PSAUME
Vincent Fortemps.
AVERTISSEMENT La pratique classique du théâtre qui consiste à mettre en scène et interpréter un texte dialogué écrit préalablement, permet aisément de rédiger un dossier complet, avec note d’intention, analyse du texte, projet de scénographie. Il en va tout autrement pour ce qui relève principalement d’un travail fondé sur l’improvisation conçue comme le fondement de la recherche. Dans ce cas l’inconnu ne se lève que pas à pas dans la pratique même. Reste pour celui qui doit apprécier le projet d’appuyer son jugement sur la méthodologie exposée et sur les travaux antérieurs de l’équipe.
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CREPUSCULE OCCIDENTAL Un projet en deux battements C’est à Trakl que nous empruntons ce titre qui est d’abord celui d’un de ses poèmes, et c’est autour de Trakl que ce projet s’articule. Le définir comme le « Poète du déclin » et s’arrêter là, serait l’amputer de sa visée, comme le dit Heidegger dans « Acheminement vers la parole », l’homme que figure le poète est appelé « à l'existence pour laquelle à partir du déclin qui lui est propre, il resurgit en son matin » et plus loin « sa poésie chante la mission de la frappe qui spécifie le genre humain en son être encore réservé, et ainsi le sauve. »* Nous avions autrefois abordé le versant théâtral de l’œuvre, puisque nous avions monté Barbe-bleue en 1978. Cette fois c’est son versant poétique qui nous requiert. Il peut être surprenant qu’une troupe de théâtre s’oriente sur un projet plaçant un poète en son centre plutôt qu’un dramaturge. Il y a à cela plusieurs raisons.
les manœuvrer. Politiques déconsidérés pour leur incapacité d’action, finance anthropophage et totalitaire, classes populaires impuissantes et démoralisées…pourtant au Sud se lève un nouvelle jeunesse… La troisième raison recoupe les deux premières en un sens plus anecdotique, c’est la vie du poète qui nous la donne. Sa rébellion contre la société autrichienne figée, qui lui fit croiser les routes de Karl Kraus, de Kokoschka, et des autres collaborateurs de la revue « Le Brenner ». Sa relation incestueuse avec sa sœur, ses tentatives d’échapper à ses angoisses par la drogue, sa mort enfin qui clôt un vacillement dans une dépression déclanchée par son immersion brutale dans la guerre lors du carnage humain de la bataille de Grodek.
La première tient à la qualité intrinsèque d’une œuvre qui dans la littérature germanique occupe une place similaire à celle d’un Rimbaud. Une œuvre qui se construit sur cette tension repérée par le philosophe entre la conscience de la destruction qui travaille en nous et l’appel vers une enfance toujours préservée. Tension tragique et donc forcément théâtrale. La seconde tient à sa situation historique. Trakl est témoin et acteur involontaire de cette première faille qui voit basculer le monde « civilisé » dans la barbarie du premier conflit mondial. Une période où le « monde d’hier » pour paraphraser Zweig, se voit volatilisé en quelques semaines au milieu de l’incrédulité générale. Ne sommes-nous pas aujourd’hui également stupéfiés par l’état d’un monde où les forces en jeu submergent tous ceux de la base au sommet, qui sont censés
*Martin Heidegger, «Georg Trakl», in NRF, n°61 janvier 1958, p. 52-75, et n°62 février 1958, p 213-236, trad. de Jean Beaufret et Wolfgang Brokmeier.
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UN SPECTACLE TRAKL, autopsie d’un poème: PSAUME
Parmi les grands poèmes de notre auteur, Psaume est sans doute l’un des plus fascinant. Il est représentatif de la tentative de Trakl d’aller dans son écriture vers une sorte d’impersonalisation. Le moi disparaît en tant que tel, le poème n’étant plus que l’enregistrement des faits qui portent émotion et tremblement. Une suite d’énonciations de fragments de réel tantôt merveilleux ou étranges, tantôt sordides ou douloureux. On y retrouve les couleurs privilégiées du poète ; brun, blanc, or, argent, et les figures rémanentes qui traversent de nombreux textes : présence obsessionnelle de la sœur, du voyageur, de l’ange déchu, d’un dieu énigmatique dans sa révélation dorée. L’architecture de ce « psaume » est significative de ce que nous relevions au début de la situation de Trakl comme poète du déclin et de la persistance de l’espoir d’un renouveau. Pour s’en convaincre il suffira de relever ce dernier vers : Silencieusement, au-dessus du Calvaire, s’ouvrent de Dieu les yeux dorés.
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Vincent Fortemps.
Nolde Emil, Danse autour du Veau d'Or, 1910.
CREPUSCULE OCCIDENTAL Voici la traduction complète du Psaume par cet autre poète qu’est Guillevic : Il y a une lumière que le vent a éteinte. Il y a sur la lande une auberge que dans l’après-midi quitte un homme soûl. Il y a un vignoble brûlé, noir, avec des trous pleins d’araignées. Il y a un lieu qu’ils ont badigeonné avec du lait. Le fou est mort. Il y a une île des mers du Sud Où recevoir le dieu Soleil. On frappe le tambour. Les hommes exécutent des danses guerrières. Les femmes balancent leurs hanches dans des lianes et des fleurs de feu Quand la mer chante. O notre paradis perdu. Les nymphes ont abandonné les forêts dorées. On enterre l’étranger. Alors commence une pluie de lumière. Le filds de Pan apparaît sous la forme d’un terrassier Qui dort à midi sur l’asphalte brûlant. Il y a dans une cour des petites filles avec des vêtements d’une déchirante pauvreté ! Il y a des chambres pleines d’accords et de sonates. Il y a des ombres qui s’enlacent devant un miroir aveuglé. A la fenêtre de l’hôpital se réchauffent des convalescents. Remontant le canal un vapeur blanc apporte des épidémies sanglantes
Il y a un bateau vide qui le soir, descend le canal noir. Dans les ténèbres du vieil asile déclinent des ruines humaines. Les orphelins morts sont allongés contre le mur du jardin. Des anges aux ailes salies sortent des chambres grises. Des vers tombent de leurs paupières fanées. La place devant l’église est sombre et silencieuse comme dans les jours de l’enfance. Sur des semelles d’argent glissent des vies antérieures Et les ombres des damnés descendent vers les eaux qui soupirent. Dans sa tombe le mage blanc joue avec ses serpents. Silencieusement, au-dessus du calvaire, s’ouvrent de Dieu les yeux dorés.
Georg Trakl
La sœur étrangère apparaît à nouveau dans les mauvais rêves de quelqu’un. Au repos dans le bois de noisetiers, elle joue avec ses étoiles. L’étudiant, peut-être un double, la regarde longtemps de la fenêtre. Derrière lui se tient son frère mort ou bien il descend le vieil escalier tournant. Dans l’obscur de bruns châtaigniers pâlit la forme du jeune novice. Le jardin est dans le soir. Dans le cloître volètent les chauves-souris. Les enfants du gardien arrêtent de jouer et cherchent l’or du ciel. Derniers accords d’un quatuor. La petite aveugle court tremblante dans l’allée. Et plus tard son ombre tâte les murs froids entourés de contes et de légendes sacrées.
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Vincent Fortemps.
