LE
RITUEL FUNERAIRE DES ANNAMITES
LE
FUNEllAlllE DES ANNAMITES ETUDE D'ETHNOGRAPHIE RELIGIEUSE !'All
GUSTAVE
DUMOUTIER
Din·ctcur de l'Enscigncmcnt au Tonkin, �lcmbrc non Rcsidant du Comitc de:; Travaux Historiques et Scicntifiqucs, pr,�s le '.\Iinistcre de l'In ... tructinn Publiquc Laurcat ck la Socictc de Gcngraphit·
HANOI IMPlmlERIE TYPO-I.ITHOGHAPIIIQPE t'.-11. SCH'.\EIIIEH
1904
A Monsieur le Vicomte Eugene Melchior de VOGUE DE L'ACA DEMIE FRAN<,:AISE
Clwr .;v'faitre, Vous avez le premier, il y a longtemps deJa, annonce !3. puhlication de ces pages; Yeuillez en accepter la dedicace avec l'hommage de mon respect.
Hi,-n,)i, 1904. 1;c�T.\n: ODIOUTIEH.
Gravure rrontispire rlu Rituel des lrois Doctrines (Edition de Ha-n,)i) l.e Bouddha, Confucius t>l l.ao-lse !M>lll rennis sur u11 m1'me tolus.
A \",\J\;T-l'IWPOS
du tao1sme par Jes pratiques de sorccllcric, Jes cxorcismcs, !'invocation des diables, et du confucianisme par l'cmprunt fait au philosophe d'un certain nomhl'c de scs formules, et de )'invocation de son nom darn, Jes prit'�rcs. Cc rilucl concilic toutes Jes croyances, rass111·c lo11les IPs wnsciencf.'s, ('l :-atisfait tout le mondc, surtout Jes bonzes. F.n maticre de funcrailles, cc soul les prescriptions du Tam-giao qui sont obscrv<'•es. Nous ne voulons pas dire que le Gia-U soil abanrlonn1\ chaquc famillc posscde un exemplairc de cc livrc, qui est accrptc par tom, comme le code du ceremonial domestique, le conseillcr des gens de hon ton ; mais comme sa redaction est d'essencc purement philo:mphiquc, el qu'il n'y est queslion ni du bouddha, ni des genies, ni des diables, ni des dragons, ii ne saurait salis faire !'esprit eminemment superslitieux des Annamites, et ceux-ci, lout en sui vant clans la mesure du possible ses prescriptions; Jes font concorder avec celles du Tmn-giao en Jes agrementant de tout cc qui, dans les pratiques tao1ques ct dans les prieres bouddhiques, est de nature a rassurer leur conscience exigeante et timorcc. Au Tonkin, comme du reste clans tous Jes pays de civilisation chinoise, ii est deux choses a considerer en maticre d'ethnologie : d'abord la Joi ecrite, fo1t belle, d'une moralite irrt\prochable bien qu'un peu cnfantine, pure emanation des reuvres immortelles des anciens sages chinois, conserv<'.·c dPpuis des si1}cles sous sa forme immuable, et dont on se �ert pour former clans Jes ecoles l'esprit ct le creur des hommes; en second lieu, l'usage, que l'on subiL p·artout, qui n'est ecrit nulle part, el qui clans la pluparl des cas est toul le contraire de la Joi. Le Gia-le est la Joi, le Tam-Giao est )'usage. Le P. Lesserteur des Missions etrangeres a ecrit, il y a quelques annces, sous le titre de : Les funerailles en Amwm, unc fort remarquable traduction d'une partie du Gia-le. La plupart des ceremonies que nous decrivons dans notrc Rituel funeraire ainsi que toutes les prieres qui y sont traduites, provienncnt du Tam-giao. �ous a".ons pris, clans le Gia-le, ce qui a rapport au culte des ancelres, pour Jequel, clans tout le pays annamite, nous n'avons jamais rencon tre une seule divergence d'opinion; nous aYons empruntc aux le!;ons de Luro, au,jourd'hui introuvables, le passage relatif a l'administration des biens du meme culte, et nous donnons, dans un appendicc, un extrait de la legislation anna mite actuelle conccrnant Jes funerailles, le deuil el le respect des tomheaux. Xous n'avons jamais manque une occasion de controler de 1•isu Jes diflerentcs peripcties des ceremonies mortuaires dont nous parlon�, nous indiquons les dissemblances que nous avons rencontrees au cours de nos obser\"ations. Les points obscurs des textcs que nous avons eus a traduire nous ont t'.�te cxpliques par Jes bonzes, ct nous nous sommes scrvi, pour nos recherches d'identification des noms bouddhiques et des termes sanscrits, des ouvrages suivants : Fot: KOUO KI, ou Relation des r01Jamnes bouddhiques, traduit du chinois. et an note µar }I. .\ bcl ncmusat, ren1 l'I complete par )01. l\lnproth el J.and1·c:.-sr;
A VANT-PROPOS
