A-BANDON éléments et architectonique de l’abandon
Tomás Barberá Ramallo
« ¡Intelijencia, dame el nombre exacto de las cosas! … Que mi palabra sea la cosa misma, creada por mi alma nuevamente. Que por mí vayan todos los que no las conocen, a las cosas; que por mí vayan todos los que las olvidan, a las cosas; que por mí vayan todos los mismos que las aman, a las cosas… ¡Intelijencia, dame el nombre exacto, y tuyo, y suyo, y mío, de las cosas!. »1
1. El nombre exacto de las cosas, Eternidades, Juan Ramón Jiménez, 1918
2
abstract
À-bandon met en avant-scène l’architecture des espaces abandonnés. Son ambition est d’apporter une vision architectonique de ces espaces et de proposer un regard sur le détail d’architecture de ces espaces. Il y a une volonté de mettre en place, à travers l’outil de la photographique, un lexique qui permettra, en un premier temps, de nommer les éléments de l’architecture de l’abandon et au biais du dessin, d'abstraire et synthétiser les détails d’éléments. En définitive de faire exister ces éléments aux yeux des architectes et dans un deuxième temps d'ouvrir une discussion autour de l’architectonique d’une architecture sans architecte.
Abandon, architectonique, détail, atmosphère, temps.
3
index
Avant-propos
9 - 11
Lieux
12 - 14
Lexique
15 - 16
Introduction
19 - 30
Solares y escombreras, antécédents Les éléments de l'architecture de l'abandon La marchandisation de la ruine Une architecture sans architecte Méthodologie Investigation photographique
33 - 56
Développement
19 - 29
à-bandon, etymologie
59 - 60
Le temps
61 - 63
Les trois dimensions de l’abandon
65 - 107
1D. - la surface
67 - 83
Le papier peint ou l’Asper-Lenis Peinture de finition Peribolos Ornement et hasard 2D. - le volume
84 - 95
Sonchus Asper Le tiers paysage Ornement ou élément prépondérant Nature ou indétermination programmatique Nature et Peribolos Corps vs Nature 3D. - l’usager 97 - 107 Evenement - usager - mobilier No-stop ornament Incomplet Peribolos Retour au primitif Discussiom autour des projets Sobek et Delva Zusamenfassung
109 - 123 127 - 128
Références
131 - 133
5
Avant-propos
Le présent mémoire a l’ambition de nommer une multiplicité d’éléments que l’on retrouve dans les espaces abandonnés dans le but de les faire exister dans la discussion architecturale. C’est en les nommant qu’ils existeront aux yeux des architectes et seront pris en considération lors du processus du projet. Il convient de préciser d'emblée que la volonté de faire exister ces éléments ne s’inscrit pas dans une démarche patrimoniale ou muséographique en vue de préserver le espaces abandonnés. Il ne s’agit pas non plus d'identifier, catégoriser et classer des éléments de l'espace abandonné dans le seul but qu'ils deviennent un témoignage du passé. Ce mémoire est une première étape dans l'élaboration d'un lexique et d'une grammaire des éléments de l'architecture de l'abandon; il cherche à être une invitation à considérer ces éléments en tant qu'éléments susceptibles d'être pris en compte et d'enrichir le projet d’architecture. L’idée d’utiliser ces éléments architectoniques qui
9
apparaissent dans un état fragmentaire sur un espace abandonné, est centrale dans le développement de mes projets d’architecture depuis 2016. Il s’agit en dernière instance de rappeler une des valeurs fondamentales énoncée par Robert Venturi dans son premier thème de “Complexity and Contradiction in Architecture”: «I am for richness of meaning rather than clarity of meaning; for the implicit function as well as the explicit function. I prefer “both-and” to “either-or”, black and white, and sometimes grey, to black or white. A valid architecture evokes many levels of meaning and combinations of focus: its space and its elements become readable and workable in several ways at once.»2
2. Complexity and contradiction in architecture, VENTURI Robert, MOMA, New York, 1966, p.16
10
N.B: Cette liste des lieux donne la localisation précise des sites repris dans le matériel photographique présenté dans ce mémoire.Chaque site est identifié avec un ideogramme.
12
Lieux
Papeterie Saventhem, 2013-2018, Belgique Wanson, 2013-2015 Bruxelles, Belgique Delva, 2015-2018, Bruxelles, Belgique Hofstade, 2015-2018, Weerde, Belgique Teufelsberg, 2015-2018, Berlin, Allemagne Cortijo de los Frailes, 2015-2018, Níjar, Espagne Electrabel, 2016-2018, Charleroi, Belgique Jaspar, 2016, Tervueren, Belgique Marais du Wiels, 2017-2018, Bruxelles, Belgique La Blasse Kalash, 2017-2018, Charleroi, Belgique Tour d’électricité, 2017, Charleroi, Belgique Marzahn Sport Zentrum, 2017 Berlin, Allemagne Cité de la Forte Taille, 2018, Belgique Texas, 2018, Bruxelles, Belgique
13
50°53’02.2”N 4°27’46.6”E
50°53’57.2”N 4°25’32.4”E
50°52’49.4”N 4°20’24.9”E
50°58’52.3”N 4°30’34.6”E
52°29’51.3”N 13°14’28.6”E
36°52’02.6”N 2°04’30.2”W
50°23’40.9”N 4°22’52.5”E
50°49’16.5”N 4°29’20.3”E
50°49’33.4”N 4°19’34.5”E
50°24’52.7”N 4°24’51.6”E
50°24’56.3”N 4°23’32.3”E
52°33’48.6”N 13°34’01.0”E
50°23’15.1”N 4°22’45.6”E
50°48’49.2”N 4°19’14.0”E
Lexique
Asper-Lenis : Asper: latin. adj. rugueux, inégal, grossier, dur / Lenis: latin. adj. lisse, doux, facile, calme. Se référant à l’ensemble des surfaces présentant une détérioration provoquant un contraste entre la matière avant dégradation et la matière après dégradation. Le contraste se fait par un jeu de surface lisse face à une surface rugueuse3. Earthworks : se réfère aux œuvres produites par Robert Smithson entre 1969 et 1973 (dont Spiral Jetty, Asphalt Rundown, Amarillo Ramp, etc...) Effet Hotel-Palenque : effet décrit par Robert Smithson dans son article du même titre4 (issu d'une conférence à l'université de Utah en 1972). Il décrit un processus de construction métabolique, qui est en constante évolution.
3. trad.auteur. Latin dictionnary, http://latindictionary.net/search/latin/ lenis, pas de date publique de mise à jour. 4. Hotel Palenque, 1969-72, SMITHSON Robert, Insert for Parkett 43, 1995, pages non numérotées, URL: https://www.
parkettart.com/downloadable/download/ sample/sample_id/802
5. Robert Smithson: The Collected Writings, FLAM Jack, University of California Press, 1996, p.301 6. Manifeste du Tiers Paysage, CLEMENT Gilles, License libre, 2004, p.4
Entropie : thème central de l'œuvre de Robert Smithson, il décrit dans un essai issu d'une interview avec Alison Sky: «On the whole I would say entropy contradicts the usual notion of a mechanistic world view. In other words it's a condition that's irreversible, it's condition that's moving towards a gradual equilibrium and it's suggested in many ways.»5 D'ailleurs, la notion de retour à un équilibre rejoint la description que fait Gilles Clément du processus qu'entreprend le Tiers Paysage6. Indétermination programmatique : Situation incertaine d'un programme vis à vis d'un espace. Un exemple concret serait le Parc de la Villette, réalisé par Bernard Tschumi, dans lequel plusieurs programmes sont superimposés et créent un conglomérat de différentes activités sur un seul et même espace.
15
Körperlichkeit: nom.Trad.auteur. Issu de la tradition architecturale Allemande du XIXème siècle et début du XXème siècle, avec notamment des architectes comme Karl Friedrich Schinkel ou Peter Behrens. Se réfère au corps de l'architecture, à sa présence dans l'environnement. Traduit en français, cela donnerais Corporéité. Matta-clarckien: adj. déf. par l'auteur. tout élément issu d'un geste que l'ont peu retrouver dans l'œuvre de Gordon Matta-Clark, à savoir, l'arrachement, la découpe, la rupture, etc... Pérénnisation: nom. f. Action de pérénniser7. Peribolos: «nom c. Une enceinte, un mur ou colonnade autour d’un ancien temple Grec (ou Romain) ou espace sacré, l’espace sacré étant enfermé. Parfois, il peut s’agir d'un mur formant une enceinte.8» Dans le cadre de ce mémoire, Peribolos se référe à l’enceinte naturelle ou artificielle qui sépare le site abandonné du reste du tissu urbain ou rural. Smithsonien: adj. [déf. par l'auteur]. se dit de tout élément issu de l'univers créatif que l'on peut retrouver dans l'œuvre de Robert Smithson, à savoir, les "Monuments de Passaic", les "Ruins in reverse", les "Earthworks", etc... Tempus Fugit: effet du passage du temps sur les éléments architectoniques et sur la nature. Terrain vague: l'espace urbain abandonné au sein duquel se situe l'architecture de l'abandon. Trippae : du latin vulgaire, trippes. Dans ce mémoire, Trippae se réfère à l'élément d'architecture qui apparaît sur la section d'un mur, lors de la destruction de ce dernier. 7. Dictionnaire Larousse, en ligne, URL: https://www.
larousse.fr/dictionnaires/francais/ p%C3%A9rennisation/59481,
Consulté le 10.07.2018 8. Trad.auteur. English Oxford Dictionaries, URL: https:// en.oxforddictionaries.com/definition/ peribolos, Consulté
16
03.06.2018
Introduction
Solares y escombrerasa, antécédents a. Trad.auteur. Terrains à batir et dépotoirs. 9. Athmosphères, ZUMTHOR Peter, Birkhäuser, Basel 2006, p.11 10. Le numéro 0 de la revue Solares y Escombreras (Fire Drill Ediciones, 2017) a été développée dans le cadre d'un séminaire de Conception Graphique Expérimentale organisé par le professeur Paco de la Torre dans le Master en Conception et Illustration de l'Université Polytechnique de Valence (Espagne), en 2016-2017. 11. Arquitectura del abandono. El sentimiento escombrero, BARBERÁ RAMALLO Tomás, Solares y Escombreras, Numéro 0, Fire Drill Ediciones, Valencia, 2017.
Ce mémoire est une tentative de formalisation du chemin de pensée qui m'a conduit tout au long de ces cinq dernières années à ce que j'appelle provisoirement l’architecture de l’abandon. Depuis le début de mes études d’architecture les espaces abandonnés ont suscité mon intérêt. Lors de mes dérives urbaines j'ai commencé à sentir comme une énergie ou une atmosphère particulière qui se dégageait de certains bâtiments. Ces premières impressions correspondaient, me semble-t-il, à ce que Peter Zumthor exprime lorsqu'il dit que “a building manages to move me” 9. Au début, ma démarche était intuitive. Je me limitais à photographier ces espaces. En été 2015, lors d’une discussion avec Paco de la Torre et Adolfo Barberá autour de l'idée de lancer une revue multidisciplinaire au sujet des espaces abandonnés et les terrains vagues10, j’ai proposé un texte11 qui se voulait
19
être une première réflexion au sujet de l’architecture de l’abandon. Mes lectures et mes explorations à l'époque (Zumthor, Robert Venturi & Denise Scott Brown, les bâtiments d’Alberto Campo Baeza, les 'monuments' de Robert Smithson12, les dérives londoniennes d'Iain Sinclair) se concentraient sur la recherches d'outils capables de m'aider à comprendre l’atmosphère de l’architecture de l'abandon.
12. A Tour of the Monuments of Passaic, SMITHSON Robert, 1967 13. Voir à ce sujet, Victor Turner and contemporary cultural performance, ST JOHN Graham (ed.), Berghahn Books, New YorkOxford, 2008
Les éléments de l'architecture de l'abandon Les premières ébauches de ma réflexion portaient sur une description des éléments d’architecture qu’à l’époque m’avaient paru être munis d’une force particulière dans le façonnement de l’identité des espaces abandonnés: la notion d'interdit; les usagers de ces espaces; un début d'analyse et de décomposition des éléments architectoniques de l’abandon tels que la notion de limite (ou d'entre-deux ou d'espace liminal13) ainsi que les thème de la décrépitude, du craquèlement, des fissures sur un mur, du papier peint qui se déchire. En guise de conclusion, dans ce premier texte, il y avait une liste de films, de livres, des jeux-vidéo et d'œuvres d'art qui ont un lien avec les espaces abandonnés. D'une certaine manière, j'avais déjà une conscience que l'architecture de l'abandon avait une présence très importante dans beaucoup de domaines, sauf précisément dans celui de l'architecture14. Bien entendu, ces espaces n'ont pas échappé à l'attention des architectes ou des urbanistes. Bernardo Secchi affirme que la ville contemporaine semble opposer une fière résistance à la description15, étant donné qu'elle est «[...] comme un amalgame confus de fragments hétérogènes, dans lequel on ne peut reconnaitre aucune règle d’ordre, aucun principe de rationalité capable de la rendre intélligible.16». La ville contemporaine regorge d’un ensemble de ces fragments improductifs, à l’écart de l'activité de la ville17. Ces espaces apparaissent, selon Gilles Clément du fait que «tout aménagement génère un délaissé» [...]; «Des lieux apparemment oubliées où
20
14. En effet, des recherches sur des sujets connexes, vus du point de vue d’autres disciplines: -Manufactured Sites: Rethinking post-industrial landscape KIRKWOOD Niall. The Post-industrial Landscape as Site for Creative Practice HEENEY Gwen -SinergiCity: Reinventing the Postindustrial City, HARDIN KAPP Paul, J. AMSTRONG Paul, University of Illinois Press, Chicago, 2012. -Threats and hopes for abandoned buildings in Berlin: an urban exploration approach, ARBOLEDA Pablo (2017), URBS. Revista de Estudios Urbanos y Ciencias Sociales, 7(1), 41-55. URL : http://www2.ual.es/ urbs/index.php/urbs/article/view/ arboleda_pablo.
