Une approche prospective du pisé
REMERCIEMENT La rédaction d’un mémoire n’est pas chose aisée, néanmoins je réalise qu’il s’agit d’une opportunité de développer et construire des projets futurs. Si ce travail est une synthèse personnelle, il a été rendu possible par une contribution collective. J’adresse mes remerciements : A Lisa De Visscher, pour ces deux années où elle fut bien plus qu’un professeur d’atelier et un promoteur pour moi. Sa rigueur, sa disponibilité, son aide et son temps ont permis l’émergence de cette synthèse d’une année de recherche. A Aloys Beguin et Luc Mabille, pour leur confiance, leur enthousiasme, leur expérience et leurs conseils avisés, ainsi que pour l’opportunité qu’ils m’ont offert de pouvoir développer mes recherches sur le matériau à l’atelier d’option. A Norbert Nelles, pour ses conseils et sa bienveillance au cours de ces trois dernières années. A Nicolas Coeckelberghs, Hugo Gasnier, Sophie Bronchart et Arnaud Evrard, que je remercie chaleureusement pour leur disponibilité, leur enthousiasme et leur collaboration tout au long de ce mémoire.
A Luc Courard et Jean-Marie Bleus, qui ont su m’accorder la liberté nécessaire pour pouvoir mener les recherches parallèles à ce travail dans le cadre de la réalisation future du projet. A mes lecteurs, qui ont accepté de me prêter de leur temps pour donner un avis critique sur cette production. A mes proches, pour leur patience et leur soutien. A Morgan, qui a enduré stoïquement les oscillations de mon moral. Je tiens également à exprimer ma plus grande reconnaissance envers toutes les personnes que j’ai pu rencontrer et qui ont contribué à l’enrichissement du contenu de ce travail. Enfin, ces remerciements seraient incomplets si je taisais le nom de mes condisciples et avant tout fidèles amis, Florence, Maxime et Romain pour leur confiance, leur amitié et leur effet positif sur cette aptitude naturellement déroutante que j’ai de tout remettre en question. Ils ont eu la folie nécessaire pour me supporter et m’accompagner dans l’expérience du pavillon, en prenant le risque de s’écarter des sentiers battus.
Une approche prospective du pisé
AVANT-PROPOS Choisir un sujet à une dimension très personnelle. Lors de l’année académique écoulée, la rencontre de la terre et de son potentiel à travers l’atelier de Ruralité a ouvert la voie à ce mémoire, fort d’une passion pour le matériau. L’ambition de l’atelier était d’intégrer les potentialités du village d’Xhoffraix en sublimant les valeurs et les logiques constructives appréhendées sur place à travers cinq projets ceints dans un master plan. La finalité de l’année était de présenter ces projets à l’échelle du 1/20ème. Ce paramètre influencera considérablement le choix du travail de fin d’étude. La ruralité est avant tout une éloge de la simplicité dont les enjeux dépassent la dimension de l’architecture au sens stricte. C’est dans ce contexte que s’inscrit la découverte de la terre. Tout commence par hasard, à la suite d’une pléthore de recherches sur le patrimoine bâti des villages de Belgique. Le torchis et la bauge, couramment utilisés pour répondre aux besoins locaux en matière de logement, stimulent ma réflexion. A cet instant, le pisé n’était pour moi qu’une inconnue. C’est à travers la découverte fortuite de Learning from vernacular, rédigé par Pierre Frey, que le matériau se manifestait. Cependant, c’est par le papier d’Hubert Guillaud, Architectures de terre, que l’idée d’utiliser la terre devient une évidence. Je comprenais dès ce moment que ce matériau au fort potentiel expressif dépassait l’architecture pour intégrer les .
sphères politique, économique, environnementale et sociale. L’application de la terre dans le projet s’inscrivait à la fois dans une logique de développement local empreinte des valeurs de la microsociété villageoise, mais également dans une réflexion globale sur les enjeux contemporains de l’architecture. Cette analogie de l’aphorisme «Think local, act global» de Patrick Geddes deviendra une motivation tout au long de ma réflexion future, à laquelle s’intègrera ce mémoire. L’atelier terminé, j’ambitionnais dès lors de transposer activement ces acquis théoriques à la réalité de la société. Pour ce faire, Florence et Maxime, condisciples et avant tout amis, décidèrent de se joindre à moi. Animer par nos convictions, nous aspirions à réaliser un projet public au sein de notre village. Dans ce processus de réflexion, l’accès à l’espace publique était envisagé comme prioritaire. En effet, il apparaissait particulièrement intéressant pour la terre puisqu’il permettait l’interaction entre la réalité de l’objet et la population, tout en exprimant la vie quotidienne du matériau. Nous avons dès lors entrepris les démarches nécessaires auprès de l’administration communale de Neupré pour réaliser une petite intervention dont la position stratégique dans le village aurait pour objectif de sensibiliser un maximum d’individus. Fort de cet esprit, c’est dans une logique d’anticipation du projet que s’inscrit avant tout ce mémoire, envisagé comme une opportunité.
Une approche prospective du pisĂŠ
Une approche prospective du pisé
TABLE DES MATIERES REMERCIEMENT
1
AVANT-PROPOS
2
1
INTRODUCTION
8
CHOIX DU SUJET METHODOLOGIE
8 8
1.1 1.2 2
CONSTRUIRE EN TERRE
12
2.1 LES MODES DE CONSTRUCTION 2.1.1 LES MAÇONNERIES 2.1.2 LES STRUCTURES 2.1.3 LES MONOLITHES
12 14 18 20
3
24
GENERALITE SUR LE PISE
3.1 3.2 3.3 3.3.1 3.3.2 3.4 3.4.1 3.4.2 3.4.3 3.4.4 3.4.5 4
HISTOIRE DU PISE LE PISE DANS LE MONDE LE PISÉ TRADITIONNEL LES PATHOLOGIES DU PISE « DE BONNES BOTTES ET UN BON CHAPEAU » LE PISE CONTEMPORAIN LA STABILISATION DE LA TERRE LES ENDUITS SUR PISE L’EROSION CONTROLEE : MARTIN RAUCH LA PREFABRICATION L’EVOLUTION CONSTRUCTIVE DU PISE
APPROCHE SCIENTIFIQUE DU PISE
24 24 28 29 29 30 30 33 34 37 39 41
4.1 LE MATERIAU TERRE 4.2 EVALUER LA TERRE A PISE 4.2.1 LA GRANULARITE DE LA TERRE 4.2.2 LA COHESION DE LA TERRE 4.2.3 LA PLASTICITE DE LA TERRE 4.2.4 LA COMPRESSIBILITE DE LA TERRE 4.3 LES PROPRIETES DU PISE 4.3.1 LA MASSE VOLUMIQUE [Ρ] 4.3.2 LE RETRAIT HYDRAULIQUE 4.3.3 LA RESISTANCE A LA COMPRESSION 4.3.4 LE MODULE D’ELASTICITE [E] 4.3.5 LA CLASSE DES MATERIAUX 4.3.6 LE COEFFICIENT D'IMPERMEABILITE A LA VAPEUR [µ] 4.3.7 LA CHALEUR SPECIFIQUE [C] 4.3.8 LA CAPACITE THERMIQUE [ΡC] 4.3.9 LA DIFFUSIVITE THERMIQUE [D] 4.3.10 L’EFFUSIVITE THERMIQUE [EF] 4.3.11 LE DEPHASAGE THERMIQUE [Φ] 4.3.12 LA RESISTANCE THERMIQUE [R]
41 41 41 46 47 47 49 49 49 49 49 49 50 50 50 51 51 51 51
5
55
LE PISE EN BELGIQUE
4
Une approche prospective du pisé 5.1 LA CONSTRUCTION VERNACULAIRE EN TERRE CRUE 5.1.1 APPROCHE PEDOLOGIQUE 5.1.2 LES TECHNIQUES DE CONSTRUCTION VERNACULAIRE EN BELGIQUE 5.1.3 L’HISTOIRE DU PISE EN BELGIQUE
55 55 56 56
6
59
APPROCHE HOLISTIQUE DE LA FILIERE TERRE CRUE EN BELGIQUE
6.1 LA DEMANDE 6.2 LES ACTEURS DE LA FILIERE TERRE CRUE 6.2.1 LES ARTISANS 6.2.2 LES PRODUCTEURS INDUSTRIELS ET SEMI-INDUSTRIELS 6.2.3 LES REVENDEURS 6.2.4 LES ARCHITECTES ET LES ENTREPRENEURS 6.2.5 LES ENTREPRISES DE FORMATION PAR LE TRAVAIL [E.F.T] 6.2.6 LES STRUCTURES DE SENSIBILISATION 6.2.7 LES RESEAUX PROFESSIONNELS 6.2.8 LES LABORATOIRES DE RECHERCHE
59 60 60 61 63 64 65 65 66 68
7
71
LES ENJEUX DE LA CONSTRUCTION EN PISE EN BELGIQUE
7.1 7.1.1 7.1.2 7.1.3 7.1.4 7.2 7.2.1 7.2.2 7.2.3 7.2.4 7.3 7.3.1 7.3.2 7.3.3 7.3.4 7.3.5 7.4 7.4.1 7.4.2 7.4.3 7.5 7.5.1 7.5.2 7.5.3 7.5.4 7.5.5 7.5.6 7.6 8
LE CONTEXTE DU DEVELOPPEMENT DURABLE LA GESTION DES RESSOURCES NATURELLES LES EMISSIONS DE GAZ A EFFET DE SERRE LA GESTION DES DECHETS ENJEUX DU DEVELOPPEMENT DURABLE DANS LE SECTEUR DU BATIMENT AVANTAGES DU PISE POUR REPONDRE AUX ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX PHASE DE CONSTRUCTION PHASE D’HABITATION PHASE DE RECYCLAGE CONSTAT AVANTAGES DU PISE POUR REPONDRE AUX ENJEUX DE CONFORT THERMIQUE LA NOTORIETE DES PERFORMANCES THERMIQUES DU MATERIAU LA NOTION DE CONFORT THERMIQUE RESISTANCE THERMIQUE ET CAPACITE THERMIQUE LE ROLE DE L’INERTIE THERMIQUE DU PISE L’INTELLIGENCE DE CONCEPTION POUR REPONDRE AUX ENJEUX DU CONFORT THERMIQUE AVANTAGES DU PISE POUR REPONDRE AUX ENJEUX SOCIO-ECONOMIQUES LA TRANSITION VERS LES FILIERES COURTES LA REDUCTION DES PRIX LA MISE EN PLACE D’UN MARCHE CONCURRENTIEL AVANTAGES DU PISE POUR REPONDRE AUX ENJEUX DE CONFORT ET DE SANTE PUBLIQUE LA REGULATION DE L’HUMIDITE LA CLIMATISATION NATURELLE LE CONFORT ACOUSTIQUE LA SORPTION DES ODEURS LA POLLUTION ELECTROMAGNETIQUE LA RADIOACTIVITE AVANTAGES DU PISE POUR REPONDRE AUX ENJEUX CULTURELS
LES OBSTACLES DE LA CONSTRUCTION EN PISE EN BELGIQUE
8.1 OBSTACLES DE LA CONSTRUCTION EN TERRE CRUE 8.1.1 L’ABSENCE DE CAPITALISATION TECHNIQUE 8.1.2 LE REFERENCEMENT TECHNIQUE LACUNAIRE 8.1.3 LA FAIBLE CAPITALISATION DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE 8.1.4 LE FAIBLE SOUTIEN POLITIQUE 8.1.5 LES CERTIFICATS BENOR ET A.T.G
5
71 71 71 74 74 74 74 75 75 76 76 77 77 78 78 79 80 80 81 82 83 83 84 85 87 87 89 89 93 94 94 94 95 95 96
Une approche prospective du pisé 8.1.6 LE MANQUE DE PRESENCE DU MATERIAU DANS L’ENSEIGNEMENT 8.1.7 LE MANQUE DE LISIBILITE DES FORMATIONS 8.1.8 LA CULTURE CONSTRUCTIVE INADAPTEE 8.1.9 LA DEVALORISATION DES MATERIAUX EN TERRE CRUE 8.2 OBSTACLES DE LA CONSTRUCTION EN PISE 8.2.1 LA FRAGILITE DU PISE 8.2.2 LE PRIX DU MATERIAU 8.2.3 LE COUT DE LA MAIN D’ŒUVRE 8.2.4 L’AUTO-CONSTRUCTION 8.2.5 LA DIFFICULTE A NORMALISER LA TECHNIQUE ET LE MATERIAU 8.2.6 LA REGLEMENTATION P.E.B 8.2.7 L’ISOLATION THERMIQUE 8.2.8 AUTRES OBSTACLES IDENTIFIES
97 97 98 99 101 101 103 104 105 106 106 107 109
9 PERSPECTIVES DE DEVELOPPEMENT DE LA CONSTRUCTION EN PISE EN BELGIQUE
111
9.1 CONDITIONS FAVORABLES AU DEVELOPPEMENT DU PISE 9.1.1 LA DIVERSITÉ D'USAGE 9.1.2 DE NOUVELLES REPONSES TECHNIQUES 9.1.3 DIVERSIFICATION DE L’OFFRE DES CARRIERES 9.1.4 LE DEVELOPPEMENT LOCAL 9.1.5 LES INCITANTS POUR LES ENTREPRISES 9.1.6 LA SENSIBILISATION 9.1.7 LA TRANSITION VERS LA FILIERE SECHE 9.1.8 DES ALTERNATIVES A LA P.E.B ACTUELLE 9.1.9 LE MARCHE PUBLIC 9.2 PERSPECTIVES D'ACTIONS DE LA FILIERE POUR DEVELOPPER LE PISE 9.2.1 UN RESEAU A STRUCTURER 9.2.2 METTRE EN PLACE UNE STRATEGIE DE COMMUNICATION 9.2.3 DEVELOPPER L’ENSEIGNEMENT ET LES FORMATIONS 9.2.4 OPTIMISER LA DIFFUSION DES SAVOIRS SCIENTIFIQUES ET TECHNIQUES
112 112 112 115 116 116 117 117 118 121 122 122 123 124 128
10
CONCLUSION
131
12
BIBLIOGRAPHIE
134
12.1 12.2 12.3 12.4 12.5 12.6 12.7 12.8 12.9
LIVRES ARTICLES MEMOIRES ET TRAVAUX D’ETUDIANTS MEMOIRES POST-MASTER THESES ET PUBLICATIONS VIDEOS POWERPOINT RESSOURCES INTERNET DIVERS
134 136 138 139 139 139 140 140 143
ANNEXES
144
1. PROJET 2. ESTIMATIF 3. METHODOLOGIE DE L’ENQUETE CHOIX DE L’ENQUETE GRILLE DE QUESTIONS ACTEURS
144 147 148 148 149 150
6
Une approche prospective du pisĂŠ
7
Une approche prospective du pisé
1 INTRODUCTION qu’en est-il actuellement de la situation de ce matériau en Belgique ? Quelles sont ses perspectives de développement ?
1.1 Choix du sujet En 2015, le secteur industrialisé du bâtiment consomme 45% de l’énergie finale de production. Il est aujourd’hui responsable de 25% des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale. Dans ce contexte délicat, l’apport de nouvelles réponses apparaît comme un enjeu primordial face à la transition écologique telle que Rob Hopkins la définit.
Par une approche holistique, le travail tente de porter un regard objectif sur le potentiel de développement du pisé au sein de la filière de terre crue, et propose in fine des pistes d’action qui peuvent contribuer à son évolution sur le territoire.
1.2 Méthodologie
Disponible in situ, la terre exprime symboliquement la capacité de l’homme à valoriser les ressources disponibles localement pour façonner son environnement construit. Abandonnée au profit des matériaux industriels, la crise énergétique a revalorisé les qualités inhérentes du matériau, apte à répondre efficacement aux enjeux contemporains.
Ce mémoire de master en architecture propose une approche prospective de la technique et du matériau pisé dans le contexte singulier de la Belgique pour évaluer ses perspectives de développement. Pour ce faire, le travail est structuré en deux parties.
Depuis peu, des entreprises belges proposent des briques de terre crue, des enduits d’argile, des prêts à l’emploi de torchis, de bauge ou encore des systèmes terre-paille, générant un tissu d’acteurs toujours plus présent. Alors que l’histoire de ces dernières années atteste de l’influence du pisé dans le renouveau de l’architecture de terre dans les pays industrialisés, aucun producteur belge ne propose de prêt à l’emploi. En 2015, une entreprise locale souhaite introduire un mélange de pisé certifié sur le marché.
La première repose sur une étude bibliographique permettant de situer le matériau indépendamment du contexte du plat pays. Ainsi, celle-ci adopte une structure tripartite. :
Le matériau, sa géographie, son histoire, sa mise en œuvre, ses propriétés, ses forces et ses faiblesses sont étudiés ici. Le second aspect du travail place la terre banchée dans le contexte de la Belgique. Sa filière, ses acteurs, ses enjeux et ses contraintes offrent un panorama général de la situation dans laquelle elle s’inscrit. Tantôt « Stampflehm » en allemand, tantôt « Stampleem » en néerlandais, 8
•
Tout d’abord, une approche générale du matériau terre est proposée à travers la définition succincte des divers procédés de mise en œuvre les plus répandus dans les pays industrialisés ;
•
Ensuite, la technique du pisé est introduite par sa géographie. Ce panorama permet à la fois de prendre connaissance de l’impact culturel du matériau, mais aussi de constater l’étendue du patrimoine mondial en terre banchée. Après cette préface du matériau, un regard est porté sur les techniques de construction traditionnelle et contemporaine qui offrent
Une approche prospective du pisé des indices sur les possibilités constructives en pisé ; •
analyser les évolutions potentielles qui favoriseraient ou non son émergence dans la culture du bâti. Cette partie du mémoire se structure en quatre points :
Enfin, la caractérisation d’un matériau est aujourd’hui essentielle dans les choix du concepteur, de l’ingénieur ou de l’architecte pour répondre aux exigences actuelles. Dès lors, le travail s’emploie à la fois à définir le pisé comme matière à construire, mais également à caractériser les propriétés essentielles permettant de le calculer.
Après avoir approché généralement le matériau et de surcroît la technique, la seconde étape s’intéresse à la construction en terre en Belgique. L’introduction par le contexte historique et géographique du pays est privilégiée. La genèse de la construction en terre offre des éléments de réponses à la situation actuelle, essentiels dans le processus de réflexion : nature des terres, traditions constructives, état de la construction en pisé, etc. Pour y parvenir, deux outils sont utilisés : •
•
Les ressources bibliographiques spécifiques à l’histoire de la construction vernaculaire en Belgique, ainsi que les ouvrages traitant de la nature de nos sols ;
•
L’énonciation des acteurs de la terre crue en Belgique ;
•
La définition des enjeux relatifs à la construction en pisé ;
•
La description des obstacles à l’émergence du pisé, qui distingue deux sous-chapitres : les contraintes impactant de manière générale la terre crue et les contraintes freinant le pisé.
•
L’identification des perspectives favorables à l’émergence du pisé sur le territoire. Ce chapitre est dissocié en deux sous-parties. La première est relative aux conditions qui peuvent favoriser l’intégration du pisé. La seconde, dans un processus itératif, propose des perspectives d’actions pour la filière qui bénéficieraient aussi bien au pisé qu’à la reconnaissance des autres techniques de construction en terre crue.
Les outils choisis pour réaliser cette partie du mémoire sont :
Les résultats des entretiens avec des personnes qualifiées dans les domaines historique et géologique pour préciser les informations recueillies ;
Enfin, la troisième étape consiste en une approche holistique de la filière terre crue en Belgique. A cet effet, le travail ne peut se départir d’une approche globale de la filière, nécessaire à la compréhension du cadre de l’étude.
•
Les ressources bibliographiques ;
•
La réalisation d’une enquête au sein de la filière terre crue. Un descriptif de la méthodologie de l’enquête et des acteurs est disponible dans l’annexe 3.
Plusieurs difficultés se sont immiscées dans mes recherches. Tout d’abord, le pisé est une technique encore très marginalisée en Belgique. Parmi les acteurs interrogés, très peu prétendent le mettre en œuvre régulièrement. Les acteurs de l’auto-construction ciblent davantage la brique de terre crue, les enduits et le
Ainsi, le travail aborde la situation actuelle à travers l’identification des acteurs de la terre et du contexte dans lequel s’inscrit le matériau pour ensuite
9
Une approche prospective du pisé « terre paille », qui requièrent moins de connaissance que la technique du pisé.
vrages sont antérieurs aux années 2000. Les valeurs diffèrent sensiblement ce qui rendait l’exploitation des données compliquées.
Dès lors, des acteurs étrangers ont été sollicités, à l'instar de Quentin Chansavang et Hugo Gasnier du laboratoire CRAterre de l’ENSA de Grenoble, qui ont tous deux mis en œuvre la technique en Belgique lors d’un workshop organisé à Alost.
Enfin, malgré des demandes répétées, il ne m’a pas été possible d’obtenir des résultats chiffrés permettant d’analyser objectivement la demande des consommateurs pour les produits en terre et de surcroît le pisé. Dès lors, l’évaluation de la demande repose sur la confiance octroyée aux acteurs.
Pour la phase de recherche bibliographique, je me suis heurté à un manque d'information technique relatif à la caractérisation du pisé. La plupart des ou-
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Une approche prospective du pisé
2 CONSTRUIRE EN TERRE 2.1 Les modes de construction La terre est utilisée dans la construction depuis des temps reculés, certaines traces remontent à onze millénaires. Elle demeure aujourd’hui le matériau le plus répandu à l'échelle mondiale. Les statistiques publiées en 1988 annonçaient que 30% de l'humanité habitait un logement en terre crue. Aujourd'hui, l'agence habitat des Nations Unies estime à 50% cette proportion suite au développement des pays émergents.
et les monolithes. Douze modes constructifs distincts composent ces trois familles, eux-mêmes pouvant se décliner en plusieurs techniques. En 2009, Romain Anger et Laetitia Fontaine réunissent ces techniques sous forme d'une roue des modes constructifs les plus représentés, sur base de la roue présentée par Hugo Houben et Hubert Guillaud dans Traité de la construction en terre1. Ainsi, les ingénieurs distinguent le bloc de terre comprimée, le pisé, la bauge, l'adobe et le torchis. Pour simplifier l'étude, le travail développera essentiellement ces modes de construction.
Dans le cadre du programme WHEAP, l’inventaire des constructions en terre mis à jour en 2012 identifiait 150 biens utilisant la terre dans la liste du patrimoine mondial, ce qui correspondait à 20% des biens culturels et mixtes répertoriés lors de cette année.
Ces différentes techniques sont partiellement liées à l’état hydrique de la matière première. On distingue cinq états : sec, humide, plastique, visqueux et liquide.
Matériau abondant et facilement accessible, la terre de construction présente l’avantage de s'adapter à une grande diversité de techniques constructives, permettant dès lors une pléthore d’usages. Au Niger, la terre à bâtir est utilisée pour faire du « Banco ». Au Burundi, on désigne la latérite servant à l’adobe et au torchis « ivu ». Au Maroc, on emploie la terre graveleuse pour faire la « leuh » et en Belgique, l’ancienne génération parle de cette « Leem » utilisée dans la fabrication du torchis.
Teneur en eau •
Etat sec : 0 < 5%
•
Etat humide : 5 < 20%
•
Etat plastique : 15 < 30%
•
Etat visqueux : 15 < 35%
•
Etat liquide : > 35%
Ces modes de construction vernaculaires résultent de la meilleure adaptation de la ressource, des savoirs et des savoir-faire locaux pour proposer des réponses architecturales, constructives et techniques adaptées aux contraintes du lieu et de surcroît, aux hommes qui les habitent. Dans cette logique de diversité, ce premier chapitre propose un aperçu général des architectures de terre. L’étude première réalisée par le laboratoire CRAterre distingue trois grandes familles [figure 1] : les maçonneries, les structures
1 HOUBEN H., GUILLAUD H., Traité de la construction en terre, éd. Parenthèses, Marseille,1989, 360 p.
12
Une approche prospective du pisé
Figure 2 : Roue des techniques ©HOUBEN H., GUILLAUD H. Traité de la construction en terre, éd. Parenthèse, 2009, p. 26.
13
Une approche prospective du pisé 2.1.1
Les maçonneries
La maçonnerie est l'art de bâtir une construction par l'assemblage de matériaux élémentaires, liés par un mortier.2 Les maçonneries existent sous deux formes en Belgique : les briques d'adobe et les blocs de terre comprimée. Dès lors, l'étude se limite à ces deux modes de construction. Bien que le principe, la forme et la mise en oeuvre de ces derniers soient similaires, les modes de fabrication diffèrent au point que les blocs de terre comprimée s'assimilent davantage à la technique du pisé. Les maçonneries permettent une grande rapidité d'exécution ainsi qu'une grande liberté formelle puisqu'il est possible de réaliser des arcs, des voûtes ou encore des coupoles. 2.1.1.1 Les adobes Adobe est le nom communément admis pour évoquer les briques de terre crue séchées au soleil. Les briques d'adobe sont le résultat du moulage d'une terre sabloargileuse. Cette qualité de terre est nécessaire pour éviter les fissurations liées au retrait lors du séchage.
Figure 3 : Mise en œuvre de l’adobe sur base d’un dessin de MISSE A. 2 VITTONE R., Bâtir : Manuel de la construction, éd. Presses polytechniques et universitaires romandes, Lausanne, 2010, p. 224.
14
Mise en œuvre : La technique ancestrale de préformage de la brique d'adobe correspondait à un façonnage manuel de la terre sous forme de masse argileuse. De nombreuses évolutions amènent la brique d'adobe conique à devenir une brique de forme parallélépipédique moulée dans un cadre ouvert, métallique ou en bois. Une fois ce cadre rempli, la terre sera légèrement damée puis séchée pour augmenter sa résistance mécanique. Une industrialisation partielle de ce procédé permet aujourd'hui une production plus efficace.
Une approche prospective du pisé
Figure 4 : Ville de Shibam, Yémen © Editions Gelbart
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Une approche prospective du pisé
2.1.1.2 Les blocs de terre comprimée Au début du XXe siècle se développent des presses mécanisées qui par la suite seront motorisées. Ce n'est qu'en 1952, sous l'impulsion de l'ingénieur Raul Ramirez, que se développe la petite presse manuelle « CINVA-RAM ». Elle permet au B.T.C de se répandre considérablement dans le domaine de l'architecture. Une mécanisation et une motorisation de ces presses voient le jour au milieu des années 1970 et amènent le développement d'un marché important du bloc de terre comprimée. La forme régulière et les arêtes vives des B.T.C en font un matériau apprécié. La densité de ces blocs améliore notoirement leur résistance à la compression, à l'érosion et à l'action de l'eau.
Le bloc de terre comprimée s'inscrit dans la continuité des briques d'adobe. Il consiste en une adaptation de la technique du pisé à la brique. Ce mode constructif nécessite dès lors une terre humide. Mise en œuvre : Les premiers blocs de terre comprimée étaient réalisés à l'aide d'une dame en bois ou par rabattage d'un couvercle lourd dans un moule rempli de terre. L'apparition du compactage à l'aide d'un pilon au XVIIIe siècle a pour but d'améliorer la qualité et la résistance du bloc. Si cette technique reste utilisée dans certaines régions du monde, elle a néanmoins connu de nombreuses évolutions. C'est également à cette époque que l'architecte François Cointeraux invente la crécise, déclinée en plusieurs types pour s'adapter à l'élément à exécuter.
Figure 5 : Mise en œuvre du B.T.C sur base d’un dessin de MISSE A.
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Figure 6 : Bibliothèque de Muyinga, Burundi © BC architects & studies
Une approche prospective du pisé 2.1.2 Les structures Cette famille comprend l'ensemble des systèmes constructifs faisant intervenir une ossature indépendante pour transférer les charges appliquées à la construction jusqu'au sol. Les assemblages d'éléments porteurs assurent la stabilité des éléments non-porteurs. Dès lors, les propriétés structurelles de la terre sont négligeables puisque seule la structure assure l'indéformabilité de la construction.
appelée clayonnage, est faite d’un lattis composé le plus souvent d'éléments souples en bois entrelacés, cloués ou plus rarement encastrés dans les faces latérales de la structure primaire. Certains exemples belges utilisent cependant un support de vannerie4, de foin torsadé ou de tressage de paille. Ces palissons reposent sur l'ossature primaire et constituent la structure secondaire de l'élément. Le remplissage est constitué d'un mélange de terre argileuse-limoneuse et de fibres végétales ou animales. La terre est hourdée en une ou plusieurs couches sur l'ossature secondaire à l'état plastique. On distingue deux types de mélanges principaux : le torchis lourd, présentant une dominante de terre, et le torchis léger, où la proportion de paille est plus importante que la proportion de terre. Le premier offre une meilleure inertie thermique et un meilleur déphasage thermique, tandis que le second, moins dense, possède une meilleure capacité isolante.
2.1.2.1 Le torchis La terre en construction est très présente sur le territoire belge jusqu’au XIXe siècle, particulièrement à travers cette technique dont l'application en milieu rural comporte de nombreux témoins. Le mot torchis signifie étymologiquement « tordre », ou « torche3 » et désigne à la fois la technique et le remplissage. Mise en œuvre : Ce mode constructif emploie une structure portante réalisée le plus souvent en bois, de type colombage ou poteaux-poutres. L'âme du complexe,
Figure 7 : Mise en œuvre du torchis sur base d’un dessin de MISSE A. 3 Fibres nouées en torsade et destinées à allumer les fagots de
4 Fabrication d'objets tressés avec de fines tiges ou des fibres
bois
végétales (bambou, jonc, rafia, rotin)
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19
Figure 8 : Maison unifamiliale de Bokrijk, Belgique Š Coekellberghs N.
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2.1.3 Les monolithes Cette catégorie désigne toute mise en œuvre en terre qui présente un aspect homogène. Contrairement aux structures, les monolithes remplissent généralement un rôle structurel et sont mis en œuvre dans des épaisseurs importantes de l'ordre de 30 à 80 cm. Traditionnellement, le rapport entre la hauteur et la largeur des murs est légèrement supérieur à 10. Un mur de 50 cm permet de monter jusqu'à 7 m de hauteur5.
En Europe, la terre sableuse, dite « demi-grasse », offre la meilleure composition pour cette mise en œuvre. Celle-ci est dans la plupart des cas associée à des fibres végétales pour augmenter sa résistance en traction et supporter les efforts de flexion. Cet apport prévient les fissurations liées au retrait de l'argile. Ces fibres contribuent à améliorer sensiblement les qualités isothermiques du mur, moins dense. Souvent, les constructions sont faites d'un unique étage pour améliorer le temps de séchage des parois épaisses (45 > 80 cm). La bauge présente l'avantage d'une mise en œuvre rapide, avec un outillage rudimentaire. Elle s'adapte très bien à l'accrochage d'enduit qui participe à la longévité du mur.
2.1.3.1 La bauge La technique de la bauge consiste à façonner directement une terre plastique sans utiliser de coffrage ou de moule. Mise en œuvre : La construction s'élève par assises successives et la hauteur de celles-ci décroit au fur et à mesure de l'empilement. Le soubassement massif est généralement fait de pierres ou de briques et isolé de l'humidité. En Afrique noire, au Sahel et dans les régions équatoriales, la composition de la terre à bauge présente une dominance de sable argileux dépourvu de graviers. Cependant, ce sont « Les régions latéritiques qui fournissent les terres les plus durables6 ». Le recours aux stabilisants ou aux améliorants de la matière (paille) est exceptionnel.
En Belgique, « La bauge s'observe surtout dans le Hainaut et l'ouest du Brabant. Les régions de Braine-Le-Comte (au Nord-Ouest), de Roisin et de Meaurain possèdent quelques très beaux bâtiments élevés en bauge. Scaubecq (Soignies), rue Lombiaux : grange datant peut-être de la fin du XVIIIe siècle7 ». Les autochtones empilaient à la fourche des mottes de terre et les retravaillaient ensuite à la pelle.
Figure 9 : mise en œuvre de la bauge sur base d’un dessin de MISSE A.
5 DOAT P., HAYS A., HOUBEN H., MATUK S. VITOUX F., Construire en terre, Ed. Alternative Parallèles, Coll. Architecture, Grenoble, 1979, p. 25 6 DOAT P., HAYS A., HOUBEN H., MATUK S. VITOUX F., Construire en terre, Ed. Alternative Parallèles, Coll. Architecture, Grenoble, 1979, p. 94
et et et et
7 COLLECTIF, Architecture rurale de Wallonie : Lorraine belge, Ed. Pierre Mardaga éditeur, Liège, 1983, p. 264
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Une approche prospective du pisé
Figure 10 : Mosquée de Djenné, Mali © Mairet G.
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Une approche prospective du pisé 2.1.3.2 Le pisé La technique du pisé consiste à construire des « murs massifs en compactant de la terre humide et pulvérulente dans des coffrages8 ». La terre est compactée manuellement dans des coffrages en bois ou en métal à l'aide d'une dame manuelle ou pneumatique par couches successives. Le pisé est singulier dans le fait qu'il s'agit du seul mode constructif en terre mettant en œuvre des terres contenant des cailloux et des graviers.
Figure 11 : Mise en œuvre du pisé sur base d’un dessin de MISSE A. 8 ANGER R., FONTAINE L., Bâtir en terre : Du grain de sable à l'architecture,éd. Belin, Paris, 2009, p. 28
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Une approche prospective du pisé
« Le pisé est un procédé d'après lequel on construit les maisons avec de la terre, sans la soutenir par aucune pièce de bois, et sans la mélanger ni de paille ni de bourre. Il consiste à battre, lit par lit, entre des planches, à l'épaisseur ordinaire des murs de moellons, de la terre préparée à cet effet. Ainsi battue, elle se lie, prend de la consistance, et forme une masse homogène qui peut être élevée aux hauteurs nécessaires pour une habitation.9 » 9 COINTERAUX F., les cahiers de l'Ecole d'Architecture Rurale, Paris, 1790
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Une approche prospective du pisé pisé (BOULARD C.-F., 1786) apportera a postériori plus de lisibilité aux écrits de Goiffon.
3 GENERALITE SUR LE PISE 3.1 Histoire du pisé
L'internationalisation de la technique sera le fait de l'architecte-entrepreneur François Cointeraux (1740-1830). En prônant un habitat économique, il propage ce mode de construction à travers plus de septante-deux fascicules traduit dans sept langues, qui assureront sa diffusion tant en Europe qu'aux Etats-Unis, ou encore en Australie. L'architecte lyonnais Jean-Baptiste Rondelet produira un texte de sept pages illustré sur le sujet qui sera également publié.
Alors que les premières constructions en terre remontent à plus de 11 000 ans, les origines du pisé date de l'époque préromaine. Cependant, peu d'exemples en font encore état aujourd'hui, les vestiges de fondations d'Italica ou Ampurias étant des exemples isolés. Des traces existent également en Asie, où certaines parties de la Grande Muraille de Chine ont été érigées en terre damée entre 221 et 581 a.C.n. par l'empereur Qin Shi Huangdi, considéré comme l'unificateur de la Chine. C'est notamment le cas près de Jiayuguan, dans la province de Gansu10. Les plus anciennes traces de ces constructions sont néanmoins à resituer à Carthage en Tunisie où certains vestiges datent de 814 a.C.n.
Suite à la Seconde Guerre mondiale et à la nécessité d'une reconstruction massive, le pisé sera à nouveau oublié. La redécouverte de la terre sera initiée par l'Allemagne qui va développer des centres de formation spécifique au matériau, suite à une grande pénurie dans le secteur industriel.
A partir du VIIe siècle, avec l'expansion de l'Islam, le pisé s'exporte en Europe11, Le mode constructif s'étend autour du bassin méditerranéen et dans le Maghreb.
3.2 Le pisé dans le monde La technique du pisé offre encore aujourd’hui des exemples remarquables d’architecture en terre à travers le monde. De nombreux sites usant de techniques vernaculaires sont classés au patrimoine mondial de l’UNESCO. Les réalisations ci-après témoignent de la diversité des architectures de pisé et de leur durée dans le temps. L’ensemble des descriptions présentées ci-après se base sur l’ouvrage L’inventaire des constructions en terre dans le monde12.
Au Moyen-Age, le pisé s'essouffle dans nos régions avec l’avènement de la construction à pan-de-bois et de torchis, plus adapté aux ressources locales. Cette technique ne sera redécouverte qu'au XVIIIe siècle à travers les écrits de Georges-Claude Goiffon, publié par l'abbé Rozier dans Observations sur la Physique, sur l’Histoire Naturelle & sur les Arts (ROZIER F., 1777) et dans son propre ouvrage l'Art du maçon piseur (GOIFFON J.-C., 1772). Ce premier ouvrage souffrira néanmoins de son manque de clarté. Le texte de l'architecte et agriculteur C.-F. Boulard, Pisai ou 10 ANGER R., FONTAINE L., Bâtir en terre : Du grain de sable à l'architecture,éd. Belin, Paris, 2009, p. 11 11 ANGER R., FONTAINE L., Bâtir en terre : Du grain de sable à l'architecture,éd. Belin, Paris, 2009, p. 31
12 GANDREAU D., DELBOY L., L’inventaire des constructions en terre dans le monde, WHEAP Programme du patrimoine mondial pour l’architecture de terre, CRAterreEAG, Grenoble, 2012
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Une approche prospective du pisé La Grande Muraille de Chine illustre l’usage ancestral du pisé en Asie. Ces fortifications militaires de 6700 kilomètres ont été construites entre le Ve siècle a.C.n et le XIVe selon les matériaux disponibles sur le site. A partir du IIIe siècle a.C.n, de nombreuses portions de la Grande Muraille sont réalisées selon la technique du pisé. L’exemple de la Grande Muraille de l’état du Zhao en Mongolie intérieure, érigée entre 306 et 300 a.C.n, en témoigne. Aujourd’hui, ce tronçon s’étend encore sur plus de 500 kilomètres.
Figure 12 : Portion de la Grande Muraille, Chine © Gwydion W.
Construit par le cinquième Dalaï-lama au XVIIe siècle, le palais du Potala, situé à Lhassa dans la région autonome du Tibet, culmine à 3700 m d’altitude. Composé de treize niveaux, l’édifice est ceint de murs monolithiques fait de pierre ou de pisé, à l’instar des tourelles périphériques.
Figure 13 : Palais du Potala, Lahssa © Baud J.-M.
Edifiés entre le XIIe et le XXe siècle, les Tulous de Fujian sont des résidences communautaires dont la capacité peut atteindre 800 personnes. Ces ensembles collectifs reposent sur une base carrée ou circulaire pouvant atteindre 70 m de diamètre. Ceux-ci s’expriment à l’extérieur par une architecture massive en pisé peu percée qui contraste avec l’espace intérieur. Ces épaisses parois défensives offrent un certain confort thermique aux Hakkas en hiver. Dans l’enceinte, le domaine privé s’articule autour d’un espace central collectif.
Figure 14 Tulous des Hakkas, Fujian © Cloquet B.
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Une approche prospective du pisé Le Ksar d’Aït-Ben-Haddou, au sud du Maroc, témoigne des modes de construction présahariens. Ses premières constructions datent du XVIIe siècle et mettent en œuvre la terre locale sous forme de pisé ou d’adobe. L’ensemble du Ksar est ceint d’une muraille en pisé. Des tours de garde prennent place aux angles. A l’intérieur, maisons modestes et châteaux urbains se côtoient. L’ensemble du groupement comporte en son sein une mosquée, un grenier commun, un espace public et d’autres espaces collectifs.
