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CONFESSION CONFINÉE

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THE FASHION THERAPIST Journal de confinement d’ artistes et designers sélectionnés par Patricia Lerat N°1 / 11 MAI 2020

FR

by Patricia Lerat, The Fashion Therapist.

Le confinement est une parenthèse inédite, qui a fait émerger des réflexions sur qui nous sommes.

FR Je suis une utopiste enflammée qui aime partager ses convictions, ses coups de coeur, ses valeurs, ses joies et ses peines.

Je crois en l’Homme depuis toujours même si mon enthousiasme n’a pas toujours été récompensé. L’homme est complexe à comprendre et à décrypter, mais plein de ressources, notamment lorsqu’il est «confiné» car face à lui-même et donc de ce fait plus authentique.

Depuis 25 ans, j’ai toujours dit que ce qui m’intéressait dans la mode, c’étaient les hommes, les femmes : les artisans, les stylistes, les modélistes, les fabricants, les acheteurs et tant de professions… des talents qui ne sont pas toujours mis en lumière. Dans notre domaine, nous ne sauvons pas des vies mais nous créons des emplois. Notre industrie n’est pas vitale mais la création est vitale, elle nourrit l’imaginaire, le rêve et offre à chacun, au travers de ses goûts et de ses envies une possibilité d’expression.

Je me suis demandée comment je pouvais persévérer dans ma vocation à soutenir et à faire connaître «à ma façon» ceux qui en sont les acteurs dans une période aussi critique qu’aujourd’hui. C’est ainsi que m’est venue l’idée de ce journal de confinement, une façon simple de garder le contact et de mettre en lumière sans artifices, des personnes que j’estime pour leur travail mais aussi et surtout pour leur personnalité.

EN Et ainsi garder des témoignages de cette pandémie de 2020 qui va marquer à jamais notre époque. J’ai donc décidé de demander à ces créatifs, créateurs, artistes, de nous faire partager des fragments de leur vie à travers ces confessions sur le confinement. Je les remercie d’avoir tous répondu à ma demande sans hésitation.

J’espère que vous apprécierez cette démarche, qu’elle vous permettra de mieux les connaitre, et qu’elle vous donnera envie de les rencontrer.

Confinement is an unprecedented parenthesis, which has given rise to reflections on who we are. I am a flaming utopian who likes to share her convictions, her favourites, her values, her joys and sorrows.

I have always believed in Mankind, even if my enthusiasm has not always been rewarded. It is complex to understand and decipher, but full of resources, especially when one is «confined» because one faces his self and is therefore more authentic.

For 25 years, I have always said that what interested me in fashion was men and women ; talents, craftsmen, stylists, model makers, manufacturers, buyers, and so many professions that are not always brought to light. In our industry, we don’t save lives but we create jobs. Our industry is not vital but it feeds the imagination, the dream and offers everyone, through their tastes and desires, a possibility of expression.

I asked myself how I could persevere in my vocation to support and make known «in my own way» those who are its actors in such a critical period as today. That’s how the idea of this containment journal came to me, a simple way to keep in touch and to bring to light, without artifice, people whom I esteem not only for their work but also and above all for their personality.And thus to keep testimonies of this pandemic of 2020 that will forever mark our time. I have therefore decided to ask these creative people, creators, artists, to share fragments of their lives with us through these confessions on confinement. I thank them all for having answered to my request without hesitation.

I hope that you will appreciate this approach, that it will allow you to know them better, and that it will make you want to meet them.

page 6

Jeanne Vicérial Clinique Vestimentaire

page 14

Kevin Nompeix & Florentin Gémarec EGONlab

page 24

Elodie Michaud & Rebecca Fezard hors-studio

page 34

Maria Zolezzi Maydi

page 44

Artsi Ifrah Maison Artc

pages 4, 12, 22, 32, 42, 50

Manifesto The Fashion Therapist

hors-studio Designers Matières & Surfaces Cusineuses des biopolymères Makers de notre époque, Tours Materials & Surfaces designers Cooks of bio-polymers Contemporary makers, Tours

État d’esprit : "Construire dans l’instant"

