appropriated by the world’s “tricksters”. Seduced by the tricks, he began tricksing with a fixed gear bike. The tricks became more various and more elaborate. Not the kind to give up, Simon never stops learning and improving. He was one of the first on the French scene to display such mastery of his bike amongst the city’s volumes. He regularly travels to contests in Barcelona, Lisbon, London or even Amsterdam to ride with his crew, bearing the colors of his sponsors. This year, he went to San Francisco for the Red Bull Ride & Style: a mustgo event for adepts of freestyle and contemporary arts. All the obstacles have been imagined by San Francisco artists like Risk, Sam Flores, Insa and Tristan Eaton. But before hitting SF in mid-May, Gomok first landed in New York. That was the starting point of his road trip through the USA. In NYC, he hooked up with riders Ed Wonka, Christian Hamrick, Ricardo Lino and Anthony Combs. Over five days, they rode around the city and all its most famous spots. “Riding and doing his tricks” on spots he’d been watching on BMX videos for years was a bit like a childhood dreams come true. Thanks to their sponsors, the riders were able to attend the Red Bull Ride & Style. But to get there, they had to rely on their own resources. Each pooled in 500$ to rent a Van and buy some gas, but not a single extra dollar was to be spent for the rest of the trip. Driving across the USA in 10 days is a bit of a challenge. Every minute is counted: they couldn’t afford to be late for the contest. >
Marion : Body Wolford - Culotte / underpants Eres. Nic : Veste en cuir et short en lin / leather jacket and linen shorts Anna Izorchkia - Tee shirt T by Alexander Wang - Pomme / Apple Granny Smith.
Marion : Blouson en mouton et pantalon en laine / sheepskin coat and wool pants Isabel Marant. Nic : Jogging en cachemire / cashmere tracksuit Hermès. VÊlo / bike Pelago Capri
Nixon The Rover SS
Fi’zi:k Selle / saddle Arione R1 + Tige de selle / seat post Cirano Carbon Cinelli Collier de selle / seat clamp
Tissot PRS 330
Paul Freins / brakes Touring Canti + Stop c창ble / Cable carrier Moon Unit Mavic Roue / wheel Ellypse Continental Pneu / Tyre Cyclocross Speed
Chemise / Shirt COMME des GARÇONS SHIRT (Colette) Pull / Sweater Dockers Pantalon / Pants Monsieur Lacenaire Ceinture / Belt Kulte Lunettes / Sungalsses Ray Ban Chaussettes / Socks Royalties Chaussures / Shoes Fi’zi:k Sac / Bag Brooks England
Lunettes / Sunglasses Oakley Noeud Papillon / Bowtie Alain Figaret Chemise / Shirt Rapha Veste / Jacket Sacai (Colette) Chaussettes / Socks Royalties Sac / Bag Bleu de Chauffe Pantalon / Pants Sacai (Colette) Chaussures / Shoes Rapha VĂŠlo / Bike Look
Paul PĂŠdalier / cranck Flush
GranCompe Selle / saddle Air Light
Chemise / shirt Uniqlo Tshirt Norse Projects Shorts Le coq sportif Baskets / Sneakers Eastpak
Veste / jacket Adidas Silver Shorts Bleu de Paname Chaussures / shoes New Balance Hoody Adidas Silver Shorts Uniqlo Chaussures / shoes Supra
P. 108 — Portfolio
JEAN JULLIEN
– ILLUSTRATEUR –
– ~
– INTERVIEW QUENTIN VALLETTE –
— Après une première rencontre à l’une de ses expositions, nous avons voulu en savoir un peu plus sur l’artiste Jean Jullien et partager ses illustrations avec vous. Après un BTS en communication visuelle à Quimper, il a laissé sa France natale pour partir étudier à Londres. Art, communication, graphisme, il a fait ses armes à la Central Saint Martins et au Royal College of Art. Et vu que le talent n’attend pas, c’est lors de ses études que Jean Jullien s’est fait repérer et a commencé à construire sa notoriété. Depuis, il s’exprime dans différents domaines, tels que l’illustration, la photographie, l’installation et même, l’animation. Ses images colorées dessinées au trait et ses personnages récurrents lui confèrent une identité visuelle singulière dont le New York Times, Le Monde ou encore le Centre Pompidou sont devenus très friands.
