Koreana Winter 1997 (French)

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pelés sumun ch 'imjang, sur lesquels étaient brodés des chauves-souris, symbole de la joie, et des caractères chinois pour souh aiter un e longue vie et la bonne fortune. Ils étaient souvent de couleur rouge vif, la couleur du sud, ils donnaient ainsi une sensation de chaleur. Le bleu, couleur de l'est, permettait par sa brillance de neutraliser le rouge. Les dessins de chau ves-souris étaient brodés aux coins pour souhaiter le bonheur. Quant au caractère du "double bonheur", brodé au centre, il était censé apporter la joie à toute la famille. +


· Couverture: Ce numéro de

s

KOREANA nous initie à la culture du thé en Corée ainsi

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que sa philisophie, ses rituels et les ustensiles utiles à sa

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Thé et Culture du Thé

préparation et à sa consommation. La co uverture pré-

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sente une plantation de thé dans la partie méridionale de

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la Corée. La Corée possède une longue tradition du thé.

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Histoire et philosophie de l'art du thé coréen

par Suk Yang-un

12 Les caractéristiques culturelles du thé coréen par]ung Young-sun

18 La poétique du thé par Chung Min

22

La cérémonie du thé et ses ustensiles par Chai Ha-rin,J

28

©The Korea Foundation 1997 Tous droits réservés. Toute reproduction, même partielle, par tous procédés, s.ans autorisation préalahle de la Korea Foundation, est interdite.

Les thés et leurs effets médicinaux

par Yu Tae-jong

34

La culture contemporaine du thé en Corée

Les opinions exprimées par les

par Park Hee-jun

aute urs ne re présente nt pas nécessairement celles de KOREANA et de la Korea Foundation.

CHEMIN FAISANT

KOREA NA, enregistré comme

trimestriel auprès du Ministère de l'Information, (Autorisation No. Ba-1003, du 8 août 1987) est aussi p ublié en japonais, chinois, espagnol et anglais.

38 Un voyage à Pos6ng

par Kim ]oo-young

44 GROS PLAN

Festival international de danses masquées à Andong

par Koo Hee-sue

Korea Foundation


50 KOREANA

ARTISTES COREENS

Dinandier Yi Pong-ju

Publication trimestrielle de La Fondation de Corée, The Korea Foundation 526 Namdaemunno 5-ga, Chung-gu, Séoul 100-095, Corée

par Lee Hyoung-kwon

56 ARTISTES COREENS A L'ETRANGER

La violoniste Livia Sohn

DIRECTEUR DE LA PUBLICATION

Kim joungwon

par Park jung-jun

REDACTEUR EN CHEF

59

Leejong-up

ACTUALITES

DIRECTEUR ARTISTIQUE

Park Seung-u

Préserver les archives coréennes: Le registre de la "Mémoire du monde" de 11JNESCO ..

REDACTEUR

Réda Ourrad BUREAU DE LA REDACTION

par Paik Syeung-gil

Han Myung-hee, Kim Hyung-kook, Kim Kwang-on, Kim Moon-hwan, Kim Seong-wou, Lee Ku-yeol, Shim Jae-ryong

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Réflexions sur le Festival de la Corée à Hambourg par Shim ]ae-ryong

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-Kim Won-ue :' t son mon e t e par Y1. Dong-ha

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Histoire et philosophie de

l'art du thé coréen

Suk Yong-un

Président de la Fondation culturelle Choyee

V

alorisé ou dévalorisé selon les pulsions de la société depuis l'Ancien Chos6n qui remonte à une tradition profondément ancrée dans la vie de ceux-ci, les Coréens conféraient un caractère sacré au thé et le donnaient en · offrande lors de rites religieux dédiés aux montagnes et cours d'eau ainsi qu 'aux esprits des ancêtres et à leur demeure céleste. Le caractère essentiel du thé en tant qu'offrande se mesurait à l'aune de l'importance du rite, d'où la survivance du ch'arye (rituel du thé) pratiqué encore de nos jours par les Coréens en l'honneur de leurs ancêtres à l'occasion de certaines fêtes nationales. A l'époque de l'Ancien Chos6n (2333194 avJ.C.), on consommait du Paeksan ch'a (thé de la montagne blanche), cultivé sur le mont Paektu. On le préparait à base de jeunes feuilles d'une variété d'azalée peuplant les hauts plateaux de Paektu et ses environs. Breuvage spécial des Tung-i qui habitaient autrefois la Une tasse de thé céladon (à droite); l'hermitage

nchhun au temple Taehrlng, foyer d'une riche culture du thé transmise de moine à moine (page en regard)

région, ce thé a toujours la faveur des Coréens. Introduit de la Chine des Tang au milieu de la périod e des Trois Royaumes (57 avJ.C-668), le thé vert a progressivement remplacé le Paeksan ch'a indigène. Et c'est à partir de cette variété que l'art du thé coréen tel qu'on le connaît aujourd'hui s'est façonné.

Données historiques Dans un premier temps, le thé, importé, était destiné à la consommation privilégiées, soit la royauté, des cl ~s se l'aristocrabe, les guerriers et les moines bouddhistes de haut rang. La famille royale et les nobles s'a donnaient au plaisir de boire du thé, au palais pour les uns, dans leur demeure pour les autres, et en offraient aux invités de marque. Le thé et l'encens étaient des dons particulièrement prisés par les moines respectés, qui les utilisaient comme offrande au Bouddha ou pour leur usage personnel. Les h warang, jeunes guerriers de Shilla, en buvaient souvent


Les Coréens considéraient Je thé comme sacré et en offraient lors des rituels religieux aux montagnes, aux rivières ainsi qu'aux esprits de leurs ancêtres. Plus le rituel était important, plus l'offrande du thé l'était aussi; ce qui explique pourquoi de nos jours les Coréens respectent toujours le ch'arye (rituel du thé) à l'égard de leurs ancêtres lors des cérémonies.


_Il faudrait que l'art du thé coréen renaisse pour assurer la pérennité des moeurs et coutumes d'antan. Ceci afin de pouvoir redécouvrir et apprécier la culture ancienne.

Les moines bouddhistes buvaient du thé

pour stimuler l'esprit afin de méditer (cidessus); Tasan Ch'odang,la maison où l'éruditChong Yag-yong, dont le nom de plume était Tasan, et d'autres amateurs de thé se réunissaient pour boirele thé et converser(àdroite);laplaqueportant l'inscription "Tasan Ch'odang"(maison de lamontagnedu thé)en caractères chinois (ci-dessous)

pour s'autodiscipliner pendant les pèlerinages dans les montagnes ou près des cours d'eau. Bref, le thé était un don de goût, favorisant la discipline de l'esprit et du corps, et un bon compagnon qui stimulait la communion spirituelle entre amis. La philosophie de l'art du thé, ou la "voie du thé" prenait déjà son essor à l'époque. La coutume d'offrir du thé pendant les cérémonies commémoratives est due au roi Hon-an (règne 857861) de Shilla, lequel en avait envoyé

avec de l'encens pour la cérémonie commémorative du moine Such'ol. Le rituel .du thé bouddhique s'est instauré comme une tradition que l'on doit à Ch 'ungdam, moine et poète sous le règne du roi Kyongdok (règne 742-765). Le moine en faisait régulièrement offrande à Maitreya, le bouddha de l'avenir, sur la colline Samhwaryong du mont Nam à Kyongju. De même, le thé représentait une denrée essentielle pour Yongnang, Sullang, Nam nang et Ansang, quatre grandes figures du taoïsme, qui

vécurent reclus dans le pavillon Hansongjong à Kyongp 'odae (Kangnùng). Les documents historiques disent également que les plus célèbres érudits de Shilla tels que Sol Ch'ong et Ch'oe Ch'i-won en buvaient pour stimuler leur esprit. A l'époque Koryo, la consommation de thé donna naissance à des coutumes qui variaient selon les classes sociales que formaient la royauté, la noblesse, les religieux et le peuple. La royauté instaura un rituel élaboré. Il existait un bureau, appelé Tabang (Chambre de thé), chargé de satisfaire la famille royale avec le plaisir du thé et d'officier les rituels de thé lors


d'événements d'envergure nationale tels que les mariages, les funérailles, les couronnements royaux et les réceptions diplomatiques. La cérémonie du thé à la cour était extrêmement élaborée et protocolaire. Lorsque le roi ou le prince héritier étaient en entretien d'une grande importance, la cérémonie du thé était accompagnée de musique. Les officiels de la cour se retrouvaient dans les pavillons et charmilles qui parsemaient le site du palais pour boire du thé et déclamer des vers. C'est ainsi que s'est développé le cérémonial du thé à la cour. Les aristocrates, les chefs religieux et les offidels avaient chacun leur manière de savoùrer le thé, moment privilégié dominé par le plaisir et la détente. Comme dans le milieu des érudits du palais, la prise de thé donna lieu parmi les nobles à des réunions festives qui se

déroulaient dans des sites aux paysages pittoresques. Celles-ci étaient joyeusement agrémentées de musique, de danses, de poésies et même d'alcool. La tradition de composer des vers dithyrambiques du thé date de cette époque. Les moines bouddhistes offraient du thé au bouddha trois fois par jour, et lors de rites importants, le roi en personne déposait du thé sur l'autel des offrandes. On en offrait également pendant les cérémonies commémoratives aux moines révérés. Après les rites, les moines buvaient le thé ; ils en buvaient également pendant leur méditation pour se maintenir éveillés et garder un esprit alerte. Dans les temples, on servait du thé aux visiteurs au lieu de l'alçool. Comme le thé aidait les moines à méditer, le rituel du thé pratiqué par ces derniers était dit de style sammae (samdhi, concentration spirituelle). Grands consommateurs de thé, les moines étaient approvisionnés par les villages tach'on, li!téralement "village de thé", qui fleurissaient autour de leur temple. Seul le thé de l'arrière-saison, après avoir été soumis à l'impôt, était accessible aux gens du commun qui s'en servaient à des fins thérapeutiques. Bouilli avec un morceau de gingembre ou des oignons verts, le thé constitue un bon remède contre le rhume, la fatigue et les maux de tête. La lourde imposition sur le thé, levée pour la première fois pendant la période Koryo, faisait souvent l'objet de protestations parmi le peuple. Dans la région du mont Chiri, hommes et femmes, tous les âges confondus, devaient affronter le danger des bêtes sauvages et la montagne encore couverte de neige. Tout à la cueillette qui se faisait du début du printemps à l'été, les paysans en arrivaient souvent à oublier la saison des cultures. Ce qui pourrait expliquer le fait que la culture du thé ne soit pas devenue une industrie viable en Corée. Les amateurs de thé de Koryo affectionnaient particulièrement les services à thé décorés, un facteur de développement de la fameuse porcelaine céladon

de cette époque. Les kumhwa ojan (tasses à thé noires rehaussées de fleurs dorées) et les pisaek sogu (petites tasses céladon) étaient admirées pour leur beauté délicate. Certains temples possédaient leurs propres ateliers de services à thé, fabriqués par les moines euxmêmes pour leur usage personnel. Les ateliers de Kapsa et de Tonghaksa sur le mont Kyeryong sont les plus représentatifs. Ces tasses étaient imprégnées de l'esprit de désaliénation du bouddhisme zen. Le noewonda (thé en boulette) et le taeda (thé en feuille) étaient les plus populaires pendant KoryèS. Le thé était le présent le plus apprécié et il était coutume d 'en offrir ~compagné d'un poème. Quelques enthousiastes en ont écrit des douzaines sur le thé. L'art du thé de Koryo s'épanouit jusqu'au début de Choson. Sa diffusion fut interrompue avec les invasions japonaises en 1592 et en 1597 et celle de la Mandchourie en 1636. Le thé fut oublié pendant près de deux cents ans jusqu'à ce que de fervents adeptes le remirent au goût du jour : Ch'o-ui (1786-1866), moine surnommé Tasong, ou le "saint du thé" en hommage à ses efforts pour promouvoir l'art du thé en Corée ; ChèSng Yag-yong (1762-1836), grand homme d'Etat, savant et poète ; et Kim Chang-hui (1786-1856), le plus illustre calligraphe et épitaphiste de l'ép(')que Choson. Cependant, il déclina de nouveau avec la domination de la culture japonaise pendant la colonisation(1910-1945). Après l'avènement de Choson en 1392, de nombreux officiels de Koryo se retirèrent à la campagne ou dans les montagnes pour vivre en réclusion, et dans leur sillage, les moines persécutés par les nouveaux tenants du pouvoir qui cherchaient à supprimer le bouddhisme au profit du confucianisme. Nombre d'entre eux se firent "ermites des montagnes" et créèrent leur propre tradition du thé, connue aujourd'hui comme l'art du thé d'ermite. Entretemps, sous les auspices des fondateurs de la nouvelle dynastie, la prise de thé fut mise au rang des gestes quotidiens


officiels. Selon l'art du thé des affaires administratives, les officiels se faisaient servir du thé pendant leur réunion quotidienne. Lorsqu 'ils étaient appelés à enquêter sur la corruption d'officiels, les censeurs du Bureau de l'inspection générale s'abreuvaient de thé pendant leur veillée. Ils étaient servis par des domestiques particuliers dont les titres dépendaient du rang des officiels qu 'ils servaient. Le roi l'était par un eunuque. Comme le thé s'était raréfié depuis les invasions japonaises, le roi Y6ngjo (règne 1724-1776) ordonna de servir de l'alcool ou de l'eau bouillante à sa place. Dès lors, l'alcool remplaça le thé dans les offrandes de la plupart des rites, dont .ceux consacrés aux ancêtres.

L'ai-t du thé est souvent assimilé au zen, dont la quête principale est l'autodiscipline. Le zen désigne un exercice de méditation, consistant à dominer l'esprit afin d'attein dre l'illumination. Dire que Je thé est zen, c'est rapprocher J'exaltation subtile résultant de la jouissance profonde du thé de l'illumination par Je zen.

Bien qu'affaiblie, la tradition du thé subsista bon an mal an dans une certaine mesure. La cour maintint le rituel spéc ial du thé basé s ur le Kukcho oryeui (Cinq rites d'Etat), traité sur le déroulement des principales cérémonies d'Etat compilé en 1474. Les familles de la haute aristocratie pratiquaient des rituels de thé lors de cérémonies d'entrée à la prescription du Sarye p'yonnam (Manuel des qu atres rites). Et les moines bouddhistes pratiquaient le rituel du thé se lon les enseignements des moines S6san (1520-1604) et Paekp'a (1767-1852). L'art du thé a ainsi survécu davantage comme un rituel que comme une pratique ordinaire. A la fin de la période Chos6n, le moi-

ne Ch'o-ûi décrivit toutes les activités ayant trait au thé : culture, production, préparation, infusion, et nature essentielle, dans ses ouvrages Tongdasong (Ode au thé coréen) et Tashinjon (Vie des dieu x du thé). Chang Yag-yong, autre amateur de thé, fonda avec ses pairs la Société des amateurs de thé au cours de son exil dans la province du Ch6lla du Sud . La coopérative avait pour but principal de produire du thé, objectif qui fut poursuivi pendant longtemps a près la fin du bannissement de Ch6ng. Kim Ch6ng-hûi, ou Ch'usa de son nom de plume, écrivit de nombreux vers élogieux à propos du thé ressuscitant la mode des poèmes sur le thé .


L'annexion de la Corée par le Japon en 1910 mina considérablement l'art du thé local qui montrait pourtant quelques signes de réapparition. En vue d'implanter leur art du thé dans la péninsule, les dirigeants du gouvernement colonial nippon inscrivirent au nombre des matières scolaires enseignées aux filles la cérémonie du thé de style japonais. · Il faudrait que l'a rt du thé coréen renaisse pour assurer la pérennité des moeurs et coutumes d'antan. Ceci afin de pouvoir redécouvrir et apprécier la culture ancienne. Les traditions nationales ne font pas que caractériser un peuple ; elles instillent également le sentiment de fierté à l'égard de l'héritage culturel.

La portée spirituelle

Les philosophies relatives à l'art du thé furent développées et élaborées par des érudits et d'autres personnes qui appréciaient le thé et considéraient cette denrée comme une composante fondamentale de leur existence. Au nombre de ces personnes, des moines bouddhistes, des ermites taoïstes et des savants confucéens au service du gouvernement ou vivant dans des régions reculées de la campagne. Chaque milieu institua ses propres usages et son cérémonial de la prise du thé sur la base des convictions et philosophie de groupe. Les moines élevèrent l'esprit de l'art du thé au niveau de leur philosophie du zen ; les confucéens inté-

grèrent la prise du thé dans leur éthique et érigèrent différents types de rituels ; et les taoïstes virent dans le thé un potentiel spirituel susceptible de donner une substance à leur philosophie de l'harmonie avec la nature. L'art du thé est souvent assimilé au zen, dont la quête principale est l'autodis. cipline. Le terme bouddhique de zen, issu du sanskrit dhyana et dit son en coréen, désigne un exercice de méditation, consistant à dominer l'esprit afin d'atteindre l'illumination. L'esprit est totalement livré à la réflexion, à la plénitude. Le zen est omniprésent, partout dans la vie quotidienne : en état d'errance, en position assise, couchée, que l'on parle ou dans le silence. Autrement dit, tout est zen

Les théierssontsensiblesau climat; il leur faut au moins 1.500 millimètres de pluie par an, du soleil, de l'ombre et un sol riche et fertile, comme celui de la région de Posong (extrême gauche). Dans le sens des aiguilles d'une montre, àpartirduhautàgauche:feuillesde thé, champ de thé et fleurs de théier


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lorsqu'on est conscient spirituellement. Dire que le thé est zen, c'est rapprocher l'exaltation subtile résultant de la jouissance profonde du thé de l'illumination par le zen. L'anecdote "Prenez une tasse de' thé et partez" racontée par le maître zen Zhaozhou (778-897) de la Chine des Tang pourrait éclairer ce concept. Deux personnages en quête de la vérité se présentèrent devant le grand maître du monastère Guanyinyuan. 10

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L'un des deux s'inclina et demanda au grand maître : "Qu'est-ce que Bodhi ?". Zhaozhou répondit avec une question : "Etes-vous déjà venu ici ?". Lorsque son interlocuteur lui répondit par la négative, Zhaozhou dit : "Prenez une tasse de thé et partez". Alors le second visiteur s'inclina et demanda : "Qu'est-ce qui vous a fait venir de l'Ouest, maître ?" Zhaozhou s'inclina et demanda : "Etesvous déjà venu ici ?". Le deuxième inter-

locuteur répondit : "Oui, je suis déjà venu ici", et Zhaozhou de dire : "Prenez une tasse de thé et partez". Un moine qui avait surpris la conversation, demanda intrigué à Zhaozhou : "Maître, pourquoi avez-vous dit à celui qui n'est jamais venu ici et à celui qui est déjà venu ici la même chose ?" . Zhaozhou répondit alors : "Prenez une tasse de thé et partez". "Prenez une tasse de thé" s'adresse à celui qui était déjà venu là, à celui qui n'était pas venu là, et à celui qui doutait. Cela signifiait : "Il n'y a pas de moyen possible de répondre à vos questions avec des mots. Cependant, la Voie est autour de vous et en vous, à vous de la percevoir directement". Cette anecdote veut dire que les voies du thé et du zen sont les mêmes. Ceci est l'un des préceptes de la voie bouddhique avec le thé ; il montre que l'illumination n'est plus très loin lorsque le zen ou le thé est élevé à l'équanimité physique, dépourvue d'impuretés et de rudesse. Paramil (paramita en sanskrit) de la terminologie bouddhique désigne un monde de perfection qui peut être atteint lorsque l'esprit parvient à se détacher totalement de la vie matérielle. Apprécier le thé et atteindre l'équanimité spirituelle et physique revient à accéder au paramita. Ch'o-üi prêchait que tous les chemins menant au paramita sont uniques et identiques, concluant que l'art du thé et le zen étaient deux choses identiques. Sa philosophie exerca une grande influence sur la pensée de Kim Chang-hui. Lui faisant écho, le calligraphe écrivit pour le moine Myong son ("thé et méditation") et Sont'ap tayon (''siège de méditation et thé fumant"), et fit parvenir à Ch'o-üi un poème de deux vers exprimant son accord : "Lorsque je m'asseois pour méditer, un arôme se dégage du thé mûr. Lorsque la divinité est atteinte, l'eau coule et les fleurs s'épanouissent." L'art du thé, c'est aussi un mode de vie raffiné, qui implique une mentalité et un comportement parfaits, réflexion et finesse du goût opposés à vulgarité. Le désir que tout un chacun a d'être


reconnu par les autres comme une personne de goût et raffinée ne connaît pas de limites. C'est pour cela que d'importantes dépenses d'argent sont réalisées pour embellir son chez soi et s'adonner à des activités qui cultivent, toutes ces choses qui poursuivent le même objectif, celui d'atteindre le raffinement. Le premier désir de l'homme est d'apaiser sa faim et le second est de satisfaire son envie· de confort et de bonheur. D'où sa persistance à inventer une profusion de passe-temps et de loisirs parmi lesquels l'art du thé. Pour parler littéralement et métaphoriqven~ on dira que l'art du thé a parfumé la vie affective et a élargi considérablement le champ spirituel. Dans l'espace méditatif créé par une tasse de thé, on explore l'éternité, transcende le temps et l'espace pour atteindre la perfection de soi, devient un esprit libre dans l'univers, et achève une paix totale. Pas un souffle de turbulence ne s'élève de cet esprit clair et pacifique induit par le thé. Un authentique amateur de

thé cherche la vérité, sa propre vérité qu'ébranlent les tempêtes de désirs humains. C'est la raison pour laquelle poètes, calligraphes et peintres se rendent dans les lieux pittoresques et que les moines bouddhistes, quant à eux, choisissent de se retirer dans la nature et méditent, musant avec les nuages blancs et les montagnes vertes. Autrefois, les Coréens aimaient mettre du goût à leur existence. Ils enchâssaient de petits pavillons dans des sites pittoresques, au milieu d'arbres et de fleurs, se rafraîchissant avec du thé ou de l'alcool. Les plus riches aménageaient à proximité de leur demeure des étangs de lotus, entourés de jardins garnis de fleurs du printemps à l'automne. Les étangs étaient souvent assortis d'un pavillon ou d'un belvédère où s'organisaient des réjouissances auxquelles concouraient le thé, l'alcool, la poésie et la peinture. Telle était la véritable façon de jouir de la vie. Pour les Coréens, l'art du thé constituait un aspect essentiel de leur existence charnelle et spifituelle.