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METIIODE de transcription des nom.s sanscrits figures en chi1wis, par Stanislas Julien; HANDBOOK 0F CIIINESE HUDDHISM, being a sanscrit-chinese dictionary, by Ernest J. Eitel; LEs t'ETEs anmtellernent celebrees a Emoui, par J.-J.-M. de Groot, traduit par C.-G. Chavannes; LE LALITA v1srARA, traduil par Foucaux; A SYLLABIC DICTIONARY of the chinese langttage, by Wells Williams; THE CHINESE READERS MANUEL, by William Frederick Mayers. Ayant ecrit eel ouvrage au point de vue trict des eludes d'ethnographie reli gieuse, nous y avons consigne tous Jes renseignements d'ordre scientiJique que nous avons reunis sur la matiere, et n'en avons ecarte aucun detail secondaire, aucune formule sanscrite, quelque fastidieuse qu'en puisse paraitre la lecture. II nous eut etc facile, en operant un choix judicieux parmi ce faisceau de docu ments et en delaissanl tout le reste, de faire un livre plus allrayant, mais nous n'aurions pas donne, commc nous croyons l'avoir fait ici, une photographie aussi cxacte que possible de l'etat d'ame des Annamites en matiere de religion. De tout ce melange de croyances diverses et de pratiques absurdes, de eel enchevetrement d'olympes differents se degage cepenctaut, on pourra s'en convaincre, un ensemble d'aspirations d'uue certaine portee philosophique ct d'une incontestable poesie. Les Annamites ont fondu, sans les comprendre toujours, au creusel de leur naive ct primitive intelligence, Jes reminiscences des metaphysiques hindoues, et les subtilites theologiques, le materialisme des tao1sies, !es conceptions symboliques et philosophiques des chinois. Le pantheisme qu'ils en ont f'orme Jes reporte en quelque sorte dans l'echellc des temps par dcla les Chinois, par dela meme les lndous, el Jes rapproche moralement des conceptions religieuses des premieres races, de celles, par exemple, des Aryas avant l'exode hors du Sapta-Sindhou. Et lane se bornent pas encore Jes rapprochements a operer car, si l'on isole pour un instant la f'amille annamite de i'appareil chinois de pagodes et de man darins qui l'cntoure, si on la considcrc sculement dans Jes grandes lignes tres simplifiees de sa constitution, c'est-a-dire dans le caractere sacre de son chef, a la fois maitre spirituel, directeur des rites, conscrvateur des traditions de la Camille et de la race, et dans )'_esprit de subordination et de respect de ses mem bres envers la lignce ancestrale, Jes analogies deviennent plus apprcciables el elle ressort avec le relief de la fami!le antique chantee dans le Rig-Veda. Nous ne pouvons mieux faire, pour completer cet avant-propros, que de re produire le passage suivant d'un des etincelants articles que M. le vicomte Eugene-Melchior de Vogue, de I'Academic Franraise, a consacre dans la Revue des Deux-Mondes a la representation des colonies d'Asie a }'Exposition Uni,·er sellc de 1889; ce passage est relatif au livre que nous publions aujourd'hui, e. dont nous le prions de vouloir bien accepter l'hommage. 0
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AV ANT-PROPOS
« Toutes ces ouvertures sur l'Asie n'offrent qu 'un intert'l secondaire, ,i ,·ole df's ceremonies qu'on celebre depuis quelques jours dans la 11agode lonkinois,•. Nous de11orM cette revelation ti ['initiative de M. Dwnoutier... il a liien 11011/u 111 ·,,;_ der de ses lumieres et rne communiquer les notes mmwscrites ,Lt? l'ouvmr,e qu'il pre-pare sur le bouddh.isme dans l'/ndo-Chine; il m',i perrnis d'y faire q11efques emprunts. J'hesite it introduire le lecleur dmM le sanctuaire des bonzes; j,• 1Tai11s de ne pouvoir plm m'en arraclier, Lani ii passi01me l'e.�pril, en fni mn•nrnl d,•s horizons 11astes et 1Untveaux. Une eglise catlwliq1te d'ltalie 01t d'Espagne, lrt>.� omee tie statues de sai11ls, el dont la decoration, la pefoture, la .w:ulpture aumient ele um{itA.!S par lw:anl it de�� 01tvriers an11amiles; telfe �l la pagode de Hanoi. Des tableaux de toilt• peinte s011t ,iccroches aux boiseries; ils offr1•11I des represent11lions de l'e11fer el du jttgemenl analogues aux fresqu.es du rnoyen-tige. Sur le demnl de l'autel, le riluel des p1·ieres, des offrandes de fruits, des lampes allwnees, des baguelles d'encens fumanles, le tison de boi.s d'aigle qui entretienl le feu perpeluel; sur I.es gradins superieurs de eel au.tel, les statues dorees du bouddha, dans les attitudes r011.