— After meeting him for the first time at one of his exhibitions, we wanted to learn a little bit more about artist Jean Jullien and share his illustrations with you. After earning a degree in visual communications in his native Quimper, he left France to study in London. In arts, communication and graphic design, Jean proved his worth at Central Saint Martins and at the Royal College of Art. His talent did not go unnoticed: he began to build a reputation for himself and established his notoriety during his studies. Since then, he has been expressing himself through various media: illustration, photography, installation and even animation. His colourful line drawings and his recurrent characters give him a unique visual identity that the New York Times, Le Monde and the Centre Pompidou have become quite addicted to.
P. 114 — Portfolio
MARC LEARY
– PHOTOGRAPHE –
– ~
– TEXTE GÉRALDYNE MASSON –
— Du plus loin qu’il se souvienne, c’est en 1982 que l’anglais Mark Leary, 40 ans aujourd’hui, a regardé son premier Tour de France. Après l’école, il se dépêchait de rentrer chez lui pour pouvoir se délecter des retransmissions de cet évènement sportif. Les spectateurs qui se tenaient sur le bord de la route, l’ambiance, les cyclistes, absolument tout le fascinait. Ce dont il se souvient aussi, ce sont ces hordes de photographes de presse qui s’accrochaient derrière les motos pour être au plus près de l’action. Aujourd’hui, Mark est photographe et ce passionné de cyclisme a décidé de documenter, à sa façon, l’ambiance de cette course mythique qui le faisait tant rêver. Équipé d’une chambre photographique grand format et de son indissociable trépied, il est parti arpenter les routes des Pyrénées pendant le Tour en 2012, pour en ramener une première série de clichés étonnants à découvrir dans les pages qui suivent. Même s’il avoue devoir batailler avec cet appareil “à l’ancienne” utilisé habituellement avec des sujets immobiles en studio, ce mode de prise de vue lui permet d’obtenir des négatifs avec de nombreux détails et surtout, des couleurs, une lumière et une atmosphère uniques. Mark sera de nouveau sur les routes de cette 100e édition cet été pour continuer sa série et n’exclut désormais plus de s’immerger dans d’autres courses avant de publier un livre prévu pour 2014.
— For what he can remember, it was in 1982 that Briton Mark Leary, who is now 40, watched his first Tour de France. After school, he would rush home to revel in the transmissions of the race. The spectators standing on the side of the road, the atmosphere, the cyclists: everything about it fascinated him. He also remembers the hordes of press photographers riding on the back of motorbikes to get as close to the action as possible.
Today Mark is a photographer, and is still a fan of cycling. He has decided to document in his way the atmosphere of this mythical race that used to fascinate him so much. Equipped with a large format photographic chamber and with his indispensable tripod, he went off on the roads of the Pyrenees during the 2012 Tour. He came back with an astonishing series of shots, which are featured in the next pages. Mark says that although he sometimes has to struggle with his old fashioned camera, which is normally used for still models in studios, this shooting mode allows him to get very detailed negatives and most of all, to capture the Tour’s unique light and atmosphere. Mark will be back on the roads for the 100th edition this summer to complete his series. He might then immerse himself into other races before publishing a book for 2014.