Le thé renvoie l'image de l'intégrité des érudits confucéens. Cette association vient de l'idée que tel le théier, toujours vert et résistant aux neiges et vents d'hiver, un érudit ne trahit jamais ses principes même s'il est tenaillé par la faim ou tenté par la richesse matérielle. Le thé est aussi comparé aux femmes chastes de la période Choson : de même que celles-ci restaient fidèles à leur époux toute leur vie duran~ le théier ne vit qu'à l'endroit où il a été planté. En général, il ne survit pas à un changement de lieu. D'où l'usage d'offrir du thé, lors de cérémonies commémorative.s, à un érudit. Par ailleurs, les femmes se référaient au mariage comme au rituel du thé du fait qu'on servait du thé pendant la cérémonie. Après son mariage, la nouvelle mariée se présentait aux ancêtres de son époux au sanctuaire familial et leur offrait du thé en espérant au fond · d'ellemême que tout comme le théier qui devait demeurer au même endroit, elle se consacrerait à la famille de son mari jusqu'à ce qu'elle le rejoigne là-haut. +

Ch'o-iii, ce moine est aussi appelé le "saint du thé" pour ses efforts pour la promotion de l'art du thé en Corée (à gauche); une table à thé à llchiam, l'hermitage où Ch'o-iii vécut pendant 40 ans et où le moine Y 6y6n perpétue l'art du thé de nos jours 11


culturelles du thé coréen Jung Young-sun

Directeur du Centre de recherche de la culture du thé coréen

l'époque ancienne, l'homme considérait le thé comme une plante comestible ou médicinale qui devint progressivement uné boisson grâce à ses qualités propres : son bon goût, ses effets stimulants et sa préparation facile. ·Par la suite, boire le thé s'est transformé en une forme culturelle. La "culture du thé" comprend tout le matériel nécessaire au processus de préparation et au service -les feuilles de thé, l'eau, les services à thé- ainsi que les différents rituels qui se sont développés avec ce processus. Une nation qui a établi ses habitudes en matière de boire

n'en change pas beaucoup, elles sont liées aux coutumes, aux caractéristiques, à l'esthétique et aux valeurs nationales. Cependant les pratiques culturelles subissent des transformations sous l'influence des nations voisines, des circonstances politiques, des phénomènes sociaux et économiques. La culture du thé coréen, vieille de 1400 ans, a subi quelques petits changements mais elle a conservé l'essentiel de sa philosophie et de son caractère. A cause de cette longue durée, cette culture continuera à fleurir dans le futur. Le dévèlo~pemnt

des rituels du thé Les rituels du thé en Corée, comparés

Une femme offre du thé à l'esprit de la montagne dans un sanctuaire shamaniste. 12

à ceux d'autres pays, sont hautement développés. Ces rites diffèrent des cérémonies du thé ordinaires et ils ont pour caractéristique d'être dédiés à de nombreuses divinités et de constituer aussi des rituels d'offrandes aux personnes. Un rite de dévotion peut être consacré à Bouddha, au dieu des ancêtres ou à celui de la famille, au dieu de la montagne, ou même au dieu du ver à soie. Le thé possède de nombreuses qualités, c'est un excellent breuvage, sain et stimulant. C'est pourquoi, depuis longtemps, il est offert aux divinités, tout comme aux hôtes, pour indiquer le respect et la joie. Dans le passé, les gens



En bas de cette peinture, "Paysage et personnages" (XVIème siècle, 91,1cm x 59,5cm), un jeune garçon prépare du thé; la préparation traditionnelle du thé implique la cuisson des feuilles, leur malaxage et enfin leur séchage (page opposée, de haut en bas)

La culture du thé inclut tout Je matériel nécessaire à la préparation et à la consommation du thé- feuilles de thé, eau et services à thé- ainsi que les rituels qui se sont développés. 14

croyaient que les effets stimulants du thé permettaient une meilleure compréhension entre les dieux et les hommes ; c'est pourquoi le thé, offert aux dieux, était bu par ceux qui avaient fait l'offrande, afin de créer des liens spirituels. Dans les rituels religieux simples, le thé était considéré comme l'offrande la plus importante, c'était un moyen pour les adorateurs de présenter leurs vœux. Le premier document historique, qui relate l'offrande du thé au dieu de la famille, décrit un rituel qui eût lieu en l'an 661, il s'agissait d'une offrande faite à l'esprit du roi Suro, fondateur du royaume de Kaya (42 apJ.C.-532). Des archives qui datent du royaume de Koryo (918-1392) indiquent que des offrandes, dans les temples bouddhistes, étaient faites avec du thé pour vénérer l'esprit de certains moines. A l'époque du royaume de Choson (1392-1910), la famille royale et l'aristocratie utilisaient le thé pour les rites simples ; le "rite du jour du thé" était une cérémonie de la journée, alors que le "rite spécial du thé" était réservé pour des occasions particulières. Cela ne se retrouve pas dans les autres pays. Vers la fin du royaume de Choson, les gens du peuple firent de même et utilisèrent le thé pour les rites dédiés aux ancêtres. Depuis longtemps, en Corée, il était commun d'offrir le thé aux vivants. Les rois et les membres de la cour buvaient du thé, selon les formalités d'usage, pour honorer les dieux du pays mais aussi pour les grandes cérémonies de la cour qui comprenaient l'audience du jour de la nouvelle année et les médiations qui avaient lieu avant de prononcer les lourdes peines. Le thé jouait un rôle important dans les rituels annonçant la reine favorite ou le prince héritier ainsi que pour fêter l'anniversaire du prince. Plus récemment le thé était offert lors des cérémonies organisées pour fêter le soixantième anniversaire des parents. La Corée a la chance d'avoir de l'eau fraîche et potable, c'est pourquoi le thé n'a pas été une nécessité absolue comme en Chine. Il est devenu un rafraîchissement permettant de dissiper les pen-


sées confuses et il permettait à ceux qui étudient et méditent d'acquérir la maîtrise de soi. Non seulement le thé est un stimulant mais son goût dépend d'une préparation minutieuse. Autrement dit, préparer et boire le thé étaient une manière pour les Confucéens, les Bouddhistes et les Taoïstes de trouver la voie. Les documents anciens indiquent que le thé était bu pour aider à développer la discipline mentale. Sol Ch'ong (692746), un lettré du Royaume de Shilla, écrivait que le thé et le vin purifiaient l'esprit. Ch'oe Ch'i-won (857-894), un autre officiel du Royapme de Shilla, disait que le thé était un présent approprié pour un vieil homme qui méditait mais ~usi pour les disciples taoïstes, ajoutant qu'il pouvait oublier ses soucis chaque fois qu'on lui présentait du thé. Le premier à élaborer une philosphie coréenne du thé fut le néo-confucianiste Yi Saek (1328-1396), c'était une dédicace enthousiaste qui mettait l'accent sur la cérémonie du thé comme mesure de soi-même. Il croyait qu'accéder à la maîtrise de soi commençait par la préparation .du thé. Autrement dit, la cérémonie du thé était une pratique pour chercher la voie propre au confucianisme. Chang Üi-sun (1786-1866), qui avait pour nom de plume Ch'o-ùi, affirma que faire infuser le thé facilitait l'étude de la philosophie, et le calligraphe Kim Ch6ng-hùi (1786-1866) liait la préparation du thé à la compréhension de la Voie. Depuis longtemps, les bouddhistes coréens reconnaissent la cérémonie du thé comme une forme de méditation, tout comme au Japon et en Chine. L'idée que la cérémonie du thé était une forme de méditation était partagée non seulement pas les Bouddhistes mais aussi par les lettrés Confucéens qui écrivirent : "Une tasse de thé est le commencement du zen" et "Le goût du thé est le goût du zen". Pour certains le thé était le Bouddha lui-même, et selon diverses sources anciennes, comme la poésie et les chansons populaires, le fait de boire du thé était considéré comme une voie pour devenir Bouddha, c'est ce que l'on peut noter dans une cérémonie du thé du XVIIème

siècle, appelée Pochon. L'expression du moine chinois Zhao Zhou ''Prenez du thé avant de partir" était interprétée comme "Buvez du thé et atteignez l'illumination". Les moines considéraient les cérémonies du thé régulières comme nécessaires pour purifier leur esprit. Les Taoïstes pensaient que boire le thé participait au développement du corps et de l'esprit et aidait à se purifier, à méditer, et éventuellement à atteindre l'illumination. Préparer le thé avec soin était une manière de chercher la Voie, après avoir bu, on était libre et en harmonie avec la nature, détaché des biens matériels et de soi-même. Yi Kyu-bo (1168-1241), un lettré du royaume de Kory6, déclara que la cérémonie du thé et le taoïsme ne faisait qu'un. Les lettrés et les moines n'étaient pas les seuls à croire que boire du thé permettait de se contrôler. Les gens du peuple croyaient que le thé soulageait de la solitude, calmait le cœur, qu'il était un réconfort pour la vie quotidienne, permettant à la longue de trouver la vérité.

La culture du thé et la littérature Depuis l'é poque du royaume de Shilla jusqu'à celles de Kory6 et de Chos6n, le thé était bu par toutes les classes sociales : la royauté, les aristocrates, les hommes de lettres, les moines, les soldats et le peuple. Ce sont cependant les lettrés qui entretinrent et développèrent la cérémonie du thé. La culture du thé des lettrés atteint son apogée au XIIème siècle, au milieu de l'époque du royaume de Kory6, au XV ème siècle, et au début de Chos6n, et de nouveau à partir du XVIIIème siècle jusqu'à la fin de Chos6n. Sous l'époque de Kory6, les principaux adeptes de la culture du thé furent les néo-confucianistes, et à la fin de Chos6n, les lettrés du mouvement Shirhak. La cérémonie du thé se développa au sein de lettrés qui écrivirent de nombreux poèmes ayant pour thème le thé ;, on retient surtout six lettrés qui laissèrent plus de soixante-dix poèmes sur le sujet, ce sont Yi Saek, S6 G6-j6ng, Kim Shi-slip, Ch6ng Yag-yong, Shin-wi et Hong Hyon-ju. Il y 15


a sans doute plus de poèmes coréens que chinois sur ce thème. Cette tendance s'est transmise et aujourd'hui les buveurs de thé se trouvent parmi les lettrés, les artistes, et les dirigeants qui étudient non seulement les méthodes de préparation du thé mais aussi la littérature classique de leurs ancêtres consacrée à ce breuvage. Les fonctionnaires d'antan considéraient le fait de boire le thé comme un important rituel. En particulier ceux qui appartenaient à la justice considéraient cette tâche, qu'il fallait accomplir avec cérémonie, comme une partie de leur travail ; ils pensaient pouvoir ainsi accomplir leur fonction sans préjudice. A l'époque de Chos6n et de Kory6, se tenaient régulièrement, dans les bureaux de l'inspecteur général, des cérémonies du thé. Au début de Chos6n,

Un poêle en pierre utilisé par les guerriers hwarang de Shilla lors des pélerinages, VIIIème siècle, longueur 74cm (ci-dessus); un pot pour chauffer l'eau du thé, dynastie Koryo (ci-dessous); une peinture populaire représentant deux tables à thé, dynastie Choson (à droite)

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chaque administration à Séoul organisaient des cérémonies du thé, et un pavillon leur était spécialement réservé ; parfois la cérémonie elle-même était l'objet d'un travail officiel. Pendant les réunions tenues pour discuter des exécutions ou des bannissements, les rois de Kory6 buvaient le thé avec cérémonie, et les fonctionnaires suivaient l'exemple du roi avant de prendre une décision finale. Les fonctionnaires adoptaient cette attitude parce qu'ils étaient influencés par la philosophie confucianiste. Ils buvaient régulièrement du thé dans le but de promouvoir l'équité et l'honnêteté, et la Corée est fière d'avoir eu plusieurs fonctionnaires dont les pratiques administratives, équitables et prudentes, sont partiellement attribuables à leur adhésion aux principes confucéens liés à la

cérémonie du thé. Pendant les périodes de Shilla et Kory6, il y avait de nombreuses maisons de thé à travers le pays où les fonctionnaires pouvaient s'arrêter pour boire le thé pendant leurs voyages officiels. Les fonctionnaires de l'époque de Kory6 en buvaient fréquemment dans des "salons de thé" de la capitale. A l'époque du royaume de Kory6, il y avait un bureau du gouvernement appelé Tabang, ou chambre du thé, qui supervisait les rites du thé à la cour et dans les appartements royaux réservés aux invités étrangers. Au moins une centaine d 'offic ie ls et de soldats de divers rangs appartenait au Tahang, leur tâche consistait à transporter l'eau, les réchauds et les services à thé quand le roi ou le prince héritier quittait le palais pour accomplir quelque fonction.


Le développement des services à thé Le design des services à thé coréens a été influencé par la Chine, il n'en demeure pas moins que ces services possédaient leurs caractéristiques propres. Parce que les rites autour du thé étaient très développés, les services à thé utilisés pour les rites ancestraux et pour le protocole furent créés avec une forme pro.pre à la Corée. Dès les premiers temps, on fabriqua des services à thé pour être utilisés à l'extérieur. Le thé était offert aux images bouddhistes, aux divinités et aux dragons des monts et des champs. Les écrivains, plus que les aristocrates et les gens du peuple, appréciaient la cérémonie du thé comme forme artistique, d'où l'intérêt porté aux critères esthétiques qui reflétaient la sensibilité artistique et la philosophie des lettrés. Sur la table se trouvaient tous les ustensiles nécessaires à la préparation du thé. Selon un compte rendu de Xu Jing, un émissaire chinois envoyé à Kory6, les Coréens utilisaient une table de couleur rouge sur laquelle se trouvaient divers ustensiles recouverts par un tissu de soie rouge. A l'époque du royaume de Chos6n, si l'on en croît les peintures qui rendent compte de la préparation du thé, une grande table pour le thé. était placée dans le quartier des hommes ou juste sous l'avant-toit. Aujourd'hui, on utilise une grande table sur laquelle peuvent être placés des fruits et des friandises. Puisqu'on utilise de l'eau, une nappe recouvre la table, elle est de couleur rouge couleur sensée éloigner les mauvais esprits. Quatre taoïstes hermites, aux alentours du VIème siècle, à l'époque de Shilla (Y 6angang, Sulnang, Nammang et Ansang) utilisèrent un réchaud en pierre appelé s6kchijo pour faire le thé et l'offrir aux dieux du ciel à Ky6ngp'odae et à Hansoj6ng. Le s6kchijo est une innovation propre aux Coréens : c'est une petite pierre qui comprend un réservoir pour l'ea'u et un espace séparé avec un orifice sert de réchaud. Ch'ungdam (765), un moine guerrier, prépara le thé et l'offrit à Bouddha au Mont Namsan à Ky6ngju avec des ustensiles qu'il porta

dans une boîte en saule. Les autres moines utilisaient un équipement différent. Les services à thé les plus utilisés pour les rituels en Corée comprenaient de larges bols ou des tasses avec de grands pieds. On avait gravé sur cette vaisselle le terme thé en caractère chinois pour la distinguer des plats ordinaires. Il était courant de voir incruster, en blanc, à l'intérieur des tasses, des dessins représentant des grues et des nuages. Les Coréens pouvaient ainsi apprécier, tout en buvant, les décorations. A l'époque de Chos6n, de la poudre de feuilles de thé était mise à macérer dans un bol avec une brosse, ou le thé bouilli était filtré à l'aide d'un tissu. A l'époque du royaume de Kory6, une cuiller à thé fut utilisée pour créer de l'écume avec la poudre de thé. Une tige de bambou était utilisée pour écraser les feuilles et une brosse en bambou, inventée au XVIIème siècle, était utilisée pour agiter la poudre obtenue ~ partir des feuilles de thé. Aujourd'hui, les services à thé mettent l'accent sur l'aspect pratique et la texture des récipients. Après tout, la cérémonie du thé est caractérisée par l'attention portée au détail et par la création d'une ambiance naturelle. La personne qui prépare le thé prend l'attitude d'un étudiant confucéen comme pour retrouver le caractère original du thé. L'invité comme l'hôte sont délibérément dans leur élément ; ils se comportent naturellement, humainement et rationnellement. Cela crée un environnement taoïste par lequel le thé, celui qui prépare le thé et l'invité ne font qu'un avec la nature. Quand on prépare le thé, ce dernier est le foyer de l'attention, quand on le boit, c'est le buveur qui devient le centre de l'attention, et après l'avoir bu, seul l'état mental compte. La culture du thé coréen, unique, raffinée et basée sur une profonde philosophie, crée un environnement de générosité. Parce qu'un tel environnement produit une pensée rationnelle, la culture du thé participe non seulement à la culture coréenne mais à la culture mondiale. +

Les étapes pour préparer et servir le thé (de haut en bas). Alors que l'eau chauffe, on découvre la table à thé. L'eau bouillante est versée dans un bol afin de refroidir. Le thé est placé dans la théière, et l'eau refroidie est versée dans la théière. Ensuite, le thé est servi. 17


La poétique du thé ChungMin

Professeur de littérature coréenne Université Hanyang

T

out est tranquille autour de vous. Vous prenez une tasse de thé : l'arôme vous caresse les narines, vous avalez une gorgée qui glisse en vous doucement et vous ressentez une impression de plénitude épanouie. Le poète Kim Chèing-hüi (1786-1856) exprime ainsi cette délicate sensation :

Moment de quiétude, une tasse de thé, monte l'arôme, Illumination, glisse Je fluide, s'épanouissent des fleurs. Le thé était, pour nos aînés, le parfum de la vie. Cette vie n'est qu'une suite d'ennuis... que sait faire oublier le plaisir du thé. Pour eux, le thé était un ami de tous les instants, toujours à portée de main. Ne pouvaient s'en passer ni les lettrés ni les ascétiques moines. C'est qu'il vous désaltère, vous éclaircit l'esprit, vous fait vous sentir bien. La conversation avec un ami devient plus raffinée quand elle se tient autour d'une tasse de

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thé. Dans les peintures d'antan, ne voiton pas souvent de jeunes serviteurs en train de préparer le thé pour leurs maîtres rassemblés à l'occasion de réunions de poésie ou tout simplement d'agrément. Prendre le thé faisait partie des choses de la vie quotidienne. En des temps plus reculés, Yi Mok (1471-1498) célèbre lui aussi le thé, dans son "Ode au thé" : La première tasse revivifie vos intestins mieux que de l'eau glacée ; la deuxième éclaircit vos idées et vous vous sentez l'esprit aussi vif que les Immortels ; la troisième chasse vos maux de tête et vous soustrait à la maladie ; la quatrième vous rend toute votre énergie et chasse soucis et fureurs ; la cinquième chasse les démons de la lubricité et rend aveugles et sourds les esprits malins ; la sixième vous entraîne au paradis, et la septième, dès que vous y mettez les lèvres, vous donne l'impression de voleter sur une brise légère parmi les Immortels. Attardons-nous encore sur des poè-


mes que le thé a inspirés à nos aînés :

Un sentier serpente dans la montagne. Le pin abandonne son pollen aux gouttes de pluie. L'ermite puise de l'eau et regagne sa chaumière. Une fumée bleue s'élève et se mêle Aux nuages blancs qui flottent làhaut. Ce poème de l'époque Kory6, "Chez l'ermite," est de Yi Sung-in (1349-1392). Le sentier court dans la montagne sous les arbres qui laissent tomber des gouttes de pluie mêlées de pollen. Un ermite, qui est allé puiser de l'eau au ruisseau, retourne chez lui. Un moment après, une fumée bleue monte dans le ciel et se mêle aux nuages immaculés : le moine est en train de se préparer du thé. Tandis qu'il fait chauffer l'eau, à quoi songe-t-il ? Un autre moine, Pu Hyu Dang (15431614), qui s'est fait le chantre de la vie solitaire dans la montagne, nous répond :

Dans ma retraite solitaire Aù fond de la montagne, Porte close, je laisse passer les jours Et découvre la vanité de la vie. Quand je regarde en arrière, je vois qu'il ne me reste rien d'autre Qu'une tasse de thé fumant Et un livre de prières. Vivant loin du monde, le moine ne possède rien. Enfermé chez lui, il songe à la vanité de toutes choses. Il ne possède aucun bien. Sa tasse de thé et son livre de prières sont ses seuls compagnons. Hyegun (1320-1376), moine qui a vécu lui aussi à l'époque Kory6, décrit ainsi sa vie frugale agrémentée par le thé :

Le monde n'est pas notre oeuvre : Inutile d'en chercher la raison. Il n'est de vérité qu'en moi, que dans mon coeur. Quand j'ai soif, je prépare du thé, Quand la fatigue me prend, je me réfugie dans le sommeil.

