Chau van tiep

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Biographie de Chau-van-Tiêp, général de Gia-long Lors de mon séjour à Ilaria, j'ai fait des recherches qui ont abouti à la découverte du tombeau d'un des grands généraux de Gia-long que l'histoire a omis. Je crois bien faire de retracer, avec les doctL ments vus et renseignements recueillis, les hauts mérites de ce grand homme, espérant que mon travail sera de quelque utilité à la Société que vous présidez avec compétence et distinction. Ce haut dignitaire, c'était Chàu-van-Tiêp. Il a son tombeau au village de Hat-lang, canton d'An-plm-thuong (Baria), élevé en l'année Mùu-thùn (1788); son pagodon édifié vers l'an 4 de Tu-duc (en 185'1 ). Né au village de Van-hoa, canton de Xuàn-vinh, huyên de Dông­ Xuùn, phu de Tuy-An, province de Phu-yên (Annam), Chàu-van-Tiêp avait nn frère, mort jeune, dont le nom est resté inconnu, et une sœur, Chàu-thi-Dàu. Son père, Châu-van-Tri, était cultivateur. Dans sa jeunesse, accompagné du nommé Hong, il allait souvent dans les diverses régions des Moïs pour soit faire le commerce, soit échanger des produits. Par ses allées et venues, il a connu Nguyên­ van-Nhat, originaire de la province de Binh-Dinh, le futur révolu­ tionnaire des Nguyên. Plus tard, quand Nhat fit la guerre, Chàu-van-Tièp a réuni aussi des partisans sur la montagne Tra-lang, près de la source Ha-duy (province de Phu-yên). An bout de ;i ou Î> ans, le nombre ùe partisans s'augmentait toujours, �hat a envoyé un messager demander à Tiêp et à son compagnon Hèmgde venir se joindre à lui, promettant, en outre, des titres élevés. Tiêp refusa et resta avec le gros des partisans, tandis que Hông, confiant dans les promesses, est allé avec quelques parti9 �


-m.sans se mettre au service de Nhat. Plus tard, �hat a envoyé Hông auprès de Tiêp pour renouveler les offres et essayer de le faire revenir sur sa première décision. Furieux de telles démarches, il fit mettre en prison Hông et continua à travailler à l'organisation et à l'entraînement de ses hommes dans la ferme intention d'aller servir les causes de l'Etat. ;\nat dépêcha son officier Chiêu-Thao avec des troupes pour aller délivrer Hông, mais celui-ci était malade, puis mort pendant la détention. Châu-van-Tièp livra une bataille à l'officier Chièu-Thao qui fut tué. Des armes, des soldats en grand nombre et 2 éléphants passaient à Chàu-van-Tièp pour grossir encore son armée 'lui prit de l'importance de jour en jour. Il campa ses troupes tantôt à Go-bich, tantôt à la montagne de Tra-lang. Ayant appris la défaite et surtout la mort de son officier, :\'hat vint avec une grosse armée le venger. Chàu-van-Tiêp, jugeant la partie peu farorable pour lui, préféra amener sa vieille mère et tous ses hommes par forêt et par monts pour venir à Gia-dinh servir Gia-long. A cette occasion, Gia-long a accueilli avec empressement l'offre de serrice, a eu beaucoup d'égards pour Chùu-van-Tiêp qu'il nomma Khùm-Sai-ta-chuong-dinh quàn-công: enrnyé royal, commandant de l'aile gauche, Duc de Tiêp. En l'année Qui-mao ( 1783), après un échec subi lors de la bataille navale engagée au fleuve Bên-Xghé (rivière de Saigon) avec les Î;)y-son, l'armée de Gia-Long fut éparpillée, le Khàm-sai se sépara de son chef pour se rendre au Siam, par Jamie du Laos, pour solli­ citer une armée de secours. Le roi du Siam ayant accepté la.demande, envoya chercher le roi Gia-Long qui fut trouvé et amené au Siam où roi et officier se furent trouvés réunis à nouveau. Chàu-van-Tiêp, en pleurs, embrassa les pieds de son auguste roi. Ce fut une scène touchante, si touchante que toute la sympathie siamoise alla tout droit à Châu-van-Tiêp qui fut classé a: fidèle serviteur )) de l'Etat. En l'année Giap-thinh (1784), il ramena Gia-Long avec une armée siamoise de 20.000 soldats et une flotte de ::300 jonques. Il livra une grande bataille aux Tày-son, sur le fleuve de }lang-thit. Les


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Tùy-son baltus, ont fui en tous sens, abandonnant 18 jonques de ·.:-11erre. .\près la bataille victorieuse, un repos bien mérité fut accordé à ses hommes. Chùu-van-Tièp \'Îsita les 18 jonques, formant le butin, pour se rendre compte de leur construction et de leur armement. Il n'a pas eu la précaution de faire évacuer tout l'équi­ page, c'est pourquoi un matelot ou gradé ennemi, encore caché à la cale, :-e précipita sur lui et le poignarda mortellement. C'était le 19 du tOe mois ( 178-t). Gia-Long, it cette triste nouvelle, en fut très attristé, pleura et s'adressa en ces termes à ses officiers : « Le Ciel ne veut pas encore que je pacifie cette maudite guerre des Tày-son, puisque le plus distingué de mes officiers vient ùe mourir avant tl'arnir achevé l'œuvre commencée )>. Suirant les circonstances, des ordres furent donnés pour qu'on f:1brique le cercueil avec des planches, qu'on habille Tiêp de :;on uniforme J'officie� général; des ordres politiquement secrets a\'aient été donnés au village <le la localité d'An-Hoi (province de Yinhloug) de ùé�uiser l'enterrement, comme s'il s'agissait de celui d'un particulier quelconque mort. (Il existe encore, à l'heure actuelle, tians ce ,·illage, une pagode construite en mémoire de ce vaillant �t'>11éral par les notables, pour l'adorer.) Chùu-van-Tièp fut plus tarù i11scrit snr les tablettes <lu Panthéon (ferme des }lares) avec le titœ ùe Lùm-Tl1ao quùn-cong· (Duc de Làm-Thao), 15e année du règne de .\finh-)lang ( 18:H ). En l'année mù.u-thàn ('1788), Gia-Long, définitivemnt réinstallé i Giadinh, envoya nne mission de mandarins procéder au tran�fert du; restes mortels <le Chùu-van-Tièp. Le chef de la mission, après examen minutieux, a reconnu véritables ces restes; petit détail remarqué: l'absence de l'uniforme. Cette absence a été expliquée comme suit, par les 11otables <lu village qui avaient fait cette substitution: Après le départ des troupes royales, des Tày-son sont revenus ohlig�r les notables à leur indiquer la sépulture de Ch:\u-van-Tiêp. ( ,'était aussi un grand honneur pour le village de posséder même provisoirement sur son territoire la dépouille mortelle d'un haut dignitaire, très dérnué il la cause royale et surtout éviter qu'elle tombe entre les mains des Tày-son, c'est pourquoi les notables ont conçu le projet de tromper ces Tây-son et ils y ont réussi. Voici comment ils ont opéré : sollicité un délai pour aller faire des rechrr-