FR

EN Je vous présente Rebecca et Elodie un duo au féminin et explosif. Elles semblent en guerre avec la société alors qu’en fait, elles l’aiment et sont déjà entrain d’expérimenter des scénarios pour qu’elle évolue vers un monde meilleur. Appartenant à la communauté des "MAKERS", de ceux qui font "DIY", tournées vers les nouvelles technologies, mais aussi vers l’artisanat et le sur-mesure, elle fondent en 2017, un studio de création qui aborde les projets de façon transversale à la frontière entre design, mode, art de vivre, graphisme et espace. Elles sont convaincues que la révolution de demain c’est la transformation des déchets. Aujourd’hui, je les appelle aussi les "cuisineuses des bio-polymères". Elles remontent à la source, réemploient des déchets/ ressources naturelles telles que les huitres, les moules... liées avec de l’algue pour éco-concevoir des installations innovantes, scénographies à base de briques ou autre support biodégradables. En 2019, elles lancent "Precious Kitchen", le premier portail "open source" en ligne qui permet de référencer les matières, déchets ou rebuts qui peuvent être valorisés et ainsi connaître une seconde vie créative. Souhaitons que leurs découvertes puissent aussi nous permettre de consommer mieux, vivre autrement.

Meet Rebecca and Elodie, an explosive feminine duet. They seem to be at war with society when in fact they love it and are already experimenting with scenarios to make it evolve towards a better world. Belonging to the community of "MAKERS", of those who make "DIY", turned towards new technologies, but also towards crafts and custom-made products, they are founding in 2017 a creative studio which approaches projects in a transversal way at the border between design, fashion, art of living, graphics and space. They are convinced that tomorrow’s revolution is the transformation of waste. Today, I also call them the "bio-polymers’ cooks". They go back to the source, reusing waste/natural resources such as oysters, mussels...bound with algae to eco-design innovative installations, scenographies based on bricks or other biodegradable supports. In 2019, they are launching "Precious Kitchen", the first online "open source" portal that allows to reference materials, waste or scraps which can be valorized and thus experience a second creative life. Let us hope that their discoveries will also allow us to consume better and live differently.

First Meeting : Elodie 2017 Rebecca 2005

ELODIE MICHAUD REBECCA FEZARD

Comment avez-vous vécu le confinement? E : Franchement, pas bien du tout au début, entre l’angoisse d’être privée de sa liberté, de se retrouver enfermée entre quatre murs, et la perspective de ne plus pouvoir se rendre à l’atelier, c’était la panique la plus totale. Et puis on se remercie d’avoir un esprit créatif ; on s’adapte, on invente de nouveaux modèles. On puise dans de nouvelles ressources et on explore d’autres terrains de jeux. R : D’abord la sidération, ensuite l’angoisse et très rapidement, l’adaptabilité. La liberté est un prix qui coûte cher, et je me sens assez privilégiée. Ma pratique ne permettant pas le télétravail, j’ai donc pu continuer à me rendre à mon atelier, ce qui était essentiel et vital pour moi. C’était ma plus grosse crainte : être privée de mon espace d’expérimentations ! How did you experience containment? E: Frankly, not well at the beginning, between the anguish of being deprived of one’s freedom, of being enclosed between four walls, and the prospect of not being able to go back to the studio, it was the most total panic. And then you thank yourself for having a creative spirit, you adapt, you invent new models. We tap into new resources and explore new playgrounds. R: First the astonishment, then the anguish and very quickly the adaptability. Freedom is a high price to pay, and I feel quite privileged. My practice does not allow me to telework, so I was able to continue to go to my workshop, which was essential and vital for me. That was my biggest fear, being deprived of my experimental space!

Quelle a été votre plus grande frustration? E : Être privée de l’océan, de ne plus pouvoir bouger, d’aller surfer. Je n’avais pas conscience que c’était aussi essentiel à mon équilibre. R : Être privée de ma liberté. J’ai trouvé ça très compliqué que l’on m’impose une restriction de mes mouvements. Bien sûr, c’est pour le bien du collectif et je sais obéir aux règles, mais je ne pensais pas que ça puisse m’atteindre à ce point. Et je rajouterais que l’eau me manque terriblement (je pratique la natation synchronisée), j’ai besoin d’avoir mon corps en apesanteur et là, je me sens rouillée. What was your biggest frustration? E: To be deprived of the ocean, to be unable to move, to go surfing. I wasn’t aware that it was so essential to my balance. R: To be deprived of my freedom. I found it very complicated to have a restriction of my movements imposed on me. Of course, it’s for the good of the collective and I know how to obey the rules, but I didn’t think it could get to me that much. And I will add that I miss water terribly (I practice synchronized swimming), I need to have my body in weightlessness and now I feel rusty.