Thé et Zen, écrit par le célèbre calligraphe Kim Chong-hiii; service à thé (de haut en

bas sur la page en regard) ;Sieste, par Yi Chaegwan, dynastie Choson, début du XIXème siècle, 122 cm x 56 cm (ci-dessus) 19


Nous ne sommes pas à l'origine des principes qui régissent le monde. La révélation de son ordre, ce n'est pas dans les choses qu'on la trouvera, mais seulement en nous. Une fois dissipée l'anxiété de la quête, l'esprit peut enfin connaître le repos. Il ne nous reste plus alors, quand on a soif, qu'à boire du thé, quand on est fatigué, qu'à s'étendre et s'abandonner au sommeil: La vie, alors, devient limpide. Un somme réparateur, une tasse de thé, et voilà les rn y stères du monde dévoilés ! Celui qui boit du thé sait se soustrajre à l'agitation du monde. Tous désirs apaisés, il mène une vie sereine. Hyejang (1772-1811), moine de l'époque Choson, exprime ainsi cette quiétude :

je grimpe dans les colJines pour y cueillir du thé, je porte de l'eau pour arroser les fleurs devant ma maison ; Quand je relève la tête, le soleil est déjà sur l'horizon. Le vent m'apporte le son des clochettes d'un ermitage au loin ; Les corbeaux se sont perchés sur les arbres antiques. Tant de paix, d'allégresse, de beauté : Quel bonheur! L'ermite se lève de bonne heure pour aller cueillir des feuilles de thé dans la montagne ; il transporte des seaux d'eau pour arroser ses fleurs : ainsi passent ses journées. Les clochettes .suspendues à l'avant-toit du temple tintent dans le vent, comme pour dire qu'il est

temps de rentrer. Les corbeaux se sont rassemblés sur les arbres pour y passer la nuit. Le poète ne peut résister à l'envie de clamer sa joie devant la beauté de la nature. Moments d'autant plus délicieux qu'il a un sac plein de jeunes pousses de thé ... Le lettré Chang Yag-yong (17621836) écrivit un jour à Hyejang pour lui demander de lui faire parvenir davantage de son thé. C'est que, lui expliquaitil dans sa lettre, il avait besoin cie ce thé pour soigner les maux dont souffrait son coeur. Dégusté seul sous la lune ou en compagnie d'un moine de ses amis, le breuvage apaisait les chagrins de la vie de ce bas monde. Quand il recevait un hôte, il lui offrait toujours du thé et n'entamait la conversation qu 'après qu 'ils en eurent bu trois tasses. Ce

Jouer du Komun-go,parYi Ky6ng-yun, dynastie Chos6n, XVèmesiècle,31,1 cm x 24,8 cm (ci-dessus); En écrivant un poème, par

Yi Chaegwan, dynastie Chos6n, début du XIX ème siècle, 37 cm x 59 cm (en haut à droite) 20


temps qui s'étale, ce silence paisible, ne sont-ils pas de simples moments de délice? Dans son poème "Visite au moine Om", Yi Kyu-bo (1168-1241), lettré de l'époque Kory6, a chanté ce qu'il peut y a),loir de raffiné dans une conversation partagée autour d'une tasse de thé :

A chaque tasse, une nouvelle histoire. Petit à petit, Je monde devient féérique, Tout est pur et limpide et heureux : A quoi bon s'enivrer dans l'alcool ? L'hôte sert le thé, chaque tasse amène un nouveau sujet de conversation. Plus la conversation avance, plus elle s'affine. Ceux qui ignorent ce qu'il y a d'exquis dans des moments pareils, qui ne connaissent que l'ivresse de l'alcool, ne sontils pas à plaindre ? Le thé a d'autres vertus que celle de favoriser la conversation, il est aussi un médicament efficace. Dans un poème intitulé 'te thé du malade", S6 K6-j6ng (1420-148"8) célèbre lui aussi le thé à sa façon :

La maladie, cette année, me fait mourir de soif

Boire du thé est mon seul répit, mon unique plaisir. Sur des feuilles dorées par la rosée, je v.er~ l'eau que j'ai puisée à la première clarté de l'aube. Le poète émerge, à l'aube, d'un sommeil agité, bouche sèche. Il se lève et sort dans l'air pur pour aller puiser de l'eau fraîche. Puis, assis devant sa marmite, il la fait bouillir et prépare son thé. L'arôme monte doucement, et avant même d'avoir bu une première gorgée, la salive lui vient à la bouche, la maladie petit à petit se laisse oublier, son corps retrouve toute son aisance. Ce poète a laissé un autre poème :

A quoi bon discuter de son arôme, De sa couleur et son goût ? Il suffit de Je boire, Et voilà vos esprits Qui retrouvent toute leur clarté. Puisqu'il chasse si bien la brume de votre esprit, il ne sert à rien de parler de son parfum ou de sa teinte, il suffit de le boire. Dans "La fête du 5 mai au pavillon Chipkwan", Yi Tok-mu (1741-1793), philosophe de l'époque Chos6n, parle du thé en ces termes :

Les fleurs du grenadier Embrasent ses branches de leur splendew; Et sur Je rideau blanc jettent l'ombre Qu'y dessine la lumière du jour qui avance. Quand l'encens embaume la chambre Et que bout gentiment l'eau du thé, Le moment est venu de dérouler une peinture. Par une journée de printemps, le grenadier en pleine floraison projette l'ombre de ·ses fleurs rougeoyantes sur le rideau blanc de la chambre, qu'on a tiré pour se protéger de la trop vive clarté. L'encens qu'on fait brüler répand son parfum dans la pièce. La théière est toute fumante. Le lettré déroule une peinture, et devant le chef-d'oeuvre d'un maître d'antan, il se laisse aller au bonheur de la contemplation, hors du temps. Boire du thé, c'est donc aller au plus profond de la vie, en percer le mystère. Des visages enfouis dans la mémoire retrouvent leurs traits dans la fumée qui monte du brüle-parfum. Nos aînés savaient s'offrir de ces moments de détente autour d'une tasse de thé. Ils savaient contrôler le rythme de la vie et se mettre à l'abri de ses heurts. + 21


La cérémonie du Choi Ha-rim

Journaliste au Chonnam Ilbo

L'

histoire du thé en Corée est étroitement liée au développement du bouddhisme. La culture du thé fut introduite par des moines bouddhistes qui avaient fait leurs études dans la Chine des Tang. La généralisation du breuvage par la suite fut également due à leur influence. Selon des documents anciens, le thé fit sa première apparition à la cour royale de Corée sous le règne du roi

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Ky6ngd6k (règne 342-365) du royaume de Shilla. A l'époque, des événements inhabituels se produisaient dans tout le pays, de sorte que le monarque offrit des rites spéciaux aux trois divinités de cinq montagnes: Kùmgang, Myo-hyang, Chiri, Paektu et Samgak. Mais les phénomènes étranges continuant de se produire, le roi donna l'ordre à sa suite de trouver un moine susceptible de résoudre le mystère. Les courtisans en

trouvèrent un, mais après lui avoir posé quelques questions, le sou.verain décida qu'il ne faisait pas l'affaire et le renvoya. Au même moment, un moine revêtu d'habits grossiers et portant un sac usé cheminait sur la route du sud. Le roi eut la bonté de l'accueillir et lui demanda son nom. "Ch'ungdam", lui répondit-il. "Est-ce toi l'érudit qui a rédigé le Ch'ankip'arangga (Ode du chevalier Hwarang kip'a) ?", voulut savoir le roi. Le moine


thé et ses ustensiles lui dit qu'en · effet, il était bien l'auteur du texte. Il lui fut alors demandé d'où il venait. Le troisième jour du troisième mois, et le neuvième jour du neuvième _,mois, je me rends. sur la colline Samhwary6ng, dans le mont Nam, pour y effectuer des rites en l'honneur de . Maitreya. Je viens juste de lui servir du thé. Le monarque, heureux d'entendre ces paroles, lui demanda s'il ne pourrait . pas lui en servir un bol. Le moine versa

le thé précautionneusement. L'arôme du thé était subtil, et son goût emplit le palais du souverain. Depuis lors, la popularité du thé ne se démentit pas à la cour de Shilla. Même le dessin des ustensiles servant à sa préparation aurait été fortement influencé par la Chine des Tang. On sait que la troisième année du règne du roi Hungd6k, Taery6n, l'envoyé du roi, en avait rapporté des bols à thé. Selon le

Samguk sagi (Chronique des Trois Royaumes), ce que l'on appelait thé à l'époque était un mélange de thé vert et de thé noir importé de Chine, connu sous le nom de chonch'a. Dans le Worillok, une autre chronique du royaume de Shilla, le thé est désigné sous l'appellation de cfromch'a. Le premier terme fait référence à de fines feuilles, et le second, à des feuilles moulues, c'est-à-dire réduites en poudre.

Un bol à théavecdesinscriptionsseréférantau thé, découvert à Anapchi Pond, Kyongju, époque Shilla unifié (668-935)

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Il existe d'autres légendes à propos du thé. Selon l'une d'elles, la princesse Ho Hwang-ok et son frère aîné Po-ok, d'Ayutthaya (Thaïlande), parvinrent au royaume de Kaya (42-562) après avoir traversé les mers à bord d'un bateau empli d'or, d'argent et d'autres trésors, et d'un plant de thé. Toutefois, cette légende pourrait relever davantage du mythe que de la réalité. Si les plants de thé poussent si densément dans le sud de la Corée, c'est plus vraisemblablement grâce aux moines de la région Kangjin-Yong-am, dans la province de Cholla du Sud, qui allèrent étudier dans la Chine des Tang, plutôt qu'à la princesse Ho Hwang-ok. Le climat de la région, favorable à la pousse des plantes, est sûrement un autre facteur. Quoi qu'il en soit, au Vème et au Vlème siècles, dans le royaume de Shilla, les théières, bols et autres ustensiles étaient d 'un usage très répandu. L'augmentation progressive du nombre de références au breuvage dans le Worillok indique que des instruments servant à la moulure des feuilles de thé existaient, et il est probable que l'usage de filtres était lui aussi connu. Il se peut que d'autres ustensiles aient été utilisés à cette période, mais il est difficile de savoir lesquels sont tombés hors d'usage au cours du temps. Toutefois, à en juger d'après l'importante production de céramiques recouvertes de plomb et d'autres sortes de glaçures à compter de l'époque Shilla unifié, il semble que les bols, sinon les théières, étaient courants.

Les ustensiles du royaume de Koryo

Théière céladon utilisée lors des rituels bouddhistes, dynastie Kory6, XIème-XIIème siècle,hauteur32,7 cm

A partir de la période des Trois Royaumes et jusqu'à Shilla unifié, la culture du thé fut prospère, mais il fallut attendre le royaume de Kory6 pour qu'elle atteigne son apogée. 24

A partir de la période des Trois Royaumes et jusqu'à Shilla unifié, la culture du thé fut prospère, mais il fallut attendre le royaume de Koryo pour qu'elle atteigne son apogée. Sous Koryo, le pouvoir échappa à la classe dite Kolp 'um au profit de celle dite Hojok (petite noblesse locale). En termes de culture, la nouvelle élite, fondée sur le bouddhisme, forma sa propre dynastie puissante. Aussi l'idéologie, la culture et les rites bouddhiques se propagèrent-ils dans tout le


pays. Au cours de cette période, la taille des temples bouddhistes surpassait celle de la cour royale et les rizières et parcelles de terres agricoles leur appartenant étaient innombrables. Les temples attiraient des centaines de milliers de pèlerins au printemps et à l'automne, venus effectuer des rites en l'espoir de bonnes récoltes. Au printemps, on allumait des lanternes et priait la bonne fortune, et en automne, ·Je roi conduisait un rite pour célébrer la récolte. Des centaines de milliers de lanternes étaient ainsi allumées et suspendues par rangées. La consommation du thé .se répandit rapidement elle aussi. Des maisons de thé apparurent le long des routes, et les clans puissants firent construire des pavillons de thé dans leurs domaines. Si les foyers séculiers créaient leurs maisons de thé, les temples suivirent cette mode avec plus d'enthousiasme encore. Des th éières de la meilleure facture, ou tout au moins des bols, emplis de thé préparé à l'aide de feuilles fraîchement ramassées, étaient placés sur des autels devant des effigies de Bouddha. L'un des meilleurs exemples de tels instruments à thé fait partie de la collection permanente d'un rn usée de Boston. Il s'agit d'un service en argent datant du XIIème siècle. Le des- sus de la théière est orné d'un bouton de lotus couronné d'un phénix. La poignée est un anneau d'argent mince et délicat, au motif de bambou. Son art est semblable à celui utilisé pour la célèbre porcelaine bleue au martin-pêcheur avec des incrustations de l'époque. C'est au XIIème siècle que la beauté des services à thé atteignit son apogée. Alors que les théières et les bols du Xlème siècle étaient épais et ternes, l'accent étant mis davantage sur le côté pratique que sur l'esthétique, au XIIème siècle, ils étaient nettement plus raffinés et délicats, et plus grande était leur variété de fonnes. Les motifs utilisés évoluèrent eux aussi. Les chrysanthèmes d'inspiration chinoise firent place à des boutons de lotus, des pivoines, des raisins, des bambous, des nuages et des grues. Ces motifs forment d'ailleurs la base de l'esthétique coréenne.

Surpris par des coups frappés à la porte je me retournai et vis qu'on apportait du thé plus précieux que le jade Son arôme limpide - est-ce parce qu'il a été récolté avant Hanshik? Sa lumière douce, comme la rosée au fond des bois Son murmure, comme l'eau qui bout dans un pot de terre évoquant Je pin battu par les vents Du bol de thé sort un bouton de fleur Transition vers le début du royaume de Choson

De haut en bas: bol céladon avec des motifs de nuages et de grues, dynastie Koryo; bol punch'ong décoré de motifs blancs; bol punch'ong verni, avec une sous-glaçure argentée

Le thé était à ce point partie intégrante de la culture qu'il était rare qu'un poème de l'époque n'en fît pas mention. A la fin de l'époque Koryo, le lettré Yi Yon-jong écrivit celui-ci:

A Y6ngnam je fus l'hôte d'un vieux temple Dans la bambouseraie à la lisière entre Yongsan et Pongsan je suivis le moine qui cueillait, semblables à un bec d'oiseau Des feuilles de thé Un de ses contemporains, le grand poète Yi Chae-hon, composa cet autre poème:

Alors que le royaume de Koryo était sur le déclin, la popularité croissante des poteries dites punch '6ng, caractérisées par un engobe blanc et une glaçure gris-vert, peut être vue comme le signe d'un recul dans le développement de l'art de la céramique en Corée. Mais les services à thé de l'époque, simples, sans fioritures, informels et généreusement proportionnés, sont considérés comme supérieurs aux céladons de Koryo et à la porcelaine blanche de Choson. Les historiens de l'art comparent souvent un vase de porcelaine blanche à l'aînée des brus de la famille, tandis qu 'un service à thé en punch'6ng évoquerait la face rude d'un fermier. Il est certain que l'esprit avec lequel les punch '6ng étaient produits, l'absence de tout artifice visant à approcher l'essence de la nature, est comparable à l'éthique des travaux agricoles. Les Japonais préfèrent le punch'6ng (qu'ils appellent samcho) au céladon et à la porcelaine blanche. Tandis que les Coréens le tiennent en piètre estime à cause de sa dissymétrie et de ses couleurs sombres, les Japonais y voient une merveille de simplicité. Dans le roman historique "Taiyabo", il y a une scène dans laquelle Hideyoshi Toyotomi reçoi t, de la part de marchands, un service à thé en punch'6ng, en guise de cadeau. Tout en lissant la porcelaine de la paume de la main, il soupire et s'exclame : "Choson est un bien étrange pa ys". Il est peu de dire 25


qu'il exprimait ainsi son admiration pour la beauté du service à thé. La production de céramique punch'6ng que les Japonais admiraient tant commença à une période dè transition, lorsque Yi Song-gye prit le pouvoir pour fonder le royaume de Choson. Mais l'office gouvernemental qui supervisait la production des céramiques fer. ma, et les artisans se dispersèrent dans tout le pays. Aussi la maîtrise technique de la forme et des teintes périclita-t-elle. Puis la facture des porcelaines entra dans une nouvelle phase de développement, qui prenait ~pui sur la tradition du céladon de Koryo, bien qu'en étant différente, autant qu'elle se distinguait . de la porcelaine blanche de Choson qui allait suivre. Cette nouvelle sorte de punch'6ng avait la faveur des temples de province et de la classe aisée qui vivait en dehors des principales zones urbaines. Le nouveau punch'6ng devint un symbole du statut de cette classe. Au début, le punch '6ng de la région de Changhung était connu pour ses motifs Bol à thé céladon avec son support, utilisés pour l'offrande du thé lors des rituels bouddhistes, dynastie Koryo, début XHème siècle (ci-contre); théière en porcelaine blanche, dynastie Chos6n, XIXème siècle (à droite)

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de fleurs simples, mais au fur et à mesure que le temps passait, les récipients gagnèrent en taille et les motifs, en sophistication. A la fin du règne de Sejong (1418-1450) et sous Tanjong (14521468), une nouvelle sorte de poterie apparut. Les 6nyanginsu pumy6ng et les t6kry6ng pumy6ng étaient différents de ceux du début de la période Choson, leurs formes devenant moins douces, l'est, l'ouest et le sud étant ornés de chrysanthèmes, et le nord étant recouvert d'idéogrammes. Le samga-insu pumy6ng qui fut en usage sous Sejo (1455-1468) était caractérisé par une base élevée. Le bol était placé au-dessus. Un chrysanthème décorait la partie inférieure de la base du bol, et la partie supérieure était décorée de motifs géométriques incrustés représentant des fleurs. Le tout formait une oeuvre d'art sophistiquée. La collection du Musée national compte l'un des plus beaux exemples de punjangmun, ou punch'6ng plongé dans une glaçure verte. Sa couleur est peut-être · quelconque, mais ses formes

combinent la force et la grâce, et en font une véritable merveille d'harmonie. Ce type de punch'6ng plongé dans la glaçure était pour l'essentiel produit dans la région du Cholla. Son procédé consistait à plonger une céramique marron foncé dans un engobe blanc avant de la retirer pour provoquer un effet de volutes. Cette technique donne un aspect plutôt moderne, ce qui explique peut-être pourquoi elle est encore si utilisée de nos jours. Il existe d'autres types de punch'6ng, dont le ch'6 lhwamun et le kwiyalmun (qui fait référence à une technique selon laquelle l'argile est peignée à l'aide d'une brosse appelée kwiyal, qui laisse des traces). Pour le premier, est utilisée une argile grise mêlée de poudre de fer, sur laquelle un engobe blanc est appliqué et qui est alors décoré adroitement avec des morceaux de fer noirs ou gris charbon en forme de saule, d'oiseau, de poisson, de pivoine ou d'éclair. Dans le second, une argile blanche est


appliquée à l'aide d'un pinceau kwiyal sur la surface d'argile grise. Les motifs créés par les coups de pinceau évoquent l'énergie, la vitesse et la puissance.

Les bols à thé sous Choson Le royaume de Choson sonna le glas de la céramique punch'6ng. Après le règne de Sejong (1418-1450) et de Songjang (1469-1494), la forme et la fonction des bols et des récipients commencèrent à changer, reflétant une nouvelle austérité parmi la classe au pouvoir, qui demandait alors des porcelaines pratiques sans. fioritures. Le blanc devint une couleur de choix parmi la nouvelle petite noblesse ascendante et les proportions se firent plus fortes et plus robustes. Pendant cette période, tout l'héritage du bouddhisme fut interdit et banni de la société, y compris la cérémonie du thé. A la moitié de la période, la cérémonie du thé était devenue une chose du passé, comme l'illustre l'anecdote suivante. Lorsque le commandant Yang Hao, de la Chine des Ming, arriva avec ses troupes en Corée, lors de l'invasion japonaise, il dit au roi Sonja (1567-1608) qu'il avait découvert un thé originaire de Nam won. Il existe des plants d'un · thé excellent à Namwon. Si on le vendait à Liaodong, on pourrait en tirer une pièce d'argent les 4,5 kg. Il y aurait là de quoi acheter dix mille chevaux. Nous n'avons pas pour coutume de boire du thé dans ce pays, et celui qui pousse à Namwon est seulement pour les classes inférieures. Yang Hao souligna encore la qualité du thé de Namwon et déclara : "Boire de ce thé relaxe et éclaircit la pensée". Mais le roi Sonja, dont les principes directeurs étaient basés sur le néo-confucianisme, ne pouvait rien accepter qui fût aussi intimement lié au bouddhisme. Bien que l'habitude de boire du thé eût disparu de la classe au pouvoir et des classes supérieures, elle perdurait secrètement dans les montagnes et les bois, où les moines continuaient à consommer du thé fait de feuilles qu'ils cueillaient et faisaient sécher soigneuse-

Bien que l'habitude de boire du thé eût disparu de la classe au pouvoir et des classes supérieures, elle perdurait secrètement dans les montagnes et les bois, où les moines continuaient à consommer du thé fait de feuilles qu'ils cueillaient et faisaient sécher soigneusement ment. Ils èn buvaient à chaque repas. La première fois que l'érudit du mouvement Shirhak Chong Yag-yong en but, ce fut lorsqu'il rencontra le maître zen Hyejang au temple Paengnyon, sur les pentes du mont W olch'ul. Il fut si frappé par le goût du thé qu'il aurait demandé au prêtre : "Si je retourne au temple, m'offrirez-vous du thé ?" Le prêtre Ch'o-ui eut une rencontre semblable avec le célèbre calligraphe Kim Ch6ng-hui. Ch'o-ui écrivit "Ode au thé coréen" et "Recueil de conversations sur le thé", qui favorisèrent la réapparition de la culture du thé en Corée.

