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J’fais du rap et j’suis à Sciences Po, y a quoi maintenant ?
Elena Schall & Adèle Lavalaye, Campus Life
Adèle et moi, on s’est rencontrées pendant la semaine d’intégration, et la première fois qu’on s’est vraiment ambiancées ensemble, c’était à la barnight du BDA aux Vieux de la Vieille, sur un son iconique du Seize—16 Tape. Là, c’est bon, on a compris qu’on allait bien s’entendre. Et depuis, le Seize c’est vraiment une asso qui nous plaît, donc on voulait la découvrir un peu plus. Pour vous, on a interviewé les co-présidents, Joss et Luka.
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Mais c’est quoi le Seize en fait ?
Bon, je prends la relève. Moi, c’est Adèle. Comme l’a dit Elena, le Seize, c’est le point de départ de notre amitié. Mais au-delà de forger une rencontre entre deux meufs fraîchement arrivées à Reims, l’asso a un but : promouvoir « le rap et la culture urbaine qui débarquent à Sciences Po Paris, campus de Reims. » Et même si ça fait que quelques années qu’elle existe, elle se revendique déjà comme « l’asso préférée de ton asso préférée. » Bon, c’est bien beau tout ça, mais pourquoi ce nom-là ? Désolée de décevoir les bobos de la capitale, aucun rapport avec l’arrondissement du Trocadéro. En fait, ça correspond aux couplets de rap. Un couplet de rap correspond généralement à 16 mesures, d’où le numéro phare de l’asso. Depuis sa création, l’asso a cette optique de partage du genre musical qu’est le rap et de toute la culture qui l’accompagne, et quoi de mieux que des events comme la Trap House ou le TurnUp pour montrer que le rap c’est vraiment un art divers qui comprend une multitude de styles (rap US, rap conscient, rap hardcore…). Mais le Seize, c’est aussi une asso qui veut éveiller la curiosité, servir de tremplin entre des artistes moins connus et les sciencepistes, notamment par le biais des « sorties de la semaine » ou du podcast « Ça vient de sortir. » Enfin, le Seize c’est aussi encourager les étudiants à montrer et partager leur intérêt et leur talent en termes de rap, à faire kiffer les autres, que ce soit à travers l’Open Mic ou les Colors. Les Colors du Seize s’inspirent de l’émission A Colors Show qui a vu passer une vastitude d’artistes comme Lomepal ou Billie Eilish. Le concept est simple : un artiste, un cube, une couleur, un campus. Préparez-vous à voter pour les deux étudiants qui représenteront les programmes EURAF et EURAM dans la compétition inter-campus !
Mais au fait, est-ce qu’on peut rapper si on vient pas de la rue ?
Bah ouais. Être à la fois rappeur et sciencepiste c’est l’essence même du Seize. La crédibilité, c’est une question de talent. « Y a des rappeurs qui font des sons incroyables qui racontent leur vécu, bah nous on a un vécu différent et donc on raconte autre chose. » C’est ça qui crée la diversité du rap. « Si tu kiffes pas t’écoutes pas et puis c’est tout, » nous rappelle Luka en citant Booba et Ali du groupe Lunatic. Le seul critère pour faire du rap : kiffer. Tout ça, sans oublier de se respecter soi-même, respecter les autres et respecter ce qui a été fait avant nous. Pour ceux qui connaissent pas leurs classiques, on vous en dit un peu plus sur les présidents du Seize et sur leurs sons.
Leurs noms de scène, ils viennent d’où ?
Luka The MC, pourquoi ? Mis à part le fait qu’il y avait déjà un Luka sur Spotify, c’est une façon de se créer un personnage et de jouer avec différents visages. En tout cas, comme il « adore le rap pur et dur, » il fait aussi un petit clin d’œil à la genèse du rap et aux emcees, les masters de ceremony des années 80-90, les « mecs qui parlaient ou qui chantaient sur ce que foutait le DJ derrière. » Et JO2S ? Pour faire court, ça vient de son surnom, Joss, parce qu’il fallait un blaze un peu plus street-cred que Josselin (c’est cool la Bretagne mais faut pas abuser non plus). C’est aussi une référence à l’artiste T2ITS, et puis ça permet de différencier le côté Joss de la vie de tous les jours au rappeur JO2S, tout en gardant une forme d’authenticité. « Parfois on m’appelle l’un, parfois on m’appelle l’autre. »
« Pur produit du rap parigot, » est-ce qu’il arrive vraiment chaud?
Luka The MC, il a d’abord découvert le rap comme tout un chacun de sa génération avec Sexion d’Assaut et Nekfeu, et depuis, il s’éclate à « découvrir ce qu’il y a de plus perché et de plus lointain possible parce [qu’il] adore ça. » Il a sorti son « simili premier titre » quand il était en première, il a écrit ses « textes de merdes, » et il a évolué. Vous connais-
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sez peut-être déjà l’EP Lockdown qu’il a sorti pendant le confinement, ou son premier single Kuroko, une œuvre qui incarne bien l’esprit « j’rappe bien et j’suis plus fort que toi. »
Alpha Wann, Skepta, et Nipsey Hussle, c’est sans doute son top 3 inspirations. C’est pas facile de se détacher entièrement des autres artistes, mais quand même, l’authenticité c’est hyper important : « si j’arrive pas à bouger la tête, ça dégage. » Sa nouvelle stratégie pour être moins influencé consiste à « faire du rap tout en écoutant des trucs qui n’ont rien à voir. » « Je vais kiffer la technique d’Alpha et de Nekfeu, l’arrogance et la dénonciation d’Orelsan : le but c’est de créer son propre univers, » ajoute Joss. En tout cas, Luka c’est avant tout un parigot du 20ème arrondissement, de « Paname Est. » Il en parle souvent dans ses sons : « gros j’suis de Paris, pas du 16ème […] j’suis là pour représenter ripa et le rap. » Il explique : « C’est grave une fierté de venir de Paris, d’une parce que c’est Paris, et de deux parce que c’est une grande école de rap à laquelle je m’affilie beaucoup parce que tous ceux qui viennent de Paris m’ont beaucoup inspiré. »
Et le Marseillais, vraiment « guidé par la passion » ?
Joss, c’est avec la batterie qu’il a commencé dans la musique, avant de se mettre à écrire au collège. Au début, les textes sont toujours un peu personnels, puis après tu te chauffes et tu les montres à tes potes. « Faut pas du tout avoir honte de ce que tu fais parce que ça vient de toi. » Pour lui, « c’est kiffant juste de pouvoir faire de la musique avec des potes, » de créer des sons grâce à un mélange d’imagination, de toplines, d’idées… Faut pas se décourager parce que certains se moquent ou critiquent, au contraire, ça sert de motivation à donner toujours plus ; « J’trace ma route, j’écoute pas les haters, » Contrôle V. On connaît tous Joss pour Telo en collab avec Evan, aussi membre du Seize, mais JO2S a aussi sorti son premier EP il y a un an, Côté Sombre, avant de sortir le mois dernier Nouveau Départ, démontrant une réelle évolution dans son univers. Alors que dans Côté Sombre, c’est plutôt une introspection et un renfermement sur soi (« Ma tête un bordel en moi trop de souvenirs sont gravés »), Nouveau Départ prend le contrepied de cette direction avec l’idée de mouvement et d’élévation : « avec Ovra, on pose les bases ; avec Partir, on s’arrache ; et enfin avec Fly, c’est l’apothéose, la montée au septième ciel. » Malgré ça, une chose reste : le bleu présent sur les deux covers, représentant le côté persévérant de JO2S. Alors qu’en 2021, il disait « tu sais à quel point je persiste, peu importe la pénombre, » il écrit dans Partir « on m’a demandé de partir, j’suis resté j’ai mis le paquet. »
Mais au fond, ça sert à quoi le rap ?
Si on écoute Luka, le rap, « ça sert à rien. C’est tout et rien à la fois. » Comme n’importe quel autre art, le rap a énormément contribué à déconstruire et briser des codes, à « donner une voix à des gens qui en avaient pas forcément. » Les deux présidents mentionnent Damso avec toutes sortes de problématiques en Afrique, notamment à travers QALF où il poursuit son combat contre les magnats de l’exploitation minière. On voit une relation très proche entre le rap et la société, particulièrement parce que le rap permet de « parler à la jeunesse, qui elle-même parle au rap. » Mais surtout, comme dit Joss, ce qui est cool avec le rap, c’est que « y a zéro barrières, zéro contraintes: tu peux faire des feats avec qui tu veux, tu peux faire le type de musique que tu veux, tu peux écrire ce que tu veux. » En gros, le Seize, certes c’est une asso stylée, certes ils sont très forts pour faire bouger le campus, mais les laissez quand même pas trop prendre la confiance, sinon ils continueront de penser que « les rappeurs de l’asso mettent [nos] rappeurs dans la sauce. » 9