Programme d’initiatives transfrontalières 2006 - 2008(38447670)

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PROGRAMME D’INITIATIVES TRANSFRONTALIÈRES

2006 - 2008

Secrétariat Exécutif de la CEDEAO Abuja, août 2005

Document rédigé avec l’appui du Secrétariat du Club du Sahel et de l’Afrique de l'Ouest

Sigles et acronymes

APE Accords de partenariat Économique entre l’Union Européenne et les pays ACPhttp://europa.eu.int/pol/dev/index_fr.htm

ARFE Association des Régions Frontalières Européennes –http://w3.are-regions-europe.org/INTERREGIONAL/F-ARFE.html

CEDEAO Communauté Économique des États de l’Afrique de l'Ouest - http://www.ecowas.int/

CILSS Comité permanent Inter États de Lutte contre la Sécheresse au Sahelhttp://www.cilssnet.org/

CSAO Club du Sahel et de l’Afrique de l'Ouest de l’OCDE - http://www.oecd.org/sah

ENDA-DIAPOL Enda Prospective Dialogue Politique - http://www.enda.sn/diapol/

NEPAD New Partnership for Africa’s Development (Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique) - http://www.nepad.org/

OCHA United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs (Bureau des Nations Unies pour la Coordination des Affaires Humanitaires - http://ochaonline.un.org/

PDM Partenariat pour le Développement Municipal en Afrique de l'Ouest et du Centrehttp://www.pdm-net.org/

UEMOA Union Économique et Monétaire de l’Afrique de l'Ouest - http://www.uemoa.int/

UNOWA United Nation Office for West Africa (Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l'Ouest - http://www.un.org/Depts/dpa/prev_dip/africa/office_for_srsg/fst_office_for_srsg.htm

WABI Initiative West Africa Borders and Integration (Frontières et Intégrations en Afrique de l'Ouest) - http://www.afriquefrontieres.org/

ZARESE Zones A Risque Environnemental et Social Elevé

N’Faly SANOH Point focal Programmes Initiatives Transfrontalières, CEDEAO nfalysanoh@yahoo.fr

Contacts

Laurent BOSSARD Chef de l’Unité Développement local et processus d’intégration régionale, CSAOOCDE. laurent.bossard@oecd.org

Table des matières

I. JUSTIFICATION DU PROGRAMME..........................................................................................................9

1.1. LA DENSIFICATION DÉMOGRAPHIQUE ET ÉCONOMIQUE DE NOMBREUSES ZONES FRONTALIÈRES ..............9

1.2. LA NÉCESSITÉ DE CRÉER UN ESPACE ÉCONOMIQUE RÉGIONAL ................................................................10

1.2.1. Ambitions régionales..................................................................................................................10

1.2.2 Spécificités et rôles potentiels des zones frontalières.................................................................11

1.3 LA NÉCESSITÉ DE GÉRER RÉGIONALEMENT LES CONSÉQUENCES DES CONFLITS ......................................12

1.3.1 Ambitions régionales..................................................................................................................12

1.3.2. Spécificités et rôles potentiels des zones frontalières..................................................................12

1.4 LA NÉCESSITÉ DE DONNER UNE DIMENSION RÉGIONALE À UN GRAND NOMBRE DE POLITIQUES SECTORIELLES .........13

1.4.1 Ambitions régionales..................................................................................................................13

1.4.2. Spécificités et rôles potentiels des zones frontalières.................................................................13

1.5. LA NÉCESSITÉ D’UN PROCESSUS D’INTÉGRATION RÉGIONALE PLUS PROCHE DES POPULATIONS ET PLUS ANCRÉ DANS LES RÉALITÉS DE TERRAIN .................................................................................................14

1.5.1 Valoriser les solidarités traditionnelles...................................................................................... 14

1.5.2 Faire entrer l’intégration régionale dans le champ du développement participatif...................14 II.

3.1 OBJECTIFS GÉNÉRAUX ............................................................................................................................17

3.1.1 Limiter la diffusion régionale de l’instabilité et de l’insécurité.................................................17

3.1.2 Accélérer le processus d’intégration régionale et de au sein de l’espace CEDEAO.................17

3.2 DURÉE ET OBJECTIFS SPÉCIFIQUES ..........................................................................................................17

3.2.1 Faire connaître et valoriser les initiatives transfrontalières existantes.....................................17

3.2.2 Montrer que ces initiatives peuvent être valorisées par le biais d’expériences sur le terrain....17

3.2.3 Doter la CEDEAO et ses États membres d’un cadre juridique favorable à la coopération transfrontalière et appuyer les États qui souhaitent s’engager..................................................18

3.2.4. Concevoir un programme ambitieux de généralisation de la coopération transfrontalière.......18

3.3 APPROCHE ET ACTIVITÉS ........................................................................................................................18

3.3.1 A l’échelle locale transfrontalière..............................................................................................18

3.3.2 A l’échelle des relations entre États frontaliers.........................................................................19

3.2.3 A l’échelle communautaire.........................................................................................................20

3.3.4 A l’échelle des rapports entre blocs régionaux : l’APE CEDEAO – U.E..................................21

3.3.5 Préparer l’avenir........................................................................................................................22

3.4 PARTENARIATS ........22

3.5 MODALITÉS DE MISE EN ŒUVRE .............................................................................................................23

3.5.1 Un(e) conseiller(e) spécial(e) du Secrétaire exécutif de la CEDEAO pour les affaires transfrontalières.........................................................................................................................23

3.5.2 Une cellule technique du P.I.T...................................................................................................23

3.5.3 Un comité de pilotage................................................................................................................24

3.6 CHRONOGRAMME INDICATIF ..................................................................................................................25

3.7 RÉSULTATS ATTENDUS ...........................................................................................................................26

3.8 BUDGET ..................................................................................................................................................27

3.8.1 Présentation générale.................................................................................................................27

3.8.2 Éléments explicatifs sur le financement et la nature des opérations de terrain..........................28

ANNEXE 1 : MÉMORANDUM APPROUVÉ PAR LE CONSEIL DES MINISTRES DE LA CEDEAO, JANVIER 2005...........................................................................................................................................................29

ANNEXE 2 : LE COMMERCE DE L’HUILE DE PALME EN SÉNÉGAMBIE MÉRIDIONALE.................33

ANNEXE 3 : LES « MIRADORS DE LA PAIX » ENTRE LE SÉNÉGAL ET LA GUINÉE BISSAU.............35

ANNEXE 4 : LA SANTÉ AU QUOTIDIEN DANS LA ZONE MOPTI (MALI) - OUAHIGOUYA (BURKINA)................................................................................................................................................................37

RÉSUMÉ

Le Programme d’Initiatives Transfrontalières (P.I.T.) résulte de l’adoption en janvier 2005 par les Ministres des Affaires étrangères des pays membres de la CEDEAO d’un mémorandum intitulé « Le concept de pays-frontière ou l’intégration de proximité ». Il s’agit pour la CEDEAO d’accélérer le processus d’intégration régionale en favorisant la multiplication d’initiatives et de projets transfrontaliers définis et mis en œuvre par les acteurs locaux publics et privés. Le P.I.T. n’est pas un programme sectoriel. Tous les domaines de la vie des Africains de l’Ouest sont concernés : la sécurité et la prévention des conflits, la santé et l’éducation, l’agriculture, l’élevage et l’environnement, le commerce et les transports, l’industrie et les services, la culture et le sport. C’est son approche locale et transfrontalière qui le distingue et le rend complémentaire des grandes stratégies régionales sectorielles.

Justification

Les zones frontalières d’Afrique de l'Ouest sont de plus en plus peuplées. Elles disposent de potentiels de développement de plus en plus importants mais demeurent marginalisées et souvent fragiles. Elles vivent au quotidien les entraves qui s’opposent encore à la coopération et à l’intégration ouest-africaines en dépit de l’existence de textes communautaires sur la libre circulation des biens et des personnes et sur la liberté d’établissement. Elles subissent également les conséquences des disparités entre les politiques économiques nationales. Elles sont rarement les lieux où naissent les conflits mais les conséquences de ces derniers continuent de s’y cristalliser. Ce sont dans les zones frontalières que l’on trouve généralement les camps de réfugiés et où se développent les trafics et l’insécurité. Les habitants de ces zones, acteurs publics et privés sont porteurs d’un grand nombre de projets, d’initiatives ou d’idées qu’ils essayent de mettre en œuvre ou qu’ils voudraient réaliser : des structures de médiation et de prévention des conflits, des postes de santé, des marchés frontaliers, un système transfrontalier de pistes rurales, une gestion plus concertée des parcours de transhumance, etc. Ces initiatives ont l’avantage d’être ancrées profondément dans le milieu et de pouvoir se développer dans la durée. En les reconnaissant et en les appuyant, la CEDEAO peut accélérer et consolider le processus d’intégration régionale par la base tout en améliorant la sécurité de la région et son développement.

Origine

En 2003, le Club du Sahel et de l’Afrique de l'Ouest de l’OCDE (CSAO), l’ONG ENDA-Diapol et la Direction Nationale des Frontières du Mali, créaient l’initiative West African Borders and Integration (WABI) dans le but de promouvoir la coopération transfrontalière. Dans le même temps, d’autres partenaires développaient l’approche transfrontalière dans les domaines de l’aménagement du territoire (PDM et UEMOA) et de la sécurité (UNOWA). En octobre 2004, le deuxième atelier du réseau WABI se tenait à Abuja et le Secrétaire Exécutif de la CEDEAO annonçait sa volonté de mettre en œuvre le P.I.T. avec l’appui du CSAO. En janvier 2005 les Ministres des Affaires étrangères de la CEDEAO en approuvaient le principe (voir annexe 1).

Objectifs généraux

Limiter la diffusion régionale de l’instabilité et de l’insécurité.

Accélérer le processus d’intégration régionale au sein de l’espace CEDEAO.

Durée et objectifs spécifiques.

La durée du programme est de trois ans. Il vise à :

Faire connaître les initiatives transfrontalières existantes.

Montrer que ces initiatives peuvent être valorisées par le biais d’expériences sur le terrain.

Doter la CEDEAO et ses États membres d’un cadre juridique favorable à la coopération transfrontalière.

Concevoir un programme ambitieux de généralisation de la coopération transfrontalière.

Activités

A l’échelle locale transfrontalière :

Activité 1 : Identification et recensement des initiatives transfrontalières

Activité 2 : Création de six cadres tests de dialogue transfrontaliers

Activité 3 : Appui à une dizaine de projets pilotes.

A l’échelle des relations entre États frontaliers :

Activité 4 : Favoriser l’implication concrète des États.

A l’échelle communautaire :

Activité 5 : Une convention communautaire de coopération transfrontalière (CCCT)

Activité 6 : Faisabilité d’un fonds communautaire de facilitation de la coopération transfrontalière

Activité 7 : Faisabilité d’un observatoire des pays-frontière.

A l’échelle des rapports entre blocs régionaux :

Activité 8 : Intégrer la coopération transfrontalière dans la mise en œuvre de l’Accord de Partenariat Économique CEDEAO – Union Européenne.

Sur la base des activités 1 à 8 ; en fin de programme :

Activité 9 : Une conférence internationale sur l’avenir de la coopération transfrontalière en Afrique de l'Ouest organisée autour des acteurs locaux frontaliers.

Pour encourager les synergies :

Activité 10 : Le développement et l’entretien de nombreux partenariats.

Modalités de mise en œuvre

Un(e) conseiller(e) spécial(e) du Secrétaire Exécutif de la CEDEAO pour les affaires transfrontalières.

Une cellule technique composée d’un(e) chef de cellule, d’un(e) expert et d’un(e) assistant(e).

Un comité de pilotage qui se réunira deux fois par an et aura pour fonction de discuter et d’orienter la mise en œuvre du programme ; de discuter et de valider les choix de financement concernant les cadres de dialogue transfrontaliers et les projets pilotes.

Résultats attendus

Activité 1 :

Un annuaire des initiatives transfrontalières en Afrique de l'Ouest

Promotion de ces initiatives auprès des agences de coopération

Financement probable de plusieurs de ces initiatives en dehors du Programme par des bailleurs de fonds intéressés.