Autres bols et ustensiles Si l'on parle des ustensiles de la cérémonie du thé, il est bon de préciser qu'un service complet comprend plus qu'une théière et des bols. Il y a aussi des pots pour conserver le thé séché. Leur forme et leur dessin ont beaucoup changé au fil des âges. Leur couvercle faisait l'objet d'un soin particulier, car il devait protéger le thé de l'air et de l'humidité. Il existait non seulement un récipient pour faire infuser le thé,

mais également un pot séparé dans lequel l'eau était mise à bouillir. On en dénombrait de nombreuses sortes, mais les plus recherchés étaient en argent, car ils maintenaient la température de l'eau, de sorte qu'elle n'était pas trop chaude et qu'elle ne refroidissait pas trop vite. Lorsque l'eau arrivait à bonne température, on la versait dans un autre récipient muni d'un bec. L'intérieur d'un récipient punch'6ng du XV ème siècle est décoré de caractères chinois et de motifs en forme de saule, qui signifient la joie de l'espace rempli par le thé. Il existe d'autres instruments relatifs à la cérémonie du thé, ordinairement faits de bambou. Le tashi sert à prendre le thé dans le pot où il est conservé pour le mettre dans la théière. La table est importante elle aussi, car elle servait à transporter un service corn plet. On dit que la table à thé est, avec la table à écriture et la petite table à repas, le plus bel exemple de la tradition du travail du bois en Corée. Leur simplicité apporte un démenti à leurs lignes et à leurs proportions gracieuses. + 27


Les thés et leurs Yu Tae-jong

Professeur de sciences alimentaires, Université de Keonyang

L

es hommes, les créatures les plus complexes de la Terre, sont différents des animaux en ce sens qu'ils possèdent une capacité intellectuelle énorme. Cela dit, les hommes ne peuvent pas se contenter seulement de pain, alors ils recherchent des produits plus raffinés, par exemple le vin et le thé. A la différence du vin, le thé ou ch'a en coréen aide à maintenir une santé saine. Les Coréens ont préparé le thé à partir des ingrédients divers trouvés dans la nature.

Le nok ch'a ou le thé vert, est bon à la fois pour faire disparaître le stress et calmer les nerfs. De nos jours, parmi les trois principaux genres de nok ch a c'est-à-dire en feuilles, en poudre et en rondelles - le thé en feuilles est servi le plus couramment de nos jours. Selon les anciens documents; le thé vert aide à développer l'intelligence, à éclairer les yeux, à désaltérer et à éliminer les éléments nocifs dans le corps. Le thé vert contient du tanin, du flavonol, de la

caféine, des vitamines, des minéraux et de la chlorophylle. La consommation régulière du thé permet à la fois d'éliminer le stress quotidien et de stimuler les nerfs et aussi d'en apprécier le goût particulier et unique. Récemment, on a découvert que le thé vert contenait des propriétés anticancéreuses. Le thé vert se prépare en laissant infuser les feuilles dans de l'eau bouillie. Le thé est servi différemment selon le goût personnel, mais en général 2 grammes de thé sont suffisants pour 200 millilitres d'eau par tasse. La température idéale ~ st de 80 degrés centigrades pour préparer fe thé macéré dans une théière pendant deux à trois minutes. Le thé vert coréen le plus célébre est chaks61 ch'a ou le thé de la langue du moineau, nom donné ainsi d'après la forme de la feuille. Kamipch'a

Kamip ch 'a est préparé avec les

feuilles de kaki tendre ramassées en mai. Les feuilles de kaki sont riches en cellulose, en protéine, en chlorophylle, en vitamines et en minéraux. Elles con-

Nok ch 'a

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effets mĂŠdicinaux

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tiennent 20 fois plus de vitamines que le citron et également du potassium et du calcium. La vitamine C agit avec le polyphénol et la chlorophylle permettant de prévenir l'hypertension. Pour le préparer il faut tout d'abord enlever la nervure des feuilles du kaki tendre et cuire à la vapeur pendant quelques minutes. Ensuite, il faut laisser infuser envi. ron 3 grammes de feuilles séchées dans 800 millilitres d'eau chaude pendant 5 minutes. Etant donné que le thé aux feuilles de kaki ne dégage pas de parfum fort, souvent on y ajoute quelques gouttes de vin d'ab,ricot ou des tranches de citron.

Le nom botanique du ginseng (insam) est Panax ginseng, panax signifiant panacée. Le ginseng pousse au japon, en Chine, en Amérique, sur les monts de l'Himalaya et également en Corée, mais le ginseng coréen est considéré comme le meilleur pour les usages médicaux et diététiques. Le ginseng contient plus de 20 sortes de saponine qui selon les experts sont à l'origine des effets médicaux de la racine. A partir de l'antiquité, le ginseng a été longtemps hautement apprécié dans l'Est en tant que fortifiant pour le sang et le coeur. Il a été prouvé scientifiquement que le ginseng avait un effet pour alléger le stress, la fatigue, la dépression, l'insuffisance cardiaque, la sclérose artérielle, l'anémie et l'ulcère, et pour combattre le desséchement et ranimer la peau. Pour préparer le thé au ginseng, insam ch'a, 10 grammes de ginseng et 5 jujubes chinois sont bouillis dans 1 litre d'eau, auquel on peut ajouter du miel ou du sucre selon la préférence. Ch'ik ch'a

Ch 'ik ch 'a ou le thé de racine de marante est généralement reconnu pour prévenir' et guérir le rhume. La racine de marante contient des corn posants appelés daidzein et iso-flavonoide permettant de soulager les spasmes. Cette racine est connue pour ses propriétés pharmacologiques agissant contre la 30

fièvre, aidant l'élargissement des artères coronaires et le développement de l'hémodynamique cérébrale. Pour préparer le thé, il faut environ 200 grammes de racine de marante séchée qu'on fait bouillir dans 1litre d'eau avec du miel selon le goût. Ce thé est également recommandé pour les douleurs à l'épaule et au bras et pour la gueule de bois. Saenggang ch 'a

Saenggang, ou le gingembre, est efficace pour stimuler l'appétit et l'absorption des substances nutritives et également pour améliorer le goût de l'herbe. Le gingembre fortifie la fonction de l'estomac, soulage la nausée, et aide à arrêter les toux et le hoquet. Par ailleurs, il tue les microbes et calme le mal des transports. En raison de son goût épicé, le thé au gingembre chaud a un effet de tranquillisant, ce qui est donc efficace pour le rhume. Pour le préparer, il faut nettoyer le gingembre à l'eau, l'éplucher et le couper en fines tranches d'environ 0,1 mm d'épaisseur. Il est ensuite bouilli dans de l'eau. La proportion est de 10 grammes de gingembre pour 1 litre d'eau. Une autre méthode est de faire tremper les tranches de gingembre dans du miel ou du sucre et les préserver dans un pot. Le thé est alors servi en mettant une ou deux cuillères de gingembre dans une tasse dans laquelle on ajoute de l'eau chaude.

Kugija ch'a

L'épine-vinette, ou kugi en coréen, appartient à la famille de l'aubergine. Elle est riche en carotène, en vitamines A, B, et Bz, et contient également du sitostérol, de l'acide linoléique, et de la bétaïne. Elle stimule la sécrétion des hormones de croissance, désintègre le cholestérol accumulé, dissout la graisse du foie et fait baisser le niveau du sucre


Insamch'a

plante appartenant à la famille Cassia nomame. Le mot ky6lmy6ng signifie rendre les yeux brillants ; pendant des siècles ces graines ont été reconnues en

Corée pour leurs effets positifs sur la foie et les reins. Ils contiennent de l'anthraquinone qui a été prouvée efficace pour favoriser l'urination, diminuer la tension artérielle, renforcer l'estomac et guérir la constipation. Pour le préparer, il faut faire frire les graines de ky61my6ng et les faire bouillir dans de l'eau. La proportion appropriée est de 20 grammes de graines pour un litre d'eau. Mogwach'a

Mogwa cha, ou le thé de coing, est

dans le s ~ mg. En plus, elle agit contre le stress, la ·constipation, l'hypertension et le diabète ainsi que la "maladie froide" comme les herboristes l'appellent. Pour préparer le kukija ch'a, il faut 20 grammes de kukija pour 400 millilitres

d'eau et faire bouillir. On peut y ajouter du miel selon le goût. Kyolmyongja ch'a

Le ky6lm y6ngja ch a est préparé à partir des graines marrons foncés d'une

populaire notamment en automne et en hiver. Les coings mûrs sont coupés en tranches fines d'environ 5 mm d'épaisseur et sont mis dans un pot en verre. Les couches de fruits et de sucre ou du miel sont posées en alternance et préservées. Ce thé dont le parfum et le goût sont particulièrement appréciés par de nombreuses personnes, aident ceux 31


qui souffrent de dos ou des jambes ainsi que de névralgie et de lumbago. Il est également efficace pour atténuer les convulsions des muscles. Il aide notamment la digestion, désaltère à la suite d'une diarrhée, renforce les poumons et apaise l'estomac.

Omijach'a

Yuja ch 'a Yuja , ou citron, pousse dans les provinces de Ch6lla et du Ky6ngsang du Sud. Etant donné que le yuja a un goût aigre et amer, ce fruit est coupé en fines tranches qui sont posées en

couche avec du sucre ou du miel et préservées dans un pot. Pour le préparer, une ou deux cuillères de yuja sont mises dans une tasse dans laquelle est ajoutée de l'eau chaude. Yuja ch'a est efficace contre le rhume et la fatigue; il permet d'alléger les symptômes de rhume en entraînant la transpiration et en faisant baisser la température du corps.

Omija ch'a qui signifie littéralement "thé aux cinq goûts" ; c'est-à-dire présentant des goüts à la fois sucré, aigre, amer, salé et épicé. Omija est un fruit de couleur rouge appartenant à la famille maximowiczia chinenesis. Il a un goût amer en raison des acides malique et tartrique et est efficace pour favoriser le métabolisme. Omija est parfois utilisé pour préparer un punch au fruit en été. Ce thé est préparé en faisant bouillir 10 grammes d'omija avec 2 marrons et 2 jujubes chinois ou encore en faisant bouillir à feu doux l'omija avec du ginseng. Du' sucre ou du miel peut être ajouté avant de le consommer. Ce thé est efficace pour stimuler les enzymes dans le corps et accroître l'appétit.

Kyep'ich'a K yep'i ou l'écorce de la cannelle, qui appartient à la famille des lauracées est à la fois sucrée et résistante ; lorsqu'elle est mâchée, elle entraîne l'engourdissement

Les Coréens ont une longue histoire pour la préparation de thés qui favorise la bonne santé.

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de la langue. La cannelle qui contient des composants d'huile est efficace pour renforcer l'estomac, pour faire baisser la température du corps et pour alléger la douleur. Elle permet également de calmer l'état d'agitation, d'équilibrer le métabolisme et de faciliter la circulation sanguine. Kyep'i ch'a, thé à la cannelle, stimule la sécrétion de suc gastrique et ainsi favorise la fonction d'absorption de


l'estomac, et entraîne ainsi l'appétit à accroître. Elle aide à alléger les convulsions de l'estomac. Pour le préparer, il faut 2 à 3 grammes d'écorce de cannelle nétoyée et la faire bouillir dans un demi litre d'eau sur un feu doux pendant 20 minutes. Le contenu est ensuite filtré à l'aide d'un tamis et est servi avec des amandes et des tranches de jujube et ajouté de sucre ou de miel. Taecll'u ch~1 Taech 'u ch'a, un thé préparé à partir du jujube chinois, est bon pour calmer la nervosité. Le jujube est également connu depuis longtemps pour ses effets contre le vieillissement. Par ailleurs le thé au jujube est connu en tant que fortifiant. Pour le préparer, les jujubes sont tout

d'abord bouillis dans de l'eau - environ 30 jujubes pour 1,8 litres d'eau - sur un feu doux jusqu'à ce qu'un tiers d'eau s'évapore, et ensuite le fruit cuit est déplacé et égoutté à l'aide d'un tamis afin de pouvoir séparer les grains de la peau du fruit. Le fruit égoutté est ensuite introduit dans de l'eau chaude ajoutée d'une quantité d'ea u supplémentaire et le tout est de nouveau mis sur le feu doux. A va nt de le consommer, on peut y ajouter du miel ou du sucre. Yulmuch'a Yulmu, est une plante annue lle appartenant à la famille du riz. En raison de ses fruits qui ressemblent au riz et le goüt semblable à celui-ci, il est égale-

ment consommé comme un repas. Le yulmu contient une grande quantité de carbohydrates et également des protéines et des acides aminés essentiels ; il est souvent consommé pour accroître la résistance physique. Le jus de yulmu agit sur le flux menstruel et l'urination et renforce la fonction de l'estomac. Récemment, d'après des recherches, le y ulmu a été reconnu comme ayant des propriétés anticancéreuses. Egalement, il agit contre la fatigue, la constipation et la névralgie. Pour préparer yulmu ch'a, il faut environ 20 grammes de grains de y ulmu frits qu'on fait bouillir dans un demi-litre d'eau et qu'on laisse chauffer ensuite pendant une demi-heure sur un feu doux. Le thé est ensuite filtré avant d'être consommé. +

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Taech'u ch'a 33


La culture contemporaine du thé en Corée Park Hee-jun

Représentant des Chasseurs de parfums

L

e gouvernement coréen a -désigné 1997 "Année du patrimoine . culturel". Cette mesure apparaît dans le cadre d'un effort pour une meilleure compréhension de la culture coréenne et met. chaque année l'accent sur l'une des facettes de la culture locale. Les années précédentes ont été consacrées au théâtre, à la danse, à la musique classique et à d'autres arts. La tradition du thé en Corée a été mise en évidence en mai 1997 quand, le moine bouddhiste, Ch'o-ùi (1786-1866), largement considéré comme le promoteur de la tradition du thé, a été désigné "Figure culturelle du mois". Un évé: nement unique de cet ordre ne suffit guère à transformer la mentalité du pays à l'égard du thé. Toutefois, c'est un signe ; conjugué à d'autres événements commémoratifs, que les Coréens recommencent à considérer la tradition du thé comme un aspect précieux de leur patrimoine culturel. Bien que le thé et la cérémonie du thé tiennent une place importante depuis longtemps dans la culture coréenne, ils ne recevaient plus l'attention qu 'ils méritaient Heureusement, le parfum du thé traditionnel coréen se répand à nouveau dans le pays et redevient part de la vie quotidienne des Coréens quels que soient leur classe, leur âge ou leur religion. La tradition coréenne du thé a été sauvée alors qu'elle était sur le point de disparaître en raison de la consommation accrue de café et autres boissons occidentales au cours des années tumul34

tueuses de modernisation. Le bouleversement a été si radical que le thé, ch'a, en coréen, n'est même plus offert au cours du ch'arye, rituel confucéen qui rend hommage aux ancêtres lors de certaines fêtes traditionnelles ; il a été remplacé par le vin il y a longtemps. Les efforts de moines bouddhistes et autres

Bien que le thé et la cérémonie du thé tiennent une place importante dans la culture coréenne, ils ne recevaient plus l'attention qu'ils méritaient. Heureusement, Je parfum du thé traditionnel se répand à nouveau dans le pays et redevient part de la vie quotidienne des Coréens.


personnes, consacrés à la protection des racines culturelles et spirituelles de la nation, ont été déterminants pour la perpétuation de la tradition de la cérémonie du thé. Ces efforts ont finalement abouti dans les années soixantedix avec la création de l'Association coréenne des buveurs de thé. L'association a familiarisé le public avec le mot peu usité, ch'a-in, qui désigne un buveur de thé, a encouragé de nombreuses études sur la vie des ch 'a-in d'autrefois et sur leur art de vivre. La culture contemporaine du thé relancée par l'étude des coutumes anciennes devient de plus en plus riche et variée. Le thé est devenu un aliment de santé. On l'utilise aussi pour aider à atteindre la paix intérieure dans le cadre d'une vie bien réglée. En s'attachant à l'étude de la tradition du thé, les Coréens font revivre leur passé, découvrent des parfums ancestraux et des rituels depuis longtemps oubliés au cours de la rapide expansiof) économique du pays. Cette résurgence est due essentiellement au nombre croissant d'associations d'amis du thé et souligne la signification de cette tradition. On compte l'Association des buveurs de thé de Corée, l'Association de la cérémonie du thé de Corée, l'Association des buveurs de thé de Pusan et l'Institut culturel de Tongda-

La désignation de Ch 'o

- u~

song. D'autres groupes, tels Yejiwon et Yemy6ngw6n tentent une approche plus originale de la culture traditionnelle grâce à des études qui incluent l'art de boire le thé et son étiquette. D'autres organisations à travers le pays contribuent à faire du thé une part intégrante de la vie quotidienne. Parmi elles, la Fédération nationale des universitaires buveurs de thé, un club créé il y a vingt ans par des étudiants buveurs de thé, et Ch'a Sarang, qui regroupe une nouvelle génération de buveurs de thé ; qui fait connaître les délices de la culture traditionnelle du thé par Internet, se dégagent comme des forces d'influence. Le nombre de buveurs de thé en Corée ne èesse de croître comme le démontre l'augmentation de la production nationale de thé passée d'une tonne par an dans les années soixante-dix à 900 tonnes en 1996 et par les quantités énormes importées. Il existe depuis dix ans un magazine exclusivement consacré au thé et les séminaires universitaires sur le thé ne se comptent plus. Tout ceci témoigne d'une renaissance de la tradition du thé en Corée.

La Mecque de la tradition du thé On parle souvent de la tradition du thé comme d'un art composite. L'art de vie en Corée -vêtements, alimentation

moine bouddhiste considéré comme Je

promoteur de la tradition du thé, en tant que "Figure culturelle du mois" en mai 1997, indique que l'art du thé est finalement apprécié comme une tradition culturelle de grande valeur. 35


La culture contemporaine du thé relancée par l'étude des coutumes anciennes devient de plus en plus riche et variée. Le thé est devenu un aliment de santé. On l'utilise aussi pout aider à atteindre la paix intérieure dans le cadre d'une vie bien réglée.

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et habitat- est une partie intégrante de la tradition du thé. Le type de thé dégusté s'accompagne de rituels différents, où théière, tasses ; salons de thé, meubles, peintures et fleurs changent. Diverses modifications esthétiques accompagnent donc l'acte de boire du thé. C'est très sensible à Insa-dong où la culture traditionnelle coréenne est assez bien préservée. Insa-dong, quartier du centre de Séoul, est parsemé de boutiques vendant des peintures anciennes et autres objets d'art et de galeries d'art contemporain. Il y a des restaurants coréens traditionnels, des salons de thé

et des boutiques qui vendent thé et articles relatifs au thé. Le nombre de boutiques spécialisées dans les vêtements traditionnels s'est soudain accru récemment ; si bien qu'à Insa-dong on découvre sous toutes sortes d'aspects l'esthétique traditionnelle coréenne. Les salons de thé traditionnels ajoutent aussi beaucoup de vie au quartier. A Insa-dong, on compte désormais plus de sept magasins spécialisés dans les thés et le matériel pour sa préparation ; tandis que dans les années soixante-dix il n'en existait qu'un seul. Il y a aussi environ trente maisons de thé où


l'on peut découvrir le plaisir du thé coréen, et leur nombre ne cesse d'augmenter. Taw6n, situé dans l'enceinte du musée d'art Kyong-in est la plus ancienne maison de thé d'Insa-dong. Les visiteurs peuvent découvrir le passé de la Corée dans le musée, situé dans une maison au toit traditionnel en tuiles au _milieu d'un jardin. Tagy6ng Hyangshil est une autre maison de thé traditionnelle qui offre toutes sortes de thés coréens et c'est le seul endroit où l'on peut exclusivement déguster du thé. Yetch'atchip est un salon de thé exo-

tique avec des oiseaux en liberté et de l'eau qui coule. Ch'odang, dont le propriétaire prépare lui-même le thé de ses clients, et Aragaya, qui expose des tissus teints par le propriétaire avec des colorants naturels, sont des salons de thé originaux, révélateurs de la personnalité de leur propriétaire. Il est tout à fait surprenant de constater que les clients de ces établissements sont âgés de vingt à trente ans. Le bourgeon de la tradititon du thé qui a jailli il y a vingt ans a développé des racines solides et refleurit désormais. La culture du thé contribue à atté-

nuer le goût excessif pour la consommation tant accéléré par le développement économique du pays. La tradition du thé est reconnue comme un phénomène culturel caractéristique d'un mode de vie ancien. De nombreuses écoles offrent depuis dix ans des cours sur le thé et c'est un sujet désormais enseigné au jardin d'enfants aussi bien qu'à l'école primaire ou secondaire. Le nombre d'instituts dirigés par des associations pour la promotion du thé est aussi en augmentation. Il faut noter que cette tendance dépasse le simple geste de préparer et boire du thé. Un nombre croissant de personnes étudie la théorie de l'art du thé et prépare son propre thé en se plongeant dans la tradition de la cérémonie du thé. Il en résulte que l'on offre à nouveau du thé à la place du vin dans les rites ancestraux. Ceux qui se consacrent à la redécouverte de la tradition du thé de la Corée de l'ancien temps rendent leurs efforts publics afin de freiner la détérioration de la culture coréenne amorcée durant l'occupation coloniale japonaise et poursuivie pendant le développement économique qui a suivi. Ces chercheurs se consacrent aussi à l'étude des vêtements, des récipients et de tout le matériel relatif à la cérémonie du thé afin d'ajouter une dimension idéologique et historique au simple plaisir de déguster le thé. Dans le cadre des tendances actuelles pour une renaissance de la tradition du thé en conjonction avec d'autres aspect de la culture traditionnelle, la tranquillité et la générosité des Coréens cl'autrefois, créateurs des céladons Kory6 et de la porcelaine blanche Chos6n, vont peutêtre revivre dans la Corée contemporaine. Cet esprit altruiste et créatif régénéré va peut-être se diffuser, paisiblement et délicieusement de par le monde tout comme une tasse de thé purifie corps et esprit. + La Mecque du thé traditionel, Insa-dong (pagedegaucheen bas) présente de nombreux salons de thé tels que Tagyong Hyangshil (page de gauche en haut) et Yetch'atchip (à gauche). 37


de Posong et la péninsule de Kohùng. tiques de la nature intransigeante des habitants de Posong. Posong est un comté montagneux, Posong ne possède pas de ~ site culcomme c'est le cas pour l'est de Kohùng, de Changhùng et du sud-ouest de turel majeur ; néanmoins, de nombreux Kangjin. Traditionnellement, la terre cullieux à travers la région valent bien un détour. j'étais profondément imprestivable était rare et les moyens de transsionné par une paire de statues spirituelports étaient insuffisants. La topographie de la région a sans doute influencé le les en pierre représentant un homme et caractère _des habitants de la région qui tme femme debout (changstlng), à l'apsont connus pour leur résistance vis-àproche de Haep'yong-ri, un village près vis des pressions extérieures. En 1921, , de la côte de là baie de Posong situé à l'est du centre-ville cie Posong. Les deux durant la dominatiG.n japonaise en Corée, les 'lettrés é:le Posong avait organisé statues s'élèvent sous les branches étenune manifestation contre la taxe sur dues d'un arbre géant. Alors que: je les admirais au couch<2r du soleil, je me suis l'alcool imposée par le régime japo,nais. CeGi est l'un des exê m es leurs à la


fois sévère et humoristique communiquaient l'aspect de dignité avec sobriété. Nous avons fait là une pause, examinant les lignes grossièrement taillées. C'était probablement le travail d'un amateur et pourtant elles reflétaient parfaitement le caractère du Coréen associant l'humour, la dignité et la beauté naturelle. En regardant ces statues spirituelles, on peut .facilement comprendre pourquoi cette région est devenue le berceau de S6p'y6nje, l'école de l'Ouest


est un travail élaboré et puissant, commençant doucement et terminant par un écho languissant d'émotion profonde. A l'opposé, Tongp'yonje, l'école de l'Est , commence d 'une manière réservée et digne et termine plutôt brusquement. Les deux styles ont exprimé la vie des êtres communs travaillant dur dans la société traditionnelle et ont servi comme moyen pour chasser la mélancolie et les difficultés de la vie quotidienne. P'ansori était réellement la musiqi.Je des gens du commun, et les statues de Haep 'y6ng-ri sont les représentations physiques de cette tradition.

