Koreana Autumn 1997 (French)

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1995,

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Ravis de vous connaître

C'est le travail de Matt Ryan d'écouter. En qualité de chef concepteur à LG électronics Design-Tech, Matt doit saisir les subtilités de l'esthétique variant d'un pays européen à l'autre. Et d'exprimer ce qu'il a senti dans la conception de télévisions, de micro-ondes et d'autres produits. (Matt et ses collègues ont également participé au design des locaux du siège de leur société Red Oak House.) Chez LG, nous écoutons nos clients. Nous pensons que l'habitude explique pourquoi nous sommes les leaders dans les applications .de technologies de pointe telles que les écrans à cristaux liquides et la TVHD. Nous sommes également actifs dans d'autres domaines, notamment les puces à mémoire DRAM, la pharmaceutique, les satellites de communication. Le dévouement et la satisfaction de la clientèle dont Matt Ryan et ses collaborateurs ont fait leurs principes, sont les principes de nos 126000 autres employés. Maintenant, comment pouvons-nous vous aider?

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TRESORS DE COREE

Le caractère d'imprimerie S6kpo Sangj61

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Sokpo Sangjol, le premier caractère métallique en han-giil

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n 1446, après trois ans de recherche et d'expérimentation, le roi Sejong promulga l'utilisation du han-gui, un alphabet propre au peuple coréen. Peu après son introduction, le souverain ordonna, pour la publication de nombreux ouvrages, l'utilisation du nouvel alphabet qui fut officiellement appelé "les sons corrects à enseigner au peuple (Hunmin Ch6ng-um)". En février de l'année 1447, un panégyrique des ancêtres royaux fut publié sous le titre Chants des dragons volants (Yongbi 6ch'6n-ga), suivi quelques mois plus tard par une publication intitulée Episodes de la vie de Bouddha (S6kpo Sangj61), hommage du roi Sejong à la défunte reine Sohon Wanghu. Le titre de la publication fut utilisé pour nommer les caractères d'imprimerie alors utilisés. Le caractère 56kpo SangjJi est un repère dans l'histoire de l'imprimerie coréenne parce que ce fut le premier

caractère métallique han-gui,_il est le précurseur des caractères gothiques utilisés aujourd'hui. Des irrégularités dans son œil indique qu'il fut coulé à partir de cuivre en fusion. Les caractères antérieurs furent modelés d'après la calligraphie mais ceux du S6kpo Sangj61 cassèrent avec la convention, en adoptant un standard plus scientifiq1,1e. Quand ils sont utilisés pour un texte qui mélange le hangUI et les caractères chinois, l'œil du caractère combine la fluidité de la calligraphie traditionnelle avec la beauté virile du trait du han-gUI. Le caractère S6kpo Sangj61 fut utilisé pour l'impression du recueil Chants de la June se réfléchissant dans un millier de rivières (Warin ch'6n-gangji-gok) et des caractères gothiques de ce style furent utilisés pour imprimer Les rythmes corrects de la Nation de l'Est (Tongguk ch6ng-'un), un dictionnaire coréen de prononciation publié en 1448. +


-Couverture: Sejong, l'un des

s

rois coréens les plus vénérés, a régné de 1418 à 1450. Son

0

règne, qui a duré 32 ans, fut le plus brillant et le·plus

M

riche durant la dynastie de ·Chos6n. En commémoration

4

Le roi Sejong : Grand humaniste et monarque éclairé

A

par Choe Chung-ho

sophie de Sejong ainsi que certaines de ses réalisations.

le Grand

M

de son 600ème anniversaire, KOREANA présente la philo-

Sejong

1

8 Nouvelle optique concernant Sejong et son temps par Yi Tae-jin

R E

16

Comment a été inventé le han-gui

par Kang Shin-hang

20

Han-gui, l'un des meilleurs systèmes d'écriture

par Suh Cheong-soo

22

· Le développement de la scien~ et de la technologie au début de Choson

par Nha 11-seong © The Korea Foundation 1997 Tous droits réservés. Toute reproduction, même partielle, par tous procédés, sans autorisation préalable de la Korea Foundation, est interdite. Les opinions exprimées par les auteurs ne représentent pas nécessairement celles de KOREANA et de la Korea Foundation. KOREANA, enregistré comme trimestriel auprès du Ministère de l'Information, (Autorisation No Ba-10031 du 8 août 1987) est aussi publié en f,lponais, chinois, espagnol et 'anglais.

28

Sejong, han-gui et shijo

par Kevin O'Rourke

32

Les réalisations musicales du roi Sejong

par Han Myung-hee

38 CHEMIN FAISANT

Yoju "

par Kimjoo-young

46 ARTISTE COREEN

Kim Ül-saeng : Maître ébéniste

Korea Foundation

par Lee Hyoung-kwon


Vol. 3, No. 3 Automne 1997

52

KOREANA

GROS PLAN

Le festival international de musique contemporaine à Séoul. .

Publication trimestrielle de La Fondation de Corée, The Korea Foundation

par Lee jang-jik

526 Namdaemunno 5-ga, Chung-gu, Séoul 100-095, Corée

56

DIRECTEUR DE LA PUBLICATION

INTERVIEW

Kim joungwon

Le compositeur Kang Sukhi

REDACTEUR EN CHEF

par Kim Young-uk

Leejong-up

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DIRECTEUR ARTISTIQUE

ARTISTES COREENS A L'ETRANGER

Park Seung-u

par Lee Yoonie

Réda Ourrad

L'élégance subtile de Lee Sang-nam

REDACTEUR

66

BUREAU DE LA REDACTION

Han Myung-hee, Kim Hyung-kook, Kim Kwang-on, Kim Moon-hwan, Kim Seong-wou, Lee Ku-yeol, Shim jae-ryong

A LA DECOUVERTE DE LA COREE

Kimchi

par Kim Manjo

72

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Prix des abonnements annuels: Corée 18.000 Wons (22 US$), étranger. 22 US$ Asie par avion: 37 US$, Ailleurs par avion: 39 US$. Prix du numéro: 4.500 Wons (6 US$)

ACTUALITES

La collection d'objets traditionnels de Ye Yong-hae

par Kim K wang-on

Rhee Seund-ja et son atelier à Tourrette

par Lee Ku-yeol

·

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Cicatrices H1sto;1ques et !\ go1sse duRee\

•.Jun Heung-~

~ · " 00 ''La SaisOn des pUtes

par Kim Chie-so.u-- - - - - - - : :

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~ Traduit par Maryse ~ ~ · ~ :B ~ o ~ u ~ rd ~ in ~ et ~ Y ~ o ~ o ~ n ~ Y ~ -

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Le roi Sejong Grand humaniste et monarque éclairé Choe Chung-ho Professeur de journalisme Université Yonsei

L

e Chongmyo, sançtuaire confucéen de Séoul, a été inscrit'Sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco, ainsi que les cérémonies qui s'y déroulent chaque année pour perpétuer les rites de la dynastie Chos6n (1392-1910). Avec sa galerie de cent mètres soutenue par des colonnes vermeilles, le sanctuaire, tout empreint de majesté, d'une décoration très sobre, abrite les tablettes votives qui commémorent la mémoire des rois et des reines de la dernière dynastie coréenne. Bien avant son inscription sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco, la musique qui accompagne ces cérémonies

avait été classée "bien intangible nol" par les autorités coréennes. Les deux pièces symphoniques que sont le Ch6ngdae6p et le Pot'aep'y6ng ont été composées par le quatrième monarque de la dynastie Chos6n, le grand roi Sejong en personne (1397-1450). Les annales de l'époque décrivent le roi battant le rythme de sa canne et s'inspirant de compositions traditionnelles pour flûtes et tambours ou pour instruments à cordes qu'on interprétait lors des rites officiels ou des processions royales. Il aurait ensuite noté luimême ·.ses compositions à l'aide du Ch6ngganbo, nouvelle manière, inventée par lui-même, de porter les notes sur une partition. Cette notation musicale, qui

permet de marquer la durée de la note, a été la première du genre en Asie orientale. Sejong a également inventé ou perfectionné certains instruments de musique. Il a notamment conçu une flûte de bambou qui donne les notes de base sur lesquelles peuvent s'accorder les autres instruments. Quand on considère son intérêt pour la musique et la richesse de son apport dans ce domaine, il est bien légitime de songer à cet autre monarque musicien qu'était Frédéric II de Prusse. Mais entre le Prussien flûtiste, qui a composé plusieurs sonates pour son instrument, et Sejong, il y a des différences de fond.

Il n 'est pas surprenant que l'UNESCO, dont Je siège est à Paris, accorde chaque année le Prix du Roi Sejong à ceux qui contribuent à l'éradication de l'analphabétisme. Nous pouvons souhaiter qu'un prix similaire soit prévu pour des dirigeants d'état qui s'inspirent des principes du roi Sejong.


Hunmin chong-iim, l'explication publiée lorsque le roi Sejong a promulgué l'alphabet coréen, le han-giil, en 1446 (ci-dessus); un orchestre jouant une composition rituelle du roi Sejong pour les rois de sa dynastie (à droite)

C'est en français que Frédéric a écrit son Antimachiavel et son Histoire de la guerre de sept ans. Non content d'écrire en français, il utilisait aussi cette langue dans la vie quotidienne. Autrement dit, la Prusse était conduite par un souverain qui ne parlait pas la langue de son peuple. Dépourvu du moindre intérêt pour la littérature allemande, il se passionnait pour tout ce qui touchait à la culture française, à l'instar d'ailleurs de toutes les cours d'Europe à l'époque et des milieux aristocratiques. ll n'en allait pas de même pour Sejong. Il est vrai qu'au XV ème siècle, toute l'Asie orientale, y compris la cour 'de Corée, se laissait fasciner par la littérature et, plus généralement, la culture chinoise ; et les Coréens, quand il s'agissait d'écrire, s'exprimaient en chinois. Mais le roi Sejong, làdessus, avait son idée. En raison du caractère idéographique de la langue chinoise, ceux qui voulaient pouvoir écrire ou lire, même à un niveau modeste, étaient contraints de connaître quelques milliers de caractères. Plus problématique encore, le chinois et le coréen faisant apparaître des différences fondamentales en matière de vocabulaire et de syntaxe, il était très difficile de recourir aux caractères chinois pour transcrire la langue natiopale. Trouvant cette situation dommageable, le roi Sejong se mit à la l'étude,

avec un groupe de lettrés, pour produire un système d'écriture national, le han-gUI, qui fût facile à apprendre et à utiliser. Inventé en 1443, l'alphabet, officiellement nommé Hunmin chong-um (les sons core~ ~ pour instruire le peuple), fut promulgué en 1446. Il s'agit d'un alphabet phonétique, fondamentalement différent du chinois omniprésent dans toute l'Asie orientale, mais aussi des systèmes d'écriture dérivés du chinois qu'utilisaient les Japonais, les Khitans ou les Jurchens. Elaboré dans le cadre d'une étude phonologique de la langue coréenne du XV ème siècle, le han-gui est un système d'écriture scientifique que quiconque peut apprendre en quelques heures. Il est, de plus, le seul au monde dont on connaisse la date de création, les inventeurs et les objectifs que ceux-ci s'étaient donnés. Ces objectifs, le roi Sejong les a rendus publics lors de la promulgation :

La prononciation de notre langue est différente de celle du chinois. De ce · fait, les caractères chinois qui sont propres à transcrire la langue chinoise ne conviennent pas pour la langue coréenne. Et le peuple coréen qui ne connaît pas les caractèreS chinois ne parvient pas à transmettre par écrit ce qu'il désire exprimer. je m'en suis ému et c'est pourquoi jai inventé vingt-huit

lettres. je souhaite que le peuple puisse les apprendre sans trop de peine et en fasse usage dans sa vie quotidienne. Dans ce texte, le roi fait clairement état de son souci de protéger l'identité de la culture coréenne face à la toute puissance de l'environnement chinois et sinophone. Mais ce qui mérite le plus de retenir notre attention, c'est le souci qu'il avait du peuple, au point de promouvoir une politique en sa faveur. Du point de vue de l'histoire universelle, pareil humanisme mérite d'être remarqué, car il contraste violemment avec ce qui prévalait à la même époque en Europe, où la philosophie politique qui inspirait les monarques était celle de Guichardin et de Machiavel : ne prétendaient-ils pas que la rétention de l'information était la source et le secret du pouvoir et, qu'en conséquence, il ne fallait justement pas instruire le peuple ?


Quand Gutenberg, né précisément la même année que le roi Sejong, inventa les caractères mobiles quelque deux cents ans après qu'ils eurent fait leur apparition en Corée la classe dirigeante prit peur : cet "art noir (Schwarze Kunst) " n'allait-il pas favoriser la diffusion des connaissances plus vite, plus loin et à moindre coût ? La riposte s'organisa et imposa des contrôles sur la presse, une surveillance des imprimeries, des taxes sur le papier, la création d'un index... Il en allait tout autrement à la même époque en Corée. Dans un souci de perfectionner les caractères mobiles d'imprimerie inventés au XIIIème siècle durant la dynastie Kory6, le roi Sejong fabriqua, en 1420, de nouveaux caractères en bronze, dits Kyungja (du nom de l'année), puis d'autres, en 1434, dits Kapinja, plus perfectionnés encore, qui permirent une amélioration sensible

des techniques d'impression et de la qualité des imprimés. De plus, il soutint la rédaction et la publication de livres dans les domaines de l'histoire, de la géographie, de la médecine, de la linguistique ou encore de la musique et des chants populaires ; il fit aussi imprimer des partitions... Grâce à lui, le XVème siècle a correspondu à ce qu'on peut qualifier d'âge d'or de l'édition en Corée. Plus surprenant sans doute, il a effectué ce qui peut être regardé comme le premier sondage d'opinion jamais réalisé au monde. Voulant savoir si la taxation foncière en usage était fonctionnelle et équitable, il fit, en effet, faire une enquête, en 1430, auprès des fonctionnaires régionaux et de leurs administrés. Il n'est pas exagéré de corn parer le règne du roi Sejong à la démocratie de la Grèce antique. Tandis que, partout

ailleurs dans le monde les monarques s'imposaient brutalement à leur peuple, la Grèce, miraculeusement, inventait la démocratie, associant le peuple à ses choix politiques. Il en allait de même en Corée ~ous Sejong : alors que, dans le monde, les monarques, pour assurer leur pouvoir, s'appliquaient à empêcher la circulation de l'information, à limiter la diffusion des connaissances, à.. censurer l'écrit, le roi Sejong inventait un alphabet dans l'intention d'instruire son peuple et oeuvrait à la promotion de l'écrit. Que l'Unesco, dont le siège est à Paris, décerne chaque année un "Prix du roi Sejong" à une personne ou une organisation qui a contribué à faire reculer l'analphabétisme dans le monde, cela a de quoi nous réjouir. Il nous reste à souhaiter qu'un autre prix du roi Sejong soit créé pour récompenser les dirigeants oeuvré au d'état qui auront, comme lu~ bien-être de leur peuple. +


Nouvelle optique concernant Sejong et son temps Yi Tae-jin

Professeur d'histoire de Corée Université nationale de ·Séoul

.L

e Grand Roi Sejong (qui régna du huitième mois de l'année 1418 au second mois de 1450) est considéré par la plupart des Coréens comme l'une des figures les plus remarquables de l'histoire du pays. La création de l'alphabet coréen (le han-gu[), qui eut lieu sous son règne et sous sa conduite, représente une réalisation que le peuple coréen ne saurait passer sous silence : si, aujourd'hui, les Coréens sont en mesure d'exprimer entièrement leur langue au moyen d'un système alphabétiquephonétique, c'est à ce roi qu'ils le doivent. Il aurait suffi de la création de cet alphabet coréen pour faire de lui un personnage historique digne des éloges du peuple coréen, et pour toujours ; cependant, avant de parvenir à une telle réalisation en 1446, au cours de plus de vingt années de règne, il avait déjà procédé à de nombreuses réformes d'une impor-tance capitale permettant de poser de solides fondements pour la dynastie de Choson fondée depuis peu sur les bases de l'idéologie du confucianisme. Les mérites de ce souverain furent si grands pour l'histoire de la Corée que l'on pourrait dire sans la moindre exagération qu'il posa toutes les bases de la nouvelle dynastie appelée à poursuivre le gouvernement du pays pendant près de 500 ans après la fin de son règne. Quelles furent donc les réalisations

qui devaient faire du Grand Roi Sejong un personnage historique à ce point remarquable ? En général, en ce qui concerne cette question, on penserait facilement que les succès qu'il obtint furent seulement le résultat de ses qualités personnelles. D'ailleUfS, en vérité, il se révéla doué de nombreuses qualités permettant de le différencier des autres monarques de la dynastie de Chos6n. Pour ne parler que de la création (en 1420) et de la gestion du "Chiphy6nj6n" comme institut de recherche, au tout début de son règne, il s'agit d'une réalisation qui n'a pas d'équivalent chez les autres souverains. En y affectant de remarquables savants chargés de mettre en oeuvre des projets de recherches destinés à l'élaboration de sa politique, il fut en mesure de donner au pouvoir de la monarchie l'orientation souhaitée et d'améliorer la qualité de l'admi-nistration du gouvernement. Il devait consacrer la plus grande partie des dix premières années de son règne à déterminer l'orientation de son gouvernement. Il était parvenu à la conclusion que la tâche dont doit s'acquitter un souverain consiste à épurer les coutumes et les moeurs au moyen de l'enseignement du confu-cianisme après avoir assuré à son peuple tout ce qui lui est nécessaire pour sa subsistance. Conscient d'une telle exigence, à partir de la dixième année de son règne, le roi Sejong


Le Hunmin chong-iim onhae (ci-

dessus); Nouvelle théorie de _ l'agriculture (N ongsa chiksül), un manuel agricole du XVème siècle destiné à adapter les techniques agricoles aux conditions de la péninsule coréenne (à gauche)

9

..


procédait à la recherche de méthodes et à l'élaboration de mesures concrètes destinées à la promotion de l'agriculture considérée comme moyen permettant de garantir le vivre et le couvert, la subsistance du peuple. La politique agricole devait toujours rester capitale dans le cadre de son gouvernement ; elle était d'ailleurs centrée sur un double objectif : l'obtention de. progrès dans le domaine des techniques agricoles en ellesmêmes et la recherche de plus d'équité dans l'imposition des taxes sur les produits récoltés. Pour ce qui est du domaine des techniques agricoles, le roi déploya de grands efforts en vue de répandre dans l'ensemble du pays les techniques nouvelles plus avancées qui s'étaient développées d'abord dans les régions méridionales du pays ; d'un autre côté, il s'efforça d'améliorer et de répandre dans l'ensemble de son royaume les services de la médecine dans l'intention de contribuer à la croissance de la main-d'oeuvre agricole. Dans le monde agricole de la Corée du quatorzième siècle, on avait déjà remédié aux limites de. l'agriculture exigeant de laisser de temps à autre les terres en jachère et, à l'époque de l'accession de Sejong au trône royal, la technique de l'agriculture continue était déjà communément mise en application dans les provinces de Ch6lla, de Ky6ngsang et de Ch'unch'6ng. Après avoir fait procéder à des recherches concernant ces nouvelles méthodes de culture et ordonné que l'on fît un résumé dans un ouvrage intitulé "Nongsachiks61 " (Traité sur l'agriculture), le jeune roi ordonna que les administrateurs régionaux qui allaient rejoindre leurs postes dans les régions situées plus au nord emportent ce manuel d'agriculture ~e fa çon à pouvoir en faire profiter \a population de leurs districts administratifs. Parallèlement aux nouvelles orientations des techniques agricoles, à partir du XIVème siècle, en vue de contribuer à la croissance démo10

Honiii, instrument d'observation des

corps célestes

Sejong a mobilisé les savants pour inventer des instruments d'astronomie, y compris des sphères armillaires pour observer le ciel ainsi que pour déterminer la latitude du palais de Ky6ngbok.

graphique, les intellectuels ne cessèrent de faire des efforts destinés à promouvoir les progrès de la médecine, tout particulièrement dans les domaines des maladies infantiles et de la gynécologie ; le résultat en fut que le niveau de la médecine coréenne lui-même atteignit celui de la médecine avancée de Chine et que, grâce à l'utilisation de plantes et produits médicinaux du pays, l'on parvint à élaborer une médecine des produits médicinaux coréens. De son côté, en ordonnant que les spécialistes procèdent à une compilation et une systématisation générales dans ce domaine avec des ouvrages remarquables, comme le "Hyangyak chips6ngban" (Prescriptions spécifiquement coréennes) et le "Uibangyuch'wi" (Sélection de prescriptions médicales), le Grand Roi Sejong ménageait un tournant historique pour la croissance

démographique du pays en faisant rédiger et publier des ouvrages tels que le "T'aesan yorok" (Sommaire des problèmes relatifs à la grossesse et à l'accouchement), un manuel de vulgarisation de la médecine dans les domaines de la gynécologie et de la pédiatrie, qui serait utilisé par les gens du commun du . peuple. Jusqu'à la fin de la dynastie de Kory6 (1393), la mortalité infantile était restée très élevée, et chaque couple parvenait tout juste à élever trois enfants, en moyenne. A l'époque du règne du roi Sejong, la tendance des statistiques démographiques révèle une notable amélioration. L'histoire nous apprend qu'à partir du quatorzième siècle, la société coréenne enregistra de nombreux changements et des progrès considérables. La dynastie de Chos6n a v ait pour mission historique de systématiser et d'encourager les forces nouvelles apparues vers cette époque en vue de créer un état et une société d'un niveau plus élevé. En qualité de monarque des débuts de la dynastie, le Grand Roi Sejong sut s'acquitter d'une telle mission à la fois avec une profonde conscience et une grande sagesse. Dans sa conception, le gouvernement qui consistait à garantir au commun du peuple une certaine abondanse pour le vivre et le couvert représentait la "voie du ciel (ch'6ndo)". C'est pour cette raison qu'il centra son gouvernement sur la mise en application d'une politique agricole en insistant sans cesse sur le fait que la nourriture était "le ciel du peuple (min ch '6n)". Pour s'acquitter de ce devoir sacré, il ne se contenta d'ailleurs pas de promouvoir le progrès des. techniques agricoles et la croissance de la main-d'oeuvre agricole : dans le cadre des techniques agricoles nouvelles de l'époque, on accorda une très grande importance à la réalisation des travaux de l'agriculture en temps voulu ; aux administrateurs qu'il envoyait dans les diverses régions, le roi demandait toujours d'éviter d'adopter des mesures


et des décisions susceptibles d'empêcher les paysans d'effectuer les travaux de l'agriculture dans les périodes les plus propices. En réfléchissant sur ses devoirs en qualité de responsable au plus haut niveau des mesures et de la politique agricole, il ne tarda pas à se rendre compte de la contradiction que représentait l'absence d'un calendrier pour son royaume à cette époque : le royaume de ChosèSn étant tributaire de l'empire des Ming de Chine, chaque année à l'approche du nouvel an, il fallait envoyer en Chine une délégation chargée d'en rapporter le calendrier pour la nouvelle année. Il y avait de qombreux problèmes résultant d'une telle coutume selon laquelle le royaume de ChosèSn devait utiliser le calendrier du pays suzerain. Et si l'on ignorait la méthode en usage pour le calcul des jours et des mois de l'année, jusqu'au jour où arrivait le nouveau calendrier, le pays tout entier se J etrouvait littéralement dans le vide concernant le cours du temps. En réalité, à plusieurs reprises le pays connut de sérieux ennuis parce que les fonctionnaires responsables des problèmes de l'astronomie et de la météorologie avaient commis des erreurs dans leurs calculs des jours et des mois. Dans la situation du souverain qui ne cessait d'insister sur la réalisation des travaux de l'agriculture en temps voulu et propice, cela représentait une humiliation insupportable ; c'est pourquoi il finit par décider de mettre au point une méthode indépendante pour les calculs exigés, après avoir préalablement fait définir de fa çon précise le degré de latitude du palais royal de Séoul (le palais de KyèSngbok) et en se basant sur le temps mesuré à partir de cette latitude. C'est à partir de tels travaux que commencèrent les progrès des sciences astronomiques, qui sont considérés en général, avec la création de l'alphabet phonétique coréen (le han-gu!), comme appartenant aux plus grandes

i ~

Equité du système des taxes et impôts Dans le cadre de la mise en oeuvre

e: de sa politique agricole, le roi Sejong

Ch'ugugi, le premier pluviomètre au monde

L'invention du pluviomètre, deux siècles avant son apparition en Europe, était une conséquence

de la politique agricole du Roi Sejong.

réalisations du roi Sejong. A partir de la quatorzième année de son règne, le souverain réunit d'abord un certain nombre de savants pour procéder à l'invention de divers instruments destinés aux observations astronomiques, comme de grands et petits sextants ; puis, après avoir déterminé avec précision la latitude du palais de KyèSngbok, à partir de la seizième année de son gouvernement, il fit fabriquer divers instruments destinés à la mesure du temps, par exemple une clepsydre qui annonçait automatiquement l'heure (Chagyongnu) ; enfin, au cours de la vingt-quatrième année de son administration, il mettait définitivement au point une méthode de calcul du nombre des jours et des mois (Ch'iljongsan), d'après laquelle la durée du mois lunaire équivalait à 29,530593 jours, alors que la durée d'une année était exactement de 365,2425 jours.