Activité 2 :

Création de six cadres de dialogue transfrontaliers

Améliorations concrètes de la sécurité et de la fluidité

Émergences de projets concrets financés dans le cadre du programme ou bilatéralement par un bailleur de fonds intéressé.

Des leçons opérationnelles pour une généralisation de la démarche

Activité 3 :

Une dizaine de projets pilotes exécutés ; de petite envergure mais exemplaires

Des leçons opérationnelles pour une généralisation de la démarche

Activité 4 :

Diffusion du principe et des modalités de la coopération transfrontalière au sein des administrations nationales dans les pays qui souhaiteront s’engager

Participation active des administrations nationales à la mise en œuvre des cadres de dialogue et des projets pilotes

Implication des associations d’élus locaux.

Activité 5 :

Une convention juridique communautaire approuvée par l’ensemble des pays membres de la CEDEAO sur laquelle les administrations nationales et les élus locaux pourront s’appuyer pour agir dans les zones frontalières des pays qui souhaiteront s’engager

Éventuellement des conventions additionnelles bi ou trilatérales entre pays particulièrement motivés.

Activité 6 :

Faisabilité d’un fonds communautaire de facilitation de la coopération transfrontalière sur la base des expériences menées dans le cadre des activités 2 et 3.

Activité 7 :

Faisabilité d’un observatoire des pays-frontière. L’expérience acquise du fait de l’activité 1 et la naissance d’un réseau d’acteurs frontaliers permettront de formuler un projet d’observatoire des paysfrontière : fonction de veille dans les zones sensibles et de facilitation du dialogue, fonction d’analyse structurelle et de proposition stratégique.

Activité 8 :

Prise en compte officielle de la coopération transfrontalière dans la stratégie de mise en oeuvre de l’APE ; y compris la participation de l’UE au fonds de facilitation (activité 7).

Activité 9. :

Conférence internationale sur l’avenir de la coopération transfrontalière en Afrique de l'Ouest Formulation d’une politique globale pour l’avenir de la coopération transfrontalière.

Activité 10 :

Développement de partenariats multiples avec des institutions régionales, des structures nationales et locales, des ONG et associations.

Budget

Le budget du Programme s’établit à 1.67 million de dollars US pour la période de trois ans. Les opérations de terrain représentent près de 50% du total. Elles sont au cœur du dispositif. L’équipe régionale représente un tiers du budget. Sa fonction politique matérialisée par le poste de conseiller spécial du Secrétaire Exécutif, est essentielle à la concrétisation de l’appui des États et des appareils administratifs et à la participation directe de ces appareils aux opérations de terrain.

Le financement des cadres de dialogue transfrontalier devrait porter, sur :

De petites rémunérations d’une ONG ou association locale pour l’organisation des réunions du cadre de dialogue et l’appui au développement des activités

De petits financements de facilitation pour la mise en œuvre d’une action transfrontalière propre à crédibiliser ou à souder le cadre de dialogue (contribution à un festival culturel transfrontalier ; réalisation sur place de panneaux expliquant les droits des citoyens de la CEDEAO au poste frontière ; contribution à l’installation physique d’un lieu de médiation pour régler les différents transfrontaliers….)

Appuis à des campagnes de sensibilisation radiophoniques dans les localités concernées.

Le financement des projets pilotes devrait porter sur des actions qui sont déjà formulées et dans certains cas ont connu une première phase d’exécution. Le montant alloué à ces projets étant relativement faible (50 000 USD au maximum pour chacun d’entre eux), le Programme apportera de préférence son appui à des projets cofinancés localement et dont l’exemplarité est importante. Dans un certain nombre de cas, le cofinancement apporté par le projet pourrait servir de levier à la mobilisation d’un budget plus important auprès d’une agence de coopération ou d’un ONG internationale.

INTRODUCTION

L’objet du présent document est de décrire les modalités de mise en œuvre du Programme d’Initiatives Transfrontalières (P.I.T.) de la CEDEAO pour la période 2006 - 2008. Ce programme résulte de l’adoption en janvier 2005 par les Ministres des Affaires étrangères des pays membres de la CEDEAO d’un mémorandum intitulé « Le concept de pays-frontière ou l’intégration de proximité ». Ce mémorandum est présenté en annexe 1.

Le concept de « pays-frontière » avait été énoncé au début des années 2000 par Alpha Oumar Konaré alors président du Mali qui souhaitait voir la notion de frontière céder la place à celle de pays-frontière : « zone de soudure, et d’échanges qui verraient des peuples frontaliers occuper des écoles, des postes de sécurité, des marchés ou des centres de santé communs ».

« Intégration de proximité », « Pays-frontière », « Coopération transfrontalière », quel que soit le vocable utilisé, il s’agit pour la CEDEAO d’accélérer le processus d’intégration régionale en favorisant la multiplication d’initiatives et de projets transfrontaliers définis et mis en œuvre par les acteurs locaux publics et privés. Le P.I.T. n’est pas un programme sectoriel. Tous les domaines de la vie des Africains de l’Ouest sont concernés : la sécurité et la prévention des conflits, la santé et l’éducation, l’agriculture, l’élevage et l’environnement, le commerce et les transports, l’industrie et les services, la culture et le sport. C’est son approche locale et transfrontalière qui le distingue et le rend complémentaire des grandes stratégies régionales sectorielles.

I. JUSTIFICATION DU PROGRAMME

1.1. La densification démographique et économique de nombreuses zones frontalières

A l’époque des indépendances, l’Afrique de l'Ouest était peu peuplée et sa population était essentiellement concentrée sur la côte et autour des grandes villes sahéliennes. Entre 1960 et 2000, la population totale de la région a été multipliée par 3 ; passant de 87 à 260 millions d’habitants.

Le nombre de villes a beaucoup augmenté et, autour de ces villes, les espaces ruraux agricoles se sont densifiés. La carte ci-contre montre l’évolution modélisée de la relation entre ces espaces ruraux et les marchés urbains. Plus les tâches sont importantes et sombres, plus l’intensité des échanges est forte. Il apparaît ainsi en Afrique de l'Ouest que les espaces d’échanges autrefois séparés les uns des autres, se rejoignent progressivement par delà les frontières nationales.

Jadis marginalisées, beaucoup de zones frontalières sont désormais concernées par le marché agricole.

La carte ci-dessous confirme cette évolution. Elle montre qu’entre les pays sahéliens et côtiers, il existe aujourd'hui une cinquantaine de villes de plus de 50 000 habitants dans un périmètre de 150 km autour des lignes frontalières. Si l’on avait fait la même carte il y a 20 ans, une vingtaine de localités n’aurait pas figuré. Dans vingt ans, une quinzaine de localités s’ajouteront. La très grande densité urbaine du nord Nigeria et du nord Cameroun, figure ce que sera, dans une génération, le sud Niger, le Nord Ghana, le Nord Ivoirien et le Sud Ouest Sénégal.

Réseau urbain transfrontalier entre pays sahéliens et pays côtiers (villes de plus de 50 000 habsauf Nigeria oùne sont représentées que les villes de plus de 100 000 hab)

Sénégal

G.Bissau

Plus de 1 500 000 hab

500 000 –1 500 000 hab

300 000 –500 000 hab

100 000 –300 000 hab

50 000 –100 000 hab

Plus de 50 000 habdans les 5 à 15 prochaines années

Des zones transfrontalières à haute intensité d’échanges sont en train de naître et de se développer. Elles sont les lieux de passage de la quasi-totalité des échanges lointains entre le marché mondial et les pays enclavés et entre pays sahéliens et pays côtiers. Elles structurent également des échanges locaux-régionaux dont l’intensité grandit plus que proportionnellement à la croissance de la population. La prise en compte de ces espaces, de leurs potentiels mais aussi des risques spécifiques dont ils sont porteurs (cf. point 1.3.2.) dans les stratégies de coopération et d’intégration régionale devient une nécessité.

1.2. La nécessité de créer un espace économique régional

1.2.1. Ambitions régionales

Ces dernières années, la CEDEAO a remporté d’importants succès sur le front du maintien de la paix et de la sécurité collective, à tel point que certains observateurs ont parfois été tentés d’associer l’organisation au seul exercice de ces missions. Pourtant, la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest est, comme son nom l’indique, un organe de coopération économique entre pays partageant des frontières communes, ainsi qu’un projet de vivre ensemble. Le Traité révisé de la CEDEAO dispose, dans son article 3.1, que « la Communauté vise à promouvoir la coopération et l’intégration dans la perspective d’une Union économique de l’Afrique de l’Ouest (…) ». Le Traité prévoit également qu’afin de réaliser les buts qu’il énonce (art 3.2), l’action de la communauté portera sur « (…) la création d’un marché commun à travers :

La libéralisation des échanges par l’élimination entre les États membres, des droits de douane à l’importation et à l’exportation des marchandises et l’abolition entre les États Membres, des barrières non tarifaires en vue de la création d’une zone de libre échange au niveau de la Communauté ; L’établissement d’un tarif extérieur commun et d’une politique commerciale commune à l’égard des pays tiers ; La suppression entre les États Membres des obstacles à la libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux ainsi qu’aux droits de résidence et d’établissement (…) ».

Par ailleurs, d’autres facteurs poussent à l’approfondissement de la coopération et de l’intégration régionales, à travers la création d’un marché commun et l’abolition des barrières entre États. En particulier l’étroitesse de nombreux marchés nationaux d’Afrique de l’Ouest grève la compétitivité des productions régionales par rapport à la concurrence, notamment chinoise, américaine et européenne.

C’est cette raison qui a conduit la CEDEAO, associée à la Mauritanie, à négocier, puis signer un Accord de partenariat économique (APE) régional avec l’Union européenne. Cet accord, qui doit à terme déboucher sur une zone de libre échange euro-africaine, repose en effet sur l’hypothèse que la pression de la concurrence et l’intégration des marchés devraient pousser l’économie ouest-africaine à se restructurer sur des bases régionales.

1.2.2 Spécificités et rôles potentiels des zones frontalières

Au sens propre du terme, les zones frontalières sont les lignes de front de cette ambition d’intégration économique régionale. Elles vivent au quotidien les entraves et contraintes multiples qui s’opposent encore à la coopération et à l’intégration ouest-africaines en dépit de l’existence de textes communautaires sur la libre circulation des biens et des personnes et sur la liberté d’établissement. Elles subissent également les conséquences des disparités entre les politiques économiques nationales. Elles pâtissent enfin, d’une conception purement nationale de la gestion des filières économiques alors qu’elles disposent de potentiels dont le développement est entravé du fait de cette situation transfrontalière. L’exemple du commerce de l’huile de palme en Sénégambie méridionale, présenté en annexe 2, en est une bonne illustration.

Les travaux menés sur le terrain au cours des dernières années témoignent d’une capacité de proposition remarquable de la part des acteurs frontaliers en vue d’améliorer concrètement la fluidité des frontières et le développement de filières économiques transfrontalières.

Il est possible, à condition que les États concernés le permettent et à condition que les bailleurs de fonds soient disposés à appuyer ce type de programme:

De créer des cadres de dialogue transfrontaliers dans lesquels seraient impliqués les représentants des services de douanes et de police, les opérateurs privés, les élus locaux, les représentants des ministères ; dans le but de faire appliquer les textes relatifs à la libre circulation des biens et des personnes1. Ces cadres de concertation pourraient formuler des propositions concrètes visant par exemple à « compenser » la perte d’un poste douanier dans une localité par la mise en place d’un marché frontalier2

De favoriser le développement de projets économiques transfrontaliers. Par exemple la transformation de l’arachide de Guinée Bissau par l’Huilerie de Ziguinchor est problématique du simple fait des difficultés du passage de la frontière. Par exemple également, un groupe de commerçants de Katsina (Nord Nigeria) se propose de financer et de mettre en place un marché frontalier mais éprouve des difficultés à obtenir la collaboration des autorités du Niger.

1 Il existe des projets déjà formulés en la matière : par exemple un projet de l’ONG Foddé à la frontière entre le Sénégal et la Guinée Bissau (zone de Mansa Konko – Pata) visant à vulgariser les textes et réglementations de la CEDEAO et des Etats en direction des acteurs locaux afin qu’ils soient en mesure de se prémunir contre les tracasseries administratives. Ce projet bénéficie de l’accord des services de police et de douane sénégalais et bissau-guinéens.