�a r-rees pour les diverses incarnatiom de la figure diliine; /es images de Kouanin, la vierge misericordieuse el d'Anamla, le disciple prefere. - Desce11due de la Chine au Tonkin et dans l'Annam, la pure doctrine ltinduue est arrivee dans la peninsule tres niateria1iYee, tres rn.elee de superstitions pa"i.ennes, de formules ma giques; le tao'isme s'est taille une large place da11.s le pa11theo11 bouddltique. A nssi voit-on sttr les cotes du temple les efliyies de quelques emperew·s dfrin iscs, 1mlre aulres le Maitre dtt Ciel, l'Empereur de Jad,i, qui lwbite dans la Gmnde Ourse; ses deux subordomies l'accompagnenl, le Genie slellafre qui prtl.�idt• aux miissances et celui qui preside a la. mort. • L'office comrnenr,e, /es bonzes montent ti l'autel. On retro1we sur leurs traits le wractere frulelebile q1te l'etal ecclesiastique imprime rfons tout pays ,i la figure humaine. Ce sont, me dit rrwn guide, des gens convaincus, de bon.ne 1•ie et mreurs. L'officiant et ses deux acolytes portent des coiffures d'eloffe en forme de c.ottrmmes; its viennenl de re11etir de.� tlwpes de soie jtttm.e, pareilles i,. celles de ,,ws p,·etres. L'of/iciant tient dans ses mains joi11tes 11n rosafre el u11e fleur de lo tus; en priant, il dirige la /1.eur ·vers le tlieu. ll se proslerne, recite des litanies et des oraiso11.�, at•ec une gravi'.te recu.eillie; /es acolytes lui donneut les re-pons, en frappant sur de petit gongs de bois et de metal. Les bonzes 1wue11t de cent fa<;<>ns leurs doigts entrecroises; ils figurent ainsi {es gestes sacramentels du Bou.ddlia, signes allegoriques des rel'olutions wdiacales, de la .maession des jours el des nuits. De temps a autre le cferge mardw processio1111elleme11l at1lour de l'autel; revemts dat1s le cha�ur, les pretres formeut une cliaine aux e1•olution� rapides; leurs pas fi.gttrent alors sm· la natte wze figw·e geometrique, toujours la meme; c'esl le taiki, le signe de la formule ou les cltinois ont enferme tout le sens des choses divines et des choses humaines. Le taiki est un cercle dans lequel deux 11
to
Rt:Vt:l!:
ISl>O•ClllNOlSI!:
El ii ajoulc l.rois fois :
« Nam mo a di da phat ».
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Ouand le malade entre en agonie, on lui place une baguette entre lcs dents pour Jui lenir la bouche ou\'erte, c'esl afin de preparer It• rite Ph:,.n-ham, ti ,f;,, c'est-a-dire It· repas du mc,rl. Au moment du dernier souffl1!, on recouvre l'esto mac d'une pii\ec de soie blanche qui doil a,·oir une longueur de sept t/11rtrr, c'csl a-dire en\'iron dt•ux m�lrcs; elle est tlestinPe a recueillir le dernier soupir et a s'imprt.',l{nrr l'll qurlque sorte du passagP &le l'ame, on appelle d,;s lor:. Ct'tle pi1\cc d'etolfc /'1i11u• e,i sou•; on wrra par la suite a q1wllt's ct'.·r,'•monit's parti culien•s ,•lie donner.1 lieu pendant el apres les funerailles. Un pcu arnnt le dernier soupir, ii est vrescrit de proceder au rile dit de pho rhi1c j.Jl. Si 11\ moribond Vl'nail :\ mourir tout a coup arnnl qu'on l't'tl I'll l1! temps d'acl'.omplir cc rile, ii faudrail laisser une nuil cntir.rf' s'ecouler f't, le lenJ1,main, ne pas manquer de proccJer aux ceremonies prescrites. On d1!Ha, dans ce demicr cas, faire composer trois amuletles special� pour placer a cc'M du morl. II faut observer awe attention lie c1uPI cote rn sorlir l':lme et frollt•r r1•1l1• partie du corps a\'ec une baguette d'f'nct>ns, afin d'Pmpecher l'cspril mamais de s'opposer au libre pru;sagc. L'endroil par ou l'ame ,·a sortir du corp:- est :-ig11al1� par la pcrsistance de la chaleur. Pl•mlanl l'agonie, le bonze, tenant :'1 la main un papier sur lt•qtwl t>sl empreinl le sceau du du Ph:)t-nh:ln i* A. 011 ,/11 bouddl,i.�te, le pl:tc1! d1•vanl lei; yeux du mour:ml, puis ii le ramenc ,ers le cote gauche de la poitrint•. II prend 1me amull!lle el la place dt•rrii�1'C l'/•paul1• droite. Si le moriboncJ t•:..t 1111c femm,•, ii proci-dc de nu\m1• awc le :-rcau du houddhisl1\ mais place l'amulPlle derril'rf' l't'•pmdt• gaurllf'. Pendant celle ceremonie ii doit dire cent fois :
ff
· ,
;
• Nam mo
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di du pl"il •.
