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39 Tallinn, capitale de l’Estonie, est-elle vraiment une ville « incroyablement laide » ? C’est l’opinion de nombreux jeunes architectes locaux qui forment, depuis le boom immobilier qu’a connu le pays dans les années 2000, une audacieuse nouvelle garde. La plupart ont moins de 40 ans, et par petites touches, ils redessinent complètement le visage de la ville. Panorama.

TALLINN, LE BOOM DE LA JEUNE ARCHITECTURE ESTONIENNE

c

’est arrivé progressivement. D’abord, il y a eu la période soviétique, longue, pendant laquelle une économie planifiée mandatait des architectes d’Etat pour construire, essentiellement, de gros bâtiments publics, des quartiers résidentiels monolithiques. Et puis l’Estonie, petit pays du bord de la mer Baltique, est devenue indépendante. Alors, les architectes ont pris eux aussi leur indépendance, ouvert leur propres bureaux, et le secteur privé s’est peu à peu, dans ce domaine, substitué à l’Etat. Anarchiquement, au début : « Avec l’économie libérale, dans les années 90, les architectes pouvaient construire n’importe quoi, pourvu qu’il y ait l’argent », analyse Mait Väljas, commissaire au musée de l’Architecture estonienne à Tallinn. Ce qui n’a pas vraiment développé la cohérence de la ville. Mais en l’an 2000, c’est le boom économique. Arrive une la nouvelle vague de constructions, et avec elle, une prise de conscience. « L’Union des architectes a commencé à se plaindre qu’il y avait trop de bâtiments “sporadiques”, et qu’il fallait développer des quartiers entiers. La ville s’est alors penchée sur le sujet », raconte Mait Väljas. Il fallait en outre moderniser les équipements, construire des logements pour une nouvelle bourgeoisie, répondre aux besoins du tourisme, et s’inventer un nouveau visage. De remarquables constructions ont commencé à voir le jour, sous la houlette d’une génération émergente de très jeunes architectes.

Ils se nomment, entre autres, Siiri Valner, Martin Aunin, Andrus Köresaar, et leurs agences, Koko, 3+1, Kosmos, Kavakava... « Ils répondent à toutes sortes d’appels d’offres, explique Mait Väljas, pas seulement des maisons ou de l’architecture conservatrice. Ils sont très libres et expérimentaux. » Ils peuvent ainsi tester des matériaux, et faire appel à des artisans locaux pour des coûts raisonnables. « Même lorsqu’ils construisent des appartements, ils essaient de nouvelles choses. Certains ont un style, d’autres mettent un point d’honneur à se réinventer à chaque fois, en fonction du contexte et de l’environnement du bâtiment. »

Un caractère local

Alors que l’on associe souvent l’Estonie à ses voisins baltes, la Lettonie et la Lituanie, le pays, dans le domaine de l’architecture, regarde plus volontiers vers la Finlande, dont la tradition architecturale a fait florès ces dernières décennies. Et, pour Mait Väljas, les jeunes loups de l’architecture estonienne n’ont pas à rougir devant leurs aînés finlandais. Ils se

distinguent notamment par « une forme de modestie nordique dans leurs projets. Même lorsqu’ils essaient de faire de “l’architecture de magazine”, ils conservent un vrai caractère local. » Et leurs bâtiments, en combinant souvent l’ancien et le nouveau, respectent et mettent en valeur les différentes “couches” de l’histoire estonienne. La nouveauté, la différence, mais dans un sens harmonieux, et intelligent, voilà donc les maîtres mots du renouveau architectural estonien. Malgré les progrès, Tallinn doit aujourd’hui affronter des défis de taille, qui concernent davantage l’urbanisme que l’architecture. Il faut lier entre eux des quartiers qui se sont développés indépendamment les uns des autres, combler les vides, désenclaver le centre-ville, ancien et ravissant, mais qui a été pris d’assaut par le tourisme au point d’en évincer toute activité quotidienne et locale, gérer le trafic automobile, développer toute la zone côtière bétonnée par les Soviétiques, un formidable terrain de jeu pour les architectes... Le talent est là. Reste à la ville et aux architectes de penser ensemble un harmonieux avenir ! •

LES JEUNES LOUPS DE L’ARCHITECTURE ESTONIENNE N’ONT PAS À ROUGIR DEVANT LEURS AÎNÉS FINLANDAIS.


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