Focus Fanzine #1

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Photographies d'HUMAINS

Cadrage Lumière Rapport photographe/sujet Point de vue No comment

Focus Fanzine

#1

by Studio Le Gabs


"Qu'est-ce que l'Art ?", Tolstoï, 1898. Ouvrage du domaine public, à récupérer ici : https://goo.gl/3FW5zO


ÉDITO

Focus Fanzine

#1

Bien plus à l'aise dans le langage musical et photographique, j'avoue avoir été anxieux à l'idée de me prêter à l'exercice de la publication. Mais la volonté de partage et d'échanges a été plus forte. Le choix du fanzine m'a semblé évident par son côté indépendant, "Do It Yourself" et destiné avant tout aux amateurs de Photographie. D'ailleurs j'ai bien l'intention de renouveler l'expérience et je me permets de lancer un appel aux photographes. N'hésitez pas à proposer des articles, soumette des portfolios, etc. Nous verrons bien où tout cela nous mènera... Pour l'heure, ce premier numéro rassemble le travail d'une année riche en voyages photographiques. J'ai choisi une approche pseudo-didactique, orientée vers le partage d'expériences. Je parlerai assez souvent à la première personne car je tiens à vous faire part en toute sincérité de mes fiertés et échecs. Parfois je vous livrerai aussi ce qui m'anime en tant que personne, et qui a un impact sur ma photographie. Le tout dans le but de vous pousser à vous questionner sur vous-même si vous ne l'avez pas déjà fait. Ce numéro se consacre exclusivement à de la photographie d'humains dans leur environnement. A mi-chemin entre la photographie de rue et le portrait au sens strict. Il sera question de CADRAGE (p.2), de LUMIÈRE (p.28), du RAPPORT ENTRE PHOTOGRAPHE ET SUJET (p.50) ainsi que de POINT DE VUE photographique (p. 78). Chaque photo sera expliquée, explicitée. Vous trouverez enfin une rubrique NO COMMENT (p. 104) qui comme son nom l'indique proposera de l'image sans légende ni commentaire. Il me reste à vous souhaiter bonne lecture. N'hésitez pas à vous rentre sur le blog. www.studiolegabs.com/focus-fanzine/

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CADRAGE

On peut globalement distinguer deux approches photographiques fondamentales : le photographe qui cadre et celui qui compose. Jean-Christophe Béchet en a très bien parlé. Le "cadreur" extirpe un fragment de la réalité devant lui, pour y imprégner son regard. La réalité est mouvante et l'instant fugace. A moins de virtuosité, le contrôle est limité. L'erreur fait d'ailleurs souvent partie intégrante du processus de cadrage. Le "compositeur" (on pourrait dire "créateur") lui fabrique sa réalité, dispose lui même ses éléments, pièce par pièce, exprime son regard avec minutie et contrôle. L'erreur a peu de place, sauf si elle constitue le sujet du compositeur. Deux photographes à étudier : Bruce Davidson pour la virtuosité de ses cadrages et Jeff Wall pour l’ambiguïté de son approche.

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Comment cadrer quand on a environ une seconde pour faire la photo ? Au centre, là où le collimateur de mise au point auto est réglé par souci d'efficacité et de rapidité. Et tant pis si le photographe apparaît en reflet. Et pourtant cette photo ne manque pas d'intérêt. Après tout, le sujet, c'est cette femme, dans ce bus. Qui est-elle ? A quoi pense-telle ? Elle est belle, elle a l'air d'une battante. Le cadre dans le cadre, formé par la structure du bus. La présence du photographe en surimpression, comme pour signifier une rencontre, un lien établi. A force de regarder cette photo, cette femme est devenue une amie, il y a une connivence imaginaire qui s'est établie. Photo prise à Tokyo, quartier de Shibuya.

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Compartimenter, contextualiser. Ces pyramides. Cette femme. Ces colonnes corinthiennes. Ne pas trop s'approcher, pour créer ces compartiments. Et attendre le bon moment, que le visage de la femme soit éclairé, comme les pyramides, et les colonnes. Photo prise à Paris, Le Louvre.

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Cadrer et attendre. J'ai été interpellé par ce décors, d'un Japon d'une autre époque recréé dans les studios de la Tôei à Kyoto. J'ai essayé de composer, un peu. J'ai attendu qu'il se produise quelque chose, et ce groupe d'écolières est passé par là, par hasard, un peu comme les Beatles, façon Japon. Photo prise à Kyoto, Tôei Uzumasa Eigamura.

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Guider le regard, donner de la profondeur. Cadrage en plongée. Le sujet : cette femme et son parapluie. Uhm...non, la rue ? L'ambiance nocturne ? L'architecture torturée ? Un peu tout cela à la fois. Je voulais aussi un bout du "temple de fortune" (en bas à droite), donc pas trop près, pas trop loin. Cette image a d'ailleurs été rognée au format 4/3 afin de resserrer le cadre, enlever le superflu, et que les personnages en premier plan soit suffisamment grands pour attirer le regard. L'importance du décors. J'avais repéré cette femme, mais à elle seule cela ne suffisait pas. Il fallait inclure le contexte. Beaucoup d'influences du Cinéma. Hong Kong est un décors récurent pour films d'anticipation. Photo prise à Hong-Kong, quartier Central de l'île principale.

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Dilem

Focus (à peu près) sur l'homme qui lit le journal Et contextualisation, plan assez large, les vaches, les marcheurs qui semblent provenir d'une autre époque en contrepoint. Belle lumière, il y a pas mal de choses à voir sur cette photographie. Mais... Photo prise à Pushkar, région du Rajasthan en Inde.

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mme

...le marcheur a cette sérénité...il dégage quelque chose de spécial. Sa tenue s'ajoute au mystère. On dirait un sage. Je n'ai plus le temps, il faut que je déclenche avant qu'il entre définitivement dans l'ombre. Je cadre au centre. La lumière est toujours intéressante. Il n'y a plus le contraste d'époques de la photo précédente. Un peu moins d'éléments à regarder également. Photo prise à Pushkar, région du Rajasthan en Inde, quelques secondes après... 9


Contraste de masses. Baisser le point de vue de l'appareil afin de pouvoir jouer sur un contraste entre les masses. Cela tombe bien, il y a également contraste entre les couleurs. Quand il y a du monde comme cela, il faut être à l'affût et ne pas hésiter de varier la hauteur de l'appareil. Photo prise à Berlin, lors du festival Lolapalooza 2016.