UN SPECTACLE TRAKL, autopsie d’un poème: PSAUME Que faire de ce texte ? Il ne s’agit pas de le dire, mais de le déplier, ou mieux de le déployer. Dans le déploiement il y a l’idée que l’on poursuit ce qui œuvre au sein du texte dans tous ses prolongements. Et dans notre cas de réaliser cet exercice avec les moyens qui sont ceux du théâtre ; dans leurs entrelacements gestuels, sonores, verbaux, fondés sur situations et actes en résonance avec la matière poétique dont ils seront en quelque sorte les excroissances. Cette expansion donnant à son tour comme un nouvel être, ni un double, ni un « alien » du poème de départ, mais la métamorphose singulière dans l’espace- une parmi un millier d’autres potentielles- de l’écrit.
Voilà pour le dessein de cette entreprise. Comment procéderons-nous ?
Les axes d’une démarche
Nous voulons poursuivre, avec le même groupe, des façons de faire que nous avons expérimentées dans notre dernier spectacle Qui Vive. Ces pratiques reposent essentiellement sur les propositions de jeu et les improvisations des acteurs. Le metteur en scène défiant les protagonistes en leur suggérant des thèmes, des images, des situations, à charge pour eux de construire des études individuelles ou collectives ou de réagir spontanément dans l’immédiat de l’improvisation.Particularité de ce chantier, l’insertion dans l’efflorescence du poème dramatique, de scènes d’un ton plus réaliste inspirées par la vie de Trakl. Seront-elles génériques du reste ou interviendront-elles simplement comme un contrepoint à la fois trivial et tragique ? C’est ce que le travail déterminera. On pourra s’appuyer entre autres sources sur la correspondance de Trakl qui a été conservée, mais aussi sur le roman de Claude Louis-Combet inspiré de la relation du poète avec sa sœur : Blesse, ronce noire.
Phase 1
Vagabondage verbal ; on enregistrera des improvisations verbales des protagonistes à partir de la matière poétique, sous forme de rêve éveillé. Sensibilisation et appropriation.
Phase 2
A partir de ces « divagations » on procédera à des études, des créations d’espaces, des improvisations individuelles ou par petits groupes. A ce stade de recherche, le metteur en scène interviendra avec ses propres incitations.
Phase 3
Les propositions résultant de cette phase 2 pourront donner lieu à leur mise en perspective par tel ou tel dans une vision « cubiste » c’est à dire dans la juxtaposition et la recombinaison de leurs éléments selon leur perception suivant différents angles de vue. A cet effet les propositions des futuristes italiens que nous avons faites nôtres : « états d’âme théâtralisés » et « instants dilatés » seront du meilleur usage.
Phase 4
On établira dés après la scénographie en écho avec les propositions scéniques, Invention d’un espace plastique, détermination parallèle des couleurs, des accessoires, des éléments de costumes
Phase 5
Apport de textes ; écritures originales et inclusions de textes choisis en fonction de leurs situations dans les scènes retenues. Lettres, poèmes, pensées, récits, citations, poèmes sonores… Choix des musiques ou des sons enregistrés . Possibilité d’inclure la présence sur scène d’un musicien (acoustique ou électronique) La sélection de tous ces matériaux est opérée en relation avec le metteur en scène.
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UN SPECTACLE TRAKL, autopsie d’un poème: PSAUME Phase 6
Elaboration du squelette. Il s’agit pour le metteur en scène de se poser ici comme une sorte de tisserand, pour chercher à établir à partir des correspondances, des dissonances ou des contrastes, des rythmes et du pouls du temps, une proposition de succession entre les éléments retenus.
On s’arrêtera tout spécialement sur le récit de la visite de son éditeur Ludwig von Ficker quelques heures avant sa mort, dont on introduira vraisemblablement quelques extraits.(voir annexes).
Phase 7
Des musiciens comme Webern et Boucourechliev se sont également inspirés de l’œuvre du poète, on pourra tirer profit de leur écoute.
Phase 8
L’équipe
Construction du dispositif scénique
Mise en jeu de la maquette et réajustement sous la direction du metteur en scène
Phase 9
Apprivoisement par les acteurs ; répétitions et rectifications successives avant les représentations publiques.
Sans que la distribution soit complètement arrêtées, on travaillera avec les acteurs et actrices qui ont assuré le précédent spectacle. Accoutumés à la démarche et soudés par un travail collectif, ils seront aptes à ce nouveau voyage poétique. Nous réfléchissons en outre à introduire un musicien sur le plateau.
Résonances et matière
A côté du Psaume d’autres poèmes viendront certainement s’inviter dans le voyage ; Grodek tout d’abord, son dernier texte en écho à cette bataille, mais aussi Occident, Hélian, Chant occidental….Parmi les écrivains qui l’ont influencé et chez qui nous iront rechercher des appuis, nous citerons Hölderlin, Nietzsche, Novalis…et dans le domaine latin notre Rimbaud, et un grand poète espagnol contemporain Antonio Gamoneda, dont la trajectoire comme la situation dans la langue sont étrangement proche de celles de son prédécesseur. Voilà pour ces voisins de pensée et de poésie. Quant à sa vie, elle sera éclairée par les œuvres de ses grands contemporains viennois : Herman Broch (déjà présent dans notre précédent spectacle ) Stefan Zweig, Robert Musil… comme lui attachés à la revue Le Brenner .
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Vincent Fortemps.
TRAKL «Qui pouvait-il bien être?» Les lettres de Trakl nous laissent le témoignage d’une vie d’insupportable malaise, de souffrances physiques et morales, partagée entre le souci de son œuvre, les dérèglements « dionysiaques » et la désespérance du quotidien. La jeunesse de Trakl se déroule à Salzbourg jusqu’en 1908 : sa poésie en retiendra quelques impressions idylliques avant qu’elle lui apparaisse, plus tard, comme une « ville vermoulue, pleine d'églises et d’images de la mort ». Élevé dans la religion protestante, le poète gardera du catholicisme ambiant une sensibilité baroque à la détresse humaine et les images consolatrices du sentimentalisme religieux. Son adolescence est plus que difficile : scolarité interrompue, expérience de la drogue, relations incestueuses ou ressenties comme telles avec sa jeune sœur Gretl. De 1905 à 1908, Trakl travaille comme stagiaire dans une pharmacie : ce métier, qui n’exige pas le baccalauréat, lui facilitera l’accès aux stupéfiants. Les débuts littéraires de Trakl ont un caractère purement local : deux pièces (Jour des Morts [Totentag], Fata Morgana) représentées en 1906 puis détruites, quelques critiques au Salzburger Volksblatt qui sont déjà d’un lecteur averti. À Vienne (1908-1911 /1912) où il accomplit en deux ans ses études de pharmacie puis effectue son service militaire, Trakl découvre l’avant-garde : il rencontre Kokoschka, Karl Kraus, espère beaucoup du critique Hermann Bahr, publie des poèmes dans des journaux de Salzbourg et de Vienne. Il compose le Recueil de 1909 (Sammlung I 909, publié en 1939 dans Aus goldenem Kelch) ; le recueil des Poésies (Gedichte, Leipzig 1913) comprend beaucoup d’œuvres de la période viennoise. Les dernières années (lnnsbruck 1912-1914) voient la dégradation de 1’ état psychique du poète et l’aggravation de son inaptitude à la vie. Le fait marquant de cette période a pourtant été le soutien indéfectible de Ludwig von Ficker, directeur de la revue Der Brenner.