Figure 15 : Ksar, AïtBen-Haddou © Millett V.
La civilisation des Ashantis au Ghana connaît son apogée au XVIIIe siècle. Les bâtiments traditionnels, comprenant dix temples et sanctuaires fétichistes13, s'organisent, à l’instar des habitations, autour de cours intérieures. Leur architecture est faite de pisé, de bois et de bambous et les toitures sont à l’origine couvertes de chaume. Les murs en terre, majoritairement enduits, sont le plus souvent ornés de bas-reliefs aux motifs variés: spirales, arabesques, représentations figuratives et végétales combinés à l'art Adinkra.
Figure 16 : Bâtiments traditionnels ashanti, Koumassi © Moriset S.
La ville de Coro au Vénézuela, fondée en 1527, offre plusieurs exemples d’architecture de terre. La majorité de ses édifices sont faits d’adobe et de pisé. Ces bâtiments proposent une synthèse entre l’architecture vernaculaire et les techniques architecturales mudéjares espagnoles et néerlandaises14.
Figure 17 : Ville de Coro © Geldhof D. 13 UNESCO, UNESCO World Heritage, whc.unesco. org/fr/list/35/, [en ligne], consulté le 27 janvier 2015 14 UNESCO, UNESCO World Heritage, whc.unesco. org/fr/list/658, [en ligne], consulté le 27 janvier 2015
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Une approche prospective du pisé L’Alhambra trouve son origine dans la langue arabe, où « al-hamra » signifie « la rouge », et s’explique en partie par la couleur des terres locales. Les remparts et les tours de garde de la l’Alhambra, située sur la colline de la Sabika à Grenade dans le sud-est de l’Espagne, offre un exemple de l’architecture en pisé du XVe siècle héritée de la première architecture islamique. A l’instar d’autres bâtiments prestigieux situés par-delà les remparts, le palais de Charles Quint participe au faste de l’architecture andalouse.
Figure 18 : Alhambra, Generalife et Albaicin, Grenade © Schinz P.
Les manoirs de la Rhône-Alpes des XVIIIe et XIXe siècles illustrent une architecture locale en pisé, empreinte de régionalisme. L’agglomération lyonnaise présente une large proportion bâtie en pisé depuis les origines de son urbanisation au XVIe siècle. De nombreuses réalisations de l’époque subsistent encore aujourd’hui, d’après Anne-Sophie Clémençon et Dominique Bertin15. Figure 19 : Château Bourgeois, Rhône-Alpes © CRAterreENSAG
Deux tiers du patrimoine rural dans le Dauphiné présentent une architecture en pisé. Dans Le Nord-Isère, les habitations usant de cette technique sont majoritaires. Elles constituent en effet 90% de l’habitat traditionnel rural. La plupart de ces édifices ont été érigés entre le XVIIIe siècle et le début du XXe siècle. Encore aujourd’hui, les témoignages de l’époque sont d’une grande diversité : fermes, industries de textiles, maisons bourgeoises, écoles, etc.
Figure 20 : Habitation, Nord Isère © Alex D.
15 CLEMENÇON A.-S., BERTIN D., article Lyon : Pisé urbain, dans Pignon sur rue, n°30, Lyon, mai 1981, p 18.
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Une approche prospective du pisé ou de briques appareillées à l'aide d'un mortier de chaux. Une coupure imperméable à l'eau empêchait les remontées capillaires. L'outil ainsi que les banches dans lesquelles étaient damés le pisé devaient être légers et facilement manipulables, car l'artisan piseur se déplaçait de village en village. Ces banches étaient faites de quelques planches de bois, renforcées par des chevrons et maintenues entre elles par des clés. Ces renforts étaient indispensables pour résister à la poussée horizontale de la terre pendant le damage. La méthode du Bugey évitait de recourir aux clés de banches, ce qui éludait les trous qu’occasionnaient ces dernières dans la paroi. Souvent, les artisans intervenaient a posteriori sur les points faibles du mur, c'est-à-dire les reprises de banches, afin de les renforcer. Ces liaisons devenaient systématiques en France à partir du XVIIIe.
3.3 Le pisé traditionnel Les techniques de construction en pisé traditionnel diffèrent selon les régions du monde. S'il existe bon nombre de variantes, seul les exemples vernaculaires français peuvent être décrits avec précision. Les cahiers de l'Ecole d'Architecture Rurale (COINTERAUX F., 1790) ou plus récemment la parution de Construire en terre (DOAT P. et al., 1979) offrent un aperçu précis des techniques traditionnelles de l'hexagone. On admet aujourd'hui que la mise en œuvre de la méthode lyonnaise et de la méthode du Bugey ont servi de base à la redécouverte du pisé. Les écrits de Cointeraux, illustrés de seize planches16, témoignent de son expérience de constructeur et fondent les bases de la théorie pratique du pisé. Les assertions ci-dessous sur la mise en œuvre traditionnelle du pisé sont produites sur base de ces deux ouvrages et se réfèrent aux méthodes énoncées cidessus.
Historiquement, la réalisation de ces murs se faisaient à l'automne ou au printemps, lorsque le taux d'humidité de la terre était naturellement adapté à ce type de construction et que les risques liés au gel étaient moins présents. En effet, même si la composition de la terre est influente, la raison principale du choix de ces périodes pour la construction en pisé était avant tout préventif par rapport aux gelées17.
Mise en œuvre La technique du pisé traditionnel consiste à compacter à la main une terre doté d'une granulométrie très hétérogène, allant du caillou aux particules fines d'argile, avec une composition idéale faite de 0 à 20 % de gravier, de 40 à 50% de sable, de 20 à 35% de limon et de 15 à 25% d'argile. La terre naturellement bonne à pisé est constituée de dépôts alluviales ou glaciaires.
Aujourd'hui, lorsque le pisé est fabriqué sur site, cette logique persiste.
Initialement, le compactage se faisait à l'aide d'une dame en bois ou en métal, appelée fouloir ou pisoir. Le pisé était monté sur un soubassement lourd d'environ 50 cm de haut, fait de pierres
17 Le temps de séchage pour un mur pisé de 40 cm en Belgique est de 2 à 4 mois. Si la terre pisé est encore relativement humide, le gel peut détruire sa structure interne et donc mettre en péril sa stabilité.
16 NEGRE V., La théorie pratique du pisé, Technique & Culture, n°41, Les éditions de la Maison des sciences de l’Homme, Charenton-le-Pont, 2003, p.52
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Une approche prospective du pisé 3.3.1 Les pathologies du pisé
d'une charge ponctuelle appliquée qui n'est pas répartie sur le mur.
Le CRAterre, à travers le document Rénover et construire en pisé (MORISETS., MISSE A., 2011) distingue huit pathologies principales dans le bâti en pisé :
Pour anticiper les problèmes inhérents du matériau, l’homme a développé plusieurs mécanismes au fil du temps. 3.3.2
L’érosion directe : érosion lente du mur, liée aux intempéries. Dans un premier temps, les particules les plus fines sont emportées. Ensuite, les sables ralentissent considérablement l'effet abrasif de l'eau.
« De bonnes bottes et un bon chapeau »
« All cob wants is a good hat and a good pair of shoes » (Devon Saying) Comme en témoigne l’analyse des pathologies du pisé, la terre est un matériau sensible à l'eau. Il est donc impératif de concevoir une architecture adaptée.
La ravine : elle correspond à une érosion linéaire conduisant à une perte de matière. C'est une incision créée accidentellement par un ruissellement concentré de l'eau.
Traditionnellement, l'adage consacré par les maîtres-piseurs, cité aujourd'hui par les acteurs du domaine de la terre, voulaient que les constructions en pisé se munissent de « bonnes bottes » et se dotent d'un « bon chapeau ». Id est que le soubassement doit être traité avec une coupure imperméabilisée pour éviter les remontées capillaires, et que la tête de mur soit couverte par d'imposants débords évitant tout risque d'érosion.
Le sillon destructeur : forme d'érosion survenant au pied du mur à l'endroit où il y a évaporation des remontées capillaires. Si la porosité de la paroi est importante, le gel peut accélérer l'érosion. Le nitrate de potassium ou salpêtre : il influence négativement la structure interne de la terre et participe dès lors à la formation de sillons destructeurs.
Mettre en œuvre de larges complexes de toiture et des soubassements nécessite plus de matière. Certaines régions ne peuvent se le permettre pour des raisons économiques ou de disponibilités. La mosquée de Djenné au Mali, construite en bauge, illustre un dispositif constructif ingénieux pour résoudre les problèmes d'érosion [figure 21].
Le décollement des enduits. Le « coup de sabre » : les coups de sabre sont souvent dus à une mauvaise mise en œuvre ou à un tassement différentiel lié à des problèmes d'humidité dans le sol18. Le flambement : la poussée latérale du complexe de toiture sur les murs pisés, suite à une surcharge par exemple, entrainera presqu'inévitablement une fissuration verticale de la paroi. Les fissurations dues au cisaillement : cette fissuration a lieu sous la contrainte
Figure 21 : Bonnes bottes et bon chapeau © Misse A.
18 MORISET S., MISSE A., Rénover et construire en pisé, Parc naturel régional du Livradois-Forez, juillet 2011, p.13
29
Une approche prospective du pisé Aujourd’hui, l’architecture contemporaine est caractérisée par une volonté de repousser sans cesse les limites constructives des matériaux, davantage pour des considérations esthétiques.
3.4.1
La stabilisation de la terre
Dans les pays industrialisés, la stabilisation est courante pour les constructions neuves en pisé. Le terme stabilisation fait ici référence à l'usage populaire du terme, se référant à la stabilisation physico-chimique. Le plus souvent, cette stabilisation est faite au ciment ou à la chaux. La compréhension des avantages et des inconvénients de cette méthode est essentielle pour adopter la stratégie adéquate. Dans sa recherche sur La stabilité des structures en pisé (BUI Q.-B., 2008), Bui Quoc-Bao en identifie plusieurs, à l’instar du CRAterre.
3.4 Le pisé contemporain La redécouverte de la terre crue comme matériau de construction est liée au premier choc pétrolier en 1973 et à la prise de conscience du caractère épuisable des ressources naturelles. La technique du pisé réapparait dans les années 1970-1980 et bénéficie d'une série d'adaptations liée à l'apport de la technologie. La réalisation des murs peut avoir lieu sur site ou en atelier. La terre, reformulée ou non, est mélangée dans des malaxeurs ou godet-malaxeurs. Ensuite, elle est compactée dans des banches, plus larges que leurs prédécesseurs, à l'aide d'un fouloir pneumatique alimenté en air comprimé par un compresseur. Cet héritage de l'industrie dame à une fréquence d'impact de 700 coups/minute, ce qui influence considérablement la nature des coffrages. Cet équipement puissant requiert des banches solides, très souvent métalliques, pour pouvoir résister aux poussées latérales lors du compactage. Ceuxci sont très divers et permettent une plus grande efficacité, comme le coffrage grimpant qui permet de progresser verticalement. Les clés de banches sont abandonnées au profit de tiges filetées ou de fers à béton. Il est rare d'utiliser un matériel spécifique à la technique : le matériel utilisé est souvent issu de l'industrie du béton. Une fois décoffré, la terre banchée arbore un aspect plus lisse qu'autrefois. L'apparence de la terre est la conséquence de la pression plus forte exercée par l'engin sur la terre à construire.
Inconvénients de la stabilisation du pisé Avant tout, la stabilisation du pisé influence considérablement le prix de la construction. De plus, le recyclage est difficile, voire impossible. L'avantage lié au caractère recyclable de la terre et par conséquent à sa non-production de déchets est supprimé. La tendance contemporaine de vouloir repousser la limite d'un matériau montre dans le cas de la terre des limites par rapport à l'intérêt écologique qu’elle représente. A fortiori, les résultats d'études scientifiques montrent que le pisé non-stabilisé peut atteindre une durabilité intéressante si l'ouvrage est bien étudié par rapport aux conditions climatiques. Il subsiste de nombreux parcs immobiliers européens construits en pisé non-stabilisé. Intérêts de la stabilisation du pisé La stabilisation du pisé n'est pas toujours nécessaire. Deux raisons majeures entraine la stabilisation : une meilleure résistance à l'action de l'eau et une augmentation de sa résistance en compression. La durabilité du mur en pisé dépend de plusieurs facteurs, le climat étant l'un de
30
Une approche prospective du pisé ceux-ci. Les intempéries et les conditions de gel-dégel dépendent en chaque région du monde, c'est pourquoi les conditions sont importantes à déterminer pour adopter une stabilisation ou non.
En Belgique, la stabilisation permet d'approcher avec plus de facilité des exigences imposées par le contexte normatif inapproprié à ce matériau. L'objectif de cette stabilisation est d'améliorer les caractéristiques de la matière en intervenant sur sa composition.
La résistance à la compression est relative à la descente de charge sur le complexe en pisé. Comme pour tout matériau, il est nécessaire d'évaluer cette descente de charge et la capacité portante du mur pour opter ou non pour la stabilisation. S'il est impossible de construire actuellement en terre banchée des immeubles, il est admis que la technique convient pour des habitations de un à trois niveaux. L’exemple de la Haus in der Hainallee à Weilburg, construite par Wilhelm Jacob Wimpf 19 est considéré comme exceptionnel. En effet, cette résidence de six étages érigée en 1820 (selon KEABLE R., 2005) est la plus haute réalisée à ce jour en Europe. Aucune recherche n’a permis d’identifier si la construction était stabilisée ou non.
La stabilisation poursuit donc trois objectifs : • diminuer la perméabilité́ du matériau ; • limiter au maximum la porosité́ et les variations volumétriques de l'élément en terre, en remplissant les vides interstitiels entre les grains ; • améliorer la résistance à la compression en créant ou en améliorant les liaisons entre les particules20. 3.4.1.1 La stabilisation mécanique La compression de la terre et a fortiori la technique du pisé, participent amplement à stabilisation mécanique. La compression confère à la terre une meilleure ré-
Figure 22: Haus in der Hainallee,Weilburg © Abels O.
Figure 23 : Haus in der Hainallee,Weilburg © Walker P.
19 Wilhelm Jacob Wimpf (1767-1839) était entrepreneur. Il est à ce jour considérer comme le pionnier de la construction en pisé en Allemagne.
20 DOAT P., HAYS A., HOUBEN H., MATUK S. et VITOUX F., Construire en terre, Ed. Alternative et Parallèles, Coll. Architecture, Grenoble, 1979, p. 189
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Une approche prospective du pisé sistance tout en la rendant moins sensible à l'eau, en réduisant ses espaces vides. Il existe deux types de compression : la compression statique et la compression dynamique.
Cet ajout de matière permet de créer un environnement rassurant face au scepticisme des acteurs locaux ou même des maitres d'ouvrages face aux conditions climatiques locales. La minéralogie variable du matériau et la complexité des réactions physiques et chimiques qu'elle entraine nécessite une reconsidération systématique des conclusions liées à la stabilisation. Elles sont donc à considérer avec circonspection car chaque terre nécessite sa propre reformulation, (DOAT P. et al., 1979). La stabilisation physico-chimique présente un intérêt lorsque l'ouvrage est exposé fréquemment aux intempéries.
La compression dynamique permet de fabriquer des éléments de grandes dimensions, ce que ne permet pas la compression statique. Cette première, utilisée pour le pisé, consiste à comprimer la matière par impact ou par vibration. Le compactage par vibration, lorsqu'il est exercé avec une compression constante, améliore la résistance à la compression de l'élément d'environs 14% selon B.R.L ingénierie21.
En Belgique, selon Nicolas Coeckelberghs23, il est préférable d'utiliser une terre stabilisée sur les quelques lignes surplombant les «bottes» de l'édifice en mesure préventive par rapport aux risques d'inondations.
3.4.1.2 La stabilisation par correction granulaire Préalablement au compactage, une étude granulométrique approfondie est réalisée sur la terre utilisée. A l'instar d'un bâtiment, une terre possède une structure. Selon Romain Anger22, la forme et la solidité de celle-ci varient en fonction des grains qui la composent. Dans ce matériau hétérogène, chaque vide représente une faiblesse structurelle. La diversité des granulats est donc essentielle pour construire un squelette granulaire compact et donc une terre plus dense, plus stable. Cette stabilisation relative à l’empilement apollonien sera abordée plus en détail dans le point 4.2. 3.4.1.3 La stabilisation chimique
Stabilisation au ciment La stabilisation par ajout de ciment améliore les caractéristiques mécaniques du mélange. On obtient également un matériau dont la sensibilité hydrique est diminuée. L'amélioration des caractéristiques mécaniques d'une terre avec une prédominance de gravier et de sable sera très importante tandis qu’elles seront plus réduites pour un sol argilolimoneux. L'ajout de ciment présente également la caractéristique de créer des liens irréversibles entre les agrégats de grandes tailles lors du compactage.
physico-
Cette stabilisation n'est pas essentielle à la bonne réalisation d'ouvrages en terre, mais peut cependant améliorer significativement les caractéristiques premières du matériau.
Il est impératif que la terre possède une bonne cohésion naturelle après son décoffrage, id est qu'elle doit comporter au moins 10% d'argile et présenter un squelette sable-gravier favorisant une action efficace du stabilisant, le ciment (DOAT P. et al., 1979). Cette cohésion assure une bonne prise du liant hydraulique.
21 Le groupe B.R.L est un bureau d'études international, composé de 5 départements dont B.R.L ingénierie. 22 ANGER R., FONTAINE L., Bâtir en terre : Du grain de
23 Entretien avec Nicolas Coeckelberghs, architecte, réalisé le 02 novembre 2014
sable à l'architecture,éd. Belin, Paris, 2009, p. 114
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Une approche prospective du pisé La terre organique ou chargée en sulfate, déconseillée pour la mise en œuvre de mur en terre, est proscrite lors d'une stabilisation au ciment. Ces terres retardent significativement la prise du mélange et influence négativement la résistance mécanique. L'apport de ciment à une terre modifie la granularité de l'ensemble, influence la densité sèche et donc le compactage.
La chaux hydratée ou éteinte, est le résultat d'un procédé d'hydratation de la chaux vive. Elle ne présente pas les incommodités de la chaux vive, ce qui en facilite l'usage. Cette chaux est aujourd'hui la plus utilisée dans le procédé de stabilisation. 3.4.2
Les enduits sur pisé
« Si des matériaux stabilisateurs doivent être utilisés, il serait plus économique de les utiliser pour les revêtements imperméable, plutôt que pour toute l'épaisseur du mur » (Faty Hassan, 1970)
Stabilisation à la chaux Selon DOAT P., et al.24, la stabilisation à la chaux est efficace lorsque la terre présente une structure granulaire argileuse. L'incorporation de chaux vive ou éteinte à ce type de terre modifie les liens entre les particules. D’après Romain Anger25, La chaux constitue des ponts entre les particules d'argile pour lui donner une structure floculée. Ces liaisons désorganisent la structure des feuillets et la réaction argile-chaux génère de nouveaux éléments qui cimentent les grains du sol après la prise. Le délai de prise, pour cette stabilisation est de minimum quinze jours, durée lors de laquelle le mur sera protégé des intempéries.
Certaines constructions anciennes en pisé présentent un état de conservation remarquable, sans que la face extérieure ne soit enduite. Dans certaines régions du monde, la pose d'un enduit sur la face externe du produit brut de décoffrage se fait régulièrement. C'est le cas en Europe où le phénomène s'observe souvent en réhabilitation pour des raisons : Esthétiques : l'enduit uniformise l'aspect général de la bâtisse ; De confort thermique : il remplit une fonction isolante ;
Deux grandes catégories de chaux sont employées pour la stabilisation. Les chaux aériennes et les chaux hydratées. Ces dernières présentent des similitudes avec le ciment. Elles sont cependant peu utilisées, l'emploi de ciment ou de chaux aérienne étant préféré.
De durabilité : réduction de la prise au gel et à l'érosion, en comblant notamment les fissures existantes.
Il existe deux types de chaux aériennes, la chaux éteinte et la chaux vive. Cette dernière produisant une grande quantité de chaleur au contact de l’eau, est déconseillée.
24 DOAT P., HAYS A., HOUBEN H., MATUK S. et VITOUX F., Construire en terre, Ed. Alternative et Parallèles, Coll. Architecture, Grenoble, 1979, pp. 210-211 25 ANGER R., Approche granulaire et colloïdale du
Figure 24: Niederrohrdorferstrasse 5, Fislisbach © Hartmann P.
matériau terre pour la construction, Thèse de doctorat en matériaux, sous la direction de Henry Houben, Lyon, École Doctorale Materiaux de Lyon, 20 décembre 2011, p.39
33
Une approche prospective du pisé battante des gouttes de pluie 28 . Selon Bui Quoc-Bao 29 , L'amplitude de cette dernière est influencée par l'intensité des pluies, l'angle des pluies, le débord de toiture et la rugosité du mur.
3.4.3 L’érosion contrôlée : Martin Rauch Martin Rauch est un artisan et artiste né à Schlins en 1958 dans le Vorarlberg autrichien. Passionné par le potentiel expressif de la terre depuis son adolescence, ce n'est qu'à partir de 1990 qu'il applique ses recherches à l'architecture et au design. Il obtient de nombreuses reconnaissances de la part de ses pairs, avec notamment le prix d'honneur du ministère fédéral autrichien de la Science et de la Recherche. En 1999, il fonde l'atelier « Lehm Ton Erde » grâce auquel il devient une figure incontournable dans le domaine de la construction en pisé. Avec cet outil, Martin Rauch mène un travail de recherche et d'expérimentation, tant sur la plastique du matériau que sur l'optimisation de sa mise en œuvre. Depuis 2003, il travaille en synergie avec Anna Herringer26 et l'organisation BASEhabitat27 à l'organisation de workshops sur la construction terre à l'échelle internationale. Depuis 2010, il est Professeur honoraire de la chaire UNESCO architecture de terre. Bien que son approche esthétique de la matière soit remarquable, l'intérêt de l'œuvre de Martin Rauch dans cette étude est avant tout technique.
Figure 25 : Effet d’érosion occasionné par une goutte sous un angle de 90° (énergie cinétique maximale) © Bui Q.-B.
3.4.3.2 L’érosion contrôlée L’érosion de la terre est un phénomène inévitable, comme le souligne Pierre Frey30. L'objectif n'est donc pas de s'en prémunir mais de la rendre acceptable.
3.4.3.1 Le phénomène d’érosion « Il n’y a de nouveau que ce qui a vieilli » (CHAUCER Geoffroy, XIVe siècle)
Figure 26 : Construction en pisé, Lyon © Streiff F. / CRAterre ENSAG
La mécanique de l'érosion est inévitable pour un mur laissé brut de décoffrage. Elle naît de deux phénomènes principaux : l'érosion du fait de l'homme et l'érosion relative à l'énergie cinétique
L'architecture vernaculaire française intégrait dans la conception de ces murs en pisé l'érosion contrôlée. Certaines bâtisses, notamment dans le Dauphiné, 28 HEATHCOTE K. A., An investigation into the erodibility of earth wall units, Doctor of philosophy, sous la direction de Ravi Sri Ravindrarajah, University of Sydney, 2002, p. 4 29 BUI Q.-B., Stabilité des structures en pisé: durabilité, caractéristiques mécaniques, Thèse de doctorat en Génie Civile, sous la direction de Jean-Claude Morel et Stéphane Hans, Institut National des Sciences Appliquées de Lyon, 13 novembre 2008, p. 56 30 FREY P., Learning from Vernacular : pour une nouvelle
26 Architecte allemande diplômée à l'école de Linz en autriche, Anna Herringer est reconnue dans le domaine de l'architecture soutenable contemporaine auto-construite 27 BASEhabitat est un studio de projet qui combine la théorie et la pratique axé sur le développement durable au sein de la Kunstuniversität de Linz
architecture vernaculaire, Ed. Actes Sud, Arles, 2010, p. 66
34
Une approche prospective du pisé étaient construites en « élément » de pisé. Ces éléments correspondaient à la taille réduite des banches traditionnelles. Un cordon de chaux, visible sur les faces du mur, contribuait à liaisonner les segments de terre. La fonction première de ces lignes était donc liée à la stabilité du mur et non au contrôle de l'érosion.
Lors de la conception de sa propre bâtisse, Martin Rauch met au point une approche qui se base sur l'étude des propriétés intrinsèques du mur banché. Par observation, l'artisan et son atelier Lehm Ton Erde constatent qu'en agissant précisément sur la granulométrie du mur, ils peuvent en optimiser la compacité et ainsi augmenter sa durabilité face aux pluies. Une fois lavée de ses particules fines33, la surface exposée à la pluie présente une imbrication de cailloux et de graviers stabilisés entre eux. Afin de garantir la stabilité et la durabilité du mur en terre, Martin Rauch et son équipe du Vorarlberg mettent au point trois systèmes d'assises limitant l'effet abrasif de l'eau :
L'approche de Rauch est novatrice dans le sens où il s'agit d'une interprétation de cette technique qu'il adapte au contrôle de l'érosion naturelle des murs en terre exposés aux intempéries. Ses recherches techniques se concentrent sur la maîtrise de l'action abrasive de l'eau sur la matière. A travers l'exposition « Erosion » qu'il met en scène à Graz, l'artisan témoigne de ses préoccupations quant à l'action de l'eau, de l'air et des cycles gel-dégel qu'il n'hésite pas a confronté au travail de Viollet-le-Duc 31 , comme le rapporte Pierre Frey.
La première technique : mis en oeuvre sur sa propre habitation à Schlins en Autriche entre 2005 et 2008 [figure 26], le procédé consiste à disposer en saillie des bandes de terre cuite équidistantes entre-elles.
Suite à ce constat renforcé par ses observations des reliefs du Vorarlberg et des parois en terre banchée qu'il érige, Martin Rauch entreprend ses premières recherches sur l'érosion contrôlée. A l'instar de Viollet-le-Duc, il postule qu’il convient dans la mesure du possible de protéger les ouvrages du ruissellement des eaux, mais surtout de ralentir ce ruissellement pour maitriser son action abrasive32. Figure 27 : Maison Rauch, Schlins © Lehm Ton Erde
Martin Rauch publie en 2010 sa maison personnelle, réalisée en partenariat avec l'architecte Roger Bolthauser, dans laquelle il met en œuvre pour la première fois ces théories à l'échelle 1/1.
La second procédé : mis en oeuvre à partir de 2011 au cimetière d'Eschen au Liechtenstein [figure 27], il est composé de couches de mortier de chaux qui entrecoupent régulièrement le mur de terre. Contrairement à la première technique, les assises sont à l'origine dans le plan du mur.
31 Ce dernier, à travers son livre Le Massif du Mont-Blanc, propose en 1875 une analogie entre les causes de la dégradation des cathédrales gothiques et les causes de la ruine du Mont-Blanc, qui périclitent par notre faute surtout, et par l’action du temps 32 FREY P., Learning from Vernacular : pour une nouvelle architecture vernaculaire, Ed. Actes Sud, Arles, 2010, p. 67
33 La limite maximale de pénétration de l'humidité est évaluée à 20 cm dans les reformulations utilisées par M.Rauch.
35
Une approche prospective du pisé la face supérieure des lits et donc des infiltrations. Ces réserves ne sont pour l'heure qu'hypothétiques puisque les constructions utilisant cette technique sont récentes. Hugo Gasnier36, met lui en évidence le rôle de la granulométrie utilisée par Martin Rauch, étudiée sur l'exemple vernaculaire français. Le contrôle de l'érosion se ferait en deux étapes. La première ferait intervenir les lits de chaux, de briques ou de ciment, destiné à ralentir la vitesse et donc l'effet abrasif de l'eau. La seconde serait jouée par les granulats plus importants, une fois les particules d'argiles lavées.
Figure 28 : Cimetière d’Eschen, Eschen © Klomfar Architektur Fotografie
Le troisième : expérimenté dans le projet Ricola, il voit l'apparition de deux couches minces séparées de 60 cm faites de chaux aérienne et de Trass34.
Assises en terre cuite
Planches en bois pour assurer le maintien des briques durant le compactage
Erosion des fines
Figure 29 : Maison des Plantes Ricola, Laufen © Lehm Ton Erde
Assises en terre cuite Granulats consolidés
Réserve : Le travail réalisé par Johanna Fernandez et Oscar Urio 35 , l’érosion contrôlée, critique du principe met en évidence un risque majeur lié aux systèmes développés par Martin Rauch. En effet, en s’érodant, le mur pourrait laisser apparaitre des assises saillantes qui favoriseraient la stagnation de l'eau sur
Infiltration
34Trass : Tuf volcanique entrant dans la préparation des mortiers hydrauliques. Dans le trass et la pouzzolane, la silice est dans un état particulier qui permet son union à la chaux (Bourde, Trav. publ., 1928, p. 153) source : Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, ORTOLANG- Outils et Ressource pour un traitement optimisé de la langue, http://www.cnrtl.fr/definition/trass [en ligne], consulté le 19 janvier 2015 35 FERNANDEZ J., URIO O., L’érosion contrôlée, critique
Figure 30 : Hypothèse des limites de l’érosion contrôlée Sur base du rapport de Fernandez J. et Urio O.
du principe, travail de recherche réalisé sous la direction de Pierre Frey et Milo Hofmann, Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, Lausanne, 2013, 15 p.
36 Entretien avec Hugo Gasnier, architecte et coresponsable de la partie Dessin Chantier au CRAterre, 16 octobre 2014
36
Une approche prospective du pisé 3.4.4 La préfabrication Conscient que l'avenir du pisé passe par la rationalisation, Martin Rauch adapte la technique aux exigences économiques et à la contrainte de productivité imposée par la société actuelle : La standardisation favorise un transfert de compétences qui va bénéficier à d'autres entreprises, et ouvrir des perspectives pour cette technique dans l'industrie du bâtiment37.
Figure 31 : Compactage en atelier © Lüthi D.
L'artisan met au point avec l'atelier Lehm Ton Erde la préfabrication en atelier d'éléments lourds en terre banchée. Pour la maison des plantes de Ricola d'Herzog et de Meuron, l'atelier a préfabriqué 670 éléments de 3,6m x 1,3m. Selon l’article de Dominique Gauzin-Müller, les 3000 m2 de façade auront été assemblés en 90 jours. Il s'agit du plus grand bâtiment contemporain en pisé à ce jour en Europe.
Figure 32 : Transport Maison des Plantes Ricola © Lüthi D.
Pour l'école d'agriculture de Mezzana en Suisse, les éléments préfabriqués dépassent 4m de long, mais la manutention est délicate. Aujourd'hui, la mise en œuvre de ces murs trumeaux modulables se fait dans un coffrage de 20 m sans tige transversale, par un robot qui y verse la terre mélangée par couche successive aux hauteurs souhaitées. Ensuite, un premier passage est effectué à l'aide d'un rouleau compresseur destiné spécifiquement à cet usage. La compression est achevée par un pisoir relié à un bras automatisé. Tout ce travail se réalise dans la halle de Lehm Ton Erde dans la région autrichienne du Vorarlberg, ce qui garantit une constance dans la qualité des murs, protégés des intempéries.
Figure 33 : Assemblage des éléments Maison des Plantes Ricola © Lüthi D.
Une fois assemblé sur site, la plasticité de la terre permet des retouches pour gommer les joints et donner l'apparence d'un mur monolithique. Cette rationalisation de la construction en terre ouvre la voie à des réalisations de plus grandes ampleurs. Martin Rauch intègre également à cette préfabrication des considérations techniques en développant un système de
37 Propos de Martin Rauch, source : GAUZINMÜLLER D., Pisé préfabriqué – maison des plantes de Ricola en Suisse, Ecologik (EK), n°43, février-mars 2015
37
Une approche prospective du pisé murs hypocaustes qui utilise les capacités thermiques et massiques de la terre, tant pour rafraîchir que pour chauffer un espace. Dans le bâtiment conçu pour Gugler print & media en partenariat avec Herbert Ablinger, les 160 éléments préfabriqués de 170 x 130 x 40 cm sont couplés avec un système de puits canadien [Figure 36]. Des réservations sont ménagées dans chaque élément pour permettre une circulation de l’air. Ce projet en ossature bois présente de larges surfaces vitrées. L'emploi de la terre confère une bonne inertie thermique à l'ensemble.
Intégration des sorties d'air
Intégration des sorties d'air
Figure 34 : Sorties d’air © Lüthi D.
Ce système d’exploitation low-tech du potentiel thermique du matériau permet une stabilité du confort thermique intérieur sans recourir à un système de chauffage ou de ventilation mécanique conventionnel. Aujourd’hui, la mise en œuvre de murs trumeaux ne concerne que des parois non-porteuses. Cependant, l'atelier travaille actuellement à la réalisation d'un projet d'immeuble en terre de dix étages 38 en partenariat avec l'ingénieur suisse Jürg Conzett.
Figure 35 : Montage des éléments © Lüthi D.
Figure 36 : Coupe est-ouest du bâtiment Gugler © Chabanne J.
38 Frey, Pierre. Learning from Vernacular : pour une nouvelle architecture vernaculaire, Arles : Actes Sud, 2010, p.70
38
Une approche prospective du pisé du
Mise en oeuvre contemporaine
L'histoire de la construction en pisé témoigne de l'évolution d'un système constructif séculaire vers une mise en œuvre contemporaine adaptée aux exigences et aux besoins actuels. Les premières constructions en pisé étaient composées de volumes simples. Les murs étaient continus et percés avec parcimonie de baies aux dimensions réduites, répondant aux courtes portées des linteaux. L'espace était enclavé dans une enveloppe monolithique en terre. Ce cloisonnement des espaces habités favorisait le confort thermique des usagers.
Mise en oeuvre traditionnelle
Les adaptations contemporaines, comme l’explique Sébastien Moriset et Arnaud Misse 39 , se libèrent du cloisonnement qu'impose la technique pour s'ouvrir davantage sur son contexte : Les espaces deviennent plus lumineux. Que le pisé soit préfabriqué ou mis en œuvre sur site, deux systèmes constructifs sont privilégiés aujourd’hui : les trumeaux auto-stables en forme de L, de T ou de X et les trumeaux porteurs. L'enveloppe en pisé n'est plus continue et se détache de la contrainte des linteaux. Enfin, l'usage de systèmes mixtes structurels est de plus en plus fréquent aujourd'hui pour optimiser les caractéristiques de chaque matériau.
Mise en oeuvre contemporaine
constructive
Mise en oeuvre traditionnelle
3.4.5 L’évolution pisé
Figure 37 : Evolution constructive d’après Misse A.
Mise en oeuvre traditionnelle
Mise en oeuvre contemporaine
Mise en oeuvre traditionnelle
Mise en oeuvre contemporaine
Figure 38 : Evolution constructive d’après Misse A.
39 MORISET S., MISSE A., Rénover et construire en pisé, Parc naturel régional du Livradois-Forez, juillet 2011, pp. 6-7
39
Une approche prospective du pisĂŠ
40
Une approche prospective du pisé tions très variables, Coekelberghs41.
4 APPROCHE SCIENTIFIQUE DU PISE
selon
Nicolas
Pour pouvoir évaluer si la terre d'un site convient à la mise en œuvre du pisé, quatre propriétés fondamentales doivent être connues : la granularité, la cohésion, la plasticité et la compressibilité.
En 2002, la question du projet TERRA, va favoriser l’essor d’une nouvelle approche relative à l’étude de la cohésion du matériau terre. Suite à ce projet, les recherches des ingénieurs du CRAterre Romain Anger et Laetitia Fontaine vont permettre d'utiliser un grand nombre de terre pour fabriquer du pisé.
4.2.1
La granularité de la terre
4.2.1.1 La structure du sol
4.1 Le matériau terre
Selon Mohammed Annabi42, la structure du sol représente la combinaison et l’arrangement des particules élémentaires du sol, c’est-à-dire les fractions minérales et organiques, en unités secondaires de diverses formes et tailles appelées agrégats. Les sols sont composés de cinq types de granulats qu'il est possible de répartir en deux familles : les granulats stables en présence d'eau et les granulats instables. La technique du pisé présente la particularité d'utiliser l'ensemble des agrégats composant les sols, contrairement aux autres techniques de construction en terre crue. L'analyse de ces composants permet d'obtenir des informations sur l'aptitude de la terre à être pisée, sur ses affinités avec les stabilisants chimiques et sur son comportement en présence d'eau.
Le sol est le support de la vie terrestre. Il résulte de la transformation de la couche superficielle de la roche mère, la croûte terrestre, dégradée chimiquement, mécaniquement et enrichie en apports organiques par les processus vivants40. La terre qui le compose est donc une matière hétérogène issue de la pédogenèse. Les agents climatiques, comme le vent ou la pluie, provoque la désagrégation de la roche mère en particules. La nature de la terre dépend de la nature de cette roche et des conditions climatiques, ainsi que de la faune et de la flore. Il existe donc une grande diversité de terre. La partie meuble et appauvrie en matière organique, la roche mère plus ou moins altérée convient à la construction en terre.
4.2 Evaluer la terre à pisé Les propriétés de la terre vont dépendre de la nature du mélange entre les différents types d’agrégats. Selon la quantité́ de cailloux, de sable, de silts, d'argile, de matière organique, d’eau et de gaz, les propriétés de la terre seront différentes. Même distantes de quelques mètres, les terres peuvent présenter des composi-
Figure 39 : Terre à bâtir 41 Entretien avec Nicolas Coeckelberghs, architecte, réalisé le 02 novembre 2014 42 ANNABI M., Stabilisation de la structure d’un sol
40 JEFFERY S., GARDI S., JONES A., MONTANARELLA
limoneux par des apports de composts d’origine urbaine : relation avec les caractéristiques de leur matière organique, Thèse de doctorat ingénieur agronome, sous la direction de Luc Bresson, Institut National Agronomique Paris-Grignon, Paris, 2005, p. 16
L., MARMO L., MIKO L., RITZ K., PERES G., RÖMBKE K., VAN DER PUTTEN W-H., Atlas européen de la biodiversité du sol, Commission européenne, Bureau des publications de l’Union européenne, Luxembourg, 2010
41
9
ÉRIAU DE TERRE
Figure 40 : Terre extraite de la Meuse par BC architects & studies
de reconnaitre la terre à
42
p.35.
Fig 1.25: Terre tout venant extraite de la Meuse en Belgique séparée par BC studies 43 GUILLAUD H. Et HOUBEN H., Traité de la constructien 9 tailles de grains on en terre, éd. Parenthèses, Marseille, actualisé en 2006,
Leur granulométrie est comprise entre 2 µm et 60 µm. A l'état sec, les limons,
Les limons [silts]
Constitués de grains minéraux dont la grosseur est approximativement comprise entre 60 µm et 2 mm, leur composition est majoritairement faite de quartz et de silice. Les sables de plage comporte également des fragments de coquillages43. Ils sont un constituant stable du sol. A l'état sec, les sables ne présentent pas de cohésion mais de fortes frictions internes. Lorsque le sable est humidifié, l'eau occupant les vides interstitiels entre les grains lui donne une cohésion apparente. Leur âge influence également leur géométrie.
Les sables
Les graviers sont constitués de morceaux de roche relativement dure provenant de la roche mère dont la grosseur est comprise entre 2 et 20 mm. Il s'agit d'un constituant stable du sol. Les propriétés mécaniques des graviers ne subissent aucune modification sensible en présence de l'eau. A l'instar des cailloux, ils se présentent selon diverses géométries relatives à leur âge.