-Place Hacking : Tales of Urban Exploration, GARRETT Bradley (2012), Thèse de doctorat en géographie, Royal Holloway, University of London. -Géographies, géographes et émotions, GUINARD Pauline et TRATNJEK Bénédicte, , Carnets de géographes [En ligne], 9 | 2016, mis en ligne le 30 novembre 2016, consulté le 20 juillet 2018 URL : http:// journals.openedition.org/ cdg/605
15. Première leçon d’urbanisme, SECCHI Bernardo, Parenthèses, Paris, 2000, p69 16. Première leçon d’urbanisme, SECCHI Bernardo, Parenthèses, Paris, 2000, p70
la mémoire du passé parait prédominer sur le présent. Des lieux obsolètes dans lesquels seuls quelques valeurs résiduelles paraissent se maintenir en dépit de leur complète désaffection de l’activité de la ville. Ce sont, en définitive, des lieux externes, étranges, qui restent en dehors des circuits, des structures productives. [...] Leurs limites manquent d’une incorporation efficace, ce sont des îles intérieures vidées d’activitée.»18
17. Trad.auteur. Terrain Vague, SOLÀ MORALES Ignasi, dans Naturaleza y Artificio, ÁBALOS Iñaki, Gustavo Gili, SL, Barcelona, 2009, p127 18. Manifeste du Tiers Paysage, Gilles Clément, License libre, 2004, p.5 19. Manifeste du Tiers Paysage, Gilles Clément, License libre, 2004, p.3 20. Manifeste du Tiers Paysage, Gilles Clément, License libre, 2004, p.8 21. Trad.auteur. Presente y futuros, SOLÀ MORALES Ignasi, La arquitectura en las ciudades, Barcelona, 1996, p21 22. Voir sur ce sujet le travail d’Aude Le Gallou, qui poursuit un doctorat à l’Université Paris I sur le sujet : De l’exploration urbaine au tourisme de ruines: imaginaires, pratiques et valorisations touristiques des espaces urbains abandonnés. Approche géographique à partir des cas de Berlin et Détroit, Université Paris 1, 2018, URL: http://www.geographie.
Bernardo Secchi utilise le terme 'enclave' pour se référer à ces lieux décousus du tissu urbain. Pour Secchi, l'enclave propose un espace d’inclusion au sein de l’exclusion urbaine, un lieu qui «accueille une diversité»19. Gilles Clément parle aussi de diversité, mais cette diversité est prédiquée de la 'nature'20. Toutefois, si l'on transpose le concept de diversité de Clément aux terrains vagues de la ville, on peut soutenir qu’en plus de permettre une diversité au niveau du Tiers Paysage, ces terrains vagues favorisent aussi une diversité architecturale et une diversité d’usages. Ces espaces alternatifs, ou espaces 'autres' offrent un cadre à l'habitation illégale ou alégale, aux performances et raves, aux graphs ou à l'airsoft, entre autres21. La marchandisation de la ruine Outre un début de “taxonomie”, ce premier texte était aussi une mise en garde contre les tendances à la patrimonialisation et l'esthétisation des espaces abandonnées. Ces tendances se manifestent dernièrement, entre autres, dans le développement d'un tourisme des ruines post-industrielles et de ce qu'on appelle "ruin porn"22. Un exemple de cette commercialisation de l'image post-industriel est ce que disent les photographes Yves Marchand et Romain Meffre à propos de leur travail autour de Detroit, un des hauts lieux mondiaux des ruines post-industrielles: «the city's ruins are not isolated details in the urban environment. They have become a natural component of the landscape. Detroit presents all archetypal buildings of an American city in a state of mummification. Its splendid decaying monuments are, no
ens.fr/IMG/pdf/cr_ge_ographie_des_ emotions_-_se_ance_1_-_relu_alg.pdf,
consulté le 03/04/2018
21
less than the Pyramids of Egypt, the Coliseum of Rome, or the Acropolis in Athens, remnants of the passing of a great Empire.»23. Une architecture sans architecte Une considération qui a marqué mon questionnement initial est l'idée que l’architecture de l’abandon est une architecture sans architecte, une architecture qui se fait seule, façonnée par les multiples acteurs et facteurs qui sont à l'œuvre au long du temps d’abandon. L'idée d'une architecture sans architecte a été inspirée entre autres par les réflexions de Bernard Rudofsky24 et par mon séjour à Ciudad Abierta Amereidab, au Chili, en 2016. Le texte que j'ai rédigé en 2016 cherchait à énoncer quelles étaient les qualités architecturales qui – en absence d'architecte, c'est-à-dire d'un créateur d'ordre – réussissaient parfois à renforcer l’atmosphère d’un espace. Il s'agit d'une problématique semblable a celle qu’énonce Zumthor dans son livre Athmospheres: «[...] Quality architecture to me is when a building manages to move me. What on earth is it that moves me? How can I get it into my own work? How could I design something like the room in that photograph - one of my favourite icons, a building I have never seen, in fact I think it no longer exists - a bulding I just love looking at. How do people design things with such a beautiful, natural presence, things that move me every single time. One word for it is athmosphere. [...]»25 Par ailleurs, le désir d’approfondir l’analyse sur les qualités des espaces abandonnés m'était venue d'une manière similaire à celle de Zumthor, lorsque je regardais une des dernières scènes de Stalker26, dans laquelle trois personnages sont assis au milieu d’une pièce avec le plafond détruit, parlant, pendant qu’il pleut à l’intérieur. J'ai eu une envie soudaine de refaire un espace avec des qualités similaires à celles de la pièce qui apparaît dans le film de Tarkovsky.
22
23. The ruins of Detroit, MARCHAND Yves et MEFFRE Romain, Steidl, Göttingen, 2010. Les grands villes industrielles de l'Europe et de l'Amérique du Nord ont connu un déclin depuis un demi siècle, bien avant le dernier coup de la grande crise de 2008. Le processus est bien connu: avec la globalisation et les chocs technologiques, les industries manufacturières ont délocalisé leur production vers des pays à bas salaire, spécialement la Chine. Charleroi ou Detroit, Vilvoorde ou Pittsburgh, Toronto ou le bassin de la Rurh en Rhénanie-Westphalie, ont connu ce processus selon des diverses déclinaisons, dans les années 70 (Pittsburgh), 80 (Charleroi) ou plus récemment (Detroit). 24. Architecture Without Architects: A Short Introduction to Non-Pedigreed Architecture, RUDOFSKY Bernard , University of New Mexico Press, 1987 b. Ciudad Abierta, Amereida est un terrain d’experimentation architecturale de l’Universidad Pontificia de Valparaíso situé dans le secteur Punta de Piedra, à Quintero, dans le nord de Valparaíso (Chili) 25. Athmospheres, ZUMTHOR Peter, Birkhäuser, Basel 2006, p11. 26. Stalker, TARKOVSKI Andreï, Mosfilm, 1979, 2h 13m 50s - 2h 17m 39s
Image 1. Photogramme de Stalker, TARKOVSKI Andreï, Mosfilm, 1979, 2h15m33s
Des à présent il est important d’annoncer que ce mémoire s’aligne sur le ton que l’on peut retrouver dans des textes comme “The feeling of things” d'Adam Caruso. «I think that the most significant writing by architects has been developed in parallel to their work and practice. [...] Adolf Loos is my exemplar in this respect, with his writings and his buildings seeking to define the role of architecture at the beginning of the twentieth Century at the same time as providing a barbed critique of the madness around him.»27
27. The feeling of things, Adam caruso, ediciones polígrafa, Barcelona, 2008, 4ème de couverture c. Interventions avec le collectif Peachlab entre 2016-2018, dans les sites de Delva, Forte Taille et la Blasse Kalash. 28. Trad.auteur. Terrain Vague, SOLÀ MORALES Ignasi, dans Naturaleza y Artificio, ÁBALOS Iñaki, Gustavo Gili, SL, Barcelona, 2009, p127
Bien entendu je ne dispose pas d’une pratique architecturale construite comme A. Caruso. En revanche je lis ce qu'il appelle pratique architecturale, comme les projets que j’ai pu faire, les espaces abandonnés que j’ai pu voir et les interventionsc que j’ai pu faire dans ces espaces. En définitive je lis son approche comme le fait d’appuyer l’écrit sur les expériences que l’on fait du réel. Méthodologie «La représentation de la ville dans les différents médias a trouvé depuis ses origines un instrument privilégié: la photographie.»28
23
La méthodologie de la recherche a été axée dans un premier moment sur l'utilisation de l'outil photographique. Le travail de terrain lors des cinq dernières années s’est voulu aussi exhaustif que possible, portant sur les éléments de l'architecture de l’abandon, qui ont été répertoriés dans un atlas comportant des images tirées de mes expériences personnelles dans les espaces abandonnés. Avec le temps, cet atlas est devenu mon journal de bord, aux côtés de mes cahiers de dessin. Ces photographies permettent grâce à l’ordre chronologique/géographique, dans leur dossier respectif, de retracer mentalement l’expérience vécue sur les sites; elles n’ont pas été prises dans le but de créer une série ni une étude. Ce travail de terrain s'est ouvert ensuite sur une investigation photographique, à savoir un travail de compilation, de classification et de recadrage des photos prises pendant l’exploration d’espaces abandonnés. En effet, le matériel photographique brut contient une grande quantité d’informations qui brouille une possible lecture d’ensemble, d'autant plus que les photographies n'ont pas été prises avec l’intention d’être une œuvre à part entière ou une pièce finie, mais un document qui enregistre. Du travail de classement se sont dégagées des possibles hypothèses d'étude, qui ont été soumises à un travail ultérieur de recadrage et de "photographie de la photographie", à l'instar du travail de Jon Rafman29, lorsqu’il se sert de photographies prise par le robot de Google Street View, qu'il soumet par la suite à différents traitements, tel que le zoom, le changement de cadrage et la modification des couleurs: «There is a tension between the indifferent robotic camera, and the human gaze that sees meaning and interprets narratives in these images.»30 Inévitablement ce recadrage fait penser à la technique utilisée par le photographe dans “Blow-Up”31, le célèbre
24
29. The Nine Eyes of Google Street View, RAFMAN Jon, IMG MGMT, 12/08/2009, URL: http://artfcity.com/2009/08/12/ img-mgmt-the-nine-eyes-of-googlestreet-view/
30. Poaching Memories from Google’s Wandering Eye, STALEY Willy, 16/12/2013, New York Times, URL: https://6thfloor.blogs. nytimes.com/2013/12/16/poachingmemories-from-googles-wanderingeye/?_r=0
31. Blow Up, ANTONIONI Michelangelo, Carlo Ponti, 1966
film d'Antonioni32, lors d’un travail de développement photographique. Au fur et à mesure que le travail avance, le photographe aperçoit un détail perturbateur sur une de ses photos – un pistolet qui s’avère être un élément essentiel de la trame narrative. Cette technique qui consiste à étudier le détail pour comprendre l’ensemble a été décrite par Kenneth Clark dans les termes suivants: «Identifiés et isolés, ces détails donnent à voir au lecteur les “récompenses” promises à celui qui “scrute patiemment” la peinture. [...] L’impression totale d’une œuvre d’art est construite d’une foule de sensations, d’analogies, de souvenirs et de pensées diverses - certaines sont manifestes, beaucoup cachées, quelques-unes analysables, la plupart au-delà de l’analyse.»33
Image 2. Espace de travail, mur d'affichage
L'analyse des images photographiques, le zoom, le recadrage permet de plonger dans l’architectonique et en particulier d'étudier l’architectonique de ce type d’espace générique34. L’espace de travail – un sous-sol avec une illumination naturelle zénithale – m'a permis d'afficher l'entièreté des clichés sur le mur dans le but de voir quel était le meilleur cadrage et de faire ressortir un maximum de sujets dans l’investigation photographique (image 2).
32. d'après la nouvelle: Las babas del diablo, dans Las armas secretas CORTÁZAR Julio, Editorial Sudamericana, 1959 33. Le Détail, Daniel Arasse citant Kenneth Clark, Flammarion, 2008, p.6 34. Trad.auteur. Presente y futuros, SOLÀ MORALES Ignasi, La arquitectura en las ciudades, Barcelona, 1996, p21
25
De plus, le recadrage s'est fait à chaque fois avec un format vertical 3:4 dans le but d’ôter tout caractère d’objet unique aux photographies, ce qui facilite leur meilleure intégration dans l'investigation photographique. Ce travail a permis rapidement de commencer à établir les différentes typologies des sujets ou d'éléments que l’on peut retrouver dans les espaces abandonnés. Onze tableaux de neuf images ont ainsi été élaborésd. Ils constituent l'investigation photographique. Les tableaux, en tant qu'outil de réflexion, ont cependant très vite montré leur limite lorsqu’il a fallu développer la réflexion architectonique. Premièrement, des nombreux éléments issus des tableaux étaient interconnectés et partageaient certaines thématiques entre-eux. Or, j'ai pu observer que la méthode de classification des éléments, par le biais des photographies et leur recadrage, révélait un intérêt porté sur les aspects formels, ainsi que sur la concordance et la proximité des éléments, d’un point de vue purement visuel - plutôt que sur l’idée sous-jacente aux éléments photographiés. Par exemple, le tableau III "Corps vs. Nature" est visuellement homogène et mono-thématique. Or, l'examen et l'analyse prolongée des images photographiques a montré que des liens entre différents types d’éléments n’appartenant pas au même tableau étaient possibles. Par exemple, le phénomène de l’eau qui inonde un espace et le phénomène de la végétation qui envahit un bâtiment ont en commun qu'ils cachent une partie du bâtiment à la vue du spectateur. Deuxièmement, le travail de zoom sur les éléments de l’investigation photographique (l’effet Blow-Up35) ne permet pas d’abstraire complètement l’élément principal. Le regard se distrait et aperçoit d’autres éléments en plus de celui qui est visé par la réflexion générale comme, par exemple l'image 7 Tableau II, (image 3) qui est déjà zoomée et recadrée, et dans laquelle on aperçoit plusieurs
26
d. Voir l'investigation photographique, p33-55 35. Blow Up, ANTONIONI Michelangelo, Carlo Ponti, 1966
Image 3. image 7 Tableau II, confondant trois éléments: murage, peinture de finition et Asper-Lenis.
éléments appartenant à différentes tableaux: murage, peinture de finition et Asper-Lenis. L’inflexibilité imposée par la classification faite dans les tableaux ne permettait ni d'isoler les différents éléments, ni de les analyser entre eux.
