Le fleuve dans la ville, et la ville sur le fleuve : ouvrir les voies fluviales.
Thibault Moinard
Thibault Moinard
Introduction
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Le fleuve et la ville
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La navigation sur le fleuve
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La place de l’homme sur le fleuve
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INTRODUCTION
A l’heure de la COP 21, du débat sur la ville durable et des récentes inondations dans notre capitale, il est un domaine qui reprend une grande importance dans la vie de demain, celui de la place du fleuve dans la ville. L’origine de la relation entre le fleuve et la ville est historique, et ne cesse d’évoluer. Centre d’intérêt, puis écarté de la ville, le fleuve revient aujourd’hui au centre des préoccupations. Il serait donc aussi intéressant de se poser la question de la place de l’homme sur le fleuve.
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LE FLEUVE ET LA VILLE
L’origine d’une ville est généralement en lien avec le fleuve, puisque tous les deux se complètent. Cette première relation est la base de toutes les grandes villes d’aujourd’hui. Cependant, lorsque l’activité autour du fleuve disparaît, et de ce fait l’intérêt que porte la ville à la proximité de l’eau, c’est une seconde relation qui se met en place. Ce changement de paradigme a fait émerger des notions allant à l’encontre du fleuve, avec une urbanisation visant à faire « sortir » le fleuve de la ville. Aujourd’hui, les villes tentent de revenir à une relation plus harmonieuse avec le cours d’eau, entre le respect de la nature, la proximité et la sécurité des usagers du fleuve.
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Origine L’implantation en bordure de fleuve a plusieurs avantages. Il apporte tout d’abord une certaine sécurité, un lieu facile à protéger. D’autre part, il représente une ressource variée pour la population apportant aussi grâce à la navigation, des routes commerciales alternatives plus rapides que par les terres. Les activités artisanales, exercées dans les moulins et tanneries, tirent profit d’une implantation fluviale. Pour donner quelques exemples Français, St Etienne ou encore Amiens ont établi leur renommée grâce à la qualité de l’eau qui leur permettait de traiter l’acier et les fibres textiles. La réputation de certaines villes tient parfois à leurs activités économiques. Nous pouvons notamment observer le quartier de la Petite France à Strasbourg, célèbre pour ses tanneurs, meuniers et pêcheurs, dont les affaires étaient permises par le passage d’un des bras de l’Ill. Prenons aussi l’exemple de Nantes, ville-port située en fond d’estuaire, qui a assuré son développement grâce à la Loire. À la croisée des routes terrestres et fluviomaritimes, Nantes s’affirme comme un carrefour commercial tourné vers l’Atlantique. Intégrée aux échanges mondiaux, elle profite de cette position pour assurer son développement industriel devenant un centre de production et de redistribution vers l’Europe, grâce à sa localisation géographique et surtout à la Loire. Il faut donc se représenter le fleuve, à l’époque de la création des villes, comme un moteur économique et un moyen de communication. C’est alors une relation à double sens qui s’installe : d’une part, de nouvelles activités émergent grâce à ce cours d’eau, et d’autre part, le cours d’eau se voit modifié par les infrastructures qui résultent de ces nouvelles activités. Aujourd’hui encore, on retrouve, le long des berges de nos fleuves, les vestiges de l’histoire de la ville.
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Dans un second temps, la ville à délaissé son fleuve ; les déchets de l’activité artisanale, les effluents urbains, notamment ceux des hôpitaux qui se fixent au bord de l’eau avant ou pendant l’âge classique, contribuent à altérer la qualité de l’eau des rivières, transformées en grands collecteurs d’eau usée et nauséabonde, ce qui fait dire à André Guillerme que « …plus une ville est puante, plus elle est riche ». L’esprit des lumières met fin à ces pratiques. Pour être saine, la ville doit être sèche. Les voies d’eau – fleuves, rivières et canaux – ont progressivement vu décroître leur fonction traditionnelle d’acheminement des marchandises ou des hommes d’une ville à une autre, d’un pays à un autre. Suite à des bouleversements économiques ou en raison de déplacements des activités portuaires hors des villes, les installations spécifiques qu’elles avaient générées, pontons d’accostage, quais de déchargement et de stationnement, rampes d’accès, grues, hangars de stockage, voies de chemin de fer ou routes les desservant, ont cédé la place à des friches industrielles et portuaires, des routes ou des parkings, des aires de stockage de matériaux.