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Ne pas hésiter à se baisser. Le dimanche à Tokyo, c'est jour de sport et de fêtes. Déambuler en ville au hasard, c'est se laisser surprendre régulièrement par des spectacles, des fêtes de quartier, des rituels, toutes sortes d'activités hautes en couleurs et sourires. Le grondement au loin de ces Taïko a vite fait de me happer. Je décide de me baisser pour saisir et signifier mon impressionnement. Le rythme et complexe et enjoué. Je n'arrive pas à prendre une autre (meilleure) photo, je préfère profiter du spectacle. Photo prise à Tokyo quartier de Ikebukuro.

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Trouver la bonne distance. Méditer dans un temple caché sur les hauteurs de Kyoto... Le lieu appelait déjà la discrétion. Et quand je suis entré dans cette pièce et que j'ai repéré cette femme, presque inconsciemment je me suis arrêté de respirer, Se déplacer comme un ninja, ne pas faire un bruit, mettre en évidence le personnage comme le décor : penser règle des tiers. Ici à peu près, j'ai pensé aussi à la table, aux différents cadres dans le cadre. Photo prise à Arashiyama , un "quartier sur les hauteurs de Kyoto", à Sagano.

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Hésiter le moins possible à s'approcher. En restant discret, non intrusif, respectueux des personnes et de ce qu'elles sont venues chercher dans ce temple, on arrive à partager ce moment en photo. Allumer un encens pour faire une prière. Plus ça va plus j'essaie de choisir une focale courte (un grand angle), pour me forcer à me rapprocher davantage. Petit à petit. Photo prise à Nara au Japon, dans temple de Todai-Ji, la plus grande construction en bois du monde...avant l'arrivée très prochaine des buildings faits de bois.

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Caractériser l'humain par d'autres éléments que lui même. C'est une voie que je n'emprunte que trop peu et qui est d'autant plus pertinente aujourd'hui, à l'heure du selfie et du culte de l'image de soi. Ici un tisseur de tapis qui travaille à la main...certainement pour le folklore... Mais la scène reste intéressante, et je voulais "voiler" le personnage par cette grande toile qu'il tisse patiemment, à la force de son savoir-faire : le tapis traditionnel indien. Photo prise à Jaipur, en Inde.

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Nettoyer un gigantesque complexe garni de temples, seul, à la main...cela doit faire partie du "sacerdoce". Ici l'homme est quelque peu écrasé par un de ses temples, notam. grâce à la perspective. Pour moi c'est l'homme des temples. Celui qui est en charge. Et le brouillard ajoute un peu de mystère, on ne peut pas délimiter la taille de sa tâche. Elle est immense. Photo prise à Hong Kong, probablement le temple de Ching Chung Koon.

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Dans l'ombre des géants L'humain a érigé des géants, de pierre, de fer, de béton. C'est souvent beau et impressionnant, mais malheureusement souvent aussi horrible et angoissant. Cadrer l'humain dans l'ombre de ses géants, a presque toujours un fort impact visuel. Photo prise à Udaipur à gauche, région du Rajasthan et Delhi à droite, Inde.

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Grand angle. Pour les lignes et la perspective. Pour la sensation d'être tout proche, alors que cette focale allonge les distances. Pour la sensation de mouvement, le dynamisme. Mais attention, car il y a par conséquent beaucoup plus d'éléments présents à l'image, qui peuvent en perturber la lecture. Photo prise en banlieue de Tokyo.

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Surprise / Punctum. C'est ce que le grand angle permet souvent. Il voit aussi voir plus large que la vision humaine et alors que l'on se concentre sur un élément (le touk-touk), un autre prend le dessus par surprise (la petite fille). Punctum ? Selon Wikipedia : "C’est le hasard qui point dans une photographie et qui ne peut être perçue par aucune analyse, ce qu’on n’arrive pas à nommer. Il s’agit d’un détail qui provoque une forte émotion chez le spectateur, qui attire une attention particulière, mais qui ne relève pas de l’intention du photographe. Le punctum constitue donc une sorte de hors-champ subtil."

Merci Roland Barthes ! Photo prise à Bikaner, région du Rajasthan en Inde.

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Penché. A bord d'un touk-touk : poussière, odeur de carburant, bruit assourdissant. Tout va très vite, on à l'impression de filer comme une fusée dans l'intestin de la ville. Les sens sont en éveils et aiguisés, une demi seconde pour shooter à chaque fois une scène repérée. Une autre façon de suggérer le déplacement, le mouvement du photographe, le "sur le vif" : un peu penché. Suffisamment, mais pas trop. Photo prise dans les entrailles de Bikaner, région du Rajasthan en Inde.

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Scènes de vie en mode furtif. A bord d'un touk-touk, on est comme cette fameuse petite souris ou cette abeille qu'on a rêvé un jour d'être. Pouvoir voir de près, sans être vu. J'ai toujours aimé cette idée de ne faire que passer, comme un fantôme, d'observer la réalité sans la modifier par ma présence. Photo prise dans les entrailles de Bikaner, région du Rajasthan en Inde.

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Cadrer serré : rencontre inévitable. Et heureusement, souvent agréable. Au delà de la rencontre, du sourire, du clin d’œil, je voulais aussi marquer la proximité entre touk-touk. Tous furtifs, mais ensemble, de connivence. Photo prise dans les entrailles de Bikaner, région du Rajasthan en Inde.

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A l'inverse cadrer plus large : observer le théâtre... ...de la vie. Une scène nocturne caractéristique du Japon, où manger est une pratique particulièrement sociale, et photogénique. On mange rarement chez soi dans les grandes villes au Japon. Outre la scène, j'ai voulu marquer son caractère japonais en enregistrant les caractères, japonais. Le cuisinier m'avait l'air aimable. Photo prise dans le quartier d'Okachimachi, Tokyo.

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Échelle des plans. Donner de la profondeur en utilisant l'échelle des plans. J'ai appris cela en particulier avec l'utilisation des grands angles. C'est valable pour toute focale. Un premier plan flou peu aussi "sauver" la composition de l'image en équilibrant les masses, le tout dans la subtilité. Photo prise en chemin de fer pour Kobé.