Les graviers
Produits de la dégradation de la roche mère, les cailloux présentent une granulométrie oscillant entre 20 et 200 mm. Leur géométrie varie en fonction de leur âge, passant d'une forme anguleuse à une forme plus ronde.
Les cailloux
4.2.1.2 Les granulats stables en présence d’eau
Une approche prospective du pisé
Une approche prospective du pisé également appelés silts, ne possèdent aucune cohésion. Leur résistance aux frottements relatifs aux déplacements des particules qui les composent (frictions internes) est plus faible que celle des sables. Avec adjonction d'eau, les limons présentent une bonne cohésion et de sensibles variations de volume en fonction du pourcentage d'humidité pour un même volume de matière. Les limons diffèrent des sables par leur granuloméFig 1.26: kaolinite trie mais leur caractère perméable les (minéral argileux) vue en microscopie rend fort sensible au gel.
permet de déplacer ces feuillets46. C'est ce déplacement face contre face qui confère à l'argile sa grande plasticité. Elle joue le rôle de liant entre les autres composants du sol, tout comme le ciment est le liant du béton47.
ces particu identiques à seule différen -
électronique à balayage. Image Nicole Liewig, IPHC, CNRS, Strasbourg
4.2.1.3 Les granulats instables en présence d’eau
Figure 41 : Kaolinite vue en balayage microscopique © Liewig N. / IPHC, CNRS Strasbourg
Les colloïdes Ils constituent la partie la plus fine des sols et sont inférieurs à 2 µm. Les principaux colloïdes composant la terre sont les argiles. Leur composition ne présente pas les mêmes caractéristiques que les autres granulats puisqu'elles proviennent de l'altération chimique des minéraux silicatés44. Elles se distinguent par leurs petites tailles et leurs faciès lamellaires qui les soumets à des forces capillaires beaucoup plus importantes que les autres grains, plus gros et arrondis45. Les argiles font partie de la famille des phyllosilicates. Ces molécules argiFig 1.27: Comme leuses, appelées micelles, se par composent exemple ce modèle d’empilement de minéraux microscopiques formant apollinien permettant de concevoir des bétons une structure cristalline. Ces feuillets ultra résistants. présentent un agencement et une taille variables en fonction du type d'argile. Par ajout d'eau, ces feuillets argileux dont la surface est beaucoup plus étendue que celle des grains, se comportent différemment en fonction du type d'argile qui les compose. Certains offrent une cohésion très importante à la matière. Seul un mouvement horizontal
Figure 42 : Cohésion des grains
44 Les silicates sont des sels dérivés de la silice. Il s'agit des principaux constituants de la croûte terrestre (97%) et se divisent en plusieurs familles. 1.28: Passerelle 45 ANGER R., FONTAINE L., Grains deFigbâtisseurs, éd. CRAterre-ENSAG, Villefontaine, 2005. p. 103. de 69m de long,
sable à l'architecture,éd. Belin, Paris, 2009, p. 114.
qui est le résultat de mélange de grains de 7 tailles différentes, calibrées afin de combler les vides de l’ordre de 2% par rapport à 10% pour un béton
43
Ces particul par leur cons propriétés p les argiles di par la form allongées et Chimiqueme formés au lessivage des minéraux roc
Comme dans graviers vont granulaire, c servir à solid qui serait dam fissures. L’a le rôle de l Portland dan cohésion des
46 Le feuillet est un édifice de moins d'un nanomètre d'épaisseur, composé de trois ou quatres plans d'anions,...entre lesquels s'insèrent de petits cation, principalement de silicium, d'aluminium et de magnésium source : VAN DAMME H., La terre, un béton d'argile, Dans Pour la science, n°423, janvier 2013, p.52. 47 ANGER R., FONTAINE L., Bâtir en terre : Du grain de
de Ricciotti, un pont
Argil
Pour obtenir il nous faut granularité d cours d’une et par chapitre 5.3 pourra obse granulométri
Pour obtenir des grains, matériau pl travailler, co béton, avec d tailles afin de
Une approche prospective du pisé 4.2.1.4 L’empilement apollonien Comme présenté ci-avant, la terre est composée de granulats de différentes tailles, allant du caillou aux particules colloïdales (ANGER R., 2011). En effet, la terre est une matière granulaire et cohésive. Celle-ci est composée d'un mélange de grains aux variations infinies. Structurellement, un vide représente toujours une zone faible. Plus le squelette granulométrique de la terre est varié, plus le mur en pisé une fois compacté formera un béton résistant. Il le sera d'autant plus que sa porosité sera réduite. Ce principe de base est à l'origine des recherches sur les bétons haute résistance. La solution mathématique idéale qui permet de remplir au mieux un espace avec des boules est l'empilement apollonien, dans lequel chaque interstice entre quatre sphères est rempli par une sphère tangente à ces 4 sphères, et où le principe est reproduit à l'infini dans le but d'atteindre la compacité ultime48.
Figure 44 : Empilement apollonien ©Mathcurve
L'expérience réalisée par Romain Anger et Laetitia Fontaine illustrée ci-contre permet de démontrer de façon ludique qu'un mélange possédant différentes tailles de grains présentent une plus grande densité qu'un mélange de grains identiques. Figure 43 : Remplir les vides © Anger R. Fontaine L.
48 ANGER R., FONTAINE L., Grains de bâtisseurs, éd. CRAterre-ENSAG, Villefontaine, 2005. p. 12.
44
Une approche prospective du pisé D’une part, la forme des grains influence sensiblement la texture du pisé, ce qui n'apparait pas dans la courbe granulométrique. D’autre part, les granulats de forme sphérique ont un angle de repos moins important que les granulats anguleux. Plus le frottement est élevé, plus il améliore la solidité du mélange. Les grains anguleux, par leur géométrie, formeront des voûtes plus stables qui influenceront la compaction, comme Romain Anger l’explique dans sa recherche49. C'est pourquoi dans le cas du pisé, il est préférable d'utiliser des agrégats ronds, plus simples à comprimer que les agrégats concassés.
4.2.1.5 La courbe granulométrique La transposition de l’empilement apollonien [figure 44] à la réalité scientifique correspond aux courbes granulométriques qui sont appréciées par analyse granulométrique, par tamisage et par sédimentométrie. Elles définissent le pourcentage idéal pour chaque composant afin d’optimiser l’empilement. La courbe ci-après, réalisée par le CRAterre, découle de l’analyse d’un grand nombre de terre à piser. Si chaque terre est différente, ce spectre granulométrique offre une première appréciation du résultat à atteindre. Fig 1.31: Spectre idéal du pisé selon le traité de la construction en terre. Hubert Guillaud et Hugo Houben, éditions Parenthèses, 1989.
GRAIN-SIZE DISTRIBUTION SIEVING STONES
GRAVEL
SEDIMENTATION FINE SAND
COARSE SAND
SILTS
CLAYS
LE PISÉ UN MATÉRIAU DE TERRE
32
0
100
10
90
20
80
30
70
40
60
50
50
60
40
70
30
80
20
90
10
100
5,0
100
20
10
2,0
2
1,0
0,4
0,08
0,2
1
0,1
55
40
25
0,02
17
10
0,01
7
5
0
3
1,5 microns
0,002
0,001
Sieve Diameter (mm)
Figure 45 : Spectre granulométrique © CRAterre-ENSA
49 ANGER R., Approche granulaire et colloïdale du matériau terre pour la construction, Thèse de doctorat en matériaux, sous la direction de Henry Houben, Lyon, École Doctorale Materiaux de Lyon, 20 décembre 2011, p. 68
45
Une approche prospective du pisé l'échelle du nanomètre, même lorsque le mur est sec en apparence.
4.2.1.6 La reformulation de la terre Lorsque la terre locale n'est pas idéale, une correction granulaire peut-être apportée afin d'en améliorer ses caractéristiques. Il s'agit d'une stabilisation physique appelée « reformulation ». Lorsque la matière disponible est trop plastique, une reformulation par ajout de sable permet de l'améliorer. A contrario, une terre non ou peu plastique sera corrigée par un apport de fines.
Figure 46 : Pont argileux entre deux grains de sable © CRAterre-ENSAG
4.2.2 La cohésion de la terre
Si la majorité des argiles prennent la forme de plaquettes, il existe néanmoins de nombreuses familles aux propriétés diverses, comme l’expliquent Laetitia Fontaine et Romain Anger dans l’ouvrage Bâtir en terre. Toutes sont constituées de feuillets. Cependant, la différence réside dans leurs assemblages. Ces assemblages se répercutent sur la structure de l’ensemble, et correspondent à l’échelle du constructeur, aux différents états de la matière.
La cohésion correspond à l'aptitude des granulats à rester associé lorsque le matériau est soumis à une certaine traction. Cette cohésion dépend avant tout de la composition chimique, de l'épaisseur des feuillets et de l'écartement interfoliaire des particules inférieures à 2 mm. Observées à l'échelle microscopique, elles nuancent le principe établi jusque-là qui veut que l'argile soit le liant. La cohésion de la matière est déterminée par la synergie entre deux éléments, l'eau et l'argile.
A cet effet, on peut distinguer de façon non-exhaustive le groupe à deux couches de feuillets et les structures à trois couches.
Cependant, c'est l'eau qui agit véritablement comme liant dans le cas de la terre. Les ponts capillaires assurent le lien entre les plaquettes argileuses qui forment elles-mêmes des ponts argileux entre les grains de plus grandes tailles par une force de succion. Il est donc important de disposer d'une bonne quantité d'argile, ce qui permet par ailleurs de se passer de ciment. La thèse de Romain Anger50 se consacre à ce sujet.
La première famille, qui intègre la kaolinite [figure 47], présente un empilement de feuillets rigide. La pénétration de l’eau s’y fait difficilement de sorte que l’on observe une absence de gonflement. A l’échelle du bâtisseur, cela se traduit par un degré faible de retrait. Ce groupe d’argile possède également la particularité d’absorber moins de vapeur d’eau que la famille à trois couches de feuillets.
De même, la quantité d'eau variera selon la qualité de l'argile, entre 8 et 12 %. Dans le pisé, cette eau est toujours présente 51 , comme l'illustre ce schéma à 50 ANGER R., Approche granulaire et colloïdale du matériau terre pour la construction, Thèse de doctorat en matériaux, sous la direction de Henry Houben, Lyon, École Doctorale Materiaux de Lyon, 20 décembre 2011 51 Même lorsque le mur est qualifié de sec, il est toujours
Gasnier. Source : Entretien avec Hugo Gasnier, architecte et co-responsable de la partie Dessin Chantier au CRAterre, 16 octobre 2014
chargé d’environs 2 à 3% d’eau, comme l’explique Hugo
46
Une approche prospective du pisé vérifier s’il est de type gonflant ou non pour prendre des mesures face aux éventuelles fissurations ou déformations52.
ses familles s différentes es de feuillets s’assemblent ils forment ctures qui à respondent à ière.
4.2.3
La plasticité de la terre
La plasticité correspond à la capacité de la terre à subir des déformations sans que des fissures n'apparaissent. Elle est directement liée à l'état plastique de la matière, comme cela est présenté dans le chapitre relatif aux modes de construction. La limite de plasticité [Lp] peut être déterminée par la mesure des limites d'Atterberg.
est celui qui es de feuillets e. Ces argiles de manière s plaquettes, ent de sorte onfle pas et ait plus faible ches. D’autre particularité eur d’eau que
Les principaux facteurs qui déterminent cette limite sont le type de terre et le type d'argile. Dans le cas du pisé, ce test présente peu d'importance, car la terre mise en œuvre doit être hydratée jusqu'à l'état humide, comme le présentait la roue des modes constructifs.
Figure 47 : Kaolinite © Ozel H.
, dont l’Illite de structure on de l’eau. e d’absorber eut donc faire ement ce qui séchage. morillonite et t une surface 2 /g.
4.2.4
La compressibilité qualifie l'aptitude d'une terre à réduire au maximum sa porosité en fonction d'une énergie de compression et d'une teneur hydrique donnée, la T.E.O53. Il existe donc une relation intrinsèque entre la densité et la porosité. Plus le matériau est comprimé, moins il y a de vides, et donc de porosité. La quantité d'eau qui pénètre dans le volume compressé est amoindrie.
Figure 48 : Illite © Delbos,E.
précisément erre contient, ience d’un
Les argiles à trois couches, dont l’illite et la montmorillonite font parties, possèdent une structure propice à la pénétration des molécules d’eau. A l’inverse de la kaolinite par exemple, la rétention d’eau de ces argiles est grande. Le gonflement rapide du réseau augmente les risques de fissuration au séchage.
spensable de e d’argile que n veut utiliser t cependant celui-ci est n de protéger d’éventuelles ons. Ceci peut ar de simples apitre 5.3.1)
Cette compaction n'est efficace que lorsque le taux d'humidité permet une bonne lubrification des granulats, qui peuvent s'organiser pour être les plus compactes possible. Plus simplement, une quantité d'eau trop faible dans le mélange empêchera la terre d'atteindre sa densité maximale. Une teneur en eau trop importante entrainera souvent le gonflement de la terre et amortira la pression exercée par le fouloir. La teneur en eau
Lors de la réalisation d’un projet, il est cependant difficile de définir le type d’argile en présence. Il n’est pas indispensable de connaître avec exactitude le type d’argile contenu dans la terre à mettre en œuvre. Il importe plutôt de
52 Entretien avec Nicolas Coeckelberghs, architecte, réalisé le 2 novembre 2014 53 teneur en eau optimale
LE PISÉ UN MATÉRIAU DE TERRE 34
La compressibilité de la terre
47
Une approche prospective du pisé de la terre est un paramètre essentiel pour obtenir une meilleure compacité et donc, un meilleur compactage.
Lorsque la teneur en eau est suffisante, les minéraux d'argile forment des structures parallèles, plus denses et plus ordonnées, grâce aux forces électriques. Il en résulte une plus grande force de cohésion et une meilleure résistance à la compression 56 . Dans la pratique, les poussées verticales de l'engin lors du compactage sont déviées latéralement. Ces poussées horizontales sont importantes et impliquent le recours à des coffrages solides. Ce phénomène dû aux chaines de force s'explique par l'effet de voûte engendré par le contact de frottement entre les grains du pisé (ANGER R., 2009). La lisibilité des strates [figure 50] dans un mur en pisé trouve son explication dans cette théorie : Les couches inférieures sont toujours moins bien compactées que les couches supérieures. Plus la couche sera épaisse, plus elle sera compliquée à damée. En règle générale, ces épaisseurs sont de 20 cm57, pour atteindre une fois damée une épaisseur de 12-13 cm.
L'essai Proctor est fondamental car il détermine le comportement de la terre pour une certaine teneur en eau. L'essai Proctor consiste à compacter dans un moule normalisé, avec une énergie normalisée (dame de masse normalisée tombant d'une hauteur constante), un échantillon du matériau à différentes valeurs de teneur en eau pour en déduire la teneur en eau optimale et la densité sèche maximum correspondante. 54 Les résultats sont ensuite traduits graphiquement et définissent la courbe Proctor.
Figure 49 : Relation entre la densité sèche et la teneur en eau de fabrication © Bui Q.-B.
Le schéma ci-dessus permet de comprendre que la densité sèche du pisé dépend en même temps de l énergie de compactage et de la teneur en eau de fabrication. La complexité est que la T.E.O de fabrication du pisé n est pas une valeur fixe mais dépend aussi de l énergie de compactage [ ] plus l énergie de compactage augmente, plus la teneur en eau diminue55.
Figure 50 : lisibilité des couches compactées © Bui Q.-B.
54 X., L'essai Proctor, S.T.S. Bâtiment, Laboratoire, CESSA, TP n°14, p.1 55 BUI Q.-B., Stabilité des structures en pisé: durabilité, caractéristiques mécaniques, Thèse de doctorat en Génie Civile, sous la direction de Jean-Claude Morel et Stéphane Hans, Institut National des Sciences Appliquées de Lyon, 13 novembre 2008, p. 89.
56 MINKE G., Building with earth : design and technoloy of a sustainable architecture, éd. Birkhäuser, Bâle, 2006, p.44 57 Lorsque le compactage se fait à l’aide d’un fouloir pneumatique
48
Une approche prospective du pisé
4.3 Les propriétés du pisé
4.3.2
Limites de la recherche
Le retrait hydraulique
Le retrait de séchage dépend de la quantité et du type d'argile. Ce retrait oscille dans le cas du pisé entre 0 et 0,5 %.
Le pisé est difficile à normaliser, tant les paramètres influençant ses propriétés sont nombreux. La spécificité de chaque pisé dépend de granularité de la terre, de la nature de l’argile et des stabilisants, ainsi que de la mise en œuvre comprenant l'énergie de compactage et la T.E.O. Les valeurs ci-dessous sont indicatives58 , mais permettent de calculer le pisé dans la conception de projet.
4.3.3
La résistance à la compression
La résistance à la compression définit l'effort maximal admissible d'un matériau par une sollicitation de compression. Elle est déterminée par le quotient de la compression maximale admissible par la section de sortie de l'essai du matériau61. La résistance mécanique du pisé se situe entre 1 et 6 N/mm2. Un béton de qualité normale C30/37 couramment utilisé en construction à une résistance mécanique à la compression de 30 N/mm2.
Cette partie de l'étude propose de comparer le pisé avec le béton59, élément de la même unité fonctionnelle, pour en évaluer ses performances. 4.3.1 La masse volumique [ρ]
4.3.4
La masse volumique ou densité brute est la masse d'un matériau de construction brute rapportée à son volume, avec ses pores et ses interstices60. En fonction du type de terre et du compactage exercée, la masse volumique du pisé se situe entre 1800 kg/m3 et 2400 kg/m3. Cette densité est proche de celles du béton normal (2000 kg/m3) et du béton normal armé (2400 kg/m3).
Le module d’élasticité [E]
Le module d'élasticité E ou module de Young est un paramètre qui décrit la relation entre la tension et la déformation lors d'une sollicitation mécanique d'un corps solide. Il se définit comme l'accroissement du comportement de dilatation/traction dans le champ de l'élasticité. Un matériau avec un module E élevé est rigide, un matériau avec un module E faible est mou62. Le module d'élasticité de la terre se situe entre 450 et 3000 N/mm2 en fonction des paramètres évoqués dans les limites. Le module E d'un béton C30/37 employé couramment en construction est de 32 000 N/mm2. La terre pisé est sensiblement plus élastique que le béton normal.
58 Ouvrage de référence : RÖHLEN U., ZIEGERT C., Construire en terre crue, Construction-Rénovation-Finitions, éd. Le Moniteur, hors collection, mai 2013, 332 p. et MINKE G., Building with earth : design and technoloy of a sustainable architecture, éd. Birkhäuser, Bâle, 2006, 208 p. 59 Les chiffres pour les performances hygrothermiques des bétons proviennent du tableau des performances hygrothermique des matériaux de construction d'Architecture & Climat. Source : Energie Wallonie, Elaboration d'un outil d'aide à la conception de maisons à très basse consommation d'énergie, http://energie.wallonie.be/servlet/Repository/ecobilan_de_par ois_annexes[1].pdf?ID=16879, [en ligne], consulté le 4 octobre 2014. 60 HEGGER AUCH-SCHWELK V., FUCHS M., ROSENKRANZ T., Construire : Atlas des matériaux, éd. Presses Polytechniques et Universitaires Romandes, traduction française par Albert Dubler et Yves Minssart, Darmstadt, 2009, p. 264
4.3.5
La classe des matériaux
L'inflammabilité d'un matériau joue un rôle essentiel dans la naissance et la propagation du feu. La norme européenne 61 Id. 62 Id.
49
Une approche prospective du pisé NBN EN 13501-1 classe les matériaux en fonction de leur comportement face au feu, elle distingue sept classes principales. Cette norme se base sur trois niveaux d'attaque thermique et cinq méthodes d'essai. Elle distingue les matériaux incombustibles et les matériaux à combustion lente sous la classe A1 et A2. Les matériaux de la classe A1 doivent être complètement incombustibles dans leur composition, tandis que les matériaux de la classe A2 peuvent contenir dans un moindre pourcentage des éléments de composition combustible. Les classes B, C, D et E étalonnent les produits combustibles, et la classe F correspond aux produits non classés ou ayant échoués à l'essai à plus grande tolérance. Le pisé, le béton et le béton armé sont classé A1 et sont de surcroit complètement ininflammables.
tionnaire ayant la même résistance à la diffusion de vapeur64. Un matériau présente une bonne diffusion lorsque la valeur µ est inférieure à 10. La terre présente une valeur 5/10 µ d'après le BAM Fédéral Institute for Materials Research and Testing, ce qui correspond aux valeurs données également par le CRAterre et par Construire, Atlas des matériaux (HEGGER AUSCHSCHWELK V., et al., 2009), ce qui lui confère une bonne diffusion de la vapeur d'eau. A contrario, le béton maigre à un µ sec de 100 et un µ humide de 60. Le béton normal armé à un µ sec de 130 et un µ humide de 80. 4.3.7
La chaleur spécifique [C]
La chaleur spécifique, ou capacité thermique massique est une grandeur intensive déterminée par la quantité d'énergie à apporter par échange thermique pour élever d'un kelvin la température de l'unité de masse d'une substance 65 . La capacité thermique massique du matériau terre à l'état sec est de 836 J/kgK66, pour le béton maigre et le béton normal armé, le C est de 1000 J/kgK.
4.3.6 Le coefficient d'imperméabilité à la vapeur [µ] La mesure de l'étanchéité à la vapeur d'un matériau de construction est le coefficient d'imperméabilité à la vapeur. Il constitue une valeur de comparaison qui indique que le facteur de multiplication de la résistance à la diffusion de vapeur d'un produit par rapport à une lame d'air de même épaisseur. La résistance à la diffusion de la vapeur de nombreux matériaux de construction varie en fonction des changements de température et d’humidité63. Plus la valeur µ est petite, plus le matériau est ouvert au passage de la vapeur. On évalue la résistance à la diffusion de vapeur d’eau d’une couche, par le produit de son épaisseur (d) et du coefficient µ du matériau qui la compose. La valeur obtenue est notée µd (ou Sd) et s’exprime en mètre. Elle correspond à l’épaisseur (en m) d’une lame d’air sta-
4.3.8
La capacité thermique [ρC]
La capacité thermique quantifie la capacité d'absorption ou de restitution d'énergie d'un matériau par échange thermique. Cette grandeur correspond à la quantité d'énergie qu'il faut apporter à 1m³ de matière pour augmenter sa température d'une unité de température. Plus la C est élevée, plus la quantité 64 Energie Wallonie, Elaboration d'un outil d'aide à la conception de maisons à très basse consommation d'énergie, http://energie.wallonie.be/servlet/Repository/ecobilan_de_par ois_annexes[1].pdf?ID=16879, [en ligne], consulté le 4 octobre 2014. 65 KITTEL C., Physique de l’état solide, éd. Dunod, Paris, 1998 66 Ce résultat est une moyenne de la capacité thermique massique effectué à partir des dix terres présentée par le CSTB français. source : LAURENT J-P, Propriétés thermiques du matériau terre, dans les Cahier du CSTB, n°2156, Paris, mai 1987
63 HEGGER AUCH-SCHWELK V., FUCHS M., ROSENKRANZ T., Construire : Atlas des matériaux, éd. Presses Polytechniques et Universitaire Romandes, traduction française par Albert Dubler et Yves Minssart, Darmstadt, 2009, p. 265
50
Une approche prospective du pisé thermique une valeur de 1390 J/m²Ks1/2 pour le pisé et une valeur de 1816,6 J/m²Ks1/2 pour le béton plein. Celle du béton armé standard tend vers 2449,5 J/m²Ks1/2.
d’énergie nécessaire pour élever sa température est importante. De ce fait, plus la ρC est élevée, plus les variations de température des parois par rapport à l’air seront faibles. La capacité thermique du pisé se situe entre 1504 kJ/m3K et 2006 kJ/m3K67, celle du béton maigre est de l'ordre de 2000 kJ/m3K. Pour le béton normal armé, celle-ci est admise à 2400 kJ/m3K
4.3.11 Le déphasage thermique [φ] Le déphasage thermique exprime la capacité d'un matériau à ralentir les transferts de chaleur. Ce déphasage thermique est associé à l'inertie thermique. Plus le déphasage thermique d'un matériau sera important, plus sa capacité à lisser et à différer les écarts de température sera grande. En été par exemple, il limite les surchauffes en restituant la fraicheur accumulée la nuit tout au long de la journée. Le déphasage dépend de l'épaisseur de la paroi.
4.3.9 La diffusivité thermique [d] La diffusivité thermique est la vitesse à laquelle la température d'un matériau évolue en fonction des sollicitations thermiques extérieures. Elle s'exprime en m²/s. Plus la valeur de diffusivité est faible, plus le flux de chaleur prendra du temps à traverser l'épaisseur du matériau. Ce rapport de temps correspond au moment où le front de chaleur entre en contact avec la face A du mur et le moment où il atteint la face B de ce mur. Cette valeur est de 6,28.10-7 m²/s pour le pisé 68 , de 8,25.10-7 m²/s pour le béton maigre et de 1,04.10-6 m²/s pour le béton normal armé.
Il évalue la vitesse de l'onde de chaleur traversant le matériau. Plus la diffusivité est faible, plus la vitesse de l'onde de chaleur qui traverse le corps est faible. Pour un mur de 40 cm, on admet que le déphasage thermique du pisé est de 12,343 h. Celui du béton plein est de 12,731 h, d’après le logiciel de calcul du cd2e70.
4.3.10 L’effusivité thermique [Ef] L’effusivité thermique d’un matériau est associée à la quantité de chaleur que celui-ci est capable d’emmagasiner lorsqu’il est soumis à une source de chaleur pendant un certain temps. Plus l’effusivité thermique est élevée, plus la quantité́ de chaleur (énergie) absorbée par le matériau en un certain temps est grande. L’effusivité est également liée à la température de contact : un matériau ayant une effusivité faible sera « chaud » au toucher69. On admet pour l'effusivité
4.3.12 La résistance thermique [R] La résistance thermique exprime la capacité d'un matériau à freiner le passage d'un flux de conduction qui le traverse. Cet échange d'énergie thermique se réalise toujours du corps le plus chaud vers le corps le plus froid et est caractérisé par le rapport entre l'épaisseur du matériau et sa conductivité thermique. R augmente en fonction de la densité du matériau. Plus R est élevé, plus la capacité isolante de la paroi est grande.
67 Cette valeur est de 1700-2200 kJ/m3K dans la source : HEGGER AUCH-SCHWELK V., FUCHS M., ROSENKRANZ T., Construire : Atlas des matériaux, Ed. Presses Polytechniques et Universitaire Romandes, traduction française par Albert Dubler et Yves Minssart, 2009, p. 265 68 Valeur moyenne: λ=1,1 W/mK et pC= 1750 kJ/m3K
parois_annexes[1].pdf?ID=16879, [en ligne], consulté le 4 octobre 2014. 70 CD2E, Outil de calcul automatique de déphasage thermique,http://www.cd2e.com/eco_materiaux/outil_dephasage, [en ligne], consulté le 4 octobre 2014
69 Energie Wallonie, Elaboration d'un outil d'aide à la conception de maisons à très basse consommation d'énergie, http://energie.wallonie.be/servlet/Repository/ecobilan_de_
51
Une approche prospective du pisé On admet communément que les murs en pisé soient d'une épaisseur minimale de 40 cm pour faciliter le compactage. Cette valeur repère est utilisée pour calculer le R = a/b, ou « a » est l'épaisseur du matériau exprimé en mètre, et « b » le lambda λ. La résistance thermique du pisé se situe entre 0,28 m2K/W et 0,49 m2K/W. Celle du béton maigre est de 0,24 m2K/W et celle du béton armé est de 0,16 m2K/W. Ces matériaux ont une faible résistance thermique.
52
Une approche prospective du pisé
Propriété
Unité
Pisé
Masse volumique [ρ]
kg/m3
1800 < 2400
Retrait hydraulique
%
0 < 0,5
Résistance mécanique à la compression
N/mm2
1<6
Module d'élasticité [E]
N/mm2
450 < 3000
Classe des matériaux
NBN EN 13501-1
A1
Coefficient d'imperméabilité à la vapeur [µ]
µ
5 < 10
Coefficient de conductivité thermique [λ]
W/mK
0,82 < 1,4
Capacité thermique massique [C]
J/kgK
836
Capacité thermique [ρC]
kJ/m3K
1504 < 2006
Diffusivité thermique [d]
m²/s
6,28.10
Effusivité thermique [Ef]
J/m²Ks1/2
1390
Déphasage thermique [φ] 40 cm
h
12,343
Résistance thermique [R] 40 cm
m2K/W
0,28 < 0,49
-7
Figure 51 : Tableau récapitulatif des propriétés du pisé
53
Une approche prospective du pisĂŠ
54
Une approche prospective du pisé Cet aperçu général met en évidence le fait que la terre en Belgique n'est pas naturellement idéale pour la fabrication du pisé.
5 LE PISE EN BELGIQUE 5.1 La construction vernaculaire en terre crue
La nature de la roche mère en Belgique peut-être divisée en trois groupes71 pour simplifier l'étude :
Cependant, les recherches sur la correction granulaire contribuent aujourd’hui à construire en pisé à peu près partout, comme l’explique Hugo Gasnier72.
Les sols sur matériaux tourbeux
5.1.1.1 La terre à bâtir
Le premier groupe est caractérisé par une couche superficielle d'environ 40 cm, composée de minimum 30% de matière organique, difficile à utiliser dans le cas du pisé.
Selon Nicolas Coeckelberghs 73 , la « Leem » est le terme populaire pour désigner, tant au Pays-Bas qu'au Nord de la Belgique, le sol dont la qualité est reconnue en construction pour la fabrication de murs en torchis ou de briques de terre cuite.
5.1.1 Approche pédologique
Les sols sur sédiments meubles à teneur en éléments grossiers < 5%
Cette terminologie désigne une classe texturale composée d'environ 20 à 52% de sable, de 28 à 52% de limon et de 7 à 27% d'argile. Selon le granulat dominant, la Leem sera qualifiée de sablonneuse, limoneuse ou argileuse. La porosité de cette terre avoisine les 19%.
La deuxième catégorie de sol occupe une grande partie de la Belgique. On y distingue les sédiments d'origine nivéoéolienne et les sédiments d'origine alluviale. Dans le premier groupe sédimentaire, on retrouve les sols sableux, sableux-limoneux, limonosableux légers, limono-sableux et limoneux. Les sédiments d'origine alluviale regroupent quant à eux les matériaux sableux, sablo-limoneux, limono-sableux, argileux et argileux lourds. Les sols sur sédiments meubles à teneur en éléments grossiers > 5% Enfin, la troisième famille se répartit entre les sols limoneux, sablo-limoneux, sablo-limoneux légers, argileux et dans une moindre mesure des terres graveleuses. Leur teneur en agrégats de plus de 2 mm est supérieure à 5% .
Figure 52 : Leem de la briqueterie Nelissen © BC architects & studies 44
71 Les assertions produite proviennent de: MARECHAL R., TAVERNIER R., Pédologie: Atlas de Belgique, commentaire des planches 11 A et 11 B de la carte des associations de sols, éd. Commission de l’Atlas National, Gand, 1974, pp. 47.
72 Entretien avec Hugo Gasnier, architecte et co-responsable de la partie Dessin Chantier au CRAterre, 16 octobre 2014 73 Entretien avec Nicolas Coeckelberghs, architecte, réalisé le 02 novembre 2014
55
Une approche prospective du pisé servable. La terre crue est uniformément répartie sur l'ossature en bois. L'armature, construite en bois souple, s'apparente à un treillage d'éléments de faible diamètre. Dans ce système, la terre et l'armature en bois travaillent en compression et stabilisent l'ensemble.
5.1.2 Les techniques de construction vernaculaire en Belgique Le patrimoine architectural belge en terre crue s'articule principalement autour de la ruralité. Selon les régions, il s'agira tantôt de l'agriculture, tantôt de l'élevage, se diversifiant en intégrant des professions comme tailleurs de pierre, meuniers, ferronniers. L'habitat rural en terre se caractérise essentiellement par le remplissage d'une structure bois, et l'espace intérieur distingue le plus souvent trois espaces correspondant à trois fonctions : le stockage-entreposage, le lieu réservé au bétail, l'habitation.
5.1.3
L’histoire du pisé en Belgique
L'architecture vernaculaire en Belgique semble globalement ignorer le pisé. Selon la série d’ouvrages Le patrimoine monumental de la Belgique parue aux éditions Soledi et Mardaga, il existe néanmoins des exemples historiques, comme à Halle-Boeienhoven où la Dormaalstraat et la Dorpsstraat qui présentent de nombreux restes de constructions utilisant cette technique. Cette dernière abrite encore plusieurs vestiges plus ou moins considérables d'édifices en pisé74. La Grote Steenweg à Tirlemont offre également quelques témoins d'annexes, ainsi que des fragments d'édifices ou de murs. Quelques constructions sont également observables dans le Limbourg, notamment à Saint-Trond.
Au VIe siècle a.C.n, la civilisation rubanée quitte l'Asie mineure à la recherche de terres fertilisables qu'elle trouve en Europe. La concentration de ce peuple, appelé Omaliens en Belgique, est essentiellement à situer en province hesbignonne, où l'ensemble des conditions était idéal pour s'établir. L'habitat de cette tribu se compose déjà d'une structure primaire en bois, d'un clayonnage et d'un remplissage en torchis. La terre, extraite sur le site, laissait apparaitre des fossés où s'accumulaient les déchets. Au Moyen-Age, le torchis est à son apogée dans le monde rural. Ce mode constructif s'est surtout développé en Ardenne. Une architecture vernaculaire au graphisme souligné est observable de Couvin jusqu'au plateau des Fagnes, où la terre laisse la charpente s'exprimer. De nombreux témoignages médiévaux subsistent dans les villages de Noiseux, La Gleize, Stoumont, de Grande et Petite Enneille, de Deux-Rys ou Heyd notamment. Le plateau de Rocroi offre les premiers exemples de systèmes mixtes, où le torchis est dissimulé derrière un bardage de bois. Dans le nord du Hainaut, dans le nord-est brabançon et en Flandre, une variante consistant à recouvrir l'ensemble de la façade de terre et à dissimuler la structure primaire est ob-
Figure 53 : Grange en pisé fin XVIIIe, Scaubecq © BAVAY G. et al., Pays de Soignies et de Nivelles, coll. Architecture rurale de Wallonie,éd. Pierre Mardaga, Liège, 1992, p. 128
74 COLLECTIF, Le Patrimoine Monumental de la Belgique : Vol 01, Province de Brabant, Arrondissement de Louvain, éd. Pierre Mardaga, Liège, 1984, p.123.
56
Une approche prospective du pisé Des témoignages de cette architecture sont également observables sur le territoire wallon. Dans le Hainaut, quelques exemples de mise en œuvre apparente de la technique lyonnaise 75 sont identifiables comme à Scaubecq [figure 52], près de Braine-le-Comte 76 . Cette liste non-exhaustive manifeste la présence du pisé dans le riche patrimoine belge, bien qu'on ne puisse réellement l'envisager comme ancré dans notre culture constructive. Ce patrimoine reste modeste et difficile à répertorier puisque les façades sont régulièrement recouvertes d'un enduit.
Figure 54 : Maison à Ypres, 1920 © Photo Duquenne, 1924
Au début du XXe siècle, cette technique a été envisagée dans les projets de reconstruction en Flandre, après la Première Guerre mondiale. Plusieurs maisons expérimentales ont été construites à Ypres en mai 192077, par Richard Acke, architecte attaché au Service de la Construction. Ce fonctionnaire avait fait des expériences préliminaires de mélange de terre avec de la chaux et du ciment à ses frais . Selon le CRAterre, onze autres maisons auraient été construites dans la même ville par Holland-Hannen & Cubbits.
Figure 55 : Maison à Ypres, 1920 © Photo Duquenne, 1924
Un renouveau du pisé en Belgique est observable depuis une dizaine d'années. Des bureaux comme BC architects & studies, De Gouden Liniaal Architecten, Eva Gheysen & Lef Spincemaille ou encore des entrepreneurs comme Camimo ou Hermans Marc s'intéressent à nouveau à ce mode constructif.
75 Voir chapitre sur le pisé traditionnel. 76 BAVAY G. et al., Pays de Soignies et de Nivelles, coll. Architecture rurale de Wallonie,éd. Pierre Mardaga, Liège, 1992, p. 128 77 VAN HOECKE R., Numéro consacré à Richard Acke architecte, volume 4, n°9, dans “La Cité: Urbanisme, Architecture, Art Public”, Bruxelles, 1924, planche III
57
Une approche prospective du pisĂŠ
58
Une approche prospective du pisé problématiques environnementales, ce qui n'était pas le cas il y a dix ans. Des articles sur la construction en terre, notamment à propos des sociétés Argio et Argibat, sont de plus en plus présents dans la presse écrite du pays. Géry Despret s'explique à propos de la demande : Depuis le lancement de la production en juin 2013, l’entreprise a fourni ses matériaux à près de 100 chantiers en Belgique, France et Luxembourg, et le carnet de commandes pour l'année 2015 est en hausse78.
6 APPROCHE HOLISTIQUE DE LA FILIERE TERRE CRUE EN BELGIQUE 6.1 La demande En Belgique, la terre crue cible actuellement deux marchés : celui de la réhabilitation énergétique et celui de l'éco-construction. La dimension innovante du matériau dans son application contemporaine séduit de plus en plus de professionnels et de particuliers. Ces derniers sont très sensibles à l'approche « matériau sain ». Un changement des mentalités s'opère au sein de la société.
De surcroît, le rôle des revendeurs est prépondérant pour l' essor des matériaux écologiques. Un revendeur interrogé explique qu'il y a 10 ans, la proportion des ventes de matériaux écologiques était de 2% par rapport au total des ventes. Aujourd'hui, ce chiffre est de 20 à 25% et s'explique en partie par la prise de conscience des individus, mais également par le lobbying des revendeurs pour ces produits auprès des entrepreneurs et des clients.
Lorsqu'en 1972, le Club de Rome a alerté l'opinion publique à propos de l’empreinte écologique, peu de gens se préoccupaient réellement des enjeux qui y étaient liés. L'information constante sur les enjeux du développement durable, relayée activement par les médias, provoque une reconsidération de certains matériaux.
A cet égard, Sophie Bronchart constate qu' on parle plus facilement du matériau terre aujourd'hui que dans les années 90. Cette tendance est en constante progression [...] Avant, la terre était surtout perçue comme une solution inadaptée ou trop onéreuse. Aujourd'hui, la prise de conscience environnementale et surtout la notion de « matériau sain » amène une reconsidération du matériau par le grand public79.
Qu'ils soient architectes, entrepreneurs, constructeurs ou chercheurs, ceux-ci sont de plus en plus nombreux à y voir un matériau permettant de répondre avec pertinence aux défis du développement durable. Cette évolution des mœurs résulte du travail de sensibilisation effectué par les différents acteurs de la terre. Une renaissance de cette culture constructive est observable depuis les années 1970 et entraine une demande de plus en plus importante d'informations techniques.
