Réseaux de conflit en Afrique du Nord et de l’Ouest
DES CONFLITS PLUS VIOLENTS ET TRANSNATIONAUX
La violence ne cesse de progresser en Afrique du Nord et de l’Ouest. Ces dix dernières années, les affrontements entre forces gouvernementales et milices locales, groupes rebelles et organisations extrémistes ont ainsi fait plus de 100 000 morts. Les conflits sont devenus plus violents, touchant
de plus en plus de civils, en particulier dans les zones rurales et frontalières où le pouvoir et les infrastructures de l’État sont depuis longtemps affaiblis. Les violences se propagent par-delà les frontières, suscitant instabilité et insécurité dans de nombreux pays.
Décès impliquant Boko Haram, ISWAP et les forces gouvernementales, 2009-2020
Source : OCDE/CSAO (2021) à partir de données ACLED (Armed Conflict Location & Event Data Project), https://acleddata.com/. Les données ACLED sont accessibles au public.
Region du Lac Tchad
conflit le plus meurtrier de la région
59 000 victimes
depuis 2009 (6 fois plus qu’au Mali), dont plus de 36 000 civils
20 %
Boko Haram et ISWAP (État islamique en Afrique de l’Ouest) totalisent 20 % des événements violents
LES RELATIONS ENTRE ACTEURS EN CONFLIT SONT COMPLEXES
Afin de mieux comprendre les dynamiques de conflit, le CSAO/OCDE utilise une approche novatrice, l’analyse dynamique des réseaux sociaux, pour cartographier les relations complexes entre organisations violentes. On peut alors identifier qui est allié à qui (alliances) et qui est en conflit avec qui (rivalités) et comprendre comment ces relations très volatiles évoluent au fil du temps.
En plus d’appréhender les facteurs faisant obstacle à la stabilité, la compréhension des
relations entre acteurs en conflit permet de nourrir des stratégies de stabilisation plus efficaces. En Afrique du Nord et de l’Ouest, la fluctuation constante des alliances entre organisations violentes accentue la difficulté d’établir une paix durable. Des groupes alliés un jour peuvent s’affronter le lendemain, puis coopérer à nouveau. De nouveaux groupes se forment, se divisent et se réunifient de manière tout aussi imprévisible. La complexité de ces relations rend la résolution des conflits de plus en plus difficile.
En 2019, le nombre de rivalités est 4 fois supérieur à celui des alliances.
1 200 rivalités
300 alliances
Note : Données disponibles jusqu’au 30 juin 2020.
Source : OCDE/CSAO (2021) à partir de données ACLED (Armed Conflict Location & Event Data Project), https://acleddata.com/. Les données ACLED sont accessibles au public.
LE NOMBRE D’ORGANISATIONS VIOLENTES EST EN AUGMENTATION
Alimenté par les insurrections, rébellions et coups d’État au Mali, au Burkina Faso, au Niger, au Nigéria et en Libye, le nombre d’organisations en conflit double presque entre 2009 et 2019. Cette augmentation s’explique notamment par l’absence d’un objectif politique commun. De nombreuses organisations violentes ont souvent
604 en 2009
un ennemi commun, sans nécessairement collaborer entre elles. La multiplication des groupes qui en résulte contribue à la propagation des violences à travers la région, jusqu’à des zones auparavant pacifiques.
1 199 en 2019
Organisations en conflit en Afrique du Nord et de l’Ouest, 1997-2020
Note : Données disponibles jusqu’au 30 juin 2020.
Source : OCDE/CSAO (2021) à partir de données ACLED (Armed Conflict Location & Event Data Project), https://acleddata.com/. Les données ACLED sont accessibles au public.
LES MILICES POLITIQUES ET IDENTITAIRES SE DÉVELOPPENT
Ces milices sont le type d’organisation le plus répandu dans la région (un tiers en 2020). Il s’agit de groupes armés luttant au nom d’une identité culturelle (ethnicité, langue, religion, nationalité, lieu d’origine ou autre). Les autorités
gouvernementales, les dirigeants religieux et les leaders communautaires utilisent souvent ces milices comme des armées privées pour régler les différends, s’arroger l’accès aux ressources et renforcer leur pouvoir local.
Organisations en conflit en Afrique du Nord et de l’Ouest, par type, 1997-2019
Note : Données disponibles jusqu’au 30 juin 2020. Les données ACLED n’établissent pas de distinction entre auteurs et victimes des attaques violentes, à l’exception des civils, toujours répertoriés comme victimes.
Source : Auteurs, d’après les données ACLED (2020), The Armed Conflict Location & Event Data Project, https://acleddata.com/data-export-tool/.
Un tiers des organisations en conflit en Afrique du Nord et de l’Ouest en 2020 sont des milices.
TROIS THÉÂTRES DE CONFLIT
Il s’agit du Sahel central (Burkina Faso, Mali, Niger), de la région du lac Tchad (Cameroun, Tchad, Niger, Nigéria) et de la Libye. Ces zones affichent une centralisation de plus en plus forte des conflits autour d’un petit nombre de belligérants, eux-mêmes de plus en plus violents et capables de mieux dominer les conflits.
Réseau de conflit au Mali et dans le Sahel central, 2020
Le JNIM, groupe djihadiste situé au centre du réseau, est un acteur transfrontalier majeur menant des attaques au Mali, au Burkina Faso et au Niger. Il totalise le plus grand nombre d’ennemis dans la région, rivalités qu’illustrent les lignes rouges le reliant aux autres acteurs.
Forces militaires de Côte d’Ivoire
Milice ethnique peul (Mali)
Dan Na Ambassagou
Groupe ethnique dogon (Mali)
Milice communautaire dozo
Groupe armé non identifié (Mali)
Gouvernement du Mali
Milice ethnique dogon (Mali)
Civils (Mali)
Forces militaires du Soudan
MINUSMA
Forces militaires du Mali
ISWAP
Forces militaires du Niger
JNIM
Groupe ethnique peul (Mali)
Groupe ethnique daoussahak de
Groupe ethnique touareg (Mali)
Forces de police du Mali
Civils(Niger) Milice communautaire dozo (Burkina Faso)
Civils (Burkina Faso)
G5S
Forces de police du Niger
Forces militaires du Burkina Faso
Forces de police du Burkina Faso
VDP
EIGS
Koglweogo
Groupe ethnique peul (Burkina Faso)
Groupe armé non identifié (Burkina Faso)
Acteurs
Forces étatiques Relations
Civils Acteurs extérieurs, autres Rivalité
Groupes rebelles Milices politiques Milices identitaires
Note : Données disponibles jusqu’au 30 juin 2020. Les données ACLED n’établissent pas de distinction entre auteurs et victimes des attaques violentes, à l’exception des civils, toujours répertoriés comme victimes.
Source : Auteurs, d’après les données ACLED (2020), The Armed Conflict Location & Event Data Project, https://acleddata.com/data-export-tool/.
LES INTERVENTIONS MILITAIRES NE SUFFISENT PAS À APPORTER UNE STABILITÉ DURABLE
Les interventions militaires n’affaiblissent que temporairement leurs adversaires, sans apporter de stabilité durable. Dans certains cas, elles renforcent les organisations djihadistes et rebelles en contribuant à leur résilience. Certains groupes jihadistes affaiblis ont par exemple pu prêter allégeance à des organisations
mondiales telles que l’État islamique, se diviser autour de clivages ethniques et géographiques, fusionner avec d’autres groupes, ou encore se déplacer vers des zones plus reculées ou moins surveillées, participant à la propagation régionale de la violence.
PERSPECTIVES : VERS DES APPROCHES RÉGIONALES COORDONNÉES ET UNE GOUVERNANCE RENFORCÉE
Les interventions militaires ne peuvent, à elles seules, s’attaquer aux causes profondes des conflits.
Des approches régionales coordonnées sont nécessaires pour lutter contre la propagation transnationale des violences politiques.
Les autorités gouvernementales doivent renforcer la cohésion nationale en veillant à la mise en place d’institutions et d’infrastructures décentralisées, et à la prise en compte des enjeux civils. Les zones rurales et frontalières appellent l’adoption de politiques territorialisées, adaptées à leurs spécificités.
Secrétariat du
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Une version en ligne du rapport Réseaux de conflit en Afrique du Nord et de l’Ouest est disponible sur www.oecd.org/fr/csao/publications
Cet ouvrage est publié dans le cadre de la série des Cahiers de l’Afrique de l’Ouest, consacrée aux problématiques économiques et sociales actuelles en Afrique de l’Ouest. La série complète, ainsi que celle des Notes ouest-africaines, sont accessibles sur www.oecd.org/fr/csao/publications
www.oecd.org/fr/csao
https://mapping-africa-transformations.org/fr/