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Jeu d'équilibre Astuce : donner du poids aux sujets/objets présents. Il faut que la photo tienne en place, ne se mette pas à pencher, comme un balancier... ...à moins que l'intention de déséquilibre soit claire et identifiable. On ne voudrait pas que cet homme tombe à l'eau, son smartphone a dû lui coûter bonbon. Photo prise dans le quartier d'Aberdeen, à Hong-Kong.

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Humain discret... ...mais présent sur toute la scène grâce au décor. D'abord le décor, les détails, prendre le temps d'analyser les détails, puis l'humain, qui vient justifier l'ensemble. Et pourtant, cette scène s'est présentée devant moi seule une fraction de seconde. D'abord photographier, vite vite, après regarder. Où l'acte de figer un instant prend tout son sens. Photo prise en touk-touk, à Bikaner, région du Rajasthan, Inde.

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Même idée ici. Dernière photo de cette rubrique. Il y a d’innombrables façons de cadrer en fonction de ce que l'on vit, de la façon dont on le vit, de la façon que l'on choisit de le vivre. Je pense que cadrer revient à prolonger hors de soi ce que l'on ressent de l'environnement à un moment précis. Il faut apprendre à maîtriser cette grammaire-là afin qu'elle nous corresponde au mieux. C'est un travail interminable, qu'il faut remettre en cause le plus souvent possible : nécessaire, vital. Et cela est encore plus difficile concernant la lumière. Photo prise en touk-touk, à Bikaner, région du Rajasthan, Inde.

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LUMIÈRE

"Si tu photographies en contre-jour ta photo sera ratée" Stupeur et hurlements. Commencer à faire de la photographie, à appréhender la lumière, c'est d'abord se débarrasser des préjugés. Donc : contre-jour, contre-jour, contre-jour, contre-jour, contre-jour. Ensuite, pas de lumière sans ombre pour la mettre en valeur. Et vice versa. Vocabulaire de la lumière : taille de la source, température, direction, diffusion, réflexion, réfraction, etc. Vocabulaire de l'ombre : dure, douce, diffuse, etc. On a tendance, concernant les ombres à utiliser des adjectifs. Il y a matière à réflexion, si je puis dire. La lumière et l'ombre sont les énergies nécessaires à la création de l'image sur le support chimique ou numérique. Ce sont également (parmi) les énergies nécessaires au fonctionnement de la plupart des choses qui existent sur cette planète. Y compris nous autres humains. Nous sommes d'une certaine façon des photographies. Nous avons été écrit par la nature (et/ou Dieu(x)) avec de la lumière et une part d'ombre, en proportions diverses et variées. A étudier en premier : Ansel Adams et Gregory Crewdson.

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Quand les ombres sont dures. On a plutôt tendance à dire : quand la lumière est dure. Ici les ombres portées permettent d'attirer le regard sur les 3 sujets situés en contre-jour. Est-ce qu'il est indispensable qu'ils soient baignés de lumière ? Non car là il ne s'agissait pas de prendre une personne "en particulier". Juste 3 silhouettes d'humains, avec suffisamment d'information pour les différencier et pour comprendre la scène. Il s'agît davantage d'une (curieuse) scène, plutôt que de portraits. Pourquoi ces hommes sont-ils installés à cet endroit, en plein carrefour ? Photo prise en touk-touk, à Bikaner, région du Rajasthan, Inde.

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Toujours savoir (à l'avance) d'où provient la lumière. Sur le vif il y a trop de paramètres à prendre en compte si l'on n'anticipe pas un minimum. J'aurais pu me placer à l'opposé, mais l'éclairage aurait été plus plat et le fond moins intéressant. Ici le fond permet de détacher le sujet tout en donnant des informations de contexte. La chance à fait son affaire, la jeune femme tourne la tête vers la lumière, clic, c'était le bon moment. Un bonne partie d'elle est dans l'ombre, en contre-jour. Mais il y a suffisamment d'informations pour être capable de faire une description assez précise de notre inconnue. Et de se livrer à quelques hypothèses. Qui estelle ? Qui attend-elle ? Photo prise à Tokyo, quartier de Shibuya.

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Silhou Contre-jour, encore... Là de toute façon je n'avais pas vraiment le choix. Le plus difficile à gérer finalement, c'est l'intense réflexion de lumière produite par les nuages. Très difficile à exposer. J'ai perdu du détail dans les nuages qui ont un aspect "fromage blanc", mais j'ai conservé suffisamment d'informations dans les parties sombres. Photo prise au Pic de Nore, dans le Tarn, France.

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uettes ...mais penser à l'arrière plan. Dans l'idéal, à moins que ce ne soit clairement intentionnel, une image doit être lisible. L'avantage du contre-jour c'est le fort contraste entre le sujet et le fond, qui permet de mieux le mètre en avant. Attention si mes deux enfants étaient devant un arbre la photo n'aurait pas été "réussie". Photo prise sur la plage de l'Estagnol, Bormes-les-Mimosas, France. 33


Contraste. Et débouchage. L'environnement permet parfois de renvoyer un peu de lumière sur le sujet en contre-jour. Ici le sol et les ouvertures sur le côté. Dans ce cas présent c'est intéressant car cela nous permet d'avoir des informations supplémentaires sur notre sujet : couleurs, motifs, on perçoit qu'il s'agît d'une femme, les sandales, etc. Vous remarquerez comment les personnes en arrière plan perturbent la lecture de l'image. Photo prise à Agra, région du Rajasthan, Inde.

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Halo. La lumière, encore une fois en contre-jour, permet l'apparition d'un halo qui entoure notre sujet de belle manière. Et encore une fois il s'agît de mettre en avant notre sujet par rapport au fond, ici dans des valeurs trop proches du sujet. Photo prise à Berlin lors su festival Lolapalooza 2016

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Lumière artificielle. A travers un filtre coloré, la lumière éclaire le sujet, et confère une ambiance particulière à la scène. La nuit est le théâtre d'un immense chantier dans les villes du Japon, où la rue est bichonnée. Au levé du jour, comme si de rien n'était, les chantiers ont disparu, et la ville apparaît toujours aussi "neuve". Photo prise à Kyoto.