C'est ici que le dessin s’est révélé être l’outil à penser et à chercher par excellence. Il permet d'intégrer plusieurs typologies d’objets présents dans les tableaux sous une seule et unique thématique. Ils s’en est donc suivi un travail de dessin dans le carnet de croquis. Immédiatement il a été possible de questionner ces éléments et de trouver des liens entre eux, mais aussi comme le note Pierre-Marc de Biasi «La pensée-dessin ne consiste pas à traduire ou à transposer des concepts spatiaux en formes dessinées, mais à manipuler le médium graphique comme expression immédiate de la
27
conscience des formes, avec, dans l’exercice psychomoteur du dessin, un investissement imaginaire du corps qui se trouve comme projeté tout entier dans l’espace de la représentation et peut s’y déplacer librement.»36
Image 4. Espace de travail, mur d'affichage
Le dessin sert alors à penser et à chercher, il est un outil de connaissance. Le travail de dessin a commencé par une compilation exhaustive d’éléments de l’architecture de l’abandon et de leurs connexions (image 4). Dans les premiers dessins, il y a eu un travail de cadrage et une réflexion sur la distance à laquelle on se situe par rapport à l’objet représenté. Pendant le déroulement de ce travail, j'ai entrepris une approche par l'écriture des thèmes reliant les différents dessins. Les trois dimensions de l’architecture de l’abandon se sont dégagées au cours de cette recherche par le dessin et l'écriture.
Les trois dimensions de l’architecture de l’abandon constituent le corps central de ce mémoire. Les esquisses réalisées pour chaque dimension ont été harmonisées, y compris là où elles portaient sur des éléments appartenant à différents tableaux de l’investigation photographique. Le travail de dessin a permis de garder le même point de vue dans la représentation de ces entités pour chaque dimension. C’est pourquoi on retrouve le dessin de façade pour la première dimension, le dessin en axonométrie de
28
36. Le dessin de l’architecture et la genèse de l’œuvre, DE BIASI Pierre-Marc, Livraisons de l'histoire de l'architecture [Online], 30, 2015, 18/10/2017, consulté, 20/07/2018. URL : http://
journals.openedition.org/lha/555 ; DOI : 10.4000/lha.555
Pour Biasi, la «pensée-dessin» doit être pensée comme unité originairement synthétique du geste graphique (outil) et de la proposition esthétique (œuvre) développée en tant que processus.
plan/de façade (perspective chevalière de plan et façade) pour la deuxième dimension, et le dessin en plan pour la troisième dimension. Ce choix de point de vue permet, visuellement et conceptuellement, de mettre sur un même plan les différents éléments des différents tableaux de l’investigation photographique. Il est donc important de considérer ce travail comme une dialectique de deux médiums différents qui ont chacun permis d’aborder d'une manière symbiotique le développement du sujet de l’architecture de l’abandon. La discussion des trois dimensions permettra d'asseoir les bases pour le développement d’une discussion autour du potentiel des espaces abandonnés, illustrée avec des exemples tirés de projets personnels.
29
investigation photographique XI tableaux , 9 photos
grillage
Grillage à double torsion, grille, barrière Heras, pics, barbellés: grillage mis en place par un propriétaire ou toute autorité détenant un pouvoir sur le terrain vague, afin de défendre d'entrée toute personne externe. Mis en place pour protéger le site et les biens qui s'y trouvent.
34
I
murage
Murage, blocs de béton céllulaire, parpaing, briques de gros œuvre ou plaques d'OSB. Acte de murer, boucher un jour dans un mur pour préserver le batiment et les biens à l'interieur de toute dégradation. De plus le murage prévient l'entrée de personnes pouvant se blesser.
36
II
corps vs nature
Contraste créé par l'opposition d'un corps bâti, un "volume simple" corbuséen, à la nature envahissante d'une friche, couvrant partiellement le volume.
38
III
inondation
Inondation, infiltration, précipitation, eau, miroir: Lors de fortes ou constantes précipitations, l'eau inonde un espace face à l'incapacité du sol d'absorber l'eau de pluie et la restituer dans la nappe phréatique.
40
IV
jour
Jour, Apertio, cassure, dégradation: un jour se créé lors de la dégradation ou destruction partielle de la structure ou enveloppe d'un bâtiment, permettant de nouvelles vues et lumières.
42
V
Asper Lenis I
Ecaillement d'enduit, arrachement d'isolant, déchirement de bâches, décollement de papier peint, humidité, infiltration, moisissure, Trippae
44
VI
Asper Lenis II
Ecaillement d'enduit, arrachement d'isolant, déchirement de bâches, décollement de papier peint, humidité, infiltration, moisissure, Trippae
46
VII
peinture de finition
Couche de peinture appliquée sur une surface une fois que le gros œuvre est finalisé
48
VIII
mobilier S
Mobilier, objet perdu, oubliĂŠ, abandonĂŠ
50
IX
mobilier L
Mobilier, objet perdu, oubliĂŠ, abandonĂŠ
52
X
le rapport au corps
L'être humain vit l'espace abandonné différemment que l'espace quotidien. Une tension, une curiosité, une pulsion l'animent. La transgression, l'interdit d'un côté et la recherche d'un espace de libre appropriation, d'à-bandon.
54
BIS
à-bandon, ethymologie
L’espace abandonnée offre un cadre solide pour l’appropriation libre. D’ailleurs cette appropriation est une des notions intrinsèques de l’espace abandonné. Si l’on se réfère à l’étymologie du mot abandon: Abandon, qui vient du Vieux Français (environ XIII ème siècle ap. J.-C.) à-bandon, à bandun, voulait dire «à permission»37, d’une loi feudal du XIIIème siècle, «mettre sa forest à bandon» ; «mettre sa forêt à permission»38. Bandon veut dire aussi pouvoir, jurisdicion, du latin Bannum, «proclamation», qui vient du protogermanique Bannan, «proclamer». Et si nous remontons d’avantage nous arrivons au mot «bha» du proto indo européen qui veut dire, parler, pronocer39. 37. Trad.auteur. abandon, URL:https://www.etymonline.
com/word/abandon, consulté
15.02.2017
le
38. Ibid. 39. Trad.auteur. bha, Online Etymology Dictionary,
Dans cet mémoire, l’espace abandonné est vu comme l’indique sa première étymologie citée, un espace mis à permission. Dans des termes plus contemporains, on pourrait parler d'espaces à libre appropriation, que ce soit par la nature, les usagers, le temps.
URL:https://www.etymonline. com/word/*bha-,
15.12.2017
consulté le
59
le temps
«Ces œuvres ont été composées par le temps et fabriquées par la nature.»40 40. Entwined Series, Akay et Olabo, 2018)
L’architecture de l’abandon est une architecture où le temps est architecte. Le temps – le temps de l'entropie41 – est le fil conducteur des thèmes développées dans les trois chapitres consacrés aux dimensions de l'architecture de l'abandon. L’architecture se dégrade, créant l’incomplet jusqu’au stade ultime: la disparition ou le retour à la nature, à un équilibre42.
41.Robert Smithson: The Collected Writings, FLAM Jack, University of California Press, 1996 p.301 42. Manifeste du Tiers Paysage, CLEMENT Gilles, License libre, 2004, p.4 43. Trad. A. Los diez libros de Arquitectura, VITRUVE Marcus Pollio, Alianza Editorial, Madrid, 1995, p.70-71
L’ensemble des ornements qui ont été examinés magnifient le passage du temps. Au lieux de s'adresser à un divinité –comme le décrit Vitruve43 –, dans l'architecture de l'abandon, l’ornement est là pour magnifier le temps, son créateur. «On dit que la découverte du chapiteau corinthien fut ainsi: une jeune fille de Corinthe, de l’âge à pouvoir se marier, est décédée à cause d’une maladie. Après les funérailles , sa nourrice ramassa des verresx que la jeune fille aimait beaucoup quand elle était encore en vie
61
et les mis ensemble dans un petit panier en osier, quelle emmena à son sépulcre; elle les déposa sur la tombe et les couvra avec des tuiles dans le but qu’ils se maintiennent en parfait état. Elle avait posé par hasard le panier sur des racines d’acanthe. A l'arrivée du printemps, les racines d’acanthe, compressées par le poids, répandirent leurs feuilles autour du panier, en formant des courbures et volutes dans ses extrémitées.»44 Bien que cet extrait soit de l’ordre de la légende, et qu’il soit illustré par Claude Perrault (image 5) dans un univers bucolique dans lequel la ruine est présente, ce passage est très représentatif de l’idée fondamentale des Dix livres de l’Architecture. Les Dix livres, rappellent à l'architecte du XXIème siècle l'importance du monde qui nous entoure. Les préceptes avancés par Vitruve basent la pratique architecturale sur des connaissances théoriques45, mais surtout sur la connaissance de l'environnement, des phénomènes naturels: la climatologie selon les régions46, l'importance des vents dans le choix du positionnement des rues47, l'orientation du bâtiment par rapport au soleil48 et aux étoiles49, la lecture des constellations50 ou la recherche de l'eau51. En définitive, il base - en partie - la pratique architecturale sur l'empirisme, sur la nécessité de prendre du temps pour observer ce qui nous entoure et tenir compte de tous les phénomènes. Vitruve propose une temporalité lente à l'architecte du XXIème siècle.
44. Trad. A. Los diez libros de Arquitectura, VITRUVE Marcus Pollio, Alianza Editorial, Madrid, 1995, p.162 45. Ibid. p.59 46. Ibid. p.229 47. Ibid. p.81 48. Ibid. p.230 49. Ibid. p.175 50. Ibid. p.341-343 51. Ibid. p.229
62
Image 5. L'invention de l'ordre Corinthien, PERRAULT Claude, dans Les Dix livres d'architecture de Vitruve, Paris, 1684, URL: http://www.wikiwand.com/en/Corinthian_order, consultĂŠ 24/09/2017
Les trois dimensions de l’abandon
65
Surface 1
66
1ère Dimension - la surface
«The most architectural thing about this building [Villa Savoie] is the state of decay in which it is.»52 52.
Advertising for Architecture, TSCHUMI Bernard, 1976
La première dimension englobe tous les phénomènes qui ont lieu sur les surfaces de l’architecture pendant l’abandon. La première dimension permet de créer un lien entre plusieurs phénomènes de nature différente : l’arrachement, le décollement, le graffiti, le murage, les réparations de grillages, etc... par le résultat qu’ils produisent sur une surface, à savoir un ensemble de plusieurs couches superposées. Les dessins qui accompagnent la réflexion représentent ces différentes couches, en élévation, superposées à l’aide d’un travail de textures pour les mettre en valeur. Les éléments que nous allons détailler dès à présent sont le résultat d’un processus de : Superposition Soustraction Juxtaposition
67
Le papier peint ou l’Asper-Lenis
Image 6. Détail: Chambre funéraire voisine de celles de la gens Arruntia, 1756
Dans un des bâtiments de la cité Forte Taille, le papier peint se décolle des murs suivant un lent processus de soustraction de matière. Ce décollement a la capacité de révéler une multitude de strates invisibles lorsqu’il n’était pas encore à l’abandon. En se décollant, apparaissent les différentes couches de finition et le grosœuvre, qui composent le mur, créant un tableau abstrait de textures rugueuses et lisses. Chaque couche nous donne une information et témoigne du passage du temps, de l’histoire et des différentes couches archéologiques qui composent le site. Les couches apparaissent telles les layers d'Aten Reign de James Turrell53, montrant une épaisseur du temps mise à plat. Même si le déchirement du papier peint reste un traitement de surface, il va contribuer à construire l’atmosphère d’abandon générale de l’espace.
Le papier peint dégradé est l'ornement d’une surface, il compose l'espace à l’abandon. Cet ornement apparaît déjà dans les gravures de Piranesi54. La ruine est représentée à l’aide de fissures, de percements, d’écaillements,
68
53. Aten Reign, TURRELL James, Guggenheim Museum, New York, 2013 54. Piranesi, FICACCI Luigi, Taschen, Biblioteca Universalis, Köln, 2000
Surface 2.
69
Image 7. Détail: Ruine du cloître d'Eldena, Caspar David Friedrich, 1825
d’effondrements de murs (Image 6). Les dégradations des surfaces apparaissent sous forme d’un jour irrégulier et amorphe sur la couche de finition (surface 2), laissant entrevoir le squelette de la structure massive en maçonnerie de briques ou la surface brute du mur en pierre calcaire. La rugosité de la surface dégradée permet, à l’aide de la technique de la gravure, d’accentuer le sentiment de ruine, de délaissé. En effet, sur les plaques de gravure, la dégradation et la patine sont plus fortement grattés et absorbent plus d’encre que les surfaces lisses. L’effet de ruine est donc transmis au travers cet ornement, les fissures et les cassures, etc... Piranesi va utiliser cet ornement que nous allons appeler Asper-Lenise pour agrémenter les surfaces lisses des volumes simples de ces aspérités, leur donnant une complexité au niveau de la surface.
Presque un siècle plus tard, Caspar David Friedrich cherche à donner plus d’expressivité à cet ornement des surfaces en travaillant le jeu de couleurs et la texture du rugueux. Dans la Ruine du cloître de Eldena (Image 7), la couleur rouge des briques du gros œuvre émerge à la e. se référer aux définitions p.15-16
70
Image 8. Détail: L’île noire, Tintin, Hergé, Casterma, 1938, image utilisée à titre éducatif
surface de l’enduit qui recouvre l’entièreté du bâtiment. En même temps, en se servant de la technique de l’huile sur toile, le peintre peut jouer avec des dégradées de rouge qui sont les sédiments des briques qui ont coulé sur l’enduit blanc, donnant ainsi plus de patine à la surface. Ce processus lui permet d’accentuer d’avantage l'AsperLenis. On remarque, dans le tableau de Friedrich, une attention similaire à celle de Piranesi dans le travail des Trippaef, qui montre l’écroulement des briques qui se détachent du mortier. La quantité de détails des Trippae dans les œuvres des deux artistes permet de mettre plus d’emphase sur les parties à l’abandon.
f. se référer aux définitions p.10 55. Ruin Lust, DILLON Brian, Ruins of the 20th Century 19 Février 2012, https:// briangdillon.wordpress. com/2012/02/19/ruin-lust/, consulté le 02/04/2016
Même si pour certains critiques d’art55, le “Ruin Lust” de l’art européen atteint son apogée au XVIIIème siècle, la représentation de la ruine au XXème siècle s’est diversifiée suivant les différents supports et les différents sujets auxquels elle s’est prêtée comme décor. L’ornement Asper-Lenis s’est adapté aux différents supports. Dans le monde de la bande dessinée, on retrouve l’écaillement de l’enduit des gravures de Piranesi caricaturé sur le Château de Lochranza de l’Ile Noire56 (Image 8), où l’ornement
56. L’île noire, Tintin, Hergé, Casterman, 1938
71
Image 9. Détail: photogramme de Deutschland im Jahre Null, ROSSELLINI Roberto, FSK, 1948
un «ce que
est rendu en représentant de loin des petits traits de brique qui assombrissent la surface et lui donnent une texture de ruine.
