Snowactive février 2022 | FR

Page 24

Personnages

LE MAGICIEN DERRIÈRE RUSSI ET COLLOMBIN

De l’âge de pierre au sport de compétition et de loisirs actuel, Paul Berlinger a occupé les fonctions les plus diverses durant plusieurs époques qu’il a marquées de son empreinte. Cet éternel jeune homme de 79 ans s’est toujours retrouvé au cœur de l’action. Sans lui, l’histoire du ski suisse aurait peut-être pris une autre tournure.

P

robablement n’apprécie-t-il guère le titre de «magicien». Cela sonne un peu trop grimoires et chaudrons. Ce pragmatique aux pieds bien sur terre, originaire du canton de Nidwald, se considérait avant tout comme un entraîneur. Mais en plus de son savoir-faire technique, il disposait d’un sens aigu de la neige, de la météo et des températures, ce qui lui a rapidement valu les qualificatifs de «gourou» ou de «roi du fartage» dans les médias. Pourtant, ce mythe est né par le plus grand des hasards. L’histoire a déjà été racontée une douzaine de fois. Lors des Championnats du monde de ski alpin de 1970 à Val Gardena, Berlinger a gratté le fart des skis de Bernhard Russi juste avant le départ de ce dernier, car ses deux coéquipiers Andreas «Söre» Sprecher et Jean-Daniel Dätwyler, partis plus tôt, avaient fait du surplace. Les témoins de la scène se sont dit: ce Berlinger est fou! Berlinger a eu une révélation Ce qui est passionnant, c’est l’histoire derrière l’histoire. «Je me suis rendu au départ en téléphérique avec l’entraîneur français Gaston Perrot», raconte Berlinger. «Il avait avec lui des skis sur lesquels il y avait une épaisse couche de fart, avec du papier pour séparer chaque ski, comme cela se faisait à l’époque. Je lui ai dit

22

SNOWACTIVE

FÉVRIER 2022

d’un air moqueur: ‹C’est TOI qui fais la course?› Mes spatules, elles, n’avaient pas été fartées depuis des jours. Puis nous sommes partis en même temps pour la reconnaissance, du départ très pentu au replat, où j’ai littéralement avalé Perrot avec mes skis non fartés.» «C’est là que j’ai eu une révélation», raconte Berlinger. Les skis de Russi avaient autant de fart sur la semelle que ceux de Perrot. J’ai alors sorti le racloir et j’ai dit à Bernhard: nous allons essayer quelque chose d’autre. Ça ne peut pas être pire.» Peu après, Russi est devenu le premier champion du monde de descente suisse depuis Rudi Rominger (1936). Zéro pointé Quand Berlinger a fait ses débuts dans les années 60, le ski suisse n’était pas à son apogée. Lors des grands événements, les résultats n’étaient pas au rendez-vous. Les Suisses étaient revenus bredouilles des Championnats du monde de 1962 à Chamonix. Puis vint la débâcle des JO d’hiver de 1964 à Innsbruck. Les skieurs et skieuses suisses n’ont pas non plus remporté la moindre médaille aux Championnats du monde de 1966 à Portillo (Chili), qui se sont tenus en été. Paul Berlinger a lui-même fait du ski de compétition. Pas si mal d’ailleurs, à en croire

quelques titres régionaux qui avaient encore de l’importance à l’époque. Mais pas non plus au point d’atteindre les sommets, le cadre B étant resté son niveau maximum. C’est alors que le légendaire patron du ski, le colonel Peter Baumgartner, lui a demandé s’il n’était pas intéressé par une formation d’entraîneur. Il a accepté et est devenu l’un des premiers entraîneurs permanents de la fédération. Adolf Ogi, le motivateur Avec Adolf Ogi, alors chef de la relève, il dirige le groupe de candidats autour de Russi, Tresch et Cie. Il est également présent lorsque Ogi, à Pontresina – une histoire que Russi aime toujours raconter – inflige une punition aux jeunes stars indisciplinées dans la poudreuse d’un parking, par –20 °C. «Dölf s’est une fois de plus senti obligé de montrer la dureté d’un officier de grenadiers», sourit Berlinger. Lui-même avait autrefois fait l’école de recrues des grenadiers à Losone en compagnie du futur conseiller fédéral. C’était encore à l’époque où il voulait devenir gymnaste artistique. Durant son apprentissage de typographe, il faisait de la gymnastique au BTV Luzern, où le responsable de l’entraînement, le champion olympique Sepp Stalder (connu aujourd’hui encore pour ses «cercles


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.