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ches, ce temps leur était nécessaire pour déterrer le corps de Chàu­ rnn-Tièp dont ils enlevèrent l'uniforme pour habiller un homme mort récemment qu'ils ont enterré ensuite quelque part. . .\ubout de quelques jours de prétendues recherches, les notables sont venus informer les Tùy-son de leur trouvaille. Les T�\y-son firent faire l'exhumation; à la me de l'uniforme, ils croyaient arnir trouvé le corps voulu, le firent incinérer. Les cendres ont été jetées à l'eau, et rnilà la ,·engeance faite. Quant au corps véritable de Chau-van­ Tiep, il était resté intact. Après avoir lu le rapport de la mission, Gia-Long s'est montré très satisfait de la substitution intelligente faite par les notables, qu'il· récompensa par force d'argent et ligatures. Il ordonna d'ense­ velir le corps de son feu général arec des soies dites gùm, fit choisir un emplacement sur lé territoire du village de Ilat-lang (Daria), autrefois Bienhoa. Des ordres furent donnés pour faire un joli tombeau digne des senices rendus et du haut mérite du défunt. Des gardes royaux ont été préposés à la garde du tombeau. Pour mémorer plus encore, Gia-Long a prescrit la construc­ tion d'un trône, en miniature, peint en rouge et en or ( rouleur royale), qu'il fit remettre à Cao-thi-Cau, veuve du quan-cùng, pour honorer sa mémoire. lTne pension viagère, en argent et en nature, fut allouée à la veu\'e pour la soulager dans son grand âge. .\ la mort de la veuve, sans enfant, le culte fut confié aux soins rlc Chùu-thi-Dàu, sœur du quân-càng. Chùu-thi-Dùu, dans sa jeunesse, avait appris l'escrime. Elle était forte de cette matière, c'est pourquoi son frère l'a amenée aussi au Sia111. Elle fut donnPe en mariage par son frère à Lê-van-Cu, q m'tn­ cong également et contemporain de son frère. Ï,'était Lê-van-Cu qui a remplacé dignement son beau-frère Tièp pour ramener Gia-long en basse Cochinchine et reconquérir Gia-dinh. Les descendants de Lè-Yan-Cu seraient encore dans le village de Than-hoa-dàng, huyèn de Kiên-hung Oiytho). .\ prè(revision du Grand LiYre d'Or de la Cour, où sont portés les noms des hauts dignitaires, et examen des mérites de chacun, :\linh­ �Jang, vers l'an 12 de son règne ('18:31), a élevé Chàu-rnn-Tièp à la dignité posthume de « Ta-van-công-thân » trang-Yo-tuong-quan, Dà-thàng phu, Thai-bao, Trang-lièt, Lâm-thao quàn-càng (Duc de


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Lâm-Thao). Fondateur du Royaume, Graml )Iaréchal, commandant en chef, Grand Censeur et Duc de L:îm-Thao). C'est cc breYet que j'ai rn en 1909 à Daria, en soie jaune très fine, écrit avec ùe l'encre noire el apposé le cachet royal. Yers l'an 2 du règne de Tu-Duc (1 RW), sur demande formulée par Nguyèn-tri-Plmong, Phan-thanh-Gian et quelques autres hauts dignitaires, un décret fut pris ponr prescrire de rechercher des descen­ dants de Chùu-rnn-Tiêp pour leur donner certain grade de mandarin et les charger de la continuation du culte de ce grand homme. Les recherches faites ont amené la décotIYerte d'un nommé :\'guyen-Yan-JJoa, petit-fils de Chùu-thi-Dùu, dont Chàu-van-Tiêp est le grand oncle maternel. Xguyen-Yan-Hoa, alors ùgé de 35 ans, fut nommé Ba-hà (fJ e degré de �e classe) du mandarinat. Il a,·ait, en vertu d'un décret royal, la jouis�ance d'une rizière domaniale de 60 hectares aYec le reœnu de laquelle il entretenait le cnlte. La tablette << Bai-Yi )) porte : Yiêt cô, ngoai-ta chuong dinh, Khièm-hà-bù-Ilinh-bù Lanh üai­ Hà-Dôc Tiêp Quùn-công Tanh cl1ùu ()'tune de l'Annamite Yénéré ici est le chef de l'armée de l'aile gauche, faisant fonctions de )linistre des Finances et de la justice, Grand .\laréchal, commandant en chef du prénom de Tiêp, nom de Chùu, ayant le titre de Duc). Yers l'an 4de son règne (1851), par décret, Tu-Duc a prescrit au mandarin prm'incial de Bienhoa de construire, snr les fonds de l'Etat, un pagodon de 3 compartiments, près du tombeau. Le pa�odon terminé en l'an 5 a donc une existence de ÛX ans, à nos jours. Il menace ruine. Sont encore en assez bon état une tablette dite khuàn-bièn, dorée, portant les 4 caractères U\m-Thao-quùn­ công (Duc de Lùm-Thao) et le trône façonné du temps de Gia-Long et sur son ordre. Yu la Yétusté du pagodon, les notaùles ont transféré le trône à la maison commune de Ilùt-Lang pour le mieux consen-er. Les brevets posthumes déliYrés par fünh-)lang sont bien conser­ Yés par les notables du Yillage qui sont fiers d'arnir un coin de leur territoire choisi comme panthéon mandarinal. Les doc11menb, quoique ùgés, présentent et consenent encore lrur couleur primitir1 1 On y lit le sceau royal portant les 4 carac­ tères o. Sac-mang chi buu » avec la date du 17 du 11 e mois de l'an 'l � de )linh-�lang. •