Les professionnels l'envisagent comme un matériau répondant efficacement aux exigences les plus strictes des consommateurs en matière de confort de vie et de préservation de la santé80. Dès lors, le lobbying pour ces produits se déve-
La période actuelle est propice au développement de la filière auprès du grand public. Cela s'explique en partie par le fait que le matériau trouve écho auprès des médias qui s'expriment régulièrement à propos des
78 Entretien avec Géry Despret, architecte, réalisé le 3 novembre 2014 79 Entretien avec Sophie Bronchart, architecte et coordinatrice IBGE, le 25 janvier 2015 80 CRETEUR P., Communiquez vos belles histoires, les cinq étapes d'une communication efficace pour une PME : créer, positivez, embalez, racontez, réseautez, éd. Edipro l'édition professionnelle, Liège, 2014
59
Une approche prospective du pisé loppe dans cette direction, tout en intégrant la question du développement durable.
à l'architecture de terre crue à partir d'un document de base illustrant les différentes techniques.
De surcroît, les structures de sensibilisation présentée ci-après répondent à cette demande. Elles sont indispensables à l'information des consommateurs et des professionnels et contribuent activement à l'essor de la terre crue.
6.2 Les acteurs de la filière terre crue 6.2.1
Les artisans
Aujourd'hui en Belgique, l'artisanat est la force d'action principale de la filière terre crue. Sur le territoire, les artisans sont avant tout un tissu d'acteurs exerçant soit en tant qu'indépendant, soit sous forme de petites structures pluridisciplinaires composées de maçons, ébénistes, spécialistes de la construction en paille ou architectes, dont la motivation commune est l'utilisation parcimonieuse de l'énergie dans la construction. Tous soulignent la nécessité de mutualiser les compétences au sein de PME ou de façon ponctuelle lors de certains projets.
Pour traiter ce besoin d'information croissant, l'Unité de Recherche Architecture Environnement & Cultures Constructives française envisage de répertorier les solutions constructives contemporaines à base de terre crue pour informer les professionnels ainsi que les maîtres d’ouvrage afin de répondre plus efficacement à leurs demandes d'informations techniques. L'objectif général de cette action est le développement d’outils d’aide à la décision (argumentaire et projets exemplaires) et à la conception (répertoire de solutions constructives et de détails techniques)81. En Belgique, un projet du cluster vise à proposer un éveil
Ces artisans maîtrisent pour la plupart une ou deux techniques de construction en terre.
Figure 56 : Aperçu général de l’ensemble des acteurs de la filière
81 PACCOUD G., Fiche Action: Répertoire de solutions construtives contemporaines à base de terre crue, Unité de Recherche Architecture Environnement & Cultures Constructives, 26 août 2013, p. 1
60
Une approche prospective du pisé En effet, la connaissance des techniques de construction requiert un savoir-faire propre à chaque technique. Il est difficile dès lors d'être compétent dans l'ensemble de celles-ci. En Belgique, les techniques de la B.T.C et des enduits d'argile sont les plus populaires. Elles s'inscrivent dans les traditions constructives en terre propres aux sols argileux de nos régions et se rapprochent des techniques de mise en œuvre conventionnelle, tout en ne nécessitant pas un investissement pécuniaire trop important.
l'emploi pour le torchis, la bauge et le pisé (dalles et murs). Aujourd'hui, l'entreprise dispose d'un second siège à Graz, en Autriche. Cette succursale produit également des éléments en pisé préfabriqués. L'importateur officiel pour la Belgique se situe à Gueuzaine, non loin de Waimes ;
Sur le territoire, il existe peu d’artisans maîtrisant la technique du pisé. 6.2.2 Les producteurs industriels et semi-industriels Producteurs étrangers Depuis les années 1980, plusieurs pays dont l'Allemagne, la France et les PaysBas ont développé activement la production de terre crue et a fortiori le pisé. Seules deux entreprises produisent le pisé distribué en Belgique :
Figure 57 : Producteurs étrangers de prêts à l’emploi de pisé
Producteurs belges
• L'entreprise Tierrafino, implantée à Amsterdam depuis 1994, produit actuellement des enduits d'argile, des stucs d'argile et de la terre à pisé. Aujourd'hui, l'entreprise distribue ses produits dans 26 pays: Autriche, Belgique, France, Irlande, Hong Kong, Corée du Sud, Oman, Russie, États-Unis, Australie, Italie, Mexique, Finlande, Estonie, Allemagne, Pays-Bas, République Tchèque, Iran, Italie, Luxembourg, Suisse, NouvelleZélande, Norvège, Pologne, RoyaumeUnis, Turquie. En Belgique, le distributeur officiel de la marque se situe à Zoersel dans la province d'Anvers ;
En Belgique, ce groupe d'acteurs est très homogène et rassemble des structures semi-industrielles travaillant principalement à l'échelle régionale. Il est composé de briquetiers, exploitant avant tout la brique de terre comprimée et extrudée et de producteurs d'enduits et de torchis locaux prêt à l'emploi. Pour la brique de terre crue, il existe à ce jour trois entreprises : • La société ARGIO S.A., anciennement TERRACO Group S.P.R.L, développée par l'architecte Géry Despret, fabrique depuis 2010 des blocs et des briques brevetés, standardisés et normalisés. La société propose une gamme de blocs porteurs et non-porteurs stabilisés en argile (B.T.C), des enduits de finition et des surfaces de sols de type « granito ».
• L'entreprise Claytec, créée en 1985 à Viersen près de Düsseldorf, produit des enduits d'argile, des stucs d'argile, des panneaux d'argile, des briques de terre crue, des matériaux spécifiques à la restauration de colombage et des prêts à 61
Une approche prospective du pisé L'entreprise développe actuellement une brique de façade porteuse en terre crue ;
et les composants utilisés dans la fabrication de leurs produits en terre cuite. Les briques de terre crue peuvent être utilisées en intérieur ou en extérieur pour des murs porteurs ou non.
• La société Argibat, issue de la collaboration entre Thomas & Piron et l'entreprise Nonet, est présente sur le marché depuis 2014. Elle profite de l'ancienne briqueterie de Wanlin fermée l'année précédente, qu'elle a réaffecté en supprimant uniquement les fours. Aujour’hui, le site est scindé entre Thomas & Piron et l’entreprise Nonet. La production consiste en une gamme de briques de terre crue extrudée, ainsi que des mortiers de terre et des plafonnages. Les briques extrudées ciblent un marché réduit mais prometteur selon Emmanuel Nonet82. Elles sont destinées au remplissage de cloisons intérieures ;
L'ancienne briqueterie de Rome près de Durbuy aurait été rachetée par un investisseur. L'objet de ce rachat serait la production de brique de terre crue83. Outre les trois producteurs de briques en terre crue, il existe également deux producteurs de prêts à l'emploi pour la réalisation de torchis ou d'enduits : • Les argilières Hins, à Saint-Aubin, sont un ensemble d'exploitations d'argile dont la première fut créée en 1962. Depuis 1982, les argilières de l'exploitation Hins sont au nombre de trois. La terre de ces trois argilières permet la réalisation de briques, de produits réfractaires et de carrelages ;
• La société Lebailly S.A. à Hautrage, qui existe depuis 1842, propose depuis cette date une gamme de produits réfractaires et de carrelages. En 2005, la société développe les B.T.C stabilisées et non-stabilisées, en exploitant l'outillage
Figure 58 : Carte des producteurs 82 Entretien avec Emmanuel Nonet, administrateur délégué Nonet / Argibat, réalisé le 24 mars 2015
83 Entretien avec Paul Portier, administrateur délégué s.a PREFER, réalisé le 13 mars 2015
62
Une approche prospective du pisé Sur le marché de la terre crue, les exploitants proposent uniquement des mélanges prêts à l'emploi pour la réalisation d'enduits ou de torchis ;
mande croissante d'informations sur la terre crue. Ils pallient au manque de connaissance des maitres d'œuvres et des professionnels en proposant notamment des données techniques accessibles. De ce fait, ils ont un rôle de sensibilisation et de formation auprès des professionnels et des particuliers. Les produits de terre crue sont principalement distribués au sein de magasins de matériaux écologiques. Néanmoins, quelques enseignes spécialisées dans les matériaux conventionnels proposent également des produits de terre crue (briques et enduits). Ces revendeurs sont nombreux sur le territoire [figure 57]. Néanmoins, Les grossistes disposant de terre à pisé sont :
• Stuc & Staff, implantée à Courtrai, est une entreprise de préparation de mélanges prêts à l'emploi pour enduits intérieurs. Il existe un producteur de pisé : La société terrassière Hermans Marc, située à Riemst, prépare pour des projets spécifiques des mélanges de terre prêts à l’emploi. En 2015, leur projet est de déposé une terre à pisé belge certifiée, conditionnée en big bag ou en vrac. Ce producteur n'est pas encore établi officiellement.
• Ecomat à Zoersel : importateur, grossiste et magasin, partenaire Tierrafino ;
6.2.3 Les revendeurs
• Ecostore à Melle : grossiste et magasin, partenaire Tierrafino ;
Ces acteurs occupent aujourd'hui à l'échelle locale un rôle important de relais : relais de savoir, d'échanges et de mises en œuvre en répondant à la de-
• Ecomat à Genk : grossiste et magasin, partenaire Tierrafino ;
Figure 58 : Carte des revendeurs
63
Une approche prospective du pisé • Druwid à Geuzaine : importateur, grossiste et magasin, partenaire Claytec.
• •
6.2.4 Les architectes et les entrepreneurs
• •
Il existe plusieurs entreprises qualifiées dans le secteur de la construction en terre crue, tant en Wallonie qu'en Flandres, principalement spécialisées dans les enduits de terre, la maçonnerie de brique de terre crue et le torchis. Ceux-ci sont répertoriés sur les sites du VIBE, du cluster Eco-Construction, du cluster Ecobuild et du cluster Cap2020.
La limitation de l'énergie grise ; La grande capacité d'hygrorégulation ; Le confort acoustique ; L’aspect matériau-sain ;
Pour le pisé, on peut citer : Actifs dans l'architecture : • BC architects & studies : bureau d'architecture implanté à Bruxelles et en Afrique. L'administrateur de l'agence bruxelloise, Nicolas Coeckelberghs, est détenteur de son DSA84 et est considéré par les acteurs interrogés comme le spécialiste de la construction en pisé en Belgique. Le bureau travail dans la conception, la construction et la consultation pour la réalisation de projet en pisé ;
Les architectes et entrepreneurs, à l'instar des maîtres d'ouvrages, manifestent un intérêt grandissant pour la construction en terre. L'enquête menée auprès de plusieurs de ces personnes en région wallonne permet de distinguer les caractéristiques du matériau qui les sensibilisent plus particulièrement :
• De Gouden Liniaal Architecten : l’agence est située à Genk. En 2015, elle réalise un projet public en pisé à DilsenStokkem.
Figure 59 : Centre de formation et entrepreneurs 84 Diplôme de formation post-master à l'ENSA de Grenoble, dispensée par le CRAterre. Diplôme national de Spécialisation et d’Approfondissement, délivré par le ministère de la culture et de la communication.
64
Une approche prospective du pisé Actifs dans la construction :
Parmi ces E.F.T, les a.s.b.l « Quelquechose à faire », « Contrepoint », « Couleur Terre », les P.M.E « Le Trusquin » et « Elementerre » proposent des formations par le travail intégrant la construction en terre et des aides à l'auto-construction. De surcroît, Etienne Guillaume d’Elementerre réalise des constructions en pisé.
• Djenné à Tongres, qui réalise par l'intermédiaire de Jan Schelechten des dalles en pisé ; • Odilon Creation à Courtrai, qui est spécialisé dans l'ouvrage de dalles pisées en Belgique ; • Bouwen met Leem : entreprise brugeoise pour laquelle Jos Mannen fabrique principalement des dalles, mais réalise également des murs en pisé ;
Dans un processus de réflexion par rapport au développement de la technique en Belgique, qui requiert avant tout une main d'œuvre formée plutôt qu'une production de matière, ces entreprises ont un rôle important.
• Het Leemniscaat à Berchem, a participé à la réalisation de murs en pisé ;
6.2.6
• Elementerre à Ben Ahin, où Etienne Guillaume met en œuvre le pisé sous forme de murs et de dalles ;
Les structures de sensibilisation
Les foires et salons de la construction : • Batibouw en mars 2015 à Bruxelles accueillait 310 000 visiteurs dont 24% de professionnels et plus de 250 exposants, dont Argio qui y donnait une conférence ;
• Druwid situé à Geuzaine, où Michaël Thonnës travaille le pisé en murs ; • L’entreprise Camimo à Genk, construit en 2015 deux projets en terre pisée extérieurs, à Dilsen-Stokkem et à Louvain.
• Energie + en novembre 2014 à Marche, accueillait plus de 20 000 visiteurs dont 34% de professionnels et 150 exposants de gros œuvres et matériaux durables ;
6.2.5 Les entreprises de formation par le travail [E.F.T] Les entreprises de formation par le travail, nées d'une initiative de la Région wallonne, assurent une formation de stagiaires en entreprise assortie d'un accompagnement psychosocial. Il s'agit d'allier une formation générale et technique en recourant à une pédagogie spécifique, un travail productif et un accompagnement psychologique et social adapté aux besoins individuels des stagiaires. Le public visé concerne les personnes inscrites au FOREM en tant que demandeur d'emploi inoccupé85.
• Energie & Habitat en octobre 2014 à Namur accueillait 11 500 visiteurs et 173 exposants sur les thèmes des concepts constructifs, énergies renouvelables, isolation ; • Bouw & Reno en janvier 2015 à Anvers a accueilli 35 872 visiteurs et plus de 250 exposants de gros œuvre, de matériaux de construction et d'intérieurs notamment ; • Bâti+ à Arlon se tenait en février 2015. Il a accueilli 4000 visiteurs et 65 exposants autour des thèmes des matériaux de gros œuvre, de finition et de l'énergie ;
85 Département de l'Emploi et de la Formation professionnelle, Les Entreprises de Formation par le Travail, http://emploi.wallonie.be/Pour_Vous/Associations/EFT.html [en ligne] , consulté le 31 janvier 2015.
65
Une approche prospective du pisé • Bois & Habitat en mars 2015 à Namur, où étaient présents 30 000 visiteurs et 180 exposants sur les thèmes du gros œuvre, des matériaux de construction et de l'énergie, parmi lesquels l'E.F.T Couleur Terre, Argio, Argibat.
6.2.7
Les salons de l’innovation86 :
En Wallonie :
• Builty accueille au mois de novembre les professionnels, principalement des entrepreneurs de la construction pour répondre à leurs questions sur l'enveloppe du bâtiment ;
• Le cluster Eco-construction regroupe des architectes, des constructeurs et des entreprises actives dans le secteur de la rénovation écologique, des fabricants et fournisseurs de matériaux écologiques, des bureaux d'étude et entreprises actives dans le domaine des énergies renouvelables, des organismes d'information et de promotion (du bois, des matériaux naturels, des énergies renouvelables...), les centres de recherche, hautes écoles et universités87 ;
Les réseaux professionnels
Actuellement, le tissu de compétences belge lié à l'éco-construction se matérialise à travers les réseaux de l'écoconstruction.
• Le salon NamurInnovation, qui accueille en mars les visiteurs et les professionnels autour du thème de l'innovation en tant que facteur de développement économique pour la région wallonne ; • Brussels Innova, qui réunit à Bruxelles en novembre les moteurs de développement économique pour leur donner de la visibilité. Il accueille les partenaires de la région pour favoriser l'établissement de contacts en terme de partenariat technologique, d'accès aux aides publiques, de coaching, de sous-traitance. En 2014, ce salon accueillait 4200 visiteurs, 300 innovations et 20 pays.
• Le cluster Cap 2020 regroupent les 3 acteurs clés du monde de la construction, les Entrepreneurs, Architectes et Producteurs de biens (matériaux et équipements) et services, afin de promouvoir la construction durable en Wallonie88 ; • L'association Nature & Progrès œuvre à la sensibilisation citoyenne quant à l'impact des choix constructifs sur la santé et l'environnement. Elle participe à différents salons de la construction et organise, entre autre, des cycles de conférences et de formations. Nature & Progrès est constituée essentiellement de particuliers et de bénévoles actifs dans le secteur de l'éco-construction.
Les salons écologiques : • Le salon Valériane, organisé par « Nature & Progrès » à Namur en octobre 2014 accueille les acteurs de l'écobioconstruction et des énergies renouvelables, compétents dans l'isolation ou la rénovation. Parmi les exposants 2014, on retrouvait Lebailly s.a, Argio, PailleTech et Argibat ;
87 Maison de l'habitat durable, Le cluster Ecoconstruction, http://www.maisonhabitatdurable.be/le-clusterecoconstruction, en ligne], consulté le 13 février 2015 88 CAP2020, construisons durable, Cap 2020, un réseau de
86 L'entretien avec Gery Despret, administrateur d'Argio, révèle que les matériaux en terre crue sont considérés comme innovant en Belgique, tant par son mode de production semiindustriel/industriel que par son adaptation sous le climat tempéré du pays
sociétés spécialisées en construction durable, http://clusters.wallonie.be/cap2020-fr/ [en ligne], consulté le 9 novembre 2014
66
Une approche prospective du pisé A Bruxelles :
tant suite à la première crise énergétique des années 1970-1980, plusieurs professionnels principalement flandriens, unis par des préoccupations environnementales, économiques et patrimoniales, s’intéressent à nouveau à l'intelligence vernaculaire des architectures de terre. De ce fait, ils œuvrent au développement d'une association à vocation nationale sous l'impulsion de Peter Willem du réseau Terra-Morpho, intégré au VIBE90.
• Le cluster Ecobuild s'inscrit dans la même logique que les clusters wallons. Ce cluster distingue les acteurs de l'écoconstruction sous sept catégories : architectes, entrepreneurs, bureaux d'étude et de techniques spéciales, producteurs ou négociants en matériaux et produits durables, développeurs immobiliers, entreprises d'énergies renouvelables et architectes d'intérieur. Il entretient des partenariats avec les universités et les centres de recherche bruxellois, les fédérations professionnelles (PMC, ARIB, CCB-C, etc.) et les organismes de formation et de sensibilisation.
D'autres initiatives de moindre ampleur sont amorcées entre 1980 et 1995. Néanmoins, la politique européenne pour l'énergie freinera brutalement ces démarches par une réduction sensible des divers soutiens et subsides qui leur étaient alloués.
En Flandre : • Le VIBE89 est un point d’information et de formation concernant la construction bioécologique en Flandre. Soutenu par le gouvernement flamand, il met en réseau les professionnels de la terre crue et de l'éco-construction. Cette organisation facilite l'échange d'information par la production de fiches techniques détaillées, en identifiant les sites et revendeurs où il est possible de se procurer des matériaux comme la terre crue, le chanvre ou encore la cellulose. Le VIBE est engagé dans la promotion des démarches respectueuses du développement durable, de l'écologie et de l'impact sur la santé.
Plus récemment, trois rencontres informelles ont été réalisées à Namur entre 2011 et 2012 par Sophie Bronchart, coordinatrice de l'évolution du guide Bâtiment durable chez Bruxelles Environnement. Cinquante-cinq personnes ont participé à ces tables rondes, parmi lesquelles des architectes, des entrepreneurs, des artisans, des briquetiers, des carriers, des fabricants, des revendeurs, des chercheurs, des acteurs du patrimoine comme le centre de la Paix Dieu, des acteurs de l'économie sociale ou encore des auto-constructeurs. Mus par un désir de collaboration et de communication entre les différents partenaires, les acteurs identifient comme une évidence le fait de développer un réseau structuré qui travaillerait à la reconnaissance de la construction en terre et des enjeux que cela représente. Cette initiative est soutenue à l’époque par le cluster Eco-construction.
En 2015, le cluster Ecobuild.brussels, le cluster Eco-construction et le VIBE partageaient un stand de 400m² au salon Batibouw pour mener, pour la première fois, une action commune de sensibilisation. En Belgique, les réseaux professionnels s'intéressant spécifiquement à la construction en terre sont inexistants. Pour89 Le Vlaams Instituut voor Bio-Ecologisch Bouwen en Wonen est un point d’information et de formation concernant la construction bio-écologique en Flandre
90 Entretien avec Sophie Bronchart, coordinatrice IBGE, le 25 janvier 2015
67
architecte
et
Une approche prospective du pisé L'expérience des pays ayant développé cet outil démontre qu'il est important que cette structure soit unique pour plusieurs raisons :
ments disponibles sur le territoire. Cette liste comprend aussi certains centres de recherche en architecture impliqués dans l'éco-transition :
Optimiser les moyens ; Mutualiser les compétences ; Favoriser l'innovation à toutes les échelles ; Animer des réseaux ;
• L’Institut Interuniversitaire des Silicates, Sols et Matériaux est une ASBL impliquée dans le développement et les applications des matériaux, dans l'investigation et la caractérisation des sols et dans les problématiques liées à l'environnement91.
• • • •
Ces réseaux intègrent une démarche contextualisée d'un point de vue social, économique et culturel. Des objectifs communs sont identifiables et pourraient être transposés comme suit à la construction en terre : •
• •
• Le Centre de recherche Terre & Pierre de Tournai dont les activités de recherche se concentrent sur le traitement et la valorisation des matières solides comme les minerais, minéraux industriels ou les boues.
Fédérer les professionnels et les partenaires impliqués dans la construction en terre crue ; Faciliter les échanges entre les professionnels ; Optimiser la transmission des savoirfaire et promouvoir la formation ;
• Le Belgian Ceramic Research Centre de Mons est un laboratoire de recherche, de tests et d’analyses dont les domaines d’activités sont les matériaux (recherche et développement, analyses, certification, conseils et expertises), les sols (géotechnique et prélèvements), l’environnement (prélèvements et analyses)92. Il fait partie de l’EMRA93, tout comme le centre de recherche Terre & Pierre.
6.2.8 Les laboratoires de recherche Plusieurs opérateurs scientifiques sont aptes à conseiller techniquement, à soutenir la recherche et le développement des matériaux « terre crue ». Ces laboratoires disposent de l'équipement pour caractériser la matière terre, le matériau, ses assemblages, ses comportements mécaniques, physiques, ... et réaliser les tests permettant d'obtenir un avis technique BENOR ou un ATG. Ces avis techniques sont indispensables pour faciliter une production ou une commercialisation d'un produit en répondant aux critères qualitatifs définis par les normes, qu'elles soient belges ou européennes. L'apport du milieu scientifique peut aider au développement d'une terre à pisé normalisée utilisant les ressources du sol belge à l'image de la brique de terre crue.
• Le Centre Scientifique et Technique de la Construction situé à Limelette, est un institut de recherche qui soutient les projets et leurs concepteurs en les aidant dans la réalisation de tests pertinents. Le CSTC (ou WTCB) apporte une aide à l'innovation et au développement dans le secteur de la construction. 91 INISMa, Institut Interuniversitaire des Silicates, Sols et Matériaux, http://www.inisma.be, [en ligne], consulté le 29 janvier 2015 92 BCRC, member of EMRA, Belgian Ceramic Research Centre : Specialised in Inorganic Materials, Soils and Environment, http://www.bcrc.be/fr/qui-sommes-nous-.html [en ligne], consulté le 29 janvier 2015 93 EMRA, Environnement and Materials Research Association, est une association de 6 centres de recherches et d'essais de compétence complémentaires en matériaux. Elle comprend Certech, le Centre de recherche Terre et Pierre, Materia Nova et le BCRC regroupant INS, INISMa et CRIBC.
La liste des centres ci-dessous n'est pas exhaustive, mais témoigne des instru-
68
Une approche prospective du pisé • Le Centre d'Etude, de Recherche et d'Action en Architecture de Bruxelles a pour objet l’étude, la recherche, l’information et l’action en matière d’architecture au sens le plus large de ces termes. Il effectue des recherches, des études, des actions pour compte de tout organisme ou établissement public ou privé. Son action est principalement centrée sur l’éco-transition de l’environnement construit94.
• L’Institute of Materials and Process Engineering est l'une des cinq divisions de l'Institute of Mechanics, Materials and Civil Engineering du secteur des sciences et technologies EPL de l'Université Catholique de Louvain. L'objectif de l'IMAP, équivalent au département ArGEnCo, est de développer une recherche intégrée et multidisciplinaire du cycle de vie des matériaux, du traitement chimique au recyclage, y compris du processus de contrôle et de caractérisation des matériaux.
• InduTec à Bruxelles, met à la disposition des entreprises, les expertises et le savoir-faire des unités de R&D des instituts d'ingénieurs industriels bruxellois ainsi qu'une équipe pour la gestion de projets. Les unités de recherche proposent de nombreux services liés à l’écoconstruction, comme par exemple des audits énergétiques, des études et solutions thermodynamiques de nouveaux ou anciens bâtiments, des analyses du cycle de vie des matériaux et techniques mises en œuvre dans le secteur de la construction95.
• La cellule de recherche Architecture & Climat de l'Université Catholique de Louvain travaille dans la recherche, la conception, la modélisation et la construction en vue de la meilleure adéquation entre le bâtiment, le climat et l’occupant, dans le but d’élaborer et de développer la théorie de l’architecture climatique et de l’architecture durable97. La société MATRIciel a été créée au départ de l'unité Architecture & Climat et soutient les maîtres d'ouvrage dans le développement de projets de constructions durable ainsi que la formation des professionnels et des occupants, selon le cluster Ecobuild.
Les centres de recherche universitaires : • Le Laboratoire de Génie civil BaTir LGC de la faculté des Sciences Appliquées de l’Université Libre de Bruxelles, spécialisé́ en mécanique des sols et en chimie industrielle.
• Les recherches en matière d'écoconstruction de la VUB Vrije Universiteit Brussel, selon le cluster Ecobuild.
• Le département ArGEnCo (Architecture, Géologie, Environnement et Constructions) de la Faculté des Sciences Appliquées de l’Université de Liège, dont les domaines de recherche et de formation sont consacrés à l'ingénierie de l'environnement naturel et bâti96 . 94 CERAA, site du CERAA, http://www.ceraa.be, [en ligne], consulté le 24 janvier 2015 95 InduTec, INDUTEC, the Technology Transfer Centre for your Innovation, http://www.indutec.be/index.php/fr/, [en ligne], consulté le 24 janvier 2015 96 Faculté des Sciences Appliquées de l’ULg, Département ArGEnCo, http://www.facsa.ulg.ac.be/cms/c_599551/fr/accueil, ligne], consulté le 27 janvier 2015
97 Architecture & Climat, Présentation Architecture et Climat, http://www-climat.arch.ucl.ac.be/presentation.htm, [en ligne], consulté le 27 janvier 2015
[en
69
Une approche prospective du pisĂŠ
70
Une approche prospective du pisé 7.1.1
7 LES ENJEUX DE LA CONSTRUCTION EN PISE EN BELGIQUE
La gestion des ressources naturelles
La ressource pétrolière constitue la principale source d'énergie pour l'homme. Or, cette ressource s'amenuise. Les prévisions annoncent un épuisement total du pétrole d'ici 40 ans, et une impossibilité de suivre la croissance de la demande entre 2015 et 2040.
Avant propos Ce chapitre propose une révision générale du contexte dans lequel l'homme évolue aujourd'hui afin d'identifier les enjeux relatifs au secteur du bâtiment. La compréhension de ceux-ci est essentielle pour approcher la construction en terre au XXIe siècle.
7.1 Le contexte du développement durable La définition du développement durable apparait le 27 avril 1987. L'acceptation première du concept est la suivante : Le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la possibilité, pour les générations à venir, de pouvoir répondre à leur propres besoins98.
Figure 60 : Réserve de pétrole en années de consommation 2009 © BP Statistical Review
Face aux conséquences du changement climatique ces dernières années et devant les prévisions d'épuisement des ressources naturelles, le développement durable est intégré dans l'ensemble des secteurs de l'activité humaine.
Figure 61 : cours moyen du pétrole (baril en dollars) © OPEP
La consommation d'énergie et la production de déchets sont identifiées comme les problèmes les plus graves. L'énergie concerne d'une part la consommation des ressources non-renouvelables et d'autre part l'émission de GES. Ces deux nuisances sont liées puisque la consommation énergétique conduit à l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre.
7.1.2
Les émissions de gaz à effet de serre
Les problèmes liés aux émissions de gaz à effet de serre ont un impact direct sur le secteur de la construction. Le protocole de Kyoto engageait les pays qui l'ont approuvé à une réduction globale de leurs émissions de 5,2% entre 2008 et 2012 par rapport à l'année 1990, repère absolu pour les aspirations du protocole. L'objectif était conséquent puisque les prévisions projetaient une croissance de ces émissions de l'ordre de 30 à 40% sur cette période.
98 BRUNDTLAND G. H., Notre avenir à tous, éd. éditions du fleuve, 1987. Source : Perspective monde : outils pédagogique des grandes tendance mondiale depuis 1945, 27 avril 1987, dépôt du Rapport Brundtland sur l'environnement, http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve?code Eve=873, [en ligne], consulté le 5 mars 2015
71
Une approche prospective du pisé En Belgique, plusieurs engagements ont été pris en ce sens. En 2002, un accord de coopération a été conclu entre l'Etat fédéral, la Région flamande, la Région Bruxelles-Capitale et la Région wallonne. Cette coopération a permis la mise en place du Plan national climat. De plus, un accord a été conclu quant à la répartition nationale des charges en 2004 visant à une réduction de 7,5% des gaz à effet de serre pour les trois régions. D'autres instruments ont également été mis en place pour atteindre ces objectifs, comme le Plan national d'allocation en 2005.
doit dès lors être effectué séparément. Pour le secteur non-ETS, qui concerne notamment la construction et les transports, les émissions sont excédentaires. Pour les cinq années de la première période d'engagement, le déficit s'élève à 4,9 millions de tonnes d'émissions de dioxyde de carbone sur les 58,5 millions alloués à ce secteur annuellement. En regardant l'évolution des émissions de GES en Belgique entre 1990 et 2012, on constate que la contribution des secteurs du transport et du logement par rapport aux émissions totales a augmenté. Dans le secteur du transport, l'augmentation des émissions est largement due au transport routier qui représente 97,6% des émissions totales de ce secteur. Il constitue, avec le secteur du bâtiment, la principale source d'émissions.
En 2012, les émissions totales de GES en Belgique se sont élevées à 116,5 Mt éq CO299, soit une réduction de 20% de ces émissions de gaz à effet de serre par rapport à l'année de référence [figure 63]. Cette baisse a également entrainé une diminution des émissions de dioxyde de carbone de 15,4%.
La figure 65 montre l'incidence de ces deux secteurs sur la tendance du pays. Ainsi, une augmentation sensible des émissions de CO2 est observable dans le secteur des transports de + 20,6% par rapport à 1990. Pour le secteur tertiaire relatif au chauffage des bâtiments, cette hausse est également considérable (+39,1%). Néanmoins, le secteur résidentiel progresse puisque ces émissions ont aujourd'hui été réduites de plus de 17,5%.
Toutefois, le protocole de Kyoto opère une distinction entre les émissions des secteurs ETS 100 et non-ETS. Le bilan
Aujourd'hui, il est établi qu'il existe une relation intrinsèque entre la consommation énergétique et l'impact environnemental dans le cycle de vie d'une construction (ADALBERTH K. et al., 2001) . On admet dès lors que l'impact sur l'environnement se réduit en même temps que la consommation d'énergie diminue, comme l’explique Bui Quoc-Bao101.
99 Lors de cette première phase d'engagement, la Belgique a décidé de ne pas inclure dans le bilan les émissions en lien avec la gestion des terres de cultures et des prairies (article 3.4 du Protocole de Kyoto), selon Climat.be. 100 Les secteurs ETS (Emission Trading Scheme) sont couverts par le système européen d'échange des droits d'émissions. Dans ce secteur, on retrouve principalement les
industries à haute intensité énergétique et les industries produisant de l'électricité. 101 BUI Q.-B., Stabilité des structures en pisé: durabilité, caractéristiques mécaniques, Thèse de doctorat en Génie Civile, sous la direction de Jean-Claude Morel et Stéphane Hans, Institut National des Sciences Appliquées de Lyon, 13 novembre 2008, p. 27.
Figure 62 : Emissions des secteurs ETS et non ETS en millions de tonnes équivalent CO2 © Climat.be
72
Une approche prospective du pisé
(Mt CO2-eq.) Emissions GES à l’inventaire national Par rapport aux émissions de GES de 1990
2008
2009
2010
2011
2012
135,8
123,2
130,6
120,1
116,5
-6,8%
-15,5%
-10,4%
-17,6%
-20%
Figure 63 : Emissions totales de gaz à effet de serre (hors secteur LULUCF) © Climat.be
Figure 64 : Répartition des émissions de GES par secteur © Climat.be
Figure 65 : Evolution des émissions de GES par secteur (kt éq CO2, entre 1990 et 2012) © AwAC
73
Une approche prospective du pisé Production de déchets par secteur en Belgique (en tonnes) Total (agriculture, industrie, ménages, services, construction) Construction
2004
2006
2008
2010
2012
53.585.527
60.425.250
48.821.916
62.537.279
66.932.694
11.037.964
13.174.365
15.441.861
18.164.909
24.570.406
Industrie
30.323.220
31.488.720
24.031.079
34 .331.778
32.434.894
Figure 66 : Production de déchets par secteur en Belgique © Direction générale Statistique
7.1.3 La gestion des déchets Chaque année, la Belgique produit plus de 50 millions de tonnes de déchets. Cette production augmente chaque année, et la part de déchets du secteur BTP102 est de plus en plus importante. Les chiffres de la Direction générale Statistique belge montrent en effet que ce secteur et le secteur industriel contribuent à produire plus de 85% des déchets à eux deux. Alors qu'en 2004, ce secteur générait 11 037 964 tonnes de déchets, soit 20,6% de la production totale de l'époque, en 2012, il en a généré 24 570 406 tonnes sur une production totale de 66 932 694 tonnes, soit 36,71%.
à une utilisation parcimonieuse de ces énergies. Cependant, on considère dans les mœurs qu'un bâtiment ayant une bonne performance énergétique permet une bonne performance thermique durant la phase d'habitation, de sorte qu'aujourd'hui, une série de mesures exigent une bonne performance thermique, sans tenir compte des autres phases. Ces exigences se traduisent notamment par la mise en place de la certification PEB, obligatoire dans de nombreux cas.
7.2 Avantages du pisé pour répondre aux enjeux environnementaux
7.1.4 Enjeux du développement durable dans le secteur du bâtiment
On distingue donc trois phases dans le cycle de vie d’un bâtiment qui seront dissociées pour cerner les avantages du matériau lors de chacune de ces étapes.
La consommation énergétique liée au cycle de vie d'un bâtiment se compose de trois éléments principaux : •
• •
7.2.1
Phase de construction
«La production de ciment constitue aujourd'hui 5% des émissions de CO2 à l'échelle mondiale103.»
L'énergie de fabrication : on considère que le cycle de fabrication pour les matériaux conventionnels comprend l'extraction de la matière, le transport, la transformation, le transport du produit fini et la mise en œuvre ; L'énergie d'usage du bâtiment : la climatisation, le chauffage, etc. ; L'énergie de démolition et de traitement des déchets occasionnés.
La faible consommation énergétique durant la période de construction est une caractéristique avantageuse du pisé. Il convient de citer la recherche de Morel et al.104, qui propose une étude comparative en phase de construction pour une maison en pisé et deux maisons qui lui 103 ANGER R., FONTAINE L., Bâtir en terre : Du grain de sable à l'architecture,éd. Belin, Paris, 2009, p. 187 104 MOREL J., MESBAH A., OGGERO M., WALKER P.,
Face à la problématique environnementale, l'enjeu du secteur BTP est de tendre
Building houses with local materials: means to drastically reduce the environnemental impact of construction, dans Building and Environment, volume 36, issue 10, décembre 2001, pp. 1119-1126
102 Bâtiment et Travaux Publics.
74
Une approche prospective du pisé sont identiques en béton et en pierre avec un mortier de terre. Cette expérience montre que la consommation d'énergie dans le cas de la maison en pisé est considérablement plus faible pour le transport (évaluée en tonnekilomètre) et pour l'énergie totale de fabrication (évaluée en gigajoule). Phase de construction Energie Totale (GJ) Transport (t.km)
Pierre+ mortier 97
Pisé
Béton
70
230
1390
1041
6707
étude The naturally air conditioned house (2008) cité par Bui Quoc-Bao106. Cette phase d’occupation sera développée plus en détail au point 7.3. 7.2.3
Phase de recyclage
La prise en considération du cycle de vie des matériaux peut s'avérer déterminante pour le matériau à condition que celui-ci ne soit pas stabilisé107. L'action cohésive de la terre est jouée par l'argile. Cette action présente la particularité d'être réversible par ajout d'eau assez aisément. Aujourd’hui, les industriels, comme le groupe Vicat en France, mènent des recherches pour pouvoir proposer de véritables bétons dont le liant sera exclusivement l’argile, pour ses qualités réversibles108. Il est donc possible de la réutiliser infiniment pour construire à nouveau ou pour la restituer à la nature. La terre répond au concept de C2C et est évalué A+ au certificat BREEAM109.
Figure 67 : Consommation d’énergie en phase de construction © Morel J. et al.
La filière de construction en pisé consomme très peu d'énergie. Sa réintroduction en tant que possibilité constructive actuelle est efficiente face aux enjeux de la politique énergétique. La terre ne subit que peu ou aucune transformation. Si cette transformation est nécessaire, elle est intégralement contrôlée, contrairement à de nombreux matériaux produits industriellement : béton, brique cuite, acier, etc. Pour le béton, Anger et al. estiment que 60% des émissions de GES liées à la production de ciment sont issues de la décarbonatation de la roche mère 105 , c’est-à-dire du processus de transformation.
La Belgique est actuellement à la tête des pays européens assurant un recyclage presque total des déchets inertes du secteur de la construction110. La fabrication des bétons consomme 15 millions de tonnes par an, ce qui correspond à plus d'une tonne par habitant, et 40% du volume total des déchets du secteur du bâtiment. 90% de ces déchets sont
7.2.2 Phase d’habitation 106 BUI Q.-B., Stabilité des structures en pisé: durabilité, caractéristiques mécaniques, Thèse de doctorat en Génie Civile, sous la direction de Jean-Claude Morel et Stéphane Hans, Institut National des Sciences Appliquées de Lyon, 13 107 Voir le point « stabilisation ». Il est préférable de
Le pisé offre la possibilité d'une réduction de la consommation de l’énergie d'usage durant la phase d'utilisation du bâtiment. Néanmoins, une assertion ne peut être produite à ce sujet puisque la question reste ouverte à l'heure actuelle. Néanmoins, on admet que la performance énergétique d'un bâtiment durant l'habitation ne dépend pas uniquement de l'enveloppe mais intègre également la conception, intelligente ou non, comme l’explique Neal Mortensen dans son
stabilisé à la chaux si une stabilisation est nécessaire, auquel cas il sera nécessaire d'ajouter également de la chaux dans le processus de recylcage. 108 Entretien avec Hugo Gasnier, architecte et coresponsable de la partie Dessin Chantier au CRAterre, 16 octobre 2014 109 Le BREEAM ou guide écologique d’élaboration des spécifications du BRE donne des informations sur l’impact environnemental des matériaux de construction en les classant de A+ à E. Les produits ayant le moins d'éco-points obtiennent le classement A+ et les matériaux avec le plus grand nombre d'éco-points obtiennent le classement E. Source: BRE, BREEAM, http://www.breeam.org , [en ligne], consulté le 30 mars 2015 110 Bruxelles Environnement, Fiche 4.1 : l'utilisation des
105 ANGER R., FONTAINE L., Bâtir en terre : Du grain de sable à l'architecture,éd. Belin, Paris, 2009, p. 187
granulats issus du recyclage, rapport technique « bâtiments exemplaires », décembre 2010, p. 3
75
Une approche prospective du pisé valorisés, ce qui est positif. Néanmoins, 10% de cette masse reste à l'état de déchets chaque année. De surcroît, cette valorisation des déchets inertes consomme elle-même de l’énergie.
sources de surface, d'être disponible in situ et 100% recyclable et ce, à l'infini pour autant qu'elle ne soit pas stabilisée. A contrario, les matériaux dont le procédé de création nécessite une transformation conséquente, comme la brique cuite ou le béton, produisent des déchets.