1 Materials searches with seashell powder. 2 Set for Precious Kitchen by Ella Perdereau. 3 Portrait of the duo in the kitchen ©Material Designers 4 Recipe of bio-polymers 5 Raw Rows, generative column made with bricks of shells. 6 Portrait of the duo 7 Bricks made with sea shell, mussels and oysters.

Quelle a été la plus grande découverte sur vous-même ? E : Mon incapacité à me poser et la peur du vide. Je suis incapable de prendre le temps de chiller, et ce malgré le confinement, qui est quand même le contexte le plus propice à cela. J’ai tellement de gens autour de moi, qui vivent leur meilleure vie, prennent le temps et sont dans l’introspection. Moi je suis en "mode projets". Je me rajoute des dizaines de projets de façon à être débordée en permanence, et aussi parce que j’ai plein d’envies à satisfaire. Finalement il n’y a que l’océan qui arrive à me poser…tu sais quand tu es pris sous la vague en "mode machine à laver" et que tu n’as d’autre choix que d’attendre. R : Je crois que je me connais quand même plutôt bien, je ne suis pas sûre d’avoir fait une découverte mais cette épreuve du confinement a confirmé ou exacerbé ces traits. Cette quarantaine aura été sous le signe de la création. Voir le monde à l’arrêt m’a permis de me recentrer sur l’essence même de mon travail et de qui je suis. J’ai pu prendre le temps d’expérimenter d’avantage et de m’instruire. J’ai aussi besoin de faire le vide par la pratique artistique et le travail du corps, une sorte de méditation en pleine conscience. Les piscines étant fermées, j’ai repris la danse classique que j’avais pratiqué enfant avec des visios des compagnies du monde entier, c’est génial ! Et j’ai enfin pris le temps de réouvrir mes partitions et me remettre au piano. Je peux y passer des heures, je ne pense à rien et ça me fait un bien fou ! What was your greatest discovery about yourself? E: My inability to settle down and the fear of emptiness, I am unable to take the time, to chill, and this despite the confinement, which is still the most favourable context for this. I have so many people around me who are living their best life, who take the time, who are in introspection. I’m in project mode. I add dozens of projects to myself in order to be constantly overwhelmed, and also because I have a lot of desires to satisfy. In the end, only the ocean can land me... you know when you’re caught under the wave in washing machine mode and you have no choice but to wait. R: I think I know myself pretty well, I’m not sure I’ve made a discovery but this test of containment has confirmed or exacerbated those traits. This quarantine will have been under the sign of creation. Seeing the world at a standstill has allowed me to refocus on the essence of my work and who I am. I was able to take the time to experiment more, to search, to educate myself. I also need to clear my mind through artistic practice and bodywork, a kind of mindfulness meditation. The swimming pools being closed, I went back to classical dance that I had practiced as a child with live videos of companies from all over the world, it’s great! And I finally took the time to reopen my scores and start playing the piano again. I can spend hours there, I don’t think about anything and it’s great!

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Quel est votre rêve le plus fou pour un monde meilleur ? E : L’équilibre! À tous les niveaux. Mais surtout, enfin trouver l’équilibre entre la nature et la culture… Savoir créer et innover sans dévaster la nature qui nous entoure. R : Que ce système s’effondre pour repartir à neuf en tenant compte des erreurs passées. Un monde plus collaboratif, respecteux, sincère et à l’écoute de notre mère Terre.

What is your craziest dream for a better world?

E: Balance! At all levels. But most of all, finally finding the balance between nature and culture... Knowing how to create and innovate without devastating the nature that surrounds us. R: Let this system collapse and start anew, taking into account past mistakes. A more collaborative, respectful, sincere world that listens to Mother Earth.

Frame of mind : "Build in the moment"

Que ferez-vous quand vous sortirez de ce confinement ? E : J’irais surfer, j’attends le go ! R : Je vais sous l’eau, la tête en bas ! What will you do when you get out of this lockdown? E: I would go surfing, I’m waiting for the go! R: I’m going underwater, upside down!

FAVOURITE

book E : Autoportrait, Édouard levé R : Noyau d’olive, Erri de Luca movie series E : Denis la Malice, Nick Castle R : Memories of murder, Bong Joon Ho music E : Devil Eyes, Hippie Sabotage R : Chilly Gonzales destination E : The wild coast of the isle of Ré, France R : Préfailles, France & Copenhaguen, Denmark. place in your city E : The Loire R : CCCOD (Center of Contemporary Creation Olivier Debré)

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