Quelques années plus tard, après la deuxième guerre mondiale, l’Europe voit naître un nouveau genre de cinéma, qui fait le portrait de l’après-guerre, en particulier en Allemagne, avec les “ruin films” ("Trümmerfilm")57. Deutschland im Jahr Null se passe dans un Berlin détruit où l’ornement, filmé en contreplongée sous le regard d’un Trümmerkindg, est utilisé avec une volonté de produire un effet dramatique (Image 9). Le jeu de chiaroscuro mis en scène dans ce film accentue les détails de l'Asper-Lenis, qui dans ce casci, révèlent les destructions de la guerre. Il ne s'agit plus d'une dégradation romantique des ruines du XIXème siècle provoquée essentiellement par l'action de la nature dans le temps, mais de la destruction causée par la déflagration des bombes. 57. Deutschland im Jahre Null, ROSSELLINI Roberto, FSK, 1948
Stalker développe d’avantage cet aspect dramatique de l’ornement, en l’assombrissant. Dans l'arrière-plan de la
g. Trad. Allemand, enfant des décombres
72
Image 10, Detail: Photogramme de Stalker, TARKOVSKI Andreï, Mosfilm, 1979, 2h15m33s
plupart des scènes, il y a un mélange de dégradation de la surface et de croissance de tous types de champignons, lichens et "mauvaises herbes", se mélangeant à une sorte de texture d’isolant de laine de roche. Il y a une volonté de rendre cet ornement très plastique en se rapprochant d'une esthétique de la laideur58.
Stalker représente l’ornement de la manière la plus proche de l’esthétique actuelle de l’abandon (Image 10). Il s'agit d'un ornement qui évoque directement la crise et le déclin industriel. Ce dernier va devenir une réelle source d'inspiration pour la création artistique dans des différents domaines. Le papier peint (Surface 1) ainsi que les exemples détaillés précédemment, qui se réfèrent à l’histoire de l’art, ainsi que l’enduit qui s’écaille sur les murs du Cortijo de los Frailes (Surface 2), appartiennent au processus de soustraction de la matière de la surface, dont le résultat est un effet Asper-Lenis.
58. The Ugly (part I), COUSINS Mark, AA files. No28, London, p.62
73
Il existe certains ornements produisant un effet Asper-Lenis qui sont le résultat d'une superposition de sédiments. C’est le cas d’un des exemples cités précédemment: l’écoulement de sédiments de la brique sur les murs enduits en blanc dans la Ruine du cloître de Eldena. Nous retrouvons des ornements par superposition (Surface 3) dans de nombreux sites abandonnés explorés, comme par exemple le Cortijo de los Frailes (Tableau VII, photo 5). Les égouttoirs du couloir Nord des Termes de Vals de Peter Zumthor, introduisent la notion de permanence dans le projet. Il s'agit d'une formalisation architecturale de ce que l’on retrouve dans les espaces abandonnés, à savoir une sédimentation des substrats qui s’accumulent sur une surface, créant ainsi l'ornement de la permanence. La permanence est comprise ici dans les termes de David Dernie et Jacopo Gaspari à propos du projet de Peter Märkli pour le Museo La Congiunta à Giornico: «[...] the gray mass also is like geological form, like a massive stone formation at the scale of the landscape. It has a presence that is both familiar and uncomfortable. The unease provokes a closer examination of the surfaces' patina, their markings and evidence of making.[...]»59 En quelque sorte, Peter Märkli réussit à mettre à l’abandon son projet d’un point de vue paysager. Le bâtiment, masse de béton sur le paysage, “rouille” peu à peu à l’aide d'une corniche métallique (non-traitée contre l'oxydation) et devient une masse homogène grâce à la rouille. C’est comme s’il avait programmé son architecture pour réagir face à l’abandon. Peinture de finitionh Nous allons dès à présent analyser les effets qu’ont ces ornements par superposition (Surface 4) sur l’espace, sur l’architecture et sur la perception de cet espace. Nous considérerons les peintures de finition sur les sites comme des ornements de peinture appliqués sur une surface
59. Material imagination in Architecture, DERNIE David et GASPARI Jacopo, Routledge, London, 2016, p. 80]
h. se référer aux définitions p.9
74
Surface 3
75
au début des dégradations du bâtiment. Nous allons déterminer les différentes fonctions que peuvent avoir les peintures de finitions qui comprennent généralement : les graphs, les tags, le street art, les fresques, etc… 1. L'échelle de la peinture. Comme dit précédemment, dans la cité Forte Taille on trouve une peinture d’un homme qui pleure (Tableau VIII, photo 9). La figure, de 4-5 m de haut, trône légèrement décalée sur l’axe de symétrie de la halle industrielle, créant un point d’inflexion60 sur la symétrie, et attirant le regard sur celleci. Tout comme l’homme qui pleure, le Pantocrator de la coupole du Teufelsberg (Tableau VIII, Photo 7), se superpose a la géométrie de la charpente métallique. La peinture a donc ici le même rôle ornemental que peuvent avoir les différentes mosaïques byzantines ou les fresques des églises des Pyrénées catalanes. De plus l’échelle du personnage biaise l’échelle du mur. L'espace gagne en amplitude en profondeur (voir comparaison des images 11 et 12). 2. Le rapport à la composition : On remarque dans certains cas, que le choix de l’artiste d’intervenir sur les surfaces d’espaces abandonnés va altérer la perception que nous pouvons avoir du tracé de composition de l’espace. Les murs de Delva ont souvent les colonnes structurelles qui y sont intégrés, montrant ainsi les travées qui autrefois portaient les poutres de dalle ou de toiture. Les artistes qui sont intervenus à Delva ont la plupart du temps respecté ces travées en ne superposant jamais leur œuvre à la trame de composition (sauf exception), et se limitant a intervenir sur l’entre-travée et sur la travée même. À Delva, ce rapport à la structure est magnifié sur l’un des murs avec l’inscription de grandes lettres sur l’entre-travée (Tableau VIII, Photo 2). Dans d’autres cas, l’intervention ne tient pas compte des travées structurantes de l’espace et se superpose sur toute la surface d’un mur, comprenant les colonnes, et tout autre élément structurant des travées, effaçant ainsi les lignes de composition qui marquent l’espace.
76
60. Nous référant à la théorie développée par Venturi dans, 2. Complexity and contradiction in architecture, VENTURI Robert, MOMA, New York, 1966, p.109
Image 11. Image d'origine Image 12. Image traitée. La fresque a été retirée; il y a moins de profondeur
Un exemple déjà mentionné est l’homme qui pleure, peint sur deux travées d’un mur d’environ 7 m de haut, en se superposant à la travée marquée par un contrefort. On peut aussi trouver des cas très spécifiques, où le graph, le tag ou autre, devient un élément appartenant complètement à l’ensemble de la composition. Un bon exemple pour illustrer ce phénomène est la peinture rupestre sur une tour le long du chemin de fer à Charleroi (Tableau VIII Photo 6). En effet l’inscription vient orner la couronne de cette tour avec sa couleur en contraste par rapport à l’ocre de l’enduit et avec ses grandes lettres qui renforce le couronnement, ce qui renforce à son
77
Surface 4
78
tour la composition tripartite de soubassement, piano nobile et couronnement du bâtiment. On peut voir des exemples similaires dans un des murs de Delva, dans lequel la quantité de tags entre la hauteur 0m-2,6m (la hauteur maximale pouvant être atteinte par un être humain debout sur le sol) est si significative, qu’elle couvre l’entièreté de la texture de brique du mur, faisant de cet ensemble un soubassement . À nouveau s’affirme une structure tripartite de soubassement (0-2,6 m, peintures rupestres), Piano Nobile (2,6-10 m, briques + des peintures objets) et de corniche (10-10,20 m, couronnement par l’ancienne plaque de zinc) (Tableau VIII, photos 2). 3. Le pouvoir de référence: Les peintures à l’extincteur de Delva, Métropole et Wanson (Tableau VIII, photos 1,2,3). Le mur devient le support pour tester des différentes techniques à très grande échelle et la signature acquiert la taille d’un panneau publicitaire d’autoroute. Un tel travail présent dans plusieurs endroits de la ville, crée un jeu de correspondance entre des lieux distants dans le tissu urbain. Un lieu cite l’autre, ce qui crée un lien imaginaire pour la personne qui arpente ces espaces. C’est le cas du “MAD” à Delva et ceux de Wanson. On retrouve cette idée de référencement et de repère urbain entre bâtiment, dans les Portes de Paris déssinées par Ledoux.
61. Robert Smithson: The Collected Writings, FLAM Jack, University of California Press, 1996, p.68-77
i. Delva est un site qui a subi plusieurs modifications fortes pendants sa période de mise à-bandon. Entre-autres la destruction des murs de la grande halle centrale
4. La ruine de peinture de finition: une fois la couche de finition appliquée, elle devient à son tour – suite à la dégradation – un élément de l’architecture de l’abandon, une espèce de "Ruin in Reverse"61. On retrouve très rarement, des cas où la peinture de finition est décomposée en morceaux. C’est le cas à Delva, lorsque certains murs ont été abattus et projetés à l’horizontale sur le sol, gardant les boutisses colorées à la verticale. Avec le temps et les autres destructions menées par les démolisseursi, il était possible de voir sur le site des morceaux de mur ayant appartenu à un ensemble de peinture de finition éparpillés sur des monticules de débris.
79
Surface 5
80
Surface 6
81
Peribolos Dans certains cas, le Peribolos présente des surfaces sur lesquel il y a eu un processus de superposition et juxtaposition. En effet lorsque l’enceinte d’un terrain abandonné est détériorée, le propriétaire essaye de la murer et de la clôturer en suivant différentes méthodes. Lorsqu’un bâtiment se trouve sur le Peribolos, comme c’est le cas du bâtiment Métropole à la limite du marais du Wiels, le propriétaire va entreprendre le murage complet du rez-de-chaussée pour prévenir l’entrée de toute personne étrangère au site. Ce murage va être réalisé souvent avec les matériaux les moins chers et les plus résistants. Dans le cas du Métropole, (Surface 6) le murage est composé d’une première couche de parpaings (pouvant être considérée comme le “gros œuvre du murement”) sur lequel viennent s’appuyer des plaques de polycarbonate, pour laisser passer la lumière sur l’interstice en haut des parpaings. Un soubassement en plaque de bois aggloméré est accroché au bas des parpaings pour permettre aux annonceurs d’afficher leur publicité. Ce pastiche introduit dans le bâtiment une notion de non-fini. Paradoxalement, le bâtiment qui pouvait être considéré comme une ruine devient à nouveau un chantier. On pourrait parler ainsi d’un effet Hotel-Palenque, d'après Robert Smithson: «[...] My feeling is that this hotel is built with the same spirit that the Mayans built their temples. Many of the temples changed their façades continually: there are sort of facades within facades overlapping facades, facades on facades. [...]»62 En effet, l’ajout que met en place le propriétaire sur sa façade, pour protéger son rez-de-chaussée, donne de nouvelles possibilités fonctionnelles au mur. De plus cette nouvelle façade réalisée dans l’urgence de protéger le site, a des qualités architecturales. La proportion de façade opaque vs. façade translucide en polycarbonate met en
62. Hotel Palenque, 1969-72, SMITHSON Robert, Insert for Parkett 43, 1995, pages non numérotées, URL: https://www.
parkettart.com/downloadable/download/ sample/sample_id/802
82
scène une lumière diffuse à l’intérieur du rez-de-chaussée. Lors du coucher de soleil, la lumière est tamisée par la double plaque de polycarbonate et plonge l’entièreté de l’espace dans une lumière orangée. Les plaques en bois aggloméré invitent les annonceurs à afficher leurs publicités, et par ce biais ils les intègrent inévitablement dans le processus de composition de la façade. Ceci met à jour un des principes de l’architecture de l’abandon, qu’est la rapidité avec laquelle les éléments qui la composent peuvent changer de fonction. La nouvelle façade remplit a elle seule trois fonctions que l’ancienne façade ne permettait pas: une entrée de lumière, une protection pour le site et un lieu d’affichage.
j. URBan EXploration: exploration urbaine
k. Généralement s'agissant de fragments de barières Heras, morceaux de barbellés ou tout autre type de grillage. 63. C'est-à-dire, le désordre tel que l'entends Robert Venturi lorsqu'il cite Henri Bergson, en disant (Trad. auteur): «le désordre est un ordre que nous ne pouvons pas voir» dans Learning from las Vegas, VENTURI Robert, SCOTT BROWN Denise, IZENOUR Steven, Gustavo Gili, Barcelona, 1977; la phrase originale de Bergson «le désordre est simplement l'ordre que nous ne cherchons pas» La conscience et la vie, le possible et le reel BERGSON Henri, Magnard, France 1990
Un cas similaire est celui du grillage de l’enceinte du Teufelsberg (Surface 7). Ce site a été pendant de longues années un lieu très prisé par les personnes pratiquant l'urbexj, et par conséquent a subi une forte pression au niveau de ses limites spatiales, avec un grand nombre de découpes sur le grillage originaire. Dans le but de défendre l’entrée au site, les différents propriétaires ont, à chaque fois, refermé ces points faibles à l’aide d’autres grillages de récupération, ainsi que des barbelés. Ce processus nous laisse aujourd'hui un patchwork de grillages de différentes tailles et géométries, greffés les uns sur les autres. Cette composition abstraite, devient à elle seule un élément d’architecture qui se situe à cheval de l’ornement et d'un grillage composé d’une multitudes de d'éléments d'orgines diversesk. Ornement et hasard Finalement, ce qui caractérise les éléments de l'architecture de cette 1ère dimension, c'est son caractère évolutif hasardeux. Au fur et à mesure que le temps passe l'architecture change d'aspect, conditionnée par les forces de la nature, par les décisions que peuvent faire les propriétaires, par l'imprévu. Si ces éléments contrastent fortement avec l'architecture façonné par l'architecte, c'est parce qu'ils suivent une logique du désordre63.
