Fuckin' Berlin

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Fuckin’ Berlin Jeff Keller Roman

Éditions Textes Gais 31 rue Bayen 75017 Paris

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À la talentueuse romancière Stéphanie Benson, ma marraine en écriture. Merci Stéphanie pour tes conseils et encouragements tout au long de ces années, . À Mickaël, en souvenir de notre rencontre à Berlin pour la Folsom 2008. À cette intensité…

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Berlin Tegel. 15 h. Jeudi 7 avril 2007. Fabien et Laurent traînent deux énormes bagages. Le poids de leur garde-robe en cuir. Tegel grouille de pédés avec des boîtes à fantasmes toutes plus imposantes les unes que les autres. En bons fétichistes, ils transportent leur playroom avec eux. J’imagine les têtes si, d’un coup de gode magique, les valises s’ouvraient répandant cockrings, pinces à seins, pompes à bites, scalpels et autres sondes urinaires sur le sol rutilant de l’aéroport. Les mecs des rayons X en ont sûrement vu de belles. Ils auront de quoi se rendre intéressants au repas familial pour impressionner bobonne. Déjà qu’à la sécurité de Charles de Gaulle j’ai fait sensation en enlevant mes paras soigneusement lacées de blanc qui sonnaient au portique… Gwen arrive par l’avion suivant, celui de 17 h. Je m’enfonce dans la galerie du métro. Je suis déjà venu plusieurs fois à Berlin mais toujours pour raisons professionnelles. Cette fois-ci, je suis libre de mes mouvements, libre de mes attitudes. Libre donc de découvrir la ville et ses harders… Je m’arrête chez le coiffeur techno 5


de la galerie souterraine du U-Bahn, Potsdamer Platz, pendant que Laurent et Fabien partent à l’hôtel avec les bagages. Première étape. Transformation. Deux ados berlinois aux coupes branchées observent l’évolution de leur look avec attention, presque avec stupeur. Un peu effrayés de leur audace, ils vivent par avance la réaction de leurs parents. La déco du salon de coiffure est simple, mais de bon goût et les prix à faire rêver n’importe quel Parisien en goguette. J’ai gardé les cheveux longs pendant trois mois pour en arriver à ce moment-là. La crête de punk prend forme sous les coups de rasoir du mec, un jeune homo efféminé. Il est si fin et si grand qu’on dirait une anguille. Son toucher est doux et sensuel, il caresse en sculptant. J’ai tôt fait d’avoir une coupe digne du dernier des mohicans, le reste du crâne rasé et les extrémités de la crête de plus en plus étroites, jusqu’à finir en pointe sur le haut de la nuque. Alors que j’attends que le rouge vif imprègne mes cheveux, je me sens plus léger. Déjà, tous les mauvais moments de la semaine s’estompent dans une brume opaque. Mon esprit se régénère et s’ouvre au plaisir. Je bande en me voyant dans la glace, la crête de punk en gestation. À côté de moi, une femme blonde aux yeux bleus se fait friser les cheveux, ils lui tombent plus bas que les fesses. Elle est belle et ne se soucie pas plus de ma crête que d’une coupe classique avec une raie de premier communiant sur le côté droit. Je savoure ces minutes de calme, personne ne s’occupe de moi, c’est reposant. Au bout d’une demi-heure, 6


le coiffeur brun revient, il tâte ma crête, vérifie que la couleur adhère et qu’elle ne partira pas au premier shampooing. Visiblement, il est satisfait parce qu’il m’enlève la serviette et me montre son travail avec une glace. Un vrai Iroquois. Il est plus de 19 h lorsque je débouche sur la Potsdamer Platz ; le temps a fraîchi et la nuit tombe. On est entre chien et loup et justement je me sens plus loup que chien. Certainement pas le gentil caniche de Mémère Société. Un loup donc. J’ai l’impression d’être un atome d’une molécule énorme. Même un loup se sent petit dans une mégapole comme Berlin. Je croise une bande de mecs en blouson de cuir avec le chiffre de la Bête inscrit à la peinture blanche dans le dos au milieu de slogans anti-Merkel, des Budweisers à la main. L’un d’eux a une tige de platine qui lui traverse la joue droite, les chairs infectées, rouge brique. Il se la touche en grommelant tout en se grattant les poils du torse qu’il a nu sous le blouson. Je me demande s’il fait l’élevage d’une colonie de morbacs. Ses potes font circuler un joint qui dégage un parfum entêtant. J’aime bien l’odeur, capiteuse, suave. J’aime bien aussi les touffes de poils drus du mec à la joue qui suppure. Il sent le sexe animalier. Un groupe d’hommes et de femmes en costards et tailleurs s’acheminent à un repas d’affaires ; ils me croisent au pied d’un panneau publicitaire vantant les qualités du numéro cinq de Chanel. Je referme le zip de mon Perfecto, ça caille ferme. Après m’être planté deux fois de rue, j’arrive à l’hôtel. 7


