Jacques Pugin Tracehumance
MusĂŠe gruĂŠrien Bulle
Jacques Pugin Tracehumance
MusĂŠe gruĂŠrien Bulle
Daniel Girardin
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Jacques Pugin, le sens des images
Le sens d’une exposition couvrant près de quarante années de création photographique réside d’abord dans le plaisir d’en voir l’essentiel, donc par principe esthétique et culturel de voir un corpus des meilleures photographies. Le fil rouge invisible qui les relie permet ensuite de suivre les recherches au gré des séries, de comprendre la mise en image des idées, de découvrir ce qui, au fil du temps, permet aujourd’hui de parler d’une œuvre. Une exposition est aussi le moment d’une forme de bilan, l’occasion de réfléchir au sens profond des images proposées, au-delà de la simple chronologie ou du devoir d’inventaire. La perspective intellectuelle, quant à elle, permet de synthétiser en mots le parcours intérieur de l’artiste et d’en dégager les idées force. Un ensemble littéraire de faits, de dates, de techniques, de concepts et d’expérimentations, une mise en abyme des images pour mieux en comprendre le sens. Dès ses premiers projets, qui coïncident avec l’ouverture d’un atelier à Genève en 1978, Jacques Pugin interroge le concept même de la réalité photographique en intervenant systématiquement dans ses images. Il induit toujours un second degré qui pousse le regard, souvent piégé dans la seule dimension esthétique, à chercher plus que ce qu’il voit, une invitation à penser la photographie. Il introduit ainsi une réflexion sur le temps, crée un dialogue intelligent entre le visible et l’invisible, entre l’ombre et la lumière, entre l’immanent et le transcendant.
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En confrontant la couleur et le noir et blanc, en proposant une gamme du possible à partir d’une simple corde bleue de cinq mètres, par exemple, il introduit au-delà d’une indéniable plus-value esthétique une réflexion sur des questions essentielles qui sont celles de la frontière entre art et document, entre réalité et sublimation de celle-ci. Sa transgression des codes de la photographie dans la série Cinq mètres ( 1978 ) s’inscrit dans une réflexion typique du courant artistique des années 1970. Dans le même esprit, il interroge le processus même de la photographie – littéralement écriture de la lumière – en réalisant des images nocturnes dans lesquelles sont inscrits, par faisceau lumineux, des dessins et des sigles plastiques ( Graffiti greffés, 1979 ). Cette série lui permettra d’obtenir en 1980, une première Bourse fédérale des Beaux-Arts ( Swiss Art Awards ), qu’il obtiendra également en 1981 et 1982. A partir des années 80, dans l’esprit des créations de l’époque, il réalise une série d’images en couleurs qui confrontent le relief de paysages riches de courbes et de modulations à leur possible géométrisation, une schématisation, dont le stade ultime est l’abstraction topographique ( Géométrie dans l’espace, 1981 ). Poussant plus loin la même idée esthétique, le photographe réalise en 1984 Graffiti rouge. Il y expérimente diverses techniques, protocole des transgressions de couleurs et de temporalité et esquisse dans ses images des traces lumineuses qui font référence aux traits de pinceau du peintre.
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Au début de la décennie suivante, Jacques Pugin s’intéresse à l’image source issue d’un processus vidéo, tout en restant dans la logique d’une vision sérielle de la photographie. Il utilise la grande chambre Polaroid ( 60 × 50 ) qui permet de nombreuses manipulations et conduit à une vision souvent symbolique des images ( Polaroids, 1985 ). Il poursuit avec des séries sur la végétation et la matière ( Les Végétaux, 1992 ) et entreprend un premier travail d’envergure sur la montagne, abordant le sujet sous un angle à la fois pictural et géométrique ( La Montagne bleue, 1995-1998 ). En 2001 il obtient la Bourse de la fondation Leenards, qui lui permet dès 2002, d’entreprendre, à travers de nombreux voyages un grand projet qu’il développera jusqu’en 2018 : Sacred site. Des lieux emprunts d’histoire et de culture qu’il trouve dans des déserts en Afrique, en Australie, en Inde et en Amérique latine. Il recherche ce qui exprime le rapport complexe que l’homme entretient avec la nature, des lieux qui portent en eux une trace du mystère des origines et dessinent déjà l’ombre inquiétante de l’avenir. Là, la violence, l’hostilité et la beauté primitives de la nature mettent l’âme à nu et le corps à l’épreuve. Là, le photographe, conforté par l’évidence esthétique, trouve dans les jeux de lumière une réalité qui n’est pas de simple matière, de seule émotion, de pure forme. Du chaos primordial se dégage une intelligence. La photographie révèle ici une force indicible, qui émane de la pure beauté visuelle.
Ces paysages immenses, où le temps n’est plus à l’échelle humaine, répondent à un désir d’absolu dans lequel fusionnent des sentiments contradictoires : apocalypse et enchantement du monde, immanence spirituelle et vide absolu, vie et mort. Certains lieux sont la matière brute de paysages à construire, d’autres des sites circonscrits, héritiers de stigmates que Jacques Pugin dévoile en captant une dimension inhabituelle dans la photographie, celle du sacré. Une interprétation subtile mais spectaculaire, aux frontières du regard et de la pensée. Modelé par les cultures, les sciences ou les religions, le regard en quête des secrets de l’existence se tourne naturellement vers la mer, les déserts ou les montagnes. Celles-ci lui inspirent plusieurs séries, qui sont désormais au cœur de sa création : La Montagne s’ombre ( 2005-2013 ), Day after Day ( 2009-2014 ), Glaciers ( 2015-2018 ), puis Glaciers offset ( 20172019 ). L’esprit romantique du sublime s’est incarné dans le paysage de montagne, champ de ruines de la création du monde.