accorda une extrême importance à l'équité des taxes et impôts fonciers. A l'époque de la dynastie de KoryèS (9181392), les taxes et impôts fonciers étaient perçus sur la base d'une classification en trois catégories fixées en tenant compte de la qualité et de la fertilité des terres ; cependant, avec le passage du mode de culture exigeant de laisser de temps à autre les terres en jachère vers une agriculture continue, à partir du XIV ème siècle, les critères utilisés jusqu'alors pour l'imposition des taxes foncières ne répondaient plus guère à la situation réelle : certaines terres jadis classées dans la catégorie inférieure se retrouvaient désormais en première ou en seconde catégorie, et il existait aussi les cas inverses. Une réforme du système de l'impôt foncier était donc devenue une tâche dont il fallait s'acquitter à tout prix et le plus tôt possible. Le nouveau monarque se pencha donc sur ce problème dès la douzième année de son règne et, après de multiples considérations, il parvint à prendre une décision au cours de la vingt-sixième année de son gouvernement. On ne peut que s'étonner de voir qu'il ait ainsi fallu plus de dix ans -pour réformer une institution ; mais il faut ajouter que, pour y parvenir, à deux reprises, on avait consulté quelques deux cent mille personnes, y compris de simples paysans, et les avait invitées à ·exprimer leur opinion, favorable ou non, concernant le nouveau projet de réforme. Il serait difficile de découvrir d'autres exemples dans le monde de la première moitié du XV ème siècle où l'on aurait consulté jusqu'à de simples paysans et les aurait invités à exprimer leur avis positif ou négatif à propos de la réforme éventuelle de certaines institutions. Il faut ajouter que, pendant la dix-neuvième année de son administration, le roi Sejong cultiva luimême une pièce de terre à l'intérieur 11


du parc de son palais de Ky6ngbok : il s'en acquitta lui-même en se référant aux directives contenues dans les manuels d'agriculture, cela dans le parc même du palais royal où se trouvaient les divers instruments d'astronomie inventés et mis au point depuis le début de son règne ; il s'agissait d'une culture expérimentale qui permettrait de vérifier le rendement à l'hectare obtenu grâce ·à la mise en oeuvre des méthodes élaborées et pré.eonisées par le roi lui-même. En accord avec la nouvelle loi sur l'impôt foncier promulguée au cours de la vingt-sixième année du roi Sejong, les terres cultivées étaient réparties en cinq catégories et, compte tenu de leur qualité, les récoltes étaient classées en

La publication du Répertoire des médicaments coréens(Hyangyak chipsünghang) (ci-dessus et à droite)

Les intellectuels ne cessèrent de faire des efforts destinés à promo1,1voir les progrès de la médecine, tout particulièrement dans les domaines des maladies infantiles et de la gynécologie. 12

neuf catégories. Si l'on était passé de trois à cinq catégories pour la classification des terres, il faut voir là le résultat d'une plus grande diversification des terres cultivées, diversification devenue possible grâce aux progrès des techniques agricoles. Si, dans le passé, dans certaines régions, on avait parfois pris en considération l'état et la qualité de certaines récoltes, tout particulièrement dans les régions victimes d'importantes calamités, c'était la première fois que de telles estimations étaient institutionnalisées dans l'ensemble du roy aume. Et, si l'élaboration de ce nouveau système d'imposition des taxes exigeait tant de temps, c'est parce que, si l'on s'accordait pour reconnaître la nécessit é de

procéder à l'estimation des récoltes, il n'était pas facile de déterminer les bases d'appréciation : même si l'on dépêchait spécialement des fonctionnaires pour s'acquitter d'une telle tâche dans diverses régions, il restait difficile de parvenir à une estimation objective de l'état des récoltes d'autres villages ou régions en se basant uniquement sur leurs estimations. Cependant, le prince héritier ayant inventé le pluviomètre au cours de la vingt-troisième année du roi Sejong, il devenait possible d'apporter une solution jusque-là inespérée à ce problème. Les souverains de la dyn astie de Chos6n se trouvaient souvent confrontés aux problèmes de la sécheresse : ce fut tout particulièrement


le cas du roi T'aejong (le père du roi Sejong). Les sécheresses étant devenues très fréquentes après son accession au trône, persuadé que c'était là le résultat de son manque de vertu, au bout de dix-huit années de règne, il cédait le trône à son fils, Sejong. Si, à cette époque, les sécheresses furent relativement fréquentes, il faut aussi dire qu'à partir du XIV ème siècle, les méthodes utilisées dans le domaine de l'agriculture avaient conduit à une beaucoup plus grande dépendance visà-vis des précipitations pluvieuses : en effet, le monde d.e l'agriculture coréenne commençait à s'adonner à la culture du riz en rizières inondées, si bien que l'on assistait à un déplacement des terres cultivées des pentes

montagneuses vers les plaines plus vastes. Cependant, les rizières ainsi aménagées n'étaient pas pourvues et équipées de systèmes d'irrigation permettant d'utiliser les eaux des fleuves et des rivières, et elles restaient pour la plupart tributaires des eaux de pluie. A cause d'une telle fragilité, alors que l'on se trouvait en période de développement, les souverains devinrent de plus en plus sensibles aux problèmes relatifs à la sécheresse et aux précipitations pluvieuses. C'est pour cette raison que, sous le règne du roi Sejong, on demandait à chaque village d'évaluer la quantité de pluie absorbée par la terre au moyen d'une règle permettant de mesurer la profondeur de pénétration dans le sol, puis de faire

parvenir au gouvernement un rapport comprenant aussi la durée de la pluie. En vérité, le prince héritier (qui devait par la suite monter sur le trône et devenir le roi Munjong), l'inventeur du pluviomètre, devait réussir son invention alors qu'il était chargé de la supervision de ce genre de travaux au palais royal : il s'était rendu compte que, plutôt que de creuser la terre après la pluie afin de mesurer la profondeur de l'infiltration de l'eau, il serait plus pratique et plus précis d'utiliser un récipient d'une grandeur donnée pour évaluer la quantité des précipitations pluvieuses. Deux siècles avant son invention par un Italien, qui devait le répandre dans les pays d'Europe, l'invention du pluviomètre de la

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dynastie de Choson représente l'un des résultats obtenus grâce à l'intérêt porté par le roi Sejong aux travau x de l'agriculture. Ce pluviomètre devait immédiatement être utilisé comme instrument susceptible de fournir une possible solution au problème délicat consistant à déterminer le montant des . taxes annuelles perçues sur les terres exploitées. ·Dès qu 'il fut inventé, le quatrième mois de la vingt-troisième année de son règne, Sejong le fit installer dans toutes les régions du royaume à partir de l'année suivante et, quand il pleuvait, les administrations régionales devaient mesurer la quantité . et noter la durée des précipitations, qui devaient fair e l'objet d 'un rapport envoyé au Ministère de la Population et des Finances. Ce fut par la suite, pendant la vingt-sixième année du règne, que l'on fixa définitivement le système des taxes imposées sur les terres réparties en neuf catégories : après avoir utilisé le pluviomètre pendant un an à titre expérimental, on était arrivé à la conclusion que, grâce à cet in strument, il était désormais possible de procéder à une estimation objective de la qualité des récoltes dans chaque région. Il faut encore faire rem arquer qu 'à la même époque il n'existait aucun autre exemple dans le monde de système des taxes foncières basé sur la quantité des précipitations pluvieuses. La politique agricole du Grand Roi Sejong arriva à son terme en 1445, vingt-septième année de son règne, avec la promulgation du "Kwonnong kyosâ' (Edit royal destiné à encourager les travaux de l'agriculture). Il s'agissait d'un éd it au travers duquel le souverain demandait une véritable coopération entre les gens du peuple et les membres de la fonction publique, après avoir lui-même fait en qualité de roi tout ce qui était en son pouvoir. Dans ce document, les fonctionnaires étaient invités à éviter d'imposer des corvées lourdes et exagérées qui risqueraient d'empêcher les paysans de 14

Prenant une conscience très précises des tâches exigées par son époque et se consacrant entièrement à la recherche de méthodes et moyen de s'en acquitter, il réalisait une oeuvre immortelle. Il chercha à utiliser la musique dans le but de créer l'harmonie dans les moeurs du pays, et entreprit le création du han-gul de façon à permettre même aux gens du commun du peuple de lire et d'écrire.

se consacrer aux travaux de l'ag riculture en temps propice ; par contre, on conseillait aux populations rurales de ne pas se laisser aller à une paresse qui pourrait leur faire manquer la période la plus recommandée pour les travaux des champs. En vérité, quand, pendant la dix-neuvième année de son règne, le roi eut procédé aux travaux de l'agriculture à titre expérimental en respectant les directives pour les périodes recommandées par le manuel d'agriculture, ce qui lui permit d'obtenir un rendement plusieurs fois supérieur (il n'est pas donné de chiffres concrets) au rendement moyen des exploitations rurales de la régions de Kyonggi (région située dans les environs de la capitale), il fut élaboré une loi d'après laquelle le nombre de jour où l'Etat pouvait impose r des corvées aux pa y sans était limité à dix paT an. A plusieurs reprises, le roi demandait que les fonctionnaires de son temps se conforment fidèlement à une telle législation. Le gouvernement du roi Sejong visait avant tout à assurer avec une relative abondance le vivre et le couvert pour l'ensemble de so n peuple: les nombreuses réalisations enregistrées pendant la durée de son règne, en commençant par les progrès des sciences astronomiques, qu i sont connus du monde entier, fur e nt pratiquement toutes en relation avec sa politique destinée à encourager l'agriculture. Etant donné que son époque fut d'une extrême importance en tant que tournant de l'histoire de l'ag ri culture , il est parfaitem e nt normal que ce souverain ait mi s l'accent sur ce genre de problème. Il est possible de dire sans le moindre risque d'erreur que, s'il laissa après lui des ré a lisations inoubliables, c'est parce qu'il s'était entièrement consacré à une telle tâche. Prenant une conscience très précises des tâ ches exigées par son époque et se consacrant entièrement à la recherche de méthodes et moyen de s'en acquitter, il réalisait une oeuvre que


l'on pourrait qualifier d'immortelle. Se rendant aussi compte des résultats obtenus grâce aux mesures adoptées en vue d 'é lever le niveau de la mentalité du peuple, peu à peu, il entreprit de mener parallèlement une politique destinée à la formation morale de la population. Il chercha à utiliser la musique dans le but de créer l'harmonie (dans l'optique du confucianisme) dans les moeurs du pays, et entreprit le création de l'alphabet coréen (le han-gu[) de façon à permettre même aux gens du commun du peuple. de lire et d'écrire. En accord avec la pensée politique de Confucius, une fois résolus les problèmes avec la vie (le vivre et le couvert) de la population, persuadé de la nécessité d'une vie morale e t humaine, il se mit à le recherche de moyens susceptibles de permettre d'enseigner au peuple tout entier la morale et l'éthique du confucianisme. Très tôt, il ordonna aux savants du Chiphy6nj6n de compiler les faits et gestes de personnages de l'histoire ancienne de Chine et de Corée qui s'étaient jadis conduits de fa çon exemplaire dans les domaines des trois grands principes moraux du confucianisme (piété filiale, loyauté et dévouement envers le souverain, fidélité de l ' ~pouse envers son mari) et, la quatorzième année de son règne, les lettrés concernés publiaient un ouvrage intitulé "Samgang haengshildo" (la voie de la conduite conforme aux trois grands principes morau x du confucianisme). Cependant, le contenu de cet ouvrage était rédigé en langue chinoise. L'alp h abe t phonétique coréen composé de vingt-huit lettres, qui fut créé pendant la vingt-cinquième année et publié pendant la vingt-huitième année du règne du roi Sejong fut élaboré en tant que mode d'écriture susceptible de permettre à l'ensemble du commun du peuple de lire de tels ouvrages. En vérité, quand, pendant la vingt-cinquième année de son gouvernement, il fut fait des objections

à la promulgation d 'un alphabet coréen, le roi Sejong réfuta l'arg umentation mise en avant en parlant en propres termes de la traduction en langue purement coréenne de ce "Samgang haengshildo". Pourtant les travaux de cette traduction ne furent jamais réalisés sous son règne, mais environ trente années plus tard, à l'époque du roi Songjong. La création de l'alphabet coréen peut être considérée comme

une importante réalisation de l'esprit humanitaire du Grand Roi Sejong destinée au bien-être et à la formation morale du peuple. Si Sejong est toujours resté "le roi sage" de l'histoire coréenne, c'est parce qu'à l'époque prémoderne, il se préoccupa de promouvoir la vie et la culture du commun du peuple dans le cadre d'une politique confucéenne considérant le peuple comme "le fondement de l'Etat". +

Samgang haengshildo (La voie de la conduite conforme aux trois grands principes moraux du confucianisme), un ouvrage que Sejong a fait compiler afin d'apprendre à ses sujets l'éthique et la morale confucéenne

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Comment a été inventé Kang Shin-hang Professeur honoraire d'études coréennes Université Sungkyunkwan

e qu 'on désigne par Hunmin ch6ng-i1m qui signifie les sons corrects pour instruire le peuple correspond à trois réalités différentes. · La première est le nouvel alphabet coréen créé à l'initiative du grand roi Sejong et promulgué en décembre 1443, vingt-cinquième année de son règne. Baptisé à l'origine Hunmin ch6ng-i1m, nous l'appellerons désormais han-gül, c'est-à-dire système d'écriture coréen. Le roi Sejong ordonna ensuite aux linguistes du Chiphy6nj6n, sorte d'académie royale dont il s'était entouré, de préparer un texte qui explique, en chinois, comment a été créé le han-gill Ce livi'e, achevé en 1446, vingt-huitième année du règne de Sejong, a lui aussi été nommé Hunmin ch6ng-i1m. Ses auteurs, au nombre de hui~ sont Chüng In-j~ Sin Suk-chu, SOng Sam-mun, Ch'oe Hang, Pak P'aeng-nyon, Yi Kye, Yi Son-no et Kang Hui-an. En 1447, vingt-neuvième année du règne de Sejong, la première partie de ce livre, celle qui contient l'inventaire, a été traduite en coréen. Ce texte est appelé également Hunmin ch6ngi1m. Pour éviter les confusions, on appellera le texte chinois le Hunmin ch6ng-i1m originaL et la version traduite le Hunmin ch6ng-i1m coréen. A la différence de la plupart des systèmes d'écriture en usage dans le monde aujord'h~ le han-gui en est un dont on connaît et les inventeurs et les raisons qui ont présidé à son invention. li est, de ,plus, accompagné de commentaire? explicatifs. li est très rare qu'on sache qui est à l'origine de l'invention des lettres. Les objectifs assignés à cette invention sont établis de fa çon très détaillée dans l'in ven taire, dans les explications qui sont données dans la 16


Yalphabet coréen postface de Chang In-ji ainsi que dans le Pohanje-jip, recueil de textes littéraires de Sin Suk-chu. En tête de la partie qui présente l'inventaire, le roi Sejong écrit : "La prononciation de notre langue est différente de celle du chinois. De ce fait, les caractères chinois qui sont propres à transc rire la langu e chinoise ne conviennent pas pour la langue coréenne. Et le peuple coréen qui ne connaît pas les caractères ch inois ne parvient pas à ex primer par écrit ce qu 'il désire expr imer. Je m'e n suis é mu et c'est pourquoi fai inventé vingt-huit caractères. ] e so uhait e que le peuple puisse les apprendre sans trop de peine et que les ge ns en fassent usage dans leur vie quotidienne." Ainsi se trouve définie la raison de cette invention, qui est de mettre à la disposition du peuple un outil commode d'expression écrite. Dans,la postface au Hunmin ch6nglim, Chang In-ji apporte des précisions sur cette invention. li écrit notamment: 1. Les fa çons de prononcer varient selon les contextes géographiques. Or, sous le prétexte qu'on ne peut ..apporter de modifications aux caractères tels que les Chinois de l'antiquité les ont forgés, les peuples autres que ceux de Chine sont contraints d'en faire usage, chose qui ne facilite pas la communication. 2. Les Coréens utilisent aussi les caractères chinois et apprennent le chinois classique, bien qu'avec beaucoup de difficultés. Dans le domaine de la justice, par exemple, que le verdict soit prononcé en chinois empêche le prévenu de comprendre la sentence, chose ennuyeuse pour l'application de la peine. 3. L'idu, systè me de tran scription 17


adopté sous Shilla et utilisé jusqu'à aujourd'hui dans l'administration et par le peuple, est peu pratique. Son usage, dans la vie quotidienne, rend la co mm unication malaisée. C'est pour ces raisons que le roi Sejong a décidé d'inventer un alphabet. Il comporte vingt-huit lettres. Les résultats obtenus sont les suivants : 1. Le han-glil est très facile à apprendre: il suffit d'une matinée, dans le pire des cas, une dizaine de jours suffisent ; 2. Bien que ne comportant que vingthuit lettres, il permet de faire face à toutes les situations ; 3. Grâce au han-gül, on peut enfin comprendre le sens des textes chinois les plus difficiles ; 4. Le han-gill permet également de prononcer plus clairement les sons du chinois et de faire, en musique, des gammes plus égales. Il permet d'exprimer le son du vent par écrit, et jusqu'au chant du coq. Dans le Pohanjae-jip, Sin Suk-chu fait la remarque suivante :

Sa Majesté pensait que le système phonétique du coréen et celui du chinois étaient différents, mais que Je premier devait a voir lui aussi les éléments nécessaires à toute langue comme les consonnes, les voyelles, les tons, etc. Il avait constaté, également, que les autres pays avaient déjà un système d'écriture propre qui leur permettait de transcrire leur langue. La Corée était, selon Sa Majesté, Je seul pays qui n 'eût pas son système d'écriture. C'est pourquoi Elle inventa les vihgt-huit consonnes et voyelles.

le mot, soit la syllabe, soit les phonèmes. Dans ce contexte, le roi Sejong a ressenti le besoin de créer un alphabet phonétique fondé sur une analyse phonologique de la langue. En décembre 1443, Sa Majesté a inventé les vingt-huit caractères de l'alphabet. Ces caractères nouveaux évoquent la forme de ceux de la Chine antique. Mais ici, chacun d'eux comporte trois parties, correspondant respectivement au premier son, au son médian et au dernier son de chaque syllabe. A chaque syllabe, nécessairement constituée de trois sons, correspond un caractère. Avec ces caractères, on peut transcrire aussi bien les sons du chinois que du coréen. Ils sont simples, mais par la combinaison des éléments qui les constituent, on peut créer un nombre illimité de caractères différents. Nous appelons cette nouvelle écriture le Hunmin ch6ng-ilm. Le Hunmin ch6ng-ilm original, tout en confirmant que la paternité de cette inverttion revient au roi lui-même, apporte des éclaircissements sur les principes sur lesquels le système a été établi. Par sa base phonologique, le hanglil s'apparente au phags-pa, système de transcription du mongol à partir du tibétain. Par sa fa çon d'isoler chaque syllabe, il tient du chinois et là encore de l'écriture phags-pa. Les lettres du nouvel alphabet ont une visée figurative. Dans la première partie du Hunmin ch6ng-ilm original, nous lisons : Chacune des vingt-huit lettres du hangill a une forme qui représente son référent.

Ce qui signifie que chaque lettre est censée figurer quelque chose. Mais la première lettre de chaque syllabe, la médiane et la dernière ne renvoient pas au même type de référent. Les lettres susceptibles de représenter le son initial sont au nombre de dix-sept. A titre d'exemple, la première lettre de l'alphabet "•" représente le dos de la langue obstruant le palais. Il y a onze lettres susceptibles de trouver place en position centrale dans la syllabe. Pour prononcer " · ", l'un des sons les plus fréquents, il faut plier la langue et articuler le son au fond de la bouche. La forme circulaire de " · "représente le ciel. Alphabet phonétique, le han-gill est donc composé de phonèmes. Le roi Sejong, pour créer cet alphabet, s'est sans doute appuyé sur la phonologie chinoise de l'époque. Analysant, grâce à cet outil, la langue coréenne, il a distingué ·dix-sept consonnes élémentaires (vingt-trois si l'on comptabilise les consonnes doublées) et sept voyelles. Il a ensuite essayé de donner une forme à chacun de ces éléments de base. Avant de faire apparaître que la langue était une combinatoire de consonnes et de voyelles, il avait remarqué que le coréen était une langue monosyllabique et que chaque syllabe était constituée de trois unités phoniques, la première, la médiane et la dernière ; que la médiane n'acceptait que des voyelles et que la troisième pouvait accueillir une partie des consonnes qui se placent en initiale ; et que, en conséquence, pour les phonèmes venant en finale, il n'avait pas besoin d'inventer de consonnes spéeiales, mais

Articulations Le fait que les autres pays d'Asie soient déjà dotés de leur propre système d'écriture a donc été déterminant pour la création d'un alphabet coréen. Dans ce royaume de Chos6n du XV ème siècle, on avait connaissance en effet des systèmes d'écrit1.11:e des Mongols, des Tanguts (ou Hsi-hsia), des jurchens, des Japonais, des Tibétains et des Indiens (sanskrit). Tous ces systèmes étaient de nature phonétique et avaient pour unité de base soit 18

Point d'articulation

Consonne de base

Traits ajoutés à la consonne de base =7

0

Palais

1

Dents

L

c

E

Lèvres

D

l:l

:rr.

A

À

;;"<,

0

0

ii

Alvéoles Pharynx

1

'

Allophone (en finale de syllabe)

r Moins tendu plus tendu--e>

2.

6.

1 1


qu'il pouvait utiliser, en les considérant comme des allophones, celles qui pouvaient venir à l'initiale. Pour ces raisons, le han-gui est volontiers considéré comme le système d'écriture le plus cohérent et le meilleur du monde. Le Hunmin chong-um explique que les lettres de ce nouvel alphabet sont figuratives et que, pour les créer, le roi s'est inspiré de la phonologie chinoise qui distingue trente-six consonnes et voyelles. Pour ce qui concerne les unités consonantiques, il existe cinq consonnes de base dont la forme est arrêtée en fonction de leur point et de. leur mode d'articulation, ainsi que le fait apparaître le tableau ci-dessous: . La vélaire "•(k)" désigne le dos de la langue en contact avec le palais. La dentale "L(n)" représente la pointe de la langue contre l'alvéole supérieure. La bilabiale "o(m)" représente la forme de la bouche. L'alvéolaire " A(s)" représente les dents. La pharyngale "o (ng)" représente la forme du pharynx vu en coupe. Les autres consonnes ont été dessinées en ajoutant des traits aux consonnes de base en fonction de l'intensité ou de la tension de leur articulation. Notons que "o, 2." et " t." sont des créations originales, qui ne doivent rien aux systèmes phonétiques des pays voisins. I! en va de même pour les voyelles. Les consonnes, du moins six d'entre elles, peuvent être doublées pour rendre les sons durs du coréen du Moyen Age : " 11 , n. , uu , M, M" et "oo". Pour ce qui concerne les bilabiales, il est possible de leur ajouter un " o" souscrit. Il existe quatre labiales fricatives : " tl , .rr, uu" et "o ". Seul "g" représentait un phonème coréen, les trois autres servant à transcrire des sons chinois. Comme nous venons de le voir, les consonnes initiales étaient au nombre de vingt-trois, soit dix-sept consonnes de base plus six doublées. Les phonèmes, qui occupent la place médiane dans la syllabe, les voyelles puisent leur représentation symbolique dans le Livre des mutations. Ils veulent représenter les trois entités du monde

que sont le ciel, la terre et l'homme. Les trois voyelles de base du coréen du Moyen âge sont représentées par " · , -" et " 1 ". Le coréen du Moyen Age disposait de sept· voyelles sim pies façonnées à partir de ces trois voyelles de base. Chacune de ces trois voyelles de base correspondent à une position (et à une partie : pointe, dos, racine) de la langue au moment de la production. Chaque voyelle ne représente qu'un phonème vocalique. Quatre autres voyelles sont formées à partir de ces trois voyelles de base. On appelle ces sept voyelles celles de "la première génération ", et en leur ajoutant " 1", on obtient les voyelles doubles (voyelles de "la deuxième génération") : "..u.., F, rr'' et " ~ ". Mais deux ou trois ans après la création du han-gL11, cette distinction disparut. Dans les documents, on trouve, au chapitre des voyelles, les huit voyelles, simples et doubles, créées à partir des trois voyelles de base. Le Hunmin chong-üm explique, au chapitre des sons médians, que, en plus des onze voyelles que nous venons de voir, il est possible d'en créer de nouvelles en les combinant entre elles, à deux ou même à trois. Les voyelles doubles sont:"_,_}, -r-l , ~ . nf'. Les voyelles combinées avec " 1" sont : " ·1 , .-!, ..1-], H, ..,1, 11, .1.1.] , ~, rr1 , 11, .,.J1, -rlL .ul1 " et "TT'l1 ".