Lorsque notre équipe s'était rendue à 40

Haep'y6ng-ri pour voir ces statues, le photographe qui nous accompagnait était agacé par les herbes et les branches qui gênaient la prise de vue. Mais, un moment plus tard les habitants du village qui étaient de passage n'ont pas hésité un instant à venir nous aider avec leurs ustensiles à nous débarrasser des herbes et des branches sans dire un mot. Les collines autour du temple Taew6n à Mund6k-my6n, à Pos6ng, ont été reconnues depuis longtemps pour leur thé célèbre. Aujourd'hui n1ême, quelques 2,5 hectares de terre sont utilisés pour cultiver le thé parmi la chênaie, l'aunaie et les bambous. Le thé est égale-

ment cultivé dans le village de Tangch 'on à Pongnae-my6n et autour du temple de Ch6nggwang à P6lgyo, le site de l'ancien temple Chaw6n à Pos6ng et au pied du mont Kwi à Tüngnyangmy6n. Le Pos6ng Taw6n, une plantation de thé qui produit 90 pourcents de thé vert de la Corée, est situé à Pongsanri, juste au sud de la ville Pos6ng. Là, les collines sont couvertes du riche feuillage des théiers. Originaire de l'Asie du Sud-est, le théier, Camellia sinensis, est un arbuste vert qui ressemble au camélia. Les théiers sont extrêmement sensibles au climat. Ils ont besoin de près de 1500 mm de pluie chaque année. La précipi-


Dans le sens des aiguilles d'une montre à partir de la gauche: un champ de thé à Posong; une manufacture traditionelle de thé; la Princesse du thé 1997; un producteur de thé offrant une présentation du traitement du thé

tation annuelle à Posong ne satisfait pas en général cette exigence, mais la convergence des climats intérieurs et océaniques semblent satisfaire les conditions nécessaires pour faire pousser les plantes de thé. Il fait chaud et humide en été à Posong. Les matins sont souvent couverts de brouillard en provenance de la mer, et les ravins de la montagne donnent de l'ombre sur les plantations pendant les heures les plus chaudes de la journée. Les arbres tels que l'aulne et le bambou du temple Taewon sont quelquefois plantés dans des plantations de thés ou aux alentours, pour donner de l'ombre et protéger des rayons du soleil trop fort et également

pour empêcher la croissance des mauvaises herbes et enrichir la terre grâce aux feuilles mortes et aux branches. Les théiers nécessitent une terre fertile riche en terreau. Leurs racines sont trois fois plus longues que leurs branches ; ce qui rend difficile les transplantations. Pour cette raison, des graines de thé sont offertes aux nouveaux mariés comme cadeau symbolisant la fidélité en mariage. Le thé est ramassé à la main. Seulement les feuilles les plus petites et les plus précoces sont utilisées. Les trois types majeurs de thé produits aujourd'hui sont le thé noir fermenté, le thé long semi-fermenté et le thé vert non-fer-

menté. Posong produit seulement du thé vert. L'histoire du thé coréen reflète le développement économ ique et social du pays. Dans les années 70, la Corée a vu croître le désir pour les possessions matérielles, mais, dans les années 80 et 90, les Coréens se penchent sur les moyens pour satisfaire leur aspiration spirituelle. Certains intellectuels croient que les Occidentaux ont inventé la bière et les boissons non-alcoolisées en raison de l'insuffisance de l'eau potable et que les Chinois ont développé la culture de thé car leur eau était polluée. Les boissons comme le café, le cacao et le thé ont été appréciés depuis long41


temps en raison de leur agent stimulant. Ils donnent de l'énergie au système nerveux central et en même temps offrent un goût et un parfum agréables. Le thé vert est connu pour sa vertu à contrôler l'hypertension et à réduire le taux de cholestérol dans le sang. Il contient du polyphénol, un puissant agent anti-oxydant ; ces composants protègent le -corps des toxines. Le tanin aide à éliminer les impuretés qui se trouvent dans le corps telles que l~s métaux lourds. Le thé vert est également efficace pour soulager les maux de tête. On dit que l'association des graines de thé et du bulbe de lis est efficace pour guérir l'asthme, les toux chroniques et le _rhume. Si l'on mélange du thé avec du soju, alcool à base de patates douces, on dit qu'il est possible de réduire les effets

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de l'alcool et d'éviter la gueule de bois. En 1939, l'industrie du thé coréen a été ruinée par le mauvais climat, et les marchands de thé japonais qui avaient l'habitude de s'approvisionner dans les plantations de Pos6ng avaient cessé de venir les acheter. Par ailleurs, progressivement le thé avait commencé à perdre du terrain alors que les boissons importées telles que le café et les boissons gazeuses gagnaient les consommateurs coréens. Au fur et à mesure que le pays se modernisait, la cérémonie du thé, (l'art de préparer le thé et de méditer silencieusement), a perdu la faveur des Coréens. Durant la dynastie Kory6 (918-1392), l'heure du thé était un passe-temps favori parmi les membres de la famille royale et de l'aristocratie. De nombreux temples bouddhistes géraient des communautés de thé qui envoyaient le thé à la cour en signe d'hommage. La culture de thé a également contribué au dével oppement de la magnifique poterie en céladon de Kory6. Le bouddhisme était sur son déclin sous le confucianisme de la dynastie de Chos6n (1392-1910) et avec lui la consommation du thé avait diminué. Cependant, la coutume a persisté parmi les moines bouddhistes. Vers la fin de la dynastie Chos6n, le thé était étroitement lié à la secte zen du bouddhisme. Le maître bouddhiste Ch'o-ûi (1786-1866) originaire de la région de Ch6lla du sud, avait grandement contribué à la restauration de la cérémonie du thé. Les lettrés confucéens Ch6ng Yag-yong (1762-1836) et Kim Ch6ng-hi:ii (17861856) étaient parvenus à apprécier le thé à travers leur étroite association avec Ch'o-ui. Ch6ng, un lettré célèbre du mouvement Shirhak, était interdit de séjour à ~ pendant 18 Haenam, à l'ouest de Pos6ng ans. A cette époque, il avait déclaré que sa seule consolation était de boire du thé et d'être en compagnie de Ch'o-ui. Ch6ng avait vécu dans une petite chaumière construite sur une colline à l'est de Haenam. Ce lieu appelé Tasan Ch'odang, a été reconstruit en adoptant

une nouvelle structure avec des tuiles sur le toit en 1958 par les descendants de Ch6ng. Bien qu'aujourd'hui il est difficile de retrouver l'atmosphère de l'époque qu'avaient appréciée Ch6ng et ses amis, cette demeure a laissé quelques traces laissant deviner comment les hommes se sont réjouis à boire du thé et à converser à propos du ruisseau qui avait fourni de l'eau pour le thé et qui coule toujours derrière l'ermitage Ilch'i du temple S6nun à Koch'ang où Ch'o-i:ii avait passé près de 40 ans. Ce ruisseau est aujourd'hui le berceau de la culture du thé transmise de génération en génération parmi les moines. Du côté de la population, cependant, la culture de thé a en général sensiblement reculé après la Deuxième guerre mondiale. C'est seulement dans les an-


nées 80 que les Coréens ont commencé à redécouvrir les ressources psychologiques nécessaires pour apprécier la valeur du thé et les bénéfices qu'il nous offre. Les Coréens sont parvenus à comprendre les effets néfastes des boissons artificiellement parfumées et du café. Le thé vert est aujourd'hui reconnu pour ses usages médicinaux à la fois psychologique et physique. Aujourd'hui' les plantations de thé à Pos6ng couvrent près de 600 hectares et produisent environ 70 tonnes de feuilles de thé chaque année. Les cultivateurs de thé ont enregistré des pertes pendant de nombreuses années, mais récemment la demande a dépassé l'offre. Depuis 1985, le comté parraine le Festival du thé, unique en Corée, qui a lieu en mai de chaque année, au moment de la récolte de thé. Un rite célébrant le dieu du thé inaugure le festival ; il est suivi par les démonstrations de récolte et de traitement des feuilles et une exposition des pots et des tasses à thé, du concours "La princesse du thé", et des cérémonies du thé. A Pos6ng, six variétés de thé sont traitées. Les installations et les plantations de thé ont offert des emplois précieux à la jeune génération de Pos6ng, renversant la tendance de fuite des jeunes vers la ville, tout au moins dans ce pays. Par ailleurs, Pos6ng se vante des paysages magnifiques le long des côtes. Yulp'o, un village qui longe la mer situé sur la route qui mène à Changhung, est caractéristique de la communauté de pêche traditionnelle coréenne. Les bateaux de pêche en bois dansent sur l'eau. Lorsque les visiteurs commandent du poisson cru dans un restaurant local, le propriétaire va probablement sortir pour aller choisir directement un poisson frais au filet du pêcheur. Non seulement le poisson est frais mais égaiement les plats d'accompagnement sont nombreux et variés, une des caractéristiques de la cuisine de Ch6lla. Complétez avec un verre de soju mélangé à du thé vert, et vous aurez un repas parfait.

Après avoir pris un repas délicieux et quelques verres de soju, en admirant la baie de Pos6ng à partir de la péninsule de Kohung nous nous sommes dits qu'il n'était pas nécessaire de précipiter le pas pour rentrer à la maison. L'alcool était fort mais il a été adouci grâce au thé.

Par ailleurs, la manière très élégante de servir le repas et le thé a d'autant plus rendu la soirée plaisante. Un bon repas, des gens agréables et la mer qui s'étend infiniment devant nous, tout ceci était une raison de plus de ne pas retourner à Séoul à toute vitesse. +

Statues spirituelles de pierre à l'approche du village Haep'yong-ri (à gauche). A pa~ tir du haut: le temple Taewon près de Pos6ng et le temple Ta eh iing à Haenam où le thé pousse naturellement; pour être réellement apprécié, le thé doit être partagé dans une atmosphère conviviale comme ces personnes à Yejiwon, un institut à Pos6ng qui cherche à intégrer la consommation du thé dans l'étiquette quotidienne. 43


GROS PLAN

.

Festival international de

danses masquées . àAndong Koo Hee-sue

Critique de théâtre

C

omme plusieurs journées commémoratives importantes, y compris celle de la Fon. dation et celle du Hangul, tombent courant octobre, le gouvernement a désigné ce mois comme "mois culturel". En effet, chaque année, à cette période, se déroulent, à Séoul, plusieurs festivals culturels tels que, entre autres, celui du théâtre, de la danse, de la musique, tandis que les villes de province organisent leurs propr~s festivals régionaux. Depuis l'introduction du système, en 1995, de l'autonomie locale, le nombre de festivals mettant en lumière les différentes cultures régionales s'est sensiblement accru. Cette année le Festival international de danses masquées, organisé sous les auspices de Andong, une ville de la province de Ky6ngsang du Nord, et du village voisin de Hahoe, est venu s'ajouter aux diverses manifestations culturelles. L'événement qui s'est tenu du 1er au 5 octobre, a eu lieu au

village de Hahoe ; et les rives de la rivière Naktong ont été aménagées pour l'occasion. Plusieurs interprétations de danses masquées, telles que le t'alch 'um, le sandaenori, le ogwangdae, le yaru et le kam y6n-guk ont été présentées en versions modernes. Treize de ces danses ont été désignées comme d'importants héritages culturels immuables. Bien que la Corée ~ oit un petit pays marqué par une division nationale, les Coréens se sont arrangés pour préserver et transmettre les héritages les plus importants de la tradition des danses masquées. Un grand nombre d'artistes originaires de la Corée du Nord travaillent dans le Sud, rendant ainsi possible la préservation des formes de danses nord-coréennes. Tous les artistes de danses masquées reconnus patrimoines culturels se retrouvent systématiquement sous la protection du gouvernement. Les plus doués reçoivent une subvention et les

Les danses masquées sont sans aucun doute l'un des patrimoines culturels les plus importants de la Corée qui ont permis de préserver les traditions. C'est un art qui allie la musique, la danse, les chansons de différentes régions, ce qui laisse transp~îe

des anciennes formes de distractions, des valeurs

historiques et Je folklore national. Un masque de lion utilisé dans la Danse du lion de Pukch 'ong, une danse masquée traditionnellement exécutée lors de la première lune de l'année

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En haut, à partir de la gauche: Malttugi ch'um de la danse masquée Kangnyong; Kosong ogwangdae; danse masquée de Pongsan; En bas: Yangban ch'um de Kosong ogwangdae

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étudiants qui souhaitent devenir les successeurs de ces "patrimoines culturels vivants" touchent une bourse d 'étude. Plusieurs fois par an, des groupes mettent en scène ces danses masq~ée grâce à la collaboration du gouvel"nement. Cependant on ne peut pas dire que les danses traditionnelles masquées font partie intégrante de la vie coréenne moderne. Il existe peu d 'opportunités pour les artistes de démontrer leur savoir-faire et donc peu d'opportunités pour ceux qui sont intéressés à assister à de bonnes repré-

sentations de cet art. D'ailleurs, même ces derniers rencontrent des difficultés pour être informés des diverse!' manifestations et souvent les artistes ne bénéficient pas des meilleures conditions. Inutile de dire, que ceux qui ne portent pas vraiment d'intérêt particulier pour les danses masquées n'ont quasiment aucune chance de pouvoir participer à un spectacle. Les danses masquées sont sans aucun doute l'un des patrimoines culturels les plus important de la Corée qui ont permis de préserver les tradi-


ti ons. C'est un art qui allie la rn usique, la danse, les chansons de différentes régions, ce qui laisse transparaître des anciennes formes de distractions, des valeurs historiques et le folklore national. Le Festival international de danses masquées à Andong avait la double ambition de montrer les riches traditions et les valeurs historiques des danses masquées ·coréennes et de les faire découvrir au public. La région de Andong-Hahoe est bien adaptée pour accueillir un tel festival. En effet, Hahoe py61shin kut, est le siège du cél~bre une combinaison de shamanisme et de danse masquée ; et un ensemble de masques du py6lshin y a aussi été désigné "trésor national". La région de Andong peut elle aussi se glorifier de son paysage parsemé de montagnes et de rivières, et de ses anciens lieux saints, s6w6n, qui jalonnent la ville, autrefois destinés aux lettrés ou aux hommes d'état mais qui servaient aussi pour l'enseignement privé du confucianisme sous la dynastie de Chos6n. Le village de Hahoe est connu pour avoir su pérenniser son aspect traditionnel de l'époque de Chos6n, en arborant ses vieilles maisons aux toits detuiles où l'a ncien mode de vie reste intact. De plus, c'est un endroit très touristique réunissant toutes les qualités pour réaliser un festival culturel. C'est avec toutes ces considérations à l'esprit que le Festival international de danses masquées a été inauguré. L'idée originale aussi bien que le planning et la préparation de l'événement sont venues de Kang Jun-hyuk, qui a créé, entre autre, le Festival de marionnettes de Ch 'unch '6 n, dont la célébration, depuis ces neuf dernières a nnées, connaît toujours le même succès. Réalisé en collaboration avec les autorités gouvernementales locales et les citoyens de la région, le festival de Andong a répondu aux attentes de toutes les personnes qui ont travaillé ensemble pour permettre l'aboutissement de ce projet. Le festival a réuni 13 troupes

A partir du haut: Tumen Ekh, une troupe de musique et de danse de Mongolie exécutant une danse relative aux enseignements et légendes bouddhistes; Black Mountain Singers, une troupe américaine de l'état d'Arizona aux Etats-Unis; Africa Mbonda du Congo; exécution d'une musique traditionnelle mongole

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d'artistes ( 406 personnes) reconnus comme patrimoines culturels immuables, un groupe non-reconnu (26 artistes) et 7 troupes d'université (159 artistes) ce qui a formé la meilleure communauté de danseurs de Corée. On comptait aussi 3 groupes étrangers (26 personnes) venant d'Amérique du Nord, d'Afrique et de l'Asie Centrale et .aussi trois troupes spéciales (89 artistes). En tout, 50 représentations de danses

masquées ont été mises en scène pendant le festival. En outre, des attractions comprenant une exposition de masques de danse, un atelier de masques de danse, des points de vente de produits locaux, sont venues s'ajouter au festival. Selon les organisateurs, 320.000 Coréens et 3.800 visiteurs étrangers se sont déplacés pour l'occasion, ce qui fait de l'événement un vrai succès, prometteur pour l'avenir. Néanmoins, il

De haut en bas: Une scène du Festival

faut avouer que tout ne s'est pas toujours déroulé sans difficulté et a même présenté quelques imperfections. Le festival a débuté clans l'après-midi elu 1er octobre par une cérémonie d'ouverture pour s'achever le 5 octobre au soir par une représentation de Hahoe pyolshin kut et de masques en flamme. Pendant ces cinq jours, on a pu voir

international de danses masquées 1997 à Andong; SOn yu chulbul nori (feu

d'artifice), faisant partie du pro-

gramme d'ouverture du festival

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déferler un flot de représentations de danses masquées telles que la danse elu lion de Pukch 'ong, la Songp 'a sandaenori, la Kangniîng Tanojae, les clanses masquées de Pongsan, la Yangju pyolsandaenori et la Tongyong ogwangdae. Chaque équipe présente avait entre 2 et 4 occasions de donner des spectacles. Les représentations ont eu lieu en plein air dans deux arènes, et bien que ce fût en octobre, le soleil était au beau fixe, ce qui a quelque peu incommodé la vision des spectateurs assis sur les gradins, les jeunes comme les moins jeunes, venus de régions plus ou moins proches. Il faut savoir qu 'habituellement le seul moment où l'on peut assister à une telle variété de danses masquées c'est lorsque les groupes reconnus organisent un spectacle à Séoul. Aussi pour les habitants de la région de Andong, le festival était un événement rare, et pour les artistes c'était l'occasion de sensibiliser un nouveau public. ]'ai d'ailleurs remarqué une large rangée de spectateurs fort enthousiastes -notamment ceux qui avaient des appareils photos suspendus au cou, les touristes étrangers et les étudiants. Cependant beaucoup de spectateurs ont regretté que les représentations fussent limitées à une heure chacune. Dommage qu 'elles n 'aient pas duré plusieurs heures pour se prolonger clans la nuit comme le veut la coutume. Bien que les spectacles offerts par les danseurs étaient passionnants, l'absence de nombreux maîtres, disparus ou clans un état de santé critique, s'est -fait sentir. D'ailleurs les meilleurs résultats ont été attribués aux groupes qui avaient la chance d'être accompagnés d'un maître. Les autres, bien que débordant d'enthousiasme n'ont pas vraiment su retransmettre les danses traditionnelles. La troupe qui a présenté la danse masquée de Pongsan mettait en scène de vieux maîtres: Yun Ok et Yang Soun, et c'était un réel plaisir de les voir travailler ensemble et diriger leurs jeunes successeurs. Quant au x jeunes artistes, qui ont interprété la Yangju


pyè5lsandaenori, leur représentation fut remarquable, ce qui leur a valu de nombreux applaudissements, bien mérités. Des étudiants étaient également au rendez-vous, mais bien que pleine de dextérité et d'enthousiasme, leur représentation manquait de sincérité, sans doute due à un manque de travail. Il est vrai que les danses masquées ont atteint leur apogée dans les années 70 dans les lycées mais, depuis, un certain laisser-aller s'est installé. Il faut espérer que leur participation au festival leur donnera un nou_veau souffle de vigueur. Les trois troupes étrangères présentes étaient les "Chanteurs des Montagnes Noires", un groupe d'Américains venant de l'état d'Arizona aux EtatsUnis, le Tumen Ekh, une troupe interprétant des danses et des musiques traditionnelles de Mongolie et Africa Mbonda du Congo. Ils n'étaient sans doute pas suffisamment nombreux pour que l'on puisse parler de festival international, néanmoins ils venaient des .plus grands continents : Amérique du Nord, Afrique et Asie. Les Américains, qui incluaient de jeunes artistes âgés de 6 à 16 ans, ontréalisé une grande variété de danses masquées sous des accompagnements de tambour. Leur répertoire était similaire à celui qui serait apparu dans un pow-wow indien traditionnel. Malheureusement, ils n'ont pas beaucoup "accroché" avec le public, peut-être parce qu'ils ne se sentaient pas à l'aise sur une terre étrangère. La troupe mongole Tumen Ekh, dont le nom signifie "L'héritage des chevaux", a fait connaître sa culture par une représentation de tsam , un mélange de chansons et de danses, imprégné d'histoires et de légendes bouddhistes. Ce spectacle, accompagné d'une explication narrative a fourni une rar e occasion aux Coréens de découvrir les coutumes des Mongols, leurs proches voisins qui leur sont pourtant étrangers. Quant à la troupe Africa Mbonda,

dont le nom signifie "tambours d'Afrique", c'est elle qui a eu le plus de succès. Trois joueurs de tambours et trois danseurs ont réalisé différentes figures. Inépuisables, ils ne se lassaient pas de divertir le public. Ces artistes qui sont arrivés un jour en retard à cause d'un problème d'avion, qui ont été déchirés par une guerre civile, semblaient oublier leurs soucis en s'évadant dans la danse. L'enthousiasme qu'ils ont généré dans la foule s'est prolongé bien au-delà du temps qui leur était imparti, en effet, ils ont ensuite dansé en dehors de la scène avec des spectateurs. Cette troupe a été invitée par les bons offices d'un homme d'affaire coréen installé au Congo et c'était sa première représentation à l'étranger. Composée de talentueux danseurs, originaires de différentes tribus africaines, elle a vraiment eu un bon contact avec le public. A part les danses masquées, d'autres événements sont venus agrémenter le festival. n'es concerts ont été organisés par le Séoul Wind Ensemble, le groupe de percussion de Kim Duk-soo, Samulnori Hanullim et le maître de p'ansori An Suk-s6n. De même, les étudiants qui ont réalisé les spectacles de Kosè5ng ogwangdae, Hahoe pyolshin kut, la danse du lion de Pukch'6ng et Songp'a sandaenori ont animé 12 ateliers de masques de danse pour le grand public. Une exposition internationale de masques au Musée des masques de Hahoe présentant 300 masques coréens et 400 masques étrangers a été également organisée. Bref les spectateurs ne risquaient pas de s'ennuyer. Il existe un proverbe coréen qui dit "Ne soit pas saoûl au bout d'un verre de vin" ce qui signifie en d'autres termes "Une chose après l'autre". Le festival de Andong était comme la première coupe de vin, mais les résultats sont néanmoins prometteurs. La prochaine fois, il conviendra de s'occuper davantage des préparatifs et surtout de garder à l'esprit la vraie signification d'un tel festival. +

Le village de Hahoe est connu pour a voir su pérenniser son aspect traditionnel de l'époque de Chos6n, en arborant ses vieilles maisons aux toits de tuiles où l'ancien mode de vie reste intact. De plus, c'est un endroit très touristique réunissant toutes les qualités pour réaliser un festival culturel.

Une exposition internationale de masques au Musée des masques de Hahoe présentant300 masques coréens et 400 masques étrangers a été également organisée à Andong en conjonction avec le Festival international de danses masquées de Andong de 1997.

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Dtnan ter

YiPong-ju Lee Hyoung-kwon Président de l'Institut du patrimoine culturel coréen

1 est un dicton selon lequel une vierge derrière la 12ème porte peut changer mais un vase de laiton ne change pas. Le dicton exprime . éloquemment la vertu de la dinanderie qui devenait une vieille compagne des Coréens dans la vie quotidienne. Aujourd'hui, il est difficile de trouver une pièce de dinanderie sur la table, mais il y a seulement trente ans, la dinanderie dominait la table coréenne avec la vaisselle de porcelaine. D'après "l'Essai sur la capitale" (Ky6ngdojapkl), livre sur les moeurs des Séoulites écrit par Yu Tuk-kong, spécialiste de Shirhak (étude pratique) sous le règne du roi Chongjo (règne 1777-1800) de la dynastie Choson, ceux qui faisaient grand cas de dinanderie l'utilisaient non seulement pour la vaisselle de table, mais aussi pour le pot de chambre et le bassin. Auparavant, il était courant de voir les femmes assises ensemble dans une cour ensoleillée polissant les pièces de dinanderie à l'aide de luffas et de poudres de tuile. Il représentait une scène typiquement coréenne. Il suffisait, dit-on, de jeter un regard à la dinanderie arrangée dans la cuisine pour savoir tout sur la future belle-famille : l'état financier et les soins du ménage. Aujourd'hui pourtant, la dinanderie ne constitue plus une nécessité quotidienne. Elle est devenue une antiquité dans le' sillage de la dynastie déchue : son maiheur a commencé avec l'annexion et la colonisation de la Corée par le Japon (1910-1945). Notamment pendant la Deuxième Guerre Mondiale, les Japonais confisquaient tous les produits de

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YiPong-ju

Aujourd'hui, il est difficile de trouver une pièce de . dinanderie sur la table, mais il y a seulement trente ans, la dinanderie dominait la table coréenne avec la vaisselle de porcelaine. laiton pour l'usage militaire, et par conséquent presque rien en laiton n'est resté en Corée. Après la libération du pays du joug du Japon en 1945, l'usage de laiton est rentré en vogue pour un bref moment. Mais à la suite de la Güe~r de Corée (1950-1953), la politique du pays sur le combustible y a asséné un coup mortel : l'utilisation de bois pour combustible

était interdit, il était difficile de trouver du charbon de bois destiné à fondre le métal. Plus tard, lorsque les briquettes de charbon se répandaient dans les foyers coréens, il était impossible d'utiliser la dinanderie, car la fumée des briquettes la rouillait complètement. Par dessus le marché, lorsque des vaisselles pratiques comme celle d'acier inoxydable 'et d'aluminium prenaient d'assaut les cuisines coréennes, le sort de la dinanderie semblait être décidé : soit aux greniers, soit aux antiquaires. Pourtant, la mode circule avec le temps. Les vaisselles d'acier inoxydable, d'aluminium et de plastique qui monopolisaient les tables coréennes ont commencé à céder la place à la vaisselle en céramique, et ces derniers jours, les pièces de dinanderie font apparition à leur tour. La mode et les moeurs qui ne suivaient ces dernières années que l'efficacité et le bon marché se sont raffinés pour chercher l'élégance et la beauté. A l'origine du retour en force de la dinanderie se trouve l'esprit scientifique de nos ancêtres qui ont su bien profiter de sa qualité spécifique dans la vie quotidienne : par exemple, lorsqu'on lave le persil dans un bassin de laiton, les sangsues tombent immédiatement de la plante ; lorsque les pièces de laiton entrent en contact avec le poison, leur couleur change instantanément. Par ailleurs, il est dit que le laiton a pour effet de neutraliser ou de désintoxiquer des nourritures contaminées par les pesticides ou par la pollution. Toutes ces vertus auraient contribué à la réapparition de cette vaisselle du temps passé.



Le métal estchauffédans un four(à gauch,e). Lorsque le métal s'amollit (en haut), il'est versé dans un moule et on le laisse refroidir (à droite). Un gong doit être chauffé plusieurs foisavantqu'iln'offreun son harmonieux (page de droite).

Appelé yugi en coréen, la dinanderie se divise en trois catégories en fonction du mode de fabrication : faite à la main (pangtcha yug1), coulée (chumul yugi) et partiellement faite à la main (pan pangtcha yug1). La fabrication manuelle nécessite de verser du métal fondu dans un bloc de pierre pour le frapper ensuite à coups de marteau. En ce qui concerne les produits coulés, on verse du métal fondu dans un moule. Quant aux produits partiellement faits à la main, lesquels comptent entre autres le bol à riz avec un couvercle et dont le bord est incliné vers l'intérieur, on les façonne dans un' moule mais termine le travail en frappant et polissant le bord à la main. Ces modes de fabrication diffèrent selon les régions. ChèSnju, Unbong, Hamyang et Kimch'èSn étaient connus pour 52

les produits faits à la main, AnsèSng, KyèSngju, Ch'ungju et Iri pour les produits coulés, et Sunch'un pour les produits partiellement faits à la main. Il y est une expression coréenne intéressante, "A ns6ng match 'um", ce qui signifie "fait sur commande" à AnsèSng. La noblesse séoulite avait un faible pour les ustensiles de laiton fabriqués à AnsèSng. Petits et charmants avec leurs couleur et lustre discrets, ils satisfaisaient les clients comme s'ils étaient faits sur commande. Cette expression s'emploie encore couramment aujourd'hui pour indiquer la satisfaction. Malgré son apparence un peu grossière, les produits de laiton de la meilleure qualité sont ceux qui sont faits à la main. Ils sont différents des produits coulés même en alliage. En cas d'alliage, la composition du métal peut varier,

mais pour les produits faits à la main, l'alliage doit consister exactement en 78% de cuivre et 22o/o d'étain. Une légère différence dans la composition ou l'ajout d'éléments étrangers entraîne une conséquence malheureuse selon laquelle le laiton ne s'aplanit pas régulièrement ou se casse lorsqu'on le frappe à- coups de marteau. Les marques qui restent à la suite de coups de marteaux ont pour effet de rehausser l'élégance et le raffinement de ces produits faits à la main. En entrant dans les locaux de Napchong Industry à Ansan, province de KyèSnggi, on a l'impression de devenir sourd aux bruits des coups de marteau. C'est l'atelier de Yi Pong-ju, désigné "trésor culturel humain" (hien culturel intangible W77) pour son savoir-faire en matière de fabrication de dinanderie. Six ouvriers, vêtus en habit coréen


traditionnel et portant une bande à travers le front, travaillent à l'unisson sous la direction de Yi Pong-ju. La scène où ils frappent à coups de marteau du métal fondu refroidi dans un bloc de pierre, rappelle la forge du temps passé. Il y a un ryth me à leur coups de martea u auxquels ils s'empl oient avec un e grande concentration et en sueur. Cet atelier est baptisé d'après Napchong, village situé près de Chongju, ville natale de Yi, et centre de dinanderie faite à la main, province de P'yongan du Sud, Corée du Nord. Yi a commencé ce métier en actionnant un soufflet de forge à l'atelier Yangdae à Séoul dont le patron était un artisan originaire de Napchong. C'est ainsi que Yi a consacré toute sa vie à perpétuer l'esprit et le savoir-faire de la fabrication de la dinanderie originaire de Napchong.

Fils d'un paysan pauvre d'une région montagneuse, il avait quitté sa ville natale en 1948 laissant derrière lui sa mère veuve et ses frères. Il était passé au Sud pour éviter le recrutement par l'armée nord-coréenne. Lorsqu'ils se séparèrent, il promit à sa mère qu 'il reviendrait le printemps prochain. 49 ans se sont écoulés depuis, et pendant tout ce temps il s'est consacré à la dinanderie. C'est la solitude qui l'a amené à mettre le pied dans l'atelier de laiton. Au début, il n'avait aucune intention de devenir dinandier. Il voulait seulement rester avec des gens qui venaient de la même région que lui. Il se contentait de son rôle de garçon de course. Un jour, il se rendit compte qu'il était en train·de gaspiller sa vie en ne faisa nt que des com missions. Alors il a imploré son patron de lui apprendre à fabriquer la dinanderie.

Le patron, qui avait déjà remarqué la sincérité de Yi, lui a donné son feu vert. Pourtant, apprendre ce métier n'était pas une tâche facile. A l'époque, 11 personnes travaillaien t ensemble en form ant une équipe, chacun devait se concentrer sur la tâche qui lui était attribuée et ne devait pas se montrer trop ambitieux. La première tâche de Yi était d'actionner un soufflet. D'habitude une tâche simple est attribuée au débutant, et tout en s'occupant de cette corvée, il pouvait apprendre la technique en observa nt attentivement les autres travailler, avant de faire partie de l'équipe de forgerons. Am bitieux et impatient, Yi ne pouvait attendre le moment venir sans rien faire. Il était quelqu'un qui voulait aller jusqu'au bout le plus vite possible. Lorsqu'il po uva it avoi r un moment de repos dans son travail, il s'entraînait dans un 53


A partir du haut: le métal chauffé est démoulé et frappé pour lui donner forme. Le métal devient malléable à travers un processus répété de chauffe et refoid~ ment en le plongeant dans de l'eau. Une fois de plus, il est frappé afin de lui conférer graduellement la forme voulue.

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coin de l'atelier en frappant le métal à coups de marteau. Quand les autres sor· taient pour s'amuser après le travail, il s'employait à fondre et façonner le zinc qu'il a acheté pour son entraînement puisque c'est un métal facile à manier. Deux années se sont déroulées ainsi. On a reconnu sa compétence et il est de· venu chef d'équipe. A ce moment, la Guerre de Corée a éclaté et il est entré dans l'armée sud-coréenne. Or, après la guerre, avec l'apparition des briquettes de charbon, personne ne voulait de la dinanderie et son talent est devenu inutile. A ce moment, la plupart des dinan· diers ont abandonné leur métier. Pour· tant, Yi n'y a pas renoncé. D'aucuns le louent pour son obstination. Il explique, quant à lui, que c'est parce qu'il ne pou· vait abandonner si facilement cette tech· nique qu'il a acquise avec tant de peine. Pourtant, à son atelier, il lui arrivait parfois de ne pouvoir vendre une seule cuillère pendant toute la journée et il était bientôt obligé de fermer son atelier. Il subsistait alors en travaillant sur les chantier de construction ou en aidant sa femme à préparer et vendre des petits pains chinois. Ce qui l'a sauvé dans cette situation difficile, c'est le gong et la cymbale tradi· tionnels. Les instruments à percussion traditionnels ont ressuscité sur les cam· pus universitaires, après avoir connu une période de répression : au cours de la "campagne des nouveaux villages" menée par le gouvernement du prési· dent Park Chung·hee dans les années 70, les instruments à percussion tradi· tionnels avaient été cloués au pilori, accusés d'encourager la superstition et les cérémonies superflues. Mais les étu· diants ont commencé à s'intéresser à la musique traditionnelle des paysans, ce qui a provoqué la hausse des ventes de gongs et de cymbales. A cette époque, Yi s'est adonné à la fabrication des instruments à percussion traditionnels. Au début des années 80, il a eu l'occasion de visiter des fabricants de cymbales de renommée mondiale aux Etats-Unis. Là, il a pu sourire avec


. satisfaction en apprenant que leur méthode de production est basée sur les mêmes principes que ceux des dinandiers coréens. Cet épisode l'a renforcé dans sa conviction selon laquelle il pourrait produire des instruments de classe mondiale avec la méthode coréenne et il souhaite voir ses produits rivaliser avec les produits fabriqués par les Occidentaux. Actuellement, il transmet sa technique à son fils, Hyong-gun : il est persuadé que sa progéniture pourrait réaliser son rêve, s'il n'arrivait pas à le faire lui-même. Bien qu'un des s~ yeux ait été aveuglé par une étincelle lancée lors de son travail, il n'éprouve aucune difficulté à ~xerc son métier : il est arrivé à un niveau où il peut manier le métal sans le regarder. Les échos venus de ses coups de marteau retentissent à travers son àtelier comme des sons venus de son âme. +

Un petit marteau est utilisé pour donner la touche finale au gong (en haut à droite); un service en bronze (ci-dessus) 55


ARTISTES COREENS A L'ETRANGER

avt< <>nts

LiviaSohn

une étoile qui monte Park Jung-jun j ou rnaliste, Gaeksuk (A udirorium )

A

tout juste vingt ans, Livia Sohn est déjà une musicienne confirmée. Née aux Etats-U nis dans le Connecticut, elle commence l'étud e d u violon à l'âge de cinq ans, entourée de sa mère qui a étudié le violoncelle à l'Université nationale de Séoul et de sa tante elle-même violoniste, la célèbre Kim Nam-youn. La sollicitude de ses parents a été déterminante dans sa formation : pendant ses études au lycée, ils l'ont emmenée tous les week-ends à New York, à deux heures de route de chez elle, pour qu'elle puisse suivre ses leçons de violon. Autre fa cteur détermin ant pour sa vocation : elle a vu à la télévision, alors qu 'elle n'ava it qu e qu atre ans, Chung Ky ung-wha interpréter un des concertos de Mendelssohn. La virtuosité de son aînée l'a profondément impressionnée. A huit ans, en 1985, elle joue le "concerto en fa majeur" de Me nselssohn avec l'orchestre de Wallingford, dans le Connecticut. Par sa performance, elle séduit un public qui applaudit avec ravissement l'apparition d'une jeune virtuose. Elle est alors confiée à Doroth y Delay et Ka ng Hyo, ces maîtres exceptionnels de la Julliard School of Music qui ont su déco uvrir tant de grands talents, tels Sarah C ~ a n g ou Koto Midori. En 1989, à l'âge de dou ze ans, elle remporte le premier prix du concours Yehudi Menuhin (une seule autre Coréenne, Eunice Lee, l'avait gagné avant elle au même âge) ainsi que le Prix du public, faisant des débuts remarqués sur la 56

scène internationale. "Il y a tant de naturel dans l'interprétation de cette jeune prodige", dit ensuite M. Auclair, professeur au Conserva toire national supérieur de musique de Paris et membre du jury, qui a "vraiment eu l'im pression d'entendre un grand maître". La lauréate

"A quatre an s, j'ai v u Ch ung Ky ung-w h a inte1préter un con certo p o ur violon de Mendelssohn à la télévision. Dès ce m om ent, j'ai vo ulu devenir violiniste," dit Sohn. s'est vu proposer, à titre de récompense, de jouer un des concertos de Mendelssohn avec l'orchestre symphonique de Boston dirigé par Menuhin en personne. Ce premier succès lui va ut ensuite d'être in vitée à se produire avec l'orchestre de chambre d'Hartford, l'orchestre symphonique de Pittsburgh, l'o rchestre de chambre de New York, l'o rchestre de chambre Tchaïkovsky, le Pops Orchestra de Boston ainsi que l'orchestre symphonique de Londres. Elle est également invitée à prendre part aux festivals d'Aspen et de Lavinia de Chicago. En juillet 1995, choisie parmi les talents les plus prometteurs de la jeune génération, elle est la vedette du célèbre festi va l de musique de chambre de Kumho.

La jeune virtuose ne s'est pas fait faute, dans un entretien accordé en anglais, son coréen n'est pas excellent, de rendre hommage à ses deux professeurs : "C'est un honneur pour moi de trava iller, depuis onze ans, avec des maîtres comme Mm e Delay et M. Ka ng Hyo. Ils attendent de moi que je me dévoue totalement à la musique. Il y a, entre eux et moi, un très grand respect mutuel. Ils ne se contentent pas simplement de m'apprendre le violon, ils s'efforcent aussi de développer mes capacités musicales et de m'aider à découvrir un style qui me soit propre." Dans une interview donnée à Strad Magazine à l'occasion de ses soixantequinze ans, Doroth y Delay n'a pas manqué de mentionner sa jeune élève au nombre de ceux qui lui sont les plus chers, tels Itzhak Perlman, Cho Liang Lin, Koto Midori, Gil Shaham et Sarah Chang. Le simple fait, déjà, d'avoir été accepté par Dorothy Delay est une excellente carte de visite et peut jouer urr rôle considérable dans une carrière. A la Julliard School, elle a côtoyé les plus grands de la nouvelle génération : Midori, par exemple, ou encore Gil Shaham avec qui elle s'est produite dès l'âge de six ans, au festival d'Aspen, et ce cinq années de suite. Ses prestations au cours de ce festival lui ont valu d'obtenir la bourse Itzhak Perlman, lequel a dit d'elle qu'elle était un bel arbuste destin é à devenir un arbre géant. Livia Sohn a su attirer l'attention aussi bien par l'étend ue de son répertoire


Sohn interprétant un concerto pour violon de Mendelssohn pendant une classe avec des étudiants de Dorothy DeLay

(Bach, Beethoven, Brahms et Bartok) que par le caractère engagé de son jeu. Les sons qu'elle tire de son instrum'ent sont d'une richesse, d'une plénitude exceptionnelles. "Que ce soit en concerto, en sonate ou en musique de chambre, dit-elle, 'tout est important pour moi. Quelle que soit l'oeuvre que j'interprète, je me dis toujours que c'est la plus belle pièce qui ait jamais été écrite. j'essaie de garder constamment cette attitude. j'aimerais élargir mon répertoire à des corn-

positeurs américains contemporains. Je voudrais jouer, par exemple, les oeuvres de John Corigliano ; je trouve qu'elles me conviennent bien." Lorsque, en 1993, elle a interprété une sonate de Corigliano au festival d'Aspen, le compositeur l'a personnellement félicitée pour la perfection de sa technique et sa remarquable musicalité. Elle est venue se produire pour la première fois en Corée en 1992. A cette occasion, elle a interprété les concertos

de Bruch et de Saint-Saëns avec l'orchestre symphonique de la ville de Séoul, puis avec l'orchestre symphonique de Pusan. Cette tournée lui a permis d'apprécier, a-t-elle dit, la qualité d'écoute du public coréen et l'étendue de sa culture musicale. Elle est revenue en 1995 pour une tournée qui l'a conduite à Séoul, Chonju, Ch'ongju, Ch'unch'on et Kwangju. Elle a été ravie de pouvoir jouer cette fois avec l'orchestre de KBS. Dans son programme, elle avait retenu le deuxiè57


me concerto pour violon de Paganini, pièce réputée pour ses difficultés techniques, et rarement donnée en public. A la question qui lui est posée de savoir pourquoi elle a choisi ce concerto, elle

répond : 'j'aime le défi que représente toute interprétation d'une nouvelle oeuvre. Quand je joue en public, l'oeuvre prend pour moi une signification différente. Je pense qu'il n'est pas nécessaire

LiviaSohn

Sohn a été décrite comme "une violoniste qui enthousiasme son audience avec une interprétation aggressive et pleine de force" et "une violoniste qui offre une musique riche et pleine de passion." Elle est aussi reconnue pour l'étendue de son répertoire, qui comprend Bach, Brahms, Beethoven et Bartok. 58

d'expliquer pourquoi c'est un défi de retenir ce concerto pour un concert public. Lorsque je l'ai entendu pour la première fois, j'ai été immédiatement subjuguée et j'ai aussitôt rêvé de le jouer moimême. J'avais d'ailleurs interprété plusieurs fois le premier concerto, qui est donné beaucoup plus souvent que le second, et chaque fois, la mélodie qui émane de l'univers de Paganini m'avait paru très belle, très lyrique, assez comparable à ce qu'on peut entendre à l'Opéra. Le plaisir que j'avais éprouvé en jouant le premier concerto s'était trouvé démultiplié quand j'avais composé moi-même le thème de la cadence du premier mouvement." Livia Sohn a fait des tournées aux Etats-Unis en 1995 et 1996. Elle nous a confié que son rêve le plus cher était de parcourir le monde en compagnie de son seul violon. Dans la réalité, sa mère l'accompagne toujours. Elle s'est produite à Nashville, et à Phoenix, en Caroline du Nord. Elle est revenue à Séoul en janvier dernier, où elle a donné un concert avec l'orchestre philharmonique d'Asie sous la direction de Chung Myung-whun. Elle qui n'avait, il y a quelques années, qu'une vingtaine de récitals et concerts à son actif, est devenue aujourd'hui une interprète professionnelle extrêmement sollicitée. Le violoniste auquel elle porte la plus grande. admiration est Nathan Milstein, parce que, dit-elle, "son jeu est particulièrement pur, plein de poésie, prenant et limpide." Elle aime beaucoup aussi Chung Kyung-wha à qui elle doit d'être devenue violoniste, mais son- idéal absolu reste Milstein. "Quand il joue, ditelle, tous les obstacles s'effacent entre lui, le public et l'oeuvre." Elle estime aussi avoir eu beaucoup de chance de pouvoir côtoyer les meilleurs virtuoses du monde à la Julliard School. Son talent a beau être immense, elle travaille continûment pour s'améliorer encore. Malgré un emploi du temps fort chargé, elle ne connaît pas la fatigue et travaille toujours avec bonne humeur et enthousiasme. Les sommets du succès sont, à n'en pas douter, à sa portée. +


ACTUALITES

Préserver les archives coréennes

Le registre de la "Mémoire du monde'' de l'UNESCO Paik Syeung-gil Directeur du Comité coréen du Conseil international des musées

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e toutes les ·activités et réussites de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), la protection des biens culturels est l'une des plus importantes. Sans les efforts de cette organisation, le temple d'Abu Simbel en Egypte aurait été submergé par les eaux depuis longtemps et personne n'aurait été capable de jouir du magnifique temple de Borobudur en Indonésie. Chaque année, l'UNESCO inscrit uri certain nombre de biens culturels sur sa liste du Patrimoine mondial dans le but de les pré-server et de les maintenir dans l'intérêt de l'humanité. En 1995, trois biens culturels coréens Chongmyo, le tombeau des rois de la dynastie Chos6n, les tablettes en bois du Tripitaka et leur bibliothèque du temple Haein, et enfin la grotte S6kkuram du temple Pulguk, ont été ajoutés sur cette liste. Aujourd'hui, deux trésors de l'architecture coréenne- la forteresse Hwas6ng à Suwon (appelée aussi Suw6ns6ng) et le palais Ch'angd6k à Séoul, ont été.inscrits sur cette liste. Il est également significatif pour les Coréens que cette année, année de l'héritage culturel, le Hunmin ch6ng-i1m (les sons corrects à enseigner

au peuple) et le Chos6n wangjo-shillok (les annales du royaume de Chos6n) aient été inclus sur le registre de la "Mémoire du monde", une entreprise lancée par l'UNESCO, il y a trois ans. On peut dire que le Hunmin ch6ngiim est une réussite sans précédent ; il s'agit d'une documentation détaillée, avec explication de la création et de l'utilis.ation de l'alphabet coréen, aujourd'hui appelé hangiil (autrefois dénommé Hunmin ch6ng-üm). Quant au Chos6n wangjo-shillok, une docu-

Hunmin chong-iim

mentation chronologique sur les rois du royaume de Chos6n, depuis sa fondation en 1392 jusqu'à la fin du règne du roi Ch'6ljong en 1863, il est, sur le plan mondial, le plus ancien et le plus élaboré dans cette catégorie. L'objectif du registre de la "Méf!1oire du monde" est de sélectionner, de préserver et de rendre accessible des documents considérés comme appartenant à l'humanité toute entière depuis les matériaux imprimés sur toutes sortes de supports (bois, papier, cuir, parchemin, papyrus) en passant par les documents sonores, les films, jusqu'aux média électroniques. L'UNESCO a recommandé aux nations membres d'établir des comités nationaux similaires, quant au 'fonctionnement, à celui du Comité international pour la . mémoire du monde. Il y a actuellement 26 pays qui ont mis en place de tels comités pour préserver les archives nationales menacées. Pour être indu dans le patrimoine mondial, un document doit obéir à un certain nombre de critères, il doit (1) témoigner d'une influence majeure dans l'histoire mondiale, (2) illustrer une période marquante de changement dans les affaires du monde, (3) contenir une information importante quant à un lieu qui contribua au 59


ACTUALITES

La couverture (à droite) et une page (à gauche) des Annales

du roi Sejong, faisant partie du Choson wangjo-shillok inscrit dans le registre de la "Mémoire du monde"

développement de l'histoire ou de la culture mondiale, (4) avoir une association particulière avec la vie ou l'œuvre d'une personne ou de gens qui contribuèrent à l'histoire ou à la culture mondiale, (5) exprimer un thème important de l'histoire ou de la culture mondiale, (6) être un exemple pour la compréhension de la forme ou du style, et (7) avoir une valeur spirituelle ou culturel}e qui dépasse sa culture d'origine. . Le registre de la Mémoire du monde a deux objectifs principaux : la conservation et l'accès aux documents. La conservation consiste à sauver et à con60

server des documents rares et précieux qui sont menacés. En effet, trop souvent, de nombreu x d oc um ents, qui sont des biens culturels de valeur, vont disparaître à cause de dégâts naturels ou de négligences humaines. L'accessibilité renvoie à la duplication de ces documents par des média comme les CD-ROMs ou le World Wide Web afin que le plus grand nombre puisse les consulter aisément. Le hangul fut inventé en 1443 par le roi Sejong et son utilisation fut promulguée le 9 octobre 1446 ; le jour du hangtll, le 9 octobre, commémore cet événement. Dans la post-face du traité qui

explique la création et l'utilisation du hangtll, Ch6ng In-ji, le chef du Chiphy6nj6n (Hall des vertus), qui compila le traité, rapporte que le script 'fut créé le trentième jour de la neuvième lune de l'année 1446, ce qui correspond au 9 octobre du calendrier lunaire. Le Hunmin chong-tlm comprend deux grandes parties. Dans la première, qui fut écrit e par le roi Sejong luimême, on trouve le pourquoi de cette invention et l'on indique les 17 sons initiau x (consonnes) et les 11 sons médians (voyelles). La seconde partie, qui fut écrite par les lettrés appartenant au Chiphy6nj6n, comprend les six chapi-


ACTUALITES

tres suivants : (1) une explication de la forme des lettres, (2) une explication des sons initiaux, (3) une explication des sons médians, (4) une explication des sonorités finales, (5) des instructions pour com biner les lettres et, (6) des exemples d'utilisation des lettres. Récemment, certains artistes ont introduit le hangCll dans leur peinture, leur sculpture et même leur chorégraphie. Il est très encourageant de voir que de plus e n plus de ge ns co mmence à reconnaître et à interpréter les aspects initiaux du hangt/1. · Le Chos6n wangjo-shillok est un document relatif aux annales du royaume de Chos6n ; il couvre une période de 472 ans - depuis le roi T'aejo, le fondateur du royaume, jusqu'au roi Ch'6ljong, le dernier des monarques. Il relate non se ulement les faits politiques, diplo matiques, mais aussi les événements sociaux, religieux, astronomiques, les phénomènes naturels extraordinaires, les progrès en géographie, en musique, en science, dans l'artisanat, dans les transports et l'art ; il comprend aussi d'a utres sujets dans le style encyclopédiqu e. C'est pourquoi il est possible de dire que les historiens du royaume de Chos6n furent les précurseurs des journalistes d'aujourd'hui qui traitent de multiples faits, politiques, sociaux, économiques et culturels, avec objectivité. Pendant le règne des trois premiers rois -le roi T'aejo (règne 1392-1398), le roi Ch6ngjong (règne 1399-1400) et le roi T'aejong (règne 1401-1418)- le document fut écrit à la main. A partir du règne du roi Sejong, des caractères d'imprimerie furent utilisés. En 1431, réalisant l'importance qu'il y avait à conserver les annales de la dynastie, Je roi Sejong ordonna que les documents rédigés sous le règne des trois premier rois fussent conservés dans le Shillokch6ng, un bâtiment construit pour abriter les archives centrales. En 1439, deux autres bâtiments furent

construits à S6ngju, dans la province du Ky6ngsang, et à Ch6nju, dans la province du Ch6lla. Enfin en 1445 un nouveau bâtiment fut édifié à Ch'ungju, dans la province de Ch'ungch'6ng, pour conserver les copies des documents. Pendant les invasions japonaises de 1592 et de 1597, le Shillokch6ng, tout comme les archives de S6ngju et celle de Ch'ungju, furent détruites, seules celles de Ch6nju échappèrent à la destruction. En 1603 et en 1606, les copies des documents furent déposées dans le Shillokch6ng reconstruit et les nouvelles archives furent déposées au mont Mani dans l'î le de Kanghwa, au mont Myohyang dans la province de P'y6ng-an et au mont T'aebaek dans la province du Ky6ngsang. Depuis 1960, le gouvernement coréen a financé un projet de 26 ans pour traduire ces an nales importan tes en utilisaflt l'alphabet coréen contemporain. En 1993, les t:ésultats furent publiés, et en 1995, il furent édités sur un CD-ROM, les rendant accessibles non seulement aux intellectuels mais au public en général. Grâce au CD-ROM, de nombreux intellectuels qui n'avaient pu y accéder, à cause des caractères chino is, peuvent maintenant aisément consulter ces archives. Ainsi, un intellectuel rédige actuellement une histoire de l'art coréen à partir des matériaux fournis par le Chos6n wangjo-shillok. Les Coréens doivent faire de même avec des documents de valeur nationale comme le Tripitaka Koreana et le Chikchishimch'e yoj61 (l'enseignement des sages bouddhistes et des maîtres son), les premiers livres imprimés à l'aide de caractères mobiles, qui deviendront ainsi plus accessibles et pourront devenir une part de l'héritage culturel mondial. La Corée devrait également établir un institut pour la préservation et la restauration des livres rares conservés dans le K yunjanggak, la Bibliothèque nationale, les bibliothèques universitaires ou d'autres lieux. +

W orin ch'on-gangjigok (Chansons de la lune se reflétant sur mille rivières), un des premiers livres

utilisant le han-gill avec des caractères chinois

Le Hunmin chong-um, une documentation détaillée et une explication de la création et de J'utilisation dela1phabetcoréen, hangül, est une réalisation sans

précédent. Le Choson wangjo shillok, une docu-

mentation chronologique des règnes des rois de la dynastie Chos6n, est Je plus long et le plus élaboré de sa catégorie au monde.

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ACTUALITES

Le Festival de la FlOte de 1997 à Séoul Han Myung-hee Directeur général, Centre national des arts traditionnels coréen s

bres et leurs émotions nous ont conde soi grâce aux liens tissés par l'alcool, était la mi-octobre dernier les femmes et la musique, qui rassemduit peu à peu de notre monde réel, à avec son ciel exceptionnelleblerait des voisins qui ont des visages, un au-delà, à un monde de sensibilité ment bleu et clair. Au Centre ouvert : le monde de l'imaginaire. A des costumes, des langues, des coutunational ·des arts traditionnels mes, des émotions et des idées diffél'intérieur du monde de pensée des coréens, situé à Séoul dans le quartier rents, ne peut être vraiment que le cainstruments, une histoire dense et des de Soch'o au pied de la montagne paysages régionaux, comme une vision tharcisme de l'époque de la route de Umyon, ont été ravivés, à ce momentla soie, le souvenir im-périssable de panoramique, s'y perpétuent. Les parlà, de façon réaliste, des souvenirs hisl'humanité et sa nostaltoriques vieux de plusieurs centaines d'an~ gie. . nées. L'histoire de Chine 8 Ce sont de tels éléments historiques qui, aussi longue et lente que après plusieurs centaison fleuve Bleu, était nes d'années, ont été liée à une mélodie tranprésentés rn usicalequille et le parfum ment sous le ciel de acidulé de la steppe Séoul. Cela s'est passé mongole, qui s'étend à l'infini, en pénétrait du 11 au 14 octobre au Centre national des arts lentement le rythme à peine perceptible. Le coréens de spectacles traditionnels de Séoul, bruit des sabots des lors du deuxième chevaux du Kazakhstan, en provenanFestival mondial de la ce des grandes plaines flOte. Au Centre national des arts traditionnels d'Asie Centrale, tintaient, Une scène du Festival de la flûte de 1997 à Séoul comme une harmonicoréens, est organisé, que, dans les instrudepuis l'a nnée dernière, ments à caisse de résonance de basse. fums des prairies fleuries claires de la un Festival mondial de la flüt.e, prévu Le lyrisme exotique de la lointaine vaste plaine mongole nous parvienannuellement, sous le patronage du Istanbul, le rêve et le romantisme de nent, les amours des princesses perses ministère de la culture et des sports. vieilles villes millénaires comme qui comptaient les étoiles nous attenL'an dernier, 49 musiciens venus de 17 Boukhara ou Samarkand, se fondaient, drissent et l'amer ressentiment des pays du monde entier, et notamment de multiples manières, dans les tonalités marchands qui se frayaient, entre la vie d'Afrique et d'Amérique du Sud, d'originaux instruments à vent. et la mort, un chemin dans les tourbilprésentant leur musique traditionnelle Sous le merveilleux ciel d'octobre propre, ont confirmé la diversité de lons de vent de sable est poignant com me si c'était la réalité. Une fête qui l'art rn usical. Cette année, comme coréen, dans l'enceinte du Centre nabattrait son plein comme dans les viltional des arts traditionnels coréens, l'année dernière, les musiciens ont été loin du monde affairé de l'extérieur, un lages des oasis des nuits de désert où la invités dans un but précis autour d'un autre monde féerique s'est créé, lune brille, n'est-ce pas l'extrême jubilathème fixé. Ceci, pour marquer les condépassant les constructions. Les formes tion à laquelle nous aspirons autours des particularités et de la conjourd'hui ? En effet, une fête de l'oubli rares des flütes, leurs corps, leurs timscience du thème choisi. Les pays

C'

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invités, cette fois-ci, étaient ceux qui avaient été en contact avec l'époque révolue de la route de la soie. En conséquence, ont été invités des pays comme la lointaine Turquie, l'Ouzbékistan, le Kazakhstan, la Chine et la Mongolie et des musiciens de 6 pays, dont la Coré~ du Sud, se sont produits sur scène de façon très intéressante. La raison pour laquelle on a voulu à tout prix réfléchir sur cette période de la route de la soie, à travers sa musique même, c'est que les courants d'idées de l'histoire mondiale d'aujourd'hui aussi ne sont pas sans rapports avec elle. Comme on le sait, en ce moment, l'intérêt pour l'Orient va grandissant plus que jamais. Le poids de l'Asie, politiquement et économiquement, augmente et la reconnaissance de l'Asie, sur les plans artistiques et culturels aussi, est en train de se répandre de façon surprenante. La notion "d'ère du Pacifique" est de plus en plus volontiers utilisée et certains n'hésitent pas à parler de notre époque comme d'une véritable "troisième ère méditerranéenne (littéralement mer au milieu des terres en coréen)". La civilisation humaine qui a progressé vers l'ouest en suivant le soleil, est partie de l'ancienne civilisation méditerranéenne pour la vieille Europe, puis traversant l'océan Atlantique, s'est déplacée vers l'Amérique et, maintenant, traversant l'océan Pacifique, elle débarque en Asie de l'Est. Si l'on considère l'ère de l'Atlantique comme la "deuxième ère de la mer du milieu ", alors, l'actuelle ère du Pacifique peut être considérée comme la "troisième ère de la mer du milieu". Le XXIème siècle, d'après les présages variés de l'époque, va voir émerger la culture orientale de l'Asie et il y a une forte chance pour qu'elle influence fortement la culture de l'humar.lité. Ainsi, la culture d'Europe de l'Ouest qui dominait la civilisation mondiale jusqu'à récemment, comme si le yin et le yang se réharmonisaient, se rencontre en Asie au même niveau. Les

échanges bilatéraux des cultures occidentales et orientales, en déclin depuis le XVème siècle, réapparaissent. Cela ne constitue pas autre chose que la réouverture de la route de la soie. C'est pourquoi c'est une chance inespérée pour nous de pouvoir faire naître, par les cultures orientales et occidentales

au XXIème siècle, la troisième culture de l'Humanité, à travers une fusion dialectique. On aimerait appeler cette époque celle de "l'ère de la néo-route de la soie". Pour nous, ayant fait des tournées en Asie centrale annuellement, depuis des années, sous le nom du Club culturel de la néo-route de la

Un joueur coréen detaegiim (en haut). Un artiste d'Ouzbékistan jouant du surnay, un type de flûte (en bas, à droite). Le second artiste joue du day ra (en bas) 63


ACTUALITES

Le XXIème siècle, d'après les présages variés de l'époque, va voir émerger la culture orientale de l'Asie et il y a une forte chance pour qu'elle influence fortement la culture de l'h umanité. Ainsi, la culture d'Europe de l'Ouest qui dominait la civilisation mondiale jusqu'à récemment, comme si le yin et Je yang se réharmonisaient, se rencontre en Asie au même niveau.

Dans le sens des aiguilles d'une montre à partir d'en haut à gauche : un musicien kazakh jouant du sazisir ; musiciens mongols jouant du everburee (à gauche) et du tsoor (à droite); musiciens turcs jouant de la kemence et du ney

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·

soie, le fait que le thème du festival soit centré autour de la route de la soie a été une opportunité. Il n'est pas possi· ble de nier que l'ère orienta le va se développer d'ici peu, c'est-à-dire qu'on assiste à la préparation d'une "ère culturelle nouvelle de la route de la soie" ·du XXIème siècle qui fera naître une troisième culture originale en faisant se renco ntrer et e n fusionn ant, à part égale, les cultures orientales et occidentales. D'autre part, pour ce qui est de l'opportunité d'écouter de la musique internationale, mentionnons un instant la raison pour laquelle on a laissé de côté les instruments à corde ou à percussion et on a choisi exclusivement des instruments à vent. Comme on le sait hien, parmi les nombreux instruments utilisés en musique, les instruments à vent sont les plus mélodiques de tous. Bien sOr, chez la famille des cordes, le violon occidental ou le violon coréen (haegtlm ) sont très mélodiques mais, parmi eux, on trou ve des instruments tels que la guitare occidentale ou le kayago coréen, qui ne peuvent pas faire durer un_ même son. Cependant, la plupart des instruments à vent sont des instruments parfa itement mélodiques qui peuvent faire durer les sons très librement. Quoiqu'il en soit, les représentants de l'instrum entatio n mélodique sont les instruments à vents et en conséquence, ceux-ci sont symboliques et représentent une des caractéristiques d istinctives de la culture coréenne. Tout simplement parce qu'au coeur de la culture coréenne on dit que la caractéristique linéaire est forte et qu'elle est en train d'être reconnue par les Coréens euxmêmes et les autres. On pe ut d ire, à niveau macroscopique, que les contours des plai,nes et des montagnes sont des co u r he.s so up les e t qu e c'es t a in si qu 'é ta ient les co urbes d es toi ts d e chaume traditionnels, et on peut avancer, sur un plan plus réduit, qu e les jolies courbes des costumes féminins ou

ACTUALITES

que celles courbes des céra miqu es l'étaient aussi. Mais cela ne saurait s'arrêter là et on peut dire que, dans la musique traditionnelle coréenne, on rett·ouve vraiment une abondance de courbes. Ainsi, parmi les sens culturels du Festival mondial de la flûte, il y a l'objectif de la musique elle-même qui montre les points communs et les divergences musicales entre chaque nations, mais il y a aussi, à travers la musique des flOtes, l'intention de montrer comment, ou à quel degré, le concept culturel linéaire coréen révèle de grandes différences avec les autres nations. En tout cas, le deuxième Festival mondial de la flOte, significatif par ses résultats et non pas par sa taille, s'est déroulé pendant quatre journées, jours et nuits. La nuit, les musiciens de chaque pays ont joué ensemble en montrant leurs musiques aux émotions propres, et la journéè; il y a eu des conférences et des débats-partages sur les musiques des pays de chaqu e instruments. Cela ne c'est pas arrêté là puisque, pendant toute la durée de l'événement, il y a eu aussi des expositions d'objets artisanaux o ù l'on a trouvé d es instrum en ts de musique des différents pays ainsi que des livres, des costumes, des antiquités ou des accessoires, tous témoins de la fierté de chacun et proposé à la vente, à ceux qui le souhaitaient. Certains disent que la musique n'est pas une langue commune universelle. La forme des instruments est variée, les faço ns de jouer aussi, la conception musicale également, ce n'est donc pas une chose facile de trouver un dénominateur commun. Cependant, néanmoins, nous ne pouvons qu'être d'accord avec l'idée que la musique est une langue universelle. Au moins, cela a été le cas lors de notre Festival mondial de la flOte. Car là, en dépit des diffé rences extérieures nombreuses, se sont montrés, sans hypocrisie, à la base de ses musiques, les sentiments, peines et joies, de l'être humain, purs et francs. +

Le musicien coréen Kim Ch'an -s6p jouant de la flûte double (en h a ut) ; lem usicien chinois Zeng Ming jouantdudizi(en bas)

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ACTUALITES

Réflexions sur le Festival de la Corée à Hambourg ShimJae-ryong

Professeur de philosophie à l'Université nationale de Séoul

L

e port de · Hambourg dans le nord de l'Allemagne a récem ment été le cadre d'un festival d'un mois consacré à la Corée. Depuis quatre ans, les services culturels de la cité parrainent des événements spécifiques destinés à promouvoir une meilleure compréhension des cultures asiatiques avec successivement un festival du Vietnam, de la Chine et du Japon. La Corée et l'Allemagne entretiennent des échanges commerciaux depuis cent treize ans. Cette association de plus d 'un siècle entre les deux pays est un record en soi et pourtant d'une certaine manière des milliers d'années semblent les séparer. Pour de no mbreu x Coréens, l'Allemagne est le pays du philosophe Emmanuel Kant or du compositeur Ludwig van Beethoven. Les Allemands, eux, confondent encore beaucoup, sans malice, Coréens et Japonais. Il est regrettable que l'abîme entre les deux pays soit si grand. Le festival, organisé, cette année, par le conseil culturel de Hambourg, avec le soutien du Ministère coréen de la Culture et des Sports et de divers organismes privés, cherche à combler ce vide. Les journaux locaux et les radios ont eu beau . annoncer à grand. renfort de publicité les célébrations prévues pour le jour de la Corée, peu d'Allemands sont venus. Pour être franc, les salons d'exposition auraient été presque vides sans

.