83
Volume 1
84
2ème Dimension - le volume
«maybe she is maybe she is not»65 64.Debris
l. Nom scientifique de l'espèce la plus répandue de mauvaises-herbes sur la dalle de Delva. 65. Manifeste du Tiers Paysage, CLÉMENT Gilles, License libre, 2004 66. Traduit de l’allemand, Körper, selon la tradition germanique de l’architecture en tant que corps, Über den Zusammenhang des baukünstlerischen Schaffens mit der Technik, dans Kongress für Ästhetik und Allgemeine Kunstwissenschaft Berlin 7.9. Octobre 1913, Stuttgart, 1914 p.257 67. Vers une architecture, LE CORBUSIER, Flamarion, Paris, 1995, p.15, ("lumière" a été remplacé par "nature"). 68. Vers une architecture, LE CORBUSIER, Flamarion, Paris, 1995, p.15
Slide, Pavement, 1991
Sonchus Asper L La deuxième dimension aborde principalement le rapport qu’entretiennent les éléments naturels, la végétation, l’eau ou, plus généralement, le tiers paysage65 avec le Corps66 de l’architecture abandonnée. En paraphrasant Le Corbusier, on pourrait dire, que l’architecture de l’abandon est le jeu savant, correct et magnifique des volumes assemblés sous la nature67. La nature a la capacité d’effacer l’ordre artificiel établit par l’être humain et de le faire disparaître. Le contraste entre le Corps, “volume simple”68, comme le nomme Le Corbusier, et la nature envahissante, créé un jeu de tensions qui s’opère depuis la mise à-bandon du site jusqu’à l’ensevelissement complet. Les dessins en isométrie illustrent le rapport binaire entre les deux éléments, en représentant au biais de textures, la diversité naturelle qui englobe un volume occupant le vide resté sur la feuille : le corps de l’architecture.
85
Le tiers paysage69 Le sol de Delva est une dalle en béton teinté en rouge, quadrillée avec des joints de retrait qui accueillent les premiers indices d’une nature envahissante. Cette nature pousse dans la cavité des joints. Une diversité naturelle y apparaît. La végétation pousse en suivant leur trame orthogonale. Le vert commence à envelopper le rouge, créant une tension entre les deux, un mouvement décrit par Gilles Clément : «Les délaissés résultent de l’abandon d’une activité. Ils évoluent naturellement vers un paysage secondaire. [...] Un jeune délaissé accueille rapidement des espèces pionnières qui bientôt disparaissent au profit d’espèces de plus en plus stables jusqu’à l’obtention d’un équilibre.»70 A Delva la nature que l’on retrouve dans les craquelures et joints de retraits a une grande diversité. Elle se comporte telle que le décrit Gilles Clément: la nature des «espaces abandonnés apparaît dans des espaces indécis, dépourvus de fonctions sur lesquels il est difficile de porter un nom [...]. [Cet ensemble] se situe aux marges [...], couvre des surfaces de dimensions modestes, dispersées comme les angles perdus d’un champs»71 Cette nature présente une forte diversité et résilience. Une multiplicité de “mauvaises herbes” sont présentes sur le tarmac de Delva. Sur un mètre carré, on retrouve une dizaine d’espèces différentes. 69. Manifeste du Tiers Paysage, CLÉMENT Gilles, License libre, 2004
«Les délaissés ne bénéficient jamais d’un statut de réserve. Ils accueillent des espèces pionnières à cycles rapides. Chacune d’elles prépare la venue des suivantes dont les cycles s’allongent jusqu’à ce que s’installe une permanence.»72
70. Manifeste du Tiers Paysage, CLÉMENT Gilles, License libre, 2004, p.6
Une fois que tout élément d’architecture disparaît, la nature qui l’enveloppait (et qui faisait partie entière de l’architecture) redevient nature à part entière.
71. Manifeste du Tiers Paysage, CLÉMENT Gilles, License libre, 2004, p.4 72. Manifeste du Tiers Paysage, CLÉMENT Gilles, License libre, 2004, p.7
86
Ornement ou élément prépondérant La nature peut aussi être vue comme un ornement, comme une sorte d’Asper-Lenis. Elle apparait couronnant les bâtiments ou cherchant un recoin où se développer. On l'aperçoit dans les craquelures des murs des constructions de Piranesi. Elle peut apparaitre aussi dans le romantisme (Image 7) selon un schéma similaire, qui s'apparente à celui de l’Asper-Lenis, c'est-à-dire en assombrissant une partie d’une surface. L’ornement dans ce cas-ci, permet de compléter l’œuvre, de l’aboutir en l’effaçant73, en la rendant douteuse, en la détruisant comme l’affirme Jacques Herzog en parlant de sa pratique: «Plus tard, en tant qu’architectes, nous découvrions le potentiel de l’ornement en tant que moyen de destruction de la “forme valable” [...] Lorsque nous decouvrâmes l’architecture arabe, nous avons très vite compris que l’ornement était le moyen de détruire la forme. L’ornement joue avec le doute»74 L’ornement naturel tout comme l’ornement discuté dans le chapitre précédentm, est l’outil qui s’approprie et qui détruit la forme utilisée dans les œuvres suggérées mais aussi dans l’investigation photographique.
73. Aus Basel Herzog & de Meuron, CHEVRIER JeanFrançois, Birkhäuser, Basel, 2016, p.38 74. Ibid m. Voir 1ère dimension - la surface”), p.66-p.83
n. Se référer au lexique p.15-16 ñ. Voir 1ère dimension - la surface”), p.66-p.83
En revanche, l’ornement naturel peut devenir l’élément principal d’une spatialité à l’abandon, ayant le pouvoir de changer la perception et l’expérience que l’on fait dans l’espace d’origine. Bien entendu la limite entre l’ornement et l’élément principal est floue. Dans le cas cité au début de ce châpitre, les plantes qui poussent dans les joints de retrait de la surface en béton de Delva sont clairement des ornements semblables aux ornements décrits dans l’Asper-Lenis. Il ont la fonction d’appuyer le Tempus Fugit n . Il faut aussi souligner qu’il s’agit des ornements les plus plastiques, se développant dans l’espace et non pas sur un plan. De plus, ils se différencient de l’ornement minéral en surfaceñ, et peuvent devenir un élément prépondérant
87
de l’architecture de l’abandon d'autant plus qu'il s’agit d’organismes vivants. A l’opposé, on retrouve par exemple, le marais du Wiels qui est remplis d’eau et d’une végétation dense (Tableau IV, Photo 1). Au départ le marais a commencé avec quelques flaques et une végétation peu dense et localisée dans les recoins, comme c'était le cas à Delva. Ce n’est que le temps qui a permis à cette nature d’envahir l’entièreté de l’espace. La différence, entre ornement et élément prépondérant, est le temps qui s’écoule entre un état premier d'ornement et un état ultérieur, celui de l’élément prépondérant. Image 13. Hiver. La nature est ornementale, (photographie prise Sébastien Bez). Image 14. Printemps. La nature cache le coprs, elle est élément prépondérant.
88
Il est remarquable de noter qu'en plus d’avoir cette capacité de transformation, d'un ornement en un élément prépondérant; l'ornement qui décore une boîte devient un canard75), la nature peut mener à bout ce processus en moins d’un an. En effet, quand on observe des photographies prises à Hofstade en hiver et en printemps, on remarque que l’espace change complètement. Il devient différent et le rapport aux bâtiments change (voir image 13 et 14). Au printemps la nature devient un élément d'architecture, en augmentant le contraste entre le volume et la nature. Nature ou indetermination programmatique
75. Trad.auteur. selon les termes de Venturi dans Learning from las Vegas, VENTURI Robert, SCOTT BROWN Denise, IZENOUR Steven, Gustavo Gili, Barcelona, 1977 o. Voir 1ère dimension - la surface”), p.68-p.73
p. L’architecture à-bandon pendant sa periode d’abandon vit un changement de fonction. Ce changement de fonction se perpetue jusqu’à la disparition, la transformation de l’architecture de l’abandon en Nature. Une fois cette transformation achevée, il n’y a plus de fonction liée à cette architecture (à l’exception peut être d’une fonction psychogñeographique pour lceux qui ont une fois arpentée ces espaces). q. Se référer au lexique p.15-16
L’utilisation que fait la nature des éléments d’architecture comme support est un des thèmes picturaux développés par la série d’artistes décrits précédemmento. On remarque qu’il s’agit d’une représentation d’un phénomène qui est en constant mouvement, en fonction de la durée d’abandon et des saisons. Il est intéressant d'observer à cet égard, la capacité qu’à la nature d'ôter le statut d’espace intérieur protégé. La végétation, la qualité des matériaux et les sols, ensemble avec les intempéries vont être les principaux acteurs de la dégradation d’une architecture abandonnée et vont donc s’attaquer aux éléments qui la composent. La nature embarque les spatialités de l’abandon dans un lent processus de changement d’affectation. L’espace intérieur, protégé, devient peu à peu un espace extérieur. L’architecture de l’abandon vit un processus de perte ou de changement de fonctionp. L’abandon, c'est-à-dire cet entre-deux, a la capacité de surimposer la fonction ancienne avec la nouvelle, créant une indétermination programmatiqueq. Un des cas exemplaires de cette indétermination programmatique est le site de Hofstade La piscine de Hofstade est complètement inondée. De l’eau, jaillissent les parties supérieures des anciennes échelles dont la fonction était de donner accès au bassin. Lors des visitesr, l’eau trouble n’invite plus a se baigner comme c'était le cas de
r. en 2016, 2017, 2018
89
Volume 2
90
l’ancienne piscine et les installations ne fonctionnent plus. Cette tension entre l’ancienne fonction - toujours présente en partie - et la nouvelle fonction, souvent hors des codes sociaux vis-à-vis de l’utilisation de l’architecture, crée une situation exceptionnelle. Exceptionnelle selon la coïncidence de définitions que donnent Gilles Clément76 et Pier Vittorio Aureli de l'espace sacré en tant que "espace d’exception"77: «Ceci était un des objectifs de l’un des archétypes les plus important de l’histoire urbaine des anciennes civilisation occidentales: le temenos, le mur qui enferme le sanctuaire. Temenos, du grec temno, “couper”, renfermait un espace dont son vide signifiait une zone de respect où les activités quotidiennes étaient suspendues.»78 L’atmosphère qu’offre la situation créée par Tarkovski dans l’espace intérieur dans lequel il pleut79, est de l’ordre du surréalisme. D’ailleurs, la richesse d’usages et l’indétermination programmatique qu’offre cet espace est sublimé par les trois personnages assis en position d'attente existentielle, à “attendre Godot"80. 76. Manifeste du Tiers Paysage, CLÉMENT Gilles, License libre, 2004, p.21 77. Rituals and Walls, The Architecture of Sacred Space, AURELI Pier Vittorio, GIUDICI Maria Shéhérazade, Research by AA Diploma Unit 14, London, 2016, p16 78. Ibid. 79. Stalker, TARKOVSKI Andreï, Mosfilm, 1979, 2h 13m 50s - 2h 17m 39s 80. En attendant Godot, BECKETT Samuel, Éditions de Minuit, Paris, 1952 81. Manifeste du Tiers Paysage, Gilles Clément, License libre, 2004, p.18
Cette indétermination programmatique, qui est une des forces les plus importantes de l’architecture de l’abandon, est créée par le hasard et le temps; elle n'est pas l'œuvre d'un architecte qui crée des espaces à habiter. Nature et Peribolos La nature renforce le Peribolos en envahissant son pourtour peu fréquenté. En effet le Peribolos constitue un recoin qui promeut le développement d’espèces diverses. D’ailleurs, comme le souligne Gilles Clément à propos des limites et bordures, «leur richesse est souvent supérieure à celle des milieux qu’elles séparent»81. Cet densification de la nature rend la limite du Peribolos plus “épaisse” de ce qu’elle ne l’est. Un cas concret est la triple enceinte de Teufelsberg qui pendant deux décennies a vu s'accroitre la diversité biologique entre ses deux interstices, ce qui a rendu l’espace presque
91
Volume 3
92
infranchissable. Les trois enceintes on créé un climat propice à l’installation de la végétation. Elles ont agit comme les murs mitoyens des logements sociaux d'Aravenas: la limite est devenue infrastructure pour un ensemble métabolique. La végétation à Teufelsberg s’est avérée être un élément porteur, de contreventement pour les enceintes.
83. Idem. 84. Margini quasi-percettivi in campi con stimolazione omogenea, KANIZSA Gaetano, Rivista di Psicologia 49 (1): 7–30, 1955 85. Traduit de l’allemand, Körper, selon la tradition germanique de l’architecture en tant que corps, Über den Zusammenhang des baukünstlerischen Schaffens mit der Technik, dans Kongress für Ästhetik und Allgemeine Kunstwissenschaft Berlin 7.-9. Octobre 1913, Stuttgart, 1914 p.257
Corps vs Nature La nature envahit le site à l’échelle paysagère. Apparaît un volume entouré de végétation qui le cache. Le bâtiment n’apparait jamais en entier mais on le devine comme le carré ou le triangle des ilusions optiques de Gaetano Kanizsa84(Images 15,16). Ce contraste met en avant ce à quoi se réfère Schinkel sous le terme de Körper85, et que le Corbussier appelle Volume simple86, ou ce que Jacques Herzog nomme Körper-Bild87, suivant la tradition germanique. Le Körper étant le caractère du Corps qu’a le bâtiment, sa matérialité, sa présence
86. Vers une architecture, LE CORBUSIER, Flamarion, Paris, 1995, p.15, ("lumière" a été remplacé par "nature"). 87. Aus Basel Herzog & de Meuron, CHEVRIER JeanFrançois, Birkhäuser, Basel, 2016, p.26
93
Image 16. Ilusion optique Gaetano Kanizsa
82. Exposition, Wonderland, ACKAY ET OLABO (MIMA, 2 février-15 avril 2018)
Image 15. Ilusion optique Gaetano Kanizsa
s. Notamment les projets de logements sociaux à Iquique, Constitución, au Chili
Au niveau du détail on retrouve un élément qui est devenu presque un archétype de l’architecture de l’abandon, comme on le voit dans les œuvres des artistes suédois Ackay et Olabo présentées dans le cadre de l'exposition Wonderland au Millenium Iconoclast Museum of Art82: des fragments de grillage dans lesquels des plantes on poussé en s’entortillant à travers la maille à double torsion. Le programme indiquait que ces œuvres étaient "composées par le temps et fabriquées par la nature" (Entwined Series83). Ce détail scénarise dans la fusion, la tension entre l’architecture et l’ornement naturel. L’architecture se tend, se tord, se craque au fur et à mesure que la branche s’agrippe à elle.
physique dans l’environnement. Cette présence est assurée par le contraste direct et frontal qu’offre la nature qui pousse dans les environs, face à l’objet façonné par l’homme et l’artificialité de ses matériaux, de ses formes et de l’échelle. D'ailleurs cette nature est souvent composée d’éléments issus d’un tiers paysage. Les terrils de l'ancienne exploitation de charbon sur la Blase Kalash, ou les débris de briques d’une démolition comme à Delva, rappellent les Earthworks smithsoniens88. Ces monticules d’entropie agissent de la même manière vis à vis du Corps, il opposent un fort contraste. De même que le temps régit le développement des éléments de l'architecture de l'abandon de la 1ère dimension, il régit le mouvement de la nature. En revanche, à différence des premiers, les éléments naturels sont le devenir du Corps, du bâtiment façonné par l'homme.