2 Ceci permettrait notamment d’accélérer la mise en place des postes douaniers juxtaposés prévus par la CEDEAO et l’UEMOA ; ces projets induisant de fait une « perte d’activité » pour les localités qui verront leurs douaniers et leurs policiers aller s’installer de l’autre côté de la frontière.

1.3 La nécessité de gérer régionalement les conséquences des conflits

1.3.1 Ambitions régionales

Les dernières décennies ont mis en évidence les dynamiques de diffusion régionale des conflits et de l’instabilité.

Même d’origines locales ou nationales, tout conflit peut avoir des incidences régionales importantes : flux de migrants involontaires, circulation de groupes armés, et souvent, trafics illicites de marchandises et de ressources, en particulier diamantifères et forestières. L’économie illégale de guerre qui en résulte est à la fois la conséquence d’un conflit et une source de diffusion régionale de l’instabilité.

Les organisations qui apportent leur appui aux réfugiés ou celles qui animent et financent les processus de démobilisation des combattants et de reconstruction, témoignent des difficultés liées à cette dimension régionale des problèmes qu’il est très difficile de prendre en compte. La nécessité de concevoir des outils régionaux de gestion des situations post-conflit est désormais très largement partagée.

1.3.2 Spécificités et rôles potentiels des zones frontalières

En Afrique de l'Ouest, ce sont dans les zones frontalières que l’on trouve généralement les camps de réfugiés et où se développent les trafics et l’insécurité évoqués plus haut.

Réfugiés avril 2003 dans les pays de la MRU

Zones de réfugiés

Zones de rapatriés

Flux de réfugiés

Flux transfrontaliers

Camps de réfugiés

Réfugiés S. léonais (*1000)

Les habitants des zones frontalières fragilisées par les conséquences de conflits et/ou en proie à l’instabilité et à l’insécurité sont porteurs d’un grand nombre d’initiatives peu connues et peu appuyées.

Sur le plan formel, les services de sécurité de part et d’autre des frontières entretiennent dans beaucoup de cas, des contacts réguliers facilitant des collaborations ad hoc (arrestations de délinquants).

Freetown Monrovia

Mais ces collaborations reposent sur le plus souvent sur les seules relations personnelles et non sur des procédures officielles de concertation.

La société civile au sens large met en œuvre une grande diversité d’initiatives spontanées, qu’il s’agisse de l’accueil de réfugiés, de la lutte contre les trafics ou de la médiation. A titre d’exemple, l’annexe n°3 décrit comment les autorités traditionnelles de villages frontaliers du Sénégal et de Guinée Bissau ont mis en place des « miradors de la paix», lieux de négociation et de discussion qui évitent un grand nombre de tensions.

Il est sans aucun doute nécessaire et possible d’appuyer ces initiatives locales en articulant mieux leur action avec les interventions de la communauté internationale. Ces initiatives ont l’avantage d’être ancrées profondément dans le milieu et de pouvoir se développer dans la durée. Cette démarche s’inscrit par ailleurs dans la logique du programme « Stratégies intégrées pour les zones frontalières sensibles en Afrique de l’Ouest » piloté par l’UNOWA et l’OCHA.3

1.4 La nécessité de donner une dimension régionale à un grand nombre de politiques sectorielles

1.4.1 Ambitions régionales

A l’image des divers gazoducs et oléoducs achevés ou en voie de l’être, la plupart des infrastructures africaines dans le domaine des transports, de l’énergie, des télécommunications, de l’hydraulique mais aussi de l’éducation et de la santé gagneraient à être construites, gérées et utilisées dans le cadre de partenariats durables entre voisins. L’ambition de créer des marchés intégrés à l’échelle régionale tout comme celle de déjouer la trappe à pauvreté sont sans doute à ce prix. La plupart des pays d’Afrique subsaharienne cumulent en effet le double handicap d’avoir des revenus par habitant figurant parmi les moins élevés de la planète et un coût des principaux services qui compte au contraire parmi les plus élevés. Ce double handicap hypothèque l’accumulation de l’épargne privée comme publique et pénalise l’investissement en matière d’hydraulique, de transports, de télécommunications ou d’énergie, qui pourrait justement réduire le coût des principaux services. A moins de réaliser cet investissement dans un cadre transnational propre à autoriser des économies d’échelles, il sera difficile de sortir de ce cercle vicieux. En même temps, les infrastructures structurantes offrent l’avantage de faciliter l’intégration des marchés, laquelle se révèle en retour susceptible d’accélérer leur amortissement.

1.4.2. Spécificités et rôles potentiels des zones frontalières

Du fait de leur situation géographique, les zones frontalières sont souvent marginalisées dans la mise en œuvre des politiques sectorielles, qu’il s’agisse du transport, de la desserte en énergie, de l’accès à l’éducation et à la santé.

Face à ce type de situation, les habitants de ces zones réagissent avec beaucoup de bon sens. Les écoles et les centres de santé sont fréquentés indifféremment par les populations vivant de part et d’autre d’une frontière simplement parce qu’ils se situent à proximité ou parce que la qualité de l’enseignement et des soins y est meilleure. Ces pratiques sont acceptées mais pas encouragées. Sur la base des suggestions formulées par les responsables locaux de la santé, l’annexe n°4 décrit ce qui pourrait être fait pour améliorer la situation sanitaire de la zone frontalière entre Mopti (Mali) et Ouahigouya (Burkina).

3 Une mission du Conseil de Sécurité des Nations Unies effectuée en Afrique de l’Ouest en juin 2003 avait mis en évidence ces problématiques des zones frontalières sensibles. Suite à cette mission, le Secrétaire Général des Nations recommandait dans un rapport de mars 2004 «que les Nations Unies travaillent sur les stratégies intégrées en coopération avec les gouvernements concernés dans le traitement d’un large éventail de problèmes affectant ces zones, afin d’essayer de prévenir l’extension des conflits. ». Ceci a débouché sur une initiative conjointe, « Stratégies intégrées pour les zones frontalières sensibles en Afrique de l’Ouest », dirigée par le Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest (UNOWA) et le Bureau Régional de la Coordination des Affaires Humanitaires (OCHA), en étroite relation avec la CEDEAO.

De très nombreuses idées de ce type peuvent être proposées par les acteurs locaux publics et privés : un système transfrontalier de pistes rurales, une gestion plus concertée des parcours de transhumance, etc.

Pour faire émerger et mettre en œuvre ces projets, le développement d’un dialogue transfrontalier impliquant à la fois les acteurs locaux, les gouvernements centraux (ministère de la santé, des transports, de l’éducation…) et les bailleurs de fonds, est indispensable.

1.5. La nécessité d’un processus d’intégration régionale plus proche des populations et plus ancré dans les réalités de terrain

1.5.1 Valoriser les solidarités traditionnelles

L’Afrique de l’Ouest est depuis longtemps parcourue par des flux d’échanges économiques et sociaux de forte amplitude, qui relie ses différents sous-espaces à la fois entre eux et à d’autres régions du monde. Les échanges expriment un continuum de relations culturelles qui, en dépit des différences ethniques, confessionnelles ou nationales, déterminent le caractère unitaire de la sous-région. Le morcellement politique n’a jamais empêché les populations d’entretenir des relations débordant le cadre imparti par les frontières. Déjà visible dans les capitales ouest-africaines, qui constituent souvent des creusets cosmopolites brassant la plupart des peuples de la région, cette continuité est encore plus manifeste au niveau des périphéries nationales. Dans ces territoires, les ruptures de caractère administratif ou monétaire ne parviennent pas à dissimuler les affinités linguistiques, religieuses ou coutumières des populations frontalières. Les régions frontalières – ou « pays-frontière » selon l’heureuse expression d’Alpha Oumar Konaré – se caractérisent en effet par une relative homogénéité du peuplement qui se prête aux échanges de toutes natures.

Ce socle de solidarités traditionnelles est pour le moment peu pris en compte dans les stratégies régionales. Il constitue pourtant une base et un potentiel très importants d’accélération du processus d’intégration. Le développement de la coopération transfrontalière est de ce point de vue une opportunité.

1.5.2 Faire entrer l’intégration régionale dans le champ du développement participatif

Les projets de développement au niveau régional se sont jusqu’à présent concentrés dans le champ «macro» : grandes infrastructures de communication ou énergétiques (barrages..), programmes de lutte contre les grandes pandémies humaines et animales (onchocercose, sida, peste bovine), coordination des politiques (convergence économique et monétaire, politique agricole commune).

La CEDEAO entend désormais compléter cette approche par l’introduction et le développement d’une démarche participative privilégiant des projets d’envergure plus modeste, mais ancrés dans le tissu socioéconomique transfrontalier et réalisables dans des délais relativement courts.

La coopération transfrontalière est donc porteuse d’un développement régional participatif, voulu par les populations. Cette approche doit également permettre de relever le défi de la « réconciliation » entre les populations de l’Afrique de l'Ouest et le processus d’intégration régionale porté par les organisations telles que la CEDEAO et l’UEMOA dont l’action est souvent ignorée ou peu comprise.

II. ORIGINE DU PROGRAMME ET ACQUIS

En 2003, le Club du Sahel et de l’Afrique de l'Ouest de l’OCDE (CSAO), l’ONG ENDA-Diapol et la Direction Nationale des Frontières du Mali, ont créé l’initiative West African Borders and Integration (WABI) dans le but de promouvoir la coopération transfrontalière comme un outil efficace de construction de l’intégration régionale. Dans le même temps, d’autres partenaires soulignaient l’importance de l’approche transfrontalière dans les domaines de l’aménagement du territoire (PDM et UEMOA) et de la sécurité (UNOWA).

En octobre 2004, le Secrétaire Exécutif de la CEDEAO invitait le deuxième atelier du réseau WABI à se tenir à Abuja sous les auspices de la CEDEAO. Cette réunion était l’occasion d’inviter un grand nombre d’acteurs frontaliers, publics et privés, porteurs de projets et de propositions concrètes. Le Secrétaire Exécutif de la CEDEAO a saisi cette occasion pour annoncer la formulation d’un Programme d’Initiatives Transfrontalières (P.I.T.) communautaire destiné à appuyer concrètement sur le terrain la mise en œuvre des projets et propositions formulés par les acteurs de terrain. La CEDEAO et le CSAO /OCDE se sont engagés à travailler ensemble à la définition et à la mise en œuvre du P.I.T.

Un mémorandum sur ce thème a ensuite été soumis par le Secrétariat Exécutif aux Ministres des Affaires étrangères de la CEDEAO en janvier 2005 qui l’ont avalisé (confer annexe 1). Sur cette base, le Secrétaire Exécutif a envoyé une correspondance à tous les Ministres des Affaires étrangères des pays membres pour les informer des suites opérationnelles qu’il entendait donner à cette impulsion politique. Il s’agissait notamment :

Du lancement de deux expériences pilotes de coopération transfrontalière : l’une dans les régions frontalières du Burkina et du Mali limitrophes de la Côte d'Ivoire (zone de Sikasso – Bobo Dioulasso – Korhogo) ; l’autre en Sénégambie méridionale (zone comprenant la Gambie, le sud du Sénégal et la Guinée Bissau). Les ateliers de lancement de ces opérations pilotes sont prévus en septembre 2005 pour la première, en octobre 2005 pour la seconde. Il convient de noter que ces initiatives reposent sur une très étroite collaboration entre la CEDEAO et les structures nommées plus haut, à savoir le CSAO/OCDE, l’UNOWA, le PDM, et ENDA-Diapol.

D’un travail exploratoire sur une convention communautaire de coopération transfrontalière. Ce travail est basé sur des échanges et des réunions avec le Conseil de l’Europe qui est l’auteur de la principale convention européenne en la matière : la Convention de Madrid.

D’un travail de formulation du P.I.T. Dans l’esprit de la CEDEAO et du CSAO, le but est de définir une période transitoire mêlant les projets de terrain et une démarche politique pour à la fois confirmer l’utilité de la coopération transfrontalière et l’engager dans un processus de généralisation. Le présent document constitue la matérialisation de cette ambition.

