Studio diese Le Radionaute 2015

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LES MOTS VALISES

LE RADIONAUTE LE STUDIO DIESE www.studiodiese.com


NOUVEAUX MONDES |

DISPOSITIF |

Pour sa 6ème édition, le festival transmanche d’art cotemporain Diep~Haven a investit l’ancien fort militaire de la ville de Newhaven, transformé aujourd’hui en musée. Sous le thème des Nouveaux Mondes, Diep~Haven met en parallèle l’histoire de Dieppe, point de départ des voyages des Grandes Découvertes et ville de la célèbre école de cartographie, et l’actualité du mythe de la terre promise.

Le Radionaute est une installation sonore à 8 voix, venues des 5 continents. Il diffuse des enregistrements d’émigrés, à la fois dans leur langue d’origine et dans leur langue d’accueil, interrogeant le mythe historique du Nouveau Monde. Ce projet s’inscrit dans une recherche plus longue sur les spatialités des migrations contemporaines.

Dans ce cadre, le Studio Dièse a proposé une installation sonore, diffusant des extraits du texte de Georges Pérec, Ellis Island.

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Le Radionaute prend place dans un bunker du fort de Newhaven, trace historique du contrôle et de la défense de la frontière anglaise, transformé en fonction des conflits. En investissant temporairement l’épaisseur de la limite , il invite le spectateur à prendre place aux côtés des histoires humaines des déplacés permanents. Face à la Manche, il s’ouvre, depuis la terre tant convoitée, vers un nouvel horizon.


NEWHAVEN

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CON-TEXTE | GÉOPOLITIQUE

PRÉ-TEXTE | LANGAGE

Si le 20ème s’ouvrait par la découverte de la dernière terre inconnue, le 21ème semble s’ouvrir sur une généralisation de la peur de l’autre, marquée par un renforcement des frontières. « L’unité proclamée de la planète a produit et mis en évidence ses ‘‘restes’’»1. Réfugiés, migrants, exilés, étrangers, sont autant de figures qui semblent condamnées à rester hors du monde.

Si la langue constitue une des plus immédiate manifestation de l’altérité, si l’incompréhension d’une langue nous place immédiatement en dehors du monde, alors plongeons nous dans un brouhaha polyglotte. Embarquons à bord du Radionaute et imaginons cette Babel du bout du monde où chaque langue résonne dans une autre. Déjà quelques bribes compréhensibles nous invitent à recomposer les fragments captés, à déchiffrer les sonorités inconnues: « C’est un petit îlot de 14 hectares, à quelques centaines de mètres de la pointe de Manhattan. Les indiens l’appelaient l’île aux Mouettes... »4.

Le philosophe Guillaume Le Blanc définit la condition de l’étranger comme «la précipitation dans la situation d’être dedans tout en étant dehors engendrée par la désignation d’une vie comme étrangère ». Selon lui, « la condition d’étranger n’est pas une condition humaine partagée, elle repose sur une désignation qui crée la possibilité d’être dedans tout en étant dehors»2. Les gouvernements nationaux trouvent aujourd’hui le fondement de leur légitimité dans une opposition, une « protection » des populations contre la mondialisation, dont le migrant (clandestin, sans-papiers, en référence à son irrégularité) représenterait la face négative. Les frontières ont alors la fonction de tenir à l’écart du territoire national cet « étranger global »3 sans autre identité que celle de ne pas appartenir. Abandonnons pour un temps le partage du monde, troublons ne serait-ce qu’un instant les frontières qui tiennent à l’écart celui qui est devenu un étranger global et qui n’a plus d’autre d’identité que celle de ne pas appartenir. Prêtons l’oreille à ce all-men’s land désordonné, inexploré. Cherchons les espaces et les temps d’une étrangeté réciproque, un lieu simultanément habité, familier et toujours pourtant à définir, à ouvrir. L’ailleurs n’est plus un là-bas, mais s’ouvre au plus près de nous-mêmes, faisons le parler à travers nous.

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Michel AGIER, « Frontières de l’exil. Vers une altérité biopolitique », in Revue Hermès n°63, sept 2012, p.88. 2 Guillaume LE BLANC, Dedans dehors. La condition d’étranger, Ed. du Seuil, 2010, p.44. 3 Op. cit., Michel AGIER. 4 Georges Perec, Ellis Island, Ed. POL, 1995, p.34.