Gwen est là. Il fouille dans sa valise pour savoir s’il va mettre sa grosse chaîne de clébard ou la plus petite qui fait cordon de sécurité Vuitton pour sac à main de folle du Marais. Le collier de molosse est plus couleur locale. Surtout pour le lieu où l’on projette de se rendre, sans Fabien et Laurent qui eux doivent retrouver des amis dans un bar. Gwen et moi, on va à la Foire aux Lopes. Gwen dans le rôle de la lope et moi dans celui du bourrin. Le concept est très simple, c’est comme à la foire aux chevaux. Une histoire de bêtes et de maquignons. Les lopes sont à poil, les mains liées avec une cagoule sur la tête. Une heure après, les bourrins entrent pour inspecter la qualité des culs alignés sur plusieurs rangs. La foire est ouverte. Les transactions commencent. Lorsqu’un cul plaît à un bourrin, il fait signe à l’assistant de saillie qui détache la lope et la confie au mec qui la couvre où il veut dans le bordel avant de la ramener pour qu’un autre bourrin s’en empare. Est-ce que je reconnaîtrai le cul de Gwen au milieu des centaines d’autres culs ? Sa chaîne cadenassée autour du cou ne me sera pas très utile, toutes les lopes doivent posséder la même. Je le revois dans la droguerie du 11ème demander telle longueur de chaîne à une mamie avenante loin d’imaginer à quel usage peu orthodoxe elle était destinée. La semaine précédant notre départ pour Berlin, elle était tout étonnée de se retrouver en rupture de stock… Quant à moi, je me looke en skin des pieds à la tête. Je remonte fièrement mes bleachers sur mes paras avant d’opter pour un débardeur blanc Bundeswehr de l’armée 8


allemande avec l’aigle noir sur le poitrail, les bretelles rouges assorties à ma crête. Je trique ferme en voyant le résultat dans la glace. Impeccable. On est en route pour le Midnight Sun à Prenzlauer Berg. C’est le bordel où se déroule la Foire aux Lopes à Berlin, parce qu’il y en a aussi dans d’autres villes allemandes, Hambourg et Mannheim, je crois. Gwen fait la queue pendant que je me balade dans le quartier. Je reviendrai dans une heure. Il y a déjà un paquet de mecs à l’entrée. La plupart ont le crâne rasé, un piercing qui leur traverse la cloison nasale, le cul à l’air, moulé dans un chap. Le coin pue le sexe et je gage qu’il le puera encore plus dans quelques heures. J’ai envie de couvrir une bonne dizaine de lopes, voire plus. Je me sens l’âme d’un véritable étalon, capable de baiser jusqu’à cinq heures du mat. Partout, dans les rues, les mecs sont lookés, en cuir, en latex, en bombers. C’est le rêve, un rêve trash et identitaire ! Les mecs matent avec des regards de loups lâchés dans la nature. Tous leurs instincts sont en éveil, focalisés sur le mode prédation. Leurs yeux sont des radars, leurs nez hument la moindre présence de testostérone, leurs oreilles sont réceptives au moindre bruit de paras sur la chaussée. Je repère un jeune skin d’une vingtaine d’années, ses bleachers sont complètement destroy. On lui voit la rondelle à travers un trou, ourlée et éclatée comme une tomate mûre écrasée d’un coup de para. Je le chope par le cou. Il me suit dans une petite rue. Nous nous collons contre la façade de l’immeuble, au milieu de deux 9


gigantesques containers à ordures. Je sors ma queue et il me la pompe. Il bave plus qu’un lama de la Cordillère des Andes. Je le retourne et je le défonce tout habillé, bleachers contre bleachers. Son cul est chaud et humide. Je le pine une vingtaine de minutes dans le silence de la rue déserte. Je pense à Gwen qui doit déjà être entravé en ce moment, avec sa cagoule sur la tête comme seul vêtement. Une jument parmi des centaines d’autres attendant la saillie. Je crois bien que je l’aime. Je continue à défoncer mon jeune skin, docile, à ma merci, je lui donne des coups de para sur les genoux tout en le pilonnant, des coups sur les fesses, sur le torse, il se laisse faire, soumis. Je m’arrête avant d’être trop violent, avant de jouir aussi. Je sors de son cul, lui jette la capote à la gueule et je repars en direction du Midnight Sun. Le monde devant les portes est impressionnant. Les gabarits ont changé. Les styles vestimentaires aussi, la mâlitude s’affiche sans complexe, sans pudeur. Au bout d’un long moment, je pénètre à l’intérieur. Tout est rouge, le cuir des lits à partouze comme celui plus vif des stroboscopes. Mélange de foire et d’abattoir à chevaux. Une multitude de mecs baisent des lopes cagoulées. Les cris et les hurlements résonnent sur fond de trance. Une fois la baise terminée, les assistants de saillies ramènent les lopes à l’écurie par leur licou. Musclés dans leurs shorts et leurs harnais en cuir rouge, ils poussent à l’action comme le vent attise le feu de forêt. Je commande une Beck au bar avant d’inspecter la marchandise. Encore pas mal de lopes attendent la 10