Dans le « cercle du Brenner », Trakl bénéficie en outre de la proximité amicale de personnalités nombreuses (Karl Kraus, Adolf Loos, Max von Esterle, Karl Rôck, Theodor Däubler, etc.). L’une des dernières catastrophes de la vie de Trakl est l’avortement dramatique de Gretl à Berlin (il y rencontre à cette occasion Else Lasker-Schüler). Trakl s’engage au début de la guerre en qualité de pharmacien et participe à la bataille meurtrière de Grodek en Galicie (6-11 septembre) ; son état psychique motive un internement à l’hôpita1 militaire de Cracovie (7 octobre). Ludwig von Ficker a laissé de sa visite au poète (24-25 octobre) un récit sobre et poignant. Fin octobre, Trakl s’inquiète auprès de Kurt Wolff la parution de Sébastien en rêve (Sebasahn im Traum) ; au soir du 3 novembre, il succombe à un excès de cocaïne. Rémy Colombat, revue Europe avril 2011, n°984.
Portrait de Georg Trakl par Max von Esterle paru dans le Brenner, 1912
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TRAKL «Signification de Trakl» par Claudio Magris L’individu, dans la société moderne, s’isole parce qu’il préfère être dissocié plutôt qu’inauthentique. Si le plus grand poète de langue allemande du XX‘ siècle a le sentiment de représenter son époque, de l’incarner et d‘en assumer toutes les déchirures, c’est précisément dans la mesure où il se sent dégagé de tout lien, déraciné de tout contexte social et étranger à sa propre demeure, à la civilisation, au monde. L’universalité de la poésie consiste en l’expérience radicale d’un destin qui semble avoir privé l’individu de toute valeur universelle, de tout rapport avec une totalité dont il puisse considérer être un représentant. Le monde est constitué de fragments qui s’en vont à la dérive, de détails disloqués et désagrégés. Du fond de leur misère, ces particules ne peuvent exprimer que la nostalgie d’une unité perdue. Dans sa brève entreprise dilacérée par la douleur et dans l’émiettement de sa très haute poésie qui s’oriente comme à tâtons, Trakl éprouve en profondeur cette scission de l’époque. Au cœur même de ses vicissitudes personnelles, où remuent des ombres et tremblent des obsessions, il anticipe et subit les catastrophes mondiales, l’agonie de la civilisation qui désintégre tous les fondements de la vie, jusqu'à ce calvaire de la Première Guerre mondiale où il se consume et se détruit. L’individu isolé ne peut prendre parti, sa seule authenticité possible est une position à l’écart, marginale. La signification politique de Trakl se manifeste dans sa façon impitoyable et absolue de prendre acte de la fracture qui s’est ouverte, dans la culture du XX‘ siècle, entre l'authenticité de la politique et l’authenticité de la poésie. Cette dernière, sous peine de s’altérer, devra désormais être fidèle à sa propre solitude et à sa propre négativité.
valeur politique, dans la violente illumination dont elle éclaire le noyau de la situation historique, cette antithèse entre I’individu et la société qui sous-tend déjà la construction du monde contemporain. La poésie de Trakl est une fondation du monde. Il fait partie de ces poètes qui, à l’instar de Hölderlin, sont appelés à fonder une vérité ou à en révéler l’absence, à rendre la terre habitable ou à montrer l’inhabitable. Lire Trakl, c’est s’interroger sur les choses dernières, sur la possibilité même de la poésie, sur le sens extrême de la vie. Les interprétations de Trakl sont autant de confrontations avec l’essence de notre destin. Par son obscur drame personnel et sa géniale expérience lyrique, ce poète si trouble et pourtant si pur de la vieille Autriche - qui s’effritait et se rompait en même temps que lui -, a incarné le crépuscule d’une civilisation pluriséculaire. Lire Trakl, c’est aussi se demander si ce crépuscule, qui descend simultanément sur l’histoire générale et sur l’existence individuelle, signifie une extinction définitive ou une nuit obscure que nous devons traverser pour atteindre une nouvelle aurore. Les interprétations de Trakl - et les traductions de ses poèmes, qui présupposent toujours une interprétation - investissent ces interrogations fondamentales sur notre destin et concernent certes la poésie, mais aussi la vie même de Trakl, tant il est vrai que dans ses épaisses ténèbres et ses éclatantes gerbes de lumière, son parcours terrestre fut éprouvé comme un poème absolu. Claudio MAGRIS, revue Europe avril 2011, n°984. Traduit de l’italien par Jean-Baptiste Para
L’aventure vagabonde de la poésie, qui découvre la vérité de la condition humaine, est irréductible au programme politique, mais c’est précisément dans cette disjonction que réside sa
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CONFRONTATIONS
Parallèlement au spectacle nous organiserons en notre lieu « le Ring » une série de manifestations autour du thème. La poésie sera au cœur de ces initiatives avec des invitations de poètes d’aujourd’hui. Antonio Gamoneda bien sûr, avec son « interprétation » du poème de Trakl Sébastien en rêve, mais aussi Bernard Noël et Serge Pey. Les lectures laisseront chaque fois place à leur écho, plastique, musical, dramatique ou chorégraphique. Sur les croisements entre poésie, histoire et pensée, nous envisageons d’inviter pour des conférences Lionel Richard, historien et spécialiste de l’expressionnisme, et Claudio Magris qui nous semble une analyste aigu des rapports entre le verbe poétique et l’exercice de la pensée philosophique. Pour la réalisation de ce deuxième volet nous solliciterons audelà de nos partenaires ordinaires, l’aide des instituts Cervantès et Dante Alighieri, du Goethe Institut, L’Institut culturel Autrichien, l’Université Toulouse le Mirail…
Soleil d'automne et arbres par Egon Schiele.
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ANNEXES Le Théâtre2 l’Acte Née dans le tourbillon de 1968, la compagnie a pris dès le départ le parti d’une rupture avec le théâtre consensuel du temps. Inspirée par les méthodes de Grotowski ou de Barba, à l’écoute des positions politiques du Living Théâtre, elle a progressivement élaboré sa propre démarche. En prise avec les remous qui traversent en profondeurs nos sociétés, le Théâtre2 l’Acte se veut à la fois vigie et catalyse, annonciateur des crises et les précipitant sur l’espace pour en produire la catharsis commune. Cela l’amène à repenser à chaque projet le rapport acteur/spectateur à travers une scénographie singulière. Partisan d’un langage matériel, fondé sur l’interaction de tous les paramètres scéniques, et débarrassé de la tutelle autoritaire du seul texte, ce théâtre prend une forme polyphonique qui est déjà à elle seule une libération pour le regard et l’imagination du spectateur.
création « Qui Vive ! » est un appel au réveil des énergies dans un climat mental guetté par tous les renoncements. Parallèlement à ses créations le Théâtre2 l’Acte se préoccupe de la transmission. Il organise dans son lieu toulousain « Le Ring » un cycle de formation « L’acteur pluriel » ouvert aux jeunes comédiens, en prise avec l’évolution actuelle du théâtre. La compagnie est ainsi disponible pour proposer des sessions de travail en fonction des propositions qui lui seraient faites.