II ajoutt• 1•nsuit� la formult• :-.111:-nill� s11ivanl1•, qu'il repi•lt• s,·pl fois pour un homnw, 1w11f fois pour une fomnw: • Oum !I ,re yi ,k; l'hi tlo ,;,, !/1; lri IHI ,b.,
,\UlJ'f• formult! U:-ilce dam, le
,,, ,,; ,/,!
•.
lllt1 mc C.IS:
• Oum ta kih, ta kih, d,u pl"il tui d11tH'} tluwh d11i 9ia1· tih1 .�(J(, lw •. Aull'f! lormule usilt'.-e Jans le nu1me cas: • 011m kiwi thiin
"'°" Jw,19 bai clw sCJG l1a •.
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RJ<:VUI!]
INDO-CHINOISE
« Oum, (1), la terrc, l'eau, le feu, l'air, I'ether. Cap-Clip sa ban ha. « 011111, l'«'•Lhcr sc condense cl produil le souflle, le char du Saint route nuil d jour, Ia lune s'elevc du colt\ de Giao-Thi. « Oum, le souflle sc condense et produit l'cspriL, l'inlluence de !'esprit apaisc Ics <'Miments, !'esprit fail dcsccndrc la paix el la confiancc dans le c•.cur des horn mes. « Oum, !'esprit sc condense ct retourne it l'«'·thcr sans <pw son influence cesse de rcgir le monde ; ii pcrsiste, mais ii csl invisible d incomprehensible, comme scrait le rellct dans la mer d'une lune qui n'existcrait pas. »
PRIERE DU DERNIER SOUPIR, DITE l'HIERE UU l'ASS.\(iE
<< Pour celui qui, Loute sa vie, a rigoureusement ohserve les precl'plcs, quellc difficulle y a-t-il de parvenir au royaume du Bouddha '! Le moindre effort le transporlc au sommet du Bao da, (2). « Oum, cctlt� amc, venue on ne sail d'o1'1, va gravir le chemin des trois Saints... Tat ban ha soa ha ». , << Oum, la Iumierc, la nature humaine, la nature des choses, la nature du cicl se reunissent en un seul souflle. Que la porte de jade s'ouvrc et que ce soufllc ::-orte par les yeux. II y a en outre ]'esprit du cumr, l'espril du rein, !'esprit de la Lele, ils sont r{•pandus dans le corps tout entier; qu'ils sc reunissent aux Lcmpes, passent dans la poitrine, <le la dans l'inlcstin et sortenl par Jes parties , inferieures du corps. Oum, l'ame s'eleve jusqu'au royaume du Bouddha ! « La naissance et la morl sont dcux termes, cc sont aussi deux commenr.e ments. Dans la naissance <lcs etres, la tete parail en premier lieu. Dans la mort, L c'est le pied qui meurt le premier. « La mort prend Jes hommes par le pour.e du pied gauche, les femmes par le pouce du pied droit; la mort monle par les jambes jusqu'aux organes g1�ne rate11rs, puis cite atteint l'ombilic, de l'ombilic elle monle ;'1 la poitrine ct de la poitrinc la gorge; de la gorge la mort redescend dans les inleslins ct c'csl alors qu'elle arrete lcs battements du c<.eur. « A ce moment, les esprits supcrieurs se reunissent, parcourenl lcs reins, sc fixenl un instant ;'1 la neuvieme vertebrc, remontent au sommet de la colonnc verlcbrale, penetrent <lans la tete et sortenl par Jes yeux.