La mise en œuvre du P.I.T. pour la période 2006 – 2008 bénéficiera des acquis du réseau WABI et s’appuiera sur des partenariats déjà engagés avec les structures régionales et internationales impliquées dans la coopération transfrontalière (confer point 3.3).

Elle valorisera ainsi les nombreux travaux déjà réalisés sur les terrains transfrontaliers, en particulier :

Sénégambie méridionale (ENDA-Diapol, CSAO)

- Sikasso (Mali) – Korhogo (Côte d'Ivoire)– Bobo Dioulasso (Burkina Faso) (PDM, CSAO, UNOWA, ENDA Diapol)

Les zones à risques environnemental et social élevé -ZARESE- (CILSS)

Maradi (Niger) – Katsina – Kano (Nigeria) (ENDA-Diapol et CSAO)

Gaya (Niger) – Malanville (Bénin) (CSAO)

L’ensemble des zones frontalières sensibles identifiées par l’UNOWA et OCHA : Guinée/Côte d’Ivoire/Liberia/Sierra Leone (Guinée Forestière) ; Mali/Burkina Faso/Côte d’Ivoire/Ghana ; Mauritanie/Mali/Niger

Par ailleurs, la mise en œuvre du programme s’appuiera sur le partenariat spécifique existant entre le CSAO et la CEDEAO dans le domaine de la coopération transfrontalière. Un certain nombre d’activités actuellement aux mains du CSAO seront progressivement intégrées puis transférées au P.I.T. Il s’agit en particulier :

D’un exercice visant la réalisation d’une ébauche de répertoire des initiatives transfrontalières (cf. activité 1 décrite ci-après).

De l’appui à la sensibilisation des États (cf. activité 4).

D’une réflexion commune avec le Conseil de l’Europe relative à la rédaction d’une convention communautaire de coopération transfrontalière (cf. activité 5).

III.

3.1 Objectifs généraux

Le P.I.T. est un programme mis en œuvre par la CEDEAO dont la principale caractéristique est la valorisation de l’initiative des populations transfrontalières au service de la paix, de la stabilité et du développement. Ses objectifs généraux sont :

3.1.1 Limiter la diffusion régionale de l’instabilité et de l’insécurité

La paix et la sécurité sont les conditions premières du développement et de l’intégration régionale. La CEDEAO, avec l’aide de ses partenaires, a développé des outils politiques et militaires pour affronter cet enjeu essentiel. Pour compléter cette panoplie, la valorisation des initiatives locales transfrontalières de veille, de médiation, de dialogue est désormais indispensable. Ce sont ces initiatives, mises en œuvres par les autorités traditionnelles, les élus locaux, les associations de jeunes et culturelles, mais également par les services locaux des États, qui sont à même, au jour le jour, de gérer les tensions, de lutter contre les trafics illégaux, de développer des activités économiques.

3.1.2 Accélérer le processus d’intégration régionale au sein de l’espace CEDEAO

Si la coopération et l’intégration régionales doivent favoriser l’émergence d’une Union économique de l’Afrique de l’Ouest, à travers la création d’un marché commun, ces objectifs ne seront pas acquis par le seul fait de leur proclamation. Il faut encore qu’ils soient complétés par des politiques et des mesures concrètes, qui se traduisent par des transformations sur le terrain. Ces politiques et mesures devront en particulier atténuer l’effet de barrière produit par les frontières :

en multipliant les projets transfrontaliers définis et mis en œuvre par les bénéficiaires, dans les domaines de la sécurité, de l’agriculture, de l’élevage, de l’hydraulique, de l’aménagement du territoire (pistes, routes, marchés), de la santé (partage de centres de soins, répartition des spécialités médicales entre deux centres de santé frontaliers), de l’éducation.

en créant des coalitions locales public-privé chargées de faire des propositions réalistes, négociées et adaptées dans le domaine de la libre circulation des biens et des personnes.

3.2 Durée et objectifs spécifiques

La mise en œuvre du P.I.T. est programmée sur une durée de trois ans allant de janvier 2006 à décembre 2008. Au regard des objectifs généraux décrits ci-dessus, ses objectifs spécifiques sont les suivants :

3.2.1 Faire connaître et valoriser les initiatives transfrontalières existantes

La mise en évidence des nombreuses dynamiques transfrontalières positives est un élément essentiel de conviction des États et de la communauté internationale.

3.2.2 Montrer que ces initiatives peuvent être valorisées par le biais d’expériences sur le terrain

Le potentiel de la coopération transfrontalière à agir rapidement et en profondeur sur l’amélioration de la sécurité et sur le processus d’intégration régionale doit être démontré sur le terrain.

3.2.3 Doter la CEDEAO et ses États membres d’un cadre juridique favorable à la coopération transfrontalière et appuyer les États qui souhaitent s’engager

L’Afrique de l'Ouest ne dispose pas aujourd'hui d’un cadre juridique favorable à la coopération transfrontalière. Il est donc indispensable pour la CEDEAO de se doter d’un tel cadre qui devrait permettre aux États qui le souhaitent de s’engager dans la coopération transfrontalière. D’autre part, la CEDEAO doit appuyer les administrations nationales des États qui le souhaitent, dans le processus de mise en application de ce cadre juridique.

3.2.4. Concevoir un programme ambitieux de généralisation de la coopération transfrontalière.

Sur la base des activités qui seront menées au titre des objectifs spécifiques 3.2.1 à 3.2.2., la CEDEAO doit concevoir, avec ses partenaires, un programme beaucoup plus ambitieux doté :

D’un observatoire des « pays-frontière ».

D’un fonds régional de facilitation de la coopération transfrontalière.

Ce programme ambitieux pourrait être éventuellement complété par la création d’une association des régions frontalières ouest-africaines, si toutefois les élus locaux de la région en expriment le souhait et portent le projet.

3.3 Approche et activités

Le P.I.T. repose sur quatre niveaux d’interventions :

Celui des rapports transfrontaliers « de proximité » entre autorités et/ou collectivités locales/régionales (1) ;

Celui – indispensable au développement du premier – des rapports bi ou trilatéraux entre États qui partagent une frontière commune (2) ;

Celui du cadre régional intergouvernemental (3) ;

Celui des rapports entre blocs régionaux désireux de nouer des relations relatives au contenu de leur intégration à la fois interne et externe (4).

3.3.1 A l’échelle locale transfrontalière

Le niveau le plus important, en terme d’opérationnalisation et de concrétisation du programme, est le niveau local/régional4. C’est le niveau des processus socio-économiques, de l’opérationnel et du concret, celui qui doit permettre la traduction sur le terrain des intentions politiques.

Activité 1 Identification et recensement des initiatives transfrontalières. Étant entendu que la plupart des frontières d’Afrique de l’Ouest regorgent dès à présent d’initiatives transfrontalières, le programme engagera un processus d’identification de ces initiatives. Cette démarche portera sur tous les types d’initiative : jumelages de villes et de villages, associations de médiation et de préservation de la paix, initiatives dans tous les domaines socio-économiques, collaborations entre centres de santé/hôpitaux, écoles ou collèges, marchés frontaliers, etc.

4 Il englobe les municipalités frontalières, les échelons déconcentrés de l’administration du territoire (départements, cercles…), et s’étend jusqu’aux collectivités locales de niveau régional ou aux Etats fédérés en fonction des formes d’organisation politico-administrative. Il peut arriver qu’il corresponde à des territoires historiques dotés d’une certaine homogénéité géographique, sociale ou culturelle.

Activité 2 : Création de cadres de dialogue transfrontaliers – formels et permanents – entre autorités et/ou collectivités locales/régionales, de part et d’autre des frontières. De tels cadres devraient être prioritairement implantés dans des espaces stratégiques en termes de sécurité ou pour leur fonction d’échange ou encore le rôle pivot qu’ils pourraient être amenés à jouer dans l’aménagement du territoire sous-régional. L’existence d’un projet de poste frontalier juxtaposé pourrait être un atout5.

Un travail préparatoire permettra d’identifier une demi-douzaine de sites dans des zones frontalières appartenant à des États membres de la CEDEAO qui accepteront de s’engager dans l’expérience.

Sur chacun des sites retenus, la CEDEAO appuiera, à travers le Programme, la création d’un cadre de dialogue transfrontalier pour une durée d’un an renouvelable une fois. Chaque cadre de dialogue sera composé de représentants des élus locaux, de représentants locaux des services de l’État, de représentants de la société civile, du secteur privé et du monde associatif.

Chaque cadre de dialogue établira, avec l’aide d’un consultant, un diagnostic précis des problèmes transfrontaliers (sécurité, entraves à la libre circulation, entraves au développement de certaines filières économiques, problèmes liés à la transhumance, problèmes d’accès aux soins, etc.). Sur cette base, un programme de travail sera formulé visant soit à améliorer une situation par une plus grande coordination ou par le dialogue, soit à formuler concrètement un projet.

Chaque cadre de dialogue bénéficiera de l’appui d’une structure locale de type ONG financée par le projet.

Un exercice d’évaluation et d’auto-évaluation permettra de faire le point des acquis et des problèmes à l’issue de la première année et débouchera éventuellement sur une deuxième année d’appui du programme.

Activité 3 : Appuyer des projets pilotes. Les activités 1 et 2 de même que les antécédents et acquis du programme décrits au point II, devraient très rapidement faire émerger des projets ou initiatives de petite envergure mais dont le caractère exemplaire mériterait un appui direct de la CEDEAO à travers le Programme. Cet appui financier modeste (d’un montant maximum de 25 000 €) pourrait soit permettre l’exécution d’un projet, soit faciliter l’obtention de cofinancements auprès de bailleurs de fonds ou d’ONG internationales implantés dans les pays concernés. Une dizaine de projets pilotes pourraient ainsi être appuyés.

3.3.2 A l’échelle des relations entre États frontaliers

Si le succès du P.I.T. est d’abord lié à des avancées concrètes au niveau des relations transfrontalières « de proximité » entre autorités et/ou collectivités locales/régionales, ces dernières ont singulièrement besoin, pour s’épanouir, de la bonne volonté des États frontaliers intéressés. En particulier, les Ministères de souveraineté (Affaires étrangères, Intérieur, Frontières…), ceux des Transports et de l’Aménagement du Territoire, voire du Commerce, de l’Agriculture, de l’Éducation ou de la Santé, peuvent jouer des rôles plus ou moins importants dans l’approfondissement des rapports transfrontaliers. L’implication des Ministères de souveraineté constitue notamment la condition d’une formalisation minimale de ces rapports. Ces derniers peuvent s’épanouir en toute informalité, mais pour pouvoir acquérir un degré de systématicité et de généralité indispensables à la maximisation du potentiel transfrontalier, ils doivent bénéficier de l’accord et de l’engagement des autorités des pays concernés.

5 Le programme régional de facilitation des transports et transit routier (CEDEAO / UEMOA) prévoit notamment la mise en place de postes frontaliers juxtaposés aux frontières intra-communautaires dans le but de fluidifier le trafic.

Activité 4 : Favoriser l’implication concrète des États. Même si les Ministres des Affaires étrangères des pays membres de la CEDEAO ont approuvé le mémorandum sur le concept de paysfrontière (confer annexe 1), et même si certains États décident à haut niveau de s’engager dans la coopération transfrontalière, un travail important de sensibilisation et d’information reste à faire au niveau des administrations nationales. Ce sont en effet ces dernières qui impulseront la participation active ou l’appui de leurs représentants locaux aux cadres de dialogue transfrontaliers (activité 2) et aux projets pilotes (activité 3). Par ailleurs, le même travail de sensibilisation et d’explication doit être mené auprès des associations d’élus locaux et des représentants des bailleurs de fonds et ONG internationales dans les pays concernés. Enfin, il est indispensable de rencontrer les structures bilatérales de dialogue déjà existants (type « commission mixte ») afin de les impliquer et de les inciter à intégrer la coopération transfrontalière. Lorsque de telles commissions n’existent pas, la CEDEAO pourrait encourager la création de commissions de travail transfrontalières pour le développement ou la gestion d’équipements collectifs, de services sanitaires ou sociaux, de ressources naturelles.