A son actif la compagnie a produit une cinquantaine de spectacles, en salle et hors salle, dans un rapport frontal classique, comme dans des formes éclatées, ou dans des déambulations. Son esthétique peut parfois s’apparenter à l’installation plastique ou à la performance. Nous travaillons régulièrement avec des musiciens réputés issus de la musique improvisée. Le répertoire de la compagnie est relativement éclectique quant aux époques et aux cultures ; d’Euripide à Genet en passant par Mishima , Heiner Müller ou Edward Bond, on trouvera la cohérence par la profondeur tragique et le pouvoir d’ébranlement de ces auteurs. A côté de ces références, nous avons périodiquement monté nos propres créations à partir d’improvisations ou de propositions scéniques des protagonistes, dont la dernière
«QuiVive !» , dernière création du Théâtre2 l’Acte, photo de B. Wagner.
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ANNEXES Le Théâtre2 l’Acte: les créations 1969
"Clôture" "l'Odyssée" "Maman" "Cestas" "Contre" Michaux "Chant pour la patrie dans les ténèbres" Neruda "La Marche Royale" Arrabal
1976
"Graffitis pour des ténèbres et une autre terre" "Nous Sommes Vivants" "Horizon primitif" "Le Théâtre à la roulette" "Autour de Molly Bloom"
1977
« Ronds de fumée pour un futur"
1981
"Hanjo et Kantan" Mishima "Acte 2" "L'Ignoble" L.Cornet
1984
"Baleine" d'après Paul Gadenne
1985
"Hop Signor" Ghelderode "Parlez-moi d'amour" Jean-Pierre Tailhade Grand prix festival de Strasbourg "Les sirènes sont sans visage" Jean-Marc Novi et Marie-Laure Denoyel
1987
1999
2005
1991
2001
2006/ 2007
"Prénom Kaspar" mise en scène J-M Novis, M-L Denoyel "Itinéraire de Nuit à Saint-Pierre des Cuisines
"Le jour de la lune de midi" Léopardi mise en scène Michel Mathieu
1993
"Cycle du canard sauvage" le cercle de Prométhée avec « Le Principe de Legassov « de Bernard Noël
1994
"Cycle du Canard Sauvage" le cercle de Médée "Matériau Médée" H. Müller - "Médée" Euripide "L'Os sur la Nappe" adaptation de "Train roulant en marche" Michaux Mise en scène Pascal Delhay et Michel Mathieu
1997
"En traçant des ronds sur les vitres embuées" ; mise en scène Michel Mathieu. "Quelques mots d'Elles", mise en scène Marie-Angèle "Passeurs de mots" Serge Pey mise en scène Michel Mathieu "Pour Médina Curabaz" Serge Pey, mise en scène Michel Mathieu
"Printemps des poètes" : "La parole en jeu" Bernard Noël "La face du silence" "Mosaïques" improvisations
"Onze voies de fait" Bernard Noël mise en scène Michel Mathieu
2002
Ubu à la rue" d'après Alfred Jarry mise en scène Michel Mathieu
2003
"Pas bouger" Emmanuel Darley, mise en scène Marie-Angèle Vaurs "Ils laissent toujours les portes ouvertes" N. Artois et M. Mathieu
2004
"Excédent de poids, insignifiant amorphe" Werner Schwab mise en scène M. mathieu "Deux jambes, deux pieds, mon œil" M. Enckell mise en scène MAngèle Vaurs CoprodThéâtre National de Toulouse, Le Parvis Scène nationale de Tarbes – L’Estive, scène nationale de Foix – Théâtre Appolo à Mazamet, - Théâtre de Cahors.
L’Entonnoir, Une histoire sans parole Nicolas Réveillard et Quentin Siesling.
« Le Roi Lear » de Shakespeare Mise en scène et scénographie : Michel Mathieu Coproduction : Théâtre National de Toulouse, Le Parvis Scène nationale de Tarbes – L’Estive, scène nationale de Foix – Théâtre Appolo à Mazamet, - Théâtre de Cahors.
2008
« Le Numéro d’Équilibre » d’Edward BondMise en scène : Michel Mathieu
2009
Mémorial Park exploration d'un monde en voie de disparition Mise en scène et scénographie : Michel Mathieu
2010
QUI VIVE ! Création collective et textes d’auteurs Mise en scène & scénographie Michel Mathieu
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ANNEXES Le Théâtre2 l’Acte : historique JEUNE PUBLIC
1988
1981
"Le Pot percé"
"Hanjo" Mishima Michel Doneda, saxophoniste, "Phosphore" Michel Mathieu
1986
1995
"Le chat qui s'en va tout seul" de Kipling avec Marie-Angèle Vaurs
1987
« Krik et Krok" Italo Calvino mise en scène Jacky Lecannellier
1995
"Malle 2 Têtes" Michel Mathieu
2000
"Loup Noir" Jeune public de Jan Laurens Siesling mise en scène Marie-Angèle Vaurs
2007
« L’Ébloui » de Joël Jouanneau Mise en scène: Marie-Angèle Vaurs
MUSIQUE & COLLABORATIONS 1975
Concept du Lieu " La Fabrique Arnaud Bernard" "Hic et Nunc" Doneda, Masmal, Robins
1978
"Trois poèmes" Michaux "BarbeBleue"Trakl)avec "Hic et Nunc" et "Rhum des foins"
"Médéa" conception et mise en place Michel Mathieu, Berlin ; Argos (Grèce) "Lecture de Paysages" avec Michel Donena (saxophoniste) Jean Pallendre (musique electro acoustique) Benat Atchiari (chanteur) et Michel Mathieu "La ville entrechoquée" conception d'Alain Joule avec Stéphane Oliva, Michel Mathieu : Avignon, Ecole d'Art "Questionnements sur la ville" : Alain Joule, avec Michel Doneda, Barre Philips, Tetsu Saitoh, Antonela Talamonti, Michel Mathieu Avignon M.J.C. Croix des Oiseaux à l'invitation de Paul Blanc.
1996
"Cosmonautes de rien" : Michel Mathieu et Michel Doneda Mexico (Centre Ex Teresa) Festival international de performance. "Contre" de Michaux Présentation à Chihuahua (Mexique)
1999
"Ballade pour réveiller les feux", mise en scène Michel Mathieu, Musique Alain Joule. "Les Horloges Cosmiques" Alain Joule Concert performance pour trio "Espaces tendus", "crachoir", "fanfare de la touffe" avec La Flibuste "Iceberg meeting": Musique/actions/images/ danse/improvisations
INTERNATIONAL & TOURNEES 1981
Collaboration avec le "Teatro do Mundo" de Lisbonne. Michel Mathieu met en scène le "Terramoto no Chile" d'après Kleist, prix de la critique portugaise. "Les Bonnes" (Genet),
1984
Bal de Blattes : Coproduction Centre Culturel d'Albi et le "Teatro do Mundo" Portugal.
1986
"Frissons de 3ème Guerre Mondiale", performance Galerie Odem à Hanovre
1996
"Médée" Euripide mise en scène Michel Mathieu Tournée nationale
1998
"Les Phéniciennes" d'Euripide, traduction Lucien Bordaux "Espaces tendus" et "Grand 8" avec la Flibuste "Le Grand 8"avec la Flibuste "Bateaux de feux", Ismit ( Turquie)
2011
"Memorial park" mise en scène Michel Mathieu, Festival INFANT, à Novi Sad, Serbie.