saillie. Elles piaffent d’impatience dès qu’un mec s’arrête derrière elles, se cabrent, jettent un regard vicieux et furtif à travers la cagoule. Vu la paire de fesses qu’a Gwen, il a sans doute déjà été embarqué par un bourrin allemand qui doit lui défoncer le cul à l’aide d’un machin aussi gros que mon avant-bras. La croupe tatouée face à moi me dit bien pour commencer la soirée. Je fais signe à l’assistant de saillie. Il détache la lope et me tend le licou avec un large sourire. Sa main frôle la mienne. Lui aussi je le couvrirais bien, mais bon… Ce n’est pas dans les règles de la Foire aux Lopes. On verra plus tard quand son job sera fini… Je ramène la lope au bar, je vais l’enculer en pleine lumière, je tiens à montrer ma fierté d’être un mâle, fier de ma queue, fier d’être un baiseur. J’entame la saillie, sans même lui donner ma bite à sucer. Le côté exhib suffit pour me faire triquer à fond. Le cul de la lope est déjà ouvert et gélifié. Je ne suis pas le premier. Ça contribue à m’exciter. Une vraie lope doit pouvoir se prendre une vingtaine de pines dans la nuit et encore en redemander. Un trou sans fond qui toujours a soif d’être comblé. Un mec au torse et aux jambes poilus s’est hissé sur le comptoir du bar et, sous les encouragements de ses potes, travaille à s’enfoncer dans le cul un énorme œuf en métal. Il appuie sur ses cuisses écartées, ponctuant ses efforts de brefs cris de plaisir. Il y met du cœur à l’ouvrage, suant sous la cagoule en cuir, des gouttelettes 11


perlent de sa toison noire et tombent sur mon torse, se mêlent à ma propre sueur. La lope halète et susurre fick mich, fick mich ! Pas de crainte, je bande dur comme fer, je le baise avec fureur, un filet de bave coule à la commissure de mes lèvres, se perd sur mes bleachers. Je prends ma bière encore à moitié pleine par le cul de la bouteille et je commence à la lui enfoncer dans le trou. Le goulot passe et je la remue à l’aide de petits mouvements saccadés en la vidant. Il gémit sous l’effet de la bière dans ses entrailles. J’extirpe la bouteille vide et j’enfonce à nouveau ma queue au milieu de la mousse blanche qui s’écoule de son trou largement ouvert. J’ai envie de pisser. J’enlève la capote et je me positionne à l’entrée de sa chatte. Le gland presque à l’intérieur, je lâche un long jet, puissant, pour qu’il rentre bien au fond du trou. La lope tend sa croupe à s’en casser la colonne vertébrale et râle pour évacuer son trop-plein de jouissance. La zik est assourdissante, monte crescendo au paroxysme des consciences. J’adore. J’adore être en phase avec le rythme de la zik et de la baise. Le mec sur le comptoir a réussi à s’enfoncer l’œuf dans le cul. Il pousse à fond sur le sphincter en se travaillant à pleines mains deux tétines de truie traversées par d’énormes piercings. Il va pondre. D’un coup sec, l’œuf de Pâques ressort et passe à proximité de ma tête comme un boulet de canon. Il roule au sol, plein de merde. Une odeur forte se dégage de son fion dilaté, son bourrin y enfonce le poing dans un mouvement de 12