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Aujourd’hui un retour vers le fleuve Désormais repensée et replacée au cœur de la ville, la Loire redevient un atout pour Nantes. Grande place publique, elle expose toutes sortes d’événements nautiques comme l’arrivée du Belem depuis de nombreuses années, ou encore celui du maxi-trimaran Banque populaire en 2008 et du Tara en 2015. Outre les activités nautiques inhérentes à la vie d’un fleuve, la Loire offre aussi un panel d’opportunités aux plus créatifs. C’est ainsi qu’elle est devenue un lieu d’expression privilégiée pour la compagnie de théâtre de rue Royal de Luxe, originaire de Nantes, mais aussi un nouvel espace ouverts à de nouveaux services tels que le Bar rouge, dessiné par Olivier Flahault. Nantes n’est pas la seule ville Française à se retourner vers son fleuve ; d’autres villes telles Dunkerque, Lyon ou encore Marseille ont aussi pris part au changement. Un retour matérialisé aujourd’hui par la réhabilitation de nombreuses berges et friches en qui bordent le fleuve, mais aussi par la réouverture du débat sur l’intérêt de la navigation sur le fleuve, notamment à Nantes lors du grand débat de la Loire.
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« La Loire offre une pluralité d’usages, de pratiques et de fonctions héritées de son histoire et de sa vocation maritime. Elle est le support d’activités nautiques, culturelles, touristiques et de loisirs. La Loire est un véritable vecteur d’identité, reste parfois difficile à approcher… mais on peut aujourd’hui de plus en plus la parcourir et la contempler. Le débat devra éclairer comment approfondir cette vocation ludique. Comment cultiver la dimension nautique du fleuve, valoriser le patrimoine maritime et fluvial. » Si les grandes cités fluviales mettent en place des projets ambitieux de «reconquête » de leurs bords d’eau, l’engouement pour les rivages se manifeste tout autant dans des communes plus modestes qui ont vu disparaître des activités et des pratiques liées à l’eau et qui cherchent aujourd’hui à travers l’aménagement des berges de leurs rivières ou de leurs canaux un moyen de développement local. Petits ports de plaisance ou simples haltes nautiques se multiplient dans le but de favoriser le tourisme fluvial.
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La navigation sur le fleuve
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PĂŠniches habitĂŠes de Saint Nicolas de Redon
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Le fret Dans l’Histoire de France, la pratique de la navigation fluviale remonte à l’époque gallo-romaine, pour le transport de marchandises en tout genre, bois, pierre, vin, charbon et autres. La carte de notre pays démontre un important réseau hydrographique qui couvre une grande partie de notre territoire, et ce dans toutes les directions. Le fleuve royal qu’était la Loire, fut un important moyen de communication de par sa longueur, son tracé et ses affluents. C’est la plus importante voie d’eau au quinzième siècle, mettant en liaison les provinces avoisinantes, le sud du bassin parisien et le bassin du Rhône tout proche. L’ouverture du canal de Briare puis de celui d’Orléans durant le dix-septième siècle permet la liaison directe de la Loire et de la Seine, favorisant d’autant plus les échanges commerciaux. Au dix-huitième siècle, près de 68% de la Loire est navigable, soit 700 kilomètres sur ses 1020 kilomètres de fleuve au total. La batellerie jouait donc le même rôle que celui des camions qui circulent sur nos routes actuellement. Les modifications économiques et technologiques qui s’échelonnent tout au long du dix-neuvième siècle changent profondément les conditions de notre navigation intérieure. Le développement d’un nouveau moyen de transport, le chemin de fer, redistribue les cartes du marché et créer partout une concurrence nouvelle face à laquelle les batelleries traditionnelles se trouvent désarmées. Nombreuses sont celles qui disparaissent alors. Sur quelques axes privilégiés, la révolution industrielle concentre un trafic qui se limite vite aux produits lourds et pondéreux. Les milliers de bateaux construits avaient également causés une dramatique déforestation en Auvergne, responsable de terribles crues à la fin du dix-neuvième siècle. Quelques bateaux tentèrent de résister au train, tels que les Inexplosibles de l’Allier qui reliaient Moulins à Nevers : tentatives peu concluantes. Par la suite, le réseau se transforme profondément, à la fois vu les constructions nouvelles de canaux et la domestication des eaux des rivières. On uniformise leurs dimensions à ce qui devient le gabarit Freycinet : 12
— voies d’eau : largeur minimum des voies au plafond : 10 m ; mouillage minimum : 2 m. — écluses : longueur utile minimum : 38,50 m ; largeur utile minimum : 5,20 m.
Depuis la fin du dix neuvième siècle, la voie d’eau conserve sa caractéristique essentielle, celle d’être affectée au transport de produits pondéreux en vrac pour lesquels les coûts de transbordement et de manutention restent faibles. Les échanges avec les pays de la CEE (Allemagne, Belgique, Hollande et Luxembourg) fournissent les principaux voyages à l’exportation, tandis que les courants de trafic nés à partir des ports maritimes français alimentent la majeure partie des trajets intra-muros. Aujourd’hui composée de plus de 1170 bateaux, la flotte fluviale française permet un transport de marchandise d’environ 7,5 milliards de tonne par kilomètre par an, selon le rapport des voies navigables de France.
Sur une distance équivalente, les émissions de CO2 du secteur fluvial sont 2 à 4 fois moins élevées que celles du transport routier. Pour exemple, un convoi fluvial en France peut transporter l’équivalent de 200 camions. Un atout de taille lorsque l’on sait que le fluvial est, de surcroit, moins bruyant et plus sûr que le transport routier. Encore une fois, les fleuves nous apportent une réponse positive qui permet de conjuguer la nécessité de transport avec les exigences environnementales. 13
La plaisance L’acceptation volontaire, à titre de délassement et de plaisir, de la vie la plus active, la plus rude, la plus périlleuse, - celle du marin. C’est l’exercice continu de toutes les puissances musculaires, non pas seulement en plein air, mais dans l’air le plus pur, le plus vif, le plus riche, le plus exhilarant qu’il y ait à la surface du globe.
Daryl, Philippe, Le Yacht - Histoire de la Navigation Maritime de Plaisance, Paris : Ancienne maison Quantin, Librairies - Imprimeries Reunies, 1890, p. 16
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La Margot
L’essor de la plaisance sur la Seine se situe aux alentours des années 1940 -1947. Le yachting a intéressé des ingénieurs, des mathématiciens, qui ont appliqué leurs connaissances à la construction des bateaux. Une classe nouvelle d’architectes navals a surgi, qui joint la science à l’habileté manuelle. C’est ainsi qu’on a vu en Angleterre les Dixon Kemmp, les Walson, les Fyfe, les Ratsey, - aux États-Unis les Burgess, les Cass Caufield, les Bryant, obtenir des résultats remarquables. En France, le yachting prenant son essor dans les années 1840, beaucoup moins de yachts sont construits et par conséquent, peu d’architectes navals s’intéressent à cette spécialité. Néanmoins, le sport nautique commençait déjà à s’organiser sur la Seine, plusieurs constructeurs de Paris ou de la banlieue avait construit en les appropriant à leur destination fluviale, des embarcations imitées de celles de mer; des Sociétés nautiques s’étaient créées, un grand élan s’imprimait. C’est alors que, quelques années plus tard, un événement nouveau vint révolutionner la navigation de plaisance, indiquant aux constructeurs une voie féconde à suivre. En 1847, un amateur, M. Cor, l’un des fondateurs de la Société des Régates du Havre, fit venir d’Amérique une embarcation qui est devenue historique sous le nom de La Margot. Sa construction et ses formes différaient entièrement de tout ce qui s’était vu jusqu’alors en Europe. Construite à New York, sur le modèle des bateaux de Baltimore, elle mesure huit mètres de long, trois de large. Cette embarcation, avec très peu de lest, portait une voilure démesurée, marchait très vite et évoluait sans difficulté. La Margot faisait l’étonnement de tous les amateurs, étonnement qui ne fit qu’augmenter lorsqu’on la vit gagner, avec une incontestable supériorité, les régates du Havre en 1847, 1848, 1849 et 1841. 15