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Voilà la biographie de ce grand homme bien intéressé, qui a contribué, pour une large part, à l' œuvre de Gia-Long et qui peut ètre considéré comme un des fondateurs de la dynastie des Nguyèn. Je crois que cette biographie manque encore dans les bibliothèques de notre Société. Ces renseignements 011t été puisés sur les documents ufficiels gardés encore par le village de llat-Lang. Les notables de ce village ont adressé l'année dernière à )Ionsieur l'Administrateur chef de la province de Baria, une pétition, en rne d'obtenir l'autorisation de créer des ressources afin de restaurer le tombeau et reconstruire le pagodon. )1. Lamarre a promis l'ourerture d'une souscription publique pour faire ces trarnux. Ci-joint la traduction du brevet posthume ùéliué par l'Empereur M inh-�Iang (en -IS;J 1 ). TnADUCTIOi\' DU BREVET DIPÉRIAL Nous, )linh-)lang, Empereur de l'Annam, obéissant à la volonté du Ciel, protégeant la dynastie « :Nguyen », Considérant que si le devoir de l'homme d'Etat consiste à se mon­ trer loyal et ùérnué, celui du Souverain consiste à savoir récom­ penser avec justice les sen'iteurs méritants par des titres posthumes écrits dans les brerets ; Il est choisi une date faste pour examiner le Livre d'Or con tenant les noms des hommes d'Etat. De cet examen, il est résulté que notre Empereur-Père a conféré la haute dignité de l\hùm-Sai Do-Doc à )lonsieur Tièp. Après sa mort, sa dignité est majorée de quatre caractères « Ta-)lang-Càng.. Thàn )), suivi cles caractères Quàn-cèmg-ham-àn. Ce haut di�nitaire était un des meilleurs généraux de notre Empereur-Père, il était le premier sur la liste des méritants qui l'accompagnaient à Bangkok. Ses exploits de guerre ont été très brillants: ils consistaient à détruire les forteresses ennemies; il était le bras droit du Roi. C'est gràce à lui que le royaume a pu être constitué. En guerre sur son cheval, tenant son épée, il exaltait une terreur qui pourrait être comparée au tonnerre et au vent de l'Océan. Courageux, il n'a cherché qu'à mériter les bienfaits du Roi; il n'a jamais été en retard dans les opérations militaires; au contraire, il a été d'une tenacité et d'une persévérance à toute épreuve.


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Sou intelligence, son talent, ses tactiques militaires sont compa­ rables aux rayons lumineux du �olcil ; ses hautes qualités ne faisaient qu'encourager et rendre plus forts ses combattants (soldats). Les ennemis avaient peur de sa terreur comme s'il s'agissait de la terreur du Ciel. Son dévouement pour l'Etat est comparable à la clarté de la lune; ses serrices rendus devraient être restés gravés sur les cô-khi (tablettes à transmettre aux générations postérieures). L'Empereur Gia-Long, en récompense de ses brillants services, a prescrit, par décret, l'érection de son tombeau et l'édification de son pagodon pour perpétuer sa mémoire. Xous, )linh-Mang, Empereur successeur, désirons le récompenser eucore une fois, en plus des 4 caractères tà vàn càng thàn, l'élevons à la dignité militaire de Trang-rn tuong-quàn, plus le titre de Dô­ thông"-phu chuong phu su, Thai-bao (1er degré de 1re classe), modifions le rlegré de noblesse en Trang-lièt, conférons encore le tire de Quân-công du territoire de Làm-thao (Duc de Làm-Lhao). DÉCRÈTE: Le présent Lrevet sera écrit sur la soie dite gàm, distinction réservée seulement aux très hauts officiers de la Cour Impériale. Hélas! La fumée odoriférante dégagée du brûle-parfum indiquera que sa vie dans l'autre monde est adorée éternel1ement dans son pagodon. Que son àme sache bien les selltimenls nourris par le souverain f{Ui souhaite bien que son culte soit assuré pour toujours et sans interruption. Le 17 du ·11 e mois de la 'l 2e année de Minh-jlang. Le cachet parle: Scic-mq,ng-chi-bléu. 1'GUYÈN-YAN-HAJ,

Doc-phu-su à Trai·inh.



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