Recueil
LA VIE DE JEAN STABLINSKI
Par Jacque Stablinski
Synthèse de la biographie de mon père en m'aidant du livre : "LES SECRETS DU SORCIER JEAN STABLINSKI" Écrit par René Deruyk et Jean-Yves Herbeuval.
Le travail manquant en Pologne, Martin Stablewski vint se fixer dans le Nord de la France en 1924. Il obtint un emploi dans une zinguerie la " Franco-belge", située sur le territoire de Mortagne-du-Nord. En 1928, Martin Stablewski épousa Pélagie Laskowska, une jeune fille travaillant dans les fermes, mais se transformant couturière, à ses heures. Le 21 Mai 1932 a Thun-Saint-Amand (Nord) dans la cité du Maroc, un garçon, que l'on prénomma Jean, vint grossir le cercle familial des STABLEWSKI. Aux approches de l'été de 1940, les Stablewski comme beaucoup d'habitants du Nord fuyant l'avancé foudroyante des armées allemandes, quittèrent leur maison pour "évacuer". Puis, ce fut le retour de ce fameux exode et le drame. La maison des Stablewski avait été endommagée par deux bombes. Martin en bon père de famille, s'inquiéta immédiatement, de savoir s'il pourrait reprendre son emploi. Il enfourcha donc sa bicyclette, afin de se rendre à la zinguerie. Que se passa t-il ? Dans quelle circonstance, Martin Stablewski renditil son âme à Dieu? Une seule certitude : un camion passa, à deux reprises, sur le corps du pauvre homme. Les Stablewski n'avaient pas d'argent; ils vivaient du produit d'un grand jardin planté d'arbres fruitier et de l'élevage de poules et canards. A 15 ans et demi, Jean fut forcé de travailler à la zinguerie et fut fier de décrocher le poste de conducteur de locomotive. A 16 ans, Jean fut enrôlé par l'harmonie de Lecelles, au sein de laquelle il jouait du piston,
il y allait à vélo. Roulant en compagnie d'un copain avec son vélo comme moyen de locomotion, il s'inscrivit au club de Thun. Sa mère n'était pas hostile à ce qu'il fît du sport mais curieusement, elle ne voulait pas qu'il possédât un vélo de course. En 1947, avec la complicité d'Emile Renard, cheville ouvrière de la Pédale Thunoise, il acheta son premier vélo de course 42.000 Ancien Francs chez Eloi Van Tighem, qui tenait commerce de cycles à Solesmes. Jean avait économisé intégralement cette somme en jouant les samedis et dimanche dans les bals, ou il avait troqué son piston pour un accordéon. Mais c'était son compter sur sa mère qui s'en prit a se fameux guidon de course et le brisa, sans qu'elle ait jamais pu s'en expliquer. Jean en guise de protestation se saoula copieusement et entreprit de fumer. Procédés qui rendirent sa mère furieuse, mais il entreprit dans les formes de lui proposer un marché : ou ce sera le vélo, ou il ferait comme certains copains....Pélagie était une personne de bon sens et opta pour la compétition cycliste. C'était parti, en 1947, il remporta sa première course, à Gaurain-Ramecroix, dans le Hainaut. En 1948, son palmarès s'enrichit de 3 succès, de six, en 1949 et de quatorze, en 1950. Ce fut dans ces années-là, lorsque son nom apparut régulièrement dans les comptes rendus et les classements des courses cyclistes que son patronyme fut transformé en STABLINSKI. En vérité, l'erreur est venue d'un journaliste, qui l'a appelé STABLINSKI par assimilation, certainement, avec Klabinski. Lorsque Jean entra dans sa dix-neuvième année, il fut confronté à un choix : Devenir coureur ou musicien. Il succomba aux charmes de la compétition cycliste. Face au dilemme posé par ce désir d'évasion et l'attachement à sa mère, il fallait trouver un compagnon pour elle. Il fit donc passer une annonce dans un journal Polonais de la région et un mineur d'Aremberg, Thomas Pomietlo répondit. Jean les fit se
rencontrer ; ils se plurent et se marièrent. Dans cette affaire, Jean gagna une demi-sœur Génia, de deux ans sa cadette. Ils partirent donc s'installer, à Aremberg. En 1950, à l'age de 18 ans et alors vainqueur de trois courses, il avait du mal à terminer ses courses. Cette faiblesse était peut être, le fruit d'un travail trop dur. Il avait quitté la zinguerie, pour la mine ; il fut, dans un premier temps affecté au criblage, avant de gagner le fond. Il se retira des compétitions cyclistes pour y revenir en 1952 avec application. En Octobre 1952, il rejoint, pour dix-huit mois, le 452 RAA, à Verdun. Il devient Champion de France Militaire à Montpellier avec plus de 6 minutes d'avance. Pour l'anecdote, il trouva dans sa musette de ravitaillement ; une boîte de sardines, un gros casse-croûte, un bocal de confiture, mais rien à boire.... 1953 - Son excellent comportement à la "Course de la Paix" et au Tour de Belgique, attira sur lui, l'attention des directeurs sportifs français. Raymond Louviot qui dirigeait la réputée formation Gitane fit signer au critérium d'Arras un contrat prenant effet immédiatement, dans la catégorie des "aspirants" à Stablinski. En Mars 1954, Stablinski fut libéré de ses obligations militaires et prit en marche une saison marquée par une victoire dans Paris-Bourges, ses débuts dans le Tour De France au sein de la formation Nord-est-Centre, et de nombreuses places d'honneur. Cette même année, le 27 novembre, il épousa Génia. Il s'acheta une 4CV, voiture qui faisait fureur, dans ces temps-là. Ce fut dans le Tour De France 1955 que Jean acquit une réputation de baroudeur. Ce fut aussi au cours de cette Grande Boucle que Louison Bobet vainqueur
pour la troisième fois dira à son directeur sportif, Marcel Bidot : "Celui-là, il vaut mieux l'avoir avec soi que contre soi". Vainqueur de Paris-Valenciennes. Cette année là, il fut rappelé sous les drapeaux en Algérie. Son unité tomba dans une embuscade, et laissa quinze morts sur le carreau. Jean fut profondément marqué. Le 11 août 1956, Guénia lui donna un premier enfant, un fils, Jacques : il lui fut octroyé huit jours de permission. Jean fut libéré en novembre de cette année là. En 1957, la mise en route fut laborieuse, néanmoins, il gagna le Tour de l'Oise sous le maillot Helyett-Leroux, en compagnie de Jacques Anquetil. A Marseille, Jean gagna sa première étape dans la Grande Boucle ou "la bande à Bidot" glana la bagatelle de treize victoires. Le succès de Jacques Anquetil dans le Tour et qui en appelait d'autres, fit basculer le destin de Jean STABLINSKI. Etant persuadé de pouvoir tenir un premier rôle dans le Tour, mais barré par Anquetil, il décida après mûres réflexions de devenir le compagnon du Rouennais. Il gagna le Tour d'Espagne en 1958 ou participait Federico Bahamontès "l'aigle de Tolède", Rick Van looy " l'empereur d'Hérentals". Ce succès de prestige fut le déclic qui lui fit prendre conscience de ses grandes possibilités. 1959 fut une année sans consistance et de malchance : fracture du poignet au Het Volk, amena Jean Stablinski à s'interroger sur son avenir. Il venait de boucler sa septième saison chez les professionnels, avec un profit de gloire assez faible. La tentation de la reconversion se présenta sous la forme d'un café placé à la croix d'Anzin " le P'tit Quinquin. Une date d'achat avait été fixée mais n'avait pas été respecté. Jean rompis donc
définitivement le contrat. Le destin, si capricieux, venait, une fois de plus, d'inverser le cours des choses et Stablinski repris le chemin de l'entrainement. 1960 fut l'année du sacre à Reims : Jean devenait pour la première fois Champion de France le 12 juin. Ce fut aussi la Campagne d'Italie victorieuse avec Jacques Anquetil ou il s'adjugea la treizième étape, Saint-Vincent- Milan. Souffrant d'une induration, le Tour part de Lille sans...Stablinski. Il remporta le 28 août le Grand Prix de Solesmes. Puis triompha encore le jeudi 15 septembre au Grand Prix d'Orchies. Après le temps du doute, s'installait la période des certitudes et de la maturité : " STAB" était devenu "une grosse pointure". Au Championnat de France 1961, l'un des plus beaux, l'un des plus intenses que l'on ait connu, STAB, après une défense héroïque de son titre était battu par Raymond Poulidor. Au départ de son sixième Tour De France, il gagna l'étape de Chalons-sur-Saône. 1962 fut la consécration en " ARC EN CIEL" a Salo, Italy, ou il devient Champion du Monde. Ce fut aussi, l'année de la reconquête a Revel- SaintFérreol. Avec sa rage de vaincre il revêtit de nouveau le maillot tricolore. Il a gagné "a la pédale" le circuit des Trois Villes Sœurs : Gand, Bruges et Anvers. Dans le Tour de France, Jean, connu les joies de la victoire le 7 juillet, dans l'étape Luchon-Carcassonne. L'année 1962 marquait ainsi la grande consécration internationale de Jean Stablinski. 1963 - "STAB" comme Lapize, F.Pelissier et Speicher s'adjuge pour la troisième fois le titre de Champion de France sur le circuit des Essarts. En fin de saison, il gagne la classique ParisBruxelles après une échappée de 300 km. Vainqueur du Tour de la Haute Loire.
Le dimanche 27 octobre 1963, ce fut la catastrophe. Participant à un cylco cross à Fontenay-sous-Bois, sa fourche se dessouda. Une chute d'une rare violence. Il récoltait quarante-deux fractures à la face, l'os frontal et la mâchoire sévèrement touchés. Il fut opéré à l'hôpital Saint-Antoine à Paris par le professeur Grignon qui réalisa un travail formidable. Avec des antennes sur la tête et des fils lui traversant les joues, il ressemblait à un martien. Il souffrit longtemps de maux de tête, de vertiges, de douleurs dans la colonne vertébrale et les reins. Il n'avait qu'un objectif en tête : être à nouveau compétitif au printemps 1964. 1964 - Le Record Absolu en " Bleu, Blanc, Rouge", Jean devient " MR FRANCE" Le 23 août sur le difficile circuit de Châteaulin. Pour la quatrième fois, dont trois consécutif, il devient Champion de France. Il est à ce jour le coureur Français le plus Titré de tous les temps. D'ailleurs le jour de sa victoire, il faisait remarquer malicieusement à Jacques Anquetil : " tu es fier de tes cinq maillots jaunes, aujourd'hui, moi aussi, j'ai cinq maillots dans ma collection : Quatre tricolores, un arc-en-ciel". 1965 - Ca va "FORD" pour "STAB". Quelle année : indéniablement la meilleure saison, la plus riche, la plus dense. Grand Prix de Francfort, Tour de Belgique, ParisLuxembourg, Trophée Baracchi avec Jacques Anquetil, Grand Prix de Gippingen en Suisse, Tour de Picardie, critériums d'Evreux, Brest, Cambrai. "STAB" permet à Jacques Anquetil de réaliser le doublé Historique Bordeaux-Paris dans la foulée du " Dauphiné Libéré". Jacques Anquetil, une fois de plus, avec la complicité de Jean Stablinski venait d'écrire l'une des plus belles, des plus stupéfiantes pages de l'histoire du cyclisme.
Pour "STAB", un succès de Jacques revêtait une dimension mythique. Ce fut une prodigieuse chevauchée. En Avril 66, Guénia lui donne son deuxième enfant, une fille Catherine. Jean Stablinski, Général de l'équipe permet à Lucien Aimar de gagner le Tour de France. Il s'occupait de tout, il tenait la barre. Il faisait à lui seul le travail de dix équipiers. Le Nordiste était au four et au moulin, dirigeait la manoeuvre, rameutait les équipiers, lorsque le besoin s'en fait sentir. Jamais, "lulu" n'oublia cette intervention déterminante qui lui permetta de gagner le Tour Vainqueur du Grand Prix d'Isbergues. 1967 - Jean est acclamé comme Gimondi au Tour d'Italie. Vainqueur de l'étape Reggio de Calabre à Cosenza. Une idée de génie du père "STAB" dans l'étape Roubaix-Jambes, permet à Roger Pingeon de Gagner son Tour de France. Roger dit de "STAB" : "non seulement ce fut un grand coureur, imbattable sur le plan de sentir la course, mais il était gentil, d'humeur égale". Raymond Riotte qui pris à Strasbourg, le maillot jaune répond : " je lui dois tout, c'est simple : je suis redevable de toute ma carrière". Cette année, Jean gagna la dix-neuvième étape qui reliait Bordeaux à Limoges. 1968 - A trente-six ans, âge qui en faisait le doyen du peloton français, le Nordiste choisit de signer chez Mercier pour sa dernière saison ; équipe de Raymond Poulidor. La venue de Stablinski dans la formation Mercier modifia l'expression tactique des "violine". Enfin, vainqueur du Grand Prix de Denain en avril. Cette année là, sans la malchance du malheureux Limousin, victime d'un motard de presse qui le jeta à terre. Raymond Poulidor aurait très certainement remporté avec la complicité du père "STAB" son Tour de France.
Raphaël Géminiani disait de "STAB" : il n'était pas parmi les dix meilleurs sprinters, ni parmi les dix meilleurs rouleurs, ni parmi les dix meilleurs grimpeurs, mais, dîtes-moi, parmi tous ces meilleurs, quels sont ceux qui peuvent présenter un palmarès aussi prestigieux que Jean. Anquetil était un cas, Stablinski était un exemple". Henri Anglade disait : " Stablinski est un sprinter moyen, un rouleur moyen, un grimpeur moyen. Son palmarès, lui n'est pas moyen, il est extraordinaire. Les Anglais l'auraient appelé Sherlock Holmes car il devinait tout. Si la perfection existait, il l'incarnerait cyclistement". Henri Duez disait : "On n'est pas Champion du Monde et de France par hasard et tout ce qu'il a gagné fut le fruit d'un travail solide. Il possédait la classe, était malin, fin, astucieux ; il sentait les bons coups et révélait un courage hors du commun". Raymond Poulidor disait : " Avec STAB on se sentait en sécurité. Il est parmi les tout meilleurs coureurs du monde. Sa science de la course était incomparable. C'était un véritable ordinateur. On l'a qualifié de Marlou, moi, j'appelle cela de l'intelligence. Il était fait pour courir, pour être au milieu d'un peloton". Jacques Anquetil disait : " Jean est un Ami et un grand coureur, il suffit de consulter son palmarès. Il est un garçon charmant, toujours prêt à rendre service". Sa Carrière terminée, Jean Stablinski quitta sa ville de Raismes pour la banlieu résidentielle d'Aulnoy les Valenciennes. Il était possesseur d'un magasin de cycles et d'électroménager. Et puis le destin, une fois encore, se pencha sur son sort. Un soir, fin de l'année 68, il reçu un coup de
téléphone de Mr Bazin, P.D.G de Sonolor qui lui demanda de prendre le poste de Directeur Sportif de l'équipe pro a venir. Il s'occupait de tout, du matériel, des vingt coureurs, des épreuves à disputer et de tout le reste. L'association Sonolor-Lejeune dura trois ans. Bernard Hinault, Lucien Van-Impe, Yves Hézard, Mariano Martinez, Raymond Riotte, Raymond Martin, Alain Santy, Willy Teirlinck, Robert Mintkewicz, Gerben Karsten étaient venus grossir les effectifs de l'équipe. En 1976, la saison qui suivit son retrait de l'équipe cycliste pro, Jean Stablinski créa sa marque de cycles pour le contructeur Amandinois Delcroix. Puis quelques années après pour Dangre. Au moment de la retraite, pour rien au monde, Jean n'abandonnerait son cher Nord. Bientôt s'érigea, à côté de sa demeure, la maison de sa fille Cathy qui en 1992 épousa un jeune avocat de Valenciennes, Dominique Henneuse. La famille a toujours beaucoup compté pour STAB. Cathy lui a donné un petits fils, Alexis et une petite fille, Celia. Jacques son fils fut le seul Nordiste à devenir Champion de France amateur sur route a Callac en 1975 et ce à l'age de 18 ans. C'est le plus jeune de tout les temps. Après avoir gagné une centaine de courses, il passa professionnel chez Fiat, puis chez Puch Campagnolo-Sem. Guénia, son épouse attentionnée avoue que "la vie ne fut pas toujours rose. Elle souffrait sentimentalement de ses absences. Son métier compta considérablement pour lui. A la maison, il n'était pas particulièrement exigeant et se reposait beaucoup sur elle".
Jean disait :"Je suis heureux, je souhaite à beaucoup de gens de vivre leur vie, comme j'ai vécu la mienne. Je vis la sérénité des gens du Nord. J'ai fais le métier le plus merveilleux ; j'ai des souvenirs magnifiques. L'émotion d'un podium, la ferveur d'une foule sont des choses que l'on ne peut acheter, et qui vous comble. J'ai fais le tour du monde, j'ai logé dans des palaces, j'ai dîné dans les plus grands restaurants. Nous avons également effectué le dernier voyage du "France". Avec mon épouse, nous avons voyagé dans" l'Orient-Express", ou de Paris, nous sommes allés à Venise. Là, il s’agissait d'un cadeau de mon fils et de son personnel. Jacques m'a donné une valise et m'a dit : " Disparais, maintenant, tu as assez travaillé. Dans la valise, il y avait les billets pour le merveilleux train".
Jacques STABLINSKI
Synthèse de la biographie de mon père en m'aidant du livre : "LES SECRETS DU SORCIER JEAN STABLINSKI" Écrit par René Deruyk et Jean-Yves Herbeuval.
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LA VIE DE JEAN STABLINSKI
Par Jacque Stablinski