88. Robert Smithson: The Collected Writings, FLAM Jack, University of California Press, 1996, p.143
94
Volume 4 95
3ème Dimension - Personae
Evènement – usager - mobilier L’usager des espaces abandonnés produit une architecture. A Delva, les jeunes du Foyer Jettois se réunissaient sur la grande esplanade centrale et formaient un cercle avec les meubles et matériaux issus des décombrest qu’ils trouvaient sur le site. Il passaient leurs après-midis d’été à discuter dans ce petit espace domestique qu’ils avaient créé. Une fois leurs réunions finies, ne restaient sur place que les meubles en formation de cercle. «Our work argues that architecture -its social relevance and formal invention- cannot be dissociated from the events that “happen” in it»89 t. Décombres de l’ancienne usine de spiritueux Fourcroy & Frères qui occupait la quasi totalité du site.
Partant du postulat de Tschumi, l’activité menée par les jeunes de Delva tout comme n’importe quel usager d’un espace abandonné fait partie entière de l’architecture. Or, dans ce travail de représentation des éléments de
89. Space Disjonction, TSCHUMI Bernard MIT Press, New York, 1996, p.139
97
l’abandon, il est difficile de représenter les usagers d’un site abandonné. En revanche, il est possible de percevoir ce qu’ils laissent après leur passage. S’agissant de cette manière, d’une démarche proche de l’archéologie, ce châpitre s'occupe des objets que laissent les usagers dans l’espace, en tant qu’ornements de l’abandon et instigateurs de l’indétermination programmatique. No-stop90 ornament Le terrain abandonné présente un amas d’objets laissés par leur propriétaire. Une fois jonché au sol, en dépit de sa banalité, l’objet acquiert un statut d’ornement et devient un élément non négligeable de l’architecture de l’abandon. Tsukamoto dans son ouvrage PetArchitecture91 montre que les éléments les plus anodins à première vue peuvent acquérir, dans certains cas spécifiques, une importance telle, qu’ils deviennent un élément fondamental. Les équipements d'air conditionné, les conduits de ventilation, etc… sont considérés comme faisant partie de l'architecture92, étant donnée leur importance volumétrique dans les espaces restreints, qui sont l'objet de cette recherche de Tsukamoto et Kajimav. De la même manière, l’espace abandonné se présente comme étant incomplet, vide avec des pièces manquantes, détruit et en ruines. Les objets offrent des clefs de lecture de l’espace, permettent de l’utiliser autrement et d’affirmer son statut abandonné. L’agencement hasardeux conditionné «par un ordre que l’on n'arrive pas à voir»93, rappelle en certains aspects les plans de No-Stop-City où l’architecture a été réduite à l’essentiel, offrant un espace flexible, ouvert aux possibles, en fonction des choix des personnes, pour lesquelles l'espace est délimité comme une zone mentale d’usage autour d'eux. Cette "cité sans fin" (endless city) aurait le même type d'organisation qu'un supermarché ou un parking94.
90. Terme emprunté au titre du projet: No stop city, BRANZI Andrea, ARCHIZOOM & ASSOCIATTI, HYX, Orléans, 2006
91. Pet Architecture Guide Book, Leaving Spheres Vol.2, Tokyo Institute of Technology Tsukamoto Architectural Laboratory & Atelier BowWow, World Photo Press, Japan, 2002, p.11 92. Ibid. v. Alors que ces mêmes éléments sur un building newyorkais serait invisibles et n’auraient aucune incidence
93. Se réfère au désordre tel que l'entend Robert Venturi lorsqu'il cite Henri Bergson, en disant (Trad.auteur): «le désordre est un ordre que nous ne pouvons pas voir» dans Learning from las Vegas, VENTURI Robert, SCOTT BROWN Denise, IZENOUR Steven, Gustavo Gili, Barcelona, 1977, p78; La phrase originale de Bergson «le désordre est simplement l'ordre que nous ne cherchons pas», dans La conscience et la vie, le possible et le reel BERGSON Henri, Magnard, France 1990 94 City, Assembly Line of Social Issues: Ideology and Theory of The Metropolis, BRANZI Andrea Casabella, 350, 1970,p. 51
98
Image 16. No stop city, BRANZI Andrea, ARCHIZOOM & ASSOCIATTI, HYX, Orléans, 2006 Image 17. No stop city, BRANZI Andrea, ARCHIZOOM & ASSOCIATTI, HYX, Orléans, 2006
Dans certaines images d’Archizoom les objets sont pratiquement le seul reste d’architecture. Cela peut sans doute nous rappeler la dalle tramée de Delva sur laquelle la plus part des bâtiments ne sont plus présents, et où seuls les meubles qualifient l’espace: des chaises des jeunes, des restes de câbles et tuyauteries, des barrières
99
Personae 1
100
Heras, des bombes de graffiti. Cette comparaison est d’avantage renforcée lorsqu’on remarque que les jeunes de Delva ont agencé les chaises, posé une plaque en bois comme table basse, en définitive, créé un salon, ressemblant considérablement aux agencements proposés par Archizoom dans leurs perspectives. Un semblant de salon est formé juste à l’aide des meubles sur une dalle s’étendant vers l’infini. Dès lors, l’espace abandonné présente une multiplicité d’objets exerçant une zone d’influence programmatique, de qualification de l’espace. Cette couche d’objets qui recouvre l’espace abandonné, est surimposée et crée un nouveau niveau de complexité. Ce niveau s’ajoute à la capacité de la nature et des phénomènes naturel, à faire disparaître les fonctions de l’espace, renforçant l’indétermination programmatique. Incomplet Les objets se manifestent sous l’incomplet. Ils se présentent dans un état différent à celui lorsqu’ils ont été abandonnés. Ils sont parfois déplacés, cassés ou écartés de l’ensemble dont ils faisaient partie.Ils présentent quelquefois des ornements Asper-Lenis, il leur manque des pièces: ils sont incomplets au niveau de la trame narrative que l’on se fait de l’objet. Cet incomplet invite à une anastylose mentale de l’ensemble, de l’endroit où ils ont été abandonnés et de leur fonction originelle. Leur seule et unique fonction est alors celle de servir en tant qu’ornement de l’abandon. Par contre, lorsqu’un usager décide de l’utiliser, leur fonction peut facilement évoluer.
w. jeu/sport de combat d’armes qui tirent des billes en plastique en guise de projectiles.
Par exemple, dans l’espace de formation de l’ancienne centrale électrique d’Electrabel à Charleroi sur les quais de la Sambre, l’espace intérieur fortement vandalisé à été aménagé par le biais du mobilier intérieur comme champ de combat pour airsoft et paintballw. Les meubles, les portes et les armoires ont été mis en place tels des petites barricades, afin de se protéger du feu des armes; l’espace est transformé à travers le mobilier en petites tranchées.
101
L’exemple le plus représentatif est le chargeur de Kalashnikov à la Blasse Kalash. Un objet trouvé qui révèle un éventail de possibles histoires dans l’esprit du trouveur. Il se peut qu’il ait servi à une scène de film ou à un crime. Quelqu'un a peut-être voulu s’en débarrasser. L’ornement des meubles laissés par les usagers est celui qui stimule le plus l’imaginaire, de par son caractère énigmatique et l'incertitude du temps écoulé. L'incomplet met en évidence le passage du temps qui a effacé les traces qui auraient permis de comprendre le parcours de l’objet. Ce type d'ornement a le pouvoir de mettre en place une zone d’influence autour de lui. Il s’agirait d’un microzoning dans l’esprit de l’usager de l’espace abandonné, qui en voyant l’espace où l'objet se trouve, lui attribue un évènement, une activité. Peribolos Le cercle de fauteuils, chaises et autres supports laissés par les jeunes du quartier de Esseghem, tout comme les autres traces d’appropriation, révèlent une des particularités des espaces abandonnées: leur pouvoir de laisser libre cours à l’appropriation par les usagers. Curieusement cette appropriation en dehors de la loi par les jeunes de Esseghem, tout comme les autres formes d’appropriation (SDF, graffeurs, 'raves', etc…) ne serait pas possible si l’espace n’était pas abandonné et mis à distance par un Peribolos, qui crée ce que Gilles Clément appelle un environnement “exceptionnel”, “sacrée”95. Dans ces espaces il n’y a plus de référence au pouvoir présent96. Cette limite claire est mise en scène par tout type d’éléments dissuasifs (voir tableau I). En contraste avec son étymologie, l’espace abandonné est aujourd’hui défendu d’entrée par le propriétaire, et – ainsi qu'Ignasi Solà Morales le dit – il ne fait plus partie du maillage productif de la ville: « [Les espaces abandonnés] Sont en définitive, des lieux externes, étranges, qui restent en dehors des circuits, des structures productives. »97
95. Manifeste du Tiers Paysage, CLÉMENT Gilles, License libre, 2004, p.21 96. Trad.auteur. Naturaleza y Artificio, Gustavo Gili, SL, Barcelona, 2009, p.128 97. Ibid, p.130
102
Personae 2
103
Personae 3
104
Ces lieux ne sont pas des lieux de sécurité. Ce sont des lieux qui invitent à «[…] à une vie de risque […] ; l’ordre urbain appelle à l’indéfinition du terrain vague». Ils sont protégés et séparés de la ville. «En rendant possible le choix individuel et les libertés expérimentales, ce travail/jeu [dans les espaces abandonnés] accélère la prise de risques, l'innovation et la transformation»98 Ceci se rapproche de la notion de "sacrée" de Pier Vittorio Aureli99. Ces sites se découpent suivant le parcellaire et deviennent des espaces d’exception de la ville: «[…] Un des archétypes les plus importants de l’histoire urbaine de l’antiquité, des civilisation occidentales : le 'temenos' le mur de l’enceinte du sanctuaire. »100 Les espaces abandonnés suivent les mêmes indicateurs des espaces sacrées, il y a un Temenos délimité par le Peribolos grâce au geste de consécration. Temno signifie littéralement “couper” dans le territoire101, mettant en évidence le geste volontaire de créer un espace d’exception. Dans la description de Pier Vittorio Aureli, l’espace sacré est un lieu d’exception dans le monde, un lieu de paix et de convivialité, de sécurité. Aujourd’hui l’espace abandonné est un espace d’exception dans la ville: 98. Victor Turner and contemporary cultural performance, ST JOHN Graham (ed.), Berghahn Books, New York-Oxford, 2008, p.151 99. Rituals and Walls, The Architecture of Sacred Space, AURELI Pier Vittorio, GIUDICI Maria Shéhérazade, Research by AA Diploma Unit 14, London, 2016, p16 100. Ibid, p16 101. Ibid
«le caractère essentiel des espaces sacrées dans l’antiquité: la suspension du quotidien et la possibilité d’un espace qui se trouve au sein de la ville mais totalement étranger».102 L’espace abandonné est un espace volontaire et légalement déterminé par une autorité. Paradoxalement, il s’agit de déterminer un espace d’indétermination dans la ville. Cet espace est un paradoxe de naissance. Retour au primitif Dans la grande majorité des espaces abandonnés étudiés, les objets laissés, les restes de feu de joie, les objets domestiques, les bombes de spray, révèlent la
102. Ibid
105
présence de pratiques qui son intrinsequement liées avec la pulsion, l’aspect le plus primaire de l’être humain. A Delva un habitant a aménagé un petit annexe des anciennes chauferies de l’usine. Cet Existenzminimum103 comprenait un lit, une table de nuit, une armoire et une petite cuisinière bricolée à l’aide d’un bidon d’essence. Dans le bâtiment de la rue du Texas, un autre habitant a aménagé son Existenzminimum sous la structure. Il y avait aussi un lit, des sacs avec des affaires personnelles, des restes de bois brulé ayant servit a se chauffer et un alignement de sceaux (Tableau X, photo 1). Les seaux étaient placés sous les poutres de la dalle en béton, afin de recolter l’eau de pluie qui coulait par les stalactites. Dans les deux cas, il n’y a ni eau ni électricité, ils profitent de la lumière naturelle et de la pluie. Il n’y a pas de chauffage non plus. Dans les deux cas, les habitants vivaient sans eau courante ni electricité. Cette architecture ouverte aux intempéries, à la pluie, au vent, les obligeaient à se chauffer au feu de bois. Un autre trait inhérent à ce primitivisme, à l’essence de l’être humain dont font preuve les usagers, est le fait relevé par Bruno Munari que « les personnes se rangent en cercle lorsqu’ils veulent regarder quelque chose ensemble.»104 Ce comportement peut se retrouver chez les jeunes du Foyer Jettois qui organisent leur salon en cercle, comme chez le collectif Peachlaby, lors des premiers regroupements s’asseyant en cercle pour décider sur le plan d’action. Dans la plupart des cas, cet espace d’exception fourni aux usagers du terrain à l’abandon, un lieu où l’être humain revient à ses origines, à ses instincts à l’être primitf. Il s’agit d’une zone où l’être humain troque son confort contre la liberté. La liberté de pouvoir agir en se déliant des moeurs de la ville.
10.3. 1929, CIAM II, Frankfurt am Main – „Die Wohnung für das Existenzminimum“ 104. Trad.auteur. Circle, MUNARI Bruno, Princeton Architectural Press, New York, 1964, p.133 y. Collectif ayant participé dans des interventions sur le site de Delva
106
Personae 4
107
Discussion autour des projets Sobek et Delva
Possible application des trois dimensions Les trois dimensions de l’architecture de l’abandon, sous forme d’idées, de diagrammes ou de croquis dans mes carnets, m’ont permis d'intégrer dans le projet d’architecture – d'une manière directe ou indirecte – la réflexion autour des éléments qui la composent. Nous allons par la suite, énoncer quelques exemples de discussion ayant trait à l'architecture de l'abandon dans le cadre de deux projets (Sobek, Delva) que j’ai développé en 2017 et 2018 . Durant ces travaux, les différents choix ont pris en considération des questions d’architectonique, d’esthétique, ainsi que de programmation et d’urbanisme. Dans le présent texte, nous nous limiterons à traiter les questions architectoniques. Les deux projets évoqués sont des équipements publics se trouvant sur des parcelles mises à-bandon. Sobek correspond à l’élargissement et la réaffectation du bâtiment Métropole, qui trône sur le marais du Wiels. Il accueille une bibliothèque de quartier et des espaces évènementiels. Le second projet découle d’une hypothèse de réaménagement du site abandonné de Delvaaa. Il
109
part d’une (im)possible collaboration avec le promoteur immobilier qui a racheté le site, puis qui en a fait tabula rasa pour implanter un ensemble de logements. Le projet Delva est un travail à grande échelle qui se sert de la palette d'opérations établies dans la première dimension: la soustraction, la superposition et la juxtaposition. Corps vs nature À plusieurs reprises, dans les projets Sobek et Delva, il était question de faire face à un Tiers paysage, se situant en milieu urbain, issu de la décomposition et de l’abandon d’anciennes usinesbb. Dans les deux situations le rapport du corps de l’architecture à cette nature se voulait être frontal, binaire et sans transition, dans le but de mettre en scène un contraste entre le volume façonné par l’homme, et la nature. A cet effet, un des enjeux principaux de l’intervention était de réussir à créer un "volume simple" (comme le nomme Le Corbusier105) et d'épurer les surfaces en évitant tout élément superflu.