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Ambiance... ...de polar. Trouver un endroit où il y a peu de lumière et attendre le bon moment pour capturer ce taxi, où le chauffeur est éclairé par une source artificielle à l'intérieur de son véhicule. L'ombre fonctionne comme un "espace négatif", s'étend sur une grande partie de l'image, pour mieux mettre en avant notre chauffeur. Si la voiture en arrière plan avait été entièrement rouge, la photo aurait été ratée. Photo prise à Kyoto.

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Pas de flash... ...sauf si vous êtes un maître dans l'utilisation des gélatines, et que vous avez la possibilité de le déporter...ou si c'est un choix artistique... Un flash mal utilisé aura tendance à "casser l'ambiance". De même qu'une mauvaise gestion des couleurs en postproduction, comme c'est un peu le cas ici. La maîtrise de la balance des blancs est très importante. Tout comme connaître la température de couleurs de la source juste en l'observant. Photo prise à Freiburg-im-Brisgau, Allemagne.

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Lumière et cadrage. La lumière sur le sujet, c'est une chose. Ne pas oublier d'observer la lumière hors du sujet et de cadrer en conséquence. Ici c'est un mélange de lumière artificielle et naturelle. La faible profondeur de champ permet d'isoler le sujet, tout en donnant suffisamment d'éléments de contexte. De petites sources de lumières, qui se retrouvent floues, ça a souvent un petit côté agréable à regarder, c'est "kawaï"... ...lost in translation. Photo prise à Versailles.

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RepĂŠrer les... Photo prise dans le quartier chinois de KobĂŠ, Japon.

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Photo prise à Tokyo.

...coups de projecteur. Naturels ou artificiels

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Celles qui savent. A gauche J'avais repéré ce beau décor et cette belle lumière. Mais d'abord avec les yeux, profiter de la vue. Puis cette femme alors juste à côté de moi m'a jeté un regard complice, et est allée d'elle-même se placer à l'endroit idéal J'ai eu peur qu'elle me demande de l'argent comme c'est bien trop fréquent en Inde. Et bien non, pure complicité, beau moment. Photo prise à Jodpur, région du Rajasthan en Inde.

A droite Quand je suis entré dans cette pièce, la femme était déjà là, à se prélasser dans la lumière. Mais il y a supercherie : elle posait pour 2 amis à elle, photographes, dans ce décor d'éco-musée souvent utilisé au Cinéma et dans les clips. Attention : la photographie EST une supercherie. Photo prise au Musée d'architecture en plein air d'Edo-Tokyo.

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Multiplicité de couleurs. J'ai l'impression que nos villes, en particulier nos petites villes françaises ont tendance à être assez uniforme en terme d'éclairage nocturne. J'ai du mal à sortir l'appareil la nuit en France, car j'arrive rarement à trouver cette diversité si photogénique que l'on peut trouver ailleurs. Photo prise à Amsterdam.

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Pollution lumineuse ? Prenez la même rue, sans cette "pollution lumineuse". Et la vrai pollution, la crasse, la morosité, la déprime, s'emparera des lieux. C'est ce qui est si "beau" à Hong-Kong, cette anarchie permanente, qui donne vie aux quartiers. Les quartiers plus modernes, à l'occidentale, épurés, nettoyés, poussent à l'ennui, l'appareil reste plus souvent dans le sac, et la curiosité et la soif de rencontres également. Photo prise au cœur de Hong-Kong

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Nourriture spirituelle. La lumière est une nourriture spirituelle. Un des plus bel endroit qu'il m'ait été donné de voir, au monde, c'est le temple Jain de Ranakpur, composé de 1444 piliers sculptés à la main, tous différents, le tout dans un marbre blanc l'un des plus pur et précieux, le même que celui utilisé pour le Taj Mahal. Ce temple est architecturé pour la lumière, cela se voit et se sent. Difficile de photographier tellement on est envahi d'un sentiment de plénitude, propre à la méditation (et je ne suis pas vraiment quelqu'un de méditatif...). Quand j'ai vu cet homme j'ai remarque d'abord la lumière mettant en valeur ses vêtement. J'ai un peu oublié de regarder l'éclairage de son visage, tant pis... Photo prise à Ranakpur, région du Rajasthan, Inde.

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...ici j'ai été plus chanceux. Le cadrage est un peu hasardeux, mais la photographie fonctionne quand même. La dame attire le regard, et on reste un peu sur cette image, à scruter, et jauger son caractère. Une source de lumière latérale révèle bien les volumes. Et au niveau des couleurs, ce sont les parties davantage dans l'ombre qui sont saturées. Une lumière directe a tendance à délaver les couleurs, au sens figuré comme au sens propre. On remarque que les parties de murs à priori exposées au soleil sont délavées. Observez autour de vous les couleurs lors d'un temps orageux : elle sont bien saturées. Photo prise à Bikaner, région du Rajasthan, Inde.

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Éclairage volumétrique. C'est une technique utilisée dans la création d'images de synthèse, placer un conteneur, qui en diffusant la lumière, lui donnera un volume. Poussière, fumée et brouillard sont des conteneurs que nous observons dans le monde réel. Ils sont d'ailleurs abondement utilisés au cinéma. Ici ce n'est pas très flagrant, je n'ai pas produit cette année d'image illustrant au mieux cette caractéristique. Reste que la poussière donne une texture et nous donne également des informations sur l'environnement, le sol en particulier. La poussière, c'est souvent un ailleurs, un voyage, du moins pour nous français. Et en Inde quand ce n'est pas la poussière, c'est la pollution. Beaucoup d'éclairage volumétrique en Inde... Photo prise à Pushkar en Inde. 48


Même idée ici. Dernière photo de cette rubrique On pourrait imaginer un numéro, voire plusieurs entièrement consacrés à la lumière tellement le sujet est vaste et prégnant dans la photographie. Ici il a été traité à travers le prisme de l'humain. C'est à mon sens l'énergie la plus difficile et passionnante à manipuler en photographie. Petite rectification scientifique : la lumière est un transport d'énergie, ce n'est pas de l'énergie à proprement parler, mais nous nous serons compris. S'entraîner à l'aide d'un éclairage contrôlé permet d'apprendre à utiliser la lumière disponible, qu'elle soit naturelle ou artificielle. Photo prise à Berlin, dans le parc de Treptov.

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RAPPORT PHOTOGRAPHE / SUJET Dans le "milieu de la Photographie", il est davantage valorisé d'être au plus près de son sujet, en contact avec lui. Pléthore de photographes (en particulier) documentaires, de festivals, de magazines, en font leur"valeur ajoutée", comme si la distance n'était pas de la vraie bonne photographie, était davantage du domaine du grand public, anecdotique. C'est une violence. Photographier, c'est intime, que l’on soit amateur ou professionnel. "Je photographie comme je suis". On sera bon si on est en accord avec notre personnalité, notre sensibilité et nos principes. D'un autre côté la pratique de la photo peut également nous décloisonner, nous permettre de repousser nos démons, no peurs. En ce qui me concerne cela m'a permis de développer une curiosité sur le monde que je n'avais pas. Pour autant j'ai une grande distance dans mon rapport à l'autre, et je n'ai pas envie de me rapprocher. Je me dis que je me dois de le faire quand même pour ces deux raisons : à cause de la pression du "milieu de la Photographie", ce qui est une mauvaise chose, et parce que je ne me fais pas totalement confiance, que peut être je vais découvrir en moi une nouvelle facette. Tant que je n'ai pas vraiment essayé je ne saurai pas. Voilà le genre de questions que doit se poser un photographe a un moment donné. A étudier en premier : Richard Avedon, observer ses photos et aussi lire sur lui, et Martin Parr.

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Marchandise Cette femme vient me voir, me sourit, elle est belle, voit que j'ai un appareil, se met à jouer avec ses colliers, se voile le visage par pudeur. Je suis intimidé, mais je déclenche. Je me dis qu'il ne faut surtout pas que je rate ce moment privilégié. Je la remercie du regard, elle me sourit à nouveau. Puis elle veut me vendre ses colliers. Cet échange privilégié était en fait marchand. Vraiment ? Je vois à quelques mettre un homme qui la surveille et la suit de loin, peut être son patron, ou un garde du corps. Je pense que photographier de l'humain doit être détaché d'un quelconque aspect marchand. Mais parfois, les circonstances d'un pays imposent certaines pratiques de la part des habitants qui travaillent pour se nourrir et nourrir leur famille...ou quelques chefs de gangs... Il n'empêche, je reste convaincu qu'il s'est passé quelque chose de vrai entre cette femme et moi. Photo prise à Jodhpur, région du Rajasthan, Inde.

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Non, c'est non. Dimanche, Hong-Kong, le soleil se couche encore tôt en avril. Et le dimanche, quelques 140 000 Ayi, employées de maison principalement originaire des philippines, se posent sur des cartons pour se retrouver, discuter, jouer aux cartes, se reposer. Quand je suis arrivé à cet endroit (sans connaître toute l'histoire), j'ai immédiatement déclenché. J'ai pensé tenir un excellent sujet de documentaire. Il faut que j'en apprenne plus. Alors je décide de me baisser pour essayer de communiquer avec un groupe (elles parlent l'anglais). Elles me font comprendre de les laisser tranquille. Je ne sais pas si c'est par rapport à l'appareil, ou parce que je suis un homme. Bref, non c'est non. Et puis après tout, ces femmes ont le droit d'être tranquille entre elles le dimanche ! Ceci dit, je regrette de ne pas avoir insisté. J'aurai dû au moins essayer avec un autre groupe. Photo prise à Hong-Kong.

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Quelques mois plus tard, me rappelant de la mésaventure de Hong-Kong (cf. photo précédente), je m'auto-censure en prenant ce groupe-là de loin. Des travailleurs au repos. Avais-je besoin cette fois d'entrer en contact avec eux ? Non pas forcément, je ne voyais pas matière à creuser, et puis c'est un bon prétexte pour rester dans ma zone de confort. Au moins cette fois, je me suis baissé pour me mettre à leur niveau. Photo prise dans le désert du Thar, région du Rajasthan, Inde.

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Ne pas interférer. Suivant la scène qui se présente devant nous, il faut parfois ne pas interférer afin de ne pas modifier ce qui nous a intéressé en premier lieu. Dans le cadre d'une série, j'aurais pu me rapprocher, entrer en contact avec ces deux hommes, et qui sait, réaliser un portrait. Mais en premier lieu, prendre la photo sans interférer. Photo prise à Delhi.

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Rester alerte et anticiper. Une pluie vraiment intense, dans l'incroyable ville de Nara et les athlètes-chauffeurs de pousse-pousse qui travaillent comme si de rien était. Mieux : ils ont davantage de clients ! J'en avait vu passer un. Je savais qu'il y avait une photo à faire. Alors je suis allé chercher ma scène. Ce sourire, le marche pieds, ont sent de la bonté toute japonaise, dans le détail. Photo prise à Nara, Japon.

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Badass. Venir trier ses légumes au MacDo du coin, respect. Pour ajouter un élément de réalité : par une journée moite, comme c'est souvent le cas à Hong-Kong, ceux qui n'ont pas de climatisation personnelle se réfugient dans les buildings modernes et surtout les fastfoods, où on ne les rejette (à priori) pas. Il y a beaucoup de personnes âgées qui squattent les MacDo. Cela donne l'occasion au photographe de capturer des scènes insolites. La dame n'a pas semblé gênée par ma présence. Photo prise à Hong-Kong.

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Noble. Ce qui a attiré mon regard avant de prendre la photo, c'est la noblesse qui émane de ce personnage. Certainement la fierté d'être le chauffeur de cet étrange embarcation qui fait saliver. L'écharpe ajoute au tableau. En revoyant cette photo, et après l'expérience fantastique des touk-touk en Inde, j'ai envie de monter avec lui. Photo prise à Strasbourg, France.

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Rester respectueux. J'ai découvert quelque chose au Japon, que j'ai pu vérifier par la suite. Il est possible de photographier des humains, de se faire remarquer, et de ne pas avoir une réponse hostile. Ne pas être agressif dans sa démarche. Un regard dans les yeux pour demander quand on n'a pas encore déclenché, un regard et un hochement de tête pour remercier. Ne pas lancer un grand sourire carnassier, un sourire doux, honnête et respectueux fais mieux l'affaire. Et les portes s'ouvrent plus facilement. Photo prise dans le quartier de Tokyo, à Tokyo.

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Échange de regards. Il n'y a pas de hiérarchie des regards. Ce n'est pas parce qu'il est muni d'un appareil, que le photographe est le seul à porter un regard. Et ce regard n'a pas plus d'importance que celui que le sujet peut porter à l'égard du photographe. C'est souvent le contraire. Ce serait une erreur de se cacher derrière l'appareil. La moindre des choses est de se présenter au regard de la personne que l'on photographie. Photo prise à Osaka.

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On a bien passé trente secondes à se regarder avant la photo. J'étais un photographe du bus pour touristes occidentaux "VIP" en mal d'exotisme. Lui, il avait froid. Photo prise sur la route, dans le Rajasthan, Inde.

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Regarder...


Une marchande qui n'a pas essayé de me vendre la photo. Je pense qu'elle devait avoir conscience de sa singularité. L'échange fut simple et cordial. Intérieurement, je n'étais pas à l’aise du tout, j'étais presque terrorisé. J'avais l'impression de lui voler son âme. Photo prise à Jodhpur, dans le Rajasthan, Inde.

...c'est faire exister. 61


La fermière... ...et ses galettes de millet simples et succulentes. Une famille de modestes fermiers avait été réquisitionnée pour présenter son habitat traditionnel, accompagné d'une démonstration de cuisine de façon tout à fait sincère. Le guide, d'une caste supérieure, a eu droit à sa chaise. La fermière, son mari et ses filles étaient par moment matraqués de coup de flash et de bruits de déclencheurs. Les cinq premières minutes je n'ai pas pu pointer mon appareil sur eux. Je me sentais mal. Puis voyant la scène et les personnages photogéniques, j'ai fini par jouer le jeu du touriste qui prend mais donne peu de sa personne. En réalité j'aurais aimé m’asseoir par terre avec elle et essayer de cuisiner moi-même une galette... Sur la route j'ai souvent repensé à cette famille. J'avais envie de retourner les voir, sans mon appareil, et de passer un vrai moment avec eux. Photo prise quelque par dans le Thar, sur le tard, en Inde. 62


Homme vs Homme. Je suis un homme. Quand je photographie une femme il y a ce rapport de domination sociale mélangé souvent à une forme plus ou moins ambigüe d'attrait. Photographier un homme, c'est plus compliqué, deux ego qui entrent dans l’arène, s'apprivoisent, se tolèrent, ou campent sur leur position. Je le confesse, j'aimerais parfois me transformer en une femme photographe pour voir le changement que cela produit dans le regard de mes sujets. Photo prise à Pushkar, dans le Rajasthan, Inde.

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Oups. Mauvais timing, mauvaise approche, je pense que si j'avais insisté, on m'aurait retrouvé giser au sol, un éventail de dents étalé près de moi, l'appareil photo enfoncé dans le...postérieur. Les tokyoites des quartiers d'affaires, que l'on amalgame à tort au reste des japonais, donnent l'impression au premier abord d'être assez distants. Photo prise à Tokyo.

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Je crois que cet homme est complètement stone. Photo prise quelque part en Inde, dans une forteresse musÊe.

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Ce regard. Les indiens ont ce quelque chose de brillant dans les yeux. Cette dame, avec son regard intense et très appuyé, doit avoir l'habitude d'aller à la rencontre de l'étranger. Pushkar est une ville sacrée, renfermant le seul temple en Inde dédié au dieu Brahma (l'équivalent de Zeus, Uranus). Photo prise à Pushkar, Inde.

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Les transports en commun. J'adore prendre les transports en commun, et flâner dans les supermarchés. Regarder les gens, imaginer qui ils sont, ce qu'il se passe dans leur tête. En examinant les vêtements, le sac, le visage marqué, le regard, la façon de se tenir, de se coiffer, le maquillage, tous ces petits détails qui donnent à imaginer le personnage. Photo prise à Freiburg-im-Brisgau, Allemagne.

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Macao. J'ai pris très peu de photos de Macao. Pourtant cette région mériterait à elle seule voyage et documentaire. Il y a un contraste monumental entre les casinos et le reste. Et son passé portugais lui confère un caractère vraiment singulier. Photo prise à Macao.

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Le pays des couleurs. Même dans les régions désertiques comme le Rajasthan, c'est vrai. Je ne suis pas entré en contact avec cette femme, je ne faisais que passer. Mais je me demandais bien ce qu'elle attendait là. Elle semblait immobile comme une statue. Photo prise à Bikaner, Rajasthan, Inde.

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Hambourg. Je voulais absolument présenter une photo prise à Hambourg, tellement j'ai été conquis par cette ville, encore plus qu'Amsterdam. Une ville occidentale belle et ultra-photogénique. Ici je n'ai pas voulu interférer parce c'est le rapport entre ces deux femmes et l'arrière plan qui m'a interpellé. L'humain sert évidemment de repère d'échelle. NB technique : penser à la compression des plans dans ce genre de situation. Photo prise à Hambourg, Allemagne.

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Shooter quand même. On m'a interdit de photographier. Mais j'ai quand même réussi à prendre quelques photos, sur le port du quartier d'Aberdeen à Hong-Kong, un hangar à pêcheurs. Nous vivons dans un monde de l'image, où il est de plus en plus difficile de photographier à l'heure de l'ultra communication et de l'ultra contrôle. Je suis du genre docile, du moins dans ma pratique photographique, mais certains sujets nécessitent que l'on force les portes, que l'on prenne des risques. C'est un des intérêts majeurs des agences photo, qui par leur organisation et leur mutualisation, peuvent déployer un bouclier juridique, du moins ont une réserve financière permettant de gérer après coup les dommages financiers et ainsi préserver la liberté et l'indépendance du photographe. Photo prise à Hong-Kong.

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Se jeter au feu, dès le matin. Cette fois j'étais motivé. Je suis allé les voir pour leur demander si je pouvais les prendre en photo. Il ont accepté sans hésiter, amusés. Je les ai remercié avec insistance et j'ai continué mon chemin. Prochaine étape, il faudra que j'entame la conversation. NB : un bon exemple de photo déséquilibrée. La moto aurait un peu plus à gauche, ça aurait été parfait. Photo prise dans une petite ville du Rajasthan, Inde.