The Baguette Boys
P. 126 — Rider
MASSAN – NEW YORK – – ~
– INTERVIEW MARC SICH - PHOTOGRAPHIE DYLAN MADDUX –
— Nul besoin de re-présenter Massan à la scène Fixy. Incarnant un des piliers de ce mouvement, l’icône avance avec l’évolution de ce mouvement. Ses dernières apparitions sur le net démontrent qu’il est toujours présent et que les choses bougent Outre-Atlantique. Petite mise à jour…
En 2007, tu as fait pas mal de bruit avec ta descente des rues de San Francisco sur le DVD Mash. Tout le monde est devenu fou en te voyant descendre des rues aussi pentues à une vitesse incroyable… et sans freins ! En y repensant, est-ce que tu le referais ? Quel est ton meilleur souvenir, et ta plus grande peur ? Je continue à faire ce genre de trucs. Pour beaucoup d’entre nous, ce n’était pas quelque chose qui sortait de l’ordinaire. Il y a des choses que je ne ferais que si je suis filmé : par exemple, la session sur la colline de Buchanan. Même si je me plante pendant qu’on me filme, je veux que les gens sachent qu’au moins j’ai essayé. Cette colline était vraiment traître. Je me souviens que j’étais monté en pleine nuit sur mon vélo, et que j’étais resté làhaut à écouter de la musique. J’étais vraiment heureux d’arriver à la conquérir. C’est un jour que je n’oublierai pas.
— No need to re-introduce Massan to the Fixed Gear scene. Incarnating one of the pillars of this movement, the icone evolves together with this trend.His latest appearances on the web demonstrate that he’s still present and that things are moving on the other side of the Atlantic. Little update...
You made a great impression mashing downhill SF streets, in the Mash DVD back in 2007. The whole world went nuts saying you and the Mash Team riding that fast on such steep hills… Brakeless. Looking back, would you still do the same? Would be your greatest memory and fear? I still do stuff like that. A lot of us never viewed that as being out of the ordinary. Some things I did like the Buchanan hill is one I would only do if the camera is on. Even if I crash on camera, I want people to know that I at least tried it. That hill was pretty treacherous for me. I remember riding up to it in the middle of the night and just standing at the top listening to music. I was pretty happy when I conquered it. I won’t forget that day.
P. 134 — Frame builder
RYUJI – TOKYO – – ~
– TEXTE & PHOTOGRAPHIE RYOSUKE KAWAI –
— La première fois que j’ai entendu le nom de cet atelier, c’était aux Championnats du monde des coursiers, en discutant avec le seul participant japonais : lui-même m’avouait préférer les cadres en acier cromo aux cadres en carbone ou aluminium. Parmi les nombreux ateliers existants au Japon, celui-là sort particulièrement du lot et bénéficie du soutien de toute une communauté cycliste, dont des coursiers bien sûr, mais aussi des joueurs de bike polo et différents représentants de la scène street. Nous sommes à Tokyo, au milieu du mois de mai, à cette période de l’année où les températures avoisinent les 30°C et que l’humidité étouffante est telle que vous vous retrouvez en nage en un clin d’œil. Le long d’une avenue circulaire, je trouve enfin cet atelier dans lequel un homme m’invite chaleureusement à entrer. Cet homme, c’est le représentant de Rew10 Works, Monsieur Ryuji IKEDA, alias « Blendy ».
— この工房の名前を初めて耳にしたの は、メッセンジャーの世界戦にも参加す るひとりの日本人と会話をしていた時だ った。彼自身もカーボンやアルミではな くクロモリフレームを愛するライダーの 一人である。数ある日本の工房の中でも 異彩を放つビルダーが今、東京で幅広い ライダーからの支持を集めているとの事 だった。メッセンジャーだけではなくバ イクポロプレーヤーや様々なストリート のライダーからもだという。 30度近い気温とあっという間に汗ばん でしまう湿度が初夏を告げる5月中旬の 東京、環状道路沿いにある工房を尋ねた 私を彼は快く迎え入れてくれた。Rew10 works代表、池田隆治(通称ブレンデ ィ)氏である。
— The first time I heard the workshop mentioned was at the World Championship of Couriers, while chatting with the only Japanese competitor: he told me he preferred cro-mo steel frames to carbon or aluminum ones. Amongst the existing workshops in Japan, this one really stands out, and has the support of a large community of cyclists – including couriers of course, but also bike polo players and different members of the street scene. We are in Tokyo in mid-May: a period of the year when temperatures get close to 30°C and the air is so stuffy that you find yourself covered in sweat almost instantly. On a circular avenue, I manage to find the workshop, and am warmly greeted by a man who invites me in. The man is the representative of Rew10Works: Mr Ryuji IKEDA, aka “Blendy”.