Image 18. Sobek, Esquisse, collage de Corps vs. Nature, 2017
aa. Projet de fin d’études, Atelier APA, présenté le 6 juillet 2018. La proposition architecturale provient d’une analyse du contexte, d’interventions in situ avec le collectif Peachlab et d'une fonctionnalisation de ces interventions par le biais d’un faux-avis de recherche du parquet de la région de Bruxelles-Capitale bb.Delva: Distillerie Fourcroy & Frères ; Sobek: Brasserie Wielemans Ceupens 105. Vers une architecture, LE CORBUSIER, Flamarion, Paris, 1995, p.15
110
SOBEK
Bibliotèque de quartier _ Wiels _ Metropole _ Bruxelles
Tomás Barberá Ramallo
Aterlier APA _ La Cambre _ Horta _ULB _ 2017-2018
Image 19. Sobek, Coupe perspective, 2017
GSPublisherVersion 0.0.100.100
111
1m
Dans le projet Sobek, le travail du détail s’est fait dans le dérobement de la gouttière et des fenêtres. L’évacuation d’eau a été intégrée dans le mur de la façade. Les ouvertures servant la ventilation et la lumière naturelle ont été remplacées par des ouvertures zénithales circulaires. Celles-ci apportent de la lumière dans l’espace de lecture. La façade est recouverte d’éléments en béton préfabriqués à section triangulaire, qui lui donnent un rythme vertical dans le but d’accentuer le contraste avec le marais et sa végétation. Image 20. Delva, Maquette de site + Earthworks, 2018
Sur le site du projet Delva, il y avait entre autres des monticules de briques provenant de la destruction des anciennes Halles de la distillerie Fourcroy. Smithson les aurait appelées des monticules d’entropie. A l'instar de la nature envahissante du marais du Wiels, ces monticules ont été considérés comme un élément naturel, qui évolue dans le temps et sur lequel pousse la végétation, afin de créer un contraste avec le corps de l’architecture. Le projet développe une forme en plan circulaire, élevée par un mur en maçonnerie mixant différents matériaux selon les besoins structurels, et laissant apparaître un appareillage régulier. Ce volume crée un contraste entre le tiers paysage, formé d’anciennes briques entassées dans une composition entropique et envahies par la végétation, et l’ordre de l’appareillage des différents blocs de
112
maçonnerie. Cette dualité est aussi visible d’un point de vue paysager : le volume émerge parmi les monticules. Asper-Lenis
Image 21. Delva, Atmosphère intérieure, 2018, detail de murage sur les anciennes fenêtres de buraux
l’Asper-Lenis est un thème qui a surtout été présent dans le projet de Delva. En effet, il y a une volonté délibérée de s’éloigner de l'utilisation romantique qu’en fait Peter Zumthor dans le projet des Termes de Vallscc. Dans le projet de Delva, l'ornement Asper-Lenis devient un élément prépondérant de l’espace et non plus un petit ornement appliqué sur une surface. Le bâtiment de la maison de quartier a besoin d'un isolement thermique extérieur. Certaines fenêtres vont être murées à l’aide de blocs de béton cellulaire et l’ensemble de l’enveloppe du bâtiment est isolé à l’aide d’une couche d'une vingtaine de centimètres, sur laquelle un enduit va être appliqué. Dès lors, il se crée une séquence de matérialités. Lorsqu’on est à l’extérieur du bâtiment, la surface est lisse et blanche. Puis quand on entre dans le bâtiment, on se retrouve dans un espace dépouillé, avec des finitions datant des années '70, montrant les briques rouges d’origine du gros œuvre et les blocs de béton cellulaire qui ont été utilisés pour murer les parties fermées. De plus, l’utilisation de ces même blocs en tant que couche supplémentaire, permet de travailler des ouvertures de manière beaucoup plus plastique, comme c'est le cas de la fenêtre circulaire au troisième étage.
cc. Peter Zumhtor introduit dans le couloir nord de son projet des petites fontaines d'eau en cuivre qui font couler l'eau chargée de sédiments, créant une patine sur le mur
113
Image 22. Delva, Détail de Asper-Lenis, 2018
Mobilier Dans les deux projets, cette question a été abordée à la suite de l’expérience et de l’analyse du mobilier de l’architecture l’abandon. Ce dernier, révèle sa grande capacité à évoquer une fonction dans un périmètre que définit sa présence physiquedd. Les deux projets ont un espace événementiel qui se situe dans d’anciens entrepôts ayant une structure légère suivant un système poteau – poutreee. Dans le but de susciter une liberté d'appropriation chez l’usager, de petits blocs de rangement sont construits afin de contenir tout type de mobilier, ainsi que pour avoir un aménagement flexible dans le temps, facilement transportable (traineaux, portes en guise de tables, petits matelas et matériaux divers)ff.
dd. Ainsi qu'il a été indiqué dans le chapitre sur la troisième dimension, les objets sont amovibles et légers. L’usager peut les déplacer et les utiliser ee. comme les parkings, supermarchés de No-Stop City ff. Cette flexibilité dans l'aménagement renvoie aux considérations à propos de No-Stop City et la dimension de l’usage
114
Image 23. Sobek, DĂŠtail de plan, espace d'indĂŠtermination programmatique, 2017
115
Aterlier APA _ La Cambr
Image 24. Delva, DĂŠtail de plan, espace d'indĂŠtermination programmatique, 2018
Image 25. Delva, Maquette, halle découpée, espace d'indétermination programmatique, 2018
118
Paradoxalement, il est nécessaire dans ces espaces évènementiels – donc appropriables de manière flexible -, d’installer un élément fixe, un espace de rangement avec le mobilier à-bandon, dans le but d’activer l’espace.
Image 26. Delva, Atmosphère intérieure de l'espace évenemmentiel, 2018
De plus, les blocs de rangement, au sein de la halle évènementielle de Delva, intègrent la notion d’indétermination programmatique. Cet espace bien défini, mais occupé par divers éléments de mobilier destinés à tout type d’usagersgg, couvrent l’espace, créant ainsi une indétermination programmatique qui peut s’apparenter à la dalle de la No-Stop City. En prime, la dalle du sol de l’espace évènementiel, est celle sur laquelle, à l’origine, circulaient les camions de marchandises de l’usine Fourcroy. Elle créé un continuum de l’intérieur à l’extérieur, favorisant le rayonnement des activités autour du bâtiment.
La pérennisation de l’eau
gg. Jeunes du quartier, personnes suivant un traitement dans le centre de santé ou habitants du quartier.
La question de l’eau dans le projet Sobek a mené à plusieurs hypothèses d’aménagement. Celle qui a été retenue est d’accepter l’inondation des fondations du Métropole, de supprimer un des étages et de créer un grand volume pouvant accueillir tout évènement organisé par la bibliothèque. L’eau, qui au départ était
119
une résultante accidentelle d’un percement erroné de la nappe phréatique, devient un élément fondamental de l’espace à l’étage -1 du Métropole. De plus, elle permet de renforcer l’expérience sonore, lorsqu’il pleut ou lorsque le vent souffle. Au niveau -1 du Métropole, l’eau est devenue un élément qui régit l’atmosphère de l’espace.
Image 27. Delva, Détail de Asper-Lenis, 2018
La destruction comme outil projectuel
Aterlier APA _ La Cambre _ Horta _ULB _ 2017-2018
1m
Les observations faites à propos du Asper-Lenis, dans la première dimension, révèlent le développement dans le temps d’un ornement sur une surface, mais elles ont surtout ouvert le champs à l’exploration du thème de la destruction comme outil de façonnement de l’architecture. Dans le cas du bâtiment Métropole, certains planchers ont été complètement enlevés dans le but de créer des spatialités plus généreuses. Au dernier étage, le plancher qui obstruait la vue sur la charpente a été retiré, donnant un sentiment d’amplitude et permettant à la lumière de pénétrer par les ouvertures à la hauteur des fixations des fermes de toiture.
120
A Delva, comme le projet partait de l’hypothèse que les grandes halles n’avaient pas été détruites par le promoteur immobilier, une intervention matta-clarckiennehh était possible sur les bâtiments existants.
Image 28. Delva, Détail, maquette de la charpente s'appuyant sur une tructure métallique existante, 2018
L’espace de bibliothèque de Delva était, au départ, une halle industrielle de logistique avec un système de poteaux-poutres (image 28). Suite à des multiples essais pour rechercher la meilleure atmosphère possible, la décision a été prise d’arracher l’ancienne tôle, qui servait d’enveloppe au bâtiment, pour créer de nouveaux pans de toiture à l’aide d’une charpente en poutres lamelléescollées et de solives en bois massif. Cette nouvelle couverture est isolée et recouverte par une enveloppe en tôle. Les faces nord sont laissées ajourées pour permettre à la lumière diffuse de baigner l’espace de lecture.
L’intervention matta-clarckienne sur les halles et l’ancien bâtiment des bureaux, consistait à découper un cercle à travers différentes toitures dans le but de créer une entité autonome à partir de cet ensemble - c'est-à-dire un corps défini sur le paysage. Les toitures, c’est-à-dire leur structure, la charpente et le recouvrement, sont portées par le mur en maçonnerie qui reprend sa forme circulaire.
hh. Se référer au lexique, p.15-16
121
Image 29. Delva, atmosphère intérieure de la bibliotèque, 2018
122
En définitive, la plupart des choix architecturaux ont été possibles grâce à l’expérience du site : par l'observation vitruvienneii, le retour durant plusieurs mois (ou années dans le cas de Delva), ou encore l’acceptation du passage du temps, mais surtout au travers de la recherche de la valeur que génère le passage du temps sur l’architecture à-bandon.
ii. Se référer au thème: le temps p.61-63
123
ZUSAMENFASSUNG
jj
Il suffit de remplacer le terme "Pop-Art" par le terme "architecture de l'abandon" dans le dernier paragraphe de Complexity and contradiction in Architecture, pour expliquer la raison d'être de ce mémoire: jj. En vue de la fin ouverte de ce mémoire, et l'idée de non-finito qui accompagne cette reflexion et en vue de continuer cette discussion dans les années a venir, le terme conclusion paraissait fini, complet, total, tandis que le terme allemand veut dire, un rassemblement des idées présentées dans le texte, sans pour autant avoir ce caractère fini.
106. Complexity and contradiction in architecture, VENTURI Robert, MOMA, New York, 1966, p.104
«Some of the vivid lessons of abandoned architecture, involving contradictions of scale and context, should have awakened architects from prim dreams of pure order, which, unfortunately, are imposed in the easy Gestalt unities of the urban renewal projects of establishment Modern architecture and yet, fortunately are really impossible to achieve at any great scope. And it is perhaps from the everyday landscape, vulgar and disdained, that we can draw the complex and contradictory order that is valid and vital for our architecture as an urbanistic whole.»106
127
À-bandon conclut une première étape d'un travail de recherche ayant débuté il y a trois ans. Au terme de cette recherche: • un lexique de l'architecture de l'abandon a été élaboré; • une méthodologie de travail dialectique, entre la photographie et le dessin à été développée; • trois dimensions ont été établies en tant que thèmes, autour desquels gravitent l'ensemble d'éléments de l'architecture de l'abandon; • l'opérativité de ces outils de recherche a été illustrée par référence à quelques projets personnels. Mon ambition maintenant serait d'explorer d'avantage le potentiel de ces éléments dans le processus d'élaboration du projet d'architecture. Ce mémoire se penchant sur l'aspect purement architectural de l'espace abandonnée, invite dès à présent à soupeser différentes hypothèses de continuation de ce mémoire. La discussion autour des trois dimensions de l'architecture de l'abandon pourrait donner lieu à un produit dérivé sous forme de catalogue exhaustif retraçant tout type d'exemples, dans l'esprit d'un Neufert, ou du récemment publié Handbook of Tyranny107 par Theo Deutinger. Ce serait un manuel contenant les différents éléments de l'abandon, avec leurs caractéristiques matérielles, leurs évolutions possibles ou leurs spécificités détaillées à l'aide du dessin technique. Ou serait-ce une recherche pluridisciplinaire qui approfondirait certains aspects discutés dans les trois dimensions vus à travers le prisme de la sociologie, la philosophie, l'anthropologie et la psychanalyse? Ou un travail in situ de relevé de ces éléments, une analyse des usages, un approfondissement des connaissances à propos de certaines pratiques menées à bout dans les espaces abandonnés (l'habitat nomade, l'urbex, les raves)? Les trois? Less is a bore.
128
107. Cf. la conférence au CIVA-KANALPOMPIDOU, organisée dans le cadre de l'exposition !NOW WHAT?! de l'atelier APA le 06.07.18, dans laquelle Theo Deutinger à présenté son livre Handbook of Tyranny, DEUTINGER Theo, Lars Müller Publishers, Zürich, 2018. Il s'est référé à son livre comme un Neufert de la terreur ("Terror's Neufert"), mettant en scène un besoin d'exhaustivité pour créer cet atlas de la Tyrannie.