Ce genre de petites embarcations, de plus en plus rare sur nos fleuves, ne se retrouvent presque qu’exclusivement en carte postale, dans une époque ou navigation et baignade libre était encore possible dans des lieux incroyables tel que le port de Trentemoult sur la rive Sud de Nantes, entre les guinguettes et les compétitions nautiques amicales les soirs d’étés. Néanmoins, malgré la diminution du nombre de petites embarcation personnelles sur nos fleuve, la plaisance fluviale reste très attractive puisque près de 14 500 bateaux de plaisance privée ont empruntés les voies navigables Française dans l’année 2016, ce qui correspond à près de dix millions de personnes embarqués à bord de différents support (croisière fluviale, bateaux promenade, location de bateaux habitable). Il est important de signaler que les plaisanciers en eaux fluviales, n’ont pas le même mode de pratique de leur activité que les plaisanciers maritimes. Ils naviguent en moyenne plus longtemps, puisque la durée minimale de navigation des plaisanciers fluviaux est d’un mois et que plus de la moitié d’entre eux navigue plus de 3 mois par an (juin à septembre environ). Leurs bateaux sont souvent plus anciens (environ 20 ans) et sont souvent des bateaux achetés d’occasion aux grands loueurs nationaux ou régionaux, ou encore des bateaux de mer reconvertis. Toutefois, au delà de cette caractérisation des plaisanciers fluviaux, on assiste à l’émergence d’un nouveau type de pratiques, notamment dans les biefs de Seine Amont. Il s’agit d’une pratique qu’on pourrait qualifier de proximité. Les propriétaires de bateaux, à l’attache dans les ports fluviaux locaux, pratiquent leur loisir fluvial de manière très locale, en utilisant leur bateau comme « résidence secondaire » pour les week-end par exemple, ou pour aller à un restaurant sur l’autre rive, pour faire quelques tours, sans traverser d’écluse. Et certains ports pourraient devenir des lieux de résidence de la part de ces « plaisanciers », avec une vie locale, etc. Ces pratiques qui semblent émerger sont relativement difficiles à mesurer car elles n’apparaissent dans aucun chiffre de VNF. 16
Il y a une rÊelle envie de la part de la population de se rÊapproprier le fleuve, de retrouver les joies de la navigation, et de se rapprocher de l’eau.
Semaine du Golfe
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La place de l’Homme sur le fleuve
Audrey Garric, journaliste, explique dans un article du Monde, que « Les Hollandais ont toujours combattu l’eau, en édifiant des digues et des barrages. Mais cela ne suffit pas à contrer les flots. Amsterdam a alors décidé de tirer profit de l’eau, en construisant des îles au-dessus du niveau de la mer - alors que les polders sont au-dessous - et des maisons flottantes. La mer est devenue une alliée et non plus une ennemie.»