Un créateur d’outils Coursier dans les années 2000, une question s’est posée dans l’esprit de Ryuji au fil des livraisons : quelle sorte de vélo serait le mieux adapté aux rues embouteillées de la capitale et aux techniques de pilotage particulières qu’elles requièrent ? À mesure que les affaires se développaient, cette question revenait encore et toujours. Avec une certaine idée de la réponse : malheureusement, celle-ci ne se trouvait ni dans les vélos vendus dans le commerce, ni dans les collections d’artisans célèbres.
A creator of tools A courier in the 2000’s, one question crossed Ryuji’s mind as he went on with his deliveries: what sort of bike would be most suited to the city’s congested streets, and to the particular navigation techniques they require? As he was getting more jobs, the question kept coming back. And part of the answer was that the solution did not lie in existing bikes sold in shops, or in the collections of famous makers.
“On ne peut saisir l’essence d’une chose si l’on ignore tout de la culture à laquelle elle est rattachée.” En devenant artisan, Ryuji s’est efforcé d’appliquer cet adage à sa philosophie de fabrication. Il a ainsi monté toutes sortes de vélos, des vélos de route évidemment, des BMX, des vélos de polo, des cruisers, des cyclo-cross voire des daruma ; à chaque fois, Ryuji monte entièrement ces vélos lui-même. Potence, pédales, du jeu de direction aux bouchons de cintre, toutes les pièces nécessaires au montage du vélo sont minutieusement produites à la main, en plus du cadre. Afin de répondre aux besoins des cyclistes qui voient en leur monture pour certains un outil, pour d’autres un instrument de travail, ce choix de produire non seulement des cadres mais aussi des pièces adaptées s’est imposé comme une évidence pour Ryuji. Il n’y a là aucune volonté d’expression artistique : c’est parce qu’il est lui-même cycliste pratiquant qu’il lui est possible d’être l’artisan de ses propres outils de travail. En restant fidèle à lui-même, à ses objectifs et à son style de vie, il sait parfaitement quelles pièces il lui faut créer. À chaque style et à chaque discipline - joueurs de polo, coursiers - correspondent des besoins et des pratiques qu’il faut connaître si l’on veut pouvoir créer les bons outils, selon lui. Voir les réactions des clients face à leurs montages, voilà pour Ryuji le plaisir suprême.
“You can’t grasp the essence of a thing if you ignore everything about the culture it stemmed from.”
道具を作るという事 2000年頃からメッセンジャーの経験を持つ 彼は、日々のデリバリーの中である思いを強く 持つようになっていった。交通量も多く独特の テクニックを要する都内の道路に適したバイク とは何なのか?日々の業務の質を高めて行くに つれてこの思いも同時に強くなっていった。そ れが何なのかを体では感じている。しかし、市 販されているバイクであっても有名ビルダーが 組んだ自転車であっても、それが東京の街に最 も適したバイクであるとの確信を持つことはで きなかった。 「そのカルチャーを知っている物で無いと本質 的な物は突き詰められない」
As he became a bike builder, Ryuji strove to apply this proverb to his crafting philosophy. And so he built all sorts of bikes: road bikes of course, BMX’s, polo bikes, cruisers, cyclo-cross bikes or even darumas: every time, Ryuji builds the bike entirely himself. From the stem to the pedals, from the steering system to the handlebar plugs, every piece required for the bike’s fabrication is painstakingly hand crafted, in addition to the frame. In order to meet the needs of cyclists who use their bike as a tool or a work instrument, the choice to produce not only frames but also adapted pieces came as an obvious one for Ryuji. Artistic expression has nothing to do with it: being himself an active cyclist makes it possible for him to be the craftsman of his own work tools. By remaining faithful to himself, to his objectives and his lifestyle, he knows exactly which pieces to create. Each style and each discipline – polo players or couriers – have different needs and practices that need to be understood in order to create the right tool. Ryuji’s supreme pleasure is seeing his clients’ reaction when they see the finished object.