vrille. L’autre continue à hurler du fond de la gorge, cri rauque de jouissance impudique et mâle. J’en ai fini avec le cul tatoué. Je ramène la lope à l’assistant de saillie et je lui fais un clin d’œil qu’il me rend au passage. J’inspecte à nouveau les écuries. Je passe sans m’attarder devant un cul trop fin, trop squelettique. Je préfère ceux charnus et musculeux. C’est plus agréable qu’un sac d’os sur lequel on se pète le pubis. La lope ne doit pas pour autant avoir la culotte de cheval, on n’est pas à Longchamp ! Il faut un juste milieu, une croupe harmonieuse. Je m’enfonce dans un corridor envahi de mecs, je descends par un escalier étroit et sombre. Le sous-sol. Ce qui est bien avec les lieux de baises allemands, c’est leur gigantisme. Il y a toujours de nouveaux endroits à découvrir. Un immense lit à partouze jouxte plusieurs slings, tous occupés jusqu’à saturation. Ici aussi on propose des lopes. Il y en a une bonne vingtaine contre le mur qui attendent. Une en particulier attire mon regard, suscite vite mon désir. Un cul musculeux digne d’une pub de sous-vêtements. De sa queue énorme pend un Prince-Albert de bonne taille, ses couilles sont entièrement percées sur deux rangées. Je trique. Je kiffe baiser un mec pourvu d’une grosse queue, en particulier si le piercing est massif, en rapport avec la dimension de la queue. La sensation est agréable, plus charnelle, et lorsque la queue ballote sous mes coups de boutoir, j’aime la sentir gluante sur l’entrejambe de ma cuisse. 13


Un instant après, c’est chose faite. Et la nuit s’écoule, d’un cul à l’autre. Au bout du cinquième, je varie les plaisirs, j’en choisis un bien éclaté. Pour le fist, je n’aime pas les débutants. On peut dire que j’ai bien choisi. Le mec est si ouvert que j’ai l’impression de contempler la gueule béante d’un canon. Je m’attends presque à ce qu’il m’éjecte de grosses patates de métal à la face. Je fais couler du Glub sur mon gant et j’enfonce le poing d’un coup, ça passe sans problème. Je fais des moulinets avec le poignet, de plus en plus vite, histoire de chauffer le Glub pour augmenter la sensation du mec. Il a l’air de kiffer, encore demandeur. Il me prend le poignet et essaye de l’enfoncer plus avant. Je lui donne satisfaction, je le fouille plus loin, son tunnel est chaud et je ressens de l’humidité à travers la membrane en latex du gant. J’épouse au plus près les contours de son cul, j’y suis déjà jusqu’à la moitié de l’avant-bras, le gant a complètement disparu, je ne vois plus que mes poils qui collent à la peau, englués de Glub. Je sens que je suis près de passer le deuxième anneau. Le mec se crispe et il se détend d’un coup en poussant un cri de bête en rut, un cri puissant et primitif, le cri de celui qui a vu la gueule d’Apollon. Il a déculé une deuxième fois. Je fais gaffe, j’y suis presque jusqu’au coude et on s’approche de l’opération chirurgicale plus que de la simple baise. Mes gestes sont étudiés et lents, je me fais doux, très doux. Le temps n’est plus à la bestialité. Pour ce genre de fist, il faut un mec qui assure, qui soit bien dans ses 14


pompes. Il a senti que c’était mon cas et détend encore son cul. Doucement, juste d’un centimètre consenti dans les régions du sexe extrême. Je bande à fond et je me branle avec ma main restée libre pour lui exprimer ma reconnaissance. Je bouge mon avant-bras. J’adore sentir ses parois adhérer à ma peau. C’est intime et chaud comme deux frères siamois. Je sens les battements de son cœur sur mon bras. J’ai presque l’impression de toucher son âme. Mon poing se transforme en une main fine et gluante et je m’extirpe comme un serpent sort de son trou. Quand je repasse l’anneau, il rugit à nouveau, couvrant un bref instant la musique elle-même. J’ai l’impression qu’il est le bordel à lui tout seul. Sa bouche est le son, son cul est l’intérieur et ses yeux les stroboscopes. J’étais bien en lui. Je le raccompagne. Je tombe sur Cyril, un copain d’Anvers qui habite à côté du Boots, harnaché de cuir des pieds à la tête. Son piercing au gland est plus large que la dernière fois, il se l’est encore fait élargir. À quarante ans passés, il ne vieillit pas, on lui en donnerait toujours trente, sans doute parce qu’il a su faire preuve d’assez de sagesse pour ne jamais prendre de drogues. L’anneau aussi dans le nez, c’est nouveau. Il est dans une phase piercing. Niveau tatouage, impossible de faire mieux, son corps en est recouvert. Un tableau unique et réussi, on voit qu’il a passé des années à le réaliser. Je suis content. Ça faisait un bail que je ne l’avais pas croisé, Cyril. Nous nous partageons le cul de sa lope au bar en discutant dans une ambiance de saine camaraderie. On se croirait presque à l’armée, au mess des officiers en train 15



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