7.2.4 Constat La terre crue est aujourd'hui considérée comme le matériau qui à l'échelle planétaire présente l'un des meilleurs bilans énergie grise parmi les matériaux de construction. Dans certaines régions du monde, le pisé est encore mis en œuvre de façon traditionnelle, extrait sur site et compacté manuellement avec un pisoir, sans stabilisant. L'émission de gaz à effet de serre et la consommation énergétique globale nécessaire à ce type d'ouvrage tend vers zéro dans cette situation.
A cet effet, l’architecte Joseph Colzani, lors d’une assemblée à l’ENTPE en 1982 intervient : Pour FR3, nous avons fait une émission où un groupe d’architectes et d’ingénieurs arrivait collectivement à la solution de la ville en terre, parce qu’elle se désagrégerait et se détruirait écologiquement dans le futur, sans détériorer le site. C’est une orientation contraire à celle des matériaux sophistiqués111.
7.3 Avantages du pisé pour répondre aux enjeux de confort thermique
En Europe, la consommation en énergie primaire tout comme le bilan CO2 de la terre à piser est néanmoins difficilement évaluable puisqu'il dépend de nombreux critères.
Le développement de ce point coïncide avec les enjeux liés à la consommation énergétique de la phase d'habitation.
Pour information, il est utile d'évoquer l'énergie secondaire relative à la mise en œuvre du pisé dans les pays industrialisés. Le compactage d'1 m3 de terre réalisé avec un fouloir pneumatique est estimé à 40 minutes. Le fouloir standard effectue 400 impacts par minute en délivrant une énergie de 0,5 KWh/m3, à laquelle il faut ajouter 1 KWh d'électricité correspondant à l'énergie utile, au rendement de conversion, etc. Cette consommation représente 1/700 de l'énergie utile à la réalisation d'1 m3 de béton. Pour que le bilan énergétique global soit complet, il serait nécessaire de chiffrer l'énergie nécessaire au malaxage, au transport et à l'extraction qui constitue pour sa part une variable. Parallèlement, l'émission de GES est réduite et participe à diminuer considérablement l'impact sur le climat.
L'analyse s'appuie sur une étude bibliographique, principalement orientée sur des thèses étrangères. Ces recherches très récentes traitent de la notion complexe du confort thermique des bâtiments en terre, et plus spécifiquement du pisé. La performance thermique est au cœur des préoccupations globales sur l'énergie et contribue également à la réduction des émissions de GES. Si cette performance thermique est un paramètre important, d'autres critères influencent le confort des occupants, comme la qualité environnementale de l'espace intérieur qui influence le bien-être comme l'explique David Baggs dans ses recherches
111 VEYSSEYRE S., Comment développer l'usage de la terre crue dans la production architecturale française ?, rapport d'étude de troisième licence encadré par Hervé Lequay, Ecole Nationale Supérieure d'Architecture de la ville de Lyon, Lyon, 2009, p.8
De surcroît, La terre présente l'avantage indéniable de ne pas utiliser les res76
Une approche prospective du pisé sur la masse thermique112. De manière non-exhaustive, on peut citer la ventilation naturelle, l'éclairage naturel ou l'accessibilité visuelle vers l'extérieur.
des écarts de température, régulation hygrothermique) expliquent ce succès. Dans les régions soumises à des températures extrêmes, comme c'est le cas dans le sud de l'Afrique, les performances thermiques de l'architecture de terre s’expriment davantage. En effet, certains chercheurs, comme MacLeod, ont opposé les performances des constructions en terre aux performances des constructions à ossature et remplissage de briques dans ces pays114.
7.3.1 La notoriété des performances thermiques du matériau «People who have lived in earth houses have stated a satisfactory standard repeatedly, more comfortable than temperature measurements might lead us to believe» (McHenry Paul G., 1989) Les entrepreneurs et les propriétaires d'habitations traditionnelles en pisé constatent depuis des générations que ce type d'habitation offre un très bon confort thermique. Dans la majorité des maisons traditionnelles en pisé, la fluctuation des amplitudes thermiques est faible et s'explique partiellement par l'épaisseur des maçonneries généralement comprise entre 30 cm et 60 cm (BAO Q.-B., 2008). En journée, ces parois accumulent la chaleur rayonnante naturelle (soleil) ou artificielle (convecteur) et la restitue de nuit dans l'habitat.
Plusieurs programmes de recherche dont le but de définir précisément la performance thermique du pisé sont en cours actuellement. 7.3.2
La notion de confort thermique
«Radiant exchange with mass surfaces is singularly the most efficient way of maintaining comfort compared with any other technique as the body is more than twice as sensitive to radiant losses and gains than all other pathways combined (conduction, convection, respiration, evaporation) and more than four times as sensitive than any other single pathway» (Baggs David, 2014)
Les enquêtes menées dans les régions anglophones sur des habitats ultérieurs aux années 1980 aboutissent à un constat similaire. Cette sensation de confort participe aujourd'hui à l'émergence de la construction en terre tant aux Etats-Unis, qu'au Canada ou même en Australie. Dans quelques régions, le pisé et le bloc de terre crue représentent aujourd'hui 20% des nouvelles constructions113. La réduction sensible de la consommation énergétique annuelle et l'amélioration du niveau de confort des usagers (correction
Le confort thermique influence sensiblement les besoins en chauffage et en ventilation. Il correspond à l'état d'équilibre thermique entre le corps humain et les conditions dans lesquelles ce corps évolue. Le confort thermique est lié à six paramètres principaux : •
112 BAGGS D., Thermal mass and its role in building comfort and energy efficient disponible sur Ecospecifier, Thermal mass and its role in building comfort and energy efficient, http://www.ecospecifier.com.au/knowledge-green/technicalguides/technical-guide-4-thermal-mass-its-role-in-buildingcomfort-and-energy-efficiency.aspx, [en ligne], consulté le 1 avril 2015 113 EASTON D., WRIGHT C., The Rammed Earth House,
•
Le métabolisme, correspondant à la chaleur interne produite par le corps humain lui permettant de maintenir sa température à 36,7°C ; La température de l'air ambiant Ta ;
114 MACLEOD D., The case for improving the performance of indigenous earth dwellings in rural south africa, Rapport technique, agrément South Africa, 2002, rapport technique cité par BUI Q.-B, 2008
éd. The Chelsea Green Publishing Company, Vermont, 2007, p. 402
77
Une approche prospective du pisé • •
•
•
d'une faible résistance thermique, que l'inertie thermique élevée du pisé pouvait compenser cette lacune. Les auteurs de la recherche ont dès lors encouragé les instances à intégrer dans les règlements, jusque-là à critère unique, d'autres paramètres pour évaluer la capacité thermique. Max Mosher, consultant énergétique du SEDA ayant participé à la recherche, explique « R values shouldn't be taken in isolation. They are only one factor involved in energy efficient building, […] Thermal mass together with good passive solar design will compensate for a low R value, even in very cold climates » pour article d’ABC Science Online du 28 avril 2000.
La température moyenne des parois Tp ; Les habits, qui ont un rôle de résistance thermique face aux échanges de chaleur entre le corps et son environnement ; L'humidité relative HR de l'air exprimant le rapport entre la quantité d'eau que contient cet air à la température ambiante et la quantité maximale d'eau contenue à la même température ; La vitesse de l'air, dont la convection influence les échanges de chaleur.
7.3.3 Résistance thermique et capacité thermique
7.3.4
Plus R est élevé́ , plus la déperdition de la chaleur au travers du matériau est faible, peut-on lire sur le site de l’IBGE. Or, ce « R » du pisé est inférieur à 0,5 m2K/W.
Le rôle de l’inertie thermique du pisé
L'inertie correspond au caractère d'un matériau capable d'accumuler de l'énergie calorifique lors d'un apport de chaleur, pour la restituer ensuite dans un délai plus ou moins long. Elle est en général proportionnelle à sa conductivité thermique : plus un matériau est lourd, plus son inertie thermique est élevée116. L'inertie thermique ou masse thermique dépend de plusieurs paramètres : la capacité thermique [ρC], la diffusivité [α] , le déphasage, l'effusivité thermique et la constante temps [τ] qui caractérise par
Dans les pays anglophones où la filière du pisé s'est développée et où l'on consacre le « bon confort thermique » du matériau, des recherches ont été menées sur sa résistance thermique, notamment par le CSIRO115 en Australie. Le bilan de ces études confirme que ce « R » est faible. Les chercheurs ayant participé à cette étude ont suggéré, face au constat
Figure 68 : Effet de la stabilisation grâce à la masse thermique © Allison et Hall M. 115 116 D.MORO Le CSIRO, Commonwealth Scientific and Industrial M., Programmation des bâtiments : Research Organisation, est l'organisation fédérale pour la méthodologie et cas pratiques, Ed. Eyrolles, Paris, juin 2000, recherche scientifique et industrielle en Australie p.312
78
Une approche prospective du pisé unité de temps la réaction de la matière suite à un changement soudain de température.
Ces études confirment que la résistance thermique n'est pas le seul critère à comptabiliser dans le cas du pisé.
Un mur doté d'une grande inertie thermique produit un double effet de « stabilisation » thermique et de déphasage thermique [figure 68]. D'une part, il stabilise la température intérieure en limitant les écarts de température entre les phases diurne et nocturne et d'autre part, il déphase les apports calorifiques. Pendant la journée, la chaleur du soleil est absorbée dans le mur. Cette chaleur est ensuite restituée et chauffe l'habitation durant la nuit.
7.3.5
L’intelligence de conception pour répondre aux enjeux du confort thermique
La maîtrise des principes de la conception solaire permet de profiter au maximum de la masse thermique du pisé. Lorsque le projet est bien conçu et les parois en terre idéalement positionnées, les économies peuvent être considérables, notamment en évitant le recours à une climatisation mécanique qui représente un investissement conséquent et qui dans l'absolu, reste un système très demandeur en énergie. En hiver, les économies concernent avant tout les besoins en chauffage.
« Thermal mass elements in buildings assists in the reduction of energy consumed in heating and cooling in most climate zones, can significantly reduce the ecological impacts of burning fossil fuels due to energy production, as well as reduce costs, improve comfort and reduce or eliminate the need for air conditioning. » (Baggs David, 2014)
« One of the main advantages of rammed earth walls is their ability to regulate indoor air temperature due to the ‘thermal mass’ effect. Where passive cooling is required, peak indoor temperatures can be reduced when the excess heat gains are absorbed by the building fabric. » (Hall Matthew, 2008)
Comme le montre Bui Quoc-Bao dans sa thèse, plusieurs programmes liés à l'étude de cas, ont été développés pour comprendre si la masse thermique du pisé pouvait compenser la résistance thermique. L'objectif était d'une part la vérification de la performance thermique générale de la matière mise en œuvre et d'autre part, l'évaluation de l'influence de la masse du pisé sur la performance thermique.
Nom du bâtiment
T° ambiante (°C)
T° intérieure (°C)
Mudgee
-8
14
Carpentaria
45
26-27
Hunter Valley
2-42
17-30
Mona Vale
7-42
18-27
Figure 69 : Performance thermique en été et en hiver des constructions en terre stabilisée à 5% de ciment selon une conception passive ©Mortensen N.
La figure ci-dessus illustre les résultats des recherches réalisées par Neal Mortensen sur des bâtiments qu’il a conçus en terre crue. En été, ces bâtiments n’utilisent pas de ventilation. En hiver, ces maisons consomment une énergie minimum par un chauffage de se-
79
Une approche prospective du pisé cours117. Ces bâtiments sont autant que possible isolés soit par l’extérieur, soit dans la coulisse entre l’élément structurel et la façade, comme l’explique Neal Mortensen118.
des prix du pisé et la mise en place d’un marché concurrentiel.
7.4 Avantages du pisé pour répondre aux enjeux socioéconomiques
Les politiques liées à la réduction des émissions de gaz à effet de serre incitent à repenser le modèle économique dominant inadapté (augmentation des flux de transport et consommation énergétique).
7.4.1
Les matériaux non-industriels ou semiindustriels utilisés en construction sont fabriqués et mis en œuvre par des artisans à travers des cycles de production courts. Parmi ces matériaux, on trouve notamment les fibres végétales, la pierre ou la terre. L'étude et l'usage de ces marchandises locales sont prometteurs dans les pays industrialisés pour trois raisons : • •
•
La transition vers les filières courtes
La relocalisation des activités vers l'économie locale favorise un maintien du pouvoir économique sur le territoire, réduisant l'impact environnemental et social du modèle actuel. La notion de circuit court ne possède aujourd'hui pas de définition officielle.
Le volet social et l'exposition des savoir-faire de l'homme ; Le volet environnemental lié à l'abondance de la ressource, à l'innocuité du matériau, à la faible consommation d'énergie grise et de transport ainsi qu'au réemploi ; Le volet strictement économique, qui évolue favorablement du fait de l'augmentation conséquente de la population mondiale et du prix croissant des énergies fossiles119.
Basé sur l'exploitation des ressources locales, notamment en matière première et en main d'œuvre, un consensus la définit comme un mode de commercialisation de produits agricoles ou horticoles, qu’ils soient bruts ou transformés, dans lequel un maximum d’un intermédiaire intervient entre le producteur et le consommateur120. La demande pour les circuits courts est grandissante dans ce secteur économique. 70% des consommateurs belges manifestent un intérêt pour ce mode d’achat121. Le mode de production en circuit court dépasse en Belgique le secteur agro-alimentaire et s'étend à des domaines variés, parmi lesquelles les secteurs de l'industrie et du bâtiment.
Le développement du pisé sur le marché belge présente un triple intérêt économique : la transition vers une économie circulaire ou filière courte, la réduction
Les circuits courts impliquent deux conditions :
117 BUI Q.-B., Stabilité des structures en pisé: durabilité, caractéristiques mécaniques, Thèse de doctorat en Génie Civile, sous la direction de Jean-Claude Morel et Stéphane Hans, Institut National des Sciences Appliquées de Lyon, 13 novembre 2008, p. 41 118 BAGGS D., MORTENSEN N., Thermal Mass in Build-
• Limiter à maximum un intermédiaire les échanges entre le producteur et le consommateur pour diminuer la marge bénéficiaire perçue par chaque intermé-
ing Design, dans BDP environment design guide, n°4, mai 2006, p.2 119 BRUCE K., The renaissance of earthen architecture. In 8th International Seminar on Structural Masonry, Istanbul, 2008 cité dans BUI Q-B., Stabilité des structures en pisé : durabilité, caractéristiques mécaniques, Thèse de doctorat en Génie Civile, sous la direction de Jean-Claude Morel et Stéphane Hans, Institut National des Sciences Appliquées de Lyon, Lyon, 13 novembre 2008, p. 7
120 Portail de l'Agriculture wallonne, Qu'est-ce qu'un circuit court?,http://agriculture.wallonie.be/apps/spip_wolwin/articl e.php3?id_article=355, [en ligne], 16 février 2015 121 CRIOC, Circuits courts ou de proximité, communiqué de presse du 08 décembre 2010.
80
Une approche prospective du pisé diaire, et donc, encourager une diminution du prix ;
producteur et le consommateur, qui devient parfois lui même le producteur. Le pisé, dans ce cas, présente l'avantage d'utiliser une terre locale, qui peut être reformulée en carrière, en briqueterie ou sur site. La présence d'un conseiller maîtrisant la technique est néanmoins requise pour la bonne exécution de l'ouvrage.
• La proximité entre l'ensemble des acteurs, tant géographique que relationnelle, pour engendrer une réduction de la consommation énergétique et des frais de transports. Les députés européens évaluent la distance entre le producteur et le revendeur à un maximum de 80 kilomètres122.
• Dans l'industrie, le circuit court utilise une main d'œuvre locale en réaction à la tendance contemporaine qui tend à délocaliser l'activité vers les pays émergents. L'observation des chiffres montre qu'entre 1970 et aujourd'hui, les travailleurs belges actifs dans l'industrie ont diminué de moitié et représente seulement 20% de la population active. Cette délocalisation est avant tout liée au coût de la main d'œuvre en Belgique123.
Ils présentent plusieurs avantages environnementaux, économiques et sociaux, parmi lesquels : •
•
•
• • • • •
L'orientation des activités économiques territoriales pour une réduction des émissions de GES, par un transport limité ; La création d'emplois locaux et à long terme dans la production, la transformation et la vente ; La création de nouveaux métiers liés à l'éco-conception, l'éco-innovation, l'éco-construction, la formation, etc. La valorisation des productions locales et des savoir-faire locaux ; Le renforcement des liens sociaux entre les acteurs ; Le renforcement de la coopération interprofessionnelle ; La mise en place de dynamique de partenariat ; La diffusion de nouvelles connaissances techniques ;
Les producteurs semi-industriels de terre crue belges utilisent la matière première située à proximité du site de production. Les entreprises Argibat, Lebailly S.A, Stuc & Staff et Hins extraient euxmêmes la terre, à l'instar de Claytec, Tierrafino ou Akterre. La société Argio utilise quant à elle la terre de carrières voisines situées à moins de 15 km. Cette logique des circuits courts confirme l'intérêt de développer une terre à pisé belge. 7.4.2
La réduction des prix
La difficulté à laquelle doit faire face la terre crue réside dans la dichotomie qui existe entre les enjeux environnementaux et les enjeux financiers, qui ne favorisent pas un travail localisé.
C'est dans cette logique que s'inscrit le pisé, tant par le biais de l'autoconstruction que de l'industrie : • En auto-construction, le circuit court répond plus généralement à la paupérisation de la société et à la hausse des prix du secteur de l'immobilier. Il réduit considérablement les intermédiaires entre le
Le problème de la terre c’est que c’est un matériau ancien dans une société moderne. Les contraintes de la terre sont les mêmes, mais la culture est différente. Soit on change la société́ , soit on s’adapte à la société́ . Dans une société
122
LEBAILLY P., Circuits courts pour la commercialisation des producteurs agricoles alimentaires : de quoi s'agit-il ?, Actes du colloque « Les circuits courts en Région wallonne », Gembloux, décembre 2010, p. 1
123 Chapitre 8.2.3
81
Une approche prospective du pisé industrielle, on veut toujours plus, c’est une logique purement économique, ce qui est différent de la logique environnementale [...] On est en difficulté́ car on utilise des matériaux qui sont fabriqués le plus possible régionalement, qui consomment le moins d’énergie possible. Mais on ne comptabilise pas l’énergie. Le jour où le travail coûtera moins cher et l’énergie davantage, les choses pourront changer. Tant que le fonctionnement de la société reste en l’état, on ne peut rien faire124.
L'adaptation du processus de fabrication des matériaux en terre aux outils contemporains est nécessaire pour atteindre l'exigence du « prix idéal ». Beaucoup d'acteurs de l'éco-construction sont réfractaires au mot « industrialisation », mais c'est de cette manière que l'ont réussira à démocratiser le prix des matériaux127. 7.4.3
La concurrence est actuellement une faiblesse sur le marché puisque seul Claytec et Tierrafino commercialisent le pisé. L'enjeu économique passe par la banalisation de l'utilisation du pisé en construction en le rendant financièrement accessible.
Il convient néanmoins de mesurer ces propos pour le pisé dans le contexte actuel : •
•
La mise en place d’un marché concurrentiel
L'exemple de la brique de terre crue est encourageant. Les producteurs belges travaillent en circuits courts et emploient des matériaux locaux pour proposer des prix concurrentiels. Aujourd'hui supérieure de 25% au prix du marché, la brique de terre Argio devrait selon l'administrateur s'aligner sur les prix de ces concurrents au cours de l'année 2016125 ; Le développement d'un prêt à l'emploi de terre pisé sous forme industrielle nécessite peu d'étapes. L'aspect financier est davantage lié à la phase de recherche & développement du produit qu'à l'outil de production. Dans le cas de la brique de terre crue, l'investissement est plus lourd : Avec Argio, nous espérons avoir absorbé l'ensemble des frais (700.000 €) engagés dans la recherche, dans le dépôt du brevet et dans la mise au point de l'outil de production d'ici 2016126.
Il y a 3 ans, seuls les producteurs étrangers étaient présents sur le marché belge, comme Claytec, Argilus ou Tierrafino. En 2015, les fabricants belges concurrencent efficacement ces enseignes sur le marché de la brique de terre crue, des enduits et des prêts à l'emploi de torchis en proposant : • •
124 Entretien avec MOREL J-C., chercheur à l’ENTPE, réalisé par Solène Veysseyre. Source : VEYSSEYRE S., Comment développer l'usage de la terre crue dans la production architecturale française ?, rapport d'étude de troisième licence encadré par Hervé Lequay, Ecole Nationale Supérieure d'Architecture de la ville de Lyon, 2009, p. 37 125 Entretien avec Géry Despret, architecte, réalisé le 3 novembre 2014 126 Id.
Des matériaux aux qualités techniques reconnues ; Des prix plus attractifs. Les matériaux en terre crue produits à l'étranger sont généralement plus chers que les produits proposés par les entreprises belges. Cette différence s'explique essentiellement par la distance séparant le producteur du revendeur. Ce phénomène est observable pour la brique de terre crue, où les fabricants réussissent en un court délai à s'adapter au prix des matériaux étrangers.
127 Entretien croisé de Géry Despret et Jean-Baptiste de Mathieu, fondateur respectif d'ARGIO et de Isohemp, propos recueillis par Rémy Talarico. Source : TALARICO R., De l'artisanat à la semi-industrialisation « pour démocratiser le prix des matériaux », dans Les Pieds Sur Terre, décembre 2014, p. 7
82
Une approche prospective du pisé A terme, l'objectif du pisé serait de rivaliser, mise en œuvre comprise, avec le béton banché128 comme l’explique Nicolas Coeckelberghs de BC-architects & studies129.
Les entreprises exploitent aujourd’hui ces avantages du matériau dans la publicité de leurs produits, à l’instar de la S.A. Lebailly, qui met en évidence l’influence du matériau dans l’apport d’un environnement hypoallergénique et dans la baisse des ondes électromagnétiques à haute fréquence.
7.5 Avantages du pisé pour répondre aux enjeux de confort et de santé publique
On distingue plusieurs avantages du pisé pour répondre aux enjeux de confort et de santé :
La tendance actuelle montre que le consommateur s'intéresse davantage aux critères de confort et de santé publique qu'auparavant. Sophie Bronchart l'explique : Je constate lors des différentes interventions et présentations sur la terre crue auxquelles j'ai contribué, d'un réel intérêt de la part du grand public pour les enjeux relatifs au confort et à la santé [...] Les acteurs doivent considérer sérieusement ces paramètres dans leurs campagnes de sensibilisation130.
7.5.1
La régulation de l’humidité
La régulation de l'humidité participe à la qualité de l'air intérieur. Cette régulation poursuit deux objectifs : • Améliorer la qualité de l'air intérieur pour les occupants grâce à un air intérieur ni trop sec, ni trop humide ; • Protéger le bâtiment de l'humidité :
C'est en 1985 que le parallélisme entre l'habitat en terre et le bien-être de ses occupants est établi et démontré scientifiquement par une équipe de recherche chinoise. C’était la première fois qu’on établissait le parallèle entre les constructions en terre et le bien-être des ses occupants, que l’on démontrait scientifiquement l’influence de cette matière sur la santé de l’habitant. Cette étude réalisée à grande échelle mettait en exergue que les occupants de maisons en terre avaient moins de maladies de peau, de problèmes vasculaires et que somme toute, on vivait plus vieux dans ce type d’habitat. Ces observations étaient visiblement liées aux propriétés hygrométriques de ce matériau naturel131.
• • •
En réduisant les risques de condensation liés aux pics d'humidité ; En permettant une plus grande souplesse des pratiques d'aération ; En diminuant la dessiccation des éléments de construction et du mobilier sensible durant les périodes de chauffe.
L'humidité est indispensable à l'homme. D'après les recherches de Grandjean et Becker en 1975, Le taux d'humidité relative de l'air se situe idéalement entre 40% et 70%. En dessous de cette limite, l'homme se situe dans une situation d'inconfort qui peut se traduire par des symptômes plus ou moins importants.
128 Prix entre 220 et 250€/m2 d’après l’entretien avec Matthieu Rahier, responsable qualité et R&D à s.a. Prefer, réalisé le 31 mars 2015 129 Entretien avec Nicolas Coeckelberghs, architecte, réalisé
En dessous de 40%, l'inconfort se manifeste par un dessèchement des muqueuses du nez, de la gorge et des bronches, une sensibilité accrue aux odeurs, l'apparition de microfissures dans la peau qui peuvent favoriser la pénétration de microbes et donc provo-
le 2 novembre 2014 130 Entretien avec
Sophie Bronchart, architecte et coordinatrice IBGE, le 25 janvier 2015 131 Entretien avec Joseph Colzani, architecte, co-fondateur du Centre de Terre Lavalette. Source : Les Cahiers de Cantercel, Réflexion sur l’enveloppe du bâtiment, n°2 Edisud, Aix-en-Provence, 2002.
83
Une approche prospective du pisé quer des inflammations, une augmentation des germes pathogènes qui ne sont plus absorbés par l'humidité ou encore une augmentation des charges électrostatiques sur les surfaces des meubles et des murs132.
terre stocke l'humidité excédentaire, qu'elle peut ensuite restituer lorsque l'air est sec. L'efficacité de la terre à réguler l'humidité dépend avant tout de sa teneur en argile et de sa capacité d'absorption d’eau133.
Si le taux d'humidité de l'air est supérieur à 70%, l'homme ne peut pratiquement plus absorber d’humidité. Le corps humain réagit par une diminution de la résistance cutanée à l'électricité, des pertes de chaleurs localisées entrainant souvent des douleurs rhumatismales, des allergies ou encore des migraines. Ce surplus d'humidité dans le bâtiment est marqué par l'apparition de zones de condensation sur les complexes de fenêtres, sur les murs ou encore les plafonds. Une humidité élevée se répercute également sur le mobilier, les textiles et même les livres. Cet environnement favorise donc l'apparition des moisissures ou autres parasites.
Néanmoins, bien que la terre soit perméable, il est rare que le mur soit monolithique face aux exigences normatives actuelles. Les matériaux utilisés pour isoler un mur en pisé doivent être perméable à la vapeur d'eau. Un isolant ne permettant pas la transition de la vapeur d'eau entrainerait une dégradation à l'intérieur du mur et altérerait la maçonnerie en terre. Parmi ces isolants, on retrouve l’ouate de cellulose, les panneaux en roseaux, la laine de bois, la paille, le chanvre en blocs ou en laine, le liège en vrac, etc. Il est néanmoins indispensable de ventiler pour rejeter l'air vicié, contrairement à ce qui est parfois écrit ou dit sur le matériau. Le but de cette ventilation est d'évacuer les polluants intérieurs nés du fait des hommes, de leurs activités, du mobilier, des matériaux de construction, etc. L'humidité est également l'un de ces polluants.
Les problèmes d'humidité excédentaire peuvent être en partie résolus par l'usage de matériaux perspirants dans l'habitation. Ces matériaux présentent un bon facteur de diffusion de la vapeur d'eau [µ].
7.5.2
Ce coefficient de diffusion se définit par la densité uniforme du gaz ou du liquide résultant de micro-transferts engendrés par des mouvements moléculaires. Pour rappel, le pisé présente un µ sec de 5 et un µ humide de 10, sa perméabilité à la vapeur d'eau est dès lors très intéressante.
La climatisation naturelle
Un matériau à changement de phase naturel Comme l’explique Romain Anger et Laetitia Fontaine134, La terre possède la capacité intrinsèque de changer d'état physique en fonction des variations thermiques du milieu dans lequel elle se
Les murs en pisé sont d’excellents régulateurs d'humidité, qui peuvent rapidement se charger de 0,5% d'eau supplémentaire grâce à leur perméabilité́ à la vapeur d’eau. Le principe de régulation de la terre peut s'expliquer simplement : lorsque l'air ambiant est trop humide, la
133 ANGER R., FONTAINE L., MOEVUS M., Caractéristiques mécaniques, thermiques et hygrométrique du matériau terre crue : bilan de la littérature, programme C2D2,Ministère de l'Ecologie, du développement durable, des transports et du logement, CRATerre-EAG, Grenoble, juin 2012, p.75 134 ANGER R., FONTAINE L., Bâtir en terre : Du grain de
132 KUR F., L'habitat écologique, quels matériaux choisir, éd. Terre-vivante, Mens, novembre 2000, p. 21
sable à l'architecture,éd. Belin, Paris, 2009, p. 152
84
Une approche prospective du pisé trouve, à l'instar de l'eau qui se solidifie à 0°C. Cette caractéristique rend la terre particulièrement intéressante, puisqu'elle joue le rôle de climatiseur naturel. Elle peut être comparée aux MCP, terme générique utilisé pour les nouveaux Matériaux à Changement de Phase. Ces MCP résultent d'une incorporation de capsules en polymères renfermant de la paraffine dans des matériaux aussi divers que des blocs de béton cellulaire ou des panneaux sandwichs. La particularité de la cire de paraffine est qu'elle se liquéfie à une température située entre 19°C et 27°C.
férents de ceux admis pour l'eau qui assure la cohésion entre les plaquettes d'argile. La figure 70 illustre ce principe : elle est en équilibre avec l'humidité́ ambiante, et une partie de cette eau s'évapore quand la température extérieure augmente. A l’inverse, une partie de l’eau de l’air ambiant se condense dans la terre et restitue l’énergie qu’elle avait accumulée. La terre exploite le changement d'état de l'eau comme mode de transfert d'énergie [...] l'énergie échangée par un litre d'eau qui s'évapore équivaut à celle échangée par 22 kilos de paraffines qui fond !136
Lorsque le seuil de fusion est atteint, la paraffine absorbe partiellement la chaleur excédentaire de la pièce. Ces calories absorbées sont restituées dans le milieu ambiant lorsque la paraffine se solidifie, c'est à dire sous le seuil de fusion. Ces MCP permettent d'écimer les pics de température d'environs 5°C et participent donc à augmenter le confort en évitant les chocs thermiques.
La terre n'est jamais complètement dépourvue d'eau puisque elle se situe dans un état d'équilibre hydrique avec le milieu ambiant contenant de la vapeur d'eau. En effet, la terre contient environ 2% d'humidité à l'état sec, ce qui représente tout de même 15 l/m2 pour un mur en pisé de 40 cm d'épaisseur137. Il est nécessaire pour que les échanges énergétiques soient optimaux que le matériau renferme à la fois un réseau de pores de petits diamètres, permettant la condensation et l'évaporation capillaire et un réseau au diamètre plus important connecté à l'extérieur. Les deux conditions sont nécessaires : ce second réseau existe dans la terre crue, a contrario du béton de ciment ordinaire ou de la brique de terre cuite par exemple. 7.5.3
Figure 70 : Principe du changement de phase, sur base d’un schéma de LARNICOL M., Stocker de la chaleur avec les matériaux à changement de phase, GIS, février 2009
Le confort acoustique
Au XXIe siècle, les nuisances sonores sont une source d'inconfort considérable au quotidien. L'homme est très souvent confronté aux effets du bruit : au travail, dans la rue ou à son domicile. Le bruit
La différence entre les MCP et la terre s'explique par le fait qu'elle ne nécessite pas l'incorporation de ces billes puisque leur rôle est joué par l'eau contenue dans la terre. Les changements de phase admis pour l'eau à l'état naturel135 sont dif-
136 ANGER R., FONTAINE L., Bâtir en terre : Du grain de sable à l'architecture,éd. Belin, Paris, 2009, p. 153 137 ANGER R., FONTAINE L., Bâtir en terre : du grain de
135 L'eau à son état naturel change de phase à 0°C et à 100°C.
sable à l'architecture, éd. Belin, Paris, 2009, p.155
85
Une approche prospective du pisé peut avoir une influence sur la santé : stress, fatigue, anxiété,etc. Pour s'en prémunir, il existe deux principes d'isolation : le système masseressort-masse et le système dit de « la loi des masses ». Un mur en pisé obéit à ce second principe qui veut que plus un mur est lourd, meilleure est sa capacité à atténuer les bruits. Cependant, certains acousticiens belges ne connaissant que peu le matériau redoutent le réseau capillaire évoqué au point précédent qui pourrait influencer négativement la capacité isolante du matériau. Ceux-ci préconisent en effet de rendre la surface étanche, ce qui permettrait d'atteindre de meilleures performances138. Cette solution, dans le cas de la terre et a fortiori du pisé est à proscrire puisqu'elle nuirait significativement aux capacités naturelles du matériau et risquerait de compromettre l'intégrité du bâtiment. La réalité est autre, puisqu'elle atteste de la grande capacité des murs en pisé à amortir les bruits. Les tests réalisés par le CRAterre valident les observations empiriques. La terre banchée présente néanmoins une meilleure isolation aux bruits d'impacts que le béton, ainsi qu'une haute capacité d'absorption phonique139, comme l’explique Hugo Gasnier.
Figure 71 : Salle de projection du cinéma Sil Plaz, Ilanz © Hegger L.
Cependant, le phénomène est peu connu par les acousticiens locaux qui lui confèrent à tort une mauvaise capacité d'absorption. A l’étranger, l’exemple du cinéma Sil Plaz à Ilanz témoigne de la confiance des acousticiens et des concepteurs envers le matériau. Le pisé a été
Figure 71 : Section horizontale et verticale du cinéma Sil Plaz, Ilanz © Capaul & Blumenthal
utilisé à la fois pour ses caractéristiques de régulation de l’humidité et pour ses caractéristiques acoustiques par Capaul & Blumenthal Architects et le bureau d’acoustique Chur. En 1979, Patrice Doat et al. évaluent une valeur de 56 dB
138 Entretien avec Dimitri Schmitz, ingénieur-architecte, acousticien et scénographe, réalisé le 16 février 2015 139 Entretien evec Monsieur X1, employé au C.S.T.C, réalisé le 12 février 2015
86
Une approche prospective du pisé d’amortissement acoustique pour une fréquence de 500 Hz140.
par des substances chimiques aboutissant à une sensation.
Aujourd’hui, le CRAterre estime l'affaiblissement acoustique d'un mur en pisé de 25 cm d’épaisseur à 50 dB. Si on augmente l'épaisseur de ce même mur à 45 cm, l'affaiblissement sera d’environ 52 dB. Ces valeurs Rw dans les murs, dont l'unité est le dB, sont légèrement différentes pour la terre à pisé Claytec qui se base sur un calcul de l’institut SWA d'Aix la Chapelle. La valeur donnée est un Rw de 53 dB pour une épaisseur de 45 cm.
Les caractéristiques d'absorption ou d'adsorption 141 du matériau sont bien supérieures aux autres matériaux de construction traditionnels, tant pour les liquides que pour les gaz volatiles de nature organique. C'est la proportion d'argile contenue dans le mélange qui influence la capacité de la terre à capter les odeurs. Les ouvrages, et les personnes consultées, tant en Belgique qu'en France, ne m'ont pas permis d'appuyer cette caractéristique par un graphique de source scientifique. Cependant, l'ensemble des acteurs est unanime pour souligner la grande capacité des murs pisés et de la terre en générale, à capter efficacement les composants olfactifs de nature polluante. Le producteur CLAYTEC met en exergue à travers un schéma.
Comme le déclare Dimitri Schmitz, cette différence est explicable. En théorie, une paroi simple voit son isolation acoustique augmenter de 4 dB lorsqu’on double la masse. L’isolation acoustique passe donc de 50 dB à 53 dB lorsque l'épaisseur du mur est augmentée de 20 cm dans le cas présent. L'augmentation de 2 dB uniquement peut être due à plusieurs phénomènes et seuls les tests en laboratoire, comme ceux réalisés par le CRAterre, sont fiables. Un modèle de calcul théorique comme celui utilisé par Claytec ne considère pas l'ensemble des phénomènes physiques en jeu. De plus, la fréquence critique de résonance du matériau change avec l'épaisseur du matériau, ce qui peut justifier cette différence.
Figure 72 : Adsorption des gaz par les enduits d’argile © Claytec. Source : Claytec, aspect du climat intérieur, p. 21
S’il semble difficile de caractériser le pisé, ses caractéristiques acoustiques sont très satisfaisantes pour répondre aux exigences actuelles du résidentiel en Belgique.
7.5.5
La pollution électromagnétique
Le débat autour de l'influence de la pollution électromagnétique sur la santé de l'homme est toujours d'actualité. Dans la société actuelle, cette pollution électromagnétique est omniprésente. Ainsi, les
7.5.4 La sorption des odeurs Une odeur est identifiée comme le résultat de la stimulation du système olfactif
141 L'adsorption, à ne pas confondre avec l’absorption, est un phénomène par lequel des molécules de gaz ou de liquides se fixent sur des surfaces solides, comme c'est le cas pour les argiles. L’adsorption est donc un phénomène de surface, à ne pas confondre avec l’absorption qui, elle, se définit par le remplissage d’un corps poreux par un liquide sans que ce dernier soit retenu par une autre force de capillarité.
140 DOAT P., HAYS A., HOUBEN H., MATUK S. et VITOUX F., Construire en terre, Ed. Alternative et Parallèles, Coll. Architecture, Grenoble, 1979, p. 185
87
Une approche prospective du pisé charges électriques génèrent un champ électrique. Lorsque ces charges se déplacent, elles créent un champ magnétique. A haute fréquence, les deux champs sont indivisibles et désignés dès lors comme ondes électromagnétiques. Selon la fréquence de ces ondes, le corps a des réactions différentes.
de 900 MHz dans les zones accessibles au public. • En Wallonie, le décret est fixé à une puissance de 4 W/m2 avec une limite pour le champ électromagnétique de chaque antenne de 3 V/m, sans limitation du champ total. Cette norme n'entre en vigueur que pour les lieux de séjour.
Depuis 1990, plus de 25 000 études se sont penchées sur cette question et s'opposent : d'une part, celles qui affirment que ces ondes ont une influence sur la santé, et d'autre part, celles qui prônent le contraire.
• En Flandre, l'arrêté fixe une norme pour le champ rayonné total pour les antennes fixes émettant à une fréquence entre 10 MHz et 10 GHz de 20,6 V/m à la même fréquence de référence que Bruxelles-Capitale. Une norme complémentaire fixe une valeur limite d'émission de 3V/m par antenne et ce, à une fréquence de 900 MHz.