3.2.3 A l’échelle communautaire

Autant l’encouragement de coopérations renforcées entre deux ou plusieurs États paraît souhaitable, autant la coopération transfrontalière devrait tirer d’importants bénéfices – et un surcroît d’autorité – d’un cadre juridique communautaire de coopération transfrontalière. Le niveau communautaire doit également être le lieu où se développe la réflexion sur la généralisation de la coopération transfrontalière comme instrument d’intégration régionale.

Activité 5 : Convention communautaire de coopération transfrontalière (CCCT). Il s’agit dans un premier temps, de réunir des experts juristes des États membres de la CEDEAO autour d’un projet de Convention inspiré de la Convention de Madrid6. La Chambre des régions du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe est disposée, quant à elle, à apporter conseil et assistance technique à une telle entreprise. Dans un deuxième temps, ce projet révisé sera soumis aux instances statutaires de la CEDEAO (conseil des ministres et conférence des chefs d’État). Cette convention pourra ensuite servir de base à des coopérations renforcées entre deux ou plusieurs États qui le souhaiteraient.

Activité 6 : Faisabilité d’un fonds communautaire de facilitation de la coopération transfrontalière. Le niveau communautaire représente l’échelle stratégique pour pouvoir appuyer la multiplication des opérations pilotes sur toutes les frontières intra-régionales. La CEDEAO devrait donc se charger de toutes les démarches conduisant à la mise en place et à la gestion d’un fonds communautaire de facilitation des initiatives transfrontalières. Ce fonds pourrait être à terme géré par la CEDEAO (publications d’appels à projets, commission d’étude des offres, accompagnement technique et politique, etc.). La CEDEAO pourrait dans cette perspective dialoguer avec l’Union Européenne et l’Association des régions frontalières européennes (ARFE) qui ont concouru à l’installation d’un tel dispositif au sein de l’ensemble européen. Dans le cadre du Programme, la CEDEAO sera chargée de l’étude de faisabilité d’un tel fonds et de la recherche de financements.

Activité 7 ! Faisabilité d’un observatoire des pays-frontière. Les régions frontalières présentent des caractéristiques spécifiques, liées à l’histoire et à la géographie qui les distinguent du reste du territoire national. En tant que telles, elles déterminent des situations sociales spécifiques qui sont surtout connues de leurs habitants et de ceux qui les administrent. De sorte qu’il y a plusieurs séries d’obstacles à la fois officiels et officieux dont la solution passe par des processus de médiation entre les collectivités locales, les administrations centrales et les organisations d’intégration. Les activités 1 (recensement des initiatives), 2 (cadres de dialogues), 4 (implication des États) et 5 (convention juridique communautaire) devraient amener la CEDEAO à travers le P.I.T., à développer une fonction de veille et de facilitation d’éventuels problèmes frontaliers. Par exemple :

6 La Convention de Madrid est le texte juridique fondateur de la coopération transfrontalière en Europe. Elle a été rédigée par le Conseil de l’Europe en 1980.

- Des acteurs locaux, publics ou privés, peuvent faire remonter de l’information sur le développement éventuel de tensions (liées par exemple à des problèmes fonciers, à des vols de bétail, aux trafics illicites,...)

- Des élus locaux de villes frontalières peuvent témoigner de tensions dans leur ville entre certaines communautés.

Le Secrétariat Exécutif pourrait sur la base de ces informations faciliter le dialogue et créer des synergies entre les autorités de différents niveaux de chaque côté de la frontière. Elle valorisera pour ce faire les initiatives et propositions des groupes sociaux les mieux informés des difficultés éventuelles tels que les élus locaux, les syndicats de transporteurs et de commerçants, des corps de contrôle etc. Elle tentera parfois de régler certains problèmes urgents à travers des contacts informels, mais sera aussi la mieux placée pour proposer des réformes réglementaires sur les questions frontalières aux États à travers la CEDEAO.

Sur un plan plus structurel, la connaissance des zones frontalières peut amener la CEDEAO à formuler et mettre en œuvre des plans d’action à moyen et long terme sur quelques zones considérées comme sensibles et stratégiques pour le processus d’intégration régionale. L’existence d’un fonds communautaire de facilitation de la coopération transfrontalière se révélerait alors d’une grande utilité.

Sur la base de ces prémices et des acquis de ses trois années d’activité, le P.I.T formulera la faisabilité d’un observatoire des pays-frontière.

3.3.4 A l’échelle des rapports entre blocs régionaux : l’APE CEDEAO – U.E

Les nouveaux accords UE-ACP, tels qu’ils résultent de la Convention de Cotonou, prévoient de substituer à la relation globale entre les pays d’Afrique-Caraïbes-Pacifique (ACP) et l’Union Européenne (UE), des accords de partenariat économique (APE) – ou zones de libre-échange – entre cette dernière et des blocs régionaux. L’Afrique de l’Ouest est relativement avancée dans ce processus puisqu’elle a d’ores et déjà déterminé le groupe de pays appelé à négocier le nouveau partenariat et, par suite, à former le bloc régional constitutif d’une zone de libre échange euro-africaine. Il s’agit de la Communauté Économique

Des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), à laquelle a été adjointe la Mauritanie. Justifié par la taille du marché offert par la CEDEAO, ce choix permet ainsi d’envisager que la région parvienne à mieux tirer parti de ses complémentarités productives.

La base de la mise en œuvre de l’APE est l’intégration régionale :

« Fondés sur les initiatives d'intégration régionale existant au sein des ACP, les APE contribueront à les consolider et à les approfondir. Ils aideront à rendre l'intégration régionale plus efficace et permettront la création de plus grands marchés 7 ».

Le renforcement de l’intégration régionale en Afrique de l'Ouest et la création d’un marché unique ouestafricain sont donc les conditions de la mise en œuvre de l’APE. En appuyant la mise en œuvre d’un grand nombre de projets transfrontaliers, la coopération transfrontalière pourrait jouer un rôle clé dans l’abaissement concret des barrières frontalières internes et la création de ce marché. En Europe, la coopération transfrontalière a d’ailleurs joué ce rôle et continue d’être un élément essentiel de la politique d’intégration régionale8

7 Source document de la Commission européenne : « Accords de partenariat économique : début des négociations – une nouvelle approche entre l’Union Européenne et les pays ACP » ; Direction générale du Commerce, Direction générale du développement ; 2002.

8 En Europe, les initiatives de coopération transfrontalière ont précédé la signature de l’Acte unique en 1987 (tarif extérieur commun, liberté de circulation des personnes, des capitaux et des biens). Mais le développement des programmes d’appui aux projets transfrontaliers et celui des euro-régions, sont en effet concomitants de l’Acte unique.

Activité 8 : Intégrer la coopération transfrontalière dans la mise en œuvre de l’APE. A travers le Programme, la CEDEAO, veillera à une articulation du P.I.T. avec le processus conduisant à l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2008, de l’accord de partenariat économique UE-CEDEAO. Cette activité pourrait à certains égards se confondre avec l’activité 6 par le biais éventuel d’un financement du « fonds communautaire de facilitation de la coopération transfrontalière » dans le cadre du prochain Programme Indicatif Régional (P.I.R). Il convient également de noter qu’elle représente une opportunité de se pencher sur l’expérience européenne – à présent ancienne – de coopération transfrontalière, et de bénéficier du capital de connaissances accumulées par le mouvement frontalier européen.

3.3.5 Préparer l’avenir

Toutes les activités présentées dans les points précédents visent d’une part à tester la coopération transfrontalière sur le terrain, à doter la région d’un cadre politique et juridique favorable à cette approche et préparer une phase de développement généralisée.

Activité 9 : Conférence internationale sur l’avenir de la coopération transfrontalière en Afrique de l'Ouest. Il est indispensable de faire le point sur les acquis du programme et d’inviter les Africains de l’Ouest (représentants des États, acteurs locaux publics et privés impliqués dans les cadres de dialogue et dans les projets pilotes) à réfléchir avec les partenaires du programmes et les agences de coopération, à l’avenir de la coopération transfrontalière. Tel sera l’objet de cette conférence qui marquera la fin du programme et devrait aider à définir les modalités éventuelles d’une généralisation de la coopération transfrontalière en Afrique de l'Ouest.

3.4 Partenariats

Activité 10 : Partenariats. L’ensemble des activités décrites au point précédent reposera sur des partenariats déjà existants ou à créer et notamment, par ordre alphabétique :

Association des régions frontalières européennes. La CEDEAO souhaite nouer un partenariat avec l’ARFE afin de faire bénéficier les zones frontalières ouest-africaines de l’expérience européenne de terrain. Ceci pourrait se traduire par des échanges d’expériences, de la formation, des voyages d’étude et des partenariats directs entre régions frontalières européennes et régions frontalières ouest-africaines.

Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l'Ouest (UNOWA). La CEDEAO collabore déjà avec l’UNOWA dans le cadre du programme « Stratégies intégrées pour les zones frontalières sensibles en Afrique de l’Ouest ». Il est souhaitable que cette collaboration se développe et se renforce. Un certain nombre de cadres de concertation et de projets pilotes mis en œuvre dans le cadre du Programme devraient en effet toucher directement les problèmes de sécurité et de gestion de situation post-conflit.

CILSS. Il est nécessaire d’engager une collaboration étroite avec le CILSS qui dispose de la connaissance et de la légitimité pour promouvoir les intérêts des zones frontalières sahéliennes et, plus particulièrement, les zones à risques environnemental et social élevés (ZARESES).

Club du Sahel et de l’Afrique de l'Ouest / OCDE. Il continuera à accompagner la CEDEAO dans le domaine de la coopération transfrontalière. A travers le réseau « West African Borders and Integration (WABI) » qu’il anime en collaboration avec l’ONG ENDA-Diapol. Il favorisera la diffusion des expériences de cadres de concertation et des projets pilotes (site internet http://www.afriquefrontieres.org/, fiches de synthèses,…). Il contribuera à diffuser et à mettre en débat les résultats du programme au sein de la communauté des bailleurs de fonds.

Conseil de l’Europe. La CEDEAO souhaite formaliser et développer sa collaboration avec la Chambre des régions du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux qui peut apporter un appui précieux à la définition et la mise en œuvre de la Convention communautaire sur la coopération transfrontalière.

NEPAD. La CEDEAO articulera ses efforts dans le domaine de la coopération transfrontalière avec ceux qui concernent la mise en œuvre du NEPAD. L’organisation actuelle du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) divise le continent en cinq régions, dont l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO + Mauritanie). Cette approche régionale a pour but de baser les politiques d’infrastructures sur des dynamiques géographiques, démographiques, économiques et sociales suffisamment homogènes pour maximiser leur effet multiplicateur. La plus-value résultant d’un meilleur ajustement des politiques publiques aux dynamiques transfrontalières serait à coup sûr considérable.

Partenariat pour le Développement Municipal en Afrique de l'Ouest et du Centre. La CEDEAO souhaite travailler étroitement avec le PDM du fait de la légitimité régionale que lui reconnaissent les associations d’élus locaux de l’Afrique de l'Ouest. Le PDM peut utilement faire entendre les propositions des élus locaux au niveau local, national et communautaire. Il développe par ailleurs un programme régional d’appui à l’aménagement du territoire en collaboration avec l’UEMOA dont l’une des composantes porte sur les espaces frontaliers.

UEMOA. La CEDEAO développe déjà de nombreux partenariats avec cette organisation sœur, notamment pour la mise en place de postes douaniers juxtaposés. En outre, l’UEMOA a également inscrit la coopération transfrontalière dans sa stratégie. La CEDEAO souhaite collaborer très étroitement avec l’UEMOA, notamment pour la mise en œuvre des cadres de dialogues transfrontaliers et des projets pilotes.

3.5 Modalités de mise en œuvre

3.5.1 Un(e) conseiller(e) spécial(e) du Secrétaire Exécutif de la CEDEAO pour les affaires transfrontalières

Basé(e) au siège de la CEDEAO et placé(e) sous l’autorité directe du Secrétaire Exécutif, un(e) conseiller(e) spécial(e) assurera la direction générale du Programme. Il (elle) sera chargé(e) directement de la mise en œuvre de :

L’activité 4 (implication des États)

L’activité 5 (convention communautaire sur la coopération transfrontalière)

L’activité 6 (faisabilité d’un fonds communautaire de coopération transfrontalière)

L’activité 7 (faisabilité d’un observatoire des pays-frontière)

L’activité 8 (intégration de la coopération transfrontalière dans la mise en œuvre de l’APE)

L’activité 9 (conférence sur l’avenir de la coopération transfrontalière)

L’activité 10 (partenariats).