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Floating School de Makoko
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Vivre et se déplacer… Des quartiers voir des villes entières se sont construites sur l’eau aux quatre coins du monde, tel que le peuple Tanka qui habitent sur des Jonques, ou encore la ville de Makoko, véritable bidonville sur l’eau, dans lequel plus de cent mille habitant se déplacent uniquement à la pirogue. Ces peuples, à cause de leur histoire, ont été forcés de se déplacer sur le fleuve, et sont aujourd’hui une source d’inspiration pour l’adaptation et la résilience des villes en reconversion. A Maasbommel aux Pays Bas, dans cette petite ville de 1300 habitants, à 90km à l’est de Rotterdam, la municipalité a autorisé l’agrandissement de la ville au-delà des digues qui la protègent des nombreuses inondations. La campagne environnante est saturée de plans d’eau, rivières et petits cours d’eau, digues et autres dispositifs anti-inondations. Malgré tout ce réseau, la population de Maasbommel à du être évacuée lors des tempêtes de 1993 et 1995. De plus les zones constructibles «hors d’eau» sont saturées. Il devient alors nécessaire d’envisager la construction en zone inondable. Un projet viable en zone inondable est donc développé à partir de 1998. Le projet est l’un des premiers de ce type et a valeur d’expérimentation. Il propose 2 différents types de maisons, 32 maisons amphibiennes et 14 flottantes. Chris Zevenbergen, s’exprime ainsi à propos de son projet : « Nous essayons de développer de nouveaux types d’habitats plus durables qui n’ont pas d’impact négatif sur l’environnement. [...] C’est un long procédé mais la transition vers un pays résiliant face aux inondations est un pré requis pour notre futur proche. » Le projet de Maasbommel a eu pour vocation de démontrer la pertinence et la faisabilité de quartiers d’habitation flottant aux PaysBas. Les acquéreurs ne sont pas seulement attirés par la sécurité de ne pas subir d’inondation, mais aussi le confort d’une vie sur l’eau. Cette volonté de vivre sur l’eau est aussi parfois issue d’une recherche d’un mode de vie alternatif, à l’image des petites villes flottantes établies aux alentours de San Francisco. 20
A la fin de la seconde guerre mondiale, plusieurs artistes tels que des écrivains, artisans ou peintres, se sont installés dans la baie « Richardson ». Rapidement rejoins par la communauté hippie dans les années soixante, ils sont à l’origine d’une communauté flottante qui se développe tout autour de San Francisco. Certaines habitations se sont implantées de manière légale, équipées d’eau et d’électricité, lorsque d’autres seront construites par leurs habitants, sans cohérence apparente avec l’ensemble du quartier, et issus de matériaux de constructions en tout genre. On retrouve en France cette volonté de se tourner vers un habitat alternatif plus proche de l’eau, à travers les nombreuses réhabilitations d’anciennes péniches Freycinet qui bordent nos quais.
Le quartier flottant de Sausalisto en face de San Francisco
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... de manière autonome Sortir pour prendre une chaloupe munie d’un moteur électrique, afin de se rendre à son cours de tennis, son entrainement de rugby ou encore au skatepark entre l’ile de la Jate, et l’ile de Puteau, depuis le quai ou était amarrée la péniche Freycinet à Neuilly sur Seine. Tel était le quotidien de l’enfance de Mr Desombre, aujourd’hui chef dans un restaurant sur la côte Quimiacaise en Loire Atlantique. Un mode de transport que nombre de personnes aimeraient pouvoir utiliser, mais qui reste aujourd’hui peu accessible. Une vision du trajet quotidien bien éloigné de celui du bouchon en voiture, ou de l’enfermement dans sous-terrain.