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ANNEXES L’équipe Jean Gary
Jean Gary a suivi en 2006 la formation professionnelle « Vers Un Acteur Pluriel », puis la formation au G.I.T. sous la direction de Laurent Collombert.. Il s’est initié à la Commedia dell Arte, au travail de choeur. Il a travaillé des pièces du répertoire classique et contemporain. En tant qu’acteur il a joué dans : « Exécuteurs 14 » monologue d’Adel Hakim –et « Orée du jour » deux spectacles de la Compagnie Balistique , dirigée par Jessica Basselot « Le Baiser de la Veuve » d’Israël Horovitz créé au Théâtre de la Violette « Les Amazones » de Jean Marie Chevret mise en scène par Gérard Pinter « Le tour du Monde en 80 jours » Mise en scène de Azzopardi. Il a participé aux « Mémoires d’une saison » du danseur/ chorégraphe Pascal Delhay. En 2009 il joue dans « Mémorial Park » création du Théâtre2 l’Acte mise en scène Michel Mathieu et participe aux sessions de « Protée » chantiers dirigés par Michel Mathieu en préparation de « QUI VIVE ! » dans lequel il jouera en 2010.
Yarol Stuber :
Issu des Arts du Spectacle Universitaire (Licence pro acteurs sud. Nice), Yarol Stuber a travaillé en tant que comédien ou assistant technique avec le Théâtre Inter- Régional Occitan, La Carriera, Claude Alrang, les Boucans – Pebrin’ – aux alentours de Montpellier . En 2009 il a suivi la formation dirigée par le Théâtre2 l’Acte : « Vers Un Acteur Pluriel » afin de compléter et renforcer sa formation initiale. Il a intégré les ateliers « Protée » dirigés par Michel Mathieu, ateliers de préparation à la création « QUI VIVE ! » jouée en 2010.
Julien Charrier :
Julien Charrier a suivi la formation Vers un Acteur Pluriel du Théâtre2 l’Acte, et différents stages : Büto avec Soumako Koseki, danse avec Werner Büchler, clown avec Éric Blouet. Comme comédien il a joué dans Méduse Amor – mis en scène par Jao Douay – Jeux de foire mise en scène de Werner Büchler – Mémorial Park mise en scène Michel Mathieu – Naufrage Matériel mise en scène de Werner Büchler. En 2010, il rejoint le Théâtre2 l’Acte pour sa dernière création : « QUI VIVE ! »
Diane Launay
En complément de ses études universitaires théâtrales (Master II) à Toulouse, Diane Launay a suivi différents cours de pratique théâtrale: « Le laboratoire de l’Acteur » avec Sébastien Bournac, et Claude Bardouil - la formation professionnelle « Acteur Pluriel » dirigé par le Théâtre2 l’Acte. Les rencontres « Protée » dirigées par Michel Mathieu. – Stage de danse théâtre avec Alexandre Fernandez au CDC de Toulouse Elle a également pratiqué le chant : élève Soprano de Nicole Fournier, chant lyrique, cours de jazz au conservatoire de Région, chanteuse dans diverses formation rock, funk, jazz. Elle a écrit et mis en scène plusieurs créations : « Claustrophonia » - Mon désir est sans visage - ( primée au festival les Théâtrales à Limoux) – Aurélia S solo performance autour du désir féminin. Elle a été assistante à la mise en scène dans le « Numéro d’Équilibre » d’Edward Bond, création du Théâtre2 l’Acte, mise en scène Michel Mathieu. Et a jouée en 2010 dans « QUI VIVE ! »
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ANNEXES L’équipe Rajae Idrissi
Elle a suivi plusieurs formations de théâtre : avec Envers Théâtre (clown et burlesque essentiellement) – avec La Krysalid et avec le Théâtre2 l’Acte ( formation Vers Un Acteur Pluriel). Elle anime des ateliers de théâtre en direction d’enfants et d’adultes avec l’Association La Roulotte des ateliers de danse, de musique, de chant , de clown, et de photographies. Elle organise des manifestations ( spectacle, concerts) En tant que comédienne elle a joué dans : Phèdre de Sarah Kane (Théâtre Krysalid) , Le Clown Métaphysique et Les Bonnes ( Envers Théâtre). En 2010 elle participe à la création de Bunker ( Collectif Cocktail – Claire Balerdi) et Sauve que Peau avec la compagnie Point d’Aries et participe à la création de « QUI VIVE ! » dont elle fait partie.
Carol Larruy
Après une formation initiale aux Beaux Arts de Montpellier, Carol Larruy suit pendant 2 ans l’atelier Gérard Philippe à St Denis (dirigé par Daniel Mesguich et Philippe Duclos), puis différents stages avec notamment : Romain Fohr puis Agnès Coisnay (théâtre du mouvement) à Bordeaux, Alexandro Meneguzzi à Rouen, Jean-Michel Rabeux (master-class) Anastasia Hyan (danse contemporaine). Elle intègre la formation « Vers un acteur Pluriel » du Théâtre2 l’Acte en 2009 et participe aux rencontres « Protée » dirigé par Michel Mathieu. En tant que comédienne, elle a joué notamment dans : - « L’anneau du Nibelung » de Wagner direction D. Mesguich à Nice puis à Paris - Lucrèce Borgia au Théâtre Gérard Philippe à Paris Catastrophe de Samuel Beckett et Intérieur de Maeterlink dans des mises en scène de Jean-Damien Barbin) – Contes d’hiver – d’après Shakespeare au Théâtre de Fontenay aux Roses – On ne badine pas avec l’amour de Musset avec la
troupe de l’Escouade à Rouen. Elle tourne pendant 2 ans sur les scènes nationales de Normandie avec la troupe de l’Escouade. En 2009 elle joue avec le Théâtre2 l’Acte dans Mémorial Park, ainsi que dans « QUI VIVE ! » en 2010.
Julie Pichavant
Après un Master d’études théâtrales Julie Pichavant s’est formée auprès du Théâtre2 l’Acte , du Groupe Merci ( S. Oswald) de Sébastien Bournac, Claude Bardouil et Jean-Pierre Besnard ( clown intellectuel). Comédienne elle a joué dans Mémorial Park (Théâtre2 l’Acte) – La Matrice (Théâtre au Présent) – Genèse 3 : 16 compagnie Kdanse – À partir de quand la métaphore n’est plus possible Cie Flagrant Désirs. Elle est également metteuse en scène : Le Syndrome Marilyn (texte, mise en scène et interprétation- Le cas Blanche Neige de Barker – Phèdre de Sarah Kane – Zoo textes de Derrida, Lacan, Darrieussecq, Rodrigo Garcia – Face au mur, Tout va mieux de Martin Crimp.