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(I) Oum, ou om, est la syllahe invocatrice par excellenr.e dans la prit'.•re bouddhique, l'in terjerlion d'adoration, la traduction de l'elan sp'mtanii de l',ime ,·ers la di,,inite. (V. plus loin). (2) Le Bao <la doit clre le monl ,\lerou, mais nulle parl nous ne l'avons vu transcrire de · celte fa,,:on. II nous parail diflicile toulefois qu'il s'agisse d'un autre sommcl. Le J\lcrou est, pour les houddhistes, l'axe de l'uni�ers, le support du riel. II est enloure de sept cerdcs ronccnlri11ues de rochers forrnanl autant d'ctag�s dans chacun dcs11uels se meut une des sept catego,ies d',1tres vivants. !'.,a hauteur est de 1H8. 000 yodjanas, un yodjana cquivaut en itineraire a uue journee de marche.
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REVUE
l�iDO-CHtNOlSfo:
Le honzt> joint l,•s mains rt dit : • 1"11111 11111 pluil t/11 11n. --- La, trrr1•, It> f1111, l'air, I,• \"ide. - 011111, l':lnw ,·a sortir par la porll' ti,· la 11•1 ... 1p11• Ir �rand rhrf Bon!!-tl:1u (1 ). qur I,• 1;,._ ni1• �ir-oa j("tA (:!). m1,T1·11t la porll• d� la t,•11• :'1 et.'lt,• ,\nw 1p1i va �rtir. « 011111, 011\TPZ la port,• ,111 l'i1•I. S11<1 /111. »
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IJ11a11d 11• so110lf' a 1·,•ss1\ 1111 homnw monlP sur I,� toil II,� la maison. au-rlrs:rns rl,• la partif' 011 se lro11n• la d1ambre mortuair,•, tourn,• son visa�,· wrs I" norcl Pt, t,•11a11t 1111 ,i ..il habit ,111 mort, I,� rolld dans la main ,lroit,• ,•t le pan clans la main j!aurl11•, ii l'aw1·II,. tl'llis fois i, ha11t1• rnix. apri•s 1111oi ii dr�<"rnd par l":mlrr rot,·· 1•t pla,·,• I,• v,•lt•m,•nt sur 11• 1·:ula\T1', 011 hi1•11 1,. s11sp1_•11tl :i la rhaisc . tl'horrn1•111· /l'lii y tl11r) . .\pr,'•s la morl on 1•nli'·\'t' la pi1\1'f' ,Ir soi,• hland11• q111• l'on avail plad•1• sur la poitrin,· du morihoni(. "' 011 la 110111• 11'tmr t'l•rtai111• manii•rc <111i la fail rng111· mPnl ress,•rnbler it 11n1• figure humaim•, awr. d1'l'- bras Pl elf's jamhl's. ;\ partir 111• c•� moment Pill' Pst 1':\me du morl, mt la plar,• sur un lit, 011 sur 11111• tahlP, Jll'ndanl tout 1,� kmp:- 11111� le cadanr resit• it la 111aison; puis ellc l'acrompagrwra ° :1 la �•'•pultun•, 1l1\po:-1•f' sm· un lrorw l:up1t'·, dans un char special, el on la rap portera it la maison oi1 nous la relrouwrons. FORJlrL.\IRE POrR L'AttSOLl'TIO:'i DES PEf.HES
• C1•l11i qui 1-r·roit, au rnonwnl d,• son 1lt·rni,•r soupir, !'absolution cl,·�·� pc chP!-, r1•prl'nd l'i•tal d1• purelt\ primitiw l't monll' au cid. » ACTt: DE t:0:0.TRITIO:'i PARFAITE
c A rPllc hl'ur1• 1lt•rnii•re jc conf,·:-�f' toulPs nw:- faulC'!! el 11,•man,I,� I,• pardon : j'ai prch,• par ignoranrf', mon co•nr ,'•tail ma11mis, ma bouche elail impure, quc II' Uond,lha me pardonn1•. » (Rtt1• priere, rt'•peti•c trois foi�. absoul lous les peches.