Reférences
12. A Tour of the Monuments of Passaic, SMITHSON Robert, 1967
1. El nombre exacto de las cosas, Eternidades, Juan Ramón Jiménez, 1918 2. Complexity and contradiction in architecture, VENTURI Robert, MOMA, New York, 1966, p.16 3. Trad.auteur. Latin dictionnary, http://latin-dictionary.net/search/latin/lenis, pas de date publique de mise à jour. 4. Hotel Palenque, 1969-72, SMITHSON Robert, Insert for Parkett 43, 1995, pages non numérotées, URL: https://www.parkettart.com/downloadable/download/sample/sample_ id/802 5. Robert Smithson: The Collected Writings, FLAM Jack, University of California Press, 1996, p.301 6. Manifeste du Tiers Paysage, CLEMENT Gilles, License libre, 2004, p.4 7. Dictionnaire Larousse, en ligne, URL: https://www.larousse.fr/dictionnaires/ francais/p%C3%A9rennisation/59481, Consulté le 10.07.2018 8. Trad.auteur. English Oxford Dictionaries, URL: https://en.oxforddictionaries. com/definition/peribolos, Consulté 03.06.2018 9. Athmosphères, ZUMTHOR Peter, Birkhäuser, Basel 2006 10. Le numéro 0 de la revue Solares y Escombreras (Fire Drill Ediciones, 2017) a été développée dans le cadre d'un séminaire de Conception Graphique Expérimentale organisé par le professeurs Paco de la Torre dans le Master en Conception et Illustration de l'Université Polytechnique de Valence (Espagne), en 2016-2017. 11. Arquitectura del abandono. El sentimiento escombrero, BARBERÁ RAMALLO Tomás, Solares y Escombreras, Numéro 0, Fire Drill Ediciones, Valencia, 2017
131
13. Voir à ce sujet, Victor Turner and contemporary cultural performance, ST JOHN Graham (ed.), Berghahn Books, New York-Oxford, 2008 14. En effet, des recherches sur des sujets connexes, vus du point de vue d’autres disciplines: -Manufactured Sites: Rethinking post-industrial landscape (KIRKWOOD Niall). The Post-industrial Landscape as Site for Creative Practice (HEENEY Gwen) -SinergiCity: Reinventing the Postindustrial City, HARDIN KAPP Paul, J. AMSTRONG Paul, University of Illinois Press, Chicago, 2012. -Threats and hopes for abandoned buildings in Berlin: an urban exploration approach, ARBOLEDA Pablo (2017), URBS. Revista de Estudios Urbanos y Ciencias Sociales, 7(1), 41-55. URL : http://www2.ual.es/urbs/index.php/ urbs/article/view/arboleda_pablo. -Place Hacking : Tales of Urban Exploration, GARRETT Bradley (2012), Thèse de doctorat en géographie, Royal Holloway, University of London. -Géographies, géographes et émotions, GUINARD Pauline et TRATNJEK Bénédicte, , Carnets de géographes [En ligne], 9 | 2016, mis en ligne le 30 novembre 2016, consulté le 20 juillet 2018 URL : http:// journals.openedition. org/cdg/60515. Première leçon d’urbanisme, SECCHI Bernardo, Parenthèses, Paris, 2000, p69 16. Première leçon d’urbanisme, SECCHI Bernardo, Parenthèses, Paris, 2000, p70 17. Trad.auteur. Terrain Vague, SOLÀ MORALES Ignasi, dans Naturaleza y Artificio, ÁBALOS Iñaki, Gustavo Gili, SL, Barcelona, 2009, p127 18. Manifeste du Tiers Paysage, CLÉMENT Gilles, License libre, 2004, p.5 19. Manifeste du Tiers Paysage, CLÉMENT Gilles, License libre, 2004, p.3 20. Manifeste du Tiers Paysage, CLÉMENT Gilles, License libre, 2004, p.8
21. Se référer au lexique
44. Manifeste du Tiers Paysage, CLEMENT Gilles, License libre, 2004, p.4
22. Ibid.
45. Trad. A. Los diez libros de Arquitectura, VITRUVE Marcus Pollio, Alianza Editorial, Madrid, 1995, p.70-71
23. Trad.auteur. Presente y futuros, SOLÀ MORALES Ignasi, La arquitectura en las ciudades, Barcelona, 1996, p21 24. Voir sur ce sujet le travail d’Aude Le Gallou, qui poursuit un doctorat à l’Université Paris I sur le sujet : De l’exploration urbaine au tourisme de ruines: imaginaires, pratiques et valorisations touristiques des espaces urbains abandonnés. Approche géographique à partir des cas de Berlin et Détroit, Université Paris 1, 2018, URL: http://www.geographie.ens.fr/IMG/pdf/ cr_ge_ographie_des_emotions_-_se_ance_1_-_relu_alg.pdf, consulté le 03/04/2018 25. The ruins of Detroit, MARCHAND Yves et MEFFRE Romain, Steidl, Göttingen, 2010. Les grands villes industrielles de l'Europe et de l'Amérique du Nord ont connu un déclin depuis un demi siècle, bien avant le dernier coup de la grande crise de 2008. Le processus est bien connu: avec la globalisation et les chocs technologiques, les industries manufacturières ont délocalisé leur production vers des pays à bas salaire, spécialement la Chine. Charleroi ou Detroit, Vilvoorde ou Pittsburgh, Toronto ou le bassin de la Rurh en RhénanieWestphalie, ont connu ce processus selon des diverses déclinaisons, dans les années 70 (Pittsburgh), 80 (Charleroi) ou plus récemment (Detroit). 26. Architecture Without Architects: A Short Introduction to Non-Pedigreed Architecture, RUDOFSKY Bernard , University of New Mexico
46. Trad. A. Los diez libros de Arquitectura, VITRUVE Marcus Pollio, Alianza Editorial, Madrid, 1995, p.162 47. Ibid. p.59 48. Ibid. p.229 49. Ibid. p.81 50. Ibid. p.230 51. Ibid. p.175 52. Ibid. p.341-343 53. Ibid. p.22954. Advertising for Architecture, TSCHUMI Bernard, 1976 55. Aten Reign, TURRELL James, Guggenheim Museum, New York, 2013 56. Piranesi, FICACCI Luigi, Taschen, Biblioteca Universalis, Köln, 2000
27. Athmospheres, ZUMTHOR Peter, Birkhäuser, Basel 2006, p11.
57. Ruin Lust, DILLON Brian, Ruins of the 20th Century 19 Février 2012, https://briangdillon.wordpress.com/2012/02/19/ruin-lust/, consulté le 02/04/2016
28. Stalker, TARKOVSKI Andreï, Mosfilm, 1979, 2h 13m 50s - 2h 17m 39s
58. L’île noire, Tintin, Hergé, Casterman, 1938
29. The feeling of things, Adam caruso, ediciones polígrafa, Barcelona, 2008, 4ème de couverture
59. Deutschland im Jahre Null, ROSSELLINI Roberto, FSK, 1948
30. Trad.auteur. Terrain Vague, SOLÀ MORALES Ignasi, dans Naturaleza y Artificio, ÁBALOS Iñaki, Gustavo Gili, SL, Barcelona, 2009, p12731. The Nine Eyes of Google Street View, RAFMAN Jon, IMG MGMT, 12/08/2009, URL: http://artfcity. com/2009/08/12/img-mgmt-the-nine-eyes-of-google-street-view/ 31. The Nine Eyes of Google Street View, RAFMAN Jon, IMG MGMT, 12/08/2009, URL: http://artfcity. com/2009/08/12/img-mgmt-the-nine-eyes-of-google-street-view/ 32. Poaching Memories from Google’s Wandering Eye, STALEY Willy, 16/12/2013, New York Times, URL: https://6thfloor.blogs.nytimes. com/2013/12/16/poaching-memories-from-googles-wandering-eye/?_r=0 33. Blow Up, ANTONIONI Michelangelo, Carlo Ponti, 1966 34. d'après la nouvelle: Las babas del diablo, dans Las armas secretas CORTÁZAR Julio, Editorial Sudamericana, 1959 35. Le Détail, Daniel Arasse citant Kenneth Clark, Flammarion, 2008, p.6 36. Trad.auteur. Presente y futuros, SOLÀ MORALES Ignasi, La arquitectura en las ciudades, Barcelona, 1996, p21 37. Blow Up, ANTONIONI Michelangelo, Carlo Ponti, 1966 38. Le dessin de l’architecture et la genèse de l’œuvre, DE BIASI Pierre-Marc, Livraisons de l'histoire de l'architecture [Online], 30, 2015, 18/10/2017, consulté, 20/07/2018. URL : http://journals.openedition.org/lha/555 ; DOI : 10.4000/lha.555 Pour Biasi, la «pensée-dessin» doit être pensée comme unité originairement synthétique du geste graphique (outil) et de la proposition esthétique (œuvre) développée en tant 39. Trad.auteur. abandon, URL:https://www.etymonline.com/word/abandon, consulté le 15.02.2017 40. Ibid. 41. Trad.auteur. bha, Online Etymology Dictionary, URL:https://www. etymonline.com/word/*bha-, consulté le 15.12.2017 42. Entwined Series, Akay et Olabo, 2018) 43.Robert Smithson: The Collected Writings, FLAM Jack, University of California Press, 1996 p.301
60. The Ugly (part I), COUSINS Mark, AA files. No28, London, p.62 61. Material imagination in Architecture, DERNIE David et GASPARI Jacopo, Routledge, London, 2016, p. 80] 62. Nous référant à la théorie développée par Venturi dans, 2. Complexity and contradiction in architecture, VENTURI Robert, MOMA, New York, 1966, p.109 63. Robert Smithson: The Collected Writings, FLAM Jack, University of California Press, 1996, p.68-77 64. Hotel Palenque, 1969-72, SMITHSON Robert, Insert for Parkett 43, 1995, pages non numérotées, URL: https://www.parkettart.com/ downloadable/download/sample/sample_id/802 65. Se réfère au désordre tel que l'entends Robert Venturi lorsqu'il cite Henri Bergson, en disant (Trad.auteur): «le désordre est un ordre que nous ne pouvons pas voir» dans Learning from las Vegas, VENTURI Robert, SCOTT BROWN Denise, IZENOUR Steven, Gustavo Gili, Barcelona, 1977; La phrase originale de Bergson «le désordre est simplement l'ordre que nous ne cherchons pas» La conscience et la vie, le possible et le reel BERGSON Henri, Magnard, France 1990 67. Manifeste du Tiers Paysage, CLÉMENT Gilles, License libre, 2004 68. Traduit de l’allemand, Körper, selon la tradition germanique de l’architecture en tant que corps, Über den Zusammenhang des baukünstlerischen Schaffens mit der Technik, dans Kongress für Ästhetik und Allgemeine Kunstwissenschaft Berlin 7.-9. Octobre 1913, Stuttgart, 1914 p.257 69. Vers une architecture, LE CORBUSIER, Flamarion, Paris, 1995, p.15, ("lumière" a été remplacé par "nature"). 70. Traduit de l’allemand, Körper, selon la tradition germanique de l’architecture en tant que corps, Über den Zusammenhang des baukünstlerischen Schaffens mit der Technik, dans Kongress für Ästhetik und Allgemeine Kunstwissenschaft Berlin 7.-9. Octobre 1913, Stuttgart, 1914 71.Vers une architecture, LE CORBUSIER, Flamarion, Paris, 1995, p.15, ("lumière" a été remplacé par "nature"). 72. Manifeste du Tiers Paysage, CLÉMENT Gilles, License libre, 2004 73. Manifeste du Tiers Paysage, CLÉMENT Gilles, License libre, 2004, p.6 74. Manifeste du Tiers Paysage, CLÉMENT Gilles, License libre, 2004, p.4
132
75. Manifeste du Tiers Paysage, CLÉMENT Gilles, License libre, 2004, p.7 76. Aus Basel Herzog & de Meuron, CHEVRIER Jean-François, Birkhäuser, Basel, 2016, p.38 77. Ibid 78. Trad.auteur. selon les termes de Venturi dans Learning from las Vegas, VENTURI Robert, SCOTT BROWN Denise, IZENOUR Steven, Gustavo Gili, Barcelona, 1977 79. Manifeste du Tiers Paysage, CLÉMENT Gilles, License libre, 2004, p.21 80. Rituals and Walls, The Architecture of Sacred Space, AURELI Pier Vittorio, GIUDICI Maria Shéhérazade, Research by AA Diploma Unit 14, London, 2016, p16 81. Ibid. 82. Stalker, TARKOVSKI Andreï, Mosfilm, 1979, 2h 13m 50s - 2h 17m 39s 83. En attendant Godot, BECKETT Samuel, Éditions de Minuit, Paris, 1952 84. Manifeste du Tiers Paysage, Gilles Clément, License libre, 2004, p.18 85. Exposition, Wonderland, ACKAY ET OLABO (MIMA, 2 février-15 avril 2018) 86. Idem. 87. Margini quasi-percettivi in campi con stimolazione omogenea, KANIZSA Gaetano, Rivista di Psicologia 49 (1): 7–30, 1955 88. Traduit de l’allemand, Körper, selon la tradition germanique de l’architecture en tant que corps, Über den Zusammenhang des baukünstlerischen Schaffens mit der Technik, dans Kongress für Ästhetik und Allgemeine Kunstwissenschaft Berlin 7.-9. Octobre 1913, Stuttgart, 1914 89. Vers une architecture, LE CORBUSIER, Flamarion, Paris, 1995, p.15, ("lumière" a été remplacé par "nature"). 90. Aus Basel Herzog & de Meuron, CHEVRIER Jean-François, Birkhäuser, Basel, 2016, p.26 91. Robert Smithson: The Collected Writings, FLAM Jack, University of California Press, 1996, p.143 92. Space Disjonction, TSCHUMI Bernard MIT Press, New York, 1996, p.13993. Terme emprunté au titre du projet: No stop city, BRANZI Andrea, ARCHIZOOM & ASSOCIATTI, HYX, Orléans, 2006 94. Pet Architecture Guide Book, Leaving Spheres Vol.2, Tokyo Institute of Technilogy Tsukamoto Architectural Laboratory & Atelier Bow-Wow, World Photo Press, Japan, 2002, p.11 95. Ibid. 96. Se réfère au désordre tel que l'entends Robert Venturi lorsqu'il cite Henri Bergson, en disant (Trad.auteur): «le désordre est un ordre que nous ne pouvons pas voir» dans Learning from las Vegas, VENTURI Robert, SCOTT BROWN Denise, IZENOUR Steven, Gustavo Gili, Barcelona, 1977; La phrase originale de Bergson «le désordre est simplement l'ordre que nous ne cherchons pas» La conscience et la vie, le possible et le reel BERGSON Henri, Magnard, France 1990 97 City, Assembly Line of Social Issues: Ideology and Theory of The Metropolis, BRANZI Andrea Casabella, 350, 1970,p. 51 98. Manifeste du Tiers Paysage, CLÉMENT Gilles, License libre, 2004, p.21 99. Trad.auteur. Naturaleza y Artificio, Gustavo Gili, SL, Barcelona, 2009, p.128 100. Ibid, p.130 101. Victor Turner and contemporary cultural performance, ST JOHN Graham (ed.), Berghahn Books, New York-Oxford, 2008, p.151 102. Rituals and Walls, The Architecture of Sacred Space, AURELI Pier Vittorio, GIUDICI Maria Shéhérazade, Research by AA Diploma Unit 14, London, 2016, p16
133
103. