Allons enfants
patrie . . .
Tout P’tit Charles
18 novembre 2015 n°3
L’édito
janvier ont été ciblés d’une manière « justifiable » de leur point de vue (et non du nôtre) : Pour eux, nous les avions attaqués, provoqués, avec nos caricatures. A ce moment-là, nous comportant comme des frères et des sœurs, nous étions desNous aurions préféré que ce numéro ne voie cendus dans les rues. Cette fraternité nous ayant jamais le jour. Cela aurait signifié que les attentats déjà unis par le passé, nous réunit encore aujourn’auraient jamais eu lieu. Comme tu le sais sûre- d’hui. Ensemble, nous pleurons nos morts . ment, toi lecteur, des évènements tragiques se Mais attention ! Toi, comme nous, tu ne dois pas sont déroulés ce vendredi 13 novembre à Paris, faire d’amalgames. Entre un musulman et un ternotre chère ville lumière. Peux-tu nous dire, lec- roriste se creuse un gouffre infini. En tant qu’huteur, pourquoi ces monstres tiennent tant à nous main que l’on soit Français, Américain, Allemand enlever par la terreur cette liberté que nous ché- ou de toute autre nationalité, nous sommes tous rissons ? Qu’ont fait ces jeunes dont la plupart égaux, c’est pour ça que nous ne pouvons l’être avaient le même âge que toi, que nous et qui se avec ces monstres : ils n’ont rien d’humain. sont fait sauvagement assassiner par des Alors oui, nous avons peur ! Mais non, nous ne monstres sans cœur se prétendant musulmans nous laisserons pas faire ! Et surtout, souviens-toi alors qu’ils ont uniquement lu leur livre sacré en lecteur : diagonale ? A leurs yeux, nous ne sommes sûrement que des démons… Mais au final, qui sont les Paris fluctuat nec mergitur. vrais démons ? Ceux qui jouent, boivent, dansent La ville lumière flotte mais ne coule jamais. et apprécient la vie ou bien ceux qui la prenLéo MAGNEZ, nent de façon bestiale en sacrifiant leur propre Sahrix et corps dans une explosion ? le comité de rédaction. Souviens-toi lecteur, des évènements passés il y a à peine onze mois. Nous pensions que rien de pire ne pouvait arriver. Mais au moins les attaques de
- Gratuit Responsable de publication Maxime Carpentier Rédacteur en chef Samantha Paquet Comité de rédaction : Gallier/Jadin/Lauzier/ Nedelec/Nouatin/Magnez/ Meyer/Paquet/Sahrix/Uros Maquette : Carpentier/Lavallee/Magnez Edition CDI LPO C.De Gaulle Rue Jacques Daguerre 60200 Compiègne Tirage 500 exemplaires Imprimé par nos soins
Journal des lycéens LPO Charles de Gaulle - Compiègne
Aujourd’hui, j’ai mis une jupe et des talons. 2
Aujourd’hui, j’ai mis une jupe et des talons.
Parce que c’est le plus beau doigt d’honneur que je puisse leur faire. Parce qu‘il y a deux jours, certains de mes amis sont restés confinés des heures au fond d’un bar de la rue Charonne où ils étaient juste sortis boire un verre. Parce que j’aurais pu être parmi eux, ou en train d’écouter de la musique au Bataclan, ou en train de rire entre copines à la terrasse d’un restaurant cambodgien… La vérité c’est que ce ne sont pas des institutions de la République qui ont été arrosées à la kalachnikov, ni des militaires, ni des représentants officiels de la démocratie. Ce sont des jeunes, des familles, des personnes qui ne sont pas tombées pour une guerre, qui n’aurait d’ailleurs pas été la leur, mais parce qu’elles vivaient.
Maintenant, pensons aux proches des victimes, car le plus dur est pour ceux qui restent. Et surtout, n’en déplaise aux médias bas de gamme et aux politiciens dont le programme semble si vide qu’ils ont trouvé le moyen de réutiliser ces évènements avant même que le sang n’ait eu le temps de sécher sur les pavés du boulevard Voltaire, surtout, pas d’amalgame. Evidemment, nous avons peur. Je ne suis pas différente d’une autre et je me sentais oppressée en prenant le métro ce matin. Mais je refuse de dévisager mon voisin et de tomber dans la paranoïa. Je refuse de jouer le jeu de leur obscurantisme. Ils ont voulu abattre Paris car elle danse, elle mange, elle boit, elle fait l’amour, elle sort, elle fume, elle rit, elle porte des petites robes. Mais Paris, c’est moi, c’est nous. Alors aujourd’hui, j’ai mis une jupe et des talons.
Témoignage de Lou-Ann Uros Ancienne élève et journaliste du lycée. Étudiante à Paris.