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Une affiche annonçant l'événement

La Corée et l'Allemagne entretiennent des relations depuis cent treize ans, un record en soi, pourtant, d'une certaine manière des milliers d'années semblent les séparer.

la présence des organisateurs coréens, du personnel, des touristes coréens qui se trouvaient alors dans les parages, des Coréens qui étudiaient ou travaillaient en Allemagne et des membres de la communauté germano-coréenne, pour la plupart des infirmières ou des mi'neurs mariés à des Allemands. Pourquoi cette absence ? Deux raisons viennent à l'esprit. D'abord les relations entre les deux pays sont trop récentes pour que les Allemands s'intéressent sérieusement à la culture coréenne. Ensuite, les Allemands sont connus pour leur peu d'enthousiasme à l'égard de ce genre d'événement. Voyons plusieurs points. Quand les Allemands ont-ils commencé à s'intérèsser à la Corée ? Bien que les deux pays aient des liens depuis cent treize ans, les diverses tragédies qui ont marquées ces années -occupation de la Corée par le Japon , les deux guerres mondiales, la ~fuer de Corée et la division de la nation- ont freiné tout échange de qualité jusque dans les années soixante. Le consulat général de Corée à Hambourg a été ouvert en 1964. A cette époque la Corée commençait seulement sa transformation de société agraire en société industrialisée. Membre puissant de la Hanse, Hambourg est devenu le port et le centre d'échanges commerciaux le plus important d'Europe du Nord et


ACTUALITES

l'est encore de nos jours. L'abondance récente d'événements culturels consacrés à l'Asie est sans précédent. Pourtant, au festival de la Corée, on a présenté quarante manifestations contre cent-quarante, l'année dernière, pour le Japon soit un tiers seulement. Le directeur du Sénat de Hambourg, le Dr Volker Plagemann, a déclaré : "Nous avons organisé la journée de la Corée afin de faire connaître la culture coréenne à un large public en Allemagne. Bien que les artistes coréens soient célèbres en Asie, ils sont à peine connus chez nous. C'est donc une excellente occasion pour eux de nous montrer leurs traditions et leur art." Le gouvernement coréen et les organismes culturels qui ont parrainé le festival devraient être reconnaissants aux Allemands qui se sont intéressés à la moindre des manifestations. L'Allemagne est encore aux prises avec le douloureux et coüteux processus d'intégration entre l'est et

l'ouest, anciens ennemis politiques, économiques et sociaux. De surcroît, voir les Allemands, généralement plutôt froids et réservés, en train d'applaudir et d'acclamer les artistes coréens étaient très gratifiant. Je dois avouer toutefois que j'ai trouvé la plupart des événements assez peu intéressants et assez ennuyeux. Ch 'us6k, la fête des moissons, était passée et le temps plutôt frais. Je marchais à vive allure, frissonnant avec mes manches courtes. quand dans la partie nord du parc central de Hambourg, je suis tombé sur une maison de thé de sty le japonais et un jardin de pierre japonais. Je n'ai pas pu m'empêcher de penser qu'à côté de ces jolies constructions, les bâtiments coréens devaient paraître bien modestes aux Allemands. C'était une sensation étrang.e et déplaisante pour un membre de la délégation coréenne. Pourquoi donc, transporter une partie de sa cu lture dans un autre pays,

Pak Ch'an-su, sculpteur de statuettes de bouddha (en haut);exécution d'une danse traditionnelle coréenne

Yongsanje (en bas)

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même temporairement ? Etais-je le seul à penser que cette manifestation culturelle contemporaine ressemblait plus à une présentation sans vie digne d'un musée? Tout sentiment personnel et ambi-

gu mis de côté, il faut reconnaître que certains événements étaient remarquable. Le festival, qui s'est tenu du 15 septembre au 19 octobre, se divisait en sept catégories. Le clou du festival était une fête bouddhique nocturne

Les artistes coréens donnaient au public allemand, grâce à des masques traditionnels, des articles aux motifs coréens traditionnels, des photos, une vision unique du présent et du passé de la Corée. C'était encourageant de voir les spectateurs allemands si intéressés par ces oeuvres.

Kippum Ooie) de Yi Kihyang interprété au festival (à gauche); artistes participant au festival saluant l'audience après leur in terprétation (ci-dessous)

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représentée par un groupe de professeurs qui y ont travaillé pendant trois mois. Ces professeurs qui avaient manqué, en Corée, les célébrations de Ch 'us6k ont atterri à Francfort puis voyagé en autocar sept heures de nuit. Arrivés à Hambourg, ville natale de Brahms, ils sont allés directement à la salle de concert pour une répétition impromptue, puis sans prendre le temps de dîner, se sont lancés dans la représentation proprement dite. Quel régal! Le théâtre n'était qu 'à demi plein mais il n'en était pas moins inspirant de voir Lee Su-ja, désigné trésor culturel intangible commencer le spectacle en dirigeant avec force une incantation bouddhique. Ensuite·, aux accents d'enregistrements de taepy6ngga interprétés par Kim So-hùl, Pak Ch 'an-su , autre trésor culturel intangible, a fendu un tronc d'arbre en petits morceaux, en vingt minutes, il a sculpté autant de statuettes de bouddha. Le moine, Pomju, peintre bouddhiste, a esquissé une douzaine de dharma sur la scène d'un seul coup de pinceau. Le danseur Yi Son-ok a conclu le spectacle en exécutant une danse religieuse, très mystique. L'exposition à Atmen Jetzt, bâtiment de cinq étages converti en galerie, était aussi digne d'intérêt. L'ancien entrepôt commercial était désormais transformé en vitrine pour 'installations avant-garde. Les artistes coréens donnaient au public allemand, grâce à des masques traditionnels, des articles aux motifs coréens traditionnels, des photos, une vision unique du présent et du passé de la Corée. C'était encourageant de voir les spectateurs allemands si intéressés par ces oeuvres. Un regret toutefois : l'espace était si sombre et découpé en tant de niveaux qu'il était difficile de bien voir. +


APERÇUS DE LA LITT,ERA TURE COREENNE

Kim Won-il

L'histoire du roman en Corée fait remarquer que toute une série d'oeuvres romanesques forme un immense courant de littérature dite de la séparation. Kim Won-il a tout naturellement écrit plusieurs oeuvres de cette tendance. Cependant on ne saurait limiter les oeuvres de grande qu:ûité de cet auteur au domaine de la littérature

de la séparation.· Kim

Won -il est

un romancier qui porte intérêt à une multitude de domaines.

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Kim Won-il

et son monde littéraire Yi Dong-ha Critique littéraire Professeur de littérature coréenne, Université municipale de Séoul

A

u cours de plus de trente années écçmlées depuis qu'en 1966, à l'âge de vingt-cinq ans, il débutait dans le monde litté. raire, Kim Won-il a publié de nombreuses oeuvres de qualité remarquable, ce qui lui a permis de se faire une place importante parmi les auteurs les plus représentatifs du monde du ro-

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man coréen d'aujourd'hui. La partie de son oeuvre qui, plus que toute autre, a donné lieu à de nombreux débats est celle qui comprend ses oeuvres destinées à la recherche de la signification de la séparation du territoire survenue à la suite de la Libération de la colonisation japonaise et de la Guerre de Corée. Si l'on jette un regard sur l'histoire du roman en Corée, on peut se rendre compte que toute une série d'oeuvres romanesques forme un immense courant généralement désigné sous l'appellation de littérature de la séparation et, étant donné que, parmi les oeuvres les plus impressionnantes de cette tendance, plusieurs ont été écrites par Kim Won-il, on peut dire qu'il n'y a à cela rien que de tout naturel. Cependant on ne saurait limiter les oeuvres de grande qualité de cet auteur au domaine de la. littérature de la séparation ; dans les domaines qui n'entrent pas dans la catégorie d'une telle littérature, il a publié de nombreux ouvrages de grande valeur. Pour ceux qui le connaissent bien, Kim Won-il est un romancier qui porte intérêt à une multitude de domaines. Le roman qui a permis à cet auteur d'obtenir la notoriété est une nouvelle intitulée "L'âme des ténèbres", qui a été publiée en 1973. Ecrite avec l'arrière-plàn· des lendemains de la Libération, cette oeuvre traite le cheminement inté-

rieur d'un enfant qui, après avoir été témoin de la mort (du meurtre) de son père qui était militant de gauche, est en proie à des doutes profonds au sujet de l'ordre du monde et de la signification de la vie. Par la suite, au cours de sa démarche visant à élargir et approfondir le monde de cette oeuvre, Kim Won-il entreprend la création de véritables chefs-d'oeuvre de la littérature de la séparation. Parmi les plus remarquables, on peut citer "Le crépuscule", "La vallée de l'hiver" et "Le festival du feu". Ce dernier roman représente une oeuvre qui a exigé dix-sept années d'efforts avant de voir le jour en 1997. A partir de maintenant, nous allons procéder à une brève présentation de ces trois romans. Publié en 1978, "Le crépuscule" met en scène un personnage qui se souvient de son père tué alors qu'il dirigeait de violentes émeutes survenues . dans son village natal en 1948 ; le héros est désormais devenu adulte et mène une vie bourgeoise à SéouL Etant retourné au village de son enfance, où il n'était plus revenu depuis longtemps, après avoir été prévenu de la mort d'un oncle, le héros se souvient des événements de 1948. L'action se déroule à tour de rôle dans le passé et dans le présent et, tout naturellement, le héros en arrive à se poser un certain nombre de questions. Quelle est donc la signification des horreurs du passé dans le présent ? Quelle est donc la voie permettant véritablement de surmonter le passé dans la vie actuelle ? Si, dans le roman, la réponse à


de telles questions n'apparaît pas très clairement, du seul fait qu'il les soulève et qu'il les scrute avec insistance, il ne peut qu'être hautement apprécié et considéré comme ayant réalisé tout ce qui était possible à l'époque des années 1970 pour obtenir une réponse à de telles questions. Avec "Le festival du feu ", l'auteur procède à une nouvelle tentative visant à une investigation encore plus profonde concernant les questions soulevées dans "Le crépuscule", mais, dans l'intervalle, en 1987, il publie "La vallée de l'hiver", dont le sujet et la matière lui ont été fournis par l'horrible affaire du massacre de la population du village de K6ch'ang au début de l'année 1951. Unissant dans ce roman des descriptions d 'une grande précision dans le détail à la fa çon des naturalistes et une conscience d'opposition à la guerre enracinée dans des sentiments humanistes, l'auteur apporte une nouvelle preuve de sa capacité pour traiter un thème tel que celui du problème de la séparation. Ensuite, quel genre de roman découvre-t-on dans "Le festival du feu ", qui est considéré comme l'aboutissement de ses efforts de création littéraire dans cette catégorie. Cette oeuvre qui a coûté dix-sept années d'efforts à

l'auteur, comme nous l'avons déjà mentionné, compte sept volumes. En adoptant le mode de rédaction sous forme de journal pour traiter dans cet immense ouvrage les faits de l'année où éclatait la Guerre de Corée, précisemment les faits survenus de janvier à octobre 1950, Kim Won-il obtient pour résultat de donner une impression de vie dans l'action et de maintenir le lecteur en haleine. Le théâtre de l'oeuvre est double : Chiny6ng et Séoul et, comme il convient à un roman d'une telle ampleur, les personnages sont très nombreux et les événements relatés sont fort complexes. Malgré cela, rien ne nuit à la cohérence de cette oeuvre et les qualités de cet auteur qui remporte ainsi un succès littéraire que personne ne saurait contester sont telles que l'on pourrait dire qu'elles sont impressionnantes. Après avoir choisi la méthode indirecte reposant sur le regard innocent et naïf d'un enfant dans "L'âme des ténèbres" et "Le crépuscule". Dans "Le festival du feu ", en mettant en oeuvre la tactique de l'attaque de front, Kim Won-il examine et traite en profondeur les problèmes essentiels de l'histoire coréenne contemporaine : le problème des idéologies, le problème de la guerre, le problème de la

survie de la nation ... En réalisant la synthèse de deux chefs-doeuvre représentant chacun des positions opposées au sujet des problèmes mentionnés ci-dessus : "L'époque des héros" de Yi Mun-y6l et "Les monts T'aebaek" de Cho Ch6ng-rae, il réussit à les dépasser. D'un tel point de vue, au moins pour ce qui est de l'état actuel des choses et de l'heure actuelle, "Le festival du feu" ne représente pas seulement l'aboutissement de ses oeuvres romanesques dans la catégorie de la littérature de la séparation : on peut considérer cette oeuvre comme le véritable chef-d'oeuvre de l'ensemble de la littérature coréenne de la séparation. Après avoir examiné les principaux romans de Kim Won-il qui appartiennent à la catégorie de la littérature de la séparation, nous allons maintenant parler des oeuvres les plus remarquables représentant son succès dans d'autres domaines de la littérature. On trouve là un bon nombre de nouvelles plus ou moins longues, en particulier "Méditation au sujet dune bécassine" (1979 ; prix coréen de la création littéraire), "Souvenir" (1982), "La prison du coeur" (1990 ; prix littéraire Yi Sang) ; cependant, dans ces lignes nous limiterons le débat à des

Kim Won -il a publié de nombreuses oeuvres de qualité remarquable, ce qui lui a permis de se faire une place importante parmi les auteurs les plus representatifs du monde d u roman coréen d'aujourd 'h ui.

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romans longs ; c'est pourquoi notre attention se porte sur trois romans : "Le vent et la rivière", "La maison avec une cour profonde" et "Le pin toujours vert", oeuvres publiées respectivement en 1985, 1988 et 1993. La seconde de ces oeuvres dans l'ordre chronologique, "La maison avec une cour profonde" est un roman - basé sur l'expérience personnelle de l'auteur qui, fils aîné d'une famille pauvre et privée du père, a passé une pénible adolescence. Cependant, l'auteur ne se contente pas d'exposer sa propre expérience individuelle sous forme d'expression littéraire; il la sublime en une remarquable expression . et une profonde recherche consacrée à la situation générale de l'époque extrêmement difficile de l'aprèsguerre. De son côté, "Le vent et la rivière" est un roman qui dépeint le cheminement intérieur du héros, Yi In-t'ae, qui, après avoir connu une profonde angoisse à l'approche de la mort, finit par arriver à une paisible agonie. Yi In-t'ae est un personnage qui, à l'époque de la domination japonaise, est d'abord entré dans la milice organisant la résistance contre le Japon ; ensuite, arrêté par l'armée japonaise et torturé, il a fini par passer aux a veux et révéler des secrets. Une fois relâché, il passe des dizaines d'années en s'abandonnant au désespoir, torturé par le remords à l'égard de ceux qui ont été compromis à cause de ses aveux. En suivant le chemin parcouru par son héros jusqu'au moment où, après une longue maladie, il arrive à l'agonie, Kim Won-il traite en profondeur le problème du péché et du salut et, tout naturellement, au cours de sa démarche, il s'oriente vers des thèmes de caractère religieux. Kim Won-il est personnellement un écrivain chrétien ; cependant, ce roman ne s'oriente nullement vers une mise en relief d'une religion ou confession particulière ; du début à la fin, il traite dans diverses directions et sans le moindre préjugé ni parti pris, la forme de la 72

rencontre entre le caractère profond du peuple coréen et le message de la religion. Une telle attitude aidant, ce roman réussit à soulever dans le coeur du lecteur une profonde émotion littéraire. Cette recherche sans préjugé de la forme de la rencontre entre la nature profonde du peuple coréen et le message de la religion se poursuit d'une façon encore plus profonde et plus

Pour ceux qui Je connaissent bien, Kim Won-il est un romancier qui porte intérêt à une multitude de domaines. Le roman qui a permis à cet autèur d'obtenir la notoriété est une nouvelle intitulée "L'âme des ténèbres': qui a été publiée en 1973.

vaste dans le roman intitulé "Le pin toujours vert". Cette oeuvre ne se limite pourtant pas à une telle recherche. Ecrite avec pour arrière-plan la période des années 1910 et 1920, les plus obscures de la vie du peuple coréen, comme il convient à son ampleur, qui compte neuf volumes, elle compose une immense fresque décrivant dans son ensemble la société coréenne de l'époque concernée et représente l'un des monuments les plus remarquables créés jusqu'à présent par le monde littéraire coréen. La nouvelle présentée aux lecteurs cette fois-ci, "Le choc des croyances", traite le problème de la foi chrétienne. Si, auparavant, tout en étant un écri-

vain chrétien, comme nous l'avons déjà mentionné, Kim Won-il n'avait pas publié d'oeuvres destinées à focaliser l'intérêt du lecteur sur les problèmes du christianisme, on peut dire que celle-ci occupe une place à part dans le monde de ses créations littéraires. Cependant, en la lisant avec attention, on peut se rendre compte que cette place à part est plus superficielle que profonde : du fait qu'elle examine les formes de la rencontre entre la nature propre du peuple coréen et le message de la religion, elle apparaît comme appartenant à la même veine littéraire que "Le vent et la rivière" ou encore "Le pin toujours vert". L'auteur présente trois types de foi chrétienne : la foi de la mère de Song Mun-gyu, le narrateur du récit, la foi du personnage de la mère qui entre en scène dans le roman que Song Mun:gyu est en train d'écrire, et celle de Shin Chuyop, camarade de jeunesse de Song. Cependant, si l'on fait la synthèse de ces trois types de croyances, on se trouve en mesure d'expliquer une partie importante de tous les aspects de la foi chrétienne telle qu'elle est pratiquée en Corée. Ce qui semble important, c'est que, tout en présentant ainsi trois types de la foi chrétienne, l'écrivain n'opte pour aucun des trois de façon positive. Il écrit son roman avec l'attitude de l'homme qui, dans la souffrance, est à la recherche de la Vérité, toujours plongé dans le doute en se posant des questions non seulement au sujet des trois types de croyance que son oeuvre dépeint, mais encore au sujet de la foi et de la religion chrétienne en elle-même. Compte tenu du fait qu'il s'agit d'une création littéraire basée sur une telle attitude, "Le choc des croyances" ne saurait être rangé dans la catégorie de la littérature facile de propagande religieuse. Tout comme dans le cas de "La puissance et la gloire" de Graham Greene ou de l'oeuvre intitulée "Le serpent de bronze" de Paek To-ki, il s'agit d'une véritable littérature de l'angoisse et de la recherche angoissée. +


Programmes de bourses Subventions pour les de la Korea Foundation études coréennes à l'étranger

BOURSES POUR LES ETUDES SUR LA COREE

La Korea Foundation offre des bourses pour des projets d'étude relevant des Sciences-Humaines, des SciencesSociales ou du domaine aristique. Le programme est destiné à fournir à des chercheurs, ou autres spécialistes étrangers, l'opportunité de mener des recherches approfondies en Corée pour une durée de 3 à 12 mois. Chaque candidat sélectionné recevra un billet d'avion aller-retour pour la Corée et une bourse mensuelle pendant la durée de son séjour. Les candidats devront remettre les dossiers d'inscription à la section-bourse de la Korea Foundation et soumettre leùr projet de recherche académique à la Korea Foundation avant le 31 mai. Les résultats de la sélection finale seront annoncés le 15 aoüt de l'a1:mée en cours. BOURSES POUR LES COURS DE COREEN

La Korea Foundation offre des bourses pour des cours de langue coréenne destinées à des étudiants de 2ème ou de 3ème cycles, à des chercheurs, ou autres spécialistes étrangers, qui souhaitent apprendre le coréen dans un institut de langue d'une université en Corée pour une durée de 6 à 12 mois. Chaque étudiant sélectionné se verra proposer des cours de coréen dans l'une des universités coréennes. Les frais d'inscription et une bourse mensuelle pendant la durée du séjour lui seront versés. Les candidats devront remettre les dossiers d'inscription à la section-bourse pour les cours de coréen de la Korea Foundation, avant le 31 mai. Les résultats de la sélection finale seront annoncés le 15 aoüt de l'année en cours. Pour obtenir les dossiers d'inscription, des conseils ou toute autre information, s'adresser à :

International Cooperation Department II The Korea Foundation C PO Box 2147 Seoul. Koreo TeL 82-2-753-6465 Fox 82-2-757-2047. 2049

La Korea Foundation offre une aide financière aux universités, aux instituts et aux bibliothèques à l'étranger pour leurs efforts pour promouvoir la coréanologie dans le monde. Les projets soumis à l'approbation de la Korea Foundation doivent relever des Sciences-Humaines, des Sciences-Sociales ou d'un domaine artistique en s'inscrivant dans le cadre = = des objectifs définis ci-après : 1) Création ou développement de départements d'études sur la Corée (cours et enseignants) 2) Mise à diposition de bourses pour étudiants de 2ème ou 3ème cycles et d'allocations de recherche pour les enseignants 3) Participation aux acquisitions des bibliothèques et des catalogues. Les dossiers d'inscription devront être remis à la Korea Foundation avant le 31 mai. Les résultats de la sélection finale seront annoncés le 15 octobre de l'année en cours. Pour obtenir les dossiers d'inscription, des conseils ou toute autre information, s'adresser à :

International Cooperation Department I The Korea Foundation

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