Notre cerveau a-t-il une âme Point de vue
Point de vue
« La majorité des neuroscientifiques considère la psychanalyse comme du charlatanisme » Bruno Falissard, professeur et psychiatre, évoque les interactions possibles entre neurosciences et psychanalyse…
• En étudiant les mêmes sujets, les sciences humaines et les sciences « dures » ne risquentelles pas de se contredire ? • Les sciences humaines et les sciences exactes ont des positions épistémologiques et méthodologiques différentes. Les premières étudient l’expérience subjective des gens, tandis que les autres étudient l’homme comme un objet. Les deux sont intéressantes, bien sûr, et les unes peuvent éclairer les autres. Certaines sciences exactes s’appuient d’ailleurs sur les travaux de Spinoza ou de Descartes, par exemple. Mais aujourd’hui, les deux sont peu compatibles. Les professionnels des sciences dures ont l’impression d’être plus légitimes que ceux des sciences humaines. • Les chercheurs en neurosciences se lancent toujours plus en avant dans l’exploration des rêves. Les théories psychanalytiques (celles de Freud, Lacan, Jung…) sont-elles encore des références dans ce contexte ? • Les approches des neuroscientifiques sont très différentes de celles des psychanalystes. Concernant les rêves, soit elles ignorent les travaux effectués par la psychanalyse, soit elles s’y opposent complètement, comme a pu le faire le neuro-biologiste Michel Jouvet il y a quelques décennies en fournissant une définition plus physiologique du rêve : « Le rêve rend opérationnels les conditionnements innés de nos systèmes neuronaux. C’est le gardien de l’équilibre psychique et des comportements spontanés. Le rêve est une 24 —THINKOVERY
protection contre les erreurs de comportement, la déraison, les actes inconsidérés, les influences perverses et néfastes. ». à part quelques personnalités scientifiques cherchant à faire dialoguer les deux disciplines, la majorité des neuroscientifiques considère la psychanalyse comme du charlatanisme. • Et demain ? Pourra-t-on assister à une complémentarité des disciplines ? • Oui, c’est ça qui est intéressant. Avec son livre Freud, le Christophe Colomb des neurosciences, le neurologue Lionel Naccache ouvre la voie. Il s’attache, en partant de recherches neuroscientifiques, à expliquer l’inconscient. Freud avait lui aussi cherché à comprendre l’inconscient en tant que médecin. Mais il est arrivé à une époque où il était impossible d’étudier scientifiquement ces sujets. C’est pourquoi il n’a pu réaliser que des narrations de cas : Freud était un précurseur. Le problème vient, à mon sens, de ses successeurs qui ont souhaité rester dans la même approche narrative que lui, alors qu’il aurait fallu reprendre et dénombrer ces cas, et en faire une analyse stricte. C’est pour cette raison qu’il y a un fort besoin des sciences exactes ici ! On assiste actuellement à un glissement, à un progrès de la part des neuroscientifiques pour reconnaître l’inconscient. Ce qui les rebute encore, c’est que la sexualité infantile puisse jouer un rôle dans le psychisme humain. Mais peutêtre que dans 10 ans, les scientifiques se rendront compte que c’était vrai ! — Propos recueillis par Ariane Charriau
Qui est Bruno faLissard
Pédopsychiatre, professeur à l’université Paris-Sud et responsable de l’unité INSERM U669 «santé mentale et santé publique», il cherchew, notamment à travers son ouvrage Cerveau et psychanalyse : Tentative de réconciliation (Editions de L’Harmattan, 2008), à tendre un pont entre les neurosciences et la psychanalyse
Notre cerveau a-t-il une âme Comment reconnaître la conscience ?
Comment reconnaître la
CONSCIENCE Y a-t-il un Dieu dans la machine ou bien sommes-nous de simples engrenages biologiques ? Les neuroscientifiques sont sur la piste de la conscience et de son support biologique.
illustration Anne-Margot
par Loïc Le Gac
Le test est classique, on en a même fait un sujet de société. On vous demande de dire rapidement la couleur écrite sur une carte et on soumet, à votre attention, le mot « bleu » inscrit avec des lettres de couleur rouge. Deux perceptions s’affrontent dans votre cerveau ; deux zones cérébrales différentes sont activées. D’un côté, une perception immédiate qui est celle de la couleur des lettres, de l’autre l’interprétation du sens des lettres
écrites sur la carte. Résultat, le temps de réponse est plus long que si le mot « bleu » était écrit en lettres noires. Pour les neuroscientifiques cette expérience oppose un phénomène inconscient et un phénomène conscient. L’inconscient des neuroscientifiques n’est pas celui de Freud, comme le rappelle François Ansermet et Pierre Magistretti, co-auteurs d’un livre de référence sur les neurosciences et la psychanalyse. THINKOVERY — 25
la vie illustration Anne-Margot
Rubrique
SANTÉ
00 Le pancréas artificiel 00 Prothèse. Le sens du toucher à portée de main 00 Le cerveau et la machine 00 Cellules souches. La clé du vivant 00 Solutions à l’insuffisance cardiaque 00 Régénération d’organes 00 Point de vue
Séquence Pédago
Séquence pédago
L’effet photovoltaïque
de la lumière à l’électricité Alessandro Volta (1745-1827), physicien italien, invente la pile électrique en 1800.
Alexandre Edmond Becquerel (1820-1891) découvre en 1839, l’effet photovoltaïque : capacité de certains matériaux (les semi-conducteurs en particulier) à convertir directement les composantes de la lumière du soleil en électricité.
L’effet PHotovoLtaÏQue En heurtant la surface du panneau, les « grains de lumière ou photons transfèrent leur énergie aux électrons (négatifs) qui, « excités », sont éjectés de leur « trou » (positif). C’est en se replaçant dans un nouvel emplacement, qu’ils libèrent le trop plein d’énergie apportée par le photon, sous la forme soit de chaleur, soit d’énergie électrique.
La différence de potentiel (positif-négatif) crée une tension, comme dans une pile : le courant électrique. Pour obtenir cette réaction des électrons, les couches de matériaux de la cellule photovoltaïque doivent être « dopés ».
électrons ejectés rayonnement lumineux
LES SEMI CONDUCTEURS Il s’agit de matériaux dont les caractéristiques électriques sont celles d’un isolant, mais qui disposent d’une conductivité électrique intermédiaire entre celle des métaux et celle des isolants.
70 —THINKOVERY
Séquence Pédago
LE DOPAGE Cette technique augmente la densité des porteurs de charges à l’intérieur du semi-conducteur : les électrons (type N, négatifs) et les trous (type P, positifs).
électrode négative verre silicium dopé N
électrode positive
couche limite silicium dopé P
La ceLLuLe PHotovoLtaÏQue
Sous la plaque de verre, la cellule se compose de matériaux semi-conducteurs chargés, l’un négativement (N), l’autre positivement (P). A chaque fois qu’ils sont excités par des photons, les électrons se dirigent vers la zone opposée (P). Quand ils rencontrent un « trou » à la jonction des deux matériaux, ils créent un courant continu. Pour augmenter les chances d’une rencontre électron-trou sur la zone de jonction, les matériaux doivent être les plus fins possibles. L’électricité produite est recueillie par un réseau de fils métalliques très fins situés exactement entre les deux zones N et P. Le courant s’additionne à chaque passage de cellule en cellule et de panneaux en panneaux jusqu’aux bornes de connexion. LES PANNEAUX CRISTALLINS
• des panneaux photovoltaïques produits
dans le monde utilisent des cellules à base du semiconducteur silicium, on les appelle « panneaux de 1ère génération » ou panneaux cristallins. • 10 % sont des panneaux à couches minces, le semi-conducteur est intégré à même le verre. • d’autres semi-conducteurs sont en cours de recherche.
90 %
atome de silicium
THINKOVERY — 71
Histoire de
Histoire de
Médecins du Monde, Médecins sans frontières, Oxfam, la Croix Rouge... Ces noms d’ONG font partie du décor des catastrophes naturelles ou des guerres civiles endémiques.
par Loïc Le Gac
Les ONG font partie du décor habituel des catastrophes naturelles ou des guerres. Elles sont, pour nous, aussi naturelles que la présence des victimes et des forces armées. Pourtant ces différentes organisations ont, pour la plupart d’entre elles, un demi-siècle d’existence. Comment le territoire, la forme et la finalité de l’action humanitaire se sont-ils construits dans le temps ? une définition difficiLe Pour construire l’histoire de l’humanitaire, la première difficulté est d’en écrire la définition. Celle-ci prête à controverse, autant parmi les acteurs de l’humanitaire que parmi les chercheurs. Tout le monde est à peu près d’accord sur le fait qu’il s’agit d’aider les victimes, dans l’urgence et où que ce soit dans le monde. Cette assistance s’impose aussi
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bien dans le cas de catastrophes, que de conflits armés ou de situation de grande pauvreté. La première controverse porte sur le caractère altruiste de l’aide humanitaire. Comme le rappelle Marc-Antoine Pérouse de Montclos, chercheur au Ceped (Centre population et développement), « de l’aveu même des spécialistes et des praticiens, l’aide ne vise pas seulement à répondre à des besoins de base (...), mais aussi à défendre des intérêts de politique étrangère, à pénétrer des marchés, à promouvoir les droits de l’Homme... ». La deuxième zone de débat porte sur la frontière entre l’action d’urgence et l’aide au développement. Concrètement la limite est floue. D’un côté les « urgentistes » cumulent, sou-
Histoire de
illustration Maxime Rivière
« Tout acte de philanthropie auquel nous nous livrons, tout système que nous rêvons dans l’intérêt de l’humanité n’est que l’idée chrétienne retournée. » Chateaubriand
L’Ancien Testament
Pratiquer le tsedaka (charité, justice et vertu) est une obligation à l’égard de l’étranger, de l’orphelin, de la veuve et du pauvre.
Le Nouveau Testament
La charité est la plus grande des vertus (Apôtre Paul, 2ème épître aux Corinthiens). Il ne faut conserver que le strict nécessaire et faire don du surplus aux pauvres.
Le Coran
La zakat (l’aumône) est un des cinq piliers de l’Islam.
Diderot
La vertu d’humanité est “un noble et sublime enthousiasme qui se tourmente des peines des autres et du besoin de les soulager”
Source des photographies
http://fr.wikipedia.org/
vent, une présence longue sur le terrain qui les conduit à faire de la reconstruction ; de l’autre, les spécialistes de l’aide au développement se retrouvent parfois à traiter de situations d’urgence. Au final ce qui sous-tend l’action humanitaire c’est l’ardente obligation de venir en aide à ceux qui souffrent. au noM de La foi L’idée de venir en aide à son prochain n’est pas une idée nouvelle. Elle plonge ses racines très loin dans l’Histoire. Les grandes religions intègrent, dans leurs préceptes, l’obligation d’assister celui qui est dans le besoin et la souffrance. L’aumône est un des cinq piliers de la re-
ligion musulmane. Dans la religion juive, la « tsedaka » est l’obligation d’assister l’étranger, le pauvre, l’orphelin. Pour le christianisme, la charité est considérée comme l’une des plus grandes vertus. Cette obligation d’assistance aux plus démunis va se traduire dans les faits au travers notamment de l’action des ordres religieux. Un exemple emblématique en est la fondation de la Compagnie des filles de la charité par Saint Vincent de Paul au XVIIème siècle dont l’objectif était de sauver les plus démunis de la « misère matérielle et morale ». Citons également les différentes initiatives tentant d’encadrer les actions des troupes en temps de guerre, telle que celle du roi de Suède, THINKOVERY — 87
économie Le vieillissement va-t-il casser la croissance ?
Les seniors dans l’Union Européenne (en % de la population totale)
+ 65 ans
+ 65 ans
Allemagne 20,6 %
Italie
20,3 %
Grèce
19,3 %
Portugal
19,1 %
Bulgarie
18,5 %
Suède
18,5 %
Lettonie
18,4 %
Lituanie
17,9 %
Autriche
17,6 %
Finlande
17,5 %
2060 2011 2030
17.5 %
Va donc se poser la question d’un éventuel désequilibre mondial, pointe Hippolyte d’Albis : “Le fait que les marchés soient aujourd’hui durablement bas sont aussi une conséquence de ces changements démographiques”. En France, ces changements démographiques se répercutent sur l’immobilier. À 50 ou 60 ans, on est “typiquement dans l’âge où l’on revend pour racheter, on est complètement insensible aux prix”, analyse Hippolyte d’Albis. Les baby-boomers étant aujourd’hui dans cette tranche d’âge, des bulles immobilières se forment, comme à Paris. Mais la vente au décès n’obéit pas à cette règle. On peut donc s’attendre, dans quelques années, à voir diminuer les prix de l’immobilier. Mais le vieillissement de la population peut-il être une source de profits et de croissance ? C’est l’espoir du 100 —THINKOVERY
23 %
29.5 %
Croatie
17,2 %
Belgique
17,1 %
Espagne
17,1 %
Estonie
17,0 %
Suisse
16,9 %
Danemark
16,8 %
France
16,7 %
Hongrie
16,7 %
Royaume-U 16,7 % Slovénie
secteur de la “silver economy”, l’économie au service des tempes grises. Pour Hippolyte d’Albis, il ne s’agit que d’une modification de la consommation : “un homme, actif, de 50-60 ans, urbain, va souvent au restaurant. Une fois à la retraite, il s’y rend beaucoup moins. Mais s’il se prend d’une passion pour le jardinage, alors il y aura une réallocation du secteur de la restauration à celui du jardinage.” Et d’un point de vue mondial, l’avenir s’annonce-t-il aussi sombre ? “Tous les pays vieillissent mais à des rythmes différents, souligne Hippolyte d’Albis, le vieillissement va accélerer les mouvements de capitaux et de personnes : ils vont quitter les zones qui vieillissent vite et vont accroître les effets négatifs du vieillissement dans ces pays. À l’inverse, ils pourraient contre-balancer les effets du vieillissement dans les zones les plus attractives.”
16,5 %
« Tous les pays vieillissent mais à des rythmes différents, souligne Hippolyte d’Albis, le vieillissement va accélerer les mouvements de capitaux et de personnes. »
L’é c o n o mi s t e c i t e le s E t a t sUnis at tirant les travailleurs la “vieille Europe”, l’Allemagne la jeunesse grecque, espagnole ou italienne. Au sein même de la France, les grandes villes sont devenues plus attractives que les campagnes. Si en France cela est compensé par la politique publique, ce n’est pas le cas en Europe. Et encore moins au niveau mondial.
économie Faut-il alléger les charges sociales ?
Faut-il alléger les
charges sociales S’il apparaît que la baisse des charges permet de créer des emplois faiblement rémunérés,qu’en est-il de son impact global ? Malgré les expérimentations, les économistes sont divisés sur les effets de cette mesure. par Loïc Le Gac
illustration Hélène Paris
Les débats publics sur la scène française, mettent en avant de manière récurrente et systématique, l’argument de « bon sens » qui consisterait à alléger les charges sociales pour, à la fois remédier au problème du chômage et stimuler la compétitivité des entreprises. De nombreuses études économétriques, dans le monde, parues ces dix dernières années, ont tenté d’apporter des éléments sur cette question. Difficile cependant, de retenir les études portant sur les pays autres que la France. En effet, d’une part les situations en terme d’emploi varient extrêmement d’un pays à l’autre et, d’autre part, notre système de protection et de cotisations sociales est très spécifique.Il faut donc se reporter sur les études concernant le cas français. La plus récente en la métière est celle publiée par Pierre Cahuc, THINKOVERY — 101
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