(I) l\d;1ic-<l1111 esl le chef des lies Forlum:e!I, donl cornm,•nrenl a parler les rhroni1111As de la dynaslie Jes Ts'in, au Ill" sii-t·le imml J. .C. Ces lies (Ho11i:•lai-sor11) de,·aienl ,e lrournr dan11 n:&1 de la mer Jaune, en fare des 1·utes de Chine; ellt!!I !10111, disaienl lt•i; Chinois, hahill'es par des iri'•nies aux rorps dinrelanlll 11ui 1c nourissenl de pierres precieu,es el s'ahreul"enl ii la foutaine de l"ie. (liverse, misllio11� �- furPnl rrnoyt'•es pour rn rapporter la pierre plrilosophale el le breunl{e d 'immort.,lit,-._ On suppose •1u'il s·ai:-1,sail Ju Japon. (!) Penonnage rnytholol{i11u11 clrinois, s1rur de l'Empereur l 1l11.1r-Hi, auquel elle surr,-da. (273� avant J .• C.). Certain& auteun; lui douuenl 1111 corps de serpent el une 1i\le de V,lt'hr. u·autres en fonl une sorte d'Eve, ou plulot de crealrice du genre hwuaiu qu 'elle aunil &ire du limon de la tem, fralchemenl sortie du chaos.
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REVUE
INDO-CHINOISF.
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« Le bouddha B�i-bi (1) sc tienl debout pres de la porte de )'Est et rcgardc la mer. Long-vll'011g qui conduit. Jes :\mes des morts unc hranclw <le ficus:\ la main, va venir ici. Le bouddha H�i-bi et tow, Jes houddhas pro lt!genl Jes vivants. Mille se disperscnl el dix millr se lransforment. « Nam mo, un million de bouddhas, « Na-m mo, un million de lois, . « Narn mo, un million de religieux. « .Jc me proslerne el je prie pour Jes :\mes qui vont renailrc dans le pays ,les (( dclices. cc Nam nw phal da ya, cc Nam nw tang phlit da ya, « Nam mo tich m. man ni phfrt » (trois fois).
Le bonze ensuite fail disposer une petite table a la tetc du lit mortuaire, el y allume quelques h1jieltcs d'cncens, puis ii _dit, ;'1 lrois reprises diffcrentes, la formule qui cloigne.,.es diables: « Oum ma ni bat min hong soa ha. »
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ainsi que la formule dite de Vo-thm'nr g fl (2) qui SC compose de lrois mots seulcmenl : « 011111 a hong. » Pour cloigner la foule des diablcs qui se precipite toujours dans lcs maisons des morts, ii est encore d'usage de sorlir dans la rue, de crier le nom du dffunt, en priant l'ame de revcnir :mimer Jc cadavre, puis on jctte :1 la volt'!e des poi gnecs de sapeques el de riz en intcrpellant Jes diables : « A llez-vous-en, t'OtM eles rassasies. l) Ces diverses ceremonies etant accomplies, le bonze demandc une marmitc neuve pleine d'cau, dans laquelle ii fail dissoudre 011 macercr cinq parfums dif fcrents, i1 savoir: de la cannclle, de la badiane, de l'encens, du bois d'aigle, du bois de santal, et ii dit: « Que cette eau devienne odoranle comme nne flcur cpa nouie, au-dessus sc lroll\'c le Genie de la constellation B.lu (3) du nord, au-dedans le Genie de la constellation Tam-thai:: (4). Que cette eau Mnitc lave Jes impurctcs des ,lmes et Jes prepare a jouir des felicitcs d,� l'autrc moJHlr. C'est l'eau du Bouddha B;Ji-bi, clle lavera les impureles de millc generation:,; el de dix mille existences.
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(1) Le dieu de la grande misericorde ADIIIMATRA KARUNIKA. I.es Annamites en ont fail une dt\esse qu'ils identifient avec une des formes de Quan-Am. (�) V6-th.1rc'rng: impermanence (de toute existence), en sanscrit: ANtTY.\. Cesl le premier des trois axiomes elementaires ou TntVIDY,\, qui sont: !'impermanence, la misere, la fragilite de I' existence terrestre. (:l) Le Boisseau, partie quadrangulaire de la constellation de la Grande Ourse. (-') I.es trois terrasses. Six etoiles formant une partie de la Grande Oursc, par trois groupes de deux etoiles, sous la portion de la constellation qu'on appelle le Boisseau.
RITUEL
l"UNBRAIRE
DES
ANNAMITES
Formu.les magiqua destinees a S01J,8traire aua: malheurs posthumes l'time de ceu.x qui meurent sous l'influenc,e des oonslellations suivantes, qui sont nefastes. CONSTELLATIONS SITUEES ENTRE LB SUD BT L'EST
La Corne, Giac 'ft. - 11 faut prendre un tael · {poids) de clous de girotle et le suspend re a la porte de la maison, avec un bua peint sur une ecoree de murier. . � La Cour, Gang }L. - Prendre un tael de ph,µ;linh (1) et un os de buffle sur lequel on a peinl un btia, et enlerrer le tout avec le morl. .Ca Fin des choses, Be g: - Un tael de bois de . pin, sept feuilles de b<µ;h-dja-du:ung (I) 8 ldl ti, sur lesquelles on peint un btia, et enterrer le tout avec le mort. Le Creur, Tam G'. - Suspendre au-dessus de la porte quelques racines de Chrysantheme, et enterrer avec le morl un bua peint sur une feuille • de plantain d'eau (ma-de It).
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CONSTELLATIONS SITUEES ENTRE L'EST ET LE NORD
La Vierge, Nie Delayer dans l'eau la composition medicale nommee Cln-htrO'Dg, la placer au debors de la porte et l'y laisser pendant i:ept jours. Apres ce temps, prendre un peu de la terre sur laquelle a repose le medicament, la delayer flans l'eau, et se servir de celle eau pour tracer le btia qu'on enterrera avec le mort. Le Danger, Ngu M;. - Suspendre a la porle �ig. 9. - Amuletle du zenilh. (pour ,1oc,r 114"' 1' ure,,nl) un tael de fer blanc et peindre sur une feuille de plantain d'eau un bua qu'on enterrera avec le mort. Le Pas, Khue �. - Suspendre au-dessus de la porle un tael d'argent, ecrire sur un pied de cochon un btia que l'on enlerrera avec le mort. Les Pleiades, Moo Peindre un bua sur une planchetle d'amandier et l'enterrer avec le mort.
Aft. -
(i) Le Phgc-linh est une substance vegetale tr�s employee en medecine chinoise et anna mite, sur l'origine de laquelle ii regne encore une tres grande incertitude. - C'est un tnber cule, que J'on a assimile a tort au genre smilax. On l'obtient en Chine en enfouissant dam le sol des morceaux d'un genre de pin non resineux, aux depens desquels ii se developpe ; aucune vegetation n'apparalt a la surface du sol.
RITUEL ¡FUNERAIRl!l
DES
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ANNAMJTES
a An cha lm. An ma ni bat minh lumg (1). En placont ce Ma parmi les vetements du mort, le booze doil dire ]'invocation suivanle, qui esl aussi en sanserit :
Anna mo ya. Pha la dal ya. Na ma mau tiay. Ra manina. Dau ma ninha. La bai mot dam. Ra lwm. Soaha. Fig. 11. - Bua pour placer pres de la tete du mort. 11 represente le ciel. Quand on le place dans le cercueil on doil reciter l'oraison saoscrite ci-apres :
An lwm dang hi. An hi dang lwm. Les astres el les elements doivent etre representes chacun par une amulette spedale dans la serie des grimoires dont on entoure le mort; on y "joint aussi des amulettes particulieres dont on etend la serie volonle suivant le degre de credulite ou de fortune de la famille, tout cela est laisse !'appreciation des boozes. Les bu.a rituels, c'est-a-dire ceux donl ii est difficile de se pas:,er, quelque pauvre que l'on soil, sont ceux du ci�l, du soleil, de la lune, des eloiles, de la lumiere, de l'eau, du bois, du metal et de l'air. Fig. 12. - Bua figurant la terre. . On le place aux pieds du mort en disant :
a
1
a
An ma ni bat minh lwng soa ha.
Fig. 13. - Bua figurant le soleil. On le place la gauche du mort en disant :
a
An luc yap luc al vien than top xtwt. Soaha.
( 1) C.es fonnules, pour la plopart intraduisibles ne sonl, oulre des noms de booddhas, qoe des syllabes sanscrites associees sans signification, mais a la repetition des11uelles soot altachees des graces considerables, a la condition qu'elles soienl correctemenl prononcees. Les aonamites les appellent Da-la-Ai, c'esl la lranscription chinoise de leur nom sanscril DnARANI. Dans certaines ceremonies les bonzes les psalmodienl intenninablement, scaodant chaque syllabe d'un coop frappe avec one balle sor un gros morceau de bois evide en fonne de grelot; ils les brodent sur de petites bannieres (pltu-6n) que portent Jes femmes pieuses dans les pro cessions, el Jes associenl, figures en caracteres chinois ou en caracleres sanscrits, a la redaction de tootes leurs formoles d'amoleUes.