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Japon, dimanche, surprises. Une cérémonie de quartier, ou plutôt une seule rue, dans un coin assez isolé de Tokyo, quartier de Taito. Le papy en tenue de cérémonie, et baskets, et casquette. Ça m'a donné envie de devenir japonais. Il y a tellement de protocoles au Japon, que c'est extrêmement difficile de se jeter au feu, si l'on veut respecter la culture locale. Photo prise à Tokyo, Japon.

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A droite. Se mettre au niveau de son sujet. Rien de pire que de prendre son sujet en photo en contreplongée sans raison. Il y a une condescendance qui émane de cette photo, qui me pose vraiment problème. En particulier les enfants : il faut se mettre à leur niveau. Photo prise à Bikaner, Inde.

A gauche. Je suis assez insensible à l'exotisme. Cet homme, je l'ai trouvé inquiétant, presque dangereux. Il a cette tenue et cette moustache caractéristique des Sikh (j'espère ne pas me tromper). Je ne suis pas en train de dire que les Sikh sont dangereux ! Photo prise à Jasailmer au Rajasthan, Inde.

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A gauche. Évidemment photographier dans la rue à ce côté mi-"photojournalisme", mi-voyeur. Il faut assumer, et parfois brouiller les pistes. Se faire passer pour un touriste, se faire passer pour un photojournaliste, Éviter de se faire passer pour un voyeur. Jetez un œil au travail de Weegee su ce sujet. Photo prise à Amsterdam.

A droite. Les Indiens du Rajasthan sont assez difficile à cerner en général, car leur culture marchande irradie par toutes les pores. Cet homme-là m'a interpellé car il semblait vraiment agacé de voir ce troupeau de touriste s'affairer devant un gamin qui chantait "Frère Jacques" a tue tête. Il n'était pas question d'entrer en contact avec lui, malgré ma barbe de Sikh. 76

Photo prise à Jasailmer, Rajasthan, Inde.


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POINT DE VUE

Pratiquer la photographie, en amateur comme en professionnel, ce n'est pas seulement rechercher ou créer la belle image. C'est aussi, et surtout, exprimer un point de vue, un regard particulier, dire et révéler des choses, s'engager visuellement dans l'expression de ses rêves, sa sensibilité, ses valeurs, ses combats. C'est très important. Je passe beaucoup de temps sur Internet et je trouve que l'imagerie à l'esthétique publicitaire y est prépondérante. La recherche de reconnaissance y est pour beaucoup. La volonté de monétisation immédiate également. On appelle cela des "putes à clics". Par image publicitaire, j'entends la promotion de soi, de ce qui est beau, de ce qui fait rêver. La photo spectacle. Le "lifestyle" en est l'expression la plus ambiguë. Instagram et Tumblr en sont les chantres. En tant que photographe on tombe tous dans le piège à un moment. Avec du recul je réalise que cette année de voyages, je l'ai très peu abordée comme un auteur. Je suis tombé dans le piège du touriste de base, qui se laisse impressionner sans vraiment se questionner, qui veux maximiser son voyage en voyant le plus de choses, mais en ne prenant le temps de rien. Au Japon c'était un peu différent j'y suis resté un mois et demi. Mais je n'ai pas réussi à m'engager photographiquement. J'ai été émerveillé par ce pays, comme sonné. Il me faudra y retourner. Ceci dit, pour une première année de grands voyages, c'est une bonne première expérience pour analyser les erreurs commises et mieux envisager les prochains. Ce que je rêve de faire, c'est d'aller dans un endroit où j'ai envie d'aller, Helsinki par exemple, trouver un cadre, et y rester sans bouger, peut être assis par terre, pendant plusieurs jours. Voir les gens passer, essayer de communiquer avec eux. Et peut être qu'ils viendront à moi. Ça c'est un point de vue particulier, une démarche d'auteur. Potasser Robert Frank et Maud Challard, grand écart. Et lire absolument : Qu'est-ce que l'Art ? de Tolstoï, 1897. 78


Je suis un banc. La Rochelle, j'ai du temps, je me transforme en banc. C'est fou ce que les gens, concentrés sur leur sphère personnelle, ne font pas attention à ce qui se passe autour d'eux. Pourtant il y a cet intégration de l'espace. Comme quand on croise quelqu'un sur le même trottoir et que chacun se met de son côté et négocie tacitement le passage, sans se regarder, sans prêter attention à l'autre, ou si rarement. Je suis presque persuadé que dans une ville comme New York, qui a une certaine réputation dans ce sens, quelques humains seraient venu me parler. Je suis resté presque deux heures. Peut être que je me suis vraiment transformé en banc. Photos prises à La Rochelle, France.

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Jeux d'enfants. Le peintre de référence : Pieter Brueghel l'Ancien. Le théâtre de la vie depuis un point de vue en hauteur. Pour exprimer un point de vue, la série permet de dévoiler diverses facettes, d'instaurer une narration, une échelle temporelle, etc. Certains auteurs arrivent à placer dans une seule image leurs intentions. Comme pour un tableau. On retrouve cela très bien dans la publicité où une affiche, un encart, doit faire passer un message précis en un seul visuel. Pour la série ce sera la de campagne de pub. Un photographe très intéressant sur ce sujet à étudier, c'est David Lachapelle, qui pioche dans les codes de la publicité et de la peinture pour exprimer son point de vue. Pour lui les apparences SONT la réalité. Regarder également le court métrage Apnée, réalisé par Claude Chabot, qui a notam. gagné un prix au Festival du Film Court de Castres en 2007. Photos prises à Granville, France.