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ANNEXES L’équipe Michel Mathieu
Né à Liège en 1944, Michel Mathieu participe au Théâtre Universitaire dans sa ville natale. Cofondateur du Théâtre de la Communauté de Seraing, il collabore également avec le Théâtre de l'Étuve de Liège ; il fonde la compagnie du Théâtre de l'Acte (devenu en 1992 le Théâtre2 l’Acte) à Toulouse avec Mamadi Kaba en 1968 – année propice aux décisions folles et aux rencontres fondatrices. En 1988, il participe avec Jacky Ohayon à la création du théâtre Garonne dont il assure la codirection jusqu'en 1992. De 1994 à 1999, il dirige la résidence de sa compagnie à l'Université Toulouse Mirail, où il enseigne depuis 1972. Il alterne son travail de création propre avec la mise en scène du répertoire (du théâtre antique aux écritures contemporaines). Les Entrepôts abritent ses ateliers de création jusqu'en 2004, date à laquelle il s'installe dans le quartier des Sept Deniers et fonde Le Ring. Il a dernièrement mis en scène Onze voies de fait de Bernard Noël(2001), Ubu à la rue d'après Alfred Jarry (2002), Ils laissent toujours les portes ouvertes (création avec Natalie Artois, 2003), Excédent de poids, insignifiant : amorphe de Werner Schwab (2004), Le Roi Lear de Shakespeare au TNT, Le Numéro d’équilibre d’Edward Bond (2008) au Ring-Mémorial Park spectacle déambulatoire autour des espèces en voies de disparition en 2009. Il intervient également dans le domaine de la performance en collaboration étroite avec des musiciens : Lê Quan Ninh, Michel Doneda, David Chiesa, des poètes :Serge Pey, des danseurs : Michel Raji, Pascal Delhay. En octobre 2010 il a participé au Printemps de Septembre avec sa performance ME D E A présentée au Musée des Abattoirs à Toulouse, et mets en scène « QUI VIVE ! », dernière création du Théâtre2 l’Acte.
Michel Mathieu dans «Une histoire sale, une sale histoire», par la Cie STUNT, Mise en scène Sebastien Lange.
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ANNEXES Ludwig Von Ficker, L’adieu Les nouvelles suivantes que j’eus de Trakl me parvinrent par une carte postale du front passée par la censure et portant la mention « Cracovie, Hôpital de garnison n° 15, section 5 », écrite de sa main :
Cher et vénéré ami, Me voici depuis cinq jours ici à l'hôpital de garnison pour observation de mon état mental. Ma santé est bien quelque peu altérée et j'ai d'assez fréquents accès d’indicible tristesse. J espère qu’il en sera bientôt fini de ces jours d abattement. Mes salutations les meilleures à votre épouse et à vos enfants. TéIégraphiez-moi quelques mots, je vous en prie. Je serais si content d ’avoir de vos nouvelles. Cordiales salutations de votre dévoué Georg Trakl Bien des choses à Röck C’est sur cette nouvelle laissant penser que Trakl n’avait pas reçu un seul des signes d’amitié envoyés au front, que je partis pour Cracovie. J’y arrivai le 24 octobre, un samedi, tôt le matin, et restai jusqu’au lendemain soir. Il régnait une vive animation tant en ville qu’au bureau des admissions de l’hôpital de garnison: l’investissement de Przemysl sur trois côtés ainsi que la pression exercée par l’ennemi au nord avaient créé une situation menaçante. Le médecin-chef, un Tchèque, sembla écouter d’une oreille distraite les explications que je lui donnai sur l’objet de ma visite ainsi que mon souhait - manifestement naïf, car trop dicté par les usages de la vie civile - d’être autorisé à emmener, si possible immédiatement, cet ami malade pour le soigner à domicile. Il se contenta de secouer la tête sans un
mot pour signifier son refus. Mais le médecin assistant présent, un Polonais, me prit à l’écart et me déclara que, chargé du traitement de Trakl, il s’intéressait fort à son cas. Content de trouver une oreille bien disposée, je l’informait de tout ce qui pouvait susciter son intérêt scientifique et sa sympathie humaine, insistant particulièrement sur le fait que ce genre d’états dépressifs n’étaient pas rares chez Trakl et que, dans un environnement adéquat, ils se dissipaient en général rapidement Je sollicitai ensuite son autorisation de m’entretenir avec mon ami sur-le-champ, sans attendre l’heure des visites, ce que le médecin m’accorda. Une fois dans le couloir du rez-de-chaussée de la Clinique psychiatrique, j’arrêtai un gardien et m’enquis de Trakl. Il s’approcha de la porte la plus proche, peinte en noir et ouvrit le guichet: « C’est de lui que vous parlez ? »-Je jetai un coup d’œil à l’intérieur: « ... merci - oui » Assis, la chemise négligemment boutonnée, sur le bord du lit, Trakl fumait une cigarette et paraissait s’entretenir calmement avec un interlocuteur (invisible pour moi) en face de lui. La cellule étroite et haute sous plafond était comme embrumée par une fine fumée de tabac ; mais, par la fenêtre placée en hauteur et barrée d’une solide croix de métal, il tombait un rayon généreux du soleil matinier qui baignait d’une lumière dorée les petits nuages de fumée comme des brumes ondulant doucement au petit jour. Soudain, posant sa cigarette, Trakl tourna insensiblement la tête et jeta un regard curieux vers la porte, comme si ses yeux rencontraient les miens. Mais déjà, j’avais ouvert la porte - et l’ami, qui s’était levé, s’avança alors vers moi, les yeux écarquillés, et me prit dans ses bras sans dire un mot.
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ANNEXES Ludwig Von Ficker, L’adieu En rien il ne semblait altéré, et il paraissait tout à fait serein. Quand je lui demandai comment il se sentait, il répondit : point trop mal. Ajoutant que c’était bien un hasard que je le trouvasse encore ici, car il était sur le point de quitter l’hôpital - en disant ces mots, il prit sur le chevet une carte postale militaire et me la montra : «Voyez, je vous en informais ici ! » Mais cette carte (que je parcourus rapidement avant de la reposer à sa place), il ne l’avait pas envoyée car, m’expliqua-til, une petite angine contractée un peu plus tôt l’obligeait à demeurer là pour l’instant; mais la fièvre était déjà retombée, il était rétabli et ne laissait pas de s’étonner que les médecins eussent apparemment renoncé à le laisser partir, ainsi que cela avait été décidé auparavant; il avait l’impression qu’on inventait des faux-fuyants pour le faire attendre . Je tentai de dissiper ses craintes. Mais moi-même, en lui parlant, j’avais le cœur serré. Car j’avais retenu de mon entretien avec le médecin qui avait pu, grâce à la censure postale, avoir sous les yeux quelques poèmes de Trakl, qu’il plaçait le cas de ce dernier dans la catégorie «génie et folie», semblant ainsi suggérer qu’il fallait rester prudent et garder Trakl en observation. Ce fut d’ailleurs dans l’après-midi, lorsque nous nous promenâmes dans le jardin de l’hôpital -« c’était une belle journée d’automne, un peu nuageuse, et l’air était d’une douceur délicieusement printanière – que j’appris ce sur quoi se concentrait la méfiance de Trakl. Il me raconta de la manière si parfaitement maîtrisée qui était la sienne, cette manière de se remémorer les choses apparemment dans l’instant à seule fin de rendre présent l’inoubliable, ce qu’il avait vécu sur le iront, peu de choses, mais si lourdes de conséquences pour lui. L’équipe sanitaire à laquelle il appartenait était intervenue pour la première fois dans la bataille de Grodek, peu avant le moment décisif, alors que se faisait déjà sentir la panique qui éclatait sur le front. Dans une grange, à proximité de la place principale de la localité, il avait dû se charger, sans assistance médicale, de soigner quatrevingt-dix blessés graves et, impuissant, lui-même désemparé, endurer ce supplice pendant deux jours. Les gémissements
des malheureux résonnaient encore à ses oreilles, et leurs voix implorant qu’on mît fin à leur tourment. Soudain, à peine audible dans cette désolation, il s’était produit une faible détonation : un blessé, qui avait la vessie perforée, s’était tiré une balle dans la tête, et des morceaux de cervelle sanguinolente avaient été projetés en tous sens contre les murs de la pièce. C’en avait été trop, il avait dû sortir. Mais comme à chaque fois qu’il sortait à l’air libre, il s’était trouvé attiré et pétrifié par un autre spectacle d’effroi. En effet, la place, qui paraissait tour à tour désertée ou couverte d’un tumulte confus, était plantée d’arbres. Des arbres rapprochés les uns des autres, d’une inquiétante immobilité, et, à chacun d’eux, au bout d’une corde, un pendu. Des Ruthènes, des habitants du lieu, victimes d’une justice expéditive. L’un d’entre eux, le dernier à avoir été pendu, s’était passé luimême la corde au cou, avait appris Trakl (à moins qu’il n’eût vu la scène de ses propres yeux ?). Il avait gravé ce spectacle profondément en lui : toute la misère de l’humanité, ici, il l’avait touchée ! Il ne pourrait jamais l’oublier, et la retraite non plus ; car il n’y avait rien d’aussi terrible qu’une débandade. Et puis, un soir - continua à me raconter Trakl _«, quelque part, durant la retraite, c’était arrivé. Soudain, au souper, dans le cercle de ses camarades, il s’était levé et, oppressé par l’angoisse, il avait déclaré qu’il ne pouvait plus continuer à vivre, qu’on veuille bien l’excuser, mais il allait se tirer une balle dans la tête, et il s’était précipité dehors; sur quoi des camarades s’étaient élancés à sa suite et, profitant que sa force, sa volonté et sa conscience faiblissaient, ils lui avaient ôté son arme des mains. Un pénible incident, il le reconnaissait, que cet accès de désespoir auquel il devait de se retrouver maintenant ici, dans une situation si funeste. Car s’il s’était bien vite remis de cette faiblesse et avait repris son service habituel assez calmement, deux semaines plus tard de Limanova - il avait été envoyé à Cracovie, à l’hôpita1 de garnison, non pas, comme il avait cru, pour y servir comme pharmacien, mais… je le savais bien et le constatais : il n’y avait rien à faire.
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Luc-Albert Moreau, Octobre 1917, attaque du Chemin des Dames, 1917.
ANNEXES Ludwig Von Ficker, L’adieu Et soudain, Trakl s’immobilisa et, calme, les mains dans le dos, plongé dans une profonde réflexion - image de la dignité humaine, digne de miséricorde, dans la chemise de malade dont il était vêtu et qui évoque toujours fatalement la tenue d’un délinquant - et soudain, redressant la tête, il me regarda d’un air incertain et interrogateur: « Qu’en pensez- vous ? Je crains que cet incident ne me vale d’être traduit en conseil de guerre et d’ être exécuté. L’abattement, vous savez : signes de lâcheté face à l’ennemi - je dois m’y préparer. » Alarmé, je tentai de dissiper cette idée fixe : «Non, qu’est-ce qui vous fait penser cela ? - Oh que si, insista-t-il, il y a des exemples, cela arrive. Et puis... pourquoi me retiendrait-on ici, sinon ? » Je lui rétorquai que, quant à cela, j’étais convaincu de pouvoir le libérer rapidement pour l’emmener chez moi en convalescence, il n’avait pas à s’inquiéter. Dans l’intervalle, le soleil était descendu, et comme il commençait à faire frais, nous nous dirigeâmes vers l’entrée. À nouveau, avant que nous ne franchissions le seuil, il s’arrêta : « Alors -non ? Vous pensez que non - Non, ami, non ! A quoi songez-vous ! » Un sous-lieutenant des dragons de Windischgraetz1, atteint de delirium tremens et que son père, propriétaire terrien en Slovaquie, devait venir chercher quelques jours plus tard pour l’emmener chez lui en permission de convalescence, partageait la chambre de Trakl. Il y avait le compagnonnage pesant de cet homme, doublement pénible dans un espace si exigu, mais que Trakl supportait avec une patience touchante et pleine d’indulgence pour le malheureux, les accès de rage de ce dernier, alternant, entre deux sommes, avec des moments où il manifestait avec une jovialité totalement absurde son besoin de communiquer, les injures grossières qu’il déversait, à défaut d’avoir son propre serviteur, sur celui de Trakl, qui était à sa disposition mais 1e mécontentait constamment, des injures qui, à un moment, en ma présence, jetèrent ce garçon hors de ses gonds au point que, au supplice et tremblant de tout son corps, il se mit à crier en
1 Nom d’un régiment de l’armée austro-hongroise.
désignant Trakl : « C’est lui mon maître, pas vous ! » Sur quoi Trakl, se dominant avec difficulté, lança d’un ton réprobateur à son brutal camarade : « Je t’en prie, regarde - laisse donc ce pauvre homme, tu vois bien qu’il fait ce qu’il peut ! » S’ajoutant à cela, l’agitation, les allées et venues perpétuelles dans le couloir, la rudesse des gardiens, le vacarme et les cris des déments à l’étage du dessus, et puis, s’accentuant jusqu’à la désolation au fur et à mesure que l’obscurité tombait, l’impression d’être dans une cellule de prison. Et pour finir, dès la nuit venue : cet abandon de toutes les humbles créatures de ce monde à la violence insensée, un sentiment qui augmentait pour atteindre cette impression indélébile, celle du serviteur de Trakl, cet homme pâle d’allure maladive étendant par terre une toile de tente et une couverture pardessus un petit tas de copeaux pour s’allonger dans un coin laissé libre entre le mur de la fenêtre et le lit de fer, à la tête de son maître: c’est dans ce cadre qu’eut lieu ma dernière rencontre avec mon ami. Le lendemain après-midi, je le trouvai allongé ; il paraissait plus morose que la veille et comme au - delà de sa propre présence d’esprit, qui demeurait sensible. – « Voulez-vous entendre ce que j’ai écrit au front? » demanda-t-il après un moment. « C’est misérablement peu », ajouta-t-il tandis que le dragon Windischgraetz, visiblement fâché de me voir de nouveau dans la cellule, se retourna face au mur dans son lit en baillant d’un air ennuyé. Alors, tout bas, de cette voix récitant simplement qui lui était particulière, Trakl me lut deux poèmes : « Plainte » et « Grodek » - celui-ci, qui devait demeurer son ultime poème, dans une version où la fin, l’ouverture sur la destinée des descendants à naître, n’avait pas encore ce brusque rétrécissement de la perspective dans lequel le regard de Trakl se brise littéralement et semble en dehors du monde.
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ANNEXES Ludwig Von Ficker, L’adieu J’étais bouleversé et, même si le ronflement du dormeur étendu face à nous tranchait bruyamment et péniblement le silence, je restai longtemps enveloppé par le mutisme affligé de l’ami, comme par un bras mort qui m’aurait serré. – « En voulez-vous pour le Brenner ?, dit-il enfin - Volontiers, répondis-je, et je le remerciai. - Quand le publierez-vous ? Au printemps, j’espère, dans les annales... Cela dépendra aussi de la guerre, si elle finit bientôt ou si je dois partir à l’armée et au front - Dieu vous en préserve », murmura Trakl en regardant devant lui, avant de garder le silence. Puis, s’emparant d’un fascicule de la collection Reclam posé sur la table de chevet, il me le tendit : « Connaissez-vous? » Je secouai la tête ; c’étaient les poèmes de Johann Christian Günther2 « Moi non plus, je ne le connaissais pas, remarqua Trakl, mais il est digne d’être connu, et justement aujourd’hui en Allemagne ; oui, digne qu’on se souvienne de lui et qu’on ne l’oublie pas... Même si, ajouta- t-il après un bref moment de réflexion, - oui, il faut le dire - même si nombre de ses vers sont d’une âpreté qui n’est plus guère supportable ni même juste... Permettez ! » Il me prit des mains le fascicule, dont seules les dernières pages étaient coupées, le feuilleta : « Voici les vers les plus amers qu’ait écrits un poète allemand - écoutez ! » Et il lut :
J ’ai peur, à l’ouest s’annoncent les éclairs, Le nord aussi te menace déjà, Laboures-tu tes champs pour les seuls étrangers ? J’en serais bien marri. Songe un instant à moi. Tu peux me chasser, me maudire : Comme Bias3, auprès des flammes je demeure Et je vais là où le destin m’appelle. Ta poussière alors s’envole de mes pieds, Plus ne me plaît goûter à toi Et pas même cette bouche emplie d’air.
2 Poète silésien (1695-1723). 3 Bias de Priène, homme d’État grec, VI‘ siècle avant notre ère.
« "À sa patrie", c’est le titre, dit Trakl après un silence - la dernière strophe », et il secoua la tête. Il répéta la strophe par cœur puis, comme s’il voulait en savourer toute l’amertume, les trois derniers vers. Après quoi il s’empara à nouveau du fascicule : « Mais le plus beau et le plus significatif, écoutez, c’est le dernier : "Expiation". Il faut savoir que Günther est mort jeune, à vingt-sept ans ». Et il commença :
Mon Dieu ! Où donc a fui le printemps de mes ans, Si doucement, si tôt, inaperçu ? et il prononça les vingt-cinq strophes du poème d’une manière calme et émouvante, soulignant sensiblement et avec un élan de mélancolie, dans la monotonie sans pathos de ce poème, cette belle strophe :
Viens dons exiger à ta guise Ce corps, la dette originelle, Qu’en pourrissant il trouve une clarté nouvelle. Je veux dans un élan de joie L’habituer peu à peu, sur les tombes, au sommeil Où plus un rêve vain ne viendra l’oppresser. Pour poursuivre, en soupirant, d’une voix baissant à peine :
Champ bienheureux, ô couche bienfaisante ! Portant le paradis, tu fais signe vers lui, J’en sui tout ému en moi-même... Et lorsqu’il termina :
Puisque mon corps devra s’effondrer brusquement Laisse-moi sur ton sein abréger ma douleur, Accueille avec pitié mon esprit libéré ! Si je suis pour quiconque objet de fâcherie, Que ces mots soient écrits sur son cœur et ma tombe : Souvent bonne mort est la meilleure des vies.
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ANNEXES Ludwig Von Ficker, L’adieu - oui, ayant terminé ainsi, il parut être épuisé et avoir besoin de repos. Il ferma les yeux. J’étais assis sur son lit, et il se passa un moment de silence. Le malade dans son lit vis-à-vis s’était réveillé et, retrouvant sa pesante indiscrétion, il nous regardait, couché, d’un oeil vitreux. Dehors, c’était la tombée du jour, les ombres croisées des barreaux de la fenêtre, encore allongées et s’étirant sur le sol un instant auparavant, semblaient maintenant comme absorbées par le crépuscule, la pénombre régnait et, mon Dieu, je ne savais trop dans quel état d’esprit j’étais. Mon pied heurta par mégarde quelques bouteilles de bière vides ou remplies qui se trouvaient sous le lit et produisirent un léger tintement J’éprouvai à quel point le monde était soudain orphelin, mais pas un instant, je dois l’avouer, il ne me vint à l’esprit que ce moment pût être celui de l’adieu. Quelque chose dans l’existence de l’ami semblait d’une puissance intarissable, son absence de ce monde inconcevable, et lorsqu’il bougea et demanda quelle heure il était et s’il avait dormi, je m’efforçai résolument de donner un tour plus insouciant à la conversation. Mais avec peu de succès, comme il apparut bientôt. Cela me procura néanmoins une occasion de demander à Trakl, comme en passant, s’il absorbait encore des poisons. « Mais bien Sûr, comme pharmacien, je vous en prie, répondit-il d’un ton presque enjoué et avec un sourire débonnaire : serais-je encore en vie, sinon ?... Sauf que, bien entendu, personne ne doit le savoir, sinon, je serais dans de beaux draps ! » Peu après, le médecin passa la tête par la porte : « Tout va bien ? » C’était la visite du soir. Je le suivis dans le couloir et le conjurai une fois encore de faire en sorte que Trakl pût sortir bientôt et bénéficier d’une permission de convalescence et, pressé qu’il était, il le promit, avec légèreté, mais cordialement. Je revins auprès de Trakl, porteur de ce message favorable. Mais lui, soupirant, rentré en lui- même, ne voulait plus entendre parler des médecins et de leurs formules toutes faites. Et lorsque son serviteur sortit chercher 1e repas - entre-temps, l’obscurité
était tombée -, je considérai que l’instant était venu de prendre congé de l’ami. M’approchant de son lit, je me ressaisis et lui promis de fournir tous les efforts nécessaires, à Vienne, sur le voyage du retour, pour que sa sortie de l'hôpital pût être préparée et accélérée; après quoi nous nous retrouverions à Innsbruck. « Croyez-vous? dit-il d’une voix basse et étrange. - Je... l’espère, répondis-je, un instant bouleversé. » Trakl me pressa brièvement 1a main, me remercia de ma visite et me pria de saluer nos amis. Puis il se rallongea, comme quelqu’un qui veut encore avant de s’endormir passer un moment à méditer dans l’obscurité, et il remonta la couverture. Il faisait si sombre dans la pièce que c’est à peine si je distinguais son visage. Je lui adressai encore un signe de la tête, et faisant à nouveau machinalement quelques pas vers lui -«Adieu, cher ami ! Puissions-nous nous revoir bientôt ! », lui dis-je comme dans un rêve. Trakl, étendu, immobile, ne répondit pas un mot. . Il ne faisait que me regarder. Il me suivit du regard... Je n’oublierai jamais ce regard.
Traduit de l’allemand par Bernard Banoun, revue Europe avril 2011, n°984.
Texte original : « Der Abschied » (1926), in Ludwig von Ficker, Erinnerung an Georg Trakl, Zeugnisse und Briefe [Souvenir de Georg Trakl, témoignages et lettres], Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1966, p. 197-209.
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TRAKL Autopsie d’un poème
Mise en scène & scénographie: Michel Mathieu Avec:
Julien Charrier Jean Gary Diane Launay Carol Larruy Rajae Idrissi Yarol Stuber Julie Pichavant Lumière: Alberto Burnichon Production: Jean-Paul Mestre
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Théâtre2 l’Acte, Le RING 151 route de Blagnac 31200 Toulouse France T: 33 (0)5 34 51 34 66 @: contact@theatre2lacte.com W: www.theatre2lacte.com
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