Le Soir Lundi 8 juin 2015
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Un luthier se met au travail en public MUSIQUE
Au 7e étage du MIM, le Belge Thomas Meuwissen fabrique des violons leur permettent de valoriser leur niveau d’excellence. C’est là une démarche souvent accomplie pour les solistes, beaucoup moins pour un quatuor.
Les violons étaient les stars du récent Concours Reine Elisabeth. Au fond, comment les fabrique-t-on ? Un atelier de luthier vient de s’ouvrir au Musée des Instruments de musique. our les pianos, on connaît quelques marques de renom : Steinway, Bösendorfer, Yamaha, Fazioli. Le violon relève, lui, d’un artisanat plus intime. On peut cependant citer les incomparables luthiers de Crémone au XVIIIe siècle dont les instruments s’arrachent aujourd’hui à coup de millions d’euros. Ce qui n’est pas à la portée de toutes les bourses. Pourtant, l’instrument est en vogue et le nombre des artisans qui les fabriquent, en forte croissance. Et la qualité de leurs instruments est loin d’être négligeable. Les tests à l’aveugle de Cincinnati ont démontré que les grands luthiers contemporains pouvaient faire jeu égal avec les Stradivarius et consorts. Notre compatriote Thomas Meuwissen est de ceux-là : cet originaire du Hageland a été l’élève de la fameuse Ecole de lutherie de Newark, en Angleterre, avant de se perfectionner
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Pendant deux ans, Thomas Meuwissen va travailler à la confection de quatre violons devant le public. © RUDI VAN BEEK.
à Prague, à Montpellier et d’être lauréat de plusieurs concours de lutherie. Aujourd’hui, notre homme a pignon sur rue et conseille des musiciens de la classe de Vadim
Repin ou Maria Kliegel. C’est donc assez logiquement que la Chapelle Reine Elisabeth s’est tournée vers lui pour lui commander les quatre instruments d’un quatuor à cordes : deux
violons, un alto et un violoncelle. Un procédé qui semblerait aller de soi, mais qui ne se rencontre pas si souvent dans un vrai quatuor car chacun travaille déjà sur son propre ins-
trument avant que l’ensemble ne soit fondé. Ici, la démarche est différente puisqu’elle consiste à mettre entre les mains des élèves de la Chapelle des instruments qui
Un atelier à la portée du public Encore fallait-il ouvrir l’expérience au grand public, celui qui voudrait voir comment fonctionne la machine. Aussi Thomas Meuwissen a-til convaincu le MIM (Musée des instruments de musique) de lui ouvrir une partie de son 7e étage pour y installer un atelier où, pendant deux ans, il travaillera tous les jours devant le public à la confection des quatre instruments. La période peut sembler longue, mais le travail de luthier comporte des phases d’attente et de mûrissement de telle sorte qu’un artisan s’occupe de plusieurs instruments en même temps. C’est cet atelier qui a été officiellement ouvert il y a dix jours, en plein milieu des finales du Reine Elisabeth. Soyez curieux, allez voir cet atelier d’un ébéniste pas comme les autres. Après tout, les outils se ressemblent, mais c’est dans leur destination que les voies divergent. Un violon a besoin d’une âme pour offrir du son. Et c’est là que commence le miracle. ■ SERGE MARTIN Libre accès durant les heures d’ouverture du MIM, rue Montagne de la Cour 2, Bruxelles.
L’amour à la russe selon Vladimir Federovski LIVRES « La volupté des neiges : les grandes amoureuses russes » plonge dans l’intime des grands de l’histoire russe ans son nouveau livre, La volupté des neiges : Les D grandes amoureuses russes, Vladimir Federovski se passionne pour les histoires d’amour des grandes figures de l’histoire russe. A travers les missives échangées entre les amants, il raconte leur vie intime mais aussi la façon dont ces relations ont influencé leurs œuvres, qu’elles soient artistiques ou politiques. « J’avais envie de faire un livre sur le bonheur et l’amour, qui tirent vers le haut alors que nous sommes dans un climat du politiquement correct qui tire vers le bas », explique l’ancien diplomate russe. Un message d’amour, de mystère et d’évasion dans l’ambiance enneigée de Russie. La visée politique de cet ouvrage qui se lit comme un ro-
« Tolstoï est le plus français des auteurs russes et Balzac, le plus russe des auteurs français », affirme Federovski. © D.R.
man ne doit toutefois pas être oubliée. En détaillant des étapes importantes de l’histoire du pays, Federovski veut rappeler les liens qui existent entre la Russie et l’Europe, tout en pestant contre l’actuelle « idiotie diplomatique » qui risque d’être à l’origine d’une rupture historique. Ecrire ce livre n’était pas un choix pour Vladimir Federovski : « ce sont les livres qui nous choisissent », affirme-t-il. On lui offre le journal intime de Tolstoï alors qu’il est encore un jeune diplomate. Un ouvrage qui le marque et l’accompagnera tout au long de sa vie. Plus tard, il a accès aux lettres classées de la tsarine Catherine II et à la correspondance de Balzac. A force d’accumuler tous ces échanges, l’idée d’en ti-
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rer un livre lui semble une évidence. « Ce sont des personnages qui ont été réconfortants toute ma vie. Je voulais donner cette même impression aux lecteurs. » Une envie aussi de partager l’aspect « lumineux » qui ressort de toutes ces histoires. Le lecteur, justement, se trouve aux premières loges pour assister à la vie intime des grands de l’histoire russe. Le tout mis en
La tsarine Catherine II affirmait que les plus belles histoires d’amour commençaient après 40 ans. scène par certains des plus grands écrivains, qui détaillent tout, s’expriment en toute liberté sur leurs sentiments et leur sexualité, se questionnent, se lamentent et s’aiment intensément. Pour illustrer ces histoires, Vladimir Federovski a regroupé des personnages emblématiques. La tsarine Catherine II, connue pour le coup d’Etat qui a coûté la vie à son mari, apparaît ici comme une femme foncièrement moderne. « Elle assumait tous les aspects de sa vie devant tout le monde. Elle disait souvent qu’il fallait gérer ses relations amoureuses de la même façon que sa politique. » Ses réflexions sur l’amour surprennent, elle qui affirmait que les plus belles histoires d’amour commençaient après 40 ans. Une déclaration que Federovski a prise au pied de la lettre puisque toutes les romances qu’il décrit mettent en scène au moins un amant ayant passé ce cap. Les neiges évoquées dans son titre ne se retrouvent donc pas seulement sur le sol des rues de SaintPétersbourg, mais aussi dans les années qui passent pour ses amoureux passionnés.
Au fil des pages, on découvre l’égérie d’Alexandre II, Katia, la femme qui aurait pu changer l’histoire de la Russie et même de l’Europe : après avoir convaincu le tsar de mettre fin au servage, elle voulait faire du pays une monarchie constitutionnelle. Le choix de Tolstoï semble évident tant l’auteur a marqué la littérature russe, mais celui de Balzac peut surprendre. « Je veux rappeler à l’Europe les liens qu’elle possède depuis longtemps avec la Russie. Tolstoï est le plus français des auteurs russes et Balzac le plus russe des auteurs français. » Les styles se succèdent dans cet ouvrage : l’écriture érotique et directe de Tolstoï, le style plus subtil tout en suggestion de Tchekhov et la passion de Catherine II qui ressort de chacune de ses missives. A travers La volupté des neiges, c’est l’âme de la Russie que Federovski décrit : « elle est composée de quatre éléments essentiels : sa géographie avec ses paysages uniques, son histoire riche et son architecture, son climat et l’amour. » Le tout à travers les yeux de ces femmes si différentes, mais toutes sources d’inspiration. Si le succès est au rendez-vous auprès des lecteurs, Vladimir Federovski compte bien transformer cet ouvrage unique en une trilogie sur les grands couples russes. Il y serait entre autres question de la relation entre Lénine et Inès Armand. ■ LAURA TAIONI (st.) La volupté des neiges : Les grandes amoureuses russes VLADIMIR FEDEROVSKI Albin Michel 19 euros, 300 pages.
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