Marcasse et Grande Honnelle, deux réserves naturelles hennuyères liées à l’histoire des hommes et des roches par Véronique Coquay1 / veronique.coquay@skynet.be & Martin Tanghe2 / martin.tanghe@skynet.be
Déblais calcaires des carrières et déblais schisto-gréseux des mines de charbon forment à présent les cadres physiques, en particulier les substrats lithologiques de natures physique et chimique très différentes, de deux réserves naturelles Natagora (Natagora asbl, site internet) éloignées l’une de l’autre d’une dizaine de kilomètres : une ancienne carrière de calcaire bleu noir à Honnelles, abandonnée aux alentours de la seconde guerre mondiale et le terril Marcasse à Colfontaine où l’exploitation charbonnière a cessé depuis 1958. Par le biais de la colonisation végétale spontanée s’étalant sur plusieurs décennies, les déblais dénudés et purement minéraux, résultats de l’industrie extractive, ont donné naissance à des écosystèmes nouveaux. Ils sont semi-naturels car, malgré leur structure et composition très différentes de la végétation naturelle (la forêt primitive), leur flore est sauvage et en majeure partie indigène. Dans cette partie du Hainaut couverte de limons de plateau et d’alluvions de vallée, ces écosystèmes atypiques, créés de manière artificielle, appa-
2. Etude phytoécologique comparée des deux réserves 2.1. L’ANCIENNE CARRIÈRE DU BOIS D’ANGRE
supérieures qui y ont été recensées en 1995 et 2008, 57% d’espèces sylvatiques (forestières), tant herbacées que ligneuses, pour 15% seulement d’espèces caractéristiques des pelouses et ourlets forestiers calcicoles. Cette relative sous-représentation de ces dernières s’expliquerait par l’absence, dans la région, d’habitats originels de ce type, sources naturelles d’approvisionnement de la flore capable de coloniser les carrières de calcaire abandonnées en milieu boisé. D’ailleurs, les espèces princi-
© V. Coquay
Dans le Haut-Pays et la vallée de la Haine, l’homme a de tous temps tiré parti des ressources du sous-sol. Dès la deuxième partie du 18ème siècle et tout spécialement au 19ème siècle avec la révolution industrielle, ce dernier fut intensivement exploité et des roches du Primaire mises au jour. Les traces de cette exploitation se marquent aujourd’hui dans le paysage sous forme de carrières abandonnées et de terrils de charbonnages. Les premières concernent des roches du Dévonien dans le Haut-Pays telles que les calcaires du Givetien (Dévonien moyen) vieux de 391,8-385,3 Ma (Millions d’années) et qui affleurent dans la vallée de la Grande Honnelle ; les seconds sont composés des matériaux « stériles », schistes et grès du Houiller (Carbonifère supérieur) vieux de 326,4-306,5 Ma, rejetés par les mines du bassin houiller de la vallée de la Haine appelé Borinage.
raissent à présent comme des refuges pour une flore et une faune riches, en partie rares et spéciales pour la région. Elles sont spéciales parce qu’elles caractérisent des milieux secs et chauds, inexistants à l’origine. En outre, ces écosystèmes jouent un rôle important de relais dans le réseau écologique régional.
L’ancienne carrière du bois d’Angre.
L’ancienne carrière de calcaire bleu noir qui longe la Grande Honnelle est incluse dans le bois d’Angre dont la flore et la végétation ont attiré depuis longtemps l’attention de plus d’un botaniste ou naturaliste (par exemple, Riomet P. & Lochenies G., 1891 ; Buxant F., 1954 ; Pierart P. & Duvigneaud J., 1982 ; Fetter, S., 1991 ; Moreau F., 1994 ; Coquay V. & Tanghe M., 1999). Les remblais de la carrière abandonnée forment un cône de déjection artificiel à fortes pentes exposées à l’ensoleillement du sudouest et offrent un sol argilo-limoneux à charge calcaire et légèrement basique (pH 7,6). Son couvert végétal est essentiellement herbacé, mais riche en essences forestières à l’état arbustif, favorisées par une bonne rétention de l’eau par la terre fine. Bien qu’elle soit traditionnellement qualifiée de « pelouse calcaire », elle compte, sur les 66 espèces de plantes
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Voie du Prêtre n°42, 7370-Dour
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Avenue de Winterberg, n° 61, 1330-Rixensart
pales de cette flore dite de « pelouse » sont signalées par Moreau (op. cit.) comme composantes du sous-bois de la forêt calcicole voisine de la carrière. De surcroît, la graminée dominante et structurante de la « pelouse calcaire » de Honnelles est le brachypode des bois (Brachypodium sylvaticum) au lieu du brachypode penné (Brachypodium pinnatum) ou du brome dressé (Bromus erectus), espèces classiques des pelouses calcaires. Il n’empêche que le caractère calcicole de cette curieuse association est incontestable et qu’avec ses trois espèces d’orchidées, l’orchis pourpré (Orchis purpurea) l ’ophr ys abeille,
L’orchis pourpré (Orchis purpurea).
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© M. Tanghe
1. Introduction