Il s’agira d’une personnalité ouest-africaine disposant à la fois de la connaissance des enjeux et des réalités transfrontaliers et d’une capacité de dialogue politique à haut niveau.

3.5.2 Une cellule technique du P.I.T.

Basée au siège de la CEDEAO, la cellule technique sera placée sous l’autorité du conseiller spécial. Elle sera chargée d’apporter un appui technique au conseiller spécial dans ses tâches spécifiques définies plus haut et de mettre en œuvre :

- L’activité 1 (identification et recensement des initiatives transfrontalières)

- L’activité 2 (création de cadres de dialogues transfrontaliers)

- L’activité 3 (projets pilotes).

La cellule technique sera également en charge de la gestion logistique et financière, des rapports d’activités et des rapports financiers.

Elle sera composée :

- D’un(e) responsable de cellule. De nationalité ouest-africaine, disposant d’une bonne connaissance des réalités de terrain en Afrique de l'Ouest et d’une bonne expérience en matière de montage et de gestion de projets de terrain.

- D’un(e) expert de nationalité ouest-africaine, disposant également d’une expérience en matière de montage et de gestion de projet.

- D’un(e) assistant(e).

La cellule disposera en outre des moyens nécessaires pour faire appel à des expertises ponctuelles.

3.5.3 Un comité de pilotage

Le Comité de pilotage sera composé :

- D’un représentant du Secrétaire Exécutif de la CEDEAO

- Du conseiller spécial du Secrétaire Exécutif de la CEDEAO

- D’un (des) représentant(s) du ou des bailleurs de fonds finançant le programme

- D’un représentant de l’UEMOA

- D’un représentant du CILSS

- D’un représentant du PDM

- D’un représentant de l’UNOWA

- D’un représentant du CSAO /OCDE

Le comité de pilotage pourra coopter de nouveaux membres.

Il se réunira deux fois par an et aura pour fonction de discuter et d’orienter la mise en œuvre du programme; de discuter et de valider les choix de financement concernant les cadres de dialogue transfrontaliers et les projets pilotes.

Identification et recensement des initiatives transfrontalières

Création de 6 cadres expérimentaux de dialogue transfrontalier Activité3 Appui à une dizaine de projets pilotes de coopération transfrontalière Activité4 Appui à l'implication des États et à la participation active des administrations nationales / associations d'élus locaux

Convention Communautaire de Coopération transfrontalière

Activité6 Fonds Communautaire de Facilitation de la coopération transfrontalière

Observatoire des pays-frontière

Activité7

Activité8 Intégration de la coopération transfrontalière dans la mise en œuvre de l'APE Activité9 Conférence sur l'avenir de la coopération transfrontalière en Afrique de l'Ouest

3.7

Résultats attendus

Les résultats attendus peuvent être résumés de la façon suivante :

Activité 1. Identification et recensement des initiatives transfrontalières

- Publication et mise à jour d’un annuaire des initiatives transfrontalières en Afrique de l'Ouest, thématique et spatial. Possibilité d’une analyse comparée des méthodes mises en œuvre.

- Promotion de ces initiatives auprès des agences de coopération. Financement probable de plusieurs de ces initiatives en dehors du Programme par des bailleurs de fonds intéressés.

Activité 2 : Création de cadres de dialogue transfrontalier

- Création de six cadres de dialogue.

- Dans certaines zones concernées : améliorations concrètes de la sécurité et de la fluidité grâce au dialogue permanent entre toutes les catégories d’acteurs.

- Dans certaines zones concernées : émergences de projets concrets financés dans le cadre du programme ou bilatéralement par un bailleur de fonds intéressé.

- Des leçons opérationnelles pour une généralisation de la démarche.

Le lecteur peut se reporter à la section 3.8.2 ci-après pour plus de précisions sur les modalités de financement et la nature des activités des cadres de dialogue.

Activité 3. Appuyer des projets pilotes

- Une dizaine de projets pilotes exécutés ; de petite envergure mais exemplaires.

- Des leçons opérationnelles pour une généralisation de la démarche.

Le lecteur peut se reporter à la section 3.8.2 ci-après pour plus de précision sur les modalités de financement et la nature des activités des projets pilotes.

Activité 4. Favoriser l’implication concrète des États.

- Une diffusion du principe et des modalités de la coopération transfrontalière au sein des administrations nationales dans les pays qui souhaiteront s’engager.

- Une participation active des administrations nationales à la mise en œuvre des cadres de dialogue et des projets pilotes.

- Une implication forte des associations d’élus locaux.

Activité 5. Convention communautaire de coopération transfrontalière (CCCT).

- Une convention juridique communautaire approuvée par l’ensemble des pays membres de la CEDEAO sur laquelle les administrations nationales et les élus locaux pourront s’appuyer pour agir dans les zones frontalières des pays qui souhaiteront s’engager.

- Éventuellement, des conventions additionnelles bi ou trilatérales entre pays particulièrement motivés.

Activité 6. Faisabilité d’un fonds communautaire de facilitation de la coopération transfrontalière.

- L’expérience concrète de la promotion et de la gestion de petits projets transfrontaliers (activités 2 et 3) et le dialogue avec les représentants de l’expérience européenne de coopération transfrontalière permettront de dessiner un projet réaliste.

Activité 7. Faisabilité d’un observatoire des pays-frontière.

- L’expérience concrète menée dans le cadre du Programme permettra de dessiner un projet réaliste.

Activité 8. Intégrer la coopération transfrontalière dans la mise en œuvre de l’APE.

- La prise en compte officielle de la coopération transfrontalière dans la stratégie de mise en oeuvre de l’APE ; y compris la participation de l’UE au fonds de facilitation (activité 7).

Activité 9. Conférence internationale sur l’avenir de la coopération transfrontalière en Afrique de l'Ouest.

- Une réflexion sur l’avenir de la coopération transfrontalière basée en premier lieu sur le témoignage et l’analyse des acteurs des cadres de dialogue et des projets pilotes et sur le débat entre ces acteurs et les responsables nationaux, régionaux et des agences de coopération.

- La validation et la formulation d’une ambition crédible et raisonnable.

Activité 10. Partenariats.

- Des partenaires ayant conservé leur autonomie et leur agenda tout en contribuant, dans le cadre du programme mais aussi en dehors de ce programme, au développement de la coopération transfrontalière en Afrique de l'Ouest.

3.8 Budget

3.8.1 Présentation générale

Comme le montre le tableau ci-après, le budget du Programme s’établit à 1.7 million de dollars pour la période de trois ans.

Les opérations de terrain représentent près de 50 % du total. Elles sont au cœur du dispositif. Elles auront d’une part un effet immédiat sur l’amélioration des conditions de vie des populations concernées. D’autre part, elles ont vocation à faire la démonstration qu’un appui politique et un appui financier léger peuvent permettre à l’initiative locale de jouer un rôle important dans le processus d’intégration régionale en Afrique de l'Ouest.

L’équipe régionale représente un tiers du budget. Les coûts unitaires des membres de l’équipe couvrent le salaire, les charges sociales et les différentes indemnités ou prise en charge (déménagement, famille, etc.). Sa fonction politique matérialisée par le poste de conseiller spécial du Secrétaire Exécutif, est essentielle à la concrétisation de l’appui des États et des appareils administratifs et à la participation directe de ces appareils aux opérations de terrain. La qualité du travail de l’équipe dépendra en particulier de sa capacité à être sur le terrain, de sa proximité avec les acteurs frontaliers publics et privés. Ceci explique pourquoi 5 % du budget est consacré aux missions.

P.I.T 2006 - 2008 : Budget en US dollars

I. Equipe 58900035%

Conseiller spécialExpert/mois50003618000011%

Chef de celluleExpert/mois3500361260007%

ExpertExpert/mois250036900005%

Assistantpers/mois50036180001%

Equipement de bureauForfait/pers50004200001%

Frais de communicationForfait/an3000390001%

Fournitures et diversForfait/an2000360000%

Reproduction et édition de documentsForfait/an50003150001%

Traduction de documentsPage50500250001% MissionsMission2000501000006%

II. Expertises extérieures en appui à la cellule857505%

Recensement des initiativesExpert/jour200100200001%

Etude identification des sites cadres de dialogueExpert/jour2503075000%

Evaluation des cadres de dialogueExpert/jour2503075000%

Appui à la formulation des projets pilotesExpert/jour20060120001%

Etude de faisabilité du fonds de facilitationExpert/jour2503587501% Missions consultants Provision300002%

III. Réunions 1460009%

Réunion du comité de pilotage (6 pers)Réunion 60006360002%

Réunion experts États membres (30 pers)Réunion 300001300002%

Conférence sur l'avenir de la coop transfr (80 pers)Conférence800001800005%

IV. Opérations test de terrain 80000047%

Appui aux cadres de dialogue transfrontalierforfait/2ans50000630000018%

Appui aux projets pilotesforfait/projet500001050000029%

3.8.2 Éléments explicatifs sur le financement et la nature des opérations de terrain

Le financement des cadres de dialogue transfrontalier devrait porter, notamment, sur les éléments suivants :

- Petite rémunération d’une ONG ou association locale pour l’organisation des réunions du cadre de dialogue et l’appui dans la durée au développement des activités. Cette structure locale sera chargée de produire des documents réguliers sur la description de l’avancement d’une négociation (par exemple sur la fluidification du passage de la frontière), ou sur l’avancement de la formulation d’un projet (par exemple la mise en œuvre d’un système transfrontalier de cotisations permettant l’accès à un centre de santé, etc.).

- Petits financements de facilitation pour la mise en œuvre d’une action transfrontalière propre à crédibiliser ou à souder le cadre de dialogue ; par exemple, contribution à un festival culturel transfrontalier ; réalisation sur place de panneaux expliquant les droits des citoyens de la CEDEAO au poste frontière ; contribution à l’installation physique d’un lieu de médiation pour régler les différents transfrontaliers (type « mirador de la paix, confer annexe n°3) ; etc.

- Appui à des campagnes de sensibilisation radiophoniques dans les localités concernées.

- Organisation des réunions du cadre de dialogue.

Le financement des projets pilotes devrait porter sur des projets déjà formulés et dans certains cas ayant réalisé une première phase d’exécution.

Le montant alloué à ces projets étant relativement faible (50 000 USD au maximum pour chacun d’entre eux), le Programme apportera de préférence son appui à des projets cofinancés localement et dont l’exemplarité est importante. Dans un certain nombre de cas, le cofinancement apporté par le projet pourrait servir de levier à la mobilisation d’un budget plus important auprès d’une agence de coopération ou d’un ONG internationale.

ANNEXE 1 : MÉMORANDUM APPROUVÉ PAR LE CONSEIL DES MINISTRES DE LA CEDEAO, JANVIER 2005

RÉUNION DES MINISTRES DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ACCRA, 18 JANVIER 2005

MEMORANDUM

LE CONCEPT « PAYS-FRONTIÈRE » OU L'INTÉGRATION DE PROXIMITÉ

Secrétariat Exécutif Abuja, janvier 2005

1- Le processus de renforcement de l'intégration régionale prend une nouvelle dimension avec l'entrée en scène de nouveaux acteurs à savoir les populations des localités frontalières. En effet, de plus en plus des dynamiques transfrontalières se développent dans des espaces de partages communs. Les populations qui y vivent prennent quotidiennement des initiatives pour une gestion concertée des frontières.

2- De part et d'autre de la frontière, dans une bande d'une vingtaine de kilomètres il est courant de voir les populations partagées en commun et de manière informelle des infrastructures de santé, d'éducation, des marchés.

3- Toutes ces initiatives concourent au renforcement de l'intégration régionale qu'ambitionne la CEDEAO.

4- Cependant, les enquêtes réalisées sur le terrain ont révélé que ces initiatives étaient éparses et peu connues. Ils ne disposaient pas suffisamment de relais institutionnel aux niveaux national et régional. D'où l'idée de coopération frontalière. La République du Mali qui a très tôt compris l'importance et l'intérêt de cette approche a engagé conjointement avec le Club du Sahel et de l'Afrique de l'Ouest et ENDA-Diapol une réflexion sur la problématique des frontières impliquant certains acteurs locaux, la société civile, les structures étatiques, la CEDEAO et l'UEMOA en vue d'en faire un outil de promotion de l'intégration régionale.

5- Il est heureux de constater que l'initiative Malienne fait du chemin car le Secrétariat Exécutif, le Club du sahel, la Direction Nationale des Frontières du Mali et ENDA-Diapol, s'activent depuis un certain temps à cerner tous les contours du concept « pays-frontière ». Le présent Mémorandum fait la genèse de ce concept, dégage son contenu et des propositions dans la perspective de son opérationnalisation.

Genèse

6- Cette approche novatrice du processus d'intégration régionale a été mise en avant pour la première fois au début des années 2000 par Monsieur Alpha, Oumar Konaré, Ancien Président du Mali sous le label « Pays-Frontière » qui partagent un même espace géographique que les barrières physiques n'ont pu en réalité diviser. Ceci marque le début du processus de conceptualisation de la notion de « paysfrontière ». Ainsi, successivement en mars et mai 2002 à Sikasso puis à Accra des rencontres d'Experts et des Chefs d'État ghanéen et malien ont permis de mieux appréhender les réalités des localités frontalières, de partager différentes expériences -de la coopération transfrontalière et de parvenir à la conclusion suivante :

- A partir des espaces frontaliers communs, il est désormais possible d'améliorer les circuits de commercialisation des produits agricoles et halieutiques.

- De mettre en œuvre un programme intégré de santé publique améliorant l'accès aux soins des populations situées de part de d'autre des frontières.

- De partager un marché frontalier.

- D'entreprendre un travail permanent de médiation et de prévention des conflits par les Associations de jeunes vivant dans les zones frontalières et qui se côtoient quotidiennement.

7- Convaincu de la validité de cette approche pragmatique du processus d'intégration régionale et surtout de l'existence des potentiels d'intégration que représentent désormais les zones frontalières et ceux qui y vivent, le Secrétariat Exécutif de la CEDEAO s'y est impliqué.

8- Ainsi, il a pris l'initiative d'organiser du 27 au 29 octobre 2004 à Abuja en collaboration avec le Club du Sahel et de l'Afrique de l'Ouest, un atelier sur le thème : « Frontières et Intégration Régionale ».

9- L'atelier a réuni une soixantaine de participants venant des localités frontalières de la sousrégion. Il a abouti entre autres à l'adoption d'une déclaration commune sur la coopération transfrontalière au service du processus d'intégration.

10- A cet égard, conforté par le convenu et la richesse des débats et l'évidence du rôle vital des acteurs locaux, le Secrétariat Exécutif de la CEDEAO et le Club du Sahel et de l'Afrique de l'Ouest sont convenus de renforcer leur coopération par la formulation d'un Programme d'initiatives transfrontalières.

11- Le P.I.T. est un Programme du Secrétariat Exécutif de la CEDEAO visant à mettre la Coopération transfrontalière au cœur du processus d'intégration régionale en Afrique de l'Ouest et de la promouvoir en tant qu'outil d'intégration au service des populations.

12- Ainsi, le 20 novembre 2004, s'est tenue à Paris, la réunion technique regroupant la CEDEAO, le Club du Sahel et de l'Afrique de l'Ouest, la Direction Nationale des Frontières Mali, ENDADiapol autour du programme d'initiatives transfrontalières.

13- A cette occasion, les objectifs spécifiques du programme d'initiatives transfrontalières ont été définis. Ils s'articulent autour de cinq éléments :

(1) L'élaboration d'une convention sur la coopération transfrontalière dans l'espace CEDEAO pour permettre aux collectivités locales frontalières de conclure des accords de coopération entre elles.

(2) La vulgarisation des initiatives transfrontalières dans tous les États membres de la CEDEAO.

(3) La formulation et (4) la mise en œuvre de projets pilotes transfrontaliers.

(5) Le renforcement de la coopération avec le mouvement transfrontalier européen.

Contenu du concept

14- Les recherches de terrain réalisées par le Club du Sahel et de l'Afrique de l'Ouest, la Direction Nationale des Frontières du Mali et Enda-Diapol au niveau des villages frontaliers, ont mis en évidence de nombreuses possibilités d'instrumentalisation d'une politique d'intégration de proximité à partir des frontières.

15- Ainsi, on cite le cas de villageois d'un pays qui cultivent des champs qui sont réputés, situés dans le pays voisin. Il y a également le cas d'enfants d'un pays poursuivant leur scolarité dans le pays voisin, la fréquentation d'un équipement public étranger peut également se produire dans le domaine de la santé. Cela peut résulter de l'état de l'équipement sanitaire localement plus avancé dans un pays que dans l'autre ou de la réputation d'une personne qui attire au-delà de la frontière. On a cité le cas de patients d'un village malien qui allaient se faire soigner à Djibo au Burkina Faso parce que la formation sanitaire de Djibo disposait d'un chirurgien réputé.

16- Dans le domaine du commerce, on a beaucoup entendu parler de la fréquentation des marchés frontaliers par les populations résidant dans le pays voisin. C'est le cas du marché sous-régional de Diaobé situé au Sénégal. Il existe partout un système et un calendrier de marchés.

17- Le long des frontières s'ajoute le déplacement transfrontalier de troupeaux, sous la forme de transhumance. Bien d'autres exemples foisonnent dans la sous-région. Ils sont tous révélateurs de la solidité des liens socio-culturels et économiques qui unissent les populations frontalières.

Conclusion

18- Parallèlement aux efforts entrepris dans le cadre de la CEDEAO, les États membres développent d'autres formes de coopération renforcées sur certains sous-espaces.

19- En outre, d'autres acteurs notamment les collectivités territoriales intra-étatiques expérimentent quotidiennement divers types de collaboration qui concourent, elles aussi à l'intégration régionale. Tous ces efforts se complètent et peuvent produire des effets positifs d'autant plus importants qu'ils soient étroitement coordonnés.

20- La CEDEAO qui s'est déjà appropriée de l'initiative malienne demeure l'organisation régionale de référence en Afrique de l'Ouest chargée de dépasser tout clivage tant au niveau des États membres que des populations est mieux indiquée pour prendre en charge le concept « pays-frontière » et d'en assurer son opérationnalisation pour les années à venir, car il intéresse toutes les dimensions du processus d'intégration régionale.

21- A cet égard, le Secrétariat Exécutif de la CEDEAO demande à la réunion des Ministres des Affaires étrangères d'approuver les propositions suivantes :

22- L'introduction du concept « pays-frontière » dans l'agenda de la CEDEAO.

23- La convocation par le Secrétariat Exécutif d'une réunion des Experts de l'Administration du Territoire des États membres de la CEDEAO en vue d'élaborer un projet de convention de coopération transfrontalière à l'échelle de la CEDEAO qui permettrait aux collectivités locales frontalières de travailler directement sur des sujets d'intérêt commun. Cette réunion examinera également les modalités pratiques de création d'un Observatoire des « pays-frontière » proposé par la République du Mali. Une telle démarche à l'avantage d'associer tous les États membres de la CEDEAO à la réflexion mieux à la prise de décisions qui les engageraient.

24- L'identification, la formulation de projets pilotes transfrontaliers sur la base d'un processus participatif impliquant la CEDEAO les acteurs locaux et les partenaires au développement.

25- La vulgarisation du concept « pays-frontière» dans tous les États membres de la CEDEAO en vue de palier le déficit d'information.

26- La création d'une Association des Régions et des Villes frontalières de l'Afrique de l'Ouest. Celle-ci pourrait servir de cadre de concertation et de dialogue des acteurs locaux. Compte tenu de sa dimension régionale, la CEDEAO pourrait prendre l'initiative d'organiser la réunion constitutive de cette Association. Elle lui accorderait par la suite, le statut d'observateur.

ANNEXE 2 : LE COMMERCE DE L’HUILE DE PALME EN SÉNÉGAMBIE MÉRIDIONALE

Source : Enda-Diapol

Le commerce de l’huile de palme représente une vraie filière sous-régionale. Il symbolise parfaitement le dynamisme des échanges entre les peuples des différents États de la région. Le centre névralgique de ces échanges est le marché hebdomadaire de la petite localité sénégalaise de Diaobe qui structure une grande partie des échanges sous-régionaux d’huile. Diaobe est située à une centaine de kilomètres de Kolda, à proximité des frontières guinéenne et bissau-guinéenne. D’importantes quantités y sont échangées chaque semaine : en moyenne 80 000 litres, d’après les informations collectées auprès des grossistes ; quantités dépassant de loin les chiffres officiels qui font état de 15 000 litres en 1997.

Le marché s’approvisionne très majoritairement en Guinée Conakry. La quantité de produit originaire de Guinée Bissau n’est cependant pas négligeable ; les flux sont toutefois plus irréguliers que ceux en provenance de Guinée Conakry. Le potentiel forestier de la Guinée Bissau n’est pas aussi important que celui de la Guinée ; mais il semble que la faiblesse des infrastructures de communication constitue un frein au développement de la production.

Le commerce d’huile de palme en Sénégambie méridionale

Routes principales bitumées Pistes

ENDA –DIAPOL et SCAO/OCDE 2003. Sources : ENDA -DIAPOL

050 km

Diaobe : Marché régional de l’huile de palme

Diaobe : Marché régional de l’huile de palme Kayes

Flux en provenance des zones de production

Flux réguliers à partir de Diaobe

Flux intermittents

Flux maritimes interrompus depuis le naufrage du Joola

Les commerçants de gros exerçant à Diaobe sont principalement des Guinéens et des Bissau-Guinéens ; ils apportent l’huile de palme par fût de 200 litres à raison de plusieurs dizaines par commerçant et par marché hebdomadaire. Les fûts sont vendus à des femmes peules organisées en groupement afin de mieux négocier avec les grossistes : achats groupés, obtention de crédits fournisseur. Le réseau des femmes est structuré par la confiance liée à la régularité des transactions effectuées ; ce qui explique que l’entrée dans le réseau se fasse par la cooptation. Les femmes demi-grossistes cooptent une de leurs amies et se portent garantes du crédit fournisseur auprès du grossiste qui accepte alors de donner l’huile à crédit à cette nouvelle partenaire.

BANJUL
Kaolack
Tamba
Kolda
Zinguinchor
BISSAU
Bafata
DAKAR
Thies Touba
Linguére
Louga
St Louis
Diourbel
Guinée

Les femmes sont également organisées collectivement pour transporter les fûts qui sont écoulés dans toutes les régions de Kolda et Ziguinchor, mais aussi sur les loumos (petits marchés frontaliers) gambiens et bissau (le marché bissau-guinéen est irrigué lorsqu’il est déficitaire). Le produit décrit également une boucle régionale beaucoup plus large : au Nord-Ouest vers les marchés urbains de Dakar et Saint-Louis, jusqu’en Mauritanie, à l’Est vers le Mali.

Le commerce régional de l’huile de palme fait l’objet d’un suivi par les différentes autorités des pays où circule le produit. Dans chaque zone d’exploitation, les services forestiers prélèvent une taxe et délivrent des licences d’exportation. Une fois que le produit franchit la frontière, les services forestiers contrôlent sa circulation et prélèvent alors une très légère taxe pour établir des certificats de circulation sur le territoire. Les services de contrôle des différents pays reconnaissent la validité des documents établis par leurs voisins ; ce qui facilite la circulation de l’huile.

Même si les obstacles douaniers demeurent importants du fait d’une mauvaise application de la réglementation en vigueur, d’autres freins entravent le développement de cette filière régionale. Une réflexion commune de tous les acteurs de la filière et des autorités locales et nationales des pays concernés, devrait être engagée. Elle permettrait d’aborder la réalité de problèmes communs tels que l’amélioration des infrastructures commerciales de Diaobe et des infrastructures de transport dans son aire d’influence, le développement de capacités de conditionnement et de transformation de l’huile (l’huilerie industrielle de Ziguinchor ne traite que l’arachide), etc. Autant de problèmes qui ne peuvent être posés que dans un contexte à la fois local et régional.

ANNEXE 3 : LES « MIRADORS DE LA PAIX » ENTRE LE SÉNÉGAL ET LA GUINÉE BISSAU

Interview de Ndiobo Mballo, coordonnateur de l’ONG 7A et de M. Mballo, chef de village de Coumbacara (Sénégal). Juillet 2005.

Source : « Chroniques frontalières n°2 » - CSAO / OCDE

A l’issue des journées du sésame organisées par l’ONG 7A, les populations de Coumbacara (Sénégal, à la frontière bissau-guinéenne) ont émis le souhait de constituer un « mirador de la paix »9 , pouvez-vous nous parler de cette initiative ?

« Ousmane, le chef de village de Saré Becar du côté bissau-guinéen a trouvé un jour les vieux du village de Coumbacara assis sous l’arbre à palabres. Ils discutaient à même le sol des problèmes du village. Ousmane a alors proposé de construire un mirador pour qu’ils puissent se retrouver et discuter. Une fois ce dernier construit, il est devenu un lieu de prise de décision d’intérêt collectif. Les femmes, les jeunes, les hommes s’y rendent indistinctement. Le chef de village assiste aux rencontres et informe ensuite les notables des décisions prises.

Ce mirador est devenu d’utilité publique non seulement pour le village de Coumbacara mais aussi pour les villages de la Guinée Bissau. Lors des fêtes religieuses, les décisions sont prises par l’imam mais en dernier recours, soumises au niveau du mirador. De même lorsque le conseil rural prend une décision, il convoque le village autour du mirador. Il s’agit d’un élément unificateur pour le village qui fait fi des partis politiques, des appartenances religieuses ou nationales. Cette initiative est née des populations de la Guinée Bissau qui ont trouvé là un moyen de renforcer les liens avec les villages frontaliers du Sénégal. Le Mirador a d’ailleurs été l’élément précurseur à la création d’un marché hebdomadaire en Guinée Bissau. S’y ait décidé d’appuyer les démarches des Bissau-Guinéens pour favoriser son ouverture par notamment la construction d'infrastructures financées sur fonds propres par le biais des programmes de formation sur la décentralisation qui leur permet de ventiler des fonds pour ce type d’activité, en toute autonomie.

En cas de problèmes en Guinée Bissau empêchant le déplacement des populations sénégalaises, la recherche de solutions se fait au niveau du mirador (et vice-versa). S’y anticipent les tensions et arbitrent les conflits ».

Le mirador de la paix est un exemple parmi d’autres des formes traditionnelles de gestion des conflits, qu’en est-il de celle que l’on dénomme ici le « Gamou du pardon » ?

« A Coumbacara, il n’y a jamais eu de tradition de Gamou10. Le gamou est un moment de renforcement de la foi et de discussions autour du Coran. Un imam influent de la région, l’a intronisé et nous l’avons élargi à d’autres aspects de la vie communautaire. L’élément de pardon introduit dans le Gamou est spécifique à Coumbacara. Antérieurement, il existait en effet une grande fête culturelle qui consistait selon une expression pulaar à « amener la route », à construire une piste symbolique et unificatrice entre notre village et la Guinée Bissau.

9 Le mirador est un rectangle composé de lattes de bambous, pouvant atteindre parfois 10 à 15 mètres de côté. Il repose parfois sur des piquets de 25 centimètres de hauteur. Il est souvent surmonté d’un toit en tôle lorsqu’il sert d’abris et de repos pour les voyageurs. Dans ce cas, il se situe à l’entrée d’un village ou le long d’un sentier qui relie une concession à une autre. Le mirador de la paix est plutôt situé au centre du village sous l’arbre à palabre. Dénommé « diurè » en pulaar, il occupe le même rôle symbolique de lieu d’arbitrage et de règlement des conflits pour les communautés diolas et mandingues.

10 Il s'agit au départ pour le grand Gamou de célébrer la naissance du prophète (Maouloud). Par la suite, au Sénégal, les Gamou se sont multipliés. Ils n'ont pas seulement pour but de faire l'exégèse du Coran. Ils célèbrent aussi les marabouts de la Tidjaniya.

A chaque Gamou, l’imam consacre un moment à interpeller la population sur ce qui pourrait renforcer la cohésion. Ainsi ceux qui n’ont pas remboursé leurs dettes, bénéficient d’un pardon publique de leurs créanciers, sans pour autant que leur nom soit cité. Des dettes s’élevant à deux millions de FCFA, ont ainsi été effacées, ce qui a renforcé les relations sociales au sein du village qui commençaient sérieusement à se dégrader.

Des habitants de la communauté rurale ont pardonné des dettes engrangées par les Bissau-Guinéens (et vice-versa). Cette pratique pourrait être étendue mais fonctionnant avec les ressources du milieu, elle est toutefois limitée à un espace réduit. Le Gamou, comme le mirador de la paix ont jeté les bases de collaborations de part et d’autre de la frontière ».

En tant que chef de village, vous incarnez une autorité traditionnelle, comment percevez-vous l’articulation entre le droit moderne et les formes coutumières d’arbitrage ?

« Depuis qu’on a initié le Gamou du pardon et le mirador de la paix, le rôle d’arbitrage joué par les autorités en a été facilité. Avant en cas de vol de bétail, on faisait directement appel au sous-préfet. Désormais, dès qu’il y a vol, les populations encadrées par le chef de village arbitrent et font suivre les décisions au niveau du sous-préfet. Les autorités administratives n’en ressortent pas dévalorisées. Au contraire, elles sont soulagées et font l’économie de procédures fastidieuses pour régler les litiges transfrontaliers. De plus, si les autorités administratives ne peuvent se déplacer du côté bissau-guinéen, les chefs traditionnels eux peuvent le faire.

Pour ces derniers, cela constitue un outil qui empêche le village d’imploser et les relations entre les deux pays de s’envenimer. Cinq miradors sont aujourd’hui répartis dans des villages au niveau de la communauté rurale de même qu’il existe des miradors du côté bissau-guinéen, les chefs traditionnels guinéens en ayant été les initiateurs. Dès litige, chaque frange de la communauté peut le convoquer. Il est arbitré par le chef traditionnel. Cette pratique a été portée à l’intérêt des autorités administratives pour qu’elles puissent cautionner cette initiative de paix. La légitimité des autorités sénégalaises s’en trouve renforcée et celles-ci font davantage confiance aux populations dans le règlement endogène de leurs problèmes.

Face aux contraintes que sont l’enclavement de la zone et les réglementations différentes de part et d’autre de la frontière, ces deux initiatives populaires permettent de lever l’effet de barrière et d’instaurer une justice de proximité ».

ANNEXE 4 : LA SANTÉ AU QUOTIDIEN DANS LA ZONE MOPTI (MALI) - OUAHIGOUYA

(BURKINA)

PLATEAU DOGON

H Hopital

Hopitalsecondaire

Oùles gens devraient aller pour des problèmes de santéde faible gravité

Oùles gens vont ou voudraient aller pour des problèmes de santéde faible gravité

Oùles gens devraient aller pour des problèmes de santégraves

Oùles gens vont ou voudraient aller pour des problèmes de santégraves

D.N.F Mali SCSAO/OCDE

Les zones frontalières sont, par définition, aux marges des politiques nationales. Elles bénéficient généralement d’un accès plus difficile aux services de base ; la lutte contre la pauvreté y est plus difficile car elles sont aux « limites des politiques ». Une approche transfrontalière devrait permettre de compenser ce désavantage tout en optimisant les coût de ces politiques et en donnant de la réalité au processus d’intégration régionale.

On a ici un bassin de population de l’ordre de 500 000 habitants. L’agglomération de Mopti (120 000 habitants) et Ouahigouya (80 000 habitants) sont l’une et l’autre dotées d’un hôpital à vocation « régionale » au sens infra-étatique. Chacun de ces hôpitaux est censé servir la population de chaque pays jusqu’à la frontière. Pour les problèmes de santé qui ne nécessitent pas d’aller à l’hôpital, il existe ce que nous appelons ici des « hôpitaux secondaires » dans certaines petites villes (Koro au Mali, Djibo et Tiou au Burkina). Pour les petits problèmes au jour le jour, il y a de nombreux dispensaires dans les villages des deux côtés de la frontière.

On voit bien sur le schéma au sens propre du terme, les limites des politiques nationales (en l’occurrence celles de la santé) dans un espace frontalier. Les gens vont (lorsqu’ils en ont les moyens) ou souhaitent aller dans le service médical le plus proche et/ou le plus performant.

Dans certains cas, des initiatives concrètes sont prises pour conformer « l’institutionnel » à la réalité. Ainsi, l’accueil en urgences de patients burkinabé à l’hôpital de Djibo a déjà fait l’objet d’un accord de prise en charge par une organisation mutuelle. En effet, les habitants de la commune de Djibo refusent de se rendre au centre de santé de Koro dont ils dépendent administrativement car il est beaucoup plus loin

MOPTI
Koro
OUAHIGOUYA
Dinangourou Djibo
Burkina

que celui de Djibo. Ils ont d’ailleurs refusé de participer à une mutuelle de santé qui devait assurer la prise en charge de malades venant en catastrophe et sans moyen à Koro.

En sens inverse, le souhait des autorités de Koro est de voir leur Centre de Santé de Référence doté d’un bloc opératoire pour en amplifier l’aire d’attraction. Des discussions avec les autorités de la ville jumelle de Tiou ont eu lieu dans ce sens ; une spécialisation médicale des deux localités a même été envisagée (à Koro un chirurgien, à Tiou un autre spécialiste). Mais pour l’heure on n’a pas dépassé le stade de l’idée.

Pour des maladies qui nécessitent un hôpital plus important, lorsque le médecin-chef du CSR de Koro délivre un certificat d’évacuation sur l’hôpital de Mopti à un malade, ce dernier préfère souvent aller à Ouahigouya pour se faire traiter…

Ces observations résultent d’entretiens avec les acteurs locaux du côté malien ; elles doivent être complétées par une démarche similaire du côté burkinabé. Mais d’ores et déjà, on sent bien que la mise en œuvre d’une stratégie pragmatique de santé transfrontalière est à la fois nécessaire et possible.

Pourquoi ne pas envisager un diagnostic transfrontalier par des professionnels de la santé publique, suivi d’une réunion de concertation réunissant les responsables des hôpitaux et centres de santé de la zone, les directeurs régionaux de la santé des deux côtés de la frontière, les élus locaux (Mopti et Ouahigouya ainsi que Koro et Tiou sont jumelées) et les responsables maliens et burkinabé des ministères de la santé et de l’administration territoriale ?

Cette réunion aurait pour but :

- De valider le diagnostic ;

- De faire des propositions concrètes à court terme : 1) Est-il possible de coordonner l’affectation des médecins et professionnels de santé des deux côtés de la frontière afin que les populations aient un accès facilité à une gamme aussi large que possible de spécialité médicale ? 2) Est-il possible d’organiser conjointement et à moindre coût les campagnes de vaccination ? 3) Les autorités des deux côtés de la frontière peuvent-elles envisager l’organisation d’un service unique d’ambulances ; etc.

- D’engager un processus, de nouvelles études plus approfondies pour, par exemple, jumeler les hôpitaux de Mopti et Ouahigouya en spécialisant certains services ? Est-il possible de développer et de mettre en œuvre un système fluide de compensation financière pour la prise en charge du malade dans les services d’urgence de part et d’autre de la frontière ?

- Est-il possible à cet effet de créer un cadre de concertation pour suivre l’évolution du dossier ; estil possible de mobiliser un bailleur de fonds autour de cette initiative ?

Une démarche de ce type serait utile aux populations de la zone qui, comme toutes les populations frontalières, ont un accès plus difficile aux services de base. Elle permettrait aussi d’ouvrir la voie, de montrer que « c’est possible » mais aussi de soulever (et on l’espère de solutionner) des problèmes génériques. En d’autres termes, il s’agirait aussi d’un laboratoire dont les résultats pourraient être reproduits.

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