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Dans la verticalité glacée des montagnes, la nature est toujours trop forte pour l’homme, et elle le fascine. Elle lui offre la liberté et la nostalgie, mais lui apprend en retour sa fragilité, voire la conscience de son inexistence. Au-delà du sentiment de beauté et de poésie, c’est un infini métaphysique et graphique qui caractérise ces lieux, que le photographe arpente avec un regard où se mêlent le ciel et la terre, l’ombre et la lumière, le sentiment et la raison. Au-delà du naturalisme et de l’illusion, sans lesquels il n’y a pas de représentation, s’esquissent des secrets indéchiffrables que seul l’esprit peut imaginer. D’image en image s’installe le sentiment d’une œuvre tissée sur une autre et qui en révèle sinon l’essence, du moins la trame. Pèlerin du regard, le photographe fabrique des images qui ne montrent pas seulement ce qui est, mais suggèrent aussi ce que nous sommes : petits à l’échelle humaine, insignifiants à celle de la terre, inexistants à celle du temps. Du néant et du désespoir originel naît aussi le regard plongé en soi qui réinvente constamment l’espoir, entre sensualité et renoncement. Les couleurs vives et la lumière brillante se reflètent dans le miroir symbolique que Jacques Pugin nous tend. Il nous projette dans le temps et la solitude, tout en restant paradoxalement dans la beauté des choses.
Jacques Pugin réalise entre 2008 et 2013 un projet original, aux contours tragiques et à l’esthétique intrigante : les Cavaliers du diable. Brillante incursion politique sur le mode de l’abstraction, la série indique, par des images satellites retravaillées, les lieux des horreurs commises depuis 2003 au Darfour ( à l’ouest du Soudan ) par les Janjawids, les « cavaliers du diable », des milices qui ont œuvré dans le silence et l’indifférence du reste du monde. Le point de vue aérien, objectif et impersonnel, permet un témoignage distant, alors que le traitement des images par inversion négative révèle un projet artistique engagé et personnel. Une fois le principe complexe de ces espaces plans acquis, les paysages se dévoilent hantés par la violence indicible qui y a été exercée. Plus paisible, la série Pristine ( 2015 ) a été réalisée dans un désert du Sultanat d’Oman. Jacques Pugin y travaille ses images en inversant les polarités, pour créer des paysages mystérieux, d’une grande beauté plastique. Traversés de traces symboliques, créant une illusion de paysages nocturnes enneigés, ces espaces brouillent la notion de réalité pour hisser au statut d’œuvre d’art ce qui pourrait n’être à l’origine qu’un simple document.
Fort de son expérience avec des images satellites, Jacques Pugin renoue en 2019 avec ses origines par un projet fribourgeois, La Désalpe 2.0. Le caractère traditionnel et vernaculaire de la désalpe ( le retour des vaches de l’alpage à la fin de l’été ) y est confronté, dans le cœur même de l’image, avec la modernité numérique. Dans cette transhumance ambigüe, divers mondes se confrontent : la nature avec l’artifice, l’animal avec le béton, la réalité avec son algorithme numérique. En quarante années, Jacques Pugin a développé une œuvre photographique d’une grande cohérence, en recherchant des principes esthétiques originaux et un langage artistique propre, dont le style se dégage au fil des paysages. Son style apparaît dans l’usage récurrent de traces et de signes inscrits de sa main, par l’expérimentation de techniques photographiques, par l’usage de vidéos ou d’images satellites. Le travail de Jacques Pugin est toujours marqué par une volonté esthétique et plastique, associé étroitement à une recherche aigüe de sens, ce qui est le principe moteur d’une œuvre d’art en construction. L’intelligence, l’originalité, la beauté et la perfection marquent l’ensemble de son travail, construit avec un sens artistique remarquable, en lien toujours étroit avec la culture contemporaine.
Daniel Girardin Historien de l’art, Lausanne, 2020 10
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Cheminement photographique
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Jacques Pugin est un homme d’images, donc de silence plus que de mots. Des images qui, au-delà d’un premier abord esthétique, transmettent un message, un témoignage, parfois politique ou idéologique, mais toujours implicite. Des images qui ne se livrent pas d’elles-mêmes, pas plus que ne le fait leur auteur. Au long de son cheminement, Jacques Pugin expérimente en usant de toutes les techniques qui s’offrent à lui, au service de son objectif. Il ira jusqu’à s’affranchir de l’appareil photographique comme outil pour s’élever, au propre comme au figuré, dans une dimension numérique. Tracehumance invite à parcourir quarante années de travaux de Jacques Pugin, en cinq chapitres illustrant une démarche artistique marquée par la quête presque obsessionnelle des signes et des traces, qu’elles soient créées par l’homme ou par la nature.
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Investir le paysage, l’image
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L’artiste rejette l’idée de « vérité photographique ». Pour lui, la photographie n’est qu’un medium dont il se sert pour s’exprimer : dès lors, avec une grande liberté qui rompt avec une approche plus conventionnelle de la photographie, il se permet toutes les incartades, qu’elles soient pre- ou post-photographiques. Ici Jacques Pugin investit les images via le Light Painting ou d’autres techniques, pour imprimer sur l’image des traces qui dimensionnent l’espace ou symbolisent le passage du temps.
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Investir le paysage, l’image
Les séries :
Les techniques :
Cinq mètres, 1978
Appareil argentique, surimpression sur films 24 × 36, temps de pose longs, bougies, lampes de poche, coloriage, grattage.