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Taj Mahal

Vous venez de voir une série sur le Taj Mahal. Qu'avez-vous ressenti ? Voici la première réaction d'une très bonne amie photographe : "flippant, angoissant, pathétique". Je vous présente la réponse que je lui ai faite et que j'assume encore aujourd'hui : "Si tu fermes les yeux et que je te dis Taj Mahal, sans y être allée tu as une image du monument. Tout le monde connaît le Taj Mahal. Son image est omniprésente. Et quand tu te rends sur place, il y a des milliers et des milliers de gens. Pas du tout un lieu paisible et méditatif. Pour garder un souvenir de son passage, il n'y a à priori aucun intérêt de prendre le monument en photo, parce que cette photo existe déjà dans des millions d'exemplaires. Alors comment faire sa propre version ? En étant sur la photo. Ça, ça date de bien avant les selfies. Devant ces merveilles du monde vues et ultra vues, c'est la seule solution pour garder une preuve. Ce qui m'intéresse dans cette série, c'est que ce principe est vraiment universel. Peu importe l'outil utilisé. Peu importe qu'avec un téléphone on appelle ça selfie. C'est un moyen de garder une trace, de dire "j'y étais". Une fierté. Se prendre en selfie partout et sans raison, c'est débile je suis d'accord avec toi. Mais là c'est tout autre chose. Et j'ai aimé cette parade, cette implication des gens, ces photos de familles, de couples, d'amis." Ce qui m'a intéressé également, c'est la quantité. Donner du poids au sens par la quantité de photos. Et je reviendrai sur le caractère prétendument débile du selfie. C'est un fait social mondial qu'il conviendrait d'étudier avec sérieux. J'avouerai que je suis resté environ deux heures à observer les gens. Je ne suis pas allé visiter le Taj Mahal, parait-il c'est très beau. Photos prises au Taj Mahal, France. 95


Exténués. La vie dans une ville tentaculaire peut être exténuante, à toujours courir à cent à l'heure. J'ai croisé des hommes d'affaires qui partaient travailler...à 4h30 du matin. Et puis il y a ce bercement du métro tokyoite, même à l'arrêt, doux comme celui d'un landau. J'avoue m'être endormi plusieurs fois. Et à Hong-Kong c'est la même chose. Photos prises à Tokyo, à 4h30, dans la journée et vers 23h30 au MacDo.

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Dilemm

Si l'on ne doit considérer qu'une seule photo, le choix est assez difficile. A droite l'image est plus lisible, mais les reflets de la photo de gauche, ainsi que le premier plan flou, ne manquent pas d'intérêt. Photo prise à Hong-Kong.

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me #2

Mais si l'on envisage ce qui pourrait être un début de série, en veillant à placer ce personnage et ces futurs clones exactement au même endroit dans le cadre, l'on commence à exprimer une idée, à raconter une histoire. Peut être que ce diptyque raconte déjà une histoire... Photo prise à Hong-Kong.

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Suggérer l'humain par son absence. A gauche deux rues de Tokyo extrêmement denses en journée, désertes au petit matin. A droite en Inde un humain invisible. Ce sont deux séries sur lesquelles je travaille à longterme, où j'essaie de suggérer la présence humaine plutôt que de la montrer. Quand on traverse des endroits très fréquentés, on ne réalise pas combien cette présence se fait davantage sentir quand il n'y a plus personne. C'est la même chose pour les chaussures laissées, par une personne qui visite un temple, par un ouvrier, etc. C'est un marqueur de présence. Cela me permet d'une certaine façon d'exprimer ma relation ambivalente quant au genre humain. J'ai le sensation d'être à la fois misanthrope et humaniste. Je suis certainement encore trop jeune pour pouvoir exprimer par les mots cette ambivalence, alors j'essaie par l'image.

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Position de la femme dans la société au Japon et à HK... Je vais uniquement évoquer un sentiment personnel, peut être éloigné de la réalité. Que ce soit au Japon où à Hong-Kong, de manière générale, j'ai eu l'impression que la femme, du moins dans l'espace public, avait une place tout à fait respectée. J'ai même eu l'impression, au Japon en particulier, que ce respect était bien supérieur à ce que nous connaissons en France. Parenthèse : l'état japonais mène une campagne agressive pour lutter contre l'obésité. Il y a beaucoup d'affichage à la limite du respect des personnes obèses. Il m'est arrivé plusieurs fois de me sentir oppressé, alors que les japonais sont pourtant assez discret en général... Photo prise à Nara, Japon.

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...et dans le nord-oust de l'Inde... Là c'est tout le contraire. Déjà le système des castes est encore extrêmement marqué. Pourtant l'intouchabilité est aboli officiellement depuis 1947... Et concernant les femmes, c'est simple on ne les voit quasiment pas dans l'espace public. Quelques conversations sur place ont confirmé ce que l'on sait de l'Inde : il y a moins de femmes que d'homme, il y a une quantité effrayante de viols, et la femme est clairement opprimée. La faute à la persistance de la dot apparemment. J'ai traversé de nombreuses villes du nord-ouest et seule Bikaner m'a semblée (beaucoup) plus ouverte à la femme. Peut-être grâce à son passé britannique. Sur la photo un patriarche à l'écharpe américaine. Curieux mélange. Photo prise à Bikaner, région du Rajasthan, Inde.

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Le mot de la fin

Je souhaite que la lecture de ce premier Un mot sur le Studio Le Gabs : numéro vous ait apporté quelque chose, quoi Ce que je souhaite du Studio Le Gabs, c'est qu'il que ce puisse être. soit le point de départ vers la création d'un mini-centre culturel itinérant, une miniTravailler seul sur ce projet m'a évidemment coopérative sur la photographie. permis une grande liberté. Mais je n'ai pas ne Quelque chose à taille humaine qui valorise le recul nécessaire pour savoir si le résultat est partage et la complicité. suffisamment intéressant. N'hésitez pas à jeter un œil de temps en temps Ceci m'amène à une problématique que j'ai trop sur le site web. souvent rencontrée dans ma vie professionnelle et bénévole. Il est assez difficile Vous pouvez retrouver mon travail personnel de trouver des gens vraiment motivés pour sur différentes pages : travailler ensemble sur un projet commun, Facebook : https://goo.gl/IzyNRR surtout de façon bénévole. Un site indépendant : www.gabruek.com Dans la photo, c'est encore plus vrai tellement 500px : https://500px.com/gabsriel le photographe a cette image de loup solitaire. Je tâcherai dans les prochains mois Pourtant développer un point de vue peut tout d'uniformiser tout ça sous la bannière "Le à fait s'effectuer à plusieurs. Mieux, le groupe a Gabs". cette capacité de recul par l'échange, d'optimisation, qu'une personne seule n'a pas, Je tiens à remercier particulièrement Alban, même si dans le même temps chaque tâche est Guillaume (Guibs) et Maud, qui ont eu la plus longue à réaliser. patience de me supporter pendant ces voyages.

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Retrouvez

Focus Fanzine sur le blog du

www.studiolegabs.com/focus-fanzine


Focus Fanzine #1

Auto-publication - Avril 2017


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