Ancienne péniche de Mr Stan Desombre
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Pour rester dans l’exemple Parisien, pour rallier Suresnes (Hauts-deSeine) à Maisons-Alfort (Val-de-Marne), il fallait compter une heure et quarante minutes. C’est ce qu’annonçaient, en 1921, les horaires du service de bateaux transportant les passagers sur la Seine. La compagnie précisait la localisation des pontons d’embarquement, une vingtaine, et les « tramways et bus passant à proximité ». Depuis le développement du métro parisien, ses quelque 200 kilomètres de voies et ses millions de passagers, le Parisien ou le Francilien n’utilise plus de bateau pour se déplacer, hors les visites touristiques. Au grand regret de nombreux élus qui jugent cette sous-utilisation aberrante, à l’heure où la réflexion sur les transports durables s’impose. Force est de constater que les fleuves, qui irriguent la plupart des grandes métropoles, sont peu, voire pas du tout, en France en particulier, mis à contribution pour le transport de passagers. Les marchandises oui, les déchets parfois, mais pas d’aller et retour domicile-travail utilisant les voies fluviales. Un des projets plutôt concrets dans cette idée d’ouverture des voies navigables pour tous, est aujourd’hui le SeaBubble. Embarcation légère montée sur foils et pouvant accueillir quatre passagers en plus de son pilote, le projet tend à répondre aux problèmes de circulation sur les quais Parisien. « Sur l’eau il y a beaucoup d’espace utilisable », tel est l’un des arguments d’Alain Thébault, fondateur de la start up SeaBubble. Une certaine souplesse de la réglementation serais encore nécessaire pour aboutir à ce projet, notamment sur la vitesse réglementaire limitée à douze km/h depuis le temps des péniches Freycinet, qui poussaient de l’eau et abimaient les berges à cause de leurs vagues. Outre ces objets encore en développement, la volonté de produire un moyen de transport ne produisant aucune vague, aucun bruit et aucune pollution, et de plus, accessible à chacun, semblerait être un grand pas en avant pour la navigation fluviale. Non pas dans l’idée de transformer le fleuve en autoroute pour foiler, mais bien de créer un retour à la navigation de manière autonome au cœur des villes, ce genre de projet pourrait être un des atouts majeurs pour le retour du fleuve dans les villes durables de demain. 23
L’imagination est le premier outil pour dessiner notre futur sur le fleuve. Depuis les récits de villes imaginaires dans la littérature contemporaine de Jules Verne ou d’Albert Robida, jusqu’aux projets ambitieux de Jacques Rougerie, les idées de projets et les sources d’inspiration ne manquent pas pour inventer la ville de demain en France. En 2050, il y aura 4 milliards de voitures dans les rues, et même si elles sont toutes alimentées par des énergies propres, elles créeront encore des embouteillages massifs. L’avenir de la mobilité a de fortes chances de monter de l’eau, un chemin naturel et historique dans les villes qui a été sous-estimé pendant longtemps.
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BIBLIOGRAPHIE Jean-Jacques Terrin ; avec la collaboration de Jean-Baptiste Marie Villes inondables = cities and flooding : prévention, adaptation, résilience Editions Parenthèses, 2014 Patrick Pigeon, Risque digue : une justification à la relecture systémique et géopolitique des risques environnementaux, Espace Poilitique, 2005 Fraisse Philippe, Construire en zone inondable : réponses architecturales, Direction départementale de l’équipement de Moselle 1992 Catherine Carré, Jean-Claude Deutsch, L’eau dans la ville : une amie qui nous fait la guerre, Les éditions de l’aube, 2015 Guy Barbichon, Risques, environnement, modernité, Espaces et Sociétés, 1994 Helga-Jane Scarwell, Guillaume Schmitt, Pierre-Gil Salvador, Urbanisme et inondation , 2014 Rapport CEPRI Centre Européen de prévention du risque d’inondation, Février 2015 Béatrice Quenault , Retour critique sur la mobilisation du concept de résilience en lien avec l’adaptation des systèmes urbains au changement climatique, 2013 Abhas K Jha, Robin Bloch, Jessica Lamond, Villes et inondation, 2012 Peter Timmerman, Vulnerability, Resilience and the Colapse of Society, 1981 Francis Dégardin et Paul-André Gaide, Valoriser les zones inondables dans l’amé- nagement urbain, Certu, 2012 Marc Suttor, Vie et dynamique d’un fleuve: La Meuse de Sedan à Maastricht (des origines à 1600, De Boeck), 2006
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CONFÉRENCES Conférence de Jacques Rougerie dans le cadre du Festival Bellastock ( 2013 ) Disponible sur https://vimeo.com/91614969 PRESSE Les Decodeurs, Une commune sur deux exposée au risque d’inondation, Le Monde 2015 Xynthia : «Un scandale d’Etat» pour l’ex-maire de La-Faute-sur-Mer, Le Figaro, 2014
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