Cependant, toutes s'accordent à dire que ces champs donnent naissance, dans l'organisme, à des courants induits qui, si leur intensité́ est suffisante, sont capables de produire toute une gamme d'effets, tels que l’hyperthermie ou le choc électrique, en fonction de leur amplitude et de leur fréquence. Il est vrai que, pour produire de tels effets, l'intensité́ du champ extérieur doit être nettement plus élevée que celle à laquelle on est soumis dans un environnement normal [...] les données actuelles ne confirment en aucun cas l'existence d'effets sanitaires résultants d'une exposition à des champs électromagnétiques de faible intensité́ 142. Néanmoins, le Conseil de l'Union européenne conseille l'application de la recommandation 1999/519/CE face à l’incertitude scientifique, dans laquelle sont indiquées des limites d'exposition et des valeurs de référence. La Belgique dispose de normes strictes à cet effet : • A Bruxelles, le rayonnement des fréquences électromagnétiques total est limité par une ordonnance à 0,024 W/m2, soit 3 V/m à une fréquence de référence
Figure 73: Réduction des champs électromagnétique haute fréquence © Minke G.1
142 Organisation Mondiale de la Santé, Etudes sur les champs électromagnétiques, http://www.who.int/pehemf/about/whatisEMF/fr/index1.html [en ligne], consulté le 15 février 2015
88
Une approche prospective du pisé En fonction des régions, il existe également des limitations dans les zones résidentielles.
tiennent certains polluants radioactifs contenus dans les déchets. Les études sur les sols campinois et limbourgeois rapportées par l'Organisation mondiale de la santé montrent que l'argile limite et retarde considérablement la dispersion des radionucléides 144 dans l'environnement.
Le matériau permet de réduire sensiblement les effets des ondes électromagnétiques. La masse volumique, la densité et la proportion d'argile contenue dans un mur en pisé constituent une protection efficace contre ces ondes courantes et participent à l'augmentation du confort de vie des personnes sensibles.
En construction, une habitation située sur un sol riche en argile limitera significativement la remontée des déchets radioactifs, hautement cancérigènes, dans la mesure où ceux-ci sont présents.
L'étude faite par Gernot Minke [figure 73] montre que pour une fréquence de 2 GHz, un mur en terre crue de 24 cm d'épaisseur réduit l'intensité́ des ondes de 24 dB là où un mur en pierre de la même épaisseur n'absorbe que 7 dB143.
7.6 Avantages du pisé pour répondre aux enjeux culturels En Belgique, les enjeux culturels relatifs à la construction en pisé consistent à promouvoir les formes d'habitat écoresponsable auprès d'un large public, de sorte que celui-ci amène à plus ou moins long terme la collectivité à changer sa pensée constructive. Il est donc nécessaire que ce changement de mentalité s'opère à grande échelle.
Si la nocivité de cette pollution sur la santé n’a pas été prouvée scientifiquement à l'heure actuelle, le lobbying autour de la terre met en avant cette caractéristique, au même titre que les effets positifs sur la radioactivité des sols exposés ci-dessous. La médiatisation de l’effet de ces champs sur la santé sensibilise le public.
Les enjeux culturels relatifs au développement de la terre banchée sont avant tout liés à une transmission du savoirfaire par le biais de chantiers participatifs. Il est évident que le pisé n'est pas, pour de multiples raisons, ancré dans la culture constructive belge. Cependant, il peut s'y inscrire, par l’avènement de l’auto-construction, même s’il est nécessaire de la dépasser pour voir une émergence de la terre banchée à grande échelle.
7.5.6 La radioactivité Les laboratoires de recherches internationaux, à l'image du laboratoire de Bure en France, étudient la possibilité d'enfouir les déchets nucléaires à longue durée de vie en couches géologiques profondes, les couches d'argilites. Les particules d'argile disposent de pores où l'eau est stockée en faible quantité. La porosité des argilites, inférieure à 0,1µm, limite considérablement la circulation de l'eau qui lixivie les déchets.
Outre l’aspect financier avantageux lié au participatif, celui-ci porte en lui une revalorisation du concept de « démocratie », une réappropriation de l’habitat par le citoyen, une autre manière de penser la main d’œuvre, la transmission
Les molécules d'eau, emprisonnées dans les feuillets chargés électriquement, re-
143 MINKE G., Building with earth, design and technology of a sustainable Architecture, éd. Birkhäuser, Bâle, p. 33
144 Radionucléides ou radioisotopes : atomes dont le noyau est instable et donc rayonneur
89
Une approche prospective du pisé des compétences, la formation professionnelle, le rôle de l’architecte, de l’expert... Vaste sujet qui mériterait à lui seul une étude approfondie145. Même s'il est nécessaire de l’industrialiser pour le voir émerger à grande échelle, le pisé est avant tout un matériau de constructeur d’après Hugo Gasnier 146 . Selon lui, le pisé requiert souvent une reformulation, qui peut être transmise par un professionnel et assimilée, mais ne nécessite pas le recourt à un processus de fabrication particulier, puisqu'il peut s'agir de terre extraite sur site, mélangée à une certaine proportion de granulats dans un malaxeur147. C'est avant tout l'apprentissage de la préparation et du mélange de la terre qui est déterminant. Les maîtres-piseurs contemporains, comme Martin Rauch, Anna Herringer, les membres du CRAterre ou encore les membres de BC-architects & studies, organisent régulièrement des chantiers participatifs pour favoriser l'apprentissage de terrain des intéressés, actions incontournables pour promouvoir la construction en pisé.
145 Entretien avec Nicolas Coeckelberghs, architecte, réalisé le 15 janvier 2015 146 Entretien avec Hugo Gasnier, architecte et coresponsable de la partie Dessin Chantier au CRAterre, réalisé le 9 février 2015 147 Id.
90
Une approche prospective du pisé
«Lorsque le passé n’éclaire plus l’avenir, le présent marche dans les ténèbres.» (de Tocqueville Alexis, 1840) 91
Une approche prospective du pisĂŠ
92
Une approche prospective du pisé
8 LES OBSTACLES DE LA CONSTRUCTION EN PISE EN BELGIQUE Avant-propos Suite à l’enquête réalisée auprès des acteurs de la filière, plusieurs obstacles ont été identifiés. Parmi ceux-ci, deux familles apparaissent. D’une part, celle des obstacles s’appliquant à l’ensemble de la filière et d’autre part, celle des contraintes se rapportant essentiellement au pisé. Pour cette première, l’orientation de l’enquête était néanmoins dictée par l’objet de cette étude, le pisé. Pour simplifier l'approche, ce chapitre analysera essentiellement les inconvénients majeurs qui entravent la manifestation du pisé. Dans plusieurs pays industrialisés européens comme l'Autriche, l'Allemagne, la France ou la Suisse, certaines difficultés ont été contournées. On peut y observer des réalisations aussi diverses que des écoles, des salles de fêtes, des lieux de culte ou encore des complexes de loisirs.
93
Une approche prospective du pisé
8.1 Obstacles de la construction en terre crue
8.1.2
8.1.1 L’absence technique
Le matériau « terre crue » combiné à d’autres matériaux présente un potentiel considérable en matière de performances environnementales et de confort. Alors que le matériau brut a fait l'objet d'essais liés à la géotechnique et à la physique des matériaux qui sont aujourd'hui connus et avalisés, l’évaluation objective du potentiel des systèmes constructifs à base de terre crue reste lacunaire148. Il existe des méthodes d’évaluation et des indicateurs depuis quelques années, mais elles ne prennent pas en compte les différents systèmes constructifs.
de
capitalisation
Le manque de communication technique participe à décrédibiliser le matériau auprès du grand public. Aujourd'hui, il n'existe pas de documents de références appuyant une démarche professionnelle, ce qui complique considérablement l'émergence de la terre crue dans la construction. Cette lacune limite l'approfondissement du savoir sur les caractéristiques de la matière et de ses mises en œuvre, seule ou associée à d'autres matériaux. L'intervention des assurances conventionnelles est limitée, voire inexistante, en l'absence de modes d'exécutions reconnus.
Le référencement lacunaire
technique
Il en résulte une méconnaissance du fonctionnement du matériau et de son comportement dans un bâtiment. Les références sur le comportement structurel, hygrométrique, sismique149, etc. ne sont pas stabilisées et accusent un manque de diffusion et de reconnaissance.
Il est dès lors compliqué pour les acteurs d'engager leurs propres responsabilités. Cette carence participe également à dissuader les entrepreneurs et consommateurs désireux de s'investir dans cette technique, puisqu'aucun document de référence définissant les responsabilités de chacun et les résultats attendus ne peut être établi.
Celles-ci ne sont en effet pas collationnées au sein de documents officiels. Les atouts de la terre sont dès lors peu connus de la part des différents professionnels. Le pisé, par exemple, possède des avantages indéniables en termes d'inertie et de régulation hygrothermique qui ne sont pas exploités pour répondre à la réglementation thermique existante.
L'absence d'un cadre réglementaire normatif n'encourage pas les entreprises à expérimenter de nouvelles pratiques. Ces sociétés appréhendent les contraintes liées à un matériau situé en marge du contexte normatif, nécessitant une main d'œuvre expérimentée et conséquente.
D'autre part, cela aboutit à une méconnaissance des possibilités constructives contemporaines. Les solutions constructives en terre sont évitées par manque de formation. Il est dès lors difficile pour un maître d'ouvrage ou un professionnel de
De plus, cela empêche l'octroi d'une certification pour les entreprises souhaitant se former à ces techniques, ce qui discrédite les formations dispensées auprès des professionnels.
148 PACCOUD G., Répertoire de solutions constructives contemporaines à base de terre crue, fiche action du LABEX AE&CC, Août 2013 149 A cet effet, la réglementation sismique, qui s'appuie sur l'Eurocode 8, a élargi les zones 3 et 4 pour lesquelles une étude sismique est nécessaire. L'absence de règles de calculs sismiques appropriés à la terre risque de pénaliser ce type de construction. Cependant, le travail présenté n'intègre pas les études sismiques du matériau.
94
Une approche prospective du pisé faire le choix de ce matériau pour répondre aux contraintes de son habitation. Ce référencement technique lacunaire fige la construction en terre dans deux niches de marchés, la réhabilitation énergétique du patrimoine et l'écoconstruction.
également se manifester sur le plan de la communication, condition indispensable à la pérennisation d'une filière. L’explosion de la bulle photovoltaïque 150 , que les représentants politiques assument aujourd'hui comme un échec collectif, renforce la crainte des acteurs de la terre qui estiment que la participation directe des politiques pourrait avoir un impact négatif sur le développement du réseau en Belgique.
8.1.3 La faible capitalisation de la recherche scientifique A l'échelle internationale, des études sur le matériau sont effectuées depuis plus de 40 ans sur des sujets très divers, comme les méthodes de mise en œuvre, le suivi du comportement des constructions, la caractérisation mécanique et hygrothermique des matériaux, etc. il y a cependant une absence de visibilité sur le résultat de ces recherches, qui sont difficilement accessibles. Souvent, ces recherches ne sont pas vulgarisées et les rapports de ces études sont laborieux à trouver.
L'observation récente du cas des primes « Logement et Energie » appuie également ce constat. Depuis le 1er janvier 2015, Le Gouvernement wallon a suspendu ces surprimes à l'isolation avec des matériaux naturels, ce qui constitue une menace pour l'économie wallonne. Des entreprises151 et des emplois ont été créés suite à l'apparition de ces primes et sont aujourd'hui menacés, explique Olivier Beghin, administrateur-délégué d’Isohemp152.
La plus grande carence dans le domaine est sans doute l'absence d'une communauté internationale de chercheurs. Cette absence est défavorable à l'enrichissement de la collectivité puisque des publications sur des sujets déjà épuisés apparaissent régulièrement, sans apporter de complémentarité à l'étude déjà réalisée.
Si la terre n'est pas directement impactée par cette mesure, le parallèle peut être fait puisque les enjeux sont similaires. La suppression de la surprime sur l'isolation pourrait être une erreur stratégique incohérente tant sur le plan économique qu'environnemental pour plusieurs raisons, parmi lesquelles :
8.1.4 Le faible soutien politique
•
En 2015, les personnes interrogées dans le cadre de ce mémoire sont unanimes : l'émergence de la construction en terre passe avant tout par la démocratisation, la vulgarisation et donc l'information, qui constituent les clés pour engendrer une augmentation de la demande. L'instabilité politique ne permet pas aujourd'hui d'espérer un développement de la filière par cette voie.
La pérennité de nouvelles filières aux potentiels importants est menacée ;
150 DE DECKER C., Emily Hoyos: «L’explosion de la bulle photovoltaïque est un échec collectif», dans Le Soir, 20 mai 2014 151 En 2012, l 'appel à projet du Plan Marshall 2 Vert a permis l'émergence de matériaux innovants et de nouveaux systèmes constructifs. Les unités de production d'isolants naturels comme par exemple Isohemp, Zanzen, Pcim, Pailletech. Ces nouvelles entreprises pourraient être considérablement handicapées sans la confirmation de la surprime. 152 Entretien avec Olivier Beghin, administrateur-délégué
Alors que les aides sont jusque-là octroyées à des entreprises pour encourager l'innovation, le soutien politique devrait
Isohemp, réalisé le 4 février 2015
95
Une approche prospective du pisé •
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publics. En effet, cela permet aux entreprises de s'affranchir d'un nombre conséquent de tests de vérification des performances du produit.
L'investissement (plus de 100 000 €) de la Région dans la recherche serait à perte ; Cela constituerait un frein pour l'émergence des matériaux naturels au bilan environnemental intéressant, produits localement et n'utilisant que peu d'énergie de production ; Les mesures internationales de l'Union européenne imposent la réduction des émissions de gaz à effet de serre ; Il s'agit d'un frein pour l'innovation et la recherche concernant les matériaux de construction en Belgique, qui sont reconnues internationalement.
La licence Benor atteste qu’un produit ou un service est conforme à un référentiel de qualité technique adopté par l’ensemble des parties concernées par sa mise sur le marché. Ce référentiel une fois adopté se retrouve dans un document normatif, appelé Prescriptions Techniques. [...]Elle certifie la conformité des produits et services qu’elle vise aux exigences nécessaires pour atteindre les niveaux de qualité requis tels que déterminés par l’ensemble des parties concernés par un processus de production, de construction ou de service153.
A cette liste non-exhaustive peut s'ajouter l'effet papillon que cela engendre sur l'économie puisque les consommateurs, derniers maillons de la chaîne, seront moins encouragés à investir dans ces matériaux dans le contexte de crise actuel.
D'autre part, l'agrément technique, connu en tant que déclarations de qualité sous la marque « ATG » pour la Belgique et « ETA » pour les spécifications techniques européennes harmonisées. Le label ATG signifie que le produit ou le système de construction bénéficie d'une appréciation favorable confirmée dans le texte d'agrément technique correspondant154.
Le scepticisme quant à l'éventualité de créer une surprime « matériau naturel », où la terre et a fortiori le pisé auraient leur place, est perceptible chez les acteurs.
L'agrément technique est délivré par l’UBAtc155. Le marquage ETA permet à l'instar des normes ISO la libre circulation d'un produit en Europe.
Il est dès lors nécessaire pour les fabricants de matériau en terre crue de s'installer sur le marché de la construction durablement sans l'apport de ces aides. Si la création d'une surprime concernant l'emploi de matériaux naturels peut s'avérer très positive pour le pisé, celleci ne peut pas aujourd'hui être envisagée sereinement.
Très souvent, le marquage Benor est obligatoire pour obtenir un marché public en Belgique. Or, aucun mélange de terre à piser prêt à l'emploi ne possède de certification de ce type ou d'ATG en Belgique, contrairement à la France où
8.1.5 Les certificats Benor et A.T.G Il est nécessaire pour pouvoir assurer le développement continu d'une filière pisé de certifier les mélanges à travers une garantie de qualité reconnue. La certification d'un matériau présente un avantage certain dans le contexte des marchés
153 BENOR, La licence Benor, http://www.benor.be/ menu. asp?id=847&lng=fr&m=0 [en ligne], consulté le 15 février 2015 154 CSTC, Agrément Technique, http://www.cstc.be/home page/index.cfm?cat=services&sub=atg, [en ligne], consulté le 15 février 2015 155 UBAtc : Union Belge pour l'Agrément technique dans la construction.
96
Une approche prospective du pisé le CRAterre a fait validé un ATEx156 de type A auprès du CSTB 157 . Il est peu probable qu'un jour le pisé et plus largement le matériau terre, bénéficient de la marque Benor, d’après Matthieu Rahier158.
dès lors nécessaire de l'intégrer aux parcours de formation dans le cadre de cours attachés à l'étude des matériaux pour instaurer une confiance envers ces matériaux. 8.1.7
Dans le marché privé, les architectes peuvent indiquer dans le cahier des charges que le matériau doit disposer de ce type de certification, ce qui est une entrave à l’emploi du matériau.
Le manque de lisibilité des formations
Le faible soutien institutionnel pour mettre en place des modules d'apprentissage dans les organismes aptes à dispenser des formations sur la terre est réel. Il n'existe pas de certifications ou de diplômes reconnus ce qui rend la portée de ces formations relative. Dès lors, un travail en amont est nécessaire pour assurer la pérennité et la valorisation du travail accompli. Cependant, il n'existe pour l'heure aucune démarche globale en Belgique à ce niveau.
8.1.6 Le manque de présence du matériau dans l’enseignement La connaissance sur la terre est absente dans l'enseignement. Bien souvent, les professeurs et formateurs ne disposent pas du savoir nécessaire pour enseigner la construction en terre. Cependant, ce type de construction majoritaire à l'échelle mondiale existe depuis plus de onze millénaires, et les techniques ne cessent de se moderniser à travers la recherche. Cette lacune témoigne du manque de coordination et de capitalisation du savoir, nécessaires à la diffusion des acquis.
La création d'une base de données référençant les offres de formation sur la terre crue participerait à rendre ces dernières plus lisibles, plus accessibles et mieux ciblées. Une autre raison de cette lacune découle du faible financement des diverses associations s'intéressant au matériau. Toutefois, même si le manque de fond public adressé directement aux formations est observable, l’ASBL Nature et Progrès disposaient de financement de la part de la Région wallonne pour dispenser des formations sur la terre crue. Actuellement, l'association utilise les subsides communautaires pour délivrer des formations théoriques.
La construction en terre crue n'est ni abordée aux études secondaires, ni dans l'enseignement supérieur ou universitaire. A l'exception de quelques professeurs, sensibles à la question, qui proposent un éveil sur ces techniques, aucune unité pédagogique ne consacre de cours à cette catégorie de matériau. Cette situation fragilise l'acceptation de la terre dans la culture du bâti. Il apparait
Les exemples étrangers montrent qu'il est nécessaire de développer une démarche d'anticipation pour encourager et répondre à une demande.
156 L'ATEx de type "a" vise un produit ou un procédé appliqué sur différents chantiers pendant une durée limitée et une quantité totale déterminée. Source : CSTB, Appréciation Technique d'Expérimentation (ATEx), http://www.cstb.fr/ evaluations/atex.html, [en ligne], consulté le 22 mars 2015 157 Entretien avec Hugo Gasnier, architecte et coresponsable de la partie Dessin Chantier au CRAterre, réalisé le 9 février 2015 158 Entretien avec Matthieu Rahier, responsable qualité et
Les formations propres au mode constructif du pisé se répandent néanmoins, même si elles restent peu nombreuses. A l'instar d'Argio pour la mise en œuvre de la brique, Druwid propose des
R&D s.a Prefer, réalisé le 31 mars 2015
97
Une approche prospective du pisé workshops d’apprentissage de la technique.
mais surtout le béton dont l'essor coïncide avec cette période.
D'autres initiatives, comme celle de Sophie Bronchart au festival Couleur Café en 2002, offrent également une première approche des techniques au grand public. Néanmoins, le cluster éco-construction, sensible au matériau, organise des stages de formations courtes. A cet effet, une formation sur le pisé, dirigée par Michael Thonnës, est organisée la journée du 23 avril 2015. Cette démarche témoigne de l'intérêt du réseau professionnel pour la technique.
Ces matériaux font aujourd'hui partie intégrante de la culture constructive belge et il est difficile pour les autres matériaux de s'y faire une place. Le manque d'information de la population, souvent peu sensible aux matériaux utilisés et à leur impact sur l'environnement ou sur le confort intérieur, participe à pérenniser cette situation, avec tous les risques que cela implique. D'autre part, la faible culture générale sur l'architecture en terre oblige les acteurs à justifier et à rassurer les maîtres d'œuvre de façon permanente. Il est dès lors impératif que les intervenants soient engagés et compétents.
Deux formations ont eu lieu dans le but de sensibiliser strictement les professionnels de la construction. En 2012, l'agence BC studies organisait un atelier pour réaliser un pavillon de chasse à Alost. Celui-ci était réservé aux architectes et étudiants en architecture. Par cet atelier, l'objectif était de les familiariser avec un matériau, une technique et des détails constructifs qu'ils connaissaient peu, tout en répondant de manière pratique à certaines appréhensions.
Les exigences de plus en plus importantes en matière de construction et a fortiori d'habitation encourage le maître d'ouvrage et l'architecte à s'informer. Néanmoins, la méconnaissance du matériau occasionne une demande limitée pour le gros œuvre. De plus, le manque de connaissance des élus, des particuliers et des professionnels quant aux possibilités d'emploi et d'utilisation du matériau en construction contemporaine contribue à affaiblir cette demande.
En octobre 2013, ce bureau organisait un workshop pisé à Haaltert exclusivement réservé à des entrepreneurs. Cinq entreprises s'inscrivaient à cet atelier dont l'aboutissement était la réalisation de quatre murs préfabriqués avec la terre du site.
Enfin, la réticence des entrepreneurs à mettre en œuvre le pisé est un obstacle majeur dans l'émergence d'une culture du bâti. Cette réticence peut s'expliquer par la méconnaissance du matériau, de sa mise en œuvre et les risques d'assurance que cela implique aujourd'hui. Cette technique ne peut pas être comparée aisément au béton, puisque leurs caractéristiques esthétiques, portantes et de mise en œuvre diffèrent.
8.1.8 La culture constructive inadaptée La rupture occasionnée par le contexte historique est perceptible puisqu'il existe une discontinuité entre les logiques vernaculaires et l'adaptation contemporaine des systèmes constructifs. Au sortir de la guerre, la terre crue est délaissée au profit de matériaux industrialisés répondant aux impératifs de reconstruction rapide, comme la brique, 98
Une approche prospective du pisé 8.1.9 La dévalorisation des matériaux en terre crue La majorité de la collectivité fait du facteur financier son premier critère de choix. Moins sensible aux questions écologiques et environnementales, celle-ci se tourne davantage vers des modes constructifs et des matériaux conventionnels, gages de sécurité et souvent moins onéreux. On observe une dévalorisation de l’architecture de terre crue qui, tant sur le plan social que psychologique, entrave le développement de la filière. La conscience collective envisage à tort la terre crue comme un matériau de construction désuet, avec une connotation de pauvreté́ et d’infériorité́ . En Europe, à l'exception de certaines régions, la réticence culturelle est perceptible. Cependant, par le travail de certains acteurs, à l'image de Martin Rauch et du CRAterre, l'architecture de terre est revalorisée. L’esthétique du pisé permet de redonner une dignité au matériau, comme l’explique Hugo Gasnier159. En Belgique, cette réticence peut s'expliquer par la jeunesse du marché. Bien que Claytec se soit installé sur le territoire il y a plus de vingt ans, la publicité autour de ces produits reste très localisée. Le développement des produits de terre crue belges relayé par les médias ainsi que leur présence dans des salons importants comme Batibouw participent à l'information du consommateur. Leur présence dans les salons de la construction est néanmoins trop jeune pour établir un bilan (deux éditions).
159 Entretien avec Hugo Gasnier, architecte et coresponsable de la partie Dessin Chantier au CRAterre, réalisé le 9 février 2015
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Une approche prospective du pisé
Figure 74 : Erosion de source humaine © Urio O. et Fernandez J.
76
Figure 75 : Erosion climatique, Baschuns © De Francesco A.
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Figure 76 : Angle chanfreiné, Alost © BC-studies
Une approche prospective du pisé cimentaire provoque également des dégradations. L'action du gel est également un problème. Lors de températures négatives, l'augmentation du volume d'eau favorise la création de cristaux de glace dans les pores les plus importants. Ces cristaux créent un déséquilibre : l'eau contenue dans les réseaux capillaires fins migre vers les réseaux où l'eau est à l'état solide. Les pressions engendrées peuvent occasionner des fissures locales. La mise en œuvre traditionnelle du pisé se faisait au printemps ou à l'automne pour éviter les périodes où le taux d'humidité plus élevé161 contenu dans la terre augmente les risques pour le gros œuvre.
8.2 Obstacles de la construction en pisé 8.2.1 La fragilité du pisé La terre pour le gros ouvrage est un matériau fragile, sensible à l'érosion née du fait de l’homme ou de l’action du temps. Sa faible résistance à l'eau nécessite une bonne connaissance du matériau et de sa mise en œuvre. Dans une région comme la nôtre, où le climat est tempéré humide, cette donnée est à considérer avec circonspection. En ouvrage apparent extérieur, l'érosion est un phénomène inévitable, qui participe à la vie de la réalisation. Celle-ci s'observe particulièrement aux angles, c'est pourquoi certains concepteurs optent pour des angles chanfreinés [figure 75]. Des systèmes permettent de la contrôler.
Aujourd’hui, les matériaux employés en façade doivent impérativement se conformer aux normes qui imposent une grande résistance à l'action de l'eau et du gel, ce qui est défavorable au pisé. Cependant, le résultat des recherches réalisées pour le Centre d’Interprétation du Patrimoine Archéologique de Dehlingen montrent qu'en cas de gel, les vides constituant la porosité du matériau ont une grande influence, selon le CRITT162 matériaux Alsace et Nadège Frey. Pour le projet cité, la porosité est de 34% (valeur mesurée sur échantillon). D’après le résultat des recherches, l’augmentation du volume de l’eau liquide transformée en glace serait compensée par les vides dus à la porosité du matériau. Aucune influence géométrique ou structurelle ne serait donc à déplorer163.
Figure 75 : Angle chanfreiné
D'autres actions160 sont néfastes à la vie du mur et peuvent altérer ses caractéristiques ou même sa stabilité. Plusieurs réponses permettent de se prémunir de l'action de l'eau, comme la stabilisation qui contribue à augmenter la résistance à l'eau ou l'application de l'adage populaire « des bonnes bottes et du bon chapeau ».
161 Lors de son cycle de vie, la terre sera constituée d’environ 12% d’eau à sa mise en œuvre. Cette teneur en eau descendra à 5 ou 6% après quelques mois pour finalement se stabiliser à 1 ou 2% au bout de quelques années. Le pisé est un matériau constitué de pores et d'une faible quantité d'eau. 162 Centre Régional d’Innovation et de Transfert de Technologie 163 Nunc architectes sur base des conclusions de FREY N., Détermination des caractéristiques thermiques et hydriques du pisé, simulations numériques et expérimentales de son comportement face à la migration d'humidité, Projet de fin d'études en génie climatique et énergétique, sous la direction de Alain Triboix, INSA Strasbourg, Strasbourg, 2011
L’action chimique de certains sels et gaz suite à une dissolution sur la matrice 160 Voir chapitre 3.3.1
101
Une approche prospective du pisé
63
Figure 76 : Coffrage métallique type Doka, mise en œuvre du pisé, Haaltert © Coeckelberghs N.
102
Une approche prospective du pisé La capacité portante du pisé
œuvre délicate. D’autre part, il est impératif de travailler avec des coffrages robustes pour éviter tout mouvement des murs, comme l'exprime Nicolas Coeckelberghs : lors de la réalisation de la petite tour en pisé à Louvain, le coffrage a bougé pour l'un des murs. Nous avons été obligés de recommencer l'entièreté de la paroi. C'est inévitable, lorsque les banches bougent, la stabilité du mur s'en trouve trop affaiblie168.
La capacité portante de la terre est nettement inférieure à celle du béton. Alors que la résistance mécanique à la compression du pisé varie de 1 à 3 N/mm2 lorsqu’il n’est pas stabilisé, celle d'un béton normal164 se situe entre 8 N/mm2 pour un béton C8/10 et peut atteindre 60 N/mm2 dans le cas d'un béton C50/60. Le béton couramment utilisé dans la construction à une résistance en compression de 30 N/mm2, soit presque quatre fois supérieure au pisé. Toutefois, les épaisseurs dans lesquelles sont mis en œuvre les murs en terre permettent d'augmenter le coefficient de sécurité en compression jusque 10, selon Bui QuocBao165.
8.2.2
Le prix du matériau
Aujourd'hui, le coût des matériaux naturels ne rivalise pas avec celui de leurs équivalents issus de l'industrie mondiale. Le pisé en Belgique, à l'image des autres matériaux en terre, reste cher par rapport à son équivalent dans la construction, le béton.
A l'instar du béton, la résistance à la traction de la terre est faible. Cependant, celle-ci ne peut pas encore être corrigée par l'apport d'acier dans le cas de murs porteurs puisque l’adhérence entre les deux matériaux est mauvaise, comme l’explique Nicolas Coeckelberghs166. Les coefficients de dilatation thermique du béton et de l'acier sont très proches, ce qui explique en partie pourquoi ces deux matériaux peuvent être associés pour former un béton armé.
Pour comprendre ce qui influe sur le prix du pisé, un estimatif169 est présenté en annexe. D’après cette estimation des coûts, à moins de concevoir un projet utilisant plus de 60 m2 de terre pisée, le prêt à l’emploi reste plus accessible que l’utilisation de la terre du site. Cependant, l’investissement pour l’achat d’une terre dans le commerce est conséquent en Belgique puisque le secteur n’est pas concurrentiel. Le prix au mètre cube d'un mélange est trois fois supérieur à celui du béton. Le revendeur officiel Claytec propose le big bag de terre « naturelle » à 230,27 €. Ce produit est le moins onéreux dans leur gamme de pisé, or un big bag permet de réaliser environ 0,6 m3. Ce prix ne comprend pas la main d’œuvre.
La manutention du pisé La fragilité du matériau est aussi une contrainte importante lors de la manutention. D’une part, le pisé est un matériau lourd 167 , ce qui rend sa mise en 164 KIND-BARKAUSKAS F., KAUHSEN B., POLONYI S., BRANDT J., Construire en béton, Presse Polytechniques et Universitaires Romandes, traduction française d'une publication des éditions DETAIL par Jean-Pierre Leyvraz et Xavier Belorgey, Lausanne 2006, p.50 165 BUI Q.-B., Stabilité des structures en pisé: durabilité, caractéristiques mécaniques, Thèse de doctorat en Génie Civile, sous la direction de Jean-Claude Morel et Stéphane Hans, Institut National des Sciences Appliquées de Lyon, Lyon, p. 6 166 Entretien avec Nicolas Coeckelberghs, architecte, réalisé le 2 novembre 2014 167 Voir le chapitre sur les propriétés du pisé.
Le prix du prêt à l’emploi actuellement disponible est difficilement explicable 168 Id. 169 Annexe 2
103
Une approche prospective du pisé lorsque l'on met en parallèle le caractère local de la fabrication, la faible consommation énergétique nécessaire à celle-ci et le nombre d'intermédiaires entre l'acheteur et le producteur. La production de cette terre se fait exclusivement à Viersen, non loin de Düsseldorf, à 120 km de l’importateur officiel. Les coûts liés au transport n’influence dès lors que peu le prix exercé sur le produit.
L'objectif réaliste serait d'en faire un matériau capable de concurrencer le prix du béton apparent coulé. Ce béton monolithique peut raisonnablement être évalué à 250 €/m2 avec la mise en œuvre comprise. Le plus souvent, celui-ci est utilisé pour la réalisation d'ouvrages publics ou de murs dans quelques habitations privées. Les fabricants de B.T.C et d'enduits pourraient aisément, grâce à leurs infrastructures et leurs connaissances des carrières, proposer un pisé belge sur le marché. A l'image de ces fabricants, les argilières ou les entreprises de terrassement 170 sont aptes à développer un mélange standardisé à partir de la terre locale. Le mélange prêt à l’emploi n'est pas à craindre. Il pourrait paraitre a priori beaucoup moins écologique que la reformulation sur site, cependant il demandera beaucoup moins d’énergie grise que le béton, tant pour sa production que pour sa mise en œuvre. De plus, le matériau terre est réutilisable à l’infini et permet de ne pas épuiser les ressources, contrairement au béton qui lui ne permet qu’un « downcycling »171.
Figure 77 : Big bag de 1m3 de terre pisé © Claytec
Aucune explication n’a pu être obtenue. Toutefois, ce prix peut se justifier par la demande encore faible des consommateurs et par le retour sur investissement dont ont besoin les producteurs.
8.2.3
Le coût de la main d’œuvre
Le coût de la main d'œuvre en Belgique est cher.
Nicolas Coeckelberghs estime que contrairement à la brique de terre crue, qui reste abordable et qui pourrait bientôt concurrencer significativement la brique de terre cuite, le pisé est actuellement un produit de luxe.
Le coût horaire moyen de la main d’œuvre lors de la dernière étude intégrant l’ensemble des secteurs économiques publiée par Eurostat s’élevait à 38,0 €, soit 8,7 €/h en plus que la moyenne de la zone Euro.
D’après l’architecte, il est peu probable que ce matériau devienne à l'avenir un matériau démocratique permettant d'ériger des habitations entières. Selon lui, l'erreur serait de comparer le coût d'un mur en pisé à celui d'un mur porteur réalisé en maçonnerie ou en ossature bois, permettant de construire une habitation complète.
En Europe, seul le Danemark (40,1 €) possède un coût horaire supérieur à celui de la Belgique, premier pays de la zone Euro dans ce domaine. 170 Voir le chapitre sur les producteurs, société Hermans Marc 171 Entretien avec Nicolas Coeckelberghs, architecte, réalisé le 2 novembre 2014
104
Une approche prospective du pisé Pour le secteur de la construction, le coût d’un ouvrier belge est évalué à 33,6 €/h alors que la moyenne en zone Euro s’élève à 26,3 €/h, soit une différence de 7,3 €/h. Par rapport à 2008, le coût de la main d’œuvre en Belgique a connu une croissance de 15,7 % et représente la troisième augmentation la plus importante de la ZE18.
La mise en œuvre de la terre banchée, contrairement à d’autres techniques en terre sollicite une logistique, une organisation et un équipement adapté. L’outillage nécessaire à la mise en œuvre est proche de celui du béton. Les compétences nécessaires sont ainsi comparables à celle d’un professionnel de la construction conventionnelle. Pour la réalisation d’un ouvrage important (ex : ±150 m2), un grutier est indispensable, au même titre que deux coffreurs habitués à manipuler des coffrages modulaires ou encore un conducteur de Bobcat pour augmenter la rapidité d’exécution selon Hugo Gasnier174. De plus, l’architecte responsable de la partie chantier au CRAterre met en évidence la nécessité d’un suivi de la réalisation par un professionnel maîtrisant la technique des murs banchés.
De surcroît, la composante non-salariale, qui intègre les cotisations sociales, a fortement contribué à cette augmentation puisqu’en Belgique la croissance est de 4,9 points. A titre de comparaison, l’augmentation est de 2,7 points pour la zone Euro. Le mode de financement de la sécurité sociale explique en grande partie ces coûts élevés et se répercute également sur le prix du produit. La qualité de celle-ci n'est pas à remettre en cause. Le problème est avant tout lié aux larges contributions perçues sur le travail.
Toutes ces raisons participent à faire du pisé un matériau onéreux dans un contexte économique qui lui est austère.
Bien entendu, cette observation ne se répercute pas uniquement sur les prix pratiqués pour la mise en œuvre du pisé, mais touche l'ensemble des activités économiques. En revanche, elle justifie en partie les prix élevés pour la réalisation d’un ouvrage en pisé.
8.2.4
L’auto-construction
Lorsque le coût du pisé est analysé, il est évident que la participation de la main d'œuvre est élevée par rapport au matériau lui-même. L'auto-construction peut apparaitre dès lors comme une alternative intéressante.
En effet, la mise en œuvre de la terre selon cette technique est importante. Avec le CRAterre, on estime le rendement du pisé à 2,5 m3/jours pour deux ouvriers172. Ici, Hugo Gasnier présente le rendement de deux ouvriers qualifiés. Pour deux murs de mêmes dimensions, l'entrepreneur Hermans Marc estime lui que l'ouvrage en pisé prend au moins 30% de temps en plus que son homologue en béton.173
Le coût de la main d'œuvre réalisant aujourd'hui des ouvrages en pisé sur le territoire est estimé à 40 €/h H.T.V.A, à un rendement moyen de 2,5 m3/jour. L'investissement en main d'œuvre et en temps est donc conséquent et l'autoconstruction permet de réduire ces coûts. L'inconvénient de la non-assurabilité d'éléments réalisés sur site, qui sont
172 Entretien avec Hugo Gasnier, architecte et coresponsable de la partie Dessin Chantier au CRAterre, réalisé le 9 février 2015 173 Entretien avec Marc Hermans, administrateur-délégué de
174 Entretien avec Hugo Gasnier, architecte et coresponsable de la partie Dessin Chantier au CRAterre, réalisé le 9 février 2015
l’entreprise terrassière Hermans Marc, réalisé le 9 février 2015
105
Une approche prospective du pisé exempts de tests préalablement réalisés par un organisme de contrôle, constitue un frein majeur pour les maîtres d'ouvrage. De plus, la motivation économique des auto-constructeurs peut être dénuée de sens puisque ces tests sont onéreux (plus de 2000 €). Dans le cadre de l'auto-construction, il est plus intéressant d'utiliser une terre commercialisée lorsque l'ouvrage est inférieur à 60 m2, comme l’illustre l’estimatif présenté en annexe 2.
8.2.6
La réglementation P.E.B
Depuis 2010, le certificat P.E.B est obligatoire en Belgique suite à la directive européenne 2010/31/UE. Le coefficient de transmission thermique d'une paroi est noté ''U'' (ou anciennement ''k'') et caractérise la quantité de chaleur traversant une paroi en régime permanent, par unité de temps, par unité de surface et par unité de différence de température entre les ambiances situées de part et d'autre de ladite paroi177. Le coefficient de transmission thermique, exprimé en W/m²K, est l'inverse de la résistance thermique totale (RT) de la paroi. Ces coefficients U sont contrôlés dans le cadre de la PEB, et permettent également de déterminer le niveau K178. Depuis janvier 2014, le Umax pour une paroi en contact avec tout environnement, à l’exception d’un vide sanitaire, d’une cave et du sol est passé à 0,24 W/m2K. Le niveau K a été renforcé à K35 pour les bâtiments neufs ou assimilés, à l'exception des bâtiments industriels.
8.2.5 La difficulté à normaliser la technique et le matériau Le pisé, contrairement à la brique de terre comprimée par exemple, est difficile à normaliser. Les résultats obtenus par rapport à la caractérisation d'un pisé ne sont pas applicables à tous les cas puisque ce dernier dépend de plusieurs variables : la nature de l'argile, de la courbe granulométrique et de la mise en œuvre. Il en va de même pour sa caractérisation mécanique. En Belgique, la plupart des tests normés auxquels est soumise la terre proviennent d’autres disciplines, comme les bétons et les revêtements routiers. Aucune norme n’a encore été fondée pour le pisé ou la terre crue175. La terre doit dès lors être évaluée sur base de tests existants, ce qui rend compliqué sa normalisation.
On a vu que pour un mur en pisé de 40 cm monolithique, la résistance thermique se situe entre 0,28 m2K/W et 0,49 m2K/W, ce qui donne une valeur U située entre 2,04 W/m2K et 3,57 W/m2K, très insuffisante pour répondre aux exigences de la PEB. Le principal objectif de la méthode de calcul PEB est de proposer une évaluation globale de l’efficacité́ énergétique des bâtiments, soit davantage une con-
L’importance de la normalisation dans l’évolution du pisé et de la technique est fondamentale mais constitue un frein aujourd’hui. De plus, L’adoption de règles professionnelles serait décisive pour augmenter le nombre de constructions, Comme l’explique Hugo Gasnier176.
177 Energie +, Le coefficient de transmission thermique "U", http://www.energieplus-lesite.be/index.php?id=16892, [en ligne], consulté le 2 avril 2015 178 En isolation, le niveau K définit l'isolation thermique globale d'un bâtiment. Plus il est petit, meilleur est l'isolation. Le niveau K est déterminé par les caractéristiques d'isolation thermique des éléments de construction et la compacité du bâtiment. source: Energie+, le niveau K, http://www.energiepluslesite.be/energieplus/page_15293.htm, [en ligne], consulté le 7 mars 2015
175 Entretien avec Géry Despret, architecte, réalisé le 4 avril 2015 176 Id.
106
Une approche prospective du pisé sommation théorique qu’une consommation réelle.
D'autre part, la certification de performance énergétique n'intègre pas l’analyse du cycle de vie des matériaux, soit l'énergie nécessaire à l'extraction, au transport, à la transformation de la matière première, à la fabrication, à la mise en œuvre, à l'entretien et au recyclage du produit. Cette énergie grise n'est pas comptabilisée, ce qui est défavorable aux matériaux comme le pisé. L'évaluation du confort thermique est également inexistante. Ce confort est essentiel puisqu'il détermine de nombreux éléments comme les besoins en chauffage ou en ventilation.
Les études bibliographiques 179 ont mis en évidence le fait que l’évaluation de la résistance thermique n’est pas suffisante pour déterminer les performances thermiques du pisé. En effet, d’après David Baggs, Neal Mortensen, Matthew Hall ou encore Chris Reardon, la faible résistance thermique du pisé peut être compensée par sa grande masse thermique. Les chercheurs ont dès lors proposé d’intégrer l’utilisation de la masse thermique dans l’évaluation de la performance thermique. Si ces études ont majoritairement été réalisées dans des climats différents de celui de la Belgique, Bui Quoc-Bao explique dans sa recherche sur la stabilité des structures en pisé que la performance maximale de la masse thermique du pisé est apportée dans un climat tempéré, où la température élevée en journée est sensiblement identique à la température intérieure du bâtiment.
8.2.7
L’isolation thermique
Dans un contexte où l'isolation thermique semble inévitable, plusieurs études ont été effectuées en Europe. Parmi celles-ci, celles des professeurs Steve Goodhew et Richard Griffiths182 et Matthew Hall et David Allison183 ont été menées pour adapter le pisé aux standards d'isolation actuels. Les résultats de leurs études montrent que le pisé peut être adapté aux règlementations énergétiques.
Toutefois, il est compliqué d'intégrer actuellement la masse thermique dans la réglementation, même si de plus en plus d’outils en permettent l’estimation. Il semble toutefois difficile de s’affranchir de l’isolation dans le contexte actuel.
De surcroît, ces recherches démontrent que malgré l'incorporation d'un isolant thermique, la consommation énergétique dans l'étape de construction reste nettement inférieure (40-60%) par rapport aux consommations des constructions conventionnelles.
En France, les scientifiques de l'Ifsttar180 et de l'ENTPE ont établi en 2013 un programme de recherche sur le comportement du pisé. L'objectif de ces recherches était de modifier les logiciels de calcul thermique pour prendre en compte les caractéristiques particulières et uniques du matériau lorsque l’ouvrage à isoler est en pisé181.
un-mur-en-pise-une-heresie [en ligne], consulté le 20 février 2015 182 GOODHEW S., GRIFFITHS R. Sustainable earth walls
179 Voir point 7.3 180 Institut français des sciences et technologies des transports, de l' aménagement et des réseaux 181 Entretien avec Erwan Hamard, ingénieur au département
to meet the building regulations. dans Energy and Buildings, n°37, 2005, p. 451–459 183 HALL M., ALLISON D., Assessing the effects of soil
matériaux groupe GPEM de l’Ifsttar. Source : MIGET S., Isoler un mur en pisé, une hérésie ?, Recherche & Développement, Le Moniteur, http://www.lemoniteur.fr/183recherche-developpement/article/actualite/17623527-isoler-
grading on the moisture content-dependent thermal conductivity of stabilised rammed earth materials, Applied Thermal Engineering, vol. 29, n°4, mars 2009, pp. 40-747.
107
Une approche prospective du pisé
Figure 78 : Réalisation d’un mur composite en pisé, Dehlingen © Nunc architectes
Néanmoins, si l'isolation des murs en pisé permet de satisfaire aux normes et de répondre positivement aux enjeux du développement durable, elle engendre une augmentation considérable de l'épaisseur du mur. Cette assertion est d'autant plus vraie si l'isolant est positionné dans une coulisse centrale. Il est en effet difficile de réduire l'épaisseur du mur à moins de 80 cm. Cette donnée réduit considérablement les champs d'application de la technique. Dans l'habitation, la course au gain du centimètre est une réalité face aux standards actuels (figure,...).
Figure 79 : Plan du projet de Dehlingen © Nunc architectes
Figure 80 : Comparaison des épaisseurs de paroi de Dehlingen et de Marsac-enLivradois
Figure 81 : Composition de paroi, Marsac-enLivradois © Bouchet B.
108
Une approche prospective du pisé 8.2.8 Autres obstacles identifiés D'autres obstacles ont été identifiés au court de l'enquête, la plupart d'entre eux sont énoncés tacitement dans l'étude. Parmi ceux-ci, on peut citer : •
•
• •
•
Manque de synergie entre les chercheurs et les entrepreneurs. Les premiers souhaitent des résultats immédiats pour pouvoir exercer, or la recherche nécessite un temps plus long ; Manque d'ouverture d'esprit des entrepreneurs face aux filières alternatives ; Manque de reconnaissance des formations ; Dévalorisation de certains modes constructifs au profit des architectures à ossatures bois, très médiatisées ; Nécessité d'un engagement « activiste » pour faire face aux différents obstacles.
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Une approche prospective du pisĂŠ
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Une approche prospective du pisé
9 PERSPECTIVES DE DEVELOPPEMENT DE LA CONSTRUCTION EN PISE EN BELGIQUE Avant-propos La mise en évidence de ces contraintes met en perspective de nouveaux enjeux techniques, sociaux, culturels et politiques pour la filière terre et a fortiori pour le pisé. Ce chapitre propose tout d’abord une approche des conditions existantes favorables à l’émergence de la terre banchée, établies à partir de l’étude bibliographique et des divers entretiens. Ensuite, dans une logique itérative, des perspectives d’actions pour la filière sont suggérées. Celles-ci sont appréciées par l’exemple du pisé, objet de la question.
111
Une approche prospective du pisé
9.1 Conditions favorables au développement du pisé 9.1.1
La diversité d'usage
Pour rendre le matériau accessible au plus grand nombre, son intégration doit se faire progressivement. Il apparaît anticipé d'imaginer construire un bâtiment entier en terre pisée sur notre territoire sans la mise en place de chantiers participatifs. L'étendue des applications du pisé sont néanmoins nombreuses et peuvent participer à son acceptation dans la culture du bâti. Cette technique peut être utilisée pour la réalisation de poêles de masse, de chapes, de cloisons intérieures, de murs porteurs intérieurs ou extérieurs.
Figure 82: Mur trombe à Beauraing © Bronchart.S.
Figure 83: Poêle masse à Winsler © Thönnes M..
9.1.2
De nouvelles réponses techniques
Le prêt à l'emploi Les matériaux prêts à l'emploi offrent un mélange de terre à pisé garantissant une qualité constante de la matière. Figure 84: Application sable de quartz sur dalle pisé ©DMOA
Ce marché est très utile à la diffusion du pisé en Belgique puisque cette matière peut être utilisée par un entrepreneur sans que celui-ci ne dispose de formation aboutie, à l'instar du DSA proposé par le CRAterre. L'organisation du chantier sera facilitée puisque les étapes de reformulation sont économisées. Ces produits commerciaux participent également à rassurer les maîtres d'ouvrages. De surcroît, cette option est aujourd'hui la plus adaptée au marché puisque l’utilisation de mélanges prêts à l’emploi pour des projets inférieurs à 60 m2 est toujours la solution la moins oné-
Figure 85: Cloison intérieure © BC architects & studies
112
Une approche prospective du pisé reuse184. Le marché du prêt à l'emploi est un marché nécessaire à la diffusion du pisé en Belgique.
standardisation d'un produit de pisé et la planification précise des coûts, des délais et des procédés de construction. A cet effet, l’architecte Gilles Perraudin estime qu’une piste est peut-être la préfabrication de blocs de pisé pour sortir le matériau de la confidentialité185.
La société́ de terrassement Hermans Marc située à Riemst se montre déterminée à développer un mélange certifié de terre à piser prêt à l'emploi. Aujourd'hui, elle produit pour des projets spécifiques des mélanges de terre.
La préfabrication, à l'instar des prêts à l'emploi, offre également des avantages par rapport à la garantie décennale de l'architecte, puisque l'entreprise peut garantir la qualité de son produit par une agréation du processus de fabrication répondant aux normes et par une fiche technique du produit. Les risques sont dès lors minimisés pour l'ensemble des acteurs.
Les éléments préfabriqués En Belgique, le pisé ne représente actuellement qu'une faible partie du marché de la terre crue. Cependant, la construction d'éléments préfabriqués en terre banchée se répand en Europe. Le producteur étranger Claytec, qui exporte sa terre en Belgique, propose depuis 2014 des murs préfabriqués en atelier disponibles sur le marché européen.
L'efficacité du chantier est considérablement améliorée puisque la mise en œuvre sur site consiste principalement à assembler et à rejointoyer les éléments. Cela aboutit à une diminution sensible des coûts.
Les dimensions des modules standards sont de 80 x 150 cm. Ces éléments sont à ce jour uniquement fabriqués à Graz en Autriche, à plus de 1000 kilomètres de la Belgique.
De plus, l'inexpérience et la réticence des entreprises de construction à mettre en œuvre ce matériau ne serait plus une contrainte puisque le procédé d'assemblage est similaire au béton préfabriqué conventionnel et ne nécessite donc pas d'apprentissage spécifique pour la formulation, le compactage ou la T.E.O.
Dans un marché encore restreint, aucune entreprise belge ne s'est investie dans la préfabrication. Deux entreprises s'y intéressent néanmoins en 2015 : L'E.F.T Couleur Terre et la société Hermans Marc.
L'étape de la préfabrication apparaît essentielle pour intégrer le pisé dans la construction conventionnelle.
Les éléments préfabriqués en terre présentent un avantage esthétique. Contrairement au béton préfabriqué, les retouches réalisées pour resserrer les joints entre les éléments peuvent être rendues invisibles grâce à la plasticité du matériau. L'émergence du préfabriqué sur le territoire permettrait la normalisation et la
En France, le CRAterre a fait validé un ATEx de type A pour un pisé conventionnel stabilisé mécaniquement auprès du CSTB. Plus récemment, l'agence Nunc architectes a fait validé un ATEx de type B auprès de ce centre. Cependant, je pense qu'à terme, la préfabrication est la seule technique en pisé per-
184 Entretien avec Hugo Gasnier, architecte et coresponsable de la partie Dessin Chantier au CRAterre, réalisé le 9 février 2015
185 Entretien avec Gilles Perraudin, architecte. Source: LEFEVRE P., Retour d’expérience: Le Domaine de la Terre, dans la revue Ecologik, n°12, p. 73
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Une approche prospective du pisé mettant de concurrencer les matériaux de construction conventionnels. L’établissement et l’adoption de règles professionnelles seraient des étapes décisives qui permettraient d’augmenter le nombre de constructions186.
La terre est donc un béton où le liant est l’argile, au même titre que la matrice de ciment « Portland » est le liant du béton ordinaire. Comme Henri Van Damme le constate, la terre aussi peut recevoir le label de « béton », il faudrait juste préciser que l’on parle de « béton d’argile »187.
Les bétons d'argile coulés
En partant de ce postulat, on peut théoriquement appliquer les recherches sur le béton de ciment au béton de terre, le pisé, comme l'évoque Romain Anger188.
Les recherches sur les bétons d'argile sont actuelles. Elles reposent sur la création de nouveaux matériaux adaptés aux contraintes auxquelles le pisé se heurte. Elles cherchent à rendre la technique compétitive par rapport aux matériaux de construction conventionnels.
Ces recherches reposent sur l'invention de nouvelles techniques constructives et a fortiori sur la recherche de solution visant à modifier le matériau naturel en béton d'argile auto-nivelant. Coulés à l'état liquide, ces bétons ont pour but de faciliter la mise en œuvre.
Contrairement à la préfabrication, l'adaptation technologique de la matière n'est pas envisagée par la mécanisation mais par l'approche scientifique de la matière en grain. Si les recherches sur les bétons de ciment sont généralisées depuis longtemps, la connaissance et la maîtrise des grains et des colloïdes qui composent la terre sont nouvelles. Toutefois, les recherches entamées dans les années 1990 montrent que les deux matériaux sont proches. Aujourd’hui, le béton de ciment est appelé béton par métonymie, mais le béton désigne un matériau de structure composite fabriqué à partir de granulats agglomérés par un liant.
Figure 87: Pavillon expérimental en béton d’argile coulé, Université de Mopko © Mopko National University
Toutefois, l'appellation « pisé coulé » couramment utilisée au CRAterre est injustifiée, puisque la terre n'est plus compactée mais coulée et vibrée à l'instar du béton ordinaire. A terme, ces bétons liquides sont amenés à remplacer le pisé puisqu'ils ont pour objectif d'augmenter la productivité et la rentabilité économique de la construction monolithique en terre en minimisant 187 VAN DAMME H., La terre : un béton d’argile, dans Pour La Science, n°423, janvier 2013, p. 52 188 ANGER R., Approche granulaire et colloïdale du matériau terre pour la construction, Thèse de doctorat en matériaux, sous la direction de Henry Houben, École Doctorale Materiaux de Lyon, Lyon, 20 décembre 2011, p. 221
Figure 86 : Le pisé, un béton d’argile © CRAterre-ENSAG 186 Entretien avec Hugo Gasnier, architecte et coresponsable de la partie Dessin Chantier au CRAterre, réalisé le 9 février 2015
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Une approche prospective du pisé les coûts de production et d'investissement.
Plusieurs briqueteries pâtissent de cette demande en déclin. En Wallonie, beaucoup d’entreprises ont fermé depuis les années 2000 : briqueteries de Warneton, de Romedenne, de Wanlin, etc. Dès lors, les acteurs expriment la nécessité de proposer une gamme de produits toujours plus diversifiée, pour concurrencer les autres matériaux de construction.
Dans l’article paru dans Pour La Science, Henri Van Damme189 conclut : comprendre les mécanismes de cohésion qui sont à l’œuvre dans le matériau terre peut nous aider à résoudre le problème du logement à l’échelle globale, à conserver le patrimoine architectural que nous ont laissé des générations de bâtisseurs, à mieux utiliser les sols en place pour nos aménagements et enfin, à nous protéger des aléas naturels. C’est une recherche d’avenir190.
Plusieurs exemples témoignent de l'intérêt pour la terre crue de la part des briquetiers, qui possèdent l'expérience et la connaissance de leur argile ainsi que les ressources en matière première et en équipement.
9.1.3 Diversification de l’offre des carrières
Bien que ces derniers privilégient davantage le marché de la brique de terre crue et des enduits d'argile, l'éventualité d'étendre leur palette de production au pisé existe puisqu’il dispose de l’équipement nécessaire.
Les briqueteries La crise de la brique encourage les briquetiers à diversifier leur production. En 2013, le dernier rapport en date de la Fédération Belge de la Brique fait état d'une chute de 4% sur le marché belge par rapport à l'année précédente. La production en 2013 est de 1 668 000 m3. En comparant à 1995 où 2 892 000 m3, les ventes ont chuté de 40,4%.
Les carrières Les carrières présentent l'infrastructure et les ressources minérales nécessaires pour reformuler la terre extraite d'un site. Cette voie apparaît réaliste pour les maîtres d'ouvrage et les architectes disposant d'une bonne connaissance du pisé. Cette alternative, qui a le mérite d'utiliser la terre disponible sur le site de construction, a été utilisée en Belgique pour la réalisation des deux projets publics, mais également dans des projets d'habitation, comme celui réalisé dans le cadre du workshop pour entrepreneurs à Haaltert. L'ensemble des carriers interrogés durant l'enquête est favorable à cette éventualité, à l’instar de Carmeuse à Moha, qui dispose de l’ensemble des ressources nécessaires au pisé192.
Cependant, si la demande est en déclin sur le marché intérieur, elle a augmenté de +6,6% pour l'exportation. Toutefois, les producteurs interrogés témoignent des difficultés toujours plus importantes pour le secteur à l'échelle locale. « Outre les problèmes inhérents au secteur de la construction qui influencent les commandes, la brique n'est pas associée dans la conscience des gens au développement durable, aux constructions écologiques et aux maisons basse énergie.191 »
D'autre part, Les fines de lavage de carrières sont à l’heure actuelle peu valori-
189 Henri Van Damme, physicien, professeur à l’ESPCIParisTech, directeur scientifique de l’Iffstar. 190 VAN DAMME H., La terre : un béton d’argile, dans Pour La Science, n°423, janvier 2013, p. 57 191 Entretien avec Michel Barthélemy, ancien directeur de la briqueterie de Wanlin, réalisé le 9 avril 2015
192 Entretien avec Laurent Barchy, géologue Carmeuse Western Europe, réalisé le 26 janvier 2015
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Une approche prospective du pisé sées. Pourtant, leurs caractéristiques physiques font de ces fines une matière première intéressante pour le domaine de la construction193. Dans une logique de revalorisation des déchets, il n'est pas exclu que les carriers se tournent à l'avenir vers la production de prêt à l'emploi utilisant ces terres de lavage.
En Wallonie, l'agence de stimulation économique a mis sur pied « le Centre de référence des circuits courts et de l'économie circulaire ». La cellule « Circuits Courts » favorise le développement des entreprises locales en Wallonie. Cette initiative peut profiter aux entrepreneurs souhaitant développer du pisé.
9.1.4 Le développement local
9.1.5
Les différents entretiens mettent en évidence un intérêt de plusieurs entreprises pour le matériau. Parmi celles-ci, on peut évoquer à nouveau :
Les incitants pour les entreprises
La forte densité des clusters en Belgique facilite l’innovation grâce aux réseaux entre entreprises et institutions de la connaissance. De plus, la Région wallonne et l'Europe, par l'intermédiaire des fonds Feder195, proposent une série d'outils destinés à aider les petites et moyennes entreprises. Ces instruments ont pour objectif d'intégrer la recherche pour assurer une mutation permettant la création d'emplois durables dans une économie compétitive196. Ces aides sont destinées à renforcer la collaboration avec les centres de recherche, les universités et les hautes écoles.
• La société Hermans Marc, qui suite à ses collaborations avec les bureaux BCarchitects & studies et De Gouden Liniaal Architecten, développerait un prêt à l'emploi certifié ; • L’E.F.T La Calestienne-Couleur Terre et son directeur Michel Thomas souhaitent étendre les activités de l'entreprise au pisé. La proximité et les bons rapports entre la briqueterie de Wanlin et l'E.F.T pourrait être mis à profit pour développer à terme un pisé préfabriqué belge ;
Parmi ces outils, on retrouve des incitants destinés à encourager l’investissement197, des chèques technologiques198 pris en charge par la Région wallonne et le Feder à hauteur de 75%,
• L'entreprise de construction Camimo, qui étend ses activités de constructeur vers le pisé, comme pour le marché public de Dilsen-Stokkem.
195 Le Feder ou fonds européen de développement économique et régional est un fond structurel européen. Il vise à renforcer la cohésion économique et sociale au sein de l’Union européenne en corrigeant les déséquilibres régionaux. Source : Europe Wallonie, WalEurope : Le Feder en Wallonie, http://europe.wallonie.be, consulté le 21 février 2015 196 Portail de la Recherche et des Technologies en Wallonie,
Le développement de filière locale participe à la démocratisation et à la connaissance du matériau. Quentin Chansavang, architecte et enseignant à l'ENSA Grenoble, explique qu'en France, l'entreprise Akterre, fondée en 1998, a participé activement à l'utilisation contemporaine du pisé en proposant des prêts à l'emploi à des prix raisonnables194 , plus adéquats par rapport aux coûts de production.
Programme CWALity : appel à des propositions, http://recherche-technologie.wallonie.be/fr/menu/acteursinstitutionnels/service-public-de-wallonie-services-encharge-de-la-recherche-et-des-technologies/departement-desprogrammes-de-recherche/direction-des-programmesregionaux/les-programmes-mobilisateurs/le-programmecwality/programme-cwality.html, consulté le 21 février 2015. 197 Service public de Wallonie, Direction Générale Opérationnelle Economie, Emploi et Energie, Aide à l’investissement : brochure d’information & notice explicative des formulaires de demande d’intervention, JAMBES, mars 2014, p.4 198 Chèques Technologiques, chèques technologiques,
193 FLAMENT C., Valorisation des fines de lavage de granulats : application à la construction en terre crue,Thèse de doctorat en Génie Civile, sous la direction de Eric Wirquin, Faculté des Sciences Appliquées de Béthune, Université d'Artois, 2013, p. 16 194 42 €/t en vrac et 136 € le big bag
http://www.ct.innovons.be, [en ligne], consulté le 21 février 2015
116
Une approche prospective du pisé des appels à projet, à l'image du projet MANUNET199 et des aides à l'innovation octroyées aux PME existantes ou aux porteurs de projet de création de PME.
peut être envisagé. Selon le directeur de Hout Info Bois Hugues Frère, les précurseurs de la construction bois en Belgique étaient déconsidérés, tout comme ce fut le cas pour les acteurs de la terre.
9.1.6 La sensibilisation
Aujourd'hui, la part de marché de la construction de maison en bois représente 7,94 %200 du marché belge de la construction. Cette filière évolue de façon remarquable puisqu'en une année, la construction en bois a augmenté de 29,66% et 86 sociétés susceptibles de construire en bois ont été créées201.
La sensibilisation à l'usage de matériaux écologiques augmente tant au niveau local que national. A l'échelle locale, les revendeurs ont un rôle majeur dans la sensibilisation du public. Ils stimulent ce marché en proposant des ateliers pédagogiques, des rencontres entre les professionnels et les particuliers ou en invitant des représentants d'entreprises à répondre aux questions des consommateurs.
Le développement de la filière terre est néanmoins lié à la prise en considération de facteurs comme le confort thermique et l'A.C.V dans les règlementations. 9.1.7
La transition vers la filière sèche
La construction dite sèche regroupe l'ensemble des techniques de construction nécessitant peu, voir pas d'eau. Aujourd’hui, la Belgique semble privilégier les filières humides, fondées sur l'usage du ciment. Figure 88 : Workshop organisé à Gueuzaine © Thönnes M.
Néanmoins, les techniques de construction qui sont associées à cette filière nécessitent une énergie de production et de transport importante. La consommation en eau l'est également. L’adjonction du liquide retarde le temps de séchage. Aujourd'hui, la demande pour la filière sèche augmente, ce qui est favorable à la technique du pisé.
A l'échelle nationale ou régionale, ce rôle est joué par les salons de la construction où la place réservée aux acteurs de la construction durable et de l'énergie est prépondérante. Ces différents moyens de sensibilisation participent activement à l'évolution de la construction écologique sur le territoire au fil des ans.
Pour rappel, le compactage de la terre se fait avec une teneur en eau qualifiée d'optimale, c’est-à-dire donnant la plus grande densité sèche pour une ́énergie de compactage donnée. Ce processus est qualifié de voie sèche car la teneur en
Un développement de la filière terre similaire à celui connu par la filière bois 199 Portail de la Recherche et des Technologies en Wallonie, MANUNET, http://recherchetechnologie.wallonie.be/fr/menu/acteursinstitutionnels/service-public-de-wallonie-services-encharge-de-la-recherche-et-des-technologies/departement-desprogrammes-de-recherche/direction-des-programmesfederaux-et-internationaux/era-nets/manunet/manunet.html, [en ligne], consulté le 21 février 2015
200 LEONARDI P., La Belgique doit être fière de sa filière bois, dans Le Soir, 31 Octobre 2013 201 FRERE H., Etat de la construction bois en Belgique 2011-2014, poursuite de l'enquête 2011-2012 menée par Hout Info Bois, Hout info bois, mars 2014, p. 2
117
Une approche prospective du pisé eau est de l’ordre de 10%. Pour obtenir une terre plastique, il faudrait dans le cas du pisé une teneur en eau équivalente à 25%.
Si l’ambition n’est pas de pousser les performances des parois encore plus loin en proposant des Umax contraignants, le rapport n’envisage pas des alternatives au calcul de performance des parois par la résistance thermique.
S'il s'inscrit dans une logique économique et environnementale par rapport au matériau, au transport et à sa faible teneur en eau, le délai d'exécution de murs pisé « classiques » ne permet pas de réduire sensiblement le temps de mise en œuvre.
Or, d'autres caractéristiques permettent de réduire les consommations énergétiques globales. Des outils sont disponibles pour les évaluer : L'Analyse du Cycle de Vie (A.C.V)
Toutefois, contrairement à un grand nombre d'autres systèmes de construction sèche comme l'acier ou le bois, le pisé est un matériau lourd offrant naturellement une grande inertie au bâtiment.
L’Analyse par Cycle de Vie (A.C.V) évalue l’impact environnemental d’un système en relation à une fonction particulière et ceci depuis l’extraction des matières premières nécessaires à son élaboration jusqu’à son élimination en fin de vie, du berceau au tombeau203.
9.1.8 Des alternatives à la P.E.B actuelle La Réglementation P.E.B est une obligation européenne mise en application dans les trois régions de Belgique. Dans le contexte de la définition de la NZEB, le VEA, l’IBGE et la DGO4 collaborent pour mettre en place des outils communs de réglementation P.E.B à travers le « consortium PEB » depuis avril 2014.
Elle est avant tout employée pour comparer les charges environnementales de différents produits, processus ou systèmes entre eux, ainsi que les différentes étapes du cycle de vie d’un même produit. On comprend que cette analyse introduit la notion d'impact sur l'environnement d'un matériau sur l'ensemble de son cycle de vie, et non uniquement sur sa vie en œuvre.
L’objectif poursuivi est de faire évoluer les méthodes de calcul de performance énergétique. L'adaptation de cette réglementation, principalement basée sur la résistance thermique pour estimer une consommation théorique, revaloriserait le pisé. A cet effet, le plan d'action NZEB a un rôle important à jouer dans l'intégration de l'A.C.V, du confort thermique et de l'inertie thermique dans le calcul de la performance énergétique.
De nombreuses méthodes pour l'évaluation de cet A.C.V existent. Au Pays-Bas, le classement NIBE et en France le logiciel Cocon sont des instruments efficaces intégrant l'énergie grise. Ce dernier est un logiciel d’estimation de la Qualité Environnementale de Bâtiment (QEB) permettant de comparer des solutions
Cependant, les conclusions du consortium concernant la NZEB et le costoptimum202 ne sont pas encourageantes.
les en matière de performance énergétique des bâtiments ou des unités de bâtiment soient fixée en vue de parvenir à des niveaux otpimaux en fonction des coûts. 203 Institut de Conseil et d’Études en Développement Durable, Analyse de Cycle de Vie, Bilan CO2, Empreinte CO2, Etc. Aperçu des méthodes et études de cas en entreprises, Cahier Technique de la Région wallonne n°15, mai 2013
202 Directive 2010/31/UE: les états membres prennent les mesures nécessaires pour garantir que les exigences minima-
118
Une approche prospective du pisé
Figure 89: schéma C2C pour le projet de Neupré © De Francesco A.
constructives en termes technique et environnemental204.
réutiliser infiniment. Le matériau répond au concept de C2C et est évalué A+ au certificat BREEAM, à condition que celui-ci ne soit pas stabilisé.
Ce calcul des énergies induites a une valeur indicative. L'A.C.V est une opération complexe puisqu'elle nécessite une connaissance de chaque paramètre de la vie d'un matériau.
La Belgique étudie la possibilité de mettre en place une taxe carbone ou une contribution climat et énergie pour répondre aux objectifs fixés par le GIEC pour 2050.
Néanmoins, les programmes se perfectionnent. Des logiciels comme EQUER 205 et Eco-Bat permettent de réaliser des écobilans complets spécifiques au secteur du bâtiment.
Depuis 2009, une taxe carbone est d'application dans l'ensemble des pays scandinaves. De surcroît, d'après Matthieu Rahier 206 , responsable R&D pour le groupe Prefer, le Luxembourg projette de mettre en place cette taxe pour 2017. Bon nombre d'entreprises anticipent d'ailleurs cette mesure en effectuant un bilan A.C.V pour tout nouveau matériau qu'elles développent.
La prise en considération du cycle de vie des matériaux peut s'avérer déterminante pour le pisé. L'action cohésive de la terre est jouée par l'argile. Cette action présente la particularité d'être réversible par ajout d'eau. Il est donc possible de la
Ce type de taxe devrait à l'avenir s'étendre sur toute l'Europe et bénéficier à l'émergence des matériaux à faible émission de GES.
204 Ecosphère, COCON, logiciel de COmparaison de solutions COnstructives, de CONfort et d’émissions de CO2, http://www.eosphere.fr/COCON-comparaison-solutionsconstructives-confort.html , [en ligne], consulté le 20 février 2015 205 EQUER est un logiciel d'analyse de cycle de vie (ACV) du bâtiment. Il est chaîné à COMFIE, le moteur de calcul STD de PLEIADES. Source ; Izuba énergies, EQUER, http://www.izuba.fr/logiciel/equer, [en ligne], consulté le 31 mars 2015
206 Entretien avec Matthieu Rahier, responsable qualité et R&D s.a Prefer, réalisé le 31 mars 2015
119
Une approche prospective du pisé Le confort thermique
de confort thermique en intégrant les six paramètres précédemment cités ;
L'IBGE définit le confort thermique, ou l'absence d'inconfort (selon Fanger) comme l'état d'équilibre thermique entre le corps humain et les conditions dans lesquelles ce corps évolue. Cette notion de confort thermique est indispensable à la sensation de confort dans un bâtiment puisqu'elle influence directement la consommation énergétique de la vie en œuvre.
• Une approche plus récente s'attache à définir des plages de température de confort, basées sur des études statistiques à grande échelle selon la théorie du confort adaptatif. Le corps humain possède un mécanisme de régulation qui adapte ses pertes de chaleur aux conditions thermiques de l'ambiance […]. La zone de confort thermique correspond à la zone où la variation de sensation de confort thermique est faible207. Une plage des conditions de confort peut dès lors être établie pour chaque situation. Un indicateur représente ces plages de confort en regroupant l'ensemble des paramètres précédemment cité. Cet indicateur combine l'indice de vote moyen prévisible PMV et le pourcentage prévisible d'insatisfaits PPD. Cette approche reposant sur une base scientifique permet une aide à la conception efficace. Cet indicateur est de plus en plus utilisé par les thermiciens.
Le confort thermique est lié à six paramètres : •
• • •
•
•
Le métabolisme, correspondant à la chaleur interne produite par le corps humain lui permettant de maintenir sa température à 36,7°C ; La température de l'air ambiant Ta ; La température moyenne des parois Tp ; Les habits, qui ont un rôle de résistance thermique face aux échanges de chaleur entre le corps et son environnement ; L'humidité relative HR de l'air exprimant le rapport entre la quantité d'eau que contient cet air à la température de l'air ambiant et la quantité maximale d'eau contenue à la même température ; La vitesse de l'air, dont la convection influence les échanges de chaleur.
Figure 90 : Recherche du confort optimal en hiver. Avec 10% d’insatisfait, la température opérative est située entre 19,8°C et 24,2 °C, avec une température opérative optimale de 22 °C © Architecture et Climat, IBGE, DGTRE
Des indicateurs existent pour évaluer le plus objectivement possible cette sensation de confort :
La notion de confort thermique est une lacune de la certification P.E.B. Or, ce confort thermique influence sensiblement les besoins en chauffage et en ventilation.
• La température de l'air. Seule, celle-ci n'est néanmoins pas suffisante pour déterminer la sensation de confort thermique ;
La norme EN ISO 13790 détermine l’évaluation de la masse thermique et l’étanchéité́ à l’air. Elle permet d’utiliser
• Le P.M.V, qui correspond à l'indice de vote moyen prévisible, et le PPD, qui correspond au pourcentage prévisible d'insatisfaits (modèle de Fanger). Ces indices représentent fidèlement la notion
207
Energie +, Le confort thermique, http://www.energieplus-lesite.be/ index.php?id=10250, [en ligne], consulté le 2 avril 2015
120
Une approche prospective du pisé une méthode simplifiée « en régime quasi continu »208.
partenariat avec BC-studies, s'exprime comme une petite tour d'observation. Cette œuvre est construite à la demande de la ville de Louvain sur l'île Hertogeneiland entre de Lei et la Minderbroedersstraat, où le premier grand bâtiment de la ville fut érigé. La particularité du projet est d'utiliser la couche de terre non-remaniée correspondant à la terre sur laquelle les premières bâtisses louvanistes ont été conçues. Cette intervention de 6 m de haut utilise quatorze tonnes de ce sol, des cailloux issus d'une carrière locale et l'eau de la Dyle ;
9.1.9 Le marché public Le contexte singulier du marché public induit une contrainte économique stricte, qui s’avère particulièrement démonstrative pour le grand public. De surcroît, la manifestation quotidienne du matériau illustre sa pérennité dans le temps et assure la diffusion d'une nouvelle culture architecturale auprès de la collectivité.
• En 2015, la tour d’observation : l'agence De Gouden Liniaal Architecten a remporté le concours organisé par le comité de restructuration de la province du Limbourg pour la réalisation d'une tour d'observation dans le Negenoord prêt de Dilsen-Stokkem. L'achèvement des travaux est prévu pour 2015. Cette tour sera le premier projet public en pisé extérieur lauréat d'un marché public en Belgique. Cette tour de 47 m2 a nécessité
Une série d'interventions en pisé voit le jour dans le paysage belge. Plusieurs réalisations sortent de terre sur l’espace public, ce qui témoigne de l'intérêt grandissant pour le matériau. Parmi celles-ci : • En 2014, « Eerste Verstoring », conçue par Eva Gheysen & lef Spincemaille, en
208 La méthode du régime quasi continu est une approche plus simple qui prend en considération les avantages de l’inertie thermique, ce qui rend son utilisation idéale dans les premières phases de la conception, lors de la prise de décisions stratégiques relatives aux matériaux de construction. Elle évalue la masse thermique en quantifiant les gains d’énergie libres (par exemple la chaleur dégagée par les rayons solaires et par les occupants) et l’énergie achetée. Source : European Concrete Plateform, Utilisation du béton dans des bâtiments économes en énergie : Les avantages de l’inertie thermique, publier par infobéton.be, avril 2007, p.12
Figure 91: Uitkijktoren Negenoord, DilsenStokkem © De Gouden Liniaal Architecten
121
Une approche prospective du pisé la consultance du CRAterre, de BCstudies et du bureau Vesière. La tour est composée d'un noyau en béton et d'une enveloppe en pisé porteur de 80 cm d'épaisseur. Les terres ont été sélectionnées dans un périmètre de 20 km par rapport au site.
matériaux en terre crue. Le développement de ces réseaux soutient plusieurs objectifs. Ces structures permettraient d'adapter une méthodologie entre les différents acteurs pour favoriser le développement d’une économie circulaire et l'émergence de projets. De plus, le lobbying autour du matériau serait plus efficace puisqu'il bénéficierait de stratégies à plus grande échelle.
9.2 Perspectives d'actions de la filière pour développer le pisé
Attentes
L'ensemble des perspectives envisagées dans ce point poursuit un objectif commun visant à mobiliser la filière pour faciliter l'émergence d'un développement à faible consommation énergétique et à forte cohésion sociale, partenaire de la transition vers un comportement écoresponsable.
La coopération interprofessionnelle valoriserait les connaissances en les rendant accessibles au public, aux entreprises, aux bureaux d'études, aux maîtres d’ouvrage, etc. De plus, cette initiative améliorerait la représentation du matériau tant en Belgique qu'à l'étranger.
9.2.1 Un réseau à structurer
Cette synergie contribuerait à la transversalité entre les acteurs et les projets. Elle favoriserait les coordinations entre les différents intervenants face au cycle de la construction en terre, depuis la conception jusqu'à la construction/démolition. Les compétences et les moyens techniques, humains et financiers seraient mutualisés, ce qui stimulerait également l'innovation et la visibilité du matériau.
Obstacles identifiés L'analyse des obstacles met en évidence une faible coordination entre les professionnels du secteur, ainsi qu'une faible lisibilité de l'offre tant auprès des professionnels que des particuliers. La communication entre les acteurs est primordiale pour répondre efficacement à la demande des intéressés. Or, les professionnels œuvrent séparément à la reconnaissance de la terre. Aujourd'hui, une synergie entre tous les acteurs renforcerait à terme l'ensemble de la filière. Structurer le réseau est une étape nécessaire.
Les recherches pourraient par exemple être consultées librement sur le réseau internet par le public, les ingénieurs, les architectes, etc. Cela peut également être adapté à l'information générale sur le matériau et ses différentes applications dans la construction.
Objectifs
Pistes de réflexion
La création de réseaux nationaux et internationaux apparaît essentielle pour les acteurs et pour le développement de la filière à différentes échelles. Aujourd'hui, un réseau belge n'existe pas, ce qui apparaît rédhibitoire pour l'essor des
A l'instar du travail réalisé par le cluster Eco-Construction, il convient de répertorier les professionnels de la construction en terre et les laboratoires de recherche à l'échelle de la Belgique au sein d'un in-
122
Une approche prospective du pisé ventaire pour les rendre accessibles publiquement. De tels inventaires existent au stade embryonnaire aujourd'hui.
De cette manière, le réseau obtiendrait des moyens humains et pécuniaires qui pourraient : • Assurer le fonctionnement du réseau ; • Assurer la présence de représentants dans des groupes de travail institutionnels en lien avec le secteur de la construction à l'échelle régionale, nationale et internationale ; • Assurer la représentation de la filière dans des manifestations importantes ou des colloques.
Il apparaît également primordial d'établir une image du matériau et de son potentiel socio-économique au regard de la jeunesse du marché. Cela peut se faire par des études de marché, d'abord sur le matériau, ensuite par rapport à des techniques spécifiques. Aujourd’hui, il semblerait que les entreprises belges de terre crue n’aient pas encore réalisé d’étude de marché, comme l’explique Mathieu Schmitz209.
9.2.2
Cela passe également par l'organisation de rencontres interprofessionnelles à l'échelle régionale puis nationale pour fédérer les acteurs. Ces rencontres pérenniseraient et renforceraient les liens tout en permettant de faire l'état sur les recherches, les savoir-faire, etc. De telles initiatives ont existé par le passé : •
•
Mettre en place une stratégie de communication
Obstacles identifiés Les principaux obstacles liés à la communication sont le fait d'une méconnaissance générale du fonctionnement et du comportement des matériaux en terre crue, ainsi que de ses applications passées et contemporaines.
De manière formelle, à l'image de l'association à vocation nationale fondée sous l'impulsion de Peter Willem du réseau Terra-Morpho et intégré au VIBE ; De manière informelle, à l'image des tables rondes organisées à Namur entre 2011 et 2012 par Sophie Bronchart réunissant cinquante-cinq personnes.
Objectifs En valorisant les savoir-faire vernaculaires et contemporains par le biais de la communication, l'objectif est de faciliter l'émergence d'une connaissance générale sur les constructions en terre. Ces connaissances existent à l'échelle nationale et internationale aujourd'hui mais sont peu diffusées.
Dans la perspective de création d'un réseau propre à la terre, la taille du pays est à la fois un frein et un atout.
De tels réseaux existent dans les pays limitrophes :
La principale contrainte est sans doute le nombre restreint d'acteurs spécialisés dans le domaine. Néanmoins, la proximité entre l'ensemble de ceux-ci favorise les échanges et la mise en place d'un réseau efficace et structuré, pouvant dépendre directement du cluster écoconstruction et du VIBE.
•
209 Entretien avec Mathieu Schmitz, technico-commercial Argibat, réalisé le 4 avril 2015
123
En France, il existe depuis 2006 l'Asterre qui regroupe les professionnels de la production, de la promotion et du développement de la filière au niveau national. Elle intègre également les architectes, ingénieurs et organismes sensibles à la terre. Depuis 2015, les étudiants ont égale-
Une approche prospective du pisé
•
ment la possibilité d'intégrer l'association ; En Allemagne, ce rôle est assuré par Dachverband Lehm e.V dont l'objectif est de promouvoir la culture constructive en terre et de représenter les institutions et professionnels du secteur. Tout comme Asterre, elle œuvre à l'établissement de réseaux internationaux, à fournir de l'information, mais encourage également la formation professionnelle, la mise en œuvre de normes et d'un cadre réglementaire.
bliques, des entreprises, des maîtres d'ouvrage et du grand public. Plusieurs instruments peuvent être utilisés pour convaincre l'ensemble des publics visés. Cela peut se faire par l'intermédiaire de conférenciers, par la réalisation de publications et d'un inventaire « en ligne » de projets, en proposant des visites de chantiers ou par la réalisation de fiches pédagogiques et de brochures explicatives mettant en exergue les caractéristiques du matériau. L'apport des médias est considérable dans la sensibilisation du grand public. L'exemple de la brique de terre crue Argio profite d'ailleurs de cette publicité, comme en témoigne son fondateur Géry Despret210.
Attentes Les interrogations associées à la terre crue et à sa mise en œuvre freinent aujourd'hui un grand nombre de personnes.
Enfin, à l'heure où l'information technique circule facilement par le réseau internet, la création d'une base de données des solutions constructives inciterait certaines entreprises de construction à se lancer dans la terre crue.
La communication autour du matériau constitue un atout de poids pour dépasser ces contraintes, tant auprès des professionnels et des prescripteurs qu'auprès du grand public. Pour ces derniers, des outils comparatifs avec d'autres matériaux de constructions conventionnels constitueraient une aide à la décision non-négligeable.
9.2.3
Développer l’enseignement et les formations
Obstacles identifiés
La demande d'information augmente. Pour y répondre, il convient de mettre sur pied des stratégies de communication au niveau local, régional et national. Cette communication peut se faire par échange dans les points de vente, à travers la presse écrite ou des campagnes de sensibilisation, dans les salons de la construction ou par la réalisation de projets publics. A cet effet, des conceptions en terre pisée sont en cours de développement sur le territoire.
Dans le domaine de l'enseignement et de la formation, plusieurs contraintes ont été identifiées : tout d'abord, la première Guerre Mondiale a occasionné une rupture culturelle dans la transmission des connaissances et des savoir-faire. Ensuite, l'enseignement n'approche à ce jour ce matériau que très marginalement voire pas du tout, même au sein des établissements universitaires et professionnels. Enfin, les formations ne sont pas le fruit d'une stratégie globale. Elles ne sont à ce jour pas qualifiantes ce qui les discrédite fortement.
Pistes de réflexion La réalisation de ces objectifs passe par une sensibilisation des institutions pu-
210 Entretien avec Géry Despret, architecte, réalisé le 4 avril 2015
124
Une approche prospective du pisĂŠ
125
Une approche prospective du pisé Objectifs
Piste de réflexion
La Commission européenne estime que le secteur de la construction durable est appelé́ à jouer un rôle essentiel pour la réalisation de l’objectif à long terme de l’UE d’une réduction de 80 à 95 % des émissions de gaz à effet de serre, conformément à la « Feuille de route vers une économie compétitive à faible intensité́ de carbone à l’horizon 2050 » 211 . Dans ce même rapport, l'Europe énonce dans l'objectif dénommé « Renforcer le capital humain dans le secteur de la construction » la nécessité de mieux anticiper les besoins futurs en compétences et qualifications en attirant suffisamment d’étudiants vers les métiers de la construction concernés212.
La formation et l'éducation doivent s'installer dans une vision stratégique. En Belgique, la présence de l'architecture de terre dans la culture du bâti n'est pas l'égal de celle de la France ou de l'Allemagne, ou des formations diplômantes post-masters sont proposées comme celle du CRAterre de l'ENSA de Grenoble. D’autres réseaux similaires existent ailleurs (Europe, Afrique, Amérique latine, Asie), et activent le développement de la recherche, de l’éducation supérieure et de la formation professionnelle. Tout cela contribue, au fil des ans, à la définition d’un nouveau périmètre scientifique et éducatif 213 . Parmi ceux-ci, on peut citer l’ABC Terra au Brésil ou l’AEI d’Auroville en Inde. Ces formations contribuent à la constitution d’un réseau international d’universitaires et de professionnels, regroupés autour de la chaire Unesco « Architecture de terre »214.
La terre présente le potentiel pour s'inscrire dans ce dessein. Pour favoriser son essor, il est indispensable d'introduire la terre crue au sein de formations officielles et dans l'enseignement. L'objectif est de former plus de professionnels dans l'ensemble des domaines liés à ce secteur de la construction : concepteurs, chercheurs, maîtres d'ouvrage, architectes, etc.
En Belgique, la mise en place de modules d'enseignements relatifs aux filières alternatives de la construction comme le chanvre, la paille, la terre, etc. contribuerait à intégrer progressivement ces matériaux d'avenir dans la culture des professionnels : vendeurs, conseillers en énergie, architectes, entrepreneurs, ingénieurs, etc. aujourd'hui, ces matériaux sont abordés isolément.
Attentes L'attente autour de la formation est légitime. Mettre en place un module culturel, scientifique ou technique qualifiant au niveau de l'enseignement universitaire ou professionnel et dispenser des formations « diplômantes » postscolaires est un objectif à atteindre.
Les témoins historiques et les nombreuses briqueteries rappellent que la terre, crue ou cuite, reste un matériau de construction ancré dans la tradition constructive. Un apprentissage de la terre crue offrirait plus de visibilité à ses qualités sociales et environnementales inhérentes.
211 Commission européenne, Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil – Stratégie pour une compétitivité durable du secteur de la construction et de ses entreprises, http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriS erv.do?uri=COM:2012:0433:FIN:FR:PDF, [en ligne], consulté le 25 mars 2015, p. 2 212 Commission européenne, Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil – Stratégie pour une compétitivité durable du secteur de la construction et de ses entreprises, http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriS erv.do?uri=COM:2012:0433:FIN:FR:PDF, [en ligne], consulté le 25 mars 2015, p. 11
213 GUILLAUD H., Architectures de terre, Bioconstruction TDC, n° 977, janvier 2014, p. 24 214 Id.
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Une approche prospective du pisé De plus, l'intégration de modules techniques ou scientifiques dans l'enseignement universitaire ou professionnel mis en relation avec une expérimentation des matériaux à l'échelle 1/1, comme cela existe à Grenoble, à Lille et à Zurich notamment. De telles structures existent également en Belgique et peuvent faciliter le contact à la matière.
d'être actif sur le plan de la communication.
La mise en place de passerelles interdisciplinaires ou de workshops scolaires offrirait aux individus intéressés par ces techniques l’opportunité d'approfondir leurs maîtrises, depuis l'étude de la matière jusqu'à la conception d’espaces bâtis.
A l'image du projet Inater' soutenu par la Commission européenne, des projets appelant une collaboration inter-pays pourraient être envisagés spécifiquement pour le pisé. Le projet Inater' a réuni de 2009 à 2011 six partenaires européens, dans trois pays différents. La dynamique de ce projet vise à aider les acteurs du bâtiment à se professionnaliser dans le domaine de la construction écologique215. Les partenaires du projet réalisent des outils de gestion des compétences et de formation, principalement des référentiels de compétences et de formation, mis à profit dans les entreprises, les centres de formation et les associations d’insertion216.
Les formateurs doivent eux-mêmes être formés et qualifiés pour ensuite transmettre leur savoir-faire aux entrepreneurs et les amener à pouvoir se diversifier avec des outils dont ils disposent déjà.
D'autre part, pour soutenir une formation de qualité, l'établissement d'un programme spécifique et homogène est à envisager. Le nombre de ces formations, dispensées par des acteurs convaincus, est en augmentation. L'importance d'un soutien financier est cependant indispensable, mais semble actuellement faire défaut. Il est dès lors nécessaire de trouver un appui institutionnel pour réaliser ce projet d'ensemble. Les modes constructifs en terre restent méconnus. Il est donc important
Dans le domaine spécifique de la terre crue, le projet PIRATE217, porté par le CRAterre, est à ce jour encourageant pour les perspectives d'enseignement et de formation. Ce projet rassemble dixhuit partenaires issus de huit pays : • • • • • •
Allemagne : six partenaires ; Espagne : un partenaire ; France : six partenaires ; Portugal : un partenaire ; République tchèque : un partenaire ; Royaume-Uni : un partenaire ;
215 Inater, INATER : Professionnaliser le personnel de chantier en construction écologique, http://inater.net/leprojet-inater/, [en ligne], consulté le 28 mars 2015 216 Cluster Eco Construction, Projets Européens, http://clusters.wallonie.be/ecoconstruction-fr/projetseuropeens.html?IDC=3497, [en ligne], consulté le 27 mars 2015 217 PIRATE: Provide Instructions and Ressources for As-
Figure 92 : Projet PIRATE © CE
sessment and Training in Earthbuilding.
127
Une approche prospective du pisé • •
l'apport réel de ces matériaux par rapport à leurs homologues traditionnels aident à minimiser la différence de prix entre les produits.
Serbie : un partenaire ; Slovaquie : un partenaire.
Ces partenaires sont essentiellement des professionnels du secteur du bâtiment, de la formation continue, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
9.2.4
Par l'analyse des métiers et des savoirfaire de la construction en terre, ce consortium a pour but de produire des unités d'acquis d'apprentissage et de développer des procédures de certification ECVET européen pour les niveaux EQF 3, 4, 5 et 6218.
Optimiser la diffusion des savoirs scientifiques et techniques
Obstacles identifiés Les carences dans ce domaine se répercutent significativement sur l'ensemble de la filière. Les contraintes soulevées précédemment font état d'une absence de références techniques reconnues pour la construction en terre. Il n'existe à ce jour pas de cadre normatif en Belgique relatif à la construction en terre, et de surcroît en pisé.
Ces unités ESVET, traduites en huit langues, sont compatibles avec les ECTS que l'on connait en Belgique. Les unités d'acquis introduisent de nouvelles attentes sur ce marché en progression. Ces partenaires élaborent également un syllabus commun pour les activités de construction en terre crue dans les métiers traditionnels219. Ce projet de quatre ans poursuit de nombreux objectifs. Le programme prendra fin en septembre 2015 et pourrait avoir des répercussions positives sur l'ensemble de la filière terre en Belgique.
La méconnaissance de certaines caractéristiques techniques essentielles, comme l'action de l'eau ou du gel, les informations sismiques, sanitaires ou environnementales est un frein. Le matériau doit être caractérisé, tant pour les maîtres d'œuvre et les constructeurs que pour les assureurs afin d'établir des référentiels techniques ou contractuels homologués.
L'étape la plus difficile sur le plan de la formation consiste néanmoins à convaincre les maîtres d'ouvrage. Pour arriver à encourager le public à se tourner vers ce type de matériau, la formation a également un rôle à jouer. Au même titre que les formateurs professionnels, les conseillers en énergie et les divers relais vers le public, dont les revendeurs, doivent être aptes à répondre aux demandeurs. Le renforcement de la formation est une étape essentielle pour ces acteurs qui représentent le principal intermédiaire entre la source et le client. Le dialogue et la prise de conscience autour de
Objectifs Les objectifs associés à ces obstacles portent sur l'optimisation de la diffusion des connaissances existantes et avérées vers les professionnels, ainsi que sur la mise en place de référentiels techniques et scientifiques relatifs au matériau et à ses combinaisons éventuelles avec d'autres produits. Ces documents sont des aides indispensables à la caractérisation, à la conception et à l'exécution. En Allemagne, Dachverband Lehm e.V a publié « Lehmbau Regeln » en 1999 avec le soutien de la Fondation fédérale allemande pour l’environnement.
218 PIRATE, about PIRATE project, http://pirate.green buildingtraining.eu/public/?page_id=1815, consulté le 27 mars 2015 219 Id.
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Une approche prospective du pisé L’objectif de ce référentiel technique était d’améliorer et de faciliter l’utilisation de la terre comme matériau de construction suite à la disparition de la norme DIN de 1971 sur la construction en terre. Aujourd’hui, le « Lehmbau Regeln » est inclus dans la liste des règlements techniques de la construction dans onze « Bundesländern ».
Pistes de réflexion L'une des premières étapes serait de capitaliser l'information internationale et d'établir un consensus commun avec des partenaires étrangers en renforçant les échanges entre les instituts de recherche européens. Il existe des centres renommés en Belgique, comme le C.T.P, le C.S.T.C et les laboratoires scientifiques de l'I.N.I.S.M.A qui pourraient collaborer avec des organismes étrangers sérieux.
Attentes En dotant l'ensemble des professionnels, y compris les compagnies d'assurances, de documents reconnus capitalisant les connaissances, la terre pourrait outrepasser les obstacles réglementaires qui freinent son émergence en offrant un cadre rassurant. Ainsi, une sécurité serait apportée tant aux assureurs qu'aux acteurs de la construction, dont le commanditaire de la réalisation.
Parmi ceux-ci, on peut citer de manière non-exhaustive : • Le C.T.M.N.C220 de Paris, qui dispose d'une équipe affectée spécifiquement à la recherche sur les produits en terre crue ; • L'école doctorale MEGA221 en France dont font partie l'E.N.T.P.E 222 et 223 l'I.N.S.A de Lyon, très active dans la caractérisation des propriétés du matériau terre et du pisé ;
La réalisation de ces objectifs a également pour but d'encourager des entreprises, carriers, briquetiers ou terrassiers, à étendre leur gamme de produits.
• Le N.C.G224 de l'Université de Nottingham, où le professeur Matthew Hall étudie particulièrement le comportement du pisé stabilisé depuis plus de dix ans. Ses articles concernant les propriétés hydriques du pisé sont reconnues internationalement ; • Le C.S.I.R.O 225 de Canberra et L'A.S.E.G226 de Crows Nest en Australie. Ces organisations scientifiques ont publié de nombreuses études sur la terre crue et a fortiori le pisé ;
220 Centre Technique de Matériaux Naturels de Construction. 221 Mécanique Energétique Génie civile Acoustique. 222 Ecole Nationale des Travaux Publics de l'Etat. 223 Institut National des Sciences Appliquées. 224 Nottingham Centre for Geomechanics.
Figure 93 : Lehmbau Regeln © Dachverband Lehm e.V
225 Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation. 226 Australian Society of Exploration Geophysicists.
129
Une approche prospective du pisé • Les laboratoires de l'A.E.I d'Auroville en Inde, de l'ABC Terra au Brésil et du CRAterre de l'E.N.S.A Grenoble, qui sont des centres de recherche sur l’architecture en terre et les représentants de la chaire Unesco « Architecture en terre et Habitat durable » dans le monde. La collaboration entre ces différents centres européens et internationaux participerait à un enrichissement mutuel des connaissances favorable à une mise en place d'outils communs pour caractériser le matériau. D'autres bureaux et institutions mettent leurs expertises à disposition et s'inscrivent dans une logique de coopération internationale et de capitalisation du savoir. On peut citer pour le pisé Ziegert Roswag Seiler Architects and Engineers basé à Berlin, Rammed Earth Consulting CIC à Londres ou l'atelier Lehm Ton Erde de Schlins. Des échanges internationaux entre les différents réseaux, comme l’Asterre ou la Dachverband Lehm e.V peuvent également être profitables à l’enrichissement collectif des savoirs sur les matériaux de terre et, à terme, contribuer à l’émergence de la terre et du pisé sur le territoire.
130
Une approche prospective du pisé la technique en Belgique, ce qui en limite considérablement la portée.
10 CONCLUSION Le nombre de constructions en terre en Belgique augmente, des sociétés se développent : la filière est aujourd’hui en pleine essor. Ce phénomène participe à diffuser une culture de la terre propice à l’ensemble des modes constructifs. Producteurs, revendeurs, entrepreneurs, architectes, formateurs et maîtres d’ouvrage sont de plus en plus nombreux à s’intéresser à ce matériau low-tech.
Néanmoins, un potentiel existe dans le développement de circuits courts, intégrant les carrières et les briqueteries dans le processus de reformulation. A cet effet, la normalisation de la technique évoquée précédemment est essentielle. L’établissement de protocoles de vérification du matériau et de sa mise en œuvre contribuerait à clarifier les responsabilités qui incombent à chacun, de sorte que même la reformulation puisse être assurable, sans recourir à des étapes laborieuses.
Au cours du travail, la nécessité de développer des actions en amont a été identifiée. Un réseau terre crue n’existe pas. La mise en place de celui-ci pérenniserait la filière et assurerait un développement actif des matériaux et techniques de construction. Il stimulerait l’adoption de normes, soutiendrait la formation, permettrait d’investir dans la sensibilisation et contribuerait à capitaliser les savoirs. Ces dernières années, deux tentatives ont été initiées par des acteurs convaincus, Peter Willems et Sophie Bronchart. Cependant, elles n’ont pas connu de suite.
Bien que l’auto-construction soit une piste pour la terre banchée, l’outillage, la main d’œuvre et la connaissance qu’elle requiert ne permet pas de dépasser le chantier participatif par cette voie. L’intérêt de ces chantiers réside pour le moment dans le partage des savoirs et des savoir-faire qui peuvent progressivement amener à diffuser la technique. Néanmoins, cette propagation doit se faire à grande échelle, ce que l’autoconstruction ne permet pas.
La caractérisation du matériau témoigne de l’aptitude du pisé à proposer des solutions efficaces face aux enjeux contemporains de développement durable. Cependant, les contextes législatifs et normatifs ne participent pas au développement de la filière. L’absence de normes sur le matériau et la technique à l’échelle belge et européenne contraint aujourd’hui la terre à s’adapter au test de l’industrie du béton, de la brique ou des revêtements routiers.
Le prix est également une contrainte importante. Contrairement à la brique de terre crue qui devient une alternative réaliste pour le gros œuvre conventionnel, le pisé est aujourd’hui un matériau très onéreux qui, de surcroît, nécessite une main d’œuvre conséquente. Il semble peu probable que le pisé sous sa forme classique devienne un jour un matériau démocratique, apte à rivaliser avec les matériaux couramment mis en œuvre dans le secteur résidentiel. L’objectif réaliste serait d’approcher le béton apparent banché, dont les prix pratiqués par une entreprise spécialisée oscillent entre 220 et 250 €/m2 pour un ouvrage de 100 m2. L’industrialisation et la formation sont des étapes nécessaires pour que le pisé soit concurrentiel.
De plus, les constructeurs, artisans et professionnels capables de mettre en œuvre le pisé sont peu nombreux. Alors que cinq entreprises sur les sept énoncées déclarent réaliser des dalles de pisé, seules trois sont aptes à construire des murs. De surcroît, il n’existe à ce jour qu’un bureau d’architecture qui maîtrise 131
Une approche prospective du pisé Outre l’effort pécuniaire important, les règlementations en matière de performance thermique ne sont pas adaptées à son usage en paroi extérieure/intérieure. A cet effet, la NZEB pourrait favoriser l’intégration de l’A.C.V et du confort d’usage, déterminant dans le choix de ce matériau low-tech. Cependant, si le projet des exigences NZEB pour le secteur résidentiel en Belgique entend laisser de la liberté à la conception en évitant de renforcer les niveaux de performance thermique, les tendances proposées concernent à nouveau ce facteur théorique en ignorant les notions d’ambiance thermique et a fortiori de confort thermique. En outre, l’intégration de l’analyse du cycle de vie n’est, semble-til, toujours pas prise en compte dans les propositions. Le dessein de la future réglementation en Belgique se présente comme un frein pour la construction en terre banchée extérieure.
cultes, musées ou encore complexes de loisirs encouragent la technique à poursuivre dans ce sens. A cet effet, les perspectives sont encourageantes puisqu’un concours public a été remporté en 2012 par un bureau d’architecture limbourgeois pour la réalisation d’une tour d’observation à Dilsen-Stokkem.
En effet, le recours à l’isolation pour ce type de paroi semble inévitable ce qui participe à augmenter considérablement l’épaisseur du mur composite, à l’heure où le marché de la construction propose des produits toujours plus minces. Dès lors, d’autres matériaux en terre semblent plus adaptés au secteur résidentiel aujourd’hui. Toutefois, la diversité d’usage du pisé est une force qui peut lui permettre d’intégrer l’habitat, en usage intérieur où dans des systèmes mixtes pour ses qualités inhérentes (déphasage, régulation de l’humidité, etc.).
En peu de temps, la Belgique a vu se développer l’architecture de terre. En dix années seulement, les producteurs se sont multipliés considérablement et de plus en plus de briqueteries et de carrières cherchent à se diversifier. Depuis l’émergence de la filière belge, la demande est en croissance continue et les maîtres d’ouvrage intègrent peu à peu ce matériau dont ils se méfiaient grâce à l’information et à la sensibilisation toujours plus présente. Aujourd’hui, les moyens participant à la divulgation du matériau sont nombreux. De plus, des programmes européens porteurs se dessinent pour intégrer l’architecture de terre dans l’enseignement et les formations, ce qui est une étape importante dans la sensibilisation des professionnels. Cette sensibilisation est essentielle pour la terre crue puisque ces professionnels sont les premiers relais vers le public.
Les recherches se développent. Si l’industrialisation et la préfabrication en série peuvent permettre de rendre le matériau plus accessible par l’automatisation de la technique, d’autres pistes sont exploitées par la recherche internationale. Le pisé coulé fait partie de celle-là. Si l’on est en droit de se demander s’il s’agit toujours de pisé, cette technique est prometteuse et soutient de nombreux enjeux puisqu’elle rend le pisé plus facile à mettre en œuvre et de surcroît, financièrement accessible au plus grand nombre.
Si beaucoup d’obstacles ne favorisent pas son émergence dans la culture du bâti, l’intégration du pisé dans le marché public est une voie réaliste. Ce matériau, de plus en plus apprécié par les architectes, voit son nombre de réalisations augmenter en Europe. Les exemples français, allemands, portugais, autrichiens ou suisses témoignent d’une diversité de projets publics utilisant la terre banchée : écoles, salles de fêtes, lieux de
En 2015, une entreprise belge ambitionne de développer le premier prêt à
132
Une approche prospective du pisé l’emploi certifié de pisé, et ainsi concurrencer efficacement les producteurs étrangers. Cela constitue un pas important pour le développement du matériau sur le territoire, qui peut-être, permettra l’émergence de la technique dans une situation analogue aux autres produits belges ou au pisé sur le marché étranger. Si ce travail a permis d’offrir une vision prospective sur l’architecture en pisé et sur ses perspectives d’évolution dans la construction en Belgique, il apparaît aujourd’hui prématuré de produire une conclusion sur son développement potentiel tant les éléments de réponses sont ambivalents.
133
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143
Une approche prospective du pisé
ANNEXES 1. Projet Le projet consiste en un pavillon de terre crue mis en œuvre selon la technique du pisé. Cette construction, inférieure à 12 m2, est implantée sur le domaine public de la commune de Neupré. L’objectif du projet est avant tout de sensibiliser un public large à l’usage de la terre en construction. Si la volonté de concevoir une folie architecturale était poursuivie, la piste a été abandonnée au profit d’un ouvrage exprimant les qualités portantes de la matière.
Salle de fêtes du Coude à Coude
Implantation Le choix de l’implantation était dicté par trois priorités : • • •
Plaine de jeu jouxtant l’église maison.
Mixité générationnelle ; Pôle de fréquentation ; Interaction avec l’espace public existant ;
Plaine de jeu jouxtant l’église Maison
Perspective depuis la rue de la Vecquée vers l’église Maison © Google Image
Située en fond de perspective depuis l’avenue de la Vecquée qui relie Neupré à Seraing, cette église est aujourd’hui l’emblème villageois. L’architecte a réussi à y coupler deux fonctions improbables : la maison de jeune et l’église chrétienne du domaine de Neuville.
Le site du Domaine présente ces trois atouts. Les plages horaires sont étendues et la fréquentation est optimale : l’école la plus importante du village, intégrant à la fois les classes maternelles et primaires, côtoie le hall omnisport, la salle de fête communal (et salle de réunion politique) ainsi qu’un ouvrage très singulier de l’architecte Jean Cosse, l’église Maison.
Ce pôle multifonctionnel dense présente également l’atout d’être également en bordure de la route du Condroz.
144
Une approche prospective du pisé De surcroît, il constitue un accès privilégié au village depuis la nationale et le bois de Seraing.
•
La réalisation d’une colonne expérimentale en terre, dans l’enceinte scolaire a été réalisée pour sensibiliser les personnes internes à l’établissement ;
•
Les recherches, développées avec la complicité du laboratoire ArGEnCo, ont éveillé la curiosité des étudiants en Génie Civile. De plus, l’occasion nous a été donnée de partager l’expérience du projet avec les chercheurs locaux ;
Projet En 2016, des nouveaux locaux scouts devraient partager le site sur lequel est implantée la réalisation de Jean Cosse. C’est sur ce site, en limite de voirie, que nous décidons d’implanter le projet.
Dans le contexte spécifique au projet :
La conception entend requalifier le sentier communal existant et actuellement laisser en friche, pour établir un dialogue avec les nouveaux locaux scouts annexés au projet de Jean Cosse. Le projet aspire à s’intégrer avec l’église, l’école du village, le complexe sportif, ainsi qu’avec la plaine de jeu jouxtant l’une des rues les plus fréquentées de Neupré.
•
Un workshop « reformulation » préalable à la mise en œuvre sera organisé à grande échelle, en partenariat avec Louise Depret, étudiante en Master 2 à Bruxelles. Cet atelier sera ouvert aussi bien aux étudiants qu’au tout public ;
•
Un partenariat a été conclu pour la réalisation avec l’E.F.T La Calestienne, par l’intermédiaire de son administrateur Michel Thomas. Intéressée par l’apprentissage du pisé, l’objectif en faisant intervenir cette entreprise est de former des professionnels de la construction afin de créer une dynamique positive et encourageante autour du pisé. Avec l’assistance de BC architects & studies, nous ambitionnons de voir les activités de La Calestienne s’étendre au pisé, ce qui semble faire partie de leur dessein ;
•
Un accord de principe avec la carrière de Carmeuse à Engis est intervenu pour la reformulation des excavations. Plus qu’un gain économique, c’est avant tout une belle occasion de les encourager à reproduire cette activité.
L’enjeu dépasse la simple connexion entre les différents éléments en présence. Les 120 m3 de terres excavées seront utilisées pour la réalisation des ouvrages en pisé, de sorte que le transport soit nul. Perspectives et enjeux Outre ces enjeux environnementaux et liés à la sensibilisation du public, le projet soutient la formation et l’enseignement sur trois points : •
Dans le contrat d’atelier établi au studio d’option, un PowerPoint a été présenté aux élèves, avec l’objectif de les éveiller à l’architecture de terre ; 145
Une approche prospective du pisĂŠ Pour continuer â&#x20AC;Ś
146
Une approche prospective du pisé béton est considérée comme déjà réalisée. Dans ce mur, une réservation de baie de 1 m par 2 m est ménagée. Le volume de terre est donc de 9m3 auquel il faut ajouter un coefficient de compacDans où la terre du de siteterre est tagelesdedeux 1,6.cas, Le volume total est utilisée, il faudra passer par 3une par conséquent de 14,4 m . Pour ce analyse de la terre et reformulation lescher prix pour quisimple pour unmur, petitcomparons projet devient pisé en du fonction parl’ouvrage rapport auen prix global mur. des trois situations possibles : lel’utilisation mélange préparé Il est donc très clair que site, leprêt mélange en carrière et le prêt de sur mélange à l’emploi pour des projets de petite taille comme celui à l’emploi.
2. Estimatif Pour illustrer le prix du pisé, nous allons simuler le coût d’un simple mur porteur pour la construction d’une maison uniFig. 7.02.Organisation On constate que le mélange devient du chantier fictif, la familiale. Le terrain est considéré nu et fondation est déjà faite, très onéreux quand il est fait sur les coffrages et autres facilement accessible, pour dit le chantier. De plus suffisant comme déjà outils sont déjà livrés. stockage du matérielaléatoire et de laenterre. Le précédemment rapport mur estimé ici fait 4 mclimatiques. de hauteur et 5 Le m aux conditions mélange fait sur site est cher car de longueur. Pour être réaliste, on luiil une certaine main donnedemande une épaisseur de 0,5 m. Ici,d’œuvre seul le quand il est Dès fait avec outils pisé est évalué. lors,de la simples fondation en
de mélange. Le matériau devient de cette simulation est toujours la moins cher quand il est mélangé en solution la moins onéreuse. A partir carrières où le mélange est fait plus d’environ 60m3 travailler avec un rapidement grâce à leurs installations mélange préparé en carrière sera € € € € par adéquates moins cher. Descriptif de la tache Nombre Unité
Fig. 7.03.Tableau prix
Fig. 7.05. Les 3 tableaux mélange
uni. mat. 0.0 Généralité et rentabilité Dimensions du mur 4 x 5 x 0,5 m Surface du mur 18 m2 Metres cube de terre compactée 9 m3 Coeifficient de compaction 1,6 Metres cube de terre foisonnée 14,4 m3 Rentabilité pisé mise en oeuvre 2,5 m3/jrs Nombre de jours de mise en oeuvre 3,6 jrs Malaxeur planétaire 500l capacité 60% 4,5 m3/jrs 1.0 Préparation du chantier Main d'oeuvre 16 h 40 2.0 Mélange préparé sur site 2.0 Mélange préparé sur site LES RENDEMENTS ET LES PRIX DE LA CONSTRUCTION 2.1 Tests de la terre + reformulation Main d'oeuvre 30 h 70 152 2.1 Creuser la terre Location d'un tractopelle 1 jrs 120 120 0,5 50 Bache de stockage de la terre 100 m2 Main d'oeuvre 2h 40 2.2 Mélanger la terre Location d'un malaxeur 3,2 jrs 70 224 Location d'un générateur 3,2 jrs 55 176 70 210 Gravier 2,88 m3 Sable 5,76 m3 50 300 Main d'oeuvre 48 h 40 3.0 Mise en oeuvre du pisé 2.0 Mélange préparé en carrière 2.1 Tests de la terre + reformulation Main d'oeuvre 30 h 70 2.1 Creuser la terre Location d'un tractopelle 1 jrs 120 120 Main d'oeuvre 2h 40 2.2 Transporter la terre Aller-retour de la terre pour mélange 2 a-r 300 617 2.2 Mélanger la terre Mélange de la terre en carrière 14,4 m3 100 1440 3.0 Mise en oeuvre du pisé 2.0 Mélange prêt à l'emploi 2.1 Terre Terre prête à l'emploi conditionée 15 m3 180 2700 3.0 Mise en oeuvre du pisé
Tableau des prix : sur base du tableau de © Coeckelberghs N.DE LA CONSTRUCTION LES RENDEMENTS ET LES PRIX 154
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main poste
640
640 5180 5180
2100
80
1920 5978 4357,14
2100
80
5978 2700
5978
Une approche prospective du pisé Pour une plus grande représentativité de la filière et des tendances, l’enquête a sollicité des acteurs à tous les niveaux :
3. Méthodologie de l’enquête L'enquête s’appuie sur différents moyens de communication :
• • • • • • •
1. Des échanges d'emails ; 2. Des échanges téléphoniques ; 3. Des visites d’entreprises ; 4. Des entretiens individuels.
Artisans ; Producteurs ; Importateurs ; Revendeurs ; Architects ; Entrepreneurs ; Maîtres d’ouvrage.
Des entretiens ont également été réalisés auprès de personnes actives :
Pour apporter des compléments d'informations aux recherches bibliographiques, trois outils ont été utilisés :
• • •
1. Questionnaire fixe pour les professionnels du pisé, relatif à leurs activités et au matériau;
Dans les clusters ; Dans les administrations ; Dans les structures de sensibilisation ;
Les intervenants spécifiques ont été sollicités d’une part pour compléter le travail bibliographique et d’autre part, pour évaluer les perspectives de développement du pisé en Belgique. Parmi ceuxci :
2. Questionnaires sur la filière de terre crue. 3. Questions spécifiques sollicitant les compétences des acteurs ;
•
Choix de l’enquête Dans le cadre du projet énoncé en introduction, il était important pour moi de stimuler des rencontres qui contribueraient à me constituer un réseau. A cet effet, le dialogue à cette dimension personnelle que d’autres actions ne permettent pas.
• •
•
De plus, ce choix était également une manifestation de mon respect pour le travail de ces acteurs motivés et disponibles. Ces échanges ont permis à ce travail de voyager et de découvrir des environnements inspirants, souvent au contact de la matière. Dès lors, l’entretien individuel a été privilégié le plus souvent possible.
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Des personnes actives dans la recherche et dans la caractérisation de matériaux ; Des géologues ; Des entreprises de filières conventionnelles, dont des employés de carrières et de briqueteries ; Des historiens.
Une approche prospective du pisé Grille de questions Lorsque mon sujet fut précisé, les entretiens se sont structurés autour de cinq questions : •
Quelle est votre implication visà-vis de la terre crue ? (id. pisé)
•
Quels sont les enjeux pour la terre crue en Belgique ?
•
Quels sont ses avantages pour répondre à ces enjeux ? (id. pisé)
•
Quels sont les obstacles relatifs au développement de la terre crue que vous identifiez ? (id.pisé)
•
Quelles sont les perspectives que vous identifiez pour cette filière ? (id. pisé)
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Une approche prospective du pisé X. Stein, maître d’ouvrage, projet à Haaltert
Acteurs Acteur du pisé
Acteurs de la filière terre crue BOUCHET Boris, architecte ; BACQ Vincent, entrepreneur, Morpha minera ;
CHANSAVANG Quentin, architecte ; COECKELBERGHS Nicolas, architecte, co-fondateur du bureau BC architects & studies, membre de L.S.D.G ;
BRONCHART Sophie, architecte, coordinatrice à l'I.B.G.E ; CERMASCO Veronica, Députée Région wallonne ;
DE COEMAN Ken, architecte, cofondateur du bureau BC architects & studies, actif au sein de EIABC, membre de L.S.D.G ;
CERNOCKY Gaël, architecte ; DE JACQUIER DE ROSEE Louise, marketing et com’ manager, entreprise Argio ;
DEGREEF Wesley, architecte, cofondateur du bureau BC architects & studies, membre de L.S.D.G ; GASNIER Hugo, co-responsable de la partie Dessin Chantier au CRAterre ;
DE MOFFARTS Alain, chargé de projets en éco construction, E.F.T Quelque Chose à Faire ;
GUILLAUME Etienne, entrepreneurgérant, entreprise Elementerre ;
DE VIL Tom, gérant, magasin Devil Ecobouw ;
HERMANS Marc, entrepreneurterrassier ;
DELHAYE Jean-Marie, groupe ARTerre ;
MAENEN Jos, entrepreneur, Bouwen met Leem ;
DESPRET Géry, architecte-gérant, entreprise Argio ;
MULLENDER Anette, secrétariat et commande, entreprise Druwid ;
FERAILLES Sébastien, entrepreneurgérant, entreprise Argipan ;
THOMAS Michel, entrepreneur-gérant, E.F.T Couleur Terre – La Calestienne ;
FURNEMONT Eric, architecte ; HERMANS Ecogamma ;
THONNES Michaël, entrepreneurgérant, entreprise Druwid ;
Tom,
gérant,
architecte,
magasin
X., maître d’ouvrage, projet à Debordes, Luxembourg
HERWEGH Saskia, géranteentrepreneure, entreprise Het Leemniscaat ;
X., maitre d’ouvrage, projet à Winseler, Luxembourg
JACOBS Pieter-Jan, gérantentrepreneur, entreprise Stroburo cvba ;
X. Rémi, maitre d’ouvrage, projet à Alost ;
JANSSEN Anne-Michèle, ingénieure architecte ;
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Une approche prospective du pisé LEDERER François, ingénieur civil, oopérateur gérant de OZE ;
FAGEL Nathalie, géologue, Université de Liège;
MARION Yves, directeur commercial chez Lixon, président du cluster Cap2020 ;
FLAMENT Pierre, géologue, Recherche & Développement chez Lebailly s.a ; GRIGOLETTO Sophie, chercheur, Ulg ArGEnco, secteur GeMME ;
NOEL Yanic, administrateur-vendeur, magasin EcoBati ;
KREWET Andreas, conseiller en construction terre ;
NONET Emmanuel, administrateur délégué, entreprise Nonet / Argibat ;
MARION Jean-Marc, géologue cartographe, Université de Liège ;
POSKIN Hervé-Jacques, chargé de développement à Bois & Habitat, directeur-coordinateur du cluster Eco Construction ; SCHMITZ Mathieu, commercial, Argibat ;
MOTTET Bernadette, architecte, Direction générale opérationnelle Aménagement du territoire à la Région walonne ;
technicoPOTY Eddy, géologue, Docteur en Sciences Géologiques et Minéralogiques, Université de Liège ;
SNAPPE David, gérant, magasin L'habitat écologique ;
RAHIER Matthieu, ingénieur, responsable Recherche et Développement, s.a PREFER.
VANDEVELDE Alain, employé, magasin CARODEC ; WILLEM Peter, entrepreneur-gérant, entreprise Bouwen Met Aarde cvba. Entretiens pour les questions spécifiques BARCHY Laurent, géologue, Carmeuse Western Europe ; BAVAY Gérard, historien, Docteur en histoire, membre de la C.R.M.S.F. de la Région wallonne ; BEGHIN Olivier, administrateurdélégué, entreprise Isohemp ; COURARD Luc, Docteur en Sciences de l'Ingénieur, Ulg, ArGEnCo ; EVRARD Arnaud, ingénieur architecte, Docteur en Sciences de l'Ingénieur, Architecture et Climat ;
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