Les phonèmes, décrits par le roi Sejong comme initiaux, médians et finaux, entrent en fait en combinaison pour former une unité syllabique. Pour transcrire les tons, qui existaient encore dans la langue de l'époque, fut mis en place un système de signes diacritiques. Le Hunmin chong-üm recommande d'ajouter, à chaque syllabe, un signe (sous forme de point) qui indiquera le ton. Les voyelles " · , -, --"-, ..u.." et "n" doivent s'écrire sous les consonnes initiales ; " 1 , } , i , F" et " ~ " doivent s'écrire à leur droite. Tous les caractères doivent comporter trois lettres pour constituer une syllabe. Pour le ton ka (haut), on ajoute un point à gauche de la voyelle ; pour le ton sang (montant), on met deux points à gauche ; pour le ton pyung (bas), on ne met pas de point ; quant à ip (très court), qui affecte les syllabes terminées en "• , L" et " c ", il peut se combiner avec les trois tons mentionnés ci-dessus. Ce nouvel alphabet, de nature phonétique et reflétant la structure monosyllabique des mots, a eu une influence capitale sur l'écriture nationale. En résumé : 1. Le han-gill a été créé par le roi Sejong pour que le peuple puisse s'exprimer par écrit. 2. Les linguistes de l'époque ont d'abord analysé le coréen à la lumière de la phonologie chinoise. Ils ont conçu une forme d'écriture syllabique. 3. Bien que le han-gui soit un système de représentation phonétique, il se plie aux contraintes de la structure syllabique. 4. L'alphabet a une dimension figurative. Les consonnes représentent le point et le mode de leur articulation. Les voyelles ont pour référents symboliques le ciel, la terre et l'homme. 5. La forme des lettres n'est nullement copiée sur les écritures des pays voisins : cet alphabet est particulièrement original. 6. Comme arrière-plan théorique et idéologique de l'invention du han-gL11, on trouve la phonologie chinoise et la philosophie régnante qui est le néoconfucianisme. + 19


Han-gül

L'un des meilleurs systèmes d'écriture Suh Cheong-soo

Professeur de littérature coréenne, Université de Han yang Directeur de l'Association d'information de la langue coréenne

L

orsque le roi Sejong promulga l'alphabet coréeri en 1446, il le nomma Hunmin ch6ngt1m, signifiant "les sons corrects à enseignér au peuple". Cette expression témoigne éloquemment d'une attitude bénévole chez le roi Sejong. Historiquement parlant, il est courant pour les rois de laisser le peuple dans l'ignorance, ce qui leur permettait de gouverner facilement le pays à leur guise. Mais le roi Sejong souhaita éclairer le peuple. Il inventa l'alphabet coréen pour que le peuple apprenne facilement à lire et à écrire, et ainsi cultiver et participer aux affaires de l'Etat. Le mot han-gill, fut introduit, pour désigner ! ~a lphabet coréen, quelques 90 années plus tôt par Chu Shi-gyong. Il fit sa première apparition en 1909 dans le nom d'un institut pour l'enseignement de la langue coréenne han-gtllmo, et puis il fut employé dans le titre du livre Han-gtllpuri, écrit en 1913. Ce terme fut ainsi répandu au sein du public, et depuis la libération du pays des forces colonialistes japonaises en 1945, il est employé largement à la fois à l'intérieur et à l'extérieur du pays. Le "han" dans han-giil possède plusieurs sens éthymologiques :"unique" ( hana, comme dans han matlm) ; "grand" (ktim, comme dans han-gtll) ; et "correct" (partlm, comme dans hangaunde).

Avec cet alphabet, le roi Sejong publia également un livre intitulé Hunmin ch6ng-um, dans lequel il révélait la raison pour laquelle il créait le han-giil et expliquait son système et son usage. Ce document nous permet de savoir le 20

processus de sa création et sa performance linguistique. Autrement dit, le han-gtll fut né avec une garantie pour son fonctiem~ ce qui est unique dans l'histoire des systèmes d'écriture. Les Coréens sont fiers de ce document, car il démontre la supériorité de leur alphabet. Grâce à ce docum·ent, on sait par qui et quand l'alphabet coréen fut créé, ce qui est sans précédent dans l'histoire des langues. C'est le 9 octobre que le han-gLll fut promulgué et les Coréens célèbrent cette ~ate tous les ans. Le caractère scientifique du han-giil est tel que les linguistes d'aujourd'hui ont du mal à imaginer comment il puisse avoir été inventé il y a plusieurs siècles. Trois des voyelles sont représentatives des trois éléments de la philosophie orientale (yin-yang) : " · " est basé sur le ciel, "-", sur la terre et " 1 ", sur l'humanité. Les autres voyelles restant, huit en tout ( ~ , F, i ·, ~ ,__,__,.u,-r,-rr) sont créées au moyen de la combinaison des trois voyelles de base. Cette caractéristique qui consiste à combiner les voyelles de base pour créer les voyelles supplémentaires correspond aux théories génératives des mathématiques et de la science modernes. Les consonnes sont également développées selon les principes scientifiques. Les cinq consonnes de base ( 1, L, o ,-"', o) sont créées d'après la forme d'organes vocaux, et les autres consonnes sont faites soit par un ajout d'un trait ou par une modification légère de la forme des consonnes de base. Dans la science et les mathématiques, nombre de phénomènes sont générés ou expliqués par l'application de cer-

taines règles aux caractéristiques fondamentales des hombres ou des éléments principaux. La même théorie s'applique au han-giil : les voyelles et consonnes de base génèrent d'autres lettres, et par la combinaison des lettres sont créées des syllabes telles que "7}, Y.. tg. ~".Le professeur G. Sampson, linguiste du département de l'intelligence artificielle de l'université de Sussex, a souligné dans un entretien l'unique aspect.scientifique du han-gUL Du point de vue scientifique, le hangtll est sans conteste l'un des meilleurs systèmes d'écriture. Le han-gtll est créé d'après certains principes, ce qui est sans précédent dans le monde. Tout d'abord, le han-gtll est un système scientifique, inventé eri imitant systématiquement la forme des organes vocaux au moment où les sons sont prononcés. Ensuite, le système d'écriture .reflète les caracteristiques des sons. Par exemple, T et N en anglais représentent des sons, mais ils n'ont aÙcun rapport avec la forme des organes vocaux.' Mais "L" en han-gtll, lequel correspond au N en anglais, est créé d'après la forme de la langue au moment où elle touche la gen~!v, alors que "c" lequel correspond au Test créé en ajoutant un trait au " L", ce qui montre que ces deux sons proviennent de la même zone. Chaque lettre du han-giil est inventé de cette manière, toujours en imitant la forme des organes vocaux. Nombre de chercheurs occidentaux qui sont au fait de l'alphabet coréen ont été impressionnés par les principes qui se trouvent derrière cette invention. Les chercheurs en informatique reconnaissent également l'aspect scientique du han-gill. Le Professeur Pyon


Ch6ng-y6n du département d'informatique à l'université Dongguk témoigne : A l'origine de l'ordinateur que nous considérons comme tout puissant se trouve la répétition de deux numéros, 0 et 1. Cela va de même avec la musique. Dans la musique occidentale, sept notes -do, ré, mi, fa, sol, la, si- sont utilisées. C'est pareil avec le han-gui. Chez ce · dernier, 24 lt:ttres créent, certaines règles étant appliquées, un nombre illimité de sons. De cette manière, le han-gui s'avère plus scientifique que les autres systèmes d'écriture .. Il se base sur les mêmes principes ·que l'ordinateur, un produit de la science moderne. Le han-gui est un alphabet phoné. tique comme l'alphabet roman ; chaque letti·e représente un phonème. Le hangtli moderne corn pte 24 lettres représentant des phonèmes de base, alors que l'alphabet roman en a 26. En han-gui, la combinaison des phonèmes produit des lettres syllabiques. La combinaison de deux ou trois lettres constitue une unité syllabique, permettant d'écrire un mot, comme dans les cas de "Il] ~ ~ · .:g". Par contre, pour écrire un mot utilisant l'alphabet roman, les lettres sont arrangées côte à côte. La formation syllabique du han-gt1I est similaire au kana japonais. Pourtant les syllabes japonaises comme "7!. -r. !J" ne peuvent être divisées en phonèmes. Le han-gül peut être représenté soit en phonèmes soit en syllabes, comme dans "7}=•+ }",et "l-}=L+ }". . Le han-gui est unique dans le fait qu'il combine les mérites des systèmes alphabétique et syllabique. Beaucoup de syllabes sont formées par la combinaison des lettres, et comme elles sont arrangées en unités syllabiques, il est facile de les lire. Le Professeur Pyon ajoute comme suit : L'alphabet roman est un alphabet phonét~que dans lequel les syllabes ne sont pa~ automatiquement reconnaissables. Du fait de l'emploi des majuscules, 52 lettres sont utilisées dans l'ordinateur. Le kana japonais a 52 syllabes sans phonèmes. Le han-gt1I possède les ca-

ractéristiques à la fois du kana et de l'alphabet roman. Àu moment où il fut inventé, l'alphabet coréen comptait 28 lettres. Avec ces 28 lettres, les Coréens firent jusqu'à 90.000 syllabes, et si· les règles établies dans le Hunmin ch6ngL1m sont appliquées, théoriquement 39,9 milliards de syllabes peuvent être formées par la combinaison de ces 28 lettres. Le han-gui permet de discerner les consonnes des voyelles d'un coup d'oeil. Autrement dit, comme leurs principes génératifs sont différents, leurs formes permettent de les différencier facilement : alors que les consonnes prennent leurs formes en imitant la forme des organes vocaux, les voyelles consistent seulement en lignes verticales et horizontales sans aucun rapport avec la forme des organes vocaux. Cette caractéristique n'existe pas dans les alphabets roman ou japonais. Dans le cas de l'alphabet roman, la formation des voyellès 'ia/ A, e/ E" n'est pas différente de celle des consonnes "b/B, c/C". Dans le cas de l'alphabet japonais, les voyelles "1;/ 7 . ~ ,/1" et les consonnes "IJ •/ 7! . t.:. 1!J " ne sont pas discernables en .ter ines de forme. Indiquant que le han-gui est créé d'une manière systématique, cet aspect des formes discernables est hautement apprécié par Sampson et d'autres linguistes. Au niveau orthographique, le hangtli se distingue par le fait que chaque lettre correspond à un phonème. Par exemple, les voyelles, comme "} , ] " et "~',se prononcent toujours de la même manière où qu'elles se trouvent. Comparons les avec la voyelle "a" en anglais qui se prononce différemment selon les mots. La voyelle "a" se prononce différemment dans apple, father, about, chalk, able, fall et weak. Dans le cas de consonnes coréennes, telles que "• L" et " c ", leurs prononciations sont 'toujours identiques. Par contre, en anglais, "c" se prononce comme "s" ou "k" ; et "g" se prononce différemment dans .game, germ et change. Le han-gül a l'avantage qu'on peut le lire sans savoir le sens des

mots. Notons que dans le cas d'alphabet roman, on ne sait correctement prononcer un mot sans savoir son sens. Le Professeur Kim Young-key de l'université George Washington, qui enseigne le coréen depuis plusieurs années, fait état comme suit : Ce qui impressionne les linguistes étrangers et ceux qui apprennent le coréen est qu'en han-gül une lettre a un phonème. De plus, les lettres qui se lient phonétiquement ont des formes similaires, ce qui aide aux étrangers de l'apprendre d'une manière efficace. Une autre caractéristique du han-gUI est qu'il est facile de l'apprendre. Dans l'introduction de Hunmin ch6ng-llm, Ch6ng In-ji disait : "Les intelligents l'apprendront en u_ne matinée, et même les idiots peuvent l'apprendre en dix jours." Le Professeur W. Sasse qui enseigne les études coréennes à l'université de Hambourg en Allemagne relate comme suit: Au début, j'avais l'impression que le han-gtli était difficile à apprendre. Mais une fois que je m'y suis mis, cela ne m'a prit qu 'un jour po'ur l'a pprendre. Lorsque j'ai appris que la forme des let· tres se basaient sur la forme de la bouche et des organes vocaux, je trouvais plus facile à l'a pprendre. Mes enfants qui sont âgés de moins de 10 ans ont àppris l'alphabet coréen très vite comme passe-temps, et ils l'utilisaient pour écrire des messages secrets entre eux en transcrivant l'allemand en hanglii. Ceci prouve que le han-gui ~st facile à apprendre. Il y a neuf ans, l'UNESCO a reconnu la supériorité du han-gtli en établissant le "Prix d'Alphabétisation du roi Sejong" destiné à honorer ceux qui ont contribué à réduire l'analphabétisme dans le monde. L'UNESCO a adopté le nom · du roi Sejong en reconnaissance du fait que le han-gül, invention du roi Sejong, est un alphabet créé pour instruire les masses. Grâce au han-glli la Corée enregistre l'un des meilleurs taux d'alphabétisation dans le monde. • 21


Le développement de la science et de la technologie au début de Chos6n .Nha 11-seong

Professeur au département d'astronomie et de météorologie Université Yonsei

L

orsque les gens évoquent la science et la technologie, il s'agit la plupart du temps de science et de technologie occidentales. C'est tellement évident que l'o n se demande même pourquoi on le précise encore. Personnellement, j'ai une raison : je .voudrais parler de la science et de la technologie d'il y a cinq à six siècles, pendant la période de Choson (13921910), que beaucoup de personnes estiment pourtant au-jourd'hui être bien lointaines de la science et de la technologie modernes occidentales. Les origines de la science occidentale remontent à l'Egypte, à Babylone et à la Grèce, régions bordant la mer Méditerrannée. Ptomelé d'Alexandrie a d'ailleurs écrit Almagest, le recueil de développement scientifique le plus connu à l'époque, au second siècle après J.C. Ce fut en ces temps-là aussi que Zhang Heng construisit en Chine Shuyuun Yixiangtai, une horloge hydraulique astronomique. Almagest eut une grande influence sur les générations suivantes, sa réputation se répandit rapidement jusqu'à Rome. D'ailleurs, plus tard, avec la bénédiction du Vatican, il devint la source absolue de l'apprentissage de la science dans tout l'Occident. Ce qui reste tout de même sur22

Sejong et les érudits de la Salle des Valeurs utilisant une sphère armillaire Kan iii inventée afin d'étudier les astres

prenant, c'est qu 'aucune recherche scientifique ne fut par la suite développée en Europe jusqu'à ce que la théorie héliocentrique dans Almagest ne soit contestée par Copernic en 1543. La pl us grande réussite scientifique pendant tout ce laps de temps semble avoir été celle du scientifique chinois Guo Shoujing avec son invention d'instruments astronomiques variés et de toutes les découvertes qu'il en retira. Les travaux de Guo étaient phénoménaux et aujourd'hui encore il n'est pas surprenant de voir qu'ils font toujours l'objet d'études et de recherches. Il y eu un intervalle de trois siècles entre Guo et Copernic. Dans l'opinion générale, cette durée représente un vide global pour le développement de la science, et en particulier de l'astronomie. Mais qu'en est-il vraiment ? Au XVème siècle, à mi-chemin entre Guo et Copernic, le roi Sejong, quatrième monarque de la dynastie Choson, construisit l'observatoire astronomique le plus complet au monde, qui se trouve près du pavillon de Kyong-hoeru dans le palais de Kyongbok. Et bien que cela prit beaucoup de temps, il est gratifiant de voir qu 'a ujourd 'hui les recherches et le développement scientifiques dirigés par le roi Sejong au XV ème siècle font enfin


l'objet de l'interêt des étudiants modernes. En 1434, 16ème année de son règne, le roi Sejong et son technicien Chang Y6ng-shil inventèrent une horloge hydraulique (clepsydre) après deux années de recherche. Le clepsydre était un procédé bien plus compliqué qu'on puisse le penser, élaboré et imposant, il demandait un bâtiment approprié : de l'eau dans un ·récipient qui s'écoulait à des niveaux inférieurs, secouant une boule de fer en mouvement, la faisant tomber à travers une ouverture, et déclenchant un dispositif qui allait alors frapper un tambour de métal pour· les heures et un gong pour les minutes. . L'arrivée de cet objet fut la bienvenue pour le "gardien du temps" qui s'assoupissait régulièrement pendant 1~ nuit, et qui, quand il se réveillait annoncait régulièrement une fausse heure. Le roi surnomma son invention chagy6ngnu (clepsydre automatique) et le bâtiment qui l'abrite Porugak (pavillon pour le clepsydre annonceur de rheure). Le clepsydre du roi a disparu à la longue mais une petite réplique qui fut construite un siècle plus tard peut être vue au palais Toksugung (Trésor national No229). Il est également représenté sur les billets de 10.000 wons. Il existe une petite histoire à propos de la précision de la mesure de l'heure et l'importance que le roi pouvait lui donner. Une éclipse solaire partielle eut lieu le 23 janvier 1422 (premier jour de la première lune dans la 4ème année du règne du roi Sejong). Il regardait l'éclipse de la terrasse de la salle Inj6ngn6n quand il réalisa qu'elle avait lieu un kak en retard, d'après le calcul de son astronome Yi Pong-chon. Un kak représentant environ 5 minutes, le calcul de Yi Pong-ch'on était plutôt précis, étant donné le niveau de la technique coréenne 'ii y a 570 ans de cela. Pourtant le roi fut obsédé par cette erreur de cinq minutes. Le roi Sejong réalisa également une autre sorte d 'horloge. Une montre solaire, appelée angbu ilgwi, qui fut

Sejong, soucieux du bien-être matériel de ses sujets, promulgua des méthodes concrètes pour promouvoir l'agriculture_ Comme le temps est un facteur important dans l'agriculture, il créa divers types d'horloges, y compris lechagyongnu, clepsydre sonnant automatiquement 23


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Sejong installa une sphère Kan iii et un équipement déterminant la direction à Kaniiidae, une plateforme construite dans l'enceinte du Kyongbokkung, pour ses astronomes afin d'étudier les cieux (à gauche), et pour la commodité de la population, angbu ilgwi, un cadran solaire, installé en deux locations à Séoul (ci-dessus).


produite en 1434, la même année que le clepsydre. Cette horloge géométrique de bronze fut la plus jolie jamais réalisée dans le genre. Mais ce qui la rendit si importante est certainement le fait que ce fut la première horloge publique au monde. ·Le roi Sejong l'avait installé volontairement dans un quartier très fréquenté, au coin du pont Hyejonggyo et de la rue en face de Chongm yo, pour la commodité de la population. De plus, il avait encouragé la reproduction de

son oeuvre pour des usages privés. Aujourd'hui, des cadrans solaires angbu ilgwi de tailles variées sont exposés dans de nombreux musées à travers le pays, toutes des copies de l'horloge du roi Sejong. Alors, quand bien même le développement de la science et de la technologie traversait une période de ténèbres au XV ème siècle dans le reste du monde, pendant ce temps-là une lumière brillait dans une petite péninsule de l'Est.

De plus, les horloges ne furent pas les seuls instruments de précision exposés à Kyongbokkung. En effet, toute une série d'objets astronomiques d'importance historique furent réalisés à cette époque. Une structure massive de pierre appellée Kanuidea fut construite en 1433 au nord du pavillon Kyonghoeru. Puis, une sphère Kan ui, pesant non moins de 5 tonnes et un ch6ngbang-an (carré d'orientation) furent installées sur le Kanuidea pour 25



permettre aux astronomes d'étudier les étoiles. A l'est du Kanuidea était installé un kyup'yo (gnomon) de 7,5 mètres de haut qui calculait avec précision la durée d'une année et 24 périodes solaires, afin de fournir les données de base à la réalisation des calendriers. Enfin, un petit bâtiment non loin du kyup'yo abritait deux autres instruments: une sphère honui, instrument utilisé pour localiser les corps célestes, et un honsang (globe céleste), instrument pour étudier le mouvement des corps célestes selon les changements de saisons et le passage du temps. . Au sud de Kyonghoeru, il y avait Porugak, le pavillon qui abritait la fameuse horloge hydraulique chagy6ngnu. Une autre horloge du même genre se trouvait dans un grand bâtiment à l'est de Kyonghoeru près de la chambre à coucher du roi Sejong et de Chiphyonjon (salle des valeurs). Cette horloge était appelée ongn u (clepsydre de jade) et se trouvait à Humgyonggak. Puis dans une partie du bâtiment il y avait une montagne en papier de 2,1 mètres de hauteur, dotée d'un dispositif actionné par une roue à eau. Un soleil artificiel entouré de nuages très colorés se levait à l'est de la montagne, "trave rsait" le ciel, et se couchait le soir à l'ouest. Une poupée frappait les heures avec un marteau en bois, et des scènes de la vie rurale se déployaient tout autour de la montagne, changeant de couleur au rythme des saisons. Extrêmement compliqué et fantaisiste pour un clepsydre, le ongnu était le projet favori du roi Sejong, qui bien que menant une vie urbaine dans son palace, était toujours désireux de répondre aux besoins de son peuple. Ce fut d'ailleurs grâce aux efforts du roi pour améliorer la qualité de vie de la population que la science, et particulièrement l'astronomie, firent des progrès aussi remarquables durant le début de la période de Choson. La science pour la science est sans

Ce gnomon dans le Kyongbokkung

(àgaucheetci-dessus)mesuraitla durée d'une année et 24 périodes solaires fournissant les données de base à la réalisation des calendriers-

Le roi, qui s'inquiétait de la séchèresse prolongée, voulait évaluer son ampleur en déterminant la quantité d'humidité qui subsistait sur les racines des plantes. intérêt. Son développement doit être précédé d'un objectif pour qu 'elle prenne tout son sens. L'intérêt du roi Sejong dans la science était bien loin de ceux qui la considèrent comme un moyen d'améliorer les qualités de procédés déjà corn piets ou alors de développer des instruments de guerre. Voici d 'ailleurs un exem pie des efforts du roi Sejong pour appliquer la science à l'agriculture. Un jour de printemps, dans la deuxième année de son règne, alors qu'il se promenait à cheval, il ordonna à so n intendant d'arracher une plante sur le bord de la route et de la ramener avec lui. D'après les Sejong Shillok (les annales du roi Sejong), le roi qui s'inquétait de la sécheresse incessante, voulait évaluer son ampleur en déterminant la quantité

d'humidité qui subsistait sur les racines des plantes. Il mesura aussi la quantité de pluie qui était tombée en observant l'humidité de la terre. Il ordonna d'ailleurs à un officier de 56un-gwan (conseil astronomique) de creuser régulièrement le sol et de mesurer la profondeur à laquelle les précipitations s'étaient infiltrées. Il apprit alors qu'une pluie torrentielle n'était pas d'une grande aide aux agriculteurs, alors qu'une bruine régulière sur une longue période se répandait bien plus en profondeur dans la terre. Cependant, tenir le roi au courant de la quantité des pluies à travers le pays n'était pas une tâche facile. Il fallait par exemple non moins d'une semaine pour que le rapport arrive de la province de Chülla. Mais le roi tenait à rester informé de la récolte dans chaque région afin qu'il puisse trouver des moyens efficaces pour transférer les graines supplémentaires du plus proche entrepôt vers les endroits les plus nécessiteux. Un rapport pour le roi de la part du ministère des impôts de 1441 montre bien à quel point l'inquiétude du roi Sejong pour la population agricole était partagée par ses officiers : "Bien que les gouverneurs de chaque province aient été informés de leur devoir de rendre compte de la quantité des pluies, il est difficile . de les mesurer étant données les différences de qualités de la terre selon les régions. Nous voudrions recommander l'usage d'un récipient de métal qui recueille les pluies, placé sur une plateforme à 56un-gwan, et dont le contenu serait mesuré par un officier désigné." Ainsi, Ch 'ugugi, le premier indicateur de pluie du monde, fit son apparition en 1442. Avec l'arrivée de ce dispositif, les pluies furent mesurées et rapportées régulièrement à Séoul et dans chaque province selon une technique standardisée par le 56un-gwan. Les vestiges du Sungj6ng-w6n Ilgi (journal du secrétariat royal) contiennent aujourd'hui toutes les précipitations relevées depuis 1770. • 27


L'

invention du han-gu~ l'alphabet coréen, doit incontestablement figurer parmi les plus grandes contributions du roi Sejong au patrimoine culturel coréen. A l'époque Shilla, un système d'écriture complexe fut développé afin de noter par écrit les hyangga, chants coréens, mais il était si peu satisfaisant que les lettrés de la dynastie suivante, Kory6, ne tentèrent même pas de l'employer pour écrire les kayo, oeuvres poétiques de Kory6. Cellesci furent finalement transcrites en hangu~ un exploit significatif en so~ mais le 28

premier véritable fruit du nouveau système d'écriture fut la transcription des shijo, les battements du coeur coréen. Les auteurs de shijo de. la Corée d'antan étaient pour la plupart des hommes raffinés et cultivés qui savouraient les joies de la composition, passe-temps qui leur permettait de s'adonner à une activité conviviale en compagnie d'amis. Les shijo sont des chants : ils sont destinés à être plutôt chantés que récités. Ce qui leur donne une qualité unique. Ils sont légers, personnels et souvent dits sur


le ton du dialogue ; le langage est simple, direct et dépourvu de fioritures. Le poète délivre de première main son expérience personnelle de la vie et ses sentiments : l'essor et la chute des dynasties, la loyauté du sujet au roi, l'amitié, l'amour et la séparation, les plaisirs de l'alcool, la beauté et la fugacité de l'existence humaine, l'avancée inexorable de l'âge, etc. . Chang Ch'ol, maître en la matière du XVIème siècle, ·nous fait découvrir le plus bel exemple de cette tradition. Il chante ici le destin de ceux qui ont été déchus de leurs pouvoirs politiques :

L'arbre est malade Personne ne se repose dans son pavillon. Alors qu'il se dresse haut et verdoyant, Personne ne passe près de lui. Mais les feuilles Sont tombées, les rameaux sont brisés; Même les oiseaux ne s'y perchent pas. Le terme de shijo est employé pour la première fois dans un document écrit par Shin Kwang-su 0775), selon lequel le shijo~'ang (chant) apparut avec Yi Sech'un, un chanteur connu de l'époque. Cette référence renvoie davantage à la musique qu'à la poésie. Il semblerait que le mot shijo soit une abréviation de shij6lgajo, signifiant "chants populaires saisonniers". Shijo, terme d'usage courant aujourd'hui, est venu à la mode à l'orée du XXème siècle afin de distinguer les poésies coréennes des oeuvres occidentales qui commençaient à percer le milieu littéraire coréen. Antérieurement, les premières étaient désignées sous plusieurs dénominations telles que tangashinbon et changdan-ga.

