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Introduction
Féministe notoire, Virginia Woolf a passé sa vie à s’émanciper des normes patriarcales de la société victorienne dans laquelle elle a grandi. Grâce à ses talents d’écrivain – métier si rarement féminin à cette époque – elle donne vie à des personnages tirés de son quotidien dans la bourgeoisie britannique, souvent habités par ses propres dilemmes. Une jeune femme éduquée pour le mariage et la maternité peut-elle échapper à son destin ? La lecture et la connaissance en général permettent-elles d’accéder à la liberté ? Et surtout, cette liberté de prendre part au monde des hommes est-elle vraiment la clef du bonheur ?
C’est avec beaucoup de nuance et d’ironie, caractéristique de son œuvre, que Woolf aborde ces interrogations à travers les deux nouvelles de ce recueil. La première, Phyllis and Rosamond, paraît assez autobiographique : ainsi les deux personnages principaux seraient fortement inspirés de Virginia et de sa sœur Vanessa, âgées respectivement de 24 et 27 ans au moment de son écriture. Il est intéressant de remarquer que la conclusion de la nouvelle est là où vie et fiction diffèrent. En effet, alors que l’auteur a pu faire la transition culturelle vers le milieu bohème incarné par les sœurs Tristram, les deux héroïnes, elles, n’en sont pas capables. Est-ce par manque de moyens, de volonté ou de liberté d’esprit... ? Quoi qu’il en soit,
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la condition de jeune fille à marier qu’elles déplorent leur semble néanmoins inéluctable.
Les personnages de la seconde nouvelle A Society sont plus empreintes d’espoir lorsqu’elles se mettent en quête d’évaluer le travail produit par les hommes pendant que les femmes se consacraient à la vie domestique et aux enfants. Néanmoins le dénouement de leur aventure n’est pas une incitation à la prise de pouvoir féminine dans les affaires du monde. En effet, Woolf dépeint la production masculine comme vouée au mal, avec la guerre comme point culminant de leurs activités. Bien que largement capables de réfléchir et d’agir, les femmes finiraient sûrement par regretter de prendre part à quelque chose qui n’est, en somme, pas digne d’elles.
Les deux nouvelles semblent pointer vers une morale qui est non sans rappeler l’adage anglais « Ignorance is bliss.1 ». Woolf ayant bataillé toute sa vie contre une dépression chronique, il n’est pas surprenant qu’elle remette en question ses propres choix et convictions comme réelles sources d’épanouissement – aussi libres et revendicateurs soient-ils. Si ce n’était pour sa nature profondément cérébrale et critique, n’auraitelle pas, comme Phyllis, préféré l’insouciante légèreté d’une après-midi festive en bord de rivière ?
1 ≈ Moins on en sait, mieux on se porte. 12
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• affluent = aisée
• cultured = lettrés • cope with = supporter
• mental breakdown = dépression nerveuse
• siblings = frères et sœurs
• later to be known as = plus tard connu sous le nom de
• operating out of their basement = dont ils assuraient le fonctionnement depuis leur sous-sol
• stream of consciousness = flux de conscience • portraying = dépeignant • inner = intérieures • the subconscious = le subconscient