Graffiti greffés, 1979 Géométrie dans l’espace, 1981 Graffiti rouge, 1984 Traces dans l’image, 1985
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Investir le paysage, l’image
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Cinq mètres, 1978
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Cinq mètres, 1978
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Cinq mètres, 1978
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Cinq mètres, 1978
Investir le paysage, l’image
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Graffiti greffés, 1979
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Graffitis greffés, 1979
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Graffitis greffés, 1979
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Graffitis greffés, 1979
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Graffitis greffés, 1979
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Graffitis greffés, 1979
Investir le paysage, l’image
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Géométrie dans l’espace, 1981
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Géométrie dans l’espace, 1981
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Géométrie dans l’espace, 1981
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Géométrie dans l’espace, 1981
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Géométrie dans l’espace, 1981
Investir le paysage, l’image
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Graffiti rouge, 1984
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Graffiti rouge, 1984
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Graffiti rouge, 1984
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Graffiti rouge, 1984
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Graffiti rouge, 1984
Investir le paysage, l’image
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Traces dans l’image, 1985
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Traces dans l’image, 1985
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Traces dans l’image, 1985
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1 / Investir le paysage, l’image
Traces dans l’image, 1985
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Une approche picturale : imaginer et rêver
Dans ces séries, l’artiste laisse parler son imaginaire. Il invente ses propres histoires, crée des univers en toute liberté. La photographie est transformée par la peinture qui la recouvre presque intégralement. La montagne devient sombre et bleue, presque inquiétante. Les végétaux se transforment en une jungle imaginaire, fantasmée, dans laquelle le spectateur s’immisce tel un insecte. Jacques Pugin laisse son esprit vagabonder, il explore ici un espace onirique et esthétique sans aucune contrainte, en s’affranchissant parfois des codes de la netteté, des perspectives ou des proportions classiques.
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Une approche picturale : imaginer et rêver
Les séries :
Les techniques :
La Montagne bleue, 1995-1998
Photographies argentiques et peinture
Les Végétaux, 1992
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Une approche picturale : imaginer et rêver
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La Montagne bleue, 1995-1998
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La montagne bleue, 1995-1998
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La montagne bleue, 1995-1998
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La montagne bleue, 1995-1998
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La montagne bleue, 1995-1998
Une approche picturale : imaginer et rêver
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Les Végétaux, 1992
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2 / Une approche picturale : imaginer et rêver
Les végétaux, 1992
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2 / Une approche picturale : imaginer et rêver
Les végétaux, 1992
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2 / Une approche picturale : imaginer et rêver
Les végétaux, 1992
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La montagne : inventorier et témoigner
La montagne est un thème de prédilection de Jacques Pugin, et il sait qu’elles ne sont pas aussi invulnérables qu’elles ne le paraissent. Le réchauffement climatique, le tourisme, les activités des hommes y laissent leur empreinte. Jacques Pugin dresse des « portraits de montagnes ». Comme le ferait un botaniste, il les inventorie. Puis il témoigne de leur fragilité, nous confrontant implicitement à la fonte des glaciers, une inexorable disparition qu’il refuse en les reconstituant avec des superpositions d’images. Un mythe de Sisyphe moderne, un combat artistique symbolique, aussi spectaculaire que les bâches recouvrant le glacier du Rhône, censées en ralentir la fonte.
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La montagne : inventorier et témoigner
Les séries :
Les techniques :
La Montagne s’ombre, 2005-2013 Appareil numérique, drone, vidéo, surimpressions d’images vidéo Glaciers, 2015-2018 Glaciers offset, 2017-2019
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La montagne : inventorier et témoigner
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La Montagne s’ombre 2005-2013
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3 / La montagne : inventorier et tĂŠmoigner
La Montagne s’ombre, 2005-2013
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La Montagne s’ombre, 2005-2013
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3 / La montagne : inventorier et tĂŠmoigner
La Montagne s’ombre, 2005-2013
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3 / La montagne : inventorier et tĂŠmoigner
La Montagne s’ombre, 2005-2013
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La Montagne s’ombre, 2005-2013
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3 / La montagne : inventorier et tĂŠmoigner
La Montagne s’ombre, 2005-2013
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La Montagne s’ombre, 2005-2013
La montagne : inventorier et tÊmoigner
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Glaciers, 2015-2018
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3 / La montagne : inventorier et tĂŠmoigner
Glaciers, 2015-2018
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3 / La montagne : inventorier et tĂŠmoigner
Glaciers, 2015-2018
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Glaciers, 2015-2018
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Glaciers, 2015-2018
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3 / La montagne : inventorier et tĂŠmoigner
Glaciers, 2015-2018
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Glaciers, 2015-2018
La montagne : inventorier et tÊmoigner
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Glaciers offset, 2017-2019
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3 / La montagne : inventorier et tĂŠmoigner
Glaciers offset, 2017-2019
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Glaciers offset, 2017-2019
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Glaciers offset, 2017-2019
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Glaciers offset, 2017-2019
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Glaciers offset, 2017-2019
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3 / La montagne : inventorier et tĂŠmoigner
Glaciers offset, 2017-2019
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Transcender la réalité, se l’approprier
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A première vue, l’homme n’a qu’une place infime dans les œuvres de Jacques Pugin, contrairement à la nature et au paysage. Pourtant il est omniprésent. Lors de ses voyages autour du monde, l’œil de l’artiste capture inlassablement et méthodiquement les traces qu’ont laissé les hommes dans les lieux qu’il a parcourus. Derrière chaque construction, chaque trace, dans une approche parfois anthropomorphique, il nous révèle à sa manière l’omniprésence humaine. Jacques Pugin souligne les cercles, accentue les signes, une manière de s’approprier les lieux et les symboles créés par d’autres.