RITUEL PUNBRAIRJII DES ANNAMITES
Fig. 15
Fig. 16
Fif. t7
Fig. 18
ll'ig. tll
Fig. to
Fig. 17. - Bua pour placer sur les oreilles. II symbolise l'eau, son oraison est: Au luc nlwm luc qui bat klwng thanh twu xoa ha. Fig. 18. - Bua pour placer dans les narines. On y distingue, apres la. phrase sacramentelle de l'entete: six etoiles, le caractere quatre, trois soleils et un diable entre quatre montagnes, deux soleils entre deux cadavres et un diahle. D symbolise le feu. On doit dire en le pla�nt : Kim than kim than bat xu bat van vo lan tlw hu,ig lien xoa ha. Fig. 19. - Btia pour placer dans la bouche. On y voit qualre bouthes, 1111 cadavre, un champ cultive et deux arbaletes encadrees par sept etoiles. II sym bolise le bois. On doit dire en le ptacanf : Nhat than nhat than phap ve trang tan nhu lai bao twmg cap xoa ha. Fig. 20. - Bua pour placer sur la poitrine; ii symbolise le metal. L'oraieon suivante qui lui est speciale est, contrairemenl aux precedentes, ecrite ·partie ea chinoie: Que dam l'etendue immense, la joie eclate eternellement. He ya ro xoa ha.
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RBVUB
INDO-CBDfOISB
·- ;.--�� aii tr�g .g iA,�g -: peti: tambo�rin. 8° Le aii tih# : violon deux cordes enlre lesquelles l'archet est encbe vetre de maniere produire le son dessus et dessous.
a
a
Le char de l',ime rPnferme l'Ame du defunt, figuree par la piece de soie blanche <1ue l'on a posec :-ur la poitrine du moribond pour recevoir son demier soupir; elle a repliee ,it nouec d'une et,rtaine maniere, ellc repose sur la tahlctte du mort. CetlP tablctte, qui :-e drcsse sur un petit trone dore et laque, pn��nte un ctroit panneau sur leqm�I unc ligne d'iicriture ,·erticale donne le nom du mort, ct une autre ligne, gauche de la premiere, le nom de son tils aim'•. IJcs cicrgcs allumes, en cirr vegetate (1 ), d11s olfrandes de the et de Oeun-, des chiques de betel et un petit r11tchoir sont disposes devant l':\mc en �ie. Sou:- l'autel sc tiennenl deux femmes; clles portent les derni,\res rhau8SUl"CS du mort, et la pile de roussins (rui gut) sur laquelle ii avail coutume de se reposer. Unc nourrice allaitc le dernier-n1i masculin de la famille, lequel est coillc ,Je la couronne de deuil. La plus jeune fill,• ou petite fille du defunt marclJe sous It· char de l',\me, conduite par un domesti11ue Pn deuil ; cite est elle-meme re,,ltw• 1h1 �Toi-si,·r costum,· de deuil en fibrl's de chanvre grossier. L,• rhar dt• l':\mc est sui,·i du groupe des .�;,,1,. (pl. 33); cc soul des lellres vrtus de d,·uil. c'est-a-dire ,l'une robe hlanche it longucs manches, t.l'un turban et d'un pantalon blancs : leurs rhcrnux sont di'•noues et lcur rclombent sur J,•s ,··pa11l1•:,;, ils tiPnmmt d1acun un tlambtiau alhami'•. L,· �ro11p1! des tamhours 1•l cfo:,; musc•ttes fuu1•hr1�s (pl. 3i) prccccl1� immPdia lt•1111•11t It· catafal,p1c; lt•s lamhuurs mar111wnt 1111 h•mp:,; de marclm tr,•s rythme, l1_•s musl'llt•s modulent, a\"t!C for1·1• tremolos, une phra:-c Jentc cl tristc corume un.- plaintc, toujoun; la 111,�mc.
etc
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I 1,.. r.atafal1111t• (,-tii dq.i ,l,r) rcpr1�s.. nlt! :-ur la plandll' j.J l'i-1 tl'un1! grande ridu•ssf', •�n har111011i1• ,1,·,·1'. I,• n•:-le du ,·ort•·I(•'. C:',•sl am ,·ast,• assembl age de bambou:- n•r..ouwrt d,• papi,·r "' n•pr1•i-1•ntanl 11111• maison plusieurs t"•tages ; ii ,•:-1 1111rt1• it l'i•paulc par :wizc homm,•s ; sur l,•i- ,·oh!s marrlll'nl ,Jcux hommei1
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(II 1... llouddhi,-mr d,;r,•nd.1111 I,• m,•m1r•• d,•,; anim,m,. on nl' �utrail, ,•n 111i1K"iJIP, �" M>n-ir r ,. une 11ia1.ii·re i-,·lairdnle d"originc animalt'.