L'origine du shijo L'origine de cette forme de poésie est l'objet de débats virulents entre les critiques depuis les années 20. Le shijo est pour cer'tains une "excroissance" du hyangga èle Shilla, ou une forme qui s'est développée naturellement au cours du processus de traduction des poèmes chinois en coréen, ou un dérivé du tan-ga de Koryo ; d'autres lui font prendre ses 29


racines dans les chants chamaniques de l'antiquité. A la difficulté de débrouiller l'écheveau de l'histoire du shijo, s'ajoute le fait que le han-gui n'ait pas été inventé avant 1446, de sorte que les shijo écrits avant cette date furent soit écrits dès le début en chinois et traduits par la suite, soit retraduits en coréen, soit transmis oralement. Puis, il a fallu attendre 1728 - pour la publication de la première des grandes anthologies, Ch'onggu Yong-on (Chants des collines vertes). Les oeuvres des poètes indépendants ont intégré des recueils posthumes, nombre d'entre elles ayant été réalisées longtemps après la mort des auteurs. Jusqu'à récemment encore, le shijo était . davantage considéré comme un genre littéraire que comme un genre musical. L'approche littéraire remonte aux années vingt, époque d'activité intense au sein des cercles littéraires coréens. Les jeunes intellectuels formés dans les universités japonaises commençaient à introduire la nouvelle littérature, celle en provenance de l'Occident. Celle-ci était diffusée par de jeunes hommes qui obéissaient à des intérêts bien plus d'ordre nationaliste que littéraire. Ch'oe Nam-son, l'une des figures de proue de la génération montante,

Les auteurs de shijo de la Corée d'antan étaient, pour la plupart, des hommes rafinés et cultivés qui savouraient les joies de la composition, passetemps qui leur permettait de s'a donner à une activité conviviale

en compagnie d'amis.

Peinture d'érudits écrivant desshijo, par Kang Hui-Dn, XV/Hème siècle

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comprit que le shijo, exercice intellectuel exclusivement coréen, pouvait être un moyen de véhiculer la conscience nationale et de prévenir les contrecoups de la colonisation japonaise. Forte de ces considérations nationalistes, une critique pro-littéraire du shijo s'éleva. Le shijo était plus qu'un chant, prétendait-on ; c'était de la littérature, voire le genre littéraire le plus traditionnel de Corée. Le Shijo yuch 'wi (Recueil de shijo) de Ch'oe Nam-son, publié en 1928, contient des poèmes qui se présentent pour la première fois en trois chang. Le lettré Yi Pyong-gi vulgarisa les expressions "chang d'ouverture", "chang de milieu" et "chang final". La division ternaire devint un principe dans la critique du shijo et donna lieu à de grands débats parmi les lettrés sur la terminologie controversée : chang (unité ou strophe), ku (division d'une unité) et umbo (groupe de respiration). Le shijo était un poème de trois chang, chaque chang-étant composé de 14 à 16 syllabes, lesquelles étaient regroupées en quatre umbo distincts, le nombre total des syllabes n'excédant jamais 45. C'était le cas pour les shijo ordinaires ou réguliers, appelés py6ng shijo. Deux variations de la

forme de base furent proposées : le 6t shijo, dans lequel la première ou la deuxième ligne peut être quelque peu rallongée ; et le sas6i shijo, dans lequel les trois lignes peuvent être rallongées. Le nombre des syllabes supplémentaires variait considérablement. C'est ainsi que le shijo prit sa forme actuelle. Mais quelles sont ses racines ? Les indices sont rares et il est très difficile de découvrir la vérité. Les données dont nous disposons actuellement sont les suivantes : 1. Les grandes anthologies de shijo du XVIIIème siècle contiennent moins de vingt chants qui se réclament de la période Koryo. 2. De nombreux shijo du début de l'époque ChosèSn qui nous sont parvenus figurent dans des recueils privés ou les grandes anthologies. 3. Le han-gui fut créé au cours du règne de Sejong (141&1450), ce qui explique que tous les shijo antérieurs à cette date furent écrits en caractères chinois ou transmis par voie orale. 4. Dans les grandes anthologies et les recueils privés, les shijo sont en caractères chinois ou en han-gui, ou dans la combinaison des deux. 5. Les trois grandes anthologies ont


pour titre Ch'6nggu y6ng6n compilé par Kim Ch'on-t'aek (1728), Haedong kayo compilé par Kim Su-jang (1763) et Kagok wollyu compilé par Pak Hyo-gwan et An Min-yang (1876). Les deux premières contiennent des poèmes en prose continue. En revanche, le dernier est composé de poèmes de cinq chang. Les poèmes de ces trois anthologies tournent autour de la musique. 6. Le shijo peut être chanté en un kagok-ch'ang ou shijo-ch'ang. Le kagokch'ang est une structure de cinq chang; l'interprétation, complexe et laborieuse, exige un grand nombre d'interprètes. Le shijo-ch'ang est d'une composition plus simple, comptant trois chang. . 7. Kagok wollyu emploie le kagokch'ang de cinq chang pour arranger ses textes. C'était l'accompagnement traditionnel des chants. En fait, il est certain que la majorité des shijo qui existent actuellement furent chantés à l'origine pour accompagner le kagok-ch'ang. 8. Le kagok-ch'ang de cinq chang diminua d'importance à l'époque de Pak Hyo-gwan et d'An Min-yang (vers la fin du XIXème siècle), en raison de la difficulté d'interprétation ; la composition du shijo avait alors déjà amorcé son déclin. Entre temps, se développa un shijo-ch'ang de trois chang simple, peutêtre sous l'impulsion de Yi Se-ch'un. Nul ne saurait dater avec exactitude l'apparition du shijo-ch'ang à trois chang, mais il était en usage pendant la moitié du XIXème siècle. An Min-yang l'affirme dans un ouvrage contenant ses chants, Kumok ch'ongs6, dans lequel il livre ses impressions sur une interprétation du shijo-ch 'a ng à trois chang. Si les professionnels tels que Pak Hyo-gwan et An Min-yang restaient farouchement fidèles à l'ancien kagok ch'ang probablement leur moyen de subsistance-, le shijo-ch'ang l'a finalement remplacé au titre de premier mode d'accompagnement. L'évolution fut progressive, se poursuivant pendant les 60 ou 70 années suivantes et amenant la renaissance du shijo à la fin des années 20. 9. Le nouveau shijo-ch'ang se révèle être la base de la division moderne en

trois chang adoptée par Ch'oe Nam-son et les commentateurs qui suivirent. Le texte littéraire contre la musique

Les lettrés du XXème siècle ont commis l'erreur de considérer le shijo quasi-exclusivement comme un texte littéraire, n'accordant qu'une importance mineure à sa composante musicale. La musique fait partie intégrante du shijo. En fait, toute poésie en langue vernaculaire coréenne composée avant notre siècle -hyangga, kayo de Koryo, shijo et kasaétait conçue pour être chantée et écoutée, plutôt que pour être lue et faire l'objet de méditation. C'est un point central qui montre la divergence des points de vue dans la composition de chants dans la langue vernaculaire. Les lettrés comme Yi T'œgye et Yun Son-do ont évoqué la nécessité des paroles en langue vernaculaire pour les chants coréens ; le sino-coréen ne fonctionne pas, disent-ils. Ces chants en langue ve~naculir étaient destinés à émouvoir bien plus le cœur que la tête ; à susciter le hung, ces émotions fortes qui font vibrer et qui sont propres à l'expérience de la poésie coréenne. Cho Chon-süng (155}1627), poète et officiel du gouvernement du temps de Myongjong à Injo, illustre le hung qui se trouve au coeur de la tradition du shijo :

Garçon, apprête mes habits de pluie et ma coiffe de bambou ; la pluie a lavé la '!fallée de l'Est ]attacherai un crochet sans barbillon au bout de ma canne à'pêche. Poisson, n'aie crainte, Le plaisir véritable, c'est ce que je recherche. Les récents développements dans la critique du shijo rendent possible une nouvelle approche de la traduction du shijo en langues étrangères qui incorpore la structure du kagok. Bien entendu, ceci peut être réalisé dans une certaine mesure. Les shijo traduits en anglais ne seront pas interprétés dans une mélodie kagok, et les efforts pour rendre les mélodies de kagok en textes anglais

seront sans doute vains. En même temps, l'emploi de la structure en cinq chang dans la version anglaise donne au shijo une allure particulière sur la feuille, une individualité qui retire complètement le shijo de la norme de la poésie anglaise. Cest un point de la plus grande importance. li n'y a rien de plus hermétique que le shijo et malheureusement, les traductions de shijo traditionnels ne sont pas d'un secours plus utile ; elles ont tendance à présenter le shijo comme un haiku allongé, couché sur les habituelles six lignes à l'anglaise. Cependant, la structure à cinq chang autorise le traducteur pour la première fois à délivrer au lecteur l'originalité du shijo grâce à son apparence sur la page. L'inhabituelle strophe à cinq lignes, les longueurs variables des lignes (particulièrement celles des 3ème et Sème lignes) et la quatrième ligne de trois syllabes contribuent tous à la présentation d'un produit uniquement coréen, et en même temps totalement nouveau en anglais. Toutefois, la structure à cinq chang soulève d'autres problèmes. La difficulté la plus évidente se trouve au 4ème chang, qui est normalement indépendant sémantiquement. Le traducteur doit parvenir à une adéquation entre le développement musical et le texte littéraire tronqué en trois syllabes. Il est difficile de le reformuler dans un anglais pratique et cohérent tout en restant fidèle au nombre de syllabes sans risquer de commettre de contresens. Le bon sens doit l'emporter sur les considérations mathématiques Les traducteurs devraient recourir à une structure qui ait un sens visuel sur la page ; reproduire le sentiment tronqué du 4ème chang et consacrer un effort plus soutenu à la qualité des 3ème et Sème chang plus longs. Il faudrait instaurer comme principe général de préserver la forme et le sentiment du texte original, tout en s'efforçant de créer un poème qui présente bien sur la feuille. L'objectif est d'écrire un poème qui a le sentiment et la forme de la Corée. Après tout, c'est ce qu'un shijo est supposé être. + 31


Les réalisations rn usicales du roi Sejong Han Myung-hee

Directeur général Centre national des arts traditionaux coréens

C

hacun sait combien la perception personnelle de l'histoire et de la culture d'un . leader a une influence profonde sur les développements culturels de son ère. Et c'est d'autant plus vrai au sein d 'une monarchie absolue, où chaque facette de la vie est controlée par une administration centrale. Heureusement, il fut un temps où le peuple coréen fut gouverné par un roi très dynamique qui encouragea l'épa-nouissement de la culture sous son règne. Le roi Sejong, qui régna aux débuts de la dynastie Chüson entre 1418 et 1452, est reconnu pour se ~ nombreux talents et ses réussites dans des domaines divers .. Les contributions du roi Sejong pour le développement de la musique coréenne sont aussi monumentales que ses notables réalisations en politique, science et en bien d'autres domaines culturels. Il développa un tube de bambou (yulgwan) qui était utilisé pour donner le ton de base de la rn usique coréenne, reconcevoir les instruments pour la musique d'ensemble, composer de nouvelles musiques, et inventer le premier système de notation musicale de l'Asie de l'est. Or, contrairement à la dynastie précédente, la dynastie Koryo, dont la religion 'nationale était le bouddhisme, la dynastie Choson adopta le confucianisme comme philosophie gouvernante. Ainsi, les dirigeants et les sujets de la dynastie Choson n'avait pas d'autre solution que de prendre la 32

Pak, instrument en bois en forme d'éventail joué par le directeur d'un ensemble pour donner le signal de début et le signal de fin

Le peuple coréen fut gouverné par Sejong, un roi dynam ique qui encouragea l'épano uissement de la culture et est reconnu pour ses talen ts et ses réussites dans des domaines divers.

musique très au sérieux : elle était essentielle dans l'idéologie confucéenne. En effet, elle était considérée comme un moyen de parfaire le caractère humain, d'améliorer la société et ses coutumes, d'inspirer un gouvernement convenable à l'état, et ce n'était pas seulement agréable pour les oreilles, mais aussi instructif pour l'esprit. En tant que telle, la musique a joué un rôle central dans la société confucéenne. Et l'implication du roi Sejong pour la musique montre bien l'engagement de la dynastie Choson vers le confucianisme en tant qu 'idéologie d'état. Du point de vue confucéen , la "mauvaise" musique pourrait plonger la société dans un chaos et provoquer l'effondrement de l'état. La "bonne" musique ou ye-ak, "musique des rites", était promue dans le but d'encourager un environnement social sain, tandis que les musiques "obscènes" et "tarabiscotées" qui pourraient conduire à la fin de l'état, étaient complètement rejetées. Toujours du point de vue confucéen, la disparition de la dynastie Koryo était en relation directe avec une politique musicale "imparfaite", du moins symboliquement. Ainsi, tout comme en Chine où la nouvelle dynastie tente toujours de réformer les habitudes musicales de la précédente, on attendait du roi Sejong une véritable transformation de la musique coréenne. Aux temps du roi, on pensait que la musique était capable de provoquer des



changements dans les coutumes et dans l'esprit de la population, déterminant ainsi si l'état allait prospérer ou au contraire dépérir. Cette perception est bien différente de notre vision actuelle de la musique, considérée tout simplement comme un art ou une distraction. Et rieri qu'en observant aujourd'hui la signification de la musique pendant la période de Choson, nous pouvons nous rendre compte de l'ampleur des réalisations du roi Sejong dans ce domaine. 34

Déjà, il développa un tube de bambou utilisé pour corriger le ton, hwangjong, l'équivalent oriental du C dans l'échelle diatonique. Par exemple, dans la musique occidentale, un ton uniforme est indispensable pour tous les instruments avant un concert. Alors qu'en Corée, tout comme en Chine d'ailleurs, le ton standard est important aussi pour des raisons de croyance philosophique. Comme nous l'avons déjà mentionné plus haut, les confucéens sont convaincus que leur état va dépérir si leur musique n'est pas

"correcte". Ainsi, quand le ton de base, le "pilier de tous les tons" était faux , la musique et la société l'étaient aussi. Mais le tube de bambou servait non seulement à corriger le ton, mais également comme unité de mesure standard pour la longueur, le volume, et le poids. En effet, la largeur du tube était l'unité de mesure pour la longueur, la quantité de millet qu'il pouvait contenir servait d 'unité de mesure pour le volume, et enfin, le poids du millet constituait l'unité de mesure pour le poids. Ainsi, la question sur l'utilité du


tube était non seulement une affaire de musique mais aussi de société.

Taegu rn, une flûte traversière en bambou utilisée pour lam usique de la cour et

pour la musique traditionnelle (à gauche); p'yônjong, une série de 16 cloches de bronze utilisée pour lam usique rituelle lors

L'indépendance culturelle Après le ton, le roi Sejong supervisa la fabrication d'instruments de musique variés qui allaient servir pour les musiques d'ensemble. A-ak, la musique classique · coréenne de cour, était très proche des concepts philosophiques chinois. Les instruments de musique utilisés à la cour étaient divisés en 8 catégories, par matériaux : le métal, le bois, l'argile, les minéraux, le fil de coton,

des rites pour Confucius et les ancêtres royaux (ci-dessus)

le bambou, la calebasse, et le cuir. Ces catégories étaient enracinées dans les principes du yin et du yang. Pendant le règne du roi Sejong, beaucoup d'instruments avaient disparus ou alors n'étaient plus utilisés du fait de la confusion de l'invasion mongole qui frappa la

dynastie Koryo, et des changements politiques qui s'ensuivirent. Ainsi, afin de remédier à ce problème, le roi Sejong ordonna la fabrication de nouveaux instruments de musique qui aient les performances nécessaires pour l'interprétation de la musique classique. 35


Parmi les huit instruments, il y avait le p'y6njong, une série de 16 cloches de bronze, et le p'y6n-gy6ng, une série de 16 carillons de pierre en forme de L. Le p'y6n-gy6ng demandait des matériaux de grande qualité, et il n'avait jamais été produit en Corée avant le règne du roi Sejong. Mais, par grande chance, c'est à cette période que l'on découvrit la pierre nécessaire à sa fabrication. Les archives stipulent que ce ne fut pas une simple coïncidence mais que l'enthousiasme du roi pour contribuer au progrès de la musique était si fort qu'il impressionna les esprits. Lors d 'une occasion spécial, un officier du gouvernement fabriqua une .série de p'y6n-gy6ng et en joua à la cour. Le roi remarqua que le ton d'un des instruments était trop haut. L'officier chercha alors quelle était la faille, et il s'aperçut qu'il restait une trace d'encre qui avait servi à déterminer l'endroit où la pierre devait être ciselée. Cette anecdote montre à quel point le roi avait l'oreille fine. Il était d'ailleurs un excellent musicien lui-même. Il révisa les arrangements de morceaux qui suivaient les règles musicales, et ordonna la composition de nouveaux morceaux comme Ch6ngdae6p, Pot'aep'y6ng (une

suite de chansons faisant les louanges des victoires civiles des officiers de Chosèin), Palsang et Pongnaeui (le phoenix volant), tous de grande envergure, de genres différents et qui combinaient la musique vocale, de corde, et la danse. Ch6ngdae6p et Pot'aep'y6ng sont composés de 11 parties chacun, et Pongnaeui de 7 parties. Y 6millak (le partage des plaisirs du roi avec son peuple), qui est en fait composé d'une des parties de Pongnaeui est aujourd'hui fréquement interprété dans des concerts tradiionnels. Ch6ngdae6p et Pot'aepy6ng sont des compositions rituelles qui ont été jouées lors des cérémonies pour les ancêtres royaux pendant les 500 dernières années. Après la composition musicale, le roi Sejong se concentra sur la notation musicale. Il inventa d'ailleurs ch6ngganbo, un genre de notation de mesure, qui avec la notation occidentale, est toujours utilisée dans la rn usique coréenne: Il est évident que le roi donna des bases solides au développement de la musique coréenne. Et dans le but de mieux apprécier ses réalisations, il est important de comprendre que son attitude vis-à-vis de la musique était

P'yon-gyong, une série de carillons en forme deL utilisée dans lam usique rituelles

lors des rites à Confucius et les ancêtres royaux (ci-dessus); une représentation de la musiquedecourà Yongniing,la tombeduroiSejongà Yoju(enhaut) 36

basée sur une croyance en l'autonomie culturelle de la Corée, et sur l'amour de son peuple. Pendant la dynastie Chosèin, la culture chinoise Ming fut révérée. On le sait, l'idéologie gouvernementale de Chosèin était basée sur le confucianisme, qui est une philosophie chinoise, et de nom breux systèmes culturels et d'activités artistiques suivaient aussi le modèle chinois. Ainsi, les Coréens s'en sont donc aussi inspirés dans le domaine de la musique. Ainsi, quand le roi Sejong réforma le système musical et créa de nouveaux instruments, il utilisa les modèles chinois,


mais tout en maintenant un esprit indépendant, en promouvant des règles sans précédent. Un exemple de son originalité fut d'utiliser les musiques indigènes coréennes pour les rites ancestraux, contrairement à la musique chinoise. Nos ancêtres apprécient la musique coréenne, et c'est irrationnel de jouer de la musique chinoise pour des ancêtres coréens. Il est souhaitable de remplacer la musique chinoise par son équivalente coréenne, que nos ancêtres avaient plaisir à écouter avant leur mort. Cette simple phrase donne un aperçu de la fameuse attitude culturelle indépendante du roi Sejong.

Cependant, aujourd'hui, comme pour de nombreux autres domaines, avec l'influence occidentale, la musique indigène n'a plus grand intérêt aux yeux du public. L'invité a pris la place de l'hôte, et il est devenu quasiment impossible d'évaluer la réelle valeur de la musique coréenne traditionnelle et des autres formes d'arts. Ainsi, l'incroyable détermination du roi Sejong devrait être un modèle pour les Coréens d'aujourd'hui. Comme nous l'avons dit, les réalisations musicales du roi montrent à quel point il aimait son peuple. Constamment conscient des besoins et

des privations du peuple défavorisé, il voulu promouvoir pour eux la compréhension et la joie à tr_a vers la musique. Un bon exemple de sa bienveillance est Y6millak, le fameux "Partage des plaisirs du roi avec son peuple". Mais une autre grande preuve d'amour pour les siens se trouve dans son invention du han-gui, l'alphabet coréen. Le roi Sejong était un pionnier du temps, un humaniste, et un remarquable gouverneur qui contribua largement à la musique coréenne, grâce à son dévouement pour l'indépendance culturelle de la Corée, pour le détail et pour l'authenticité. + 37


CHEMIN FAISANT

KimJoo-young Romancier

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l

e comté de Yoju dans la province de Kyonggi niché dans les collines onduleuses embrassant le fleuve Namhan a longtemps été surnommé la terre de profusion. Dans la société traditionnelle, les habitants de Yoju ont été considérés comme un peuple béni : de nombreuses céréales ont été cultivées sur les champs étendus ; la terre était relativement plate facilitant les récoltes ; et la pêche et la chasse étaient possibles. Aujourd'hui la région est connue pour son riz de première classe et sa production céramique. Par ailleurs, son eau et son excellente condition de terre


Le fleuve Nam han vu du Pavillon Y ongwollu

ont permis à la région de devenir le premier fabricant de poterie du pays. L'eau limpide du fleuve Namhan qui alimente la terre de la région est le principal facteur qui a rendu Y 6ju opulent. Durant la dynastie Chos6n (13921910), le fleuve a joué un rôle important dans le transport des taxes relevées dans les provinces de Ch'ungch'6ng et de Kangw~ et dans la région sud de Y6ngnam jusqu'à Séoul. Le guide écologiqÙe de Corée ( Taengni chi), un document géographique culturel écrit par un lettré shirhak, Yi Chung-hwan (16901752), décrit les avantages topographiques de y 6ju de la façon suivante :

La région est située da{ls le sud du fleuve Han et à moins de 80 km de Séoul, à pied ou par voie marine. A lbuest de la région se trouve le village Paek-aech'on. Une grande plaine s'étend du village au sud-est de la région. Le climat y est agréable avec un air frais et propre. De nombreuses familles riches habitent ici depuis des générations. Les habitants qui se consacrent au commerce sur les bateaux arrivent à gagner plus d'argent que ceux qui travaillent la terre. En traversant Y6ju, le fleuve Namhan

change de nom en Y6-gang. Bien qu'il fut la voie marine la plus importante pour le pays, aujourd'hui ce- fleuve a besoin d'être protégé. En effet, les déchets agricoles et industriels ont causé une pollution sérieuse. Néanmoins, les ssogari, une sorte de poisson d'eau douce, désigné aujourd'hui trésor naturel sous protection par le gouvernement coréen, vivent encore dans les eaux de YO-gang. Les carpes pour lesquelles Y6-gang est également connu, vivent également dans ces eaux. Elles sont en fait très recherchées par des marchands pour ses propriétés médicales et son goût incomparable. Souvent de fausses carpes 39



Les nombreuses attractions de Y6ju sont peu connues car ses habitants sont modestes. Ils ne sont jamais prétentieux et se vantent rarement. Cependant, ils partagent la même idée de vouloir être enterré dans leur pays natal près de leur aïeul. Ils vouent un grand amour pour leur pays natal et vivent imprégnés de l'odeur de leur terre. pêchées ailleurs sont passées pour des vraies portant la mention Y6-gang. Y6ju se situe à moins d'une heure de voiture de Séoul. L'autoroute Yondong traverse le centre du comté y facilitant l'accès. A quatre kilomètres au nord de la bifurcation de Y6ju sur l'autoroute 37 se trouve le centre-ville de Y6ju. Ce lieu est le berceau de la culture de l'arachide de première qualité du pays mais rares sont ceux gui connaissent cette réalité. Y6ju est également connu pour ses sources thermales mais les régionaux ne se vantent_pas de cet avantage. De plus, on y trouve d'énormes sépultures, notamment celle de l'illustre roi Sejong et de sa fille sur les collines onduleuses près de la ville, et Shillùksa, un des rares monastères installés sur une terrasse naturelle gui domine le fleuve Han. De nombreux sites d'attraction à Y6ju sont peu révélés car ses habitants sont de nature modeste. Ils ne sont jamais prétentieux et se

vantent rarement de leurs avantages. ils partagent la même idée de vouloir retourner dans leur pays natal pour être enterré près de leur aïeu l, même s'ils doivent mener leur existence ailleurs durant leur vivant. Ils vouent un grand amour pour leur pays natal et vivent imprégnés de l'odeur de leur terre. Au nord-est de Y6ju sur l'autoroute 37 se trouve Y6ngnùng, les tombes du roi Sejong et de sa femme Sohy6n W;mghu. La sépu lture est couverte d'herbes épaisses et entourée de pins sauvages. Des expositions dans le monument établi en mémoire des accomplissements du roi Sejong présentent de nombreuses oeuvres dont une copie des Chants de dragons volants, des louanges destinées aux ancêtres royaux de Sejong, et autres documents écrits en alphabet coréen han-gill promulgué par le roi Sejong en 1446. Dans la cour se trouvent des reproductions, une jauge de précipitation Cepnda~

Un pavillon du templeShilliiksa se dresse sur un sommet contemplant le fleuve Namhan (à gauche); Yongniing,la tombeduroiSejongetdelareine(ci-dessus)

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Béni par une terre plate et étendue, nourri par les eaux du fleuve Namhan, Y oju fut connu comme terre de profusion.

et une horloge à eau avec un mécanisme automatique entre autres qui ont été inventées durant le règne du roi Sejong (1418-1450). Au cours des 32 années de son règne éclairé, le roi Sejong a participé étroitement à l'invention du han-gui et de nombreuses inventions scientifiques, et a vu le pays s'étendre jusqu'aux rivières Yalu et Tumen et la soumission des maraudeurs japonais basés sur l'île de Tsushima. Le tombeau de Sejong a été à l'origine établi près de Séoul mais ses héritiers ont donné l'ordre de le déplacer dans un site plus favorable en 1469. Plusieurs personnes disent aujourd'hui que ce déplacement a prolongé d'un siècle la dynastie Chos6n. Le tombeau du roi Hyojong (16491659) à côté a été également déplacé du sud de Séoul. Hyojong est reconnu pour avoir grandement contribué à la défense de la Corée en renforçant les deux forteresses au nord et au sud, Pukhansans6ng et Namhansans6ng, et pour avoir projeté une expédition au nord pour se débarrasser de la menace des Mandchous. Une inscription gravée sur la tombe écrit que son dévouement pour le pays a été immense. Pourquoi le ciel lui a-t-il donné seulement une 42

portion et non une vie entière permettant d?acçomplir ses rêves pour l'amour de son peuple ? Le roi Hyojong était déterminé à dissuader les menaces chinoises au nord de la péninsule coréenne qui ont fait souffrir le peuple pendant si longtemps mais il est décédé au bout de dix ans de règne sans avoir vu ses projets réalisés. Le peuple a pleuré la perte de ce grand roi Le roi Hyojong s'est souvent plaint du manque de temps alors qu'il avait projeté tant de choses : "La nuit tombe et il me reste encore un long chemin à parcourir. Chaque jour je vieillis mais il me reste tant de choses à faire et très peu de temps." Le roi Hyojong a été particulièrement découragé en voyant que de nombreux yangban ou nobles lettrés dépensaient leur temps précieux à boire et à se livrer à des distractions. A quatre kilomètres au nord-est de Y6ju, le pavillon Y6ngw6llu offre un merveilleux panorama sur le pays et sur Shilluksa. En approchant Shilluksa on trouve à gauche un grand rocher nommé Ma-am ou l'hermitage du cheval. Y6ngw6llu est installé sur le sommet de ce rocher. La vue du lever du soleil à partir de ce pavillon est

.

particulièrement exceptionnelle. Shilluksa, le temple du grand Maitreya ou le futur Bouddha, est situé de l'autre côté du fleuve dans le nord-est. D'après les documents, le temple a été fondé par le grand moine bouddhiste de Shilla Wonhyo au cours du règne du roi Chinp'y6ng (579-632). Un genévrier chinois planté par le fondateur de la dynastie Chos6n Yi Song-gye et un ginkgo dont on dit qu'il a été élevé à partir d'une canne plantée par le respectable moine Naong (1320-1376) sont les indices même que ce temple présente une histoire très intéressante derrière lui. En fait l'emplacement de ce temple et la disposition des immeubles -sont aussi impressionnants que sa longue histoire et son endroit spacieux. La juxtaposition des toits en tuiles bleu-gris et la falaise touchant le fleuve constitue une image merveilleuse. En Corée, la plupart des temples bouddhistes sont installés dans les montagnes, loin des demeures des habitants et d'ailleurs il en est encore ainsi aujourd'hui. Shilluksa est unique pour son emplacement en face d'un fleuve. Sous un temps serein, le temple est éclairé gracieusement par les rayons


de soleil reflétés par le sable poudreux des rives du fleuve. Mais on ne peut pas parler de ce temple sans mentionner l'histoire du moine bouddhiste Naong qui a disparu dans ce lieu même. Selon une légende, un ami d'enfance très proche de Naong est mort à vingt ans. Naong a demandé aux anciens du village quelle était la vie après la mort mais personne n'a su lui répondre. Amèrement déçu par cette absence de réponse, il est parti étudier le avec le moine Yoy6n à Mungyong ~ur mont Kongdoksan. Lorsqu'il avait trouvé Yoy6n, ce dernier . lui a demandé : "Qu'est-ce que c'est cette chose ?" Naong lui a répondu : "Elle peut parler et écouter mais ne peut ni voir ni trouver. Que dois-je faire pour pouvoir voir et trouver ce que je recherche ? ]e ne suis guère différent sur ce point" "Tu devras aller chercher ailleurs", a répondu Yoy6n. C'est ainsi que la quête de Naong a commencé. Il a erré d'un lieu à un autre avant d'atteindre Pékin où il a rencontré le maître indien Zhikong à la suite de laquelle il a été éclairé. Depuis, il a passé plusieurs années à enseigner le bouddhisme en Corée. E~ à 57 ans, il est mort brusquement à Shilluksa. Il est toujours vénéré par les moines et a fait des adeptes. Une pagode à trois étages et un stoupa en pierre qui abritent les restes incinérés du moine ou sarira ont été édifiés dans le temple en son honneur. La mort de Naong dans ce temple et l'édification de deux monuments en son honneur ont certainement une portée significative et ont assuré une place importante dans l'histoire bouddhiste coréenne. Le déplacement du tombeau du roi Sejong à Y6ju en 1469 a eu également une influence similaire sur la destinée du temple. A ce moment-là, les officiels ont discuté d'une construction d'un lieu de pèlerinage afin de préserver les images et les esprits du défunt roi. Shilluksa a été alors choisi comme lieu de pèlerinage et rapidement un projet de construction a été élaboré. Aujourd'hui le temple présente sept différentes structures qui ont été désignées trésors nationaux par le gouvernement et huit

Une pagode de pierre en face du hall principal de Shilliiksa (au-dessus); le Pavillon Y ongwollu offrant une vue exceptionnelle de Y oju et Shilliiksa (au milieu); quelques-unes des excellentes poteries de y oju 43


Monumentnatureln o209, une terre d'accueil pour les hérons au vmage ShinjOm (ci-dessus);Niinghyon, vmage d'enfance de la reine Min (à droite)

objets fabriqués ont été reconnus comme des propriétés culturelles de valeur. Cette abondance de trésors culturels a contribué à stimuler l'intérêt à l'égard de la dynastie Choson et le soutien du temple. Le stoupa en pierre, trésor ri•4, représente une valeur exceptionnelle et est reconnu comme un des chefs-d'oeuvre de l'art bouddhique coréen. Le village Saemal à Shinjom-ri au nord de Shillüksa est le berceau du clan Min, 44


qui avait exercé autrefois une grande influence sur le royaume durant les dernières années de la dynastie Choson. Les membres célèbres de ce clan comprennent la reine Min, épouse du roi Kojong depuis qu'elle avait 16 ans, qui a été assassinée par les Japonais en 1895. Egalement Min Yong-hwan, l'aide de camp du roi Kojong, qui s'était battu pour protester contre les incursions japonaises en 1905. De nombreux descendants de ce clan vivent dans ce village. A' l'entrée de ce village, on trouve un endroit qui est dédié à des hérons, désigné et protégé comme héritage naturel. Tous les ans, au mois de mars, des centaines de hérons, symbole de loyauté et de persévérance, reviennent

dans le village. Les descendants de Min comptent chaque année sur leur retour en tant que figure de loyauté et d'encouragement moral de leurs ancêtres. La maison d'enfance de la reine Min est située à Nünghyon-ri. Les villageois racontent de nombreuses histoires sur son enfance, notamment à propos de son intelligence qui s'est manifestée précocement. D'après 'une anecdocte, la future reine Min passait un après-midi pluvieux avec des amies du village. Une amie avait demandé qui pouvait compter le plus rapidement les rangées verticales des tuiles sur le toit. Toutes les filles sauf la future reine se sont précipitées sous le porche pour s'asseoir et compter les rangées de tuiles. Elle avait la réponse

correcte avant que les autres ne l'aient trouvée. Mais comment l'avait-elle fait ? Elle avait compté simplement les fils d'eau qui coulaient du toit à partir de la cour. Des années plus tard, la reine Min était retournée à y oju entourée de sa cour sur le chemin de fuite vers le sud à la suite de la révolte militaire en 1882. Elle avait refusé de rester auprès de sa famille de peur des représailles contre elle par les forces militaires réactionnaires. Comme la reine Min, Y oju a été témoin à la fois des triomphes et des souffrances. L'histoire et la culture coréenne ont des racines profondes dans ce sol fertile. + 45


ARTISTE COREEN

Maître ébéniste y

Ul·saeng Lee Hyoung-kwon

Président de l'Institut du patrimoine culturel coréen

L

orsqu'on se rapproche de la ville de Namwon qui longe l'autoroute 17 à partir de ChèSnju, capitale de la province du Chülla du Nord, on aperçoit le mont Chiri qui domine au loin. Namwon doit sa culture et son histoire à la richesse de son environnement naturel qu'offre cette puissante montagne. Le goût pour la culture et la romance semblent être deux traits caractéristiques de ses habitants. En son centre, on découvre Kwanghallu, pavillon historique où se réunissaient, jadis, nombre d'hommes de talent et d'intégrité pour chanter la lune et la brise d'été, et où aussi la légendaire Ch'unhyang rencontra son bien-aimé, Yi To-ryong. Le Conte de Ch 'unhyang, un classique dans le genre, est automatiquement associé à Namwon dans l'esprit des Coréens. Toutefois, la ville est également réputée pour la beauté de ses vaisselles en bois que des artisans du mont Chiri et de ses environs fabriquent depuis des générations. Le village de Paekil, à Sannae-myon, district de Namwon, est communément surnommé Ch'onghakkol (village des grues bleues) parce qu'il y existait autrefois beaucoup de hérons bleus. Aujourd'hui, on le connaît surtout pour être le réceptacle d'une longue tradition artisanale : l'ébénisterie. Le village se trouve au pied de la montagne Chiri, à proximité du temple Shilsang. ·y a vécu la famille du maître ébéniste Kim Ül-saeng pendant plusieurs générations. Aujourd'hui, Paekil est fier de la petite salle d'exposition où sont conservés les ouvrages du maître et de 46

ses confrères. Aucun des visiteurs qui pénètre dans le village ne reste indifférent à la beauté des produits artisanaux. "C'est beau de pouvoir transmettre la tradition de l'ébénisterie dans le berceau même de ce métier artisanal. Je suis heureux d'avoir pu me consacrer à un art que j'aime, et je promets de faire de mon mieux pour produire une nouvelle génération d'ébénistes." Ces termes modestes expriment tout l'orgueil et la beauté de ce métier. Les mots ont été écrits de la main du maître en personne, répresentant la troisième génération de la famille Kim porteuse de la tradition. Nam won est célèbre pour ses vaisselles en bois depuis des siècles. Paekil et les autres villages de montagne qui lui ressemblent n'ont rien de vraiment exceptionnel si ce n'est la proximité des forêts denses qui leur fournissent le bois dont leurs ébénistes ont besoin pour travailler. Quoi de plus naturel pour des gens de ce métier que de vivre dans la montagne, loin des routes qui mènent aux villes, près de la source de ce qui assure leur subsistance. Paekil, c'est aussi Shilsangsa, monastère bouddhiste où vécurent et travaillèrent plusieurs centaines de moines. Le temple était l'un des principaux demandeurs des produits artisanaux de Paekil. Chaque moine possédait son bol et sa paire de baguettes en bois, et nombre d'autres pièces de vaisselle utilisées pendant les rites étaient en bois. Le temple tantôt faisait fonctionner son propre atelier pour fabriquer les ustensiles dont il avait besoin, tantôt



passait sa commande aux artisans du coin. Les ébénistes du village doivent autant à la montagne, qui. les approvisionne en matière première, qu 'au temple qui est leur plus fidèle client depuis des années. Les inscriptions gravées par Kim Ülsaeng sur la plaque de marbre qui orne l'entrée de la Salle d'exposition du . travail sur le bois de Kumho évoque une existence consacrée à la création de vaisselles à la fois esthétiques et utiles. Kim ne s'est pas lancé dans le métier parce qu'on est ébéniste de père en fils dans la famille, ni. parce qu'il y voyait un moyen d'échapper à la pauvreté qui frappe, en Corée, les villages de . montagne. Non, il a la confiance et le raffinement d'un homme éclairé qui a mis sa vie au diapason d'une philosophie inébranlable, et qui est fier d'avoir hérité un savoir-faire accumulé depuis trois générations. Autrefois, à une époque de la dynastie Koryo (918-1392), estime-t-il, un de ses ancêtres dora le blason familial en obtenant un poste au sein du gouvernement. Kim dit que les racines de sa famille sont à Paekil depuis son arrière-arrière-arrière-aïeul, Kim Tok-bin, et que son grand-père, Yong-su, fut le premier à se lancer dans l'ébénisterie et

forma son fils, Kim Won-dai, le père du maître. A l'apogée de l'ébénisterie, le village vit s'établir, en 1951, le Collège des techniques du bois du ChOlla. Il fut ouvert seulement pendant sept ans et Kim Ül-saeng n'était qu 'en première année. Il fréquenta le Lycée industriel de Chonju et fit son service militaire. C'est seulement après qu 'il consacra entièrement sa vie au travail du bois à Paekil. Aujourd 'hui, il jouit d'une reconnaissance nationale qui lui a valu le titre de "hien culturel vivant", mais ses trente années de labeur ont été marquées par la frustration et la solitude. Kim est toujours resté fidèle à sa passion, même pendant le déferlement sur le marché des ustensiles de cuisine en nickel platine et plastique. Au fur et à mesure, sa boutique perdait sa clientèle. Plus personne ne voulait de vaisselle en bois, devenue "ringarde". PO'l;lf .subvenir aux besoins de sa famille, if dut accepter de travailler dans les champs, mais · il n'abandonna pas pour autant son art. Pendant les saisons creuses, lorsque les travaux agricoles étaient moins importants, Kim réunissait ses voisins pour graver le bois. Il était résolu à préserver son métier en péril.

Les inscriptions gravées par Kim 01-saeng sur la plaque de marbre évoque une existence consacrée à la création de vaisselles à la fois esthétiques et utiles (audessus). Le secret de la beauté et de la durée des vaisselles en bois réside dans la laque et dans la manière dont elle a été appliquée (à droite). 48


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Le bois traité est d'abord transformé en vaisselles sur un tour (en hauti Les vaisselles sont ensuite placées à l'étuvé pour sécher (au milieu). Finalement, la laque est appliquée sur les vaisselles, sept couches en tout, pour compléter le processus de fabrication (en bas). 50

Mais leurs articles ne se vendaient pas, et Kim ne vit pas d'autre solution que de faire du porte à porte. Il s'était rappelé que les moines prenaient leurs repas dans de la vaisselle en bois et utilisaient des ustensiles en bois pour leurs rites ; il erra dans les montagnes pendant une quinzaine d'années, s'arrêtant à chaque temple et ermitage pour vendre les produits de son village. C'est grâce à ces tem pies retranchés dans un univers intemporel qu'il lui fut possible de poursuivre son métier. Chaque jour, en attendant que les moines finissent leurs méditations, soit 4 heures de l'après-midi, il se reposait près d 'un ruisseau tranquille ou à l'ombre d'un pin, chantant ou jouant de sa flûte en bambou. Il y a de fortes chances que parmi les moines qui étudiaient alors dans ces temples isolés, beaucoup se souviennent .e ncore d'avoir entendu chanter le "colporteur". Il pouvait ressembler à un vagabond, sa marchandise ne dégageait pas moins le souffle léger de l'illumination et l'affranchissement du labeur terrestre. Si le processus de fabrication de ces merveilleux objets est relativement simple, les résultats ne sont pas facilement imitables en raison de la délicatesse des opérations de séchage et de laquage. Avec assurance , Kim explique comment il faut procéder, car il sait. que nul ne peut maîtriser ce métier sans des années de dévouement et des générations de compréhension. Le séchage approprié du bois est l'étape la plus importante dans la fabrication de vaisselle en bois. Le bois doit être étuvé avant la montée de la sève. Il faut le mettre à sécher à la température ambiante pendant une semaine, puis le ranger à l'ombre et le faire sécher pendant six mois. Une fois que le bois est parfaitement sec, on peut le façonner sur le tour. Puis, il faut de nouveau le mettre à sécher et le retravailler sur le tour. Lorsqu'on est satisfait de la forme, on peut enfin appliquer la laque, mais avec beaucoup de précaution ; il faut en tout sept couches. Le processus prend environ 7


ou 8 mois, mais nos produits sont résistants à l'eau et stérilisés. Si vous y mettez du riz, ils ne s'abîmeront pas, la laque ne partira pas. En dépit de ces longues années d'épreuve, Kim ne s'est jamais détourné de l'ébénisterie. Il a passé des années à mettre au point une technique de laquage, car le laquage allonge la durée de vie d'une pièce de vaisselle. En 1981, l'un des bols de Kim a remporté le Prix d'argent à l'Ex position nationale de l'a rtisanat folklorique. Le pays commen ça it alors à lui reconnaître ses talents uniques et son dévouement. Dès la moitié des années 80, alors que les Coréens commençaient à fouiller dans leurs racines culturelles, Kim et son art ont retenu leur plus vif intérêt. Au bout du compte, toutes ces années difficiles n'auront pas été vaines. Aujourd'hui, ce sont plus d'une vingtaine d'artisans qui travaillent durement à l'atelier de Kim. Les tâches quotidiennes sont exécutées avec plus de facilité

Un service de bols par Kim qui remporta le Prix d'argent à l'Exposition nationale de l'artisanat folklorique en 1981

qu'à l'époque du maître qui peut aujourd'hui se payer des machines et outils modernes. L'atelier est constamment débordé de sorte qu'il n'arrive pas à satisfaire toutes les commandes qui affluent pendant les hautes saisons. Les vaisselles en bois sont légères et séduisantes. Il en émane une chaleur et des images d'une époque révolue, où familles et voisins entretenaient des relations plus proches. Il ne fait aucun doute que c'est l'attrait principal de ces objets, outre leur qualité de conservation de la nourriture. Des nombreux ustensiles réalisés par Kim et ses associés, le plus connu est le chegi, plats et ustensiles utilisés pour les

rites ancestraux. Un service de 35 pièces comprend notamment un encensoir, des bougeoirs et des plats sur pied sur lesquels sont déposées les offrandes destinées aux esprits des ancêtres. Les objets sont modelés d'après ceux en terre cuite découverts dans des tumulus datant de la période des Trois royaumes (Ier siècle avJ.C-VIIème siècle a p. J.C.), et dessinés par le professeur Yi Chong-s6k, ancien membre du Comité national pour la préservation des biens culturels. Aujourd'hui encore, pendant que les citadins passent leur vie à courir entre leur domicile et leur lieu de travail, Kim Ül-saeng et son équipe transforment, dans un milieu serein, du gingko, du frêne et de l'aulne en de magnifiques vaisselles. La pureté de leurs créations, d'une qualité qui rappellerait celle du verre, semble fidèlement refléter leurs vies passées à la contemplation sereine dans les profondeurs du mont Chiri. + 51


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Critique de musique 1 journaliste au joong-ang Ilbo

es journées mondiales de la musique 1997 (World Music Days ISCM 1997), organisées par la S~cieté nraol pour la mustque contemporame, auront lieu du 24 septembre au 2 octobre au Théâtre national, au Centre national pour les arts du spectacle traditionnels, au centre d'art Ho-Am et à l'hôtel Shilla. Appelé "Olympiades de la musique contemporaine", ce festival d'envergure sans égal dans le monde, réunit des compositeurs du monde entier qui peuvent présenter leurs dernières créations. Il permet ainsi d'avoir une vision d'ensemble sur les courants mondiaux en la matière. Le festival de l'ISCM est, depuis sa création en 1923, un événement représentatif dans le domaine de la musique. C'est au cours de ce festival que des chefs-d'oeuvre tels que le Quatuor à Cordes et Concerto pour violon d'Alban Berg, les Concertos pour piano nol et no2 de Béla Bartok, ou encore le Quatuor pour la fin du temps d'Olivier Messiaen furent j6ués pour la première fois. C'est' la deuxième fois qu 'un pays asiatique accueille ce festival, Hong-Kong ayant été le pays hôte en 1988. Séoul a été retenu à la suite d'une compétition serrée avec Tokyo. L'année dernière, le 52

festival a eu lieu à Copenhague ; les prochaines éditions devraient se dérouler à Manchester (1998), Bucarest (1999), Jérusal_e m (en l'an 2000) et Tokyo (2001). Organisé parallèlement à l'assemblée générale de l'ISCM et à son symposium,

Les relations entre la Corée et 11SCM sont étroites. Quand Je compositeur Yun !sang fut incarcéré à Séoul pour avoir été impliqué dans "l'affaire cfe Berlin-Est': Igor Stravinsky et beaucoup d 'a utres membres de l'ISCM écrivirent des lettres et des pétitions revendiquant sa libération.

cet événement rassemblera des musiciens venus de 61 pays, dorl.t les 42 pays membres de l'ISCM. Le thème de cette année, "la voix humaine", est destiné à mettre en valeur

la rn usique coréenne dont la particularité réside dans la variété de la musiqüe vocale. Derrière ce choix se cache la conviction qu'au XXIème siècle, la voix humaine retrouvera une place prépondérante, apr ès une ère où les sciences et les technologies ont eu un impact considérable sur cette discipline artistique. Parmi un large éventail de musiques traditionnelles coréennes, dont le Munmyo cheryeak, musique de rite, et le samul noli, musique paysanne jouée par un q~Jatuor à percussions, seront présentés différents genres de musique vocale, tels que le p'ansori (chant narratif) et le kagok (chant lyrique). Tout spécialement pour l'occasion sera interprété le Munmyo chery.eak, généralement exécuté deux fois par an au cours des cérémonies rituelles à Songgyun-gwan, haut lieu du confucianisme à Séoul. La musique d'orchestre de chambre de Kang Sukhi intitulée Transcendance sera jouée conjointement par les artistes coréens et japonais au Théâtre de l'opéra du Centre d'arts de Séoul. Parmi les 655 titres en compétition en vue du festival de l'ISCM, seulement 60 ont été selectionnés au terme d'un examen rigoureux, parmi lesquels quatre


sont. des créations de compositeurs coréens : Kan, musique de chambre de Cho Song-on ; Yun, quatuor à cordes composé par Choi Myung-whun à la mémoire de Yun Isang ; "Eblouissant comme les tournesols, rayonnants comme des narcisses" par Kim jae-woo ; et "Dudri", musique électronique de Moon Seong-joon. Né en 1955, Cho Song-on a fait ses études de composition à l'Université nationale de Séoul et à Stuttgart Hochschule en Allemagne. Il exerce ses activités de compositeur indépendant à Cologne. L'une de ses oeuvres a été jouée lors de l'édition 91 de l'ISCM . Choi Myung-Whun (1973), diplômé de la Faculté de musique de l'université Ky6ng-w6n a reçu le premier prix pour la composition à la compétition de musique Joong-ang 1995. Kim jae-wook qui a faït ses études à Hans Eisler Hochschule der Musik à Berlin est actuellement étudiant de troisième cycle à l'Université du Maryland aux EtatsUnis. Moon Seong-joon, sorti de

l'Université nationale de Séoul poursuit ses études dans la même institution berlinoise. Il a obtenu le premier prix à la corn pétition joong-ang 1991. · Lors de ce festival, seront également joués une grande variété d'oeuvres corn posées par des corn positeurs de

WalterMaast(enhaut,àgauche)des Pays-Bas qui débuta le Festival de musique Gaudeam us et le compositeur Mario Bertonchin d'Italie; Klangmobiled'Autriche(en bas)

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renom du monde entier, dont l'argentin Mauricio Kagel qui a inventé la "musique de théâtre" ; le Français Gilbert Amy, président de la Faculté de musique de Lyon, l'un des leaders de la "musique spectrale", une des mouvem ents de la musique contemporaine ; Nicolaus Hoover, professeur à l'Université d'Essen, e n Allemagne ; le Japonais Makoto · Shinohara, qui cherche à harmoniser les instruments · musicaux occidentaux et japonais, et Brian Ferneyhough de Grande-Bretagne, un expert de la nouvelle "musique de complexité". Parmi les ensembles musicaux participant à ce festival figure nt le New Tokyo Orchestra et le Tokyo Sinfonietta du Japon, l'Asko Ensemble des Pays-Bas, le Musica Nova Ensemble d'Allemagne et le Base! Electronic Music Studio de Suisse. La Corée sera représentée par l'O rchestre Symphonique de KBS, l'Orchestre Sym-phonique de Séoul et le Quatuor 21. Le festival de l'ISCM, qui a joué un rôle pré dominant dans le mond e de la

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Le compositeur Cho Song-on de Corée

musique contemporaine pendant plus de 70 ans, vit le jour pendant le festival de la Musique de chambre co nt e mporaine, qui eut lieu le 11 aoüt 1922, dans le cadre du fes ti va l de Salzburg e n Autriche. Né de l'initiative de Rudolf Réti et d'Egon W ellecz, le festival est depuis organisé sous les auspices de l'UNESCO. Les compositeurs qui en fo rmaient le coeut': à ;ses débuts, dont Alban Berg, Anton von Webern, Paul Hindemith.

For the World's Children, une pièce allemande interprétée au festival ISCM en 1977

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Bé la Bartok, Zoltan Kodaly, Arthur Ho negger et Darius Milhaud sont aujourd'hui des figures inoubliables de l'histoire de la musique du XXème siècle. Le festival doit sa création à Wellecz qui proposa d'en faire un événement annuel afin de montrer "l'essence de la musique contemporaine". L'ISCM, qui siégeait à l'époque à Londres, avait pour vocation de diffuser la musique contemporaine, en transcendant les ba rrières raciales, religieuses et les tendances musicales. Cependant les nazis qualifi ère nt l'ISCM de "culturellement bolchévique" et accusèrent l'organisation d'avoir pris part à une conspiration internationale dirigée contre l'Allemagne. Ils fondèrent alors en 1934 une contre-organisation, le Conseil permanent pour la coopération internationa le des com positeurs, dont la présidence était assurée par Richard Strauss. Les activités de l'organe de l'ISCM en Allemagne furent interdites en 1933. Celles de ses branches au Japon et en Italie subirent le même sort en 1939 et


1941 respectivement, ainsi que celles menées dans tous les autres pays occupés par l'Allemagne. Mais après la Deuxième Guerre Mondiale, les activités reprirent leur cours. La Cantate no2 op31 (Bruxelles, 1950) de Werbern et Le marteau sans maître (Baden-Baden, 1955) de Pierre Boulez sont parmi les oeuvres les plus importantes de l'après-guerre. En 1949, l'organisation publia le magazine Music Today qui malheureusement ne sortit qu'un numéro. Le développement de nouveaux moyens de production et de reproduction de la musique réduisit considérablement l'importance des activités de l'organisation, et celle-ci fut supplantée dans son rôle d'inspiration par les cours d'été internationaux à Darmstadt, les nouveaux ensembles musicaux et l'essor de la télédiffusion. De ce fait, l'évolution de la musique sérielle et d'autres mouvements modernes dans de nombreux pays prit place en dehors de l'ISCM, voire à son encontre. En 1971, son statut fut révisé de manière à lui permettre de recouvrer son importance d'antan, en tirant parti de son indépendance vis-à-vis des enjeux commerciaux et politiques, sa dimension internationale, et surtout son principe d'égalité entre les pays au bénéfice des petites nations. Ainsi le développement de nouvelles tendances rn usicales observées en Suède, au Pays-Bas et en Suisse fut possible grâce à ce rôle stimulateur. Les relations entre la Corée et l'ISCM sont étroites. Devenue membre de l'organisation à la fin des années 50, la Corée se retira temporairement et y adhéra de nouveau en 1971. Quand le compositeur Yun Isang fut incarcéré à Séoul pour avoir été impliqu é dans l'incid ent d'espionnage connu pl us couramment comme "l'affaire de BerlinEst", Igor ~travinsky et beaucoup d'autres membres de l'ISCM écrivirent des lettres et des pétitions revendiquant sa libération. En 1960, Yun fut le premier coréen à avoir présenté son oeuvre au festival de musique avec son Quatuor à cordes.

Dans le sillage de Yun, on trouve Bahk ]un-sang en 1972 avec Quintette pour instruments à vent, Kim Chung-gil en 1973 avec une musique de chambre, et Kang Sukhi en 1976 et en 1978 avec des oeuvres pour orchestre. Les années 80 furent une décennie où nombre d'oeuvres de compositeurs coréens furent sélectionnées, dont celles de Chang Ch'eng-iek, Paik Byung-dong, Pagh Young-hi, Chin Eun-suk, Chung Nahm-hee, Cho Song-on, Hong Su-yeon et Lee Shin-uh. Dans la liste des membres honoraires à vie figurent Béla Bartok, Ferrucio Busoni, Zoltan Kodaly, John Cage, Aaron Copland, Paul Hindemith, Gyorgy Ligeti,

Witold Lutoslawski, Olivier Messiaen, Darius Milhaud, Maurice Ravel, Arnold Schoenberg, Toru Takemitsu et Hans Werner Henze, tous des virt uoses du XXème siècle. Le seul et unique coréen sur la liste est Yun Isang, qui fut nommé en 1992. Siégeant aujourd'hui à la Fondation Gaudeamus au Pays-Bas, cette organisation exerce une autorité telle qu'elle a le pouvoir d'exclure tout pays membre dont aucune oeuvre n'a été sélectionnée au festival annuel pendant trois années de suite. Le professeur Kang Sukhi fut vice-président de l'organisation entre 1985 et 1990, et membre du jury lors des festivals de 1991 et de 1997. +

Le Elsingnore Ensemble du Danemark (en haut); l'Ark EnsembleduJapon (en bas) 55


INTERVIEW

Kim Young·uk Rédactrice de KOREANA

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es journées mondiales de la rn usique organisées sous le patronage de la Société internationale pour la musique . contemporaine (International Society for Contemporary Music ISCM), souvent désignées comme les Olympiades de la musique contemporaine, se dérouleront à Séoul au cours de l'automne prochain. En permettant de faire connaître les oeuvres récentes dues à des corn· positeurs du monde entier, cette manifestation organisée chaque année pour la musique contemporaine joue un rôle d'avant-garde dans le domaine · de la musique. Kang Sukhi, qui a réussi à obtenir pour Séoul l'organisation de cette manifestation et qui est aussi président du comité organisateur, est un compositeur de musique électronique qui jouit actuellement d'une renommée mondiale. "Nous avons adopté -la voix humaine- comme thème de ce festival de musique, espérant ainsi pouvoir mettre en relief les caractéristiques spécifiques (beauté et entrain) de la musique coréenne en donnant des récitals et représentations des meilleures oeuvres de la musique coréenne traditionnelle, par exemple, la musique exécutû lors des cérémonies rituelles organisées au mausolée de la maison royale de la dynastie de Choson, le p 'a nsori (sorte de drame chanté), le kagok (chant traditionnel) et la rn usique de la danse des pa y sans 56

(sam ulnori) ", explique-t-il au cours d'une entrevue avec des journalistes. Si la voix humaine a été choisie pour être le thème de ce festival, il faut, semble-t-il, voir là la conclusion logique du d éve lopp e ment de la musique expérimentale du XXème siècle, qui tend à revenir à la voix humaine. Et si Kang Sukhi a opté pour un tel thème, c'est en vue de mettre en relief au cours du prochain festival le naturel qui caractérise la musique coréenne traditionnelle, et parce que ce naturel apparaît beaucoup plus nettement au travers de la voix humaine qu'au trav e rs de l'exécution de pièces musicales au moyen d'instruments de musique. Premier musicien asiatique à avoir occupé le poste de vice-président du comité de l'ISCM de 1984 à 1990, sans parler de son travail de compositeur, Monsieur Kang est depuis un certain temps extrêmement occupé par la préparation de ce festival de Séoul, dont il porte toute la responsabilité. Plutôt que d'un personnage au caractère tranchant, on a l'impression d'une personne pleine de douceur et de familiarité. Vêtu sans affectation, coiffé d'un béret, son apparence, tout comme son mode de vie, donne l'impression d'une grande liberté, si bien qu'après quelques moments passés en sa compagnie, le visiteur se sent très tôt à l'aise. Cependant, sous cette douceur, on ne tarde pas à découvrir une personnalité faite de la précision et de la logique toute rationnelle du com-


positeur. Il est compositeur de musique moderne contemporaine, et plus précisément de musique électronique. Sans chercher à tout prix à le présenter comme une personnalité "mondiale", nous pouvons dire qu 'il s'agit d'un compositeur connu au niveau international, puisqu 'il a obtenu , par exmpl ~, un second prix lors du Festival international des compositeurs de rn usique organisé à Paris par l'UNESCO. Lors des jeux Olympiques organisés à Séoul en 1988, pour la première fois au monde, il composait la

musique pour la flamme olympique en musique électronique. On lui confie a us si de nombreuses corn positions pour des festivals de musique contemporaine de renommée internationale. Kang Sukhi est né à Séoul en 1934. Après des études d'architecture au lycée technique de Séoul, il est entré à la faculté de musique de J'université nationale de Séoul, alors que son grandpère, qui était banquier, avait espéré voir cet aîné de ses petits-fils apporter sa contribution au développement

industriel du pays, ce qui répondait assez bien à son goût pour les mathématiques et les sciences. Il prenait d 'ailleurs sa décision de façon presqu'instantanée après avoir commencé, un peu par hasard, à fréquenter l'église pendant la Guerre de Corée ; là, il s'était familiarisé avec la musique au travers des cantiques et autres chants sacrés. Sa foi en Dieu aidant, à une certaine époque, il devait penser aux études de théologie ; mais, un jour, tout à coup, il éprouvait le désir de connaître la rn usique en 57


transcrire les notes sur du papier à musique, puis j'essayais d'en mémoriser les partitions... C'est ainsique je me suis senti de plus en plus proche du monde de la musique et que j'ai commencé à prendre un peu plus d'assurance concernant mes capacités dans ce domaine". En cet endroit, Kang Sukhi devait rencontrer de nombreux amis ; de plus, cette salle de musique était fréquentée par de nombreux étudiants des sections de philosophie, de mathématiques, de littérature, d'art dramatique et autres, c'était pour lui l'occasion d'obtenir de vastes connaissances relatives à divers domaines. Une année d'expérience devait le

profondeur. "Quand je suis entré à l'université, explique-t-il, je connaissais à peine quelques morceaux de musique ; c'est pourquoi j'ai decidé de consacrer une année entière à écouter de la musique; les cours à peine terminés, j'allais passer mon temps dans une salle de la rue Chongno qui portait le nom de ·"Renaissance", où l'on pouvait écouter de la musique classique. En écoutant cette musique, je m'effor çais d'en

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ordinaire et simple spécialisé dans le -. domâ"rife de l'art. Epris de James Joyce, attiré par le génie de Hegel, de Schopenhauer, de Nietzche et de Léonard de Vinci, émerveillé par leurs oeuvres littéraires ou artistiques, il devait profiter de ses études en Europe, comme il le dit lui-même, pour découvrir un monde encore plus vaste en procédant à un dialogue objectif avec des étudiants ou des spécialistes d'autres domaines. Diplômé de l'université, il se

retrouvait à deux doigts de la mort à la suite d'une maladie subite. Après une grave opération subie à la suite d'une infection hépatique, il est pratiquement condamné à mort par les médecins, mais il réussit miraculeusement à guérir. C'est à cette époque qu'il obtient la certitude qu'il lui faut se consacrer à la composition musicale. "En passant de longs mois allongé sur mon lit d'hôpital, je me suis dit qu'il me fallait faire un travail qui en vaudrait la peine. Je suis persuadé, dit-il, qu'après avoir échappé à la mort, n'importe qui penserait de la même façon." Il s'est alors intéressé à la musique électronique. C'est peut-être à cause du goût ressenti au temps du lycée pour les mathématiques et les sciences que, sur son lit d'hôpital, il s'était mis à lire des ouvrages concernant la musique électronique. A l'époque, il s'agissait encore d'un domaine absolument nouveau ; mais, à force de volonté, il devait réussir. Au début, pour travailler, il empruntait les instruments électroniques de la chaîne KBS (Korean Broadcasting System), alors situé sur les pentes du mont Namsan. C'est à la même époque qu'il compose son "Wonsaeui hyangy6n" (Le festival des couleurs fondamentales), une composition musicale qui sera exécutée pour ·la première fois en 1966, au Théâtre national du quartier de Myongdong. ')e n'ai jamais cessé de changer au cours des quarante dernières années, dit-il, et je suis persuadé que 'l'artiste qui s'adonne à la création doit toujours se rénover. Cela est particulièrement vrai dans le domaine de la corn position musicale." C'est quand on a dessiné la partition que commence la rn usique, mais les sons en eux-mêmes restent invisibles. Etant invisible, la structure doit en être plus précise et logique pour ne pas s'écrouler. C'est pour cette raison qu'il désigne la corn position rn usicale comme "une architecture invisible". "Tout comme la construction érigée


sur les bases de plans précis et de calculs structuraux apparaît d'une grande beauté, tout comme la beauté du diamant et sa valeur peuvent être mises en relief et être estimées quand on lui a fait subir une taille parfaite, la composition musicale, elle aussi, doit ériger un édifice invisible sur les bases d'une technique permettant d'en dessiner la structure de façon logique." Pour Kang· Sukhi, tout comme la philosophie atteint l'idéal au moyen de la logique, la composition musicale est un art qui exige un long processus d'affinement de l'esprit. C'est pourqum il reste persuadé que la composition musicale est un travail possible, même s~n un talent musical inné : en effet, cette composition musicale est un travail de construction logique de chacun des sons, du rythme et de la structure.

La recherche de la tradition Sa rencontre, en 1968, avec le compositeur coréen de renommée mondiale, Yun Isang, sera pour son oeuvre un moment décisif. La rencontre eut lieu aussitôt après la condamnation à mort de Yun lsang, qui avait été impliqué dans l'affaire connue sous le nom "d'incident de Berlin-Est", alors qu'il se trouvait remis en liberté provisoire pour raison de maladie et hospitalisé au Centre hospitalier de l'université nationale de Séoul. Pour Kang Sukhi, cette précieuse rencontre reste un fait inoubliable. De ce maître heureux de l'occasion qui lui était ainsi offerte d'enseigner sa disciple malgré sa situation, il devait apprendre que la création musicale doit s'exprimer de façon logique. De plus, du maître il apprit la méthode permettant d'exprimer dans ses oeuvres les éléments musicaux coréens. Si, en 1970, Kang Sukhi partait avec une bourse du gouvernement en vue de poursuivre ses études de musique à la faculté de musique de l'université de Hanovre en Allemagne, c'était aussi sur la recommandation de Yun lsang. Kang Sukhi étant très lié à son maître,

"Chercher la tradition dans la modernité n'implique pas la découverte d'éléments artistiques primitifs. Nous recherchons les origines de l'art, ses élém ents fondamentaux C'est ainsi que nous pourrons dissoudre les frontières':

l'influence devait se révéler profonde et les compositions de cette époque, comme "la prière bouddhique" ou "la création", furent composées à la suite des discussions entre les deux musiciens. Vers la même époque, Kang Sukhi commence à s'intéresser à la musique bouddhique : non loin de chez lui, se trouve le temple de Pongwonsa et,

chaque matin, il est réveillé par le son de sa cloche. L'intérêt porté par la suite aux cloches des temples bouddhiques remonte à l'année 1968, au moment où la section de rn usique coréenne de l'université nationale de Séoul lui confie la composition d'une pièce de musique. Il commence alors à étudier les p6mp'ae (des chants bouddhiques rituels) et, pour cela, il se rend au temple de Haeinsa : ayant l'habitude de méditer longuement avant de procéder à la composition de ses oeuvres, il se sentait le besoin de faire une profonde expérience. A l'arrivée au temple de Haeinsa avec les cerisiers en pleine floraison, ce fut un véritable émerveillement : à la vue de cette belle forêt où les pétales dès cerisiers tombaient comme des flocons de neige, de l'eau des torrents de la montagne, qui brillait comme des écailles de poissons au milieu des rochers, l'esprit du compositeur se remplit immédiatement de sons rn usica ux : il a v ait pris l'habiude de penser les choses et les pa y sages sous forme de sons. Le spectacle de la prière bouddhique lui parut encore plus étonnant dans l'environnement de ce temple. Au milieu de la nuit profonde dépourvue de la moindre lumière, le son grandiose de la récitation des textes sacrés du bouddhisme se répandait majestueusement pour aller "éveiller" le monde entier. C'est à cette époque que fut composé le "yebul'' (prière bouddhique), une oeuvre musicale avec solos, choeurs et trente musiciens jouant d'instruments à percussion. Grâce à une précieuse documentation obtenue par hasard, alors qu'il faisait des recherches concernant la cloche Emilie fondue en l'an 770, il compose une oeuvre intitulée "Nang', qui mérite d'être comptée parmi les chefs-d'oeuvre de la musique contemporaine. Cette oeuvre composée au cours de ses études en Allemagne et achevée en sept mois sera sélectionnée pour le festival de l'ISCM en 1978. On y retrouve les caractéristiques de la rn usique coréenne traditionnelle, en 59


particulier les instruments tels que le ka yagum ; la cloche bouddhique, elle

aussi, fait partie de ces instruments. Après avoir rencontré Yun Isang et travaillé avec lui, Kang Sukhi n'a cessé de se demander comment il pourrait exprimer la Corée dans sa musique. Ses oeuvres contiennent ainsi de nombreux éléments traditionnellement . coréens, comme le kayagtlm et les cloches. Le thème de "Manp'a", tiré de l'expression "Manp 'asij6k", et bien d'autres viennent du "Samguk yusa" (Faits oubliés des Trois Royaumes) ; quant à son oeuvr~ qui porte le titre de " Talha" , il s'agit d'une pièce pour musique à cordes qui est une tentative destin ée à lier le langage musical contemporain et le "s ujech 'on", la musique traditionnelle du peuple coréen. "Le travail destiné à la recherche de la tradition dans l'époque moderne n 'est nullement la recherche du caractère primitif de l'art, mais un effort destiné à retourner au type même de l'art ; et c'est en vérité l'unique voie susceptible de permettre à l'art d'un pays de se libérer des limites régionales pour parvenir aux caractéristiques mondiales et universelles de l'art." Il s'agit de rechercher la tradition afin de perpétuer l'esprit spécifiquement coréen et de parvenir à l'universalité du monde. Mais cela aussi exige un processus pour prendre la forme de l'art : il doit y avoir une logique. Ce qui ne cessait de torturer Kang Sukhi pendant son séjour en Allemagne, c'était d'un côté le caractère logique et rationnel de la pensée et, de l'autre, le dépassement technique. La caractéristique essentielle de ses oeuvres réside dans la méticulosité de la structure et, depuis son séjour en Allemagne, il refuse absolument de se fier à ses sentiments pour rechercher une musique abstraite toute pure et basée sur un calcul d'une extrême précision. "Pendant très longtemps, je me suis intéressé très profondément à la musique coréenne traditionnelle ; ce 60

qui me semble d'ailleurs contradictoire, c'est le fait que je me suis toujours consacré à une musique abstraite et absolue plutôt que de chercher à écrire de la musique proprement coréenne. Je garde l'espoir de devenir un compositeur faisant tout ce qui est en son possible pour polir et polir encore ses sons et ainsi fabriquer des bijoux d'une parfaite sonorité". La musique dont rêve Kang Sukhi n'est pas un art dont l'essentiel serait la mélodie, elle doit être centrée sur la structure. En d'autres termes, toutes les formes possèdent une beauté différente, beauté en relation avec la structure spécifique de chacune ; et une telle beauté extérieure ne peut s'obtenir que grâce à une structure interne d'une conception parfaite. Par conséquent, conformément à l'esprit de sa composition rn usicale, la structure de la rn usique doit faire l'objet d 'une planification et de calculs d'autant plus précis·; et. minutieux qu'il s'agit d'un art dépourvÙ de formes extérieures. "Encore aujourd'hui, dit Kang Sukhi, j'ignore si je possède ou non un don particulier pour la musique: au fond de ma pensée, quelque chose m'a toujours dit qu'il n'en est rien et, malgré cela, je n'ai cessé de créer différents genres de musique et mes compositions sont exécutées dans tous les pays du monde. La composition musicale telle que je l'envisage est un travail qui se réalise peu à peu, tout comme on s'adonne aux études dans un domaine spécifique. Les philosophes, les physiciens ou les mathématiciens ne sont pas persuadés qu'ils possèdent de façon innée un talent tenant du génie dans le domaine de leur spécialité. Grâce au développement de leur intelligence, ils ont appris ce qu'est la logique et, par ce moyen, ils sont parvenus aux sphères les plus élevées". Dans la vie quotidienne, nous employons souvent des expressions comme "époque moderne" ou ''époque contemporaine". Cet adjectif "moderne" vient qualifier une multitude de choses; par exem pie, nous parlons de "l'art

moderne", de "l'architecture moderne", de "la pensée moderne" et autres. Sans aucun doute possible, l'adjectif "moderne" est utilisé dans une signification qui désigne un passé assez récent, proche de notre temps. Malgré cela, son hermétisme aidant, la musique moderne ou contemporaine donne l'impression d'être distante du public ordinaire. Dans ce cas aussi, on parle toujours des "compositeurs modernes" et, si l'on insiste sur le mot "moderne", cela signifie qu'on les traite d'une façon particulière. "Très souvent, on affirme que la musique moderne ou contemporaine est peu intéressante, qu'elle est difficile à comprendre, mais cela est le résultat du fait que le grand public manque de formation dans ce domaine : nos grands-mères aiment le p'ansori et les chants folkloriques populaires, alors que les jeunes préfèrent Beethoven ou Mozart. Cela est d'ailleurs possible parce que, depuis leur enfance, ils ont appris ce qu'est l'harmonie et non pas parce qu'ils s'en sentiraient tout à coup rapprochés : l'art n'est pas seulement une question de sensibilité ; il faut faire des efforts en vue de le comprendre". Après avoir sans cesse tenté d'écrire des oeuvres selon une technique de composition musicale moderne depuis le début des années 1960, alors qu'il n'existait pratiquement aucune information relative à la musique moderne, grâce à son esprit expérimental et à ses incessantes recherches concernant de nouvelles techniques, Kang Sukhi sait créer un monde musical qui le distingue des autres compositeurs ; et, bien qu'il soit d'une grande fécondité, chacune de ses oeuvres reste différente des autres : elles sont toutes composées suivant l'intuition et les exigences du moment. Depuis qu'avec Kim Su-gùn, l'architecte aujourd'hui disparu qui fut chargé de l'établissement des plans pour la construction du pavillon de Corée lors de l'Exposition universelle d 'Osaka, en 1970, il est devenu mondialement connu pour avoir été chargé d'écrire de la rn usique pour


cette même exposition, il a toujours attiré l'attention internationale grâce à de nouvelles oeuvres. Les cours de musique électronique suivis à la faculté de musique et à la faculté des sciences de Berlin représentent la période capitale de sa formation et, jusqu'à son retour en Corée, il travaillait pour se faire reconnaître a u ni veau international. Il a reçu de nombreux prix : un prix loTs du Festival des compositeurs de musique çle Paris, en 1976, pour ses "Métamorphoses" pour flüte et quatuor à cordes, le prix du meilleur compositeu!· de la République de Corée, en 1979, le prix de la culture et des arts de la République de Corée, en 1990, et autres. Il s'est encore acquitté de nombreuses compositions pour des programmes int ernationaux, par exemple le DADA Art Program ou la Japan Foundation. Un fait éton na nt qu'il nous faut encore citer, c'est que, depuis les années 1970, il continue à lui seul à organiser le Pan Music Festival destiné à faire connaître en Corée la musique contempOI·aine mondiale et à faire connaître au monde entier la musique coréenne traditionnelle ; il s'agit-là d'une contribution considérable à l'histoire de la musique coréenne contemp01·aine. Tout en se consacrant avec une ardeur peu commune au progrès et au développement de la musique contemporaine, Kang Sukhi porte un très grand intérêt à la formati o n de la nouvelle génération ; connu comme "le professeur qui ne ménage p as sa peine", pour ses disciples, il est à la fois le maître sévère et l'homme plein de chaleur qui écoute et sait se montrer attentif à leurs problèmes. Ses cours ont quelque chose de spécial et, à en juger par le fait qu'un grand nombre de ses anciens élèves se révèlent dans les concours internationaux de musique co ntemporaine, on peut faci lement deviner l'intérêt et l'attention qu'il leur porte. Parmi ses disciples préférés, on peut citer Chin Un-suk et Sin U-ri qui déjà s'adonnent à de nombreuses activités sur la scène internationale en

qualité de corn positeurs de rn usique moderne. Cet homme qui, dès qu'il travaille à la composition musicale, fait preuve d 'une telle logique et d 'un esprit si systématique que ses amis l'ont surnommé "la logique", qui parcourt le

monde en toute liberté dès qu'il a un peu de loisir est désormais un artiste accompli âgé de plus de la soixantaine ; cependant, comme le monde de ses oeuvres le montre, ses efforts orientés vers la nouveauté ne semb lent pas devoir cesser de si tôt. +

Kang au Gaudeamus à Amsterdam en 1996 (en haut); avec des étudiants (en bas)

Tout en se consacrant avec une ardeur peu commune au progrès et au développement de la musique contemporaine, Kang Sukhi porte un très grand intérêt à la form ation de la nouvelle génération. 61


ARTISTES COREENS A L'ETRANGER

L'élégance subtile de

Sang-nam Lee Yoonie Rédactrice de la revue Space

L

es oeuvres de Lee Sang-nam sont extr~mn provocantes ; elles lancent un véritable défi à quiconque essaie de les . comprendre. Pour la plupart, les amateurs d'art se plaisent à placer une peinture dans une catégorie avant de l'examiner en détail. Quand ils n'y parviennent pas, ils se sentent mal à l'aise, parfois au point de s'en désintéresser totalement. En ce sens, l'art de Lee est inconfortable. On devine une certaine gêne et de l'insatisfaction sur les visages des visiteurs aux expositions de Lee. Cependant, ses oeuvres dégagent un tel magnétisme qu'il est impossible de s'en détourner. Face à une peinture de Lee, on est confronté à différentes conceptions de l'art. Les formes et les silhouettes qui habitent l'oeuvre de Lee évoquent les images mécaniques qui ont captivé l'imagination des artistes au début du siècle. Elles ressemblent en quelque sorte aux mystérieux symboles géométriques qui apparaissent sur les peintures rupestres de l'ère préhistorique et délimitent un territoire sacré dans lequel il est interdit de pénétrer. Les oeuvres de Lee possèdent aussi une beauté immédiate dépouillée, si moderne, qu'elles semblent futuristes comm e' un vaisseau spatial flottant dans lè vide cosmique. A d'autres moments, les oeuvres de Lee semblent aussi renfermer une vision bouddhique ou le concept du yin et du yang. 62

Lee Sang-nam

Les oeuvres de Lee possèdent aussi une beauté dépouillée, si moderne, qu'elles semblent futuristes comme un vaisseau spatial flottant dans Je vide cosmique. A d'autres moments, les oeuvres de Lee semblent aussi renfermer une vision bouddhique ou le concept du yin et du yang.

Il est hors de question de décrire le sujet des oeuvres de Lee et pourtant elles ont une qualité indéfinissable qui les empêchent de glisser dans l'abstraction pure. Le sujet semble changer d'un instant à l'autre. La substance de la peinture est insaisissable. On croit la tenir, elle s'échappe à nouveau, vacillant un instant, floue et lointaine. C'est cette sorte d'arrogance indéfinie qui donne à l'oeuvre de Lee une aura particulière. Toutes les issues vers la substance intrinsèque de ses peintures semblent avoir été délibérément refermées par l'artiste lui-même. Bien que les oeuvres de Lee soient un défi à toute forme d'analyse, on y perçoit une quête de la perfection. Les oeuvres présentées à la galerie Hyundai au printemps dernier peuvent se classer en deux catégories : les toiles et les dessins. Les toiles ont l'aspect et le lustre du cuir, ainsi obtenus par l'artiste en repétant inlassablement la technique suivante: il pose une couche de peinture qu 'il gratte aussitôt puis recouvre à nouveau. Il place deux cercles concentriques au centre de la toile. Au-dessus, il représente d'étranges formes qui semblent se mouvoir parfois indépendamment, parfois ensemble. Il est facile de déceler dans les oeuvres une intransigeance et une opiniâtreté dont les origines nous sont inconnues. Il vient à l'esprit l'image d'un artiste aux sourcils froncés, le corps tendu en train de faire tourner


son compas ou de manipuler son pinceau. Les dessins ne sont pas de simples esquisses préparatoires mais des oeuvres en soi. Elles sont parfaites. Pas une trace de dispersion ou d'hésitation dans leurs lignes en lames de couteau et les délicats contrastes de couleurs. Les formes et la composition semblent bien plus complexes que dans les toiles. L'artiste pourrait même nous avoir montré un peu d'égards et je~é quelques indices. Peu importe le processus de création les oeuvres des formes qui trav~sen de Lee, elles restent anonymes et leur géométrie outrageusement personnelle. . Pour mieux comprendre les oeuvres de Lee, qui demeurent définitivement

hostiles, il est normal d 'essayer d'analyser l'origine des formes qui y figurent. Dans tout art plastique, on ne peut guère dissocier les représentations des expériences de l'artiste. Lee reconnaît que son penchant avide pour l'observation de toutes choses peut être à l'origine de son goût pour les lignes. Sauf en étudiant son carnet d'esquisses à fond , elles demeurent difficiles à définir et ressemblent à des citations de source inconnue.

Le côté oriental Dans le cas de Lee, l'explication la plus ambigüe et la plus sûre est le qualificatif "oriental". Après tout Lee est asiatique mais il vit et travaille en occident. Après avoir obtenu sa licence

à l'université Hongik en 1978, Lee a peint en Corée quelque temps puis il est parti pour les Etats-Unis en 1981. Il s'est installé à New York où peu à peu il a été reconnu en tant qu'artiste. Ceci paraît tout simple, mais c'est au prix d'épreuves douloureuses, difficiles à imager, que Lee est parvenu à ce statut. A New York, la tentation la plus irrésistible pour un étudiant ou un résident qui y travaille est de s'offrir le luxe que son oeuvre soit considérée comme "asiatique" ou "orientale". Il se peut qu'un artiste en vienne à mieux reconnaître la valeur intrinsèque de sa culture quand il en est éloigné. Ceci peut-être issu d'une obsession à créer quelque chose de différent. Bref, l'Occident a teodance à qualifier

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Minus & Plus (Hz06), 40 x 55 in~

peinture à l'eau et crayon de couleur sur papier, 1989 63

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"d'oriental" tout ce qui semble échapper à son entendement. Selon bien des critiques, Lee recrée de manière orientale l'esthétique géométrique occidentale, figure l'univers de la méditation orientale ou bien produit des représentations rn y stérieuses et sublimes. Mais qu'entendent-ils donc par _ "oriental" et à quels éléments artistiques l'appliquent-ils ? Les Coréens sont tellement habitués à voir des choses en apparence "orientales" et sont tellement convaincus de devoir conférer à toutes leurs créations une touche asiatique que le mot perd tout son sens. En tant qu'asiatique, je ne cesse de me demander face à l'oeuvre de Lee d'où · cette rn ystérieuse touche orientale vient. L'un des éléments les plus subtils de son oeuvre est sa façon d'appliquer successivement soixante-dix couches de peinture: après avoir effacé presque entièrement la première, il la recouvre d'une nouvelle et ainsi de suite. Si l'on se contente de regarder ses toiles, on n'a aucune idée de leur processus de création. En d'autres termes, l'effort de l'artiste n'apparaît pas. On se demande d'autant plus d'où vient leur intensité. En fin de compte il convient d'interpréter son oeuvre du point de vue de la discipline zen. Bien entendu, les critiques ont comparé sa manière de travailler au "moine boud-dhiste en train de faire pénitence". Pourtant, en réalité, l'image d'un artiste qui travaille avec un acharnement dangereux pour sa santé est plus occidentale qu'orientale. C'est l'image issue du romantisme de l'artiste qui souffre et achève une oeuvre en exprimant toutes les émotions qui le consument. Certes, il existe des similarités entre la rigueur de la discipline zen et l'image romantique de l'artiste occidental engagé mais il y a à la base une différence dans l'objectif. Le but de la pratique zen est d'atteindre un état définitif de paix par l'intermédiaire d'un processus d'endurance et d'abnégation de soi. A cet 64

égard, les critiques qui qualifient la méthode de travail de Lee de zen ont raison. Bien que le but ultime ne soit pas nécessairement l'atteinte d'un état de sérénité ou d'humanité suprêmes, la façon dont il élabore ses oeuvres relève de l'abnégation de soi. Cette manière d'aborder les choses, tout comme celle des architectes qui ne tolèrent pas la moindre erreur est indéniablement zen. Si l'on observe soigneusement les dessins de Lee, formes et couleurs évoquent la lune ou le concept de yin et de yang. Des titres comme "Plus et moins" ou "Blanc et noir" le confirment. L'image des deux cercles concentriques souvent placés au centre du dessin encourage cette interprétation de son oeuvre du point de vue d'une vision asiatique du monde. A la fois à l'est et à l'ouest, le cercle est une figure hautement symbolique. En-:occident, il apparaît sous forme de halo au-dessus de la tête des saints. En Orient, il représente la vision circulaire de l'univers bouddhique. Dans l'art abstrait contemporain occidental, il a toutefois perdu toute signification symbolique. Les artistes contemporains préfèrent le carré au cercle chargé de symboles. Le carré reflète mieux la vision contemporaine du monde. En dépit de ces tendances, le cercle demeure partie intégrante du symbolisme de Lee. Bien entendu, les formes créées par un artiste ne peuvent pas être dissociées de ses propres souvenirs. Personne ne niera que les épaisseurs de motifs et de tons qui recouvrent les oeuvres de Lee ne sont pas issues des ses origines et de son éducation coréennes. Mais il est insuffisant d'expliquer la place de Lee dans l'histoire de l'art par le mystère asiatique que son oeuvre dégage. Les motifs de Lee résultent inconsciemment de son regard avide pour toutes choses qu'elles soient influencées par l'Asie, l'élégance des peintures d'érudits, la vision bouddhique

de l'univers ou la théorie du yin et du

yang. Ne juger son oeuvre que d'un point du vue asiatique est dangereux car Lee est en fait bien plus versé dans l'art de l'Occident que celui de l'Asie. Il appartient à cette génération d'expatriés qui échappe au besoin d'avoir leur travail identifié comme.coréen ou asiatique.

Développements artistiques Pour comprendre l'oeuvre de Lee, il est donc nécessaire d 'éviter toute conclusion hâtive sur ses caractéristiques asiatiques et de comprendre dans quelles conditions il s'est battu pour créer. Il lui a d'abord fallu surmonter l'état d'esprit hérité de ses maîtres coréens. Fallait-il prendre position en tant qu'artiste indépendant ou laisser les choses venir et attendre les occasions qui s'offriraient à lui sur son chemin ? Il a dû se demander s'il était prêt pour une vie de répétition académique et qu'elle était la nature de sa vision artistique. Le résultat de ce combat est visible dans ses efforts pour éliminer toutes traces de maniérisme. On peut voir le degré de métier de Lee dans sa façon de peindre les épaisseurs de peinture puis de les effacer avant de les recouvrir et dans la méticulosité de sa technique. Son habilité à survivre dans le monde artistique de New York est une autre preuve de sa force. Son exposition en Corée ne nous dit pas comment il s'est débattu pendant seize ans dans la capitale mondiale de l'art moderne. En tous les cas, il est certain que Lee est capable de se placer dans le grand courant de l'histoire de l'art contemporain. En apparence, ses oeuvres évoquent le travail de Picabia en France. Plus en profondeur, elles rappellent Marcel Du cham p. Elles effleurent tous les aspects des multiples facettes du modernisme occidental. C'est donc au sein de l'histoire de l'art occidental que Lee doit trouver sa place. Les caractéristiques asiatiques de


Minus & Plus (M.H.O.O.Q), 40 x 26 in., peinture à l'eau et crayon de couleur sur papier, 1991 (à gauche); Red+ Red (May), 40 x 26 in., peinture à l'eau et crayon de couleur sur papier, 1993

son oeuvre relèvent d'un langage, un langage au pouvoir persuasif. Si l'on analyse les développements de l'art depuis les débuts de Lee -c'est-à-dire quand les artistes coréens cherchaient à absorber le modernisme occidental de toutes les manières possibles pour le transformer- et la découverte de son style propre, il faudrait s'efforcer de découvrir les traces d'une identité artistique 'contemporain bien coréenne et bien distinct d'une sim pie touche asiatique ambigüe. Jusqu'à présent j'ai parlé, non pas de ma lecture de l'oeuvre de Lee, mais de possibles lectures erronées. Puis l'esprit

libre de toute notion sur l'art, je me suis placé devant son oeuvre. On ne gagne rien dans l'effort de compréhension des figures symboliques de l'artiste, de leur origine ou de l'acte de création qui les a fait apparaître sur la toile. Mais en fait, est-il nécessaire de connaître la génèse, l'essence ou le but de l'art ? La joie que donne l'art de Lee ne se trouve pas dans la' quête de sa signification mais dans le plaisir même de l'incertitude ? L'oeuvre de Lee ne nous suggère aucune interprétation précise, et pourtant ses toiles ne sont ni froides ni dures. C'est un plaisir pour le regard et

pour l'imagination libre de ses évocations. On peut voir l'art de Lee··sans le comprendre vraiment. Plus on essaie de le saisir, plus il échappe. La subtilité de son art du point de vue visuel n'est pas un flou déroutant mais une véritable offrande. On peut toujours lire l'oeuvre de Lee après avoir été gagné par la solitude et l'élégance de ses scènes. Je puis, désormais, prendre une chaise et m'installer à l'aise devant son travail. Je veux que tous les concepts et toutes les idées projetés par l'artiste défilent sous mes yeux. + 65


A LA DECOUVERTE DE LA COREE

Le condiment national coréen

Le Kim Manjo

Consultant de l'industrie alimentaire

L

e kimchi est un mélange de légumes fermentés ayant une saveur unique très piquante et appétissante. Le choux chinois ou les radis sont les légumes les plus communément utilisés dans la préparation du kimchi d'aujourd'hui. Ils sont ensuite mélangés à d'autres légumes plus épicés, des sauces, du sel et des assaisonnements différents pour obtenir un mets qui puisse nourrir aussi bien l'âme que le corps des Coréens. En effet, le kimchi apporte à la fois un confort physiologique et psychologique aux Coréens. Un soir d'hiver très froid, un bol de riz fumant accompagné d'une soupe de pâte de soja fermentée et du kimchi qui vient d'être juste sorti d'une grande jarre marron enterrée dans l'arrière-cour peut autant satisfaire les Coréens qu'un grand banquet dans un restaurant de luxe. Le kim chi a été une part de la cuisine

coréenne pendant des siècles et confectionné selon plus de 300 manières différentes, selon les régions, les saisons et les goûts personnels. A travers le monde, les gens ont eu l'habitude de consommer une certaine forme de légumes fermentés, en général des choux, pendant plus de 4.000 ans. En 2030 av. J.-C., les habitants du nord de l'Inde ont apporté des semences de choux dans le sud de la Chine. La préserya:t ion des légumes dans une saumure était très répandue en Chine, en Mongolie et dans la péninsule coréenne depuis très longtemps. Quelques 2.000 ans auparavant, les ouvriers qui ont bâti la grande rn uraille de Chine arrivaient à maintenir une santé solide grâce aux légumes salés. Ils étaient nourris de choux préservés dans une saumure et dans du vin de riz. Environ 1.000 ans plus tard, Genghis Khan et ses troupes ont emmené ce mets piquant

Les Coréens préparent une grande quantité de kim chi à la fin de l'automne afin de le consommer en hiver lorsque les légumes frais font défaut. 66



avec eux en Europe. Il est par la suite devenu une nourriture de base pour les Européens. Les Coréens dans l'ancien temps avaient l'habitude de garder les légumes dans une saumure ou du vinaigre et avec d'autres épices. Quelquefois, ils frottaient la surface des légumes avec du · sel ou encore les préservaient dans une saumure ou chang, des sauces de pâtes de soja préparées à partir de soja. On pense que les pickles chinois importés en Corée seraient à l'origine du kimchi. Ils étaient ensuite transformés de façon qu'ils soien~ adaptés aux palais coréens pendant la période de Shilla unifié (668-935). Dans un document écrit par le lettré Yi Kyu-bo de KoryèS (11681241), on apprend que des radis du jardin ont été conservés dans de la saumure pendant la longue saison d'hiver. Ce met aurait été probablement un précurseur du tongch 'imi, les radis coupés en tranches fines mises à fermenter dans une saumure d'eau salée que les Coréens d'aujourd'hui apprécient. Le kimchi rouge piquant consommé

68

aujourd'hui a fait partie de la culture culinaire coréenne depuis le XVIIe siècle lorsque les commerçants portuguais ont introduit le piment rouge en Corée. Un livre de cuisine datant de 1670 décrit un mélange de légumes verts sauvages et de courges mélonnées macérées dans du vinaigre, mais l'utilisation du piment n'est pas mentionnée. Un document historique de la fin du XVIIème siècle décrit 11 recettes différentes de kimchi. C'est seulement en 1766 que l'on dé cou v re la première référence indiquant l'utilisation du piment rouge dans la préparation du kimchi. Le kimchi fait de choux entiers et d'autres plats pimentés a commencé à être apprécié depuis le milieu de l'époque de la dynastie Choson (1392-1910). A cette époque, on a ajouté les piments rouges pour donner du goût, mais sans savoir qu'ils avaient également des qualités conservative et nutritive. De nos jours, le piment rouge est devenu un ingrédient indispe.nsable pour la plupart des kimchi. D'après ' des études récentes, ils empêchent les micro-organismes néfas-

tes de se développer au cours du processus de fermentation. Avant l'apparition du piment rouge, le kimchi a été préservé dans de la saumure d'eau salée ou de vinaigre et d'autres épices. Pendant longtemps, les grandes jarres brunes enterrées dans la cour étaient le seul moyen de préserver les légumes frais et délicieux avant l'apparition des techniques agricoles modernes ou la réfrigération. Souvent les légumes ont été déshydratés pour la consommation en hiver, mais ceci a causé la perte de la saveur et des agents nutritifs. Poisson, sauce ou pâte d'huîtres (chè5tkal), ont été ajoutés à partir de 1800 de façon à faciliter la fermentation et améliorer le goût. Quelque fois la sauce d'oreille de mer est ajoutée dans le mélange pour réduire l'acidité. Le sel est utilisé pour produire l'acide lactique.

Etude scientifique Le Dr. James Lind avait effectué la première étude scientifique sur les légumes salés dans les années 1700. Son


Le Nabak kim chi est un kimchi saisonnier populaire car il est facile à préparer, particulièrement en petites quantités.

but était de trouver la raison pour laquelle les marins hollandais qui avaient transporté de grandes quantités de légumes salés sur la cale du navire n'ont pas souffert de scorbut aussi fréquemment que leurs homologues anglais. Son étude avait démontré que les légumes salés étaient antiscorbutiques. C'est-à-dire qu 'ils empêchaient une carence en vitamine C. A la suite de son étude, Lind avait compris que les légumes salés ou fermentés fournissaient à notre corps non seulement de la vitamine C mais également l'aidaient à utiliser et à assimiler la substance organiqué. Le biologiste russe distingué Elie Metchnikoff (1845-1916) qui avait étudié plusieurs groupes ethniques en Russie et dans l'Empire austro-hongrois, avait découvert que ces peuples jouissaient

d'une bonne santé, d'une longue vie et d'une existence vigoureuse. Il avait conclu son étude en expliquant que les facteurs les plus importants qui ont contribué à la longévité des peuples étaient un régime alimentaire basé sur l'acide lactique dérivé des légumes préservés dans une saumure d'eau salée. La première thèse en anglais consacrée à la fermentation du kimchi en mettant l'accent sur la période de maturation, a été présentée à la deuxième Conférence internationale de la science et de la technologie alimentaires, qui a eu lieu à Varsovie, en 1966. Depuis, environ 500 thèses sur le kimchi ont été publiées en anglais, en coréen et d'autres langues. La plupart de ces thèses avaient traité sur la nature physique et chimique de la fermentation du kimchi, sur la conservation, et les

ingrédients, mais certaines avaient présenté l'histoire du kimchi et les techniques variées de la préparation du kimchi. Aujourd'hui, les projets de recherche sont subventionnés par le gouvernement coréen, les universités ; et les compagnies privées s'intéressent de près au développement de nouvelles technologies en relation avec le kimchi telles que la mécanisation et l'automatisation pour améliorer les techniques d'emballage et ainsi prolonger la durée de conservation. plus de 60 compagnies en A présen~ Corée du Sud produisent du kimchi. Chaque Coréen en consomme en moyenne 18 kg par an. Bien que les chiffres en rapport avec la consommation et la production de kimchi en Corée du Nord ne soient pas connus, on pense qu'ils sont à peu près semblables à 69


ceux de la Corée du Sud. Le Nord est historiquement reconnu pour son kimchi très appétissant. En effet, les kimchi de P'y6ngyang et de Kaes6ng sont considérés comme de véritables délices. Le kimchi du Nord a été très apprécié par les dynasties chinoises de Ming et de Qing: Aujourd'hui, la plupart des kimchi les plus répandus en Corée sont faits de choux chinois, de radis japonais, de choux de printemps et d'été, de choux à tête ronde, de concombres, de poireaux, d'aubergines, de feuilles de sésame et d'oignons. Cependant, on peut toujours y ajouter d'autres légumes, cultivés ou sauvages. Le kimchi varie selon les ingrédients et la méthode de préparation. Par exemple, le choux et le radis utilisés dans le kimchi sont macérés dans une saumure d'eau salée ou sont mélangés

avec des épices et des assaisonnements. On peut y ajouter également de la sauce de soja, de la pâte de soja fermentée ou de la pâte de piment, du chOtkal, du vin de riz, du soju (alcool obtenu en distillant la patate douce), de la moutarde ou autres épices et condiments, du riz malté ou des alcools de fruits. La conservation adéquate du kimchi est un facteur important pour obtenir le résultat désiré en matière du goût et de valeur nutritive. Le kimchi doit être conservé à une température constante, autour de 5 degrés centigrade, pour éviter la congélation ou la fermentation excessive. Elle dure environ de quatre à six semaines à cette température. Traditionnellement, les jarres de kimchi ont été enveloppées de paille et enterrées dans le sol en hiver pour assurer une température constante. On doit faire attention à ce que l'air n'y entre

Ch'onggak kim chi, un kim chi préparé avec un radis propre à la Corée

Le kimchi est particulièrement appétissant lorsqu'il est préparé et conservé selon la vieille recette familiale. Les Coréens croient que la texture, la couleur et le goat du kimchi sont déterminés par la sagesse mystérieusement héritée

de mère en fille pendant des générations. 70

pas car le kimchi deviendra trop aigre dans ce cas-là. Par ailleurs, la juste proportion du sel environ 3 pour cent est un élément important pour réussir le kim chi. Le kimchi contient environ 42 mg de vitamine C par 100 g, soit plus de la moitié de la ration journalière recommandée aux Etats-Unis. Lorsque le capitaine James Cook avait navigué dans les années 1770, il a recommandé à ses marins de prendre une portion régulière de choux salés ch aque jour afin de prévenir le scorbut, une maladie due à l'insuffisance en vitamine C. Par ailleurs le piment rouge utilisé en quantité dans le kim chi est riche en vitamine E, qui agit avec le vitamine C comme anti-oxydant. Egalement il empêche l'huile de chOtkal de devenir rance. Le kimchi est riche en fibres, nécessaires pour la digestion , et aussi en minéraux et en vitamines, y compris thiamine (B-1), riboflavine (B-2), calcium et fer. En revanche, il présente une valeur énergétique insignifiante soit seulement 33 calories par tasse. Les gens qui avaient l'habitude de conserver la nourriture dans la saumure salée ne comprenaient pas l'importance du rôle micro-organique observé dans le processus de ferment ation. De nombreuses espèces micro-organiques tels que le lactobacille, ont été trouvées dans la nature. Peu d'entres elles arrivent à pénétrer les feuilles des plantes mais la plupart reste en surface. Prenons par exemple un morceau de chou et on le met dans un récipient sanitaire et le laisse pendant un moment sous la température de la pièce. On observe l'apparition des bactéries sur les cellules des plantes qui se répandent rapidement abaissant le niveau de PH et créant ainsi un environnement acide qui entraîne la fermentation. Dans cet environnement, on observe les micro-organismes salutaires tels que le lactobacille plantarum proliférer. A travers la réaction enzymatique, ces micro-organismes se transforment en sucre et en amidon qui se présentent dans les légumes sous la forme des


acides lactiques et acétiques, qui sont des agents de conservation naturels. Il est important de maintenir un bon équilibre microécologique dans l'appareil digestif humain. La consommation de légumes fermentés tels que le kimchi est une manière excellente de le faire. Lorsqu'il y a fermentation, le lactobacille transforme le sucre et l'amidon en acides lactiques et acétiques et crée un environnement qui favorise la prolifération des lactobacilles salutaires.

Le rythme de la vie coréenne Le savoir-faire .du kimchi a été longtemps considéré comme le baromètre des capacités culinaires de la femme au foyer coréenne. Bien que le goût du kimchi est créé à partir du sel, de l'ail, du gingembre, de l'oignon, du piment rouge, de ch6tkal et de la fermentation de l'acide lactique, le travail des mains est important pour donner un goût particulier unique au kimchi. Aujourdhui comme elles l'ont fait dans le passé, les femmes reconnaissent également qu'il est important d'avoir un kimchi au goût appétissant et à l'apparence fraîche dans la vie de tous les jours. Il n'y a pas deux individus qui ont un goût exactement identique pour l'aliment. En revanche, les gens ont tendance à partager des préférences générales. Les goûts personnels et collectifs ont contribué d'une manière ou d'une autre à la formation du comportement et de l'habitude de consommation, autrement dit, dans un terme général la culture culinaire. Le comportement de consommation constitue une base importante pour la communauté et s'il est partagé par la majorité de la population il devient une caractéristique unique dans la culture culinaire nationale. La nourriture est étroitement liée à la sensibilité' profonde de chaque individu. Elle constitue les toutes débuts des expériences sensuelles personnelles et le moyen à travers lequel chacun développe les liens d'amour avec ses parents et les sentiments sur le monde.

Tongch'imi, un kim chi rafraîchissant à base de radis habituellement consommé à la

fin de l'automne et au début de l'hiver

Cependaf'\t, la nourriture ne nous parvient pas gratuitement. En effet, elle demande un temps et un effort particulier pour créer un régime sain et adapté au goût des individus. Si l'on peut tirer une leçon à partir des expériences culinaires dans l'enfance, en général la nourriture doit répondre au goût sensuel et émotionnel de l'individu et en même temps doit être nourrissante physiologiquement parlant. L'aliment présente une importance psychologique majeure pour tous les gens. En d'autres termes, ceux qui n'ont pas un rapport satisfaisant avec la nourriture ne peuvent pas a voir un bon rapport avec les personnes. Les habitudes de consommation sont généralement influencées par les facteurs géographique, culturel et ethnique. Toutes les cultures culinaires doivent donc être considérées selon l'environnement naturel, la situation géographique, les pensées religieuses, le niveau économique et les traditions culturelles. Egalement il est essentiel de tenir compte de la capacité d'adaptation aux différents aliments du point d~ vue physiologique et émotionnel.

Le kimchi est particulièrement appétissant lorsqu 'il est préparé et conservé selon la vieille recette familiale. Les Coréens croient que la texture, la couleur et le goüt du kimchi sont déterminés par la sagesse mystérieusement héritée de mère en fille pendant des générations. Le kimchi préparé à la maison est souvent assaisonné de piments rouges, d'ail, de gingembre, d'oignon, de sel, de ch6tkal fait d'anchois fermentés, d'huîtres, de petites crevettes, de petits calamars, d'espadons, de crustacés, et quelque fois de noisettes et de fines herbes. Les ingrédients sont moissonnés, préparés et conservés à partir de la fin du printemps jusqu'au début de l'automne. Le processus entier de la préparation du kimchi, à partir de la moisson des ingrédients jusqu'au produit final, reflète le rythme de la vie coréenne. Un repas avec du kimchi et du riz tout chaud servis un jour enneigé fait réveiller les souvenirs d'enfance : le plaisir de courir sur les tas de choux et de radis tout nouvellement récoltés, la chaleur du soleil, le parfum délicieux et l'esprit de générosité. + 71


ACTUALITES

La collection d'objets traditionnels

de Ye Yong-hae Kim Kwang-on Professeur de folklore Université Inha

U

ne exposition de divers objets traditionnels a été inaugurée le 24 juin dernier, au Musée national folklorique. Il s'agit d'une donation, à ce même musée, faite par le défunt journaliste et collectionneur Yong-hae Ye (1929-1995), dont on célébrait également la publication des œuvres complètes. Sur les 290 objets offerts au musée, entre 1994 et 1995, 60 furent présentés à l'exposition. Parmi ceux-ci il y avait: des pierres à encre de chine en albâtre, en marbre, en granite et autres pierres r~es ; des boîtes à tabac de différentes formes ; des cassolettes ; des braseros ; des chapeaux de crin blanc ; divers marmites et casseroles ; une carte du monde ; des sandales de chanvre ; et des vases. Toutes ces pièces, en très bon état, furent amoureusement rassemblées et conservées pendant de nombreuses années par monsieur Ye, qui manifestement avait l'œil. Chaque pièce offre au spectateur un aperçu du sens de la beauté que possédaient dans le passé les Coréens. S'il n'y avait eu cet amour de Ye, il serait aujourd'hui difficile de voir des objets utilitaires de si grandes qualités et qui datent du royaume de Choson (1392-1910). Bien que ce ne soit pas très largement connu, Ye avait fait auparavant donation, au musée de l'université Kory6, d'une centaine de calebasses qu'il a collectionné pendant de nombreuses années. La qualité de ces pièces est au moins 72

YeYong-hae

équivalente à celles qui appartiennent à la collection du Musée national, et certaines sont uniques. Les efforts de Ye ·méritent le respect puisqu 'il a retourné au public ce qui appartient à son héritage culturel au lieu de le laisser entre les mains d'intérêts privés. "L'oeuvre complète de Ye Yong-hae" comprend six volumes ; celui intitulé "Les biens culturels humains" est le plus représentatif de cette œuvre monumentale. Parmi les divers écrits et articles ayant trait à la culture coréenne, il y a une série qui concerne le thé coréen, thème qui le passionna toute sa vie. On trouve également des comptes rendus d'enquêtes sur de nombreux sujets culturels et des articles qui furent publiés dans les colonnes du quotidien Hankook Ilbo, grâce auxquels il a gagné sa réputation d'écrivain. L'ouvrage "Les biens culturels

humains" est une compilation de cinquante articles que Ye rédigea, entre juillet 1960 et novembre 1962, pour le Hankook Ilbo, journal pour lequel il travailla pratiquement pendant toute sa vie. Pour cette série, il rencontra des gens qui exploraient le champ culturel traditionnel et qui gardaient vivante la sagesse des anciel)s Coréens. Les articles suscitèrent l'enthousiasme des lecteurs parce qu'à cette époque non seulement le public en général mais aussi les agences gouvernementales ne portaient que peu d'attention au biens culturels intangibles et à l'artisanat traditionnel. C'est grâce à ce travail que des livres sur la préservation de la culture traditionnelle furent publiés et qu'un projet fut lancé par le gouvernement pour désigner les biens culturels qu'il fallait préserver. Ye reçut à juste titre le prix de la culture de la ville de Séoul en 1963 et en 1977 une médaille du gouvernement central pour sa contribution à la préservation des biens culturels. .. L'intérêt de Ye ne se démentit pas et de 1964 à 1970 il publia 12 articles dans le Hankook Ilbo sous le titre "Suite : Les biens culturels humains". Né en 1929 à Chongdo-gun dans la province de Kyongsang du Nord, Ye étudia au lycée Ky6ngbuk et à l'université Ky6ngbuk à Taegu. Lors de la guerre de Corée, il fut correspondant de guerre pour le quotidien Taegu Ilbo et il resta sur le front jusqu'à la fin du conflit en 1953. Il commença à travailler pour le


ACTUALITES

Dans le sens de l'aiguille d'une montre, à partir d'en haut à gauche: pierre à encre du XIXème siècle, haute de 17 cm; encensoir de la fin du XIXème siècle haut de 12,6 cm; salle d'exposition du Musée national folklorique

Il écrivit de nombreux articles sur la préservation de l'artisanat traditionnel, lequel, comme J.a flamme vacillante d'une bougie, était en voie de disparition. Il fut, si l'on peut dire, le ''parrain" des métiers de l'artisanat, participant avec enthousiasme à la désignation des artisans comme "biens culturels

humains'~

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ACTUALITES

Hankook Ilbo en 1954 jusqu 'à sa retraite en 1990, à l'exception de deux ans passés au journal joongang Ilbo dans le milieu des années 1960. Ye travailla comme rédacteur en chef du

service culture et comme éditorialiste. De 1965 à sa mort, en 1995, Ye fut membre et vice-président du Comité des biens culturels au Ministère des Sports et de la Culture. A partir de 1992,

Blocs pour l'imprimerie cartographique indiquant les positions des planètes et de la terre 74

il fut consultant au Musée national fc,lklorique, et contribua grandement à son développement. Alors qu'il travaillait pour le Hankook Ilbo, Ye fut reconnu comme étant en tête de la recherche et de la préservation de la culture coréenne traditionnelle. Sa compétence allait de l'artisan a t, sa spécialité, aux biens culturels en général. Parce qu 'il travaillait pour la presse, il exerça une influence significative sur la politique des biens culturels nationaux. Ce fut sur recommandation de Ye, en 1974, que le directeur du bureau des biens culturels décida la création du Musée national folklorique. Ye joua également un rôle important dans la désignation, comme bien culturel, de la forteresse Nakansong dans la province de Ch6lla du sud. Il écrivit de nombreux articles sur la préservation de l'artisanat traditionnel, qui, tel la flamme vacillante d'une bougie était en voie de disparition. Il fut , si l'on peut dire , le "parrain" des métiers de l'artisanat, participant avec enthousiasme à la désignation des artisans comme "biens culturels humains". Aujourd'hui encore, il est exceptionnel de trouver quelql)'un dans le monde de l'artisanat traditionnel qui n'ait pas bénéficié, directement ou indirectement, du support ou de l'aide de Ye. Il faut noter qu'il a encouragé la sur les Fondation de Corée à enquêt~r biens culturels coréens dispersés à travers le monde. Il se précipita, de 1986 à 1994, dans le projet, voyageant en Amérique du nord, en Europe de l'ouest et de l'est jusqu'à la Russie. Ces nombreux voyages aidèrent non seulement les Coréens mais aussi les intellectuels étrangers à apprécier l'excellence de la culture coréenne. Grâce aux relations humaines qu 'il développa les recherches sur des vestiges purent se poursuivre a u Japon. +


ACTUALITES

Rhee Seund-ja

et son atelier à Tourrette LeeKu-yeol Critique d'art

E

n juin dernier, fai visité Tourrette sur Loup, une ville située dans les montagnes, à moins d'une heure de Nice, où de beaux et vieux hôtels particuliers ainsi que des maisons d'artistes sont en harmonie avec les vastes forêts environnantes. . Je me dirigeais vers un atelier d'artiste appelé "la Voie lactée", perché à 936 mètres d'altitude, à la recherche du monde comme peut l'être une base pour extra-terrestres. Il a fallu de nombreuses années pour obtenir le permis de construire et le bâtiment exotique a suscité beaucoup de controverses. La construction, maintenant achevée, la propriétaire et architecte, pouvait fêter l'événement. Seund-ja Rhee, est une artiste qui quitta Séoul pour Paris en 1951. Elle eut à affronter de nombreuses difficultés avant de gagner des prix et être enfin reconnue pour son expressionnisme fantastique, qui combine d'une façon unique les éléments de l'Occident et de l'Orient. Ceux qui assistèrent en juin dernier à la cérémonie reconnurent immédiatement que la forme du bâtiment renvoyait au motif principal qui apparaît dans ses œuvres depuis les années 1970. Ce motif exprime le cheminement de sa pensée orientale et sa vision propre de l'espace, jl apparaît régulièrement dans les séries ."Villes" et "Yin et Yang' comme dans la plupart des récents paysages imaginaires composés par Rhee. L'artiste a pris le motif de sa peinture et l'a transcrit directement en trois

dimensions. Elle a transformé son principal motif artistique en une forme physique, un lieu utilisé pour donner naissance à son art n est vrai aussi que l'atelier, maintenant, est une de ses œuvres. Il y a bien trente ans que Rhee a découvert ce site où, un jour, elle espérait pouvoir construire son atélier. C'est à mi-pente de la montagne, sans maisons proches, avec un point de vue remarquable dans les quatre directions. Rhee vint ici en 1966 alors qu'elle travaillait sur un mur en mosaïque intitulé 'le chant des cognées" pour une école à Touraine, ville située à proximité de Nice. Dans les environs de Nice se retrouvèrent des impressionnistes comme Renoir, Degas, Sisley, Matisse et Chagall, qui furent attirés par la beauté naturellè des sites, la lumière et le romantisme de la Méditerrannée. Ce sont, pour les mêmes raisons, des lieux de vacances recherchés. Un peu en hauteur se trouvent les villes de Saint Paul, Vence et Tourrette, qui se sont développées autour d'anciens châteaux. Dans le milieu des années 1950, quand elle commença à voyager dans la région, Rhee pensa qu'elle aimerait un jour construire ici un atelier. Le rêve se réalisa quand les honoraires, reçus pour la réalisation du mur en mosaïque à Touraine, lui permirent d'acheter les 5.600 m2 de terrain qu'elle convoitait depuis longtemps. Au débu~ elle transforma le bergerie 75


ACTUALITES

en pierre qui se trouvait sur le terrain en un atelier qu'elle utilisait quand elle venait de Paris. Du jardin, cultivé selon la tradition asiatique, on voit la nuit dans le ciel nocturne scintiller, comme des bijoux, des milliers d'étoiles. L'apparente proximité de la voie lactée captiva non

Oksut'o, 116 x 89 cm, 1967

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seulement le regard de Lee mais aussi son âme. C'est sa passion pour les cieux qui fut source de son imagination et de son expression poétique. Rhee appela la bergerie "La Voie Lactée". Sur les montants de la porte de fer du jardin, elle créa une mosaïque

avec son nom en caractères coréens. Chaque été et chaque hiver, Rhee se rendait ici pour passer quelques mois à travailler la gravure sur bois. La beauté de Tourrette l'ensorcella. Cela donna naissance à un nouveau rêve, le rêve de laisser, ic~ pour l'éternité,


ACTUALITES

quelque chose de son art C'est pourq~ sur un des côtés du large jardin, elle décida de construire un atelier qui serait l'expression physique de son monde artistique. Elle voulait transformer le motif circulaire, qui a toujours été le symbole de sa peinture et de son travail d'impression, en une forme tri-dimensionnelle. En ·1991, le sol fut retourné pour la maison de ses rêves. · Le bâtiment comprend deux murs inégaux en demi-cercle, de couleur lavande. Le toit plat des deux structures est peint en bleu marine sombre. Vu de dessus, le bâtiment ressemble exactement au motif que l'on trouve dans sa peinture. Rhee a consacré une moitié de la bâtisse pour le travail d'impression et l'autre moitié pour peindre. En haut, c'est son lieu de vie où elle a installé également un espace pour l'étude. S'inspirant des fenêtres traditionnelles coréennes treillissées, elle a utilisé des cadres en bois et des portes encastrées darrs la partie basse de la structure à deux étages. Les deux ateliers sont reliés par une rangée de pierres permettant de franchir un ruisseau qui coule depuis un bassin artificiel situé dans la pa1tie haute du jardin. D'innombrables fleurs, toute sorte de plantes et des bambous poussent le long du ruisseau, et apportent au jardin l'atmosphère de son pays natal. L'harmonie orientale du jardin reflète la pensée poétique et le caractère raffiné de Rhee. Pour créer l'atelier elle fut aidée par son troisième fils, Yong-keuk Shin, homme d'affaire à Séoul. Mais contrairement à ce qu'on aurait pu penser son second fils, Yong-hak Shin, qui est actuellement professeur d'architecture à Paris, ne participa pas à la réalisation des plans que Rhee conçut elle-même. Ce fut son fils aîné, Yong-suk Shin, correspondant à Paris, depuis 15 ans, pour le quotidien Choson llbo, qui joua le rôle le plus important en aidant sa mère à résoudre les nombreux petits

Citédefévrier,150x50cm,1973(ci-dessus);l'atelierdeRheevudehaut(enbas) 77


ACTUALITES

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Chemin des antipodes 94-4,114 x 146 cm, 1994

détails nécessaires à la construction de la "Voie lactée". On peut comprendre que des résidents voisins exprimèrent leur opposition quand l'atelier d'apparence exotique apparut parmi les maisons traditionnelles de Tourrette. Ces habitants ne voulaient rien qui puisse rompre avec 1~ style traditionnel comme les tuiles ~·une couleur brun-roux, les murs couleur blanc lait et les cadres des fenêtres en bois. De nombreux résidents participèrent à une campagne pour faire interdire par 78

la municipalité de Tourrette la construction. Mais, Rhee qui était proche de son quatre-vingtième anniversaire ne pouvait pas renoncer, et elle réussit à convaincre le maire et le conseiller municipal en charge de la culture et du tourisme, qui était aussi architecte, de la laisser poursuivre. Elle leur dit : "Cet atelier n'est pas une résidence pour famille nombreuse. C'est un lieu où je viens travailler seule plusieurs mois dans l'année. Quand je moura~ je voudrais le laisser à Tourrette comme mémorial pour témoigner de

mon amour de la ville. En définitive, le bâtiment appartiendra à la ville et il pourrait alors être utilisé comme galerie d'art" La municipalité finit par accorder son autorisation à la fin de l'année 1996. Il n'en fallut pas moins de trois pour convaincre les habitants de Tourrette, qui s'étaient opposés à "la Voie lactée", de reconnaître le charme futuriste du nouveau bâtiment Pour célébrer l'achèvement de la construction, tant retardée, les officiels de la cité de Tourrette et les personnalités de la communauté culturelle étaient présents. Parmi ceux-ci se trouvaient l'ambassadeur de Corée en France, Sooyoung Lee, des amis et des parents venus de Corée pour féliciter Rhee d'avoir enfin réalisé son rêve. Dans son discours de félicitation, le conseiller à la culture et au tourisme dit : "La région de Nice qui comprend Tourrette a toujours été un pôle d'attraction pour les artistes et les poètes renommés qui ont laissé derrière eux de grandes œuvres. Mais Seund-ja Rhee est la première femme à rejoindre ce groupe, et le fait qu'elle vienne de Corée, un pays asiatique, est hautement significatif. ]'espère que l'atelier pourra devenir un lieu pour les échanges culturels entre la Corée et Tourrette." Cette nuit-là, alors que je regardais le ciel brillant d'étoiles, je compris pourquoi Rhee avait appelé ce lieu "la Voie lactée". L'artiste a exprimé le ravissement et la brillance de la nuit dans uné œuvre comme "Tourrette la nuit" et la pièce "Chemin des antipodes" qui date de 1980, est aussi un hommage aux cieux infinis, à beauté des étoiles et à la Voie lactée. Et en un certain sens, Rhee elle-même est maintenant une étoile dans le ciel nocturne de Tourrette. Pour plus d'informations sur le monde de Seund-ja Rhee, vous pouvez consulter le volume 1, n 2, été 1995 de Koreana.

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APERÇUS DE LA LIT~ERA

TURE COREENNE

Yun Heung-gil

"La saison des pluies" est un chef-d'oeuvre du roman coréen dans sa représentation d'une période douloureuse de l'histoire de Corée, à travers la vive représentation des religions indigènes, deux amours maternels et une enfance blessée.

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Cicatrices Historiques et Angoisse du Réel

Yun Heung-giL "La Saison des pluies" Kim Chie-sou

Critique littéraire et professeur de littérature française Université féminine de Ewha

S

i le roman est une enquête de fond sur la condition humaine et le monde, ilvise sans aucun doute à révéler l'universel à trav.ers la narration des expériences propres à un individu unique. Le roman est une expérience psychologique qui trouve ses racines dans la vie de son auteur et jaillit de son imagination. On pourrait ainsi dire que la vie décrite dans le roman peut être vécue par chacun de nous au quotidien. La tranche de vie exposée dans un roman peut décrire quantités d'expériences que nous avons peut-être manqué de percevoir avant. Il y a deux types d'expériences : la pré-expérience et la ré-expérience. Comme toute forme d'expression artistique, la littérature nous offre au moins deux niveaux d'interprétation. Avant d'entamer toute discussion sur l'univers littéraire de Yun Heung-gil, il faut le classer en trois catégories. La première se compose de nouvelles qui évoquent le monde de l'enfance pendant la guerre de Corée : par exemple, "La Saison des pluies" (Changma), ''La Maison du crépuscule" (Hwanghonui chip), "Maison" (Chip) et "Moutons" (Yang). La seconde catégorie comprend des oeuvres qui décrivent la vie en Corée du Sud dans les années soixante alors que la nation met en place les bases de son développement économique : "Conte de fées pour adultes" ( 6rundurul wihan tonghwa), "Agression" (Molmae), "L'homme laissé en neuf paires de chaussures" (Ahop ky611e-ui kuduro namun sanae), 'lignes droites et courbes" ( Chiks6n-gwa koks6n), "Ailes ou menottes" (Nalgae ttonun sugap) et 80

Yun a aperçu les circonstances historiques de la Corée -division en deux du pays et guerre civile- comme les racines d'une réalité injuste. Il montre comment les tragédies causées par les conflits politiques et idéologiques de la Corée ont un effet négatif sur la vie coréenne.

"Maturité blafarde" (Ch'angbaekhan chungny6n). La troisième catégorie regroupe des récits qui traitent des réalités et des peurs engendrées par la division de la Corée, ainsi "Sans titre" (Mujae) et "Quand l'arc-en-ciel apparaîtra-t-il ?", (Mujigaenun 6nje ttunun-ga ?). "La saison des pluies" est le point de départ littéraire de Yun. On pourrait considérer ce récit ainsi que "La Maison du crépuscule" comme l'essence même de son univers littéraire. Yun s'est attiré l'attention de la critique avec la publication de ces deux histoires révélatrices de son talent descriptif et de sa conscience historique. "La saison des pluies" est un chef-d'oeuvre de la nouvelle coréenne par la manière dont

Yun dépeint une douloureuse période de l'histoire du pays en évoquant de manière saisissante deux religions locales, l'amour de deux mères pour leur fils et une enfance blessée. Le narrateur, un enfa~ nous montre comment deux vieilles femmes, ses grand-mères, maternelle et paternelle, règlent les conflits dans lesquels la guerre les a jetées. La grand-mère maternelle dont le fils est mort après s'être engagé dans l'armée de Corée du Sud et la grandmère paternelle dont le fils, un guérillero communiste, ne rentre que la nuit à la maison, vivent sous le même toit. Ce récit recrée un microcosme de la société coréenne au temps de la guerre. Le destin de ces deux femmes d'une même famille vivant sous le même toit mais opposées par des intérêts différents est révélateur des contradictions inexplicables de l'histoire. Cette absurdité, qui rappelle la fable du couple dont l'un des fils vend des sabots pour la pluie et l'autre des sandales de paille pour les beaux jours, tourne à la tragédie quand les destinées des deux femmes se heurtent. Le triste sort est décidé quand chacune perd son fils. A la fin, elles se réconile~ unies par un trait commun, l'amour d'une mère pour son enfant. Tandis que ses grand-mères s'affrontent, le jeune narrateur est confronté deux fois à la mort et le lecteur comprend pourquoi les femmes coréennes sont constamment la proie du han, un sentiment de regret, de dépit et de chagrin omniprésent dans les arts et la littérature de Corée. Le rôle traditionnel de la mère coréenne exige un amour aveugle et inconditionnel pour ses


enfants au point de pousser les femmes à accepter les choix de leur fils au lieu d'affirmer leurs opinions et leurs besoins face aux réalités de l'histoire. A la mort de son fils, ses idées politiques sont désormais dissociées de lu~ son choix n'a plus aucun sens logique aussi est-il accepté comme un coup du destin qui frappe l'amour d'une mère. Pour une mère, toutes les calamités, -mauvaises récoltes, accidents de ra route, guerre-, sont vécues selon cette seule perspective. L'adversité historique Dans "La saison. des pluies", la signification tragique de la mort des fils repose sur l'acceptation par les vieilles femmes de leur perte comme un coup du sort et par l'attitude han qui en résulte. Pour Yun, l'origine de ce han omniprésent n'est pas simplement le destin. A la différence des deux femmes, Yun considère les circonstances historiques -division nationale et guerre civile- comme les causes profondes d'une réalité injuste. Il démontre comment les tragédies engendrées par les conflits politiques et idéologiques ont bouleversé et vont continuer à bouleverser la vie des Coréens. Yun comprend aussi le sentiment de culpabilité qui va hanter le jeune narrateur toute sa vie parce qu'enfant il a fait torturer son père pour a voir été incapable de résister à un morceau de chocolat offert par un adulte. Bien entendu, les deux vieilles femmes sont incapables de surmonter cette triste réalité rationnellement. Elles vainquent l'adversité historique en acceptant leur destin par l'exorcisme du han. Le dénouement tragique du récit avec l'apparition d'un long serpent émeut le lecteur en éveillant des sentiments nationalistes représentés par le serpent. L'importance des croyances locales en Corée devient évidente quand l'une des femmes apaise le serpent -qui représente l'esprit des morts- en lui parlant comme à un vivant. Cette narration de style p'ansori remplit le lecteur d'un chagrin encore plus profond et nous révèle que pour les vivants il n'y a pas d'autre

moyen d'exorciser le han. Ici, on peut se demander si le han ressenti par le personnage principal est un sentiment purement individuel ou quelque chose de plus grand, une émotion contemporaine suscitée par un fait historique. S'il s'agit simplement d'un sentiment indvue~ ce n'est alors rien de plus qu'une émotion rétrospective. En réalité, en raison de la division prolongée de la Corée, le han décrit dans cette

utilise ce langage parce qu'elle y croit. Les deux femmes se sont haïes à cause de différences politiques et idéologiques. Elles parviennent à se réconcilier grâce à un sentiment culturel commun. Peut-être partagent-elles cette émotion parce qu'elle leur a été transmise au fil des nombreuses années de l'histoire. Les deux femmes ont vécu la douleur de perdre un fils à la guerre. C'est ainsi qu'en

nouvelle présente une signification historique plus vaste. En bref, cette nouvelle nous montre que l'histoire avec ses conflits politiques et sa propagande est incapable de surmonter la réalité de la division nationale. Les inimitiés personnelles, par contre, peuvent être surmontées et pardonnées grâce à la découverte de nos affinités naturelles dans des émotions fondamentales comme- le han. C'est pourquoi, la conversation de la grandmère maternelle avec le serpent est si chargée de sens. Elle a recours au langage de la magie. Le fait de considérer le serpent comme l'esprit des morts confère au langage son caractère magique, caractère d'autant plus magique puisque sans la croyance que le serpent est réellement l'esprit d'un mort, la conversation n'aurait pas eu lieu. Bien entendu, ce langage n'émeut que ceux qui croient en la magie. L'hostilité de la grand-mère paternelle s'estompe lorsqu 'elle entend l'autre grand-mère parler au serpent ; elle aussi

parlant au serpent la grand-mère maternelle comprend la douleur qui habite le coeur de l'autre. Elle s'emploie alors à l'exorcisme du han à la place de son ancienne rivale. Les deux femmes parviennent ainsi à une réconciliation qui défie la logique. La narration par l'enfant permet de révéler la transformation psychologique des vieilles femmes. Elle permet aussi à l'auteur de plonger plus profond dans l'angoisse d'une réalité donnée sans se soucier des intentions du narrateur. Si "La saison des pluies" est la description de l'amour d'une mère coréenne traditionnelle pour ses enfants, le quatrième roman de Yun "Mère" (Eml) en est le développement. La fiction de Yun nous aide à mieux comprendre la dévotion de la femme coréenne pour ses enfants et nous permet de mieux percevoir les liens familiaux uniques qui existent en Corée, de bien des façons au mépris de toute logique. Lorsque les lecteurs font cette découverte, ils apprécient mieux le style de Yun. + 81


NOUVELLES DE LA KOREA FOUNDATION

Subventions pour les études coréennes à Yétranger

La Korea Foundation offre une aide financière aux universités, aux instituts et aux ·bibliothèques à l'étranger pour leurs efforts pour promouvoir la coréanologie dans le monde. Les projets soumis à l'approbation de la Korea Foundation doivent relever des Sciences-Humaines, des Sciences-Sociales ou d'un domaine artistique en s'inscrivant dans le cadre des objectifs définis ci-après: 1) Création ou développement de départements d'études sur la Corée (cours et enseignants) 2) Mise à disposition de bourses pour étudiants de 2ème ou 3ème cycles et d'allocations de recherche pour les enseignants 3) Participation aux acquisitions des bibliothèques et des catalogues. Les dossiers d'inscription devront être remis à la Korea Foundation avant le-;31 ;mai. Les résultats de la sélection finale seront annoncés le 15 octobre de l'année en cours. Pour obtenir les dossiers d'inscription, des conseils ou toute autre information, s'adresser à: International Cooperation Department I The Korea Foundation CPO Box 2147 Seoul. Koreo Tel 82-2-753-3464 Fox 82-2-757-2047.2049

KOREAFOCUS

BIMENSUEL SUR L'ACTUALITE DE LA COREE En complément de la revue KOREANA , la Korea Foundation publie une revue intitulée KOREA FOCUS afin de participer aux efforts entrepris pour faire connaître la Corée dans le monde et pour avoir une place à part entière dans cette ère de globalisation Nous espérons que KOREA FOCUS pourra servir de référence de base à la conununauté mondiale en ce qui concerne la Corée KOREA FOCUS offre à ses lecteurs, une vision générale de la Corée contemporaine à travers tm choix d'articles variés concernant l'actualité. Dans ce bin1ensueL VOLIS trouverez des articles ciblés sur la politique, KOREA l'économie, la société et la culture, des FOC US opinions sur le monde des affaires ainsi "'""""""" qu'une chronologie des événements récents en Corée Publiés en anglais et en pponais, ses articles sont tirés de publications co- ~ -~ ·__.._...,.__ réennes qui font autorité en la matière telles que les principaux quotidiens, des magazines d'actualité ou des revues universitaires.

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Les programmes de bourses de la Korea Foundation BOURSES POUR LES ETUDES SUR LA COREE

BOURSES POUR LES COURS DE COREEN

La Korea Foundation offre des bourses pour des cours de langue coréenne destinées à des étudiants de 2ème ou de 3ème cycles, à des chercheurs, ou autres spécialistes étrange~s , qui souhaitent apprendre le coréen dans un institut de langue d'une université en Corée pour une durée de 6 à 12 mois. Chaque étudiant sélectionne se verra proposer des cours de coréen dans l'une des universités coréennes. Les frais d'inscription et une bourse mensuelle pendant la durée du séjour lui seront versés. Les candidats devront remettre les dossiers d'inscription à la section-bourse pour les cours de coréen de la Korea Foundation, avant le 31 mai. Les résultats de la sé·lection finale seront annoncés le 15 aoüt de l'année en cours. Pour obtenir les dossiers d'inscription, des conseils ou toute autre information, s'adresser à : International Cooperation Department II The Korea Foundation CPO Box 2147 Seoul. Koreo Tel 82-2-753-6465 Fox 82-2-757-204 7.2049


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