Transcender la réalité, se l’approprier
Les séries :
Les techniques :
Sacred Site, 2001-2017
Outils numériques, Intervention humaine
Pristine, 2015
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Transcender la réalité, se l’approprier
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Sacred Site, 2001-2017
# 009 Sacred Site Algerie, 2002, 23˚ 52'47" N 11˚ 0'4" E
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4 / Transcender la réalité, se l’approprier
Sacred Site, 2001-2017
# 135 Sacred Site Algerie, Tassili n'Ajjer, 2002, 24˚ 25'2" N 9˚ 31'32" E
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4 / Transcender la réalité, se l’approprier
Sacred Site, 2001-2017
# 027 Sacred Site Inde, 2003, 26˚ 49'8" N 70˚ 36'40" E
# 035 Sacred Site Inde, 2003, 26˚ 50'22" N 70˚ 35'20" E
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4 / Transcender la réalité, se l’approprier
Sacred Site, 2001-2017
# 143 Sacred Site Libye, 2006, 26˚ 37'12" N 13˚ 13'14" E
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4 / Transcender la réalité, se l’approprier
Sacred Site, 2001-2017
# 280 Sacred Site USA, 2011, Death Valley, Race Tracks, 36˚ 41'42" N 117˚ 33'54" W
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4 / Transcender la réalité, se l’approprier
Sacred Site, 2001-2017
Transcender la réalité, se l’approprier
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Pristine, 2015
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Pristine, 2015
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Pristine, 2015
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4 / Transcender la réalité, se l’approprier
Pristine, 2015
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4 / Transcender la réalité, se l’approprier
Pristine, 2015
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4 / Transcender la réalité, se l’approprier
Pristine, 2015
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Au-delà de la photographie
S’affranchir de la pesanteur terrestre et de l’appareil photographique pour faire appel « au nuage » dans une dimension virtuelle est l’un des points communs entre ces trois séries. Ici Jacques Pugin va jusqu’à délaisser la posture de photographe pour réaliser trois témoignages : Day after Day parle de l’impermanence de l’image. Les Cavaliers du Diable, malgré une approche onirique trompeuse, est un reportage saisissant sur la sombre réalité géopolitique des conflits en Afrique. Désalpe 2.0 est le surprenant télescopage entre un sujet empreint de traditions et un choix de techniques numériques résolument modernes. Il symbolise ainsi les contradictions d’une société en déséquilibre.
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Au-delà de la photographie
Les séries :
Les techniques :
Day after Day, 2009-2015
Images drone, Images empruntées à Google Earth, Images de Webcam
Les Cavaliers du Diable, 2008-2013 La Désalpe 2.0, 2019
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Au-delĂ de la photographie
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Day after Day 2009-2015
Avec son projet « Day after Day » Jacques Pugin fait une fois encore preuve d’avant-gardisme dans la production photographique contemporaine. Ce travail, à première vue, s’inscrit dans un moment qualifié de « post-photographique » par l’éditeur et journaliste d’art Robert Shore. On ne parle plus dans cette nouvelle ère de « photographe » mais d’artiste utilisant un appareil photo voire de photographe ayant cessé d’utiliser l’appareil photographique pour produire son œuvre à partir d’images existantes. Une analyse minutieuse de ce projet montre que l’artiste va plus loin. Il repousse les limites de son art en nous offrant un autre regard sur un sujet qui lui est cher : la montagne. En résulte un corpus palimpseste d’une infinie beauté. L’aventure commence en août 2009. Le site internet de Zermatt met quotidiennement en ligne une image captée par une webcam du Cervin, point culminant à 4478m. Pendant 5 ans, Jacques Pugin enregistre précieusement ces images actualisées chaque jour, les traitant telles des photographies instantanées. Ces documents, filtrés par la subjectivité de l’artiste, deviennent des manifestations visuelles éphémères d’une nature en perpétuel mouvement. Ainsi la webcam remplace l’appareil photographique de l’artiste, renouvelant sans cesse son regard sur cette montagne. Elle devient « ses yeux ». En visionnaire, l’artiste trie ces images enregistrées, privilégiant celles laissant apparaître les traces laissées par les variations du temps : brouillard, pluie, neige… mais aussi celles publiées en ligne malgré certains aléas techniques : certains jours la caméra ne fonctionne pas. L’artiste capte aussi ces images noires. Ce détournement de l’image de son rôle initial doit se comprendre à plusieurs niveaux, d’où la référence initiale au palimpseste.
En capturant ces simples témoignages de la météo de l’instant – des images vouées à être englouties parmi les milliers d’images produites quotidiennement sur le web - et en leur donnant une vie de papier, l’intention de l’artiste est de figer l’éphémère, en produisant une vision pérenne, permanente, « durable ». Une fois ces images de 50 ko choisies méticuleusement, Jacques Pugin en fait des tirages de grande taille ( 107 × 144 cm ) faisant ainsi apparaître les pixels de couleurs. Les frontières entre photographie et peinture se brouillent. Ces images, à l’origine purement informatives, deviennent des photographies picturales. Jacques Pugin renverse aussi l’idée originelle développée par William Henry Fox Talbot en 1844 selon laquelle l’appareil photographique n’est autre qu’un « crayon de la nature ». La nature, au gré des variations climatiques, qu’il fasse beau, qu’il pleuve ou qu’il neige, transforme le sujet photographié ( Cervin ), faisant œuvre artistique, comme le ferait un artiste. Nous ne parlons plus d’une œuvre sans auteur mais d’une œuvre sans outil. Le photographe pousse les limites de son art en se libérant de manière abstraite de son outil pour atteindre l’essence. Jacques Pugin, poète, signe une œuvre résolument contemporaine.
Hélène Beade, Visual Arts Professor 172
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5 / Au-delĂ de la photographie
Day After Day, 2009-2014
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5 / Au-delĂ de la photographie
Day After Day, 2009-2014
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5 / Au-delĂ de la photographie
Day After Day, 2009-2014
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5 / Au-delĂ de la photographie
Day After Day, 2009-2014
Au-delĂ de la photographie
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Les Cavaliers du Diable 2008-2013
La nuit – des traces lumineuses, peut-être des voûtes célestes, un monde onirique, empreint de mystère. Mais derrière le rêve apparent, se cache une réalité plus proche du cauchemar : Ces traces sont les vestiges de la guerre civile au Darfour. Les exactions perpétuées par les Janjawids ( les cavaliers du diable ) qui ont violé les femmes, tué les enfants, massacré les populations, avant de brûler les villages, ne laissant rien d’autre que les cendres des maisons et clôtures. Pour la première fois dans sa carrière, l’artiste-photographe Jacques Pugin a choisi de travailler non pas sur ses images, mais en utilisant des clichés empruntés sur internet. En effet, ces photos satellitaires sont tirées de Google Earth, prises à des milliers de kilomètres du Darfour. A leur état premier, ces images sont des traces noires, mortes, de l’histoire archivée, ce que voit l’œil du satellite. Les échos des événements, comme disent les archéologues : « Ceci est arrivé ici ».
Jacques Pugin a choisi d’appliquer à ces images un double traitement. D’une part en retirant la couleur, puis en les inversant, signifiant ainsi symboliquement le caractère fondamentalement noir et négatif de la barbarie dont elles sont le témoin. Le rendu des images en négatif transforme aussi les lignes noires en traces blanches, les remplissant de lumière, la lumière du passage du feu. Le résultat très graphique et a priori abscons suscite dans un premier temps le questionnement, et ce n’est qu’après une lecture plus attentive que les images révèlent leur sens et leur violence. Si ce travail s’inscrit dans la continuité des recherches entamées par le photographe en 1979 sur les traces, avec la série Graffiti Greffés, cette fois Jacques Pugin a une démarche plus politique. Alors que le Darfour est très difficile d’accès pour les journalistes reporters, l’artiste questionne le rôle d’internet, en faisant de Google Earth, de manière indirecte, une forme d’outil de reportage, de témoignage vu du ciel.
Isabel Rocamora, artiste 184
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DESTROYED VILLAGE Damage Summary as of May, 2009 Location: JANGEL 14°0'38.67"N 25°56'31.52"E Status: DESTROYED Structures Destroyed: 350 of 400 Year Attacked: Unconfirmed
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Les Cavaliers du Diable, 2008-2013
DAMAGED VILLAGE, Damage Summary as of May, 2009 Location: MITERBA AHMED OSM 11°33'29.22"N 26° 5'59.21"E Status: DESTROYED Structures Destroyed: 25 of 25 Year Attacked: 2007
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Les Cavaliers du Diable, 2008-2013
DAMAGED VILLAGE Damage Summary as of May, 2009 Location: No Name Available 14°6'52.03"N 25°15'0.6"E Status: DAMAGED Structures Destroyed: 50 Year Attacked: Unconfirmed
DESTROYED VILLAGE Damage Summary as of May, 2009 Location: No Name Available 14°18'25.86"N 23°22'2.37"E Status: DESTROYED Structures Destroyed: 200 of 200 Year Attacked: 2003/2004
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Les Cavaliers du Diable, 2008-2013
DESTROYED VILLAGE Damage Summary as of May, 2009 Location: HILET IBRA 15°0'54.21"N 22°48'51.02"E Status: DAMAGED Structures Destroyed: Secondary Town: 600 of 1400 Year Attacked: 2004
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Les Cavaliers du Diable, 2008-2013
DESTROYED VILLAGE Damage Summary as of May, 2009 Location: No Name Available 14°6'55.05"N 25°16'17.55"E Status: DAMAGED Structures Destroyed: 50 Year Attacked: Unconfirmed
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La Désalpe 2.0, 2019
Un troupeau orné de fleurs traverse en rang un paysage de montagne. Cette scène évoque les « poyas », ces peintures naïves issues de l’art populaire fribourgeois, qui représentent le rituel printanier de la montée aux alpages. Mais au lieu de représenter la transhumance vers les hauteurs, symbole d’espérance, Jacques Pugin se concentre sur un autre temps fort, la désalpe, la fête folklorique qui accompagne le retour des bêtes dans les basses plaines.
Dans ces panoramas d’un genre nouveau, deux mondes se télescopent : des scènes paysannes, se superposent à des décors « irréels ». Constitués de pixels, ils sont fabriqués à partir de Google Earth, l’outil géographique et photographique de Google. Sous un ciel noir dense, les déformations paysagères et leurs proportions incongrues rompent avec la perspective des représentations picturales et photographiques traditionnelles. Entre voitures aplaties et bâtisses écrasées, le cadre imposé par l’artiste crée le malaise et instaure un climat d’inquiétude : si les algorithmes Google sont conçus pour être parfaitement logiques, ils peuvent toutefois générer des résultats déroutants ! Ces images cristallisent la capacité des hommes à construire un système qui s’oppose à lui-même : Jacques Pugin s’interroge sur la place du modèle agricole traditionnel dans le monde d’aujourd’hui. En utilisant une nouvelle fois le jeu des contraires, il révèle les penchants d’une société en déséquilibre, entre tradition et progrès, entre ce qui reste et ce que l’on projette.
Audrey Hoareau 198
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Jacques Pugin, the meaning of images The significance of an exhibition spanning over 40 years of photographic creation lies firstly in the pleasure of seeing the main body of work, the best photographs from an aesthetic and cultural point of view. The invisible red thread that connects these photos then enables us to follow the artist’s quest through the different series, to understand how ideas become images, and discover over time what shaped and formed the photographic œuvre of today. An exhibition is also a moment to review and take stock, an opportunity to reflect on the deeper meaning of the images on display that goes beyond mere chronology or need for inventory. As for the intellectual perspective, it allows one to synthesize the artist’s inner journey in words and identify his driving force. A written compendium of facts, dates, techniques, concepts and experimentation, a “mise en abyme” of the images to better understand their meaning. From his earliest projects, which coincided with the launch of his first studio in Geneva in 1978, Jacques Pugin calls into question the actual concept of photographic reality by intervening systematically in his images. He systematically generates another level of meaning that impels the gaze — often trapped in a purely aesthetic dimension — to look beyond what it sees, and invites the spectator to think on the photograph. Thus he introduces a reflection on time and creates an intelligent dialogue between the visible and the invisible, shadow and light, the immanent and the transcendant. By confronting colour and black-and-white, and extending the range of the possible using a blue 5-metre rope, as well as adding aesthetic value, he introduces a reflection on fundamental questions such as the frontier between art and document, reality and the sublimation of reality. His transgression of photographic codes in the series Cinq mètres ( 1978 ) is characteristic of artistic reflection and trends of the 1970s. In the same vein, he questions the very process of photographic creation — literally writing with light — by taking photographs by night and using a light beam to write and draw visual signs within the images ( Light painting ). ( Graffiti greffés, 1979 ). Thanks to this series, he won a federal grant from the Swiss Art Awards in 1980, that he was awarded again in 1981 and 1982.
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From the 1980s onwards, in the spirit of contemporary creation, Jacques Pugin made a series of colour images that confront relief images of the sweeping contours and inflections of the landscape with their potential geometric forms : a process of schematization that, when taken to its ultimate conclusion leads to topographical abstraction ( Géométrie dans l’espace 1981 ). With the Graffiti rouge series in 1984, the photographer takes this visual idea even further. Here he experiments with various different techniques, ways and means of transgressing the codes of colour and temporality, drawing traces of light in his images that evoke a painter’s brushstrokes. Early in the next decade, Jacques Pugin became interested in images sourced from videos, although he still retained a serial vision of photography. Using a large format instant Polaroid camera ( 60 × 50 cm/20 × 24 inch ), he was able to manipulate the image multiple times, resulting in a vision of the images that was often symbolic ( Polaroids, 1985 ). This was followed by a series on matter and vegetation ( Les Végétaux, 1992 ) before the artist embarked on his first major work on mountains, a subject he approached from a simultaneously pictorial and geometric angle ( La Montagne bleue 1995–1998 ). In 2001, he was awarded a grant by the Leenards Foundation, which enabled him to start work on a major project, developed over the course of numerous voyages between 2002–18 : “Sacred Sites”. Sites imbued with history and culture that he discovered in deserts in Africa, Australia, India and Latin America. In this series, he is looking for a way to express man’s complex relationship with nature, through sites that bear traces of the mystery of their origins and cast a disturbing shadow of the future. Where the primitive beauty, violence and hostility of nature bares the soul and puts the body to the test. Where, buoyed by aesthetic evidence, in the play of light the photographer uncovers a reality that is more than simple matter, single emotion or pure form. From primordial chaos, intelligence emerges. Here photography reveals the ineffable force that emanates from pure visual beauty. These vast landscapes, where time is no longer on human scale, fulfil a yearning for the absolute that blends conflicting emotions : apocalyptic fear and delight in the world, spiritual immanence and absolute void, life and death. Certain sites are raw material for landscapes to be constructed, while other sites are circumscribed, having inherited the
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s tigmata that Jacques Pugin reveals by capturing a dimension that is rare in photography : the sacred. A subtle but spectacular interpretation, at the frontier of vision and thought. Influenced by cultures, science and religion, in search of the secrets of existence our gaze turns naturally towards the sea, the desert or mountains. Mountains have inspired several series that are now central to Jacques Pugin’s work : La Montagne s’ombre ( 2005–2013 ), Day after Day ( 2009–2015 ), Glaciers ( 2015–2018 ), and Glaciers offset ( 2017–2019 ). The romantic spirit of the sublime is manifest in mountain landscapes, field of ruins of the creation of the world. In the glacial verticality of mountains, beyond the sense of beauty and poetry they inspire, it is spiritual and visual infinity that characterize these places, where the photographer’s gaze roams free, mingling earth and sky, light and shadow, intellect and emotion. Beyond naturalism and illusion, without which there is no representation, are hints of unfathomable secrets that only the soul can contemplate. Image after image, one starts to feel that each work is woven upon the last and reveals, if not its substance, at least its warp and weft. The photographer’s travelling gaze fashions images that do not simply show what exists but also suggest what we are : small on human scale, insignifiant on a global scale, non-existant in the scale of time. Out of the void and the original state of despair, is born an inward gaze that constantly reinvents hope, between sensuality and renunciation. Bright colours and brilliant light are reflected in the symbolic mirror that Jacques Pugin holds out to us. Paradoxically, he propels us forward in time and alone without eschewing/forsaking the beauty of things. Between 2008 and 2013, Jacques Pugin carried out an innovative projet, with tragic contours and intriguing aspect : The Knights of the Devil. This series, a brilliant foray into politics in abstract mode, makes use of reworked satellite images of sites where atrocities were committed by Darfur ( western Sudan ) by the Janjaweed “devil’s horsemen” militia that operated, amid the silence and indifference of the rest of the world. The objective and impersonal aerial view enables remote testimony, while the treatment, where the artist inverts the images to produce a negative, reveals a committed and personal artistic project. Once the complex principle of these space maps is in place, the landscapes are unveiled, haunted by the unspeakable atrocities that took place there.
The more serene Pristine series ( 2015 ) was shot in a desert in the Sultanate of Oman. There Jacques Pugin reworked the images by inverting the polarities, to create mysterious and strikingly beautiful landscapes. Symbolic traces cut across the images and create the illusion of nocturnal snowscapes. The spaces blur the notion of reality and elevate an image that was originally no more than simple recorded document, to the status of a work of art. Drawing on his experience with satellite images ( using Google Earth ), in 2019 Jacques Pugin reconnected with his origins with a projet in Freibourg, La Désalpe 2.0., ( return of the cows from the mountain pastures at the end of summer ). At the heart of the images, traditional local style is confronted with digital modernity. In this ambiguous transhumance, different worlds collide : nature and artifice, animal and concrete, reality and its digital algorithm. Over a period of forty years, Jacques Pugin has developed a highly coherent body of photographic work, seeking original aesthetic principles and his own artistic language, in a style that emerges as the changing landcapes unfold. His style appears in the recurrent use of hand-written markings, traces and signs, his experimentation with photographic techniques, use of video and satellite images. Jacques Pugin’s work is characterized by aesthetic and visual ambition, associated with a keen quest for meaning, the driving principle behind a work of art in the making. Intelligence, originality, beauty and perfection are the hallmarks of Jacques Pugin’s work, constructed with remarkable artistic sensibility and closely linked to contemporary culture.
Daniel Girardin Art historian, Lausanne, 2020
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Jacques Pugin’s photographic journey Jacques Pugin is a man of images, who expresses himself visually rather than in words. Beyond their immediate aesthetic appeal, his images convey a message, a testimony that is sometimes political or ideological, but always implicit. These images, like their author, are not always easy to read. Throughout his artistic journey, Pugin experiments, using every available technique to achieve his purpose. He even goes so far as to jettison his working tool, the camera itself, to ascend, literally and figuratively, into a numeric dimension. Tracehumance traverses four decades of work by Jacques Pugin, in five chapters that illustrate his artistic approach, characterized by an almost obsessive quest for signs and traces created by man or nature.
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Investing the landscape, the image
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A dreamlike and imaginative/poetic pictorial approach
The artist rejects the notion of “photographic truth”. For Jacques Pugin, photography is no more than a medium that he uses to express himself : accordingly, with a great freedom that breaks with a more conventional approach to photography, he allows himself take all kinds of pre- or post-photographic liberties with the image.
In this series, the artist gives free reign to his imagination, inventing his own stories and creating new worlds with total freedom. He transforms the photos by painting over much of the image. Mountains turn dark and blue, they are almost disturbing. Vegetation becomes a fantastic imaginary jungle where the spectator trespasses, insect-like.
Here Pugin invests the photos, using Light Painting and other techniques to leave traces in the images that structure the space, or symbolize the passage of time.
Letting his mind roam at will, here Jacques Pugin freely explores an oneiric and aesthetic space, on occasion ignoring the codes of image clarity and traditional perspective and proportion.
Les séries :
Techniques :
Les séries :
Les techniques :
Cinq mètres, 1978
Analog camera, superimposition on 24 × 36 films, long exposure, candles, torches, colouring, scraping
La Montagne bleue, 1995-1998
Analog photography and paint
Graffiti greffés, 1979 Géométrie dans l’espace, 1981 Graffiti rouge, 1984 Traces dans l’image, 1985
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Les Végétaux, 1992
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Mountains : making inventories and testifying Mountains are an important theme for Jacques Pugin. And he knows they are not as invulnerable as they appear, impacted by global warming, tourism and human activity. Pugin “takes portraits” of mountains. Like a botanist, he makes inventories that bear silent witness to their fragility, confronting us with evidence of the melting of the glaciers and their inexorable disappearance, which he refuses to accept. And so, using superimposed images, he reconstructs the mountains.
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Transcending and appropriating reality At first glance, humans occupy a very small space in Jacques Pugin’s work, compared to nature and landscape. And yet they are omnipresent. During his travels around the world, his artist’s eye constantly and methodically records the traces left by men in the sites he visits. Behind every construction and every trace, sometimes adopting an anthropomorphic approach, in his own way Pugin reveals to us the omnipresence of mankind. Pugin underlines circles and highlights signs as a means of appropriating the sites and symbols created by others.
A myth of Sisyphus for the present day, a symbolic artistic struggle that is as spectacular as the tarpaulins covering the Rhône Glacier intended to slow the melting of the ice.
Les séries :
Les techniques :
Les séries :
Les techniques :
La Montagne s’ombre, 2005-2013
Digital camera, drone, video, superimposed video images
Sacred Site, 2001-2017
Digital tools, Human intervention
Glaciers, 2015-2018
Pristine, 2015
Glaciers offset, 2017-2019
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Beyond photography
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Day After Day 2009-2014
The three series are connected by freedom from terrestrial gravity and the camera, and making use of the Cloud. Here Jacques Pugin abandons the camera to make three testimonies. The theme of Day after Day is the transcience of the image, while The Knights of the Devil, where the subject matter is not immediately apparent thanks to its dreamlike approach, documents the dark geopolitical reality of conflict in Africa. La Désalpes 2.0, is a surprising combination of a subject steeped in tradition and the choice of ultra-contemporary digital techniques. It symbolizes the contradictions of a society that is out of kilter.
Les séries :
Les techniques :
Day after Day, 2009-2015
Images sourced from Google Earth, Drone images, Webcam images
Les Cavaliers du Diable, 2008-2013 La Désalpe 2.0, 2019
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With Day After Day, Jacques Pugin has reaffirmed his avant-garde approach to contemporary photography. At first glance, the work appears to display the characteristics of what arts journalist and editor Robert Shore qualifies as “post-photography”. In this context, rather than “photographers”, we speak of artists who utilize cameras or image-making devices to produce new works sourced from pre-existing, usually webfound, images. Yet while Pugin can legitimately be associated with this movement, he nonetheless stands out as unique. Indeed, conscientious consideration of Day After Day reveals that he has reached farther than others. He has pushed beyond the limits of his art such to surprise with a novel view of a favorite subject — the mountains. The result is a palimpsest composition of infinite beauty. It all began in August 2009, when Switzerland’s Zermatt ski resort started to post daily webcam images of the 4478-meter high Matterhorn mountain online. Pugin collected these pictures for 5 years, diligently saving the daily updates of the same image. With the webcam replacing both the camera and the artist’s eye, the photographer has become a stationary traveler whose gaze is drawn to the same mountain, again and again. Treating each image as if it were a snapshot, he has transformed the documentary images into a visual representation of a fleeting, ever-changing Nature. Sorting through the webcam images, Pugin took particular interest in those bearing marks of the varying weather : fog, rain, snow… He also retained images posted despite technical glitches, those from days when the webcam did not function properly. He kept the resulting blank, black images. The act of diverting images from their initial purpose may be understood on many different levels, hence the earlier reference to a palimpsest. The captured webcam images testify to the weather on a particular day. They were destined to get lost among the thousands posted on the web every day, but Pugin brought them to life. He has detained fleeting moments. The ephemeral is available for contemplation due
Where are we?
to the artist’s production of a stable, durable vision. Large format ( 107 × 144 cm ) prints of selected 50 ko images expose individual pixels of color, blurring the already fine line between photography and painting. Images intended be merely informative have become photographic works of art. The work inverts an idea put forward by William Henry Fox Talbot’s in 1844, that photography is “the pencil of nature”. Here, as the weather shifts from sunny to stormy to snowy, Nature transforms the photographic subject ( the Matterhorn ), carrying out a creative process much like an artist. This is not an anonymous work of art, but simply an uncrafted work of art. Pugin has expanded the boundaries of photography and liberated himself from the tool of his trade in order to attain the essence of his art. Day After Day is a fundamentally contemporary, poetic work that subtly and elegantly pays immense, moving tribute to Mother Nature, perhaps the only genuine artist in our midst.
Night… luminous traces, maybe celestial vaults, an oniric world full of mystery. Hidden in what seems like a dream is a reality which is closer to a nightmare : These traces are vestiges of the civil war in Darfour ; abuse performed by the Janjawids ( The Knights of the Devil ), who raped the women, killed the children and slaughtered the population, before burning down the villages — leaving nothing but the ash of homes and fences. For the first time in his career, Jacques Pugin, artist photographer, has chosen to work on images which are not his own, using clichés borrowed from the internet. These satellite images are actually extracted from Google Earth, taken from millions of kilometers above Darfour. In their original state, these images are dead, black traces of archived history, as seen by the eye of the satellite. They are simply echoes of events. As archeologists would say : “This happened here”. Jacques Pugin has chosen to work on these images by applying a double treatment. Firstly by draining all colour, making them black and white, and secondly by inverting them, pointing to the symbolic and fundamentally dark, negative nature of the barbarity which they witness. Turning the stills to negative also transforms all black lines into white traces, filling them with light — the light of the passage of fire. On a first reading, the decidedly graphic yet seemingly obscure nature of these images stimulates our curiosity, yet it is upon deeper observation that the captured photographs reveal their intrinsic meaning, their violence. If this work can be said to belong to the photographer’s continued research on traces, started in 1979 with the Graffiti Greffés ( Grafted Graffiti ) series, this time, Jacques Pugin’s drive is primarily a political one. Conscious of journalists’ lack of access into the Darfour region, the artist questions the role of the internet by indirectly transforming Google Earth into a reporting tool that witnesses from high above.
Hélène Beade Visual Arts Professor
Isabel Rocamora artiste
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Désalpe 2.0
A herd of cattle, garlanded with flowers is crossing the mountain landscape in single file. The scene evokes Poya paintings, derived from Fribourgeouis folk art, that depict the springtime ritual when the cattle climb the mountainside to the alpine pastures. But instead of showing the transhumance ascending upwards, a symbol of hope, Jacques Pugin focuses on another key moment, the Désalpe folk festival celebrating the descent of the cattle to the lowland plains. In this new genre of panorama, two worlds collide : rural scenes superimposed on “surreal” backdrops. These are composed of pixels and produced from Google Earth photography and mapping tool. Beneath a deep black sky, distorted landscapes with incongruous proportions disrupt the perspective of traditional pictorial and photographic representation. Between squashed cars and flattened buildings, the artist’s choice of frame is unsettling and creates a climate of anxiety : although Google algorithms are designed to be completely logical, they can generate disconcerting results! These images crystallize man’s capacity to create a system in conflict with itself : Jacques Pugin questions the place of the traditional agricultural model in the contemporary world. Once again by playing with contrasts, he reveals the schizophrenic tendancies of an unstable society, torn between tradition and progress, the remains of the past and future projections.
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Remerciements
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ISBN 123 456 789 Š 2020 officiatem velia
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