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MESSAGE |

Communication Des messages radios flottent dans l’air. Un récepteur capte toutes les voies qui se superposent simultanément. L’installation diffuse ces messages sans origines ni destinataires et propose au spectateur de se faire l’opérateur de la transmission. Polyphonie de voix, récits dans les mots de l’autre, tous ces messages passés inaperçus manifestent ici leur présence. « Bourdonnement intermittent et régulier dans la boite grise, un flux électrique, un signal. « On » m’ appelle ; « on » veut me parler. « On » c’est-à-dire l’Autre, une infinité de sujet, « il » indéfini, celui qui est absent, la non-personne. Mais le bourdonnement me signale dans le même moment que « on » veut devenir « je », que la personne de l’absent veut manifester sa présence par sa voix. [...] Bourdonnement intermittent et régulier dans la boite grise. « On » appelle, « on » désir me parler. Je décroche. « Allo, oui, j’écoute... » La « communication » est établie ; avant tout message, avant toute information, avant même la reconnaissance d’une voix ou l’énoncé d’un nom, l’échange de deux ou trois mots fait « prendre » le circuit. J’accepte d’un coup la position de récepteur à l’écoute d’une voix, à cette place où l’autre (on) me pose, en fin d’un circuit que son appel à frayer, au bout d’une ligne. »5 Déplacements En invitant le spectateur-auditeur à se plonger dans le brouhaha des langues, il s’agirait pour lui de tendre l’oreille, de déchiffrer, de quitter pour un temps sa langue propre et d’imaginer cette Babel du bout du monde. En se plongeant dans ce territoire inconnu, où les langues se superposent, le spectateur devient le décodeur-messager de ce charabia, où sa langue natale résonne dans celle des autres. Des indices, quelques bribes compréhensibles, conduisent à croire qu’elles se répondent, qu’elles composent une nouvelle langue, caisse de résonnance d’un monde polyglotte. Le spectateur-auditeur devenu récepteur-traducteur en se déplaçant d’une source sonore à l’autre est en mesure de recomposer les fragments, de reconstituer les récits qu’il entend.

Traduction La superposition des voix et le va-et-vient qu’elle implique entre les langues connues et les langues inconnues, permet au spectateur de se faire interprète. Nous reprenons ici à notre compte l’anecdote relatée par Jacques Rancière dans Le maître ignorant à propos d’une expérience menée par le professeur Joseph Jacotot en1818, qui parvint à apprendre à d’autres ce que lui-même ignorait. Francophone invité dans une université hollandaise, il fait lire à ses étudiants un livre traduit dans les deux langues, et sans plus d’explication leur demande au bout de quelques temps de raconter, en français (langue qu’ils ignorent), ce qu’ils ont compris du livre. Pour Jacques Rancière « s’ils avaient compris la langue, ce n’était pas simplement par la gymnastique qui compare une page de gauche à une page de droite. Ce n’est pas l’aptitude à changer de colonne qui compte, mais la capacité de dire ce qu’on pense dans les mots des autres. Ils étaient allés comme vont les enfants à l’aveuglette, à la devinette. Tout leur effort, toute leur exploration est tendu vers ceci : une parole d’homme leur a été adressée qu’ils veulent reconnaître et à laquelle il veulent répondre, non en élèves ou en savants, mais en hommes ; comme on répond à quelqu’un qui vous parle et non à quelqu’un qui vous examine : sous le signe de l’égalité.»6 Au sein d’une seule voix aux multiples langues, le spectateurauditeur-récepteur-traducteur-assembleur-décodeurmessager est invité à comprendre la langue de l’autre à travers la sienne propre. Le « spectauditeur » devient l’« explotraducteur »7 de ce nouveau monde sonore.

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Louis MARIN, « Allo ! J’écoute... : Brèves variations sur la fonction phatique/ téléphonique », in Revue Traverses, n°16 « Courts-circuits », Septembre 1979, Ed. de Minuit, pp.3, 5. 6 Jacques RANCIERE, Le Maître ignorant – Cinq leçons sur l’émancipation intellectuelle, Coll. 10/18, Ed. Fayard, 1987, p.21.p.44. 7 Marcel DUCHAMP, A Guest + A Host = A Ghost, Mot-Valise, 1953.

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NON-SITE | CONSTRUCTION ET MATÉRIAU

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ON-SITE | INSTALLATION

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# STUDIO DIESE ATELIER D’ALTÉRATIONS URBAINES

Guillaume Barnavon, Charles Bouscasse, Denis Brochard, Jacques Ippoliti, Margaux Kervarec, Quentin L’Hôte, Marion Lacas, Grégoire Saint-Martin. www.studiodiese.com studiodiese@gmail.com

Fondé en 2014, le collectif STUDIO DIESE se définit comme un laboratoire de création qui se consacre à l’étude et à l’action dans la ville et les territoires habités. Il regroupe architectes, urbanistes, artistes, bricoleurs, contorsionnistes, typographes… A travers la notation « dièse », nous entendons ancrer notre démarche entre altération musicale et altérité collective. Nos interventions s’inscrivent dans l’espace public, à travers des installations spontanées, des participations à des évènements culturels, des ateliers publics, mais aussi des projets urbains et architecturaux. Le collectif développe un travail contributif, où chaque projet superpose et agrège des initiatives individuelles. Cette pratique évolutive nous permet à travers la multiplicité de points de vue de se saisir des imprévus qui font l’urbain. Le collectif cherche à s’inscrire dans l’entre-deux, l’espace limite de médiation et de contradiction. Habiter et investir ces moments de tension, les discuter, les raconter nous parait être fondamental pour développer l’intérêt public et le devenir commun portés par l’architecture et la ville.

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LE STUDIO DIÈSE ATELIER D’ALTÉRATIONS URBAINES WWW.STUDIODIESE.COM


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