Pour les victimes, je lève mon crayon ! En janvier, ils avaient déjà assassiné. Des caricaturistes engagés, armés seulement d’une gomme et d’un crayon. Et en ce mois de novembre noir, ils font s’achever l’année comme ils l’avaient fait commencer : dans le sang, les larmes et le deuil. Cette fois, ils ne se sont pas servis du prétexte d’un humour qui leur avait déplu. Ils ne s’en sont pas formalisés, et de sang-froid ont assassiné des jeunes, des gens qui comme vous et moi, avaient des rêves, des peurs, des envies, des projets, un avenir. Qu’ont-ils, à présent que les monstres sont passés ? Des bougies et du silence pour honorer leur mémoire. Et tous les autres ? Les rescapés, les blessés ? Ceux dont la survie est encore incertaine ? Ceux qui auraient dû se trouver au Bataclan, au Stade de France, au restaurant, et ont annulé à la dernière minute ? Ceux qui ont perdu un proche, n’ont pas de nouvelles, ne savent pas s’il est mort ou blessé ? C’est aussi pour eux que je me recueille. Je pense aux héros de l’ombre. Médecins, Pompiers, Bénévoles de la Croix Rouge, qui ont sauvé de nombreuses vies sans jamais se mettre sur le devant de la scène. En ces temps assombris, quand nos drapeaux sont en berne et nos cœurs endeuillés, pensons aux victimes et pas aux bourreaux. Pensons aux familles et pas aux armes. « Certains jours, j’ai rêvé d’une gomme à effacer l’immondice humaine » disait Louis Aragon. Moi aussi, je rêve de cette gomme. La gomme qui, avec le crayon, était l’arme de Charlie Hebdo. Je rêve de cette gomme qui effacerait à jamais les monstres, les lâches que sont ces fanatiques.
Samantha PAQUET
Tout P’tit Charles, 18 novembre 2015
Lettre aux assassins… 3
Samantha PAQUET
Livres & Chansons 1. Les poppys /Non, non rien n’a changé. 1970
Le terrorisme; Blin, Arnaud
2. John Lennon / Imagine 1971
L’après-Charlie; Bianco, Jean-Louis; Bouzar, Lylia: Grzybowski,
3. Renaud et Axelle Red / Manhattan Kaboul.2002
Samuel
4. Les beatles /Help. Juillet 1965 5. Eurythmics / I saved the world today.1990 Marie JADIN & Rémi GALLIER
Tout P’tit Charles, 18 novembre 2015
Des Humains ? Ou des Monstres ? Lorsque j’étais enfant, j’étais effrayée par les monstres sous mon lit. Pour me rassurer, mes parents laissaient une petite lumière allumée dans ma chambre. Aujourd’hui, ça n’est plus des monstres sous mon lit dont j’ai peur, mais des monstres du terrorisme. Comment peut-on se dire humain lorsque notre « humanité » se réduit à l’assassinat ? A propager la terreur dans un but purement fanatique ? Car c’est ce qu’ils veulent. Nous terrifier, que nous nous terrions chez nous sans plus oser sortir. C’est la peur qui nous conditionne, et nous fait accepter ce que nous ne supporterions pas autrement. Je ne céderai pas. Oui, j’ai peur. Oui, je sais qu’ils ne s’arrêteront pas là. Mais je refuse de les laisser gagner en restant chez moi. Je continuerai de sortir, aller voir des spectacles, des expositions, des films. Au nom de la Liberté dont ils veulent nous priver, au nom de nos valeurs et de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, je ne les laisserai pas gagner. Même si pour certains nous ne pouvons pas encore nous engager dans l’armée, prendre position politiquement ou écrire dans la presse internationale ; même si nos actions se limitent aux murs du lycée ou s’arrêtent à la sortie de notre village, nous pouvons tous lutter. En continuant de vivre, même si nous portons le deuil. En refusant de laisser de tels monstres nous empêcher de faire ce que nous voulons et nous empêcher d’être qui nous voulons. Comme les monstres sous le lit, la Lumière de la liberté et de nos valeurs morales éteindra l’obscurité de leur fanatisme. Même si ce n’est pas grand-chose, c’est déjà quelque chose. Même si nous avons peur, pour nous, nos proches et l’avenir, ne cédons pas à la peur. Ne les laissons pas gagner, ne leur faisons pas ce plaisir. Mais encore une fois, prenons garde aux amalgames. Ne tombons pas dans ces rapprochements faciles et erronés entre ces fanatiques et des musulmans qui n’ont rien fait. Ensemble, nous pouvons lutter. Nous en avons les moyens, si nous le voulons.
Samantha PAQUET
Pour mieux comprendre... Doctrine prêchant l'Islam radical par la violence. Constitution : Loi fondamentale d'un Etat qui définit les règles et les décrets pour chaque pays
État d'urgence : Mesure prise par le gouvernement en cas de péril imminent.
Terroriste : Personne, seule ou en groupe, qui tente de faire régner sa religion, ou sa politique par la violence.
Djihadisme :
Tout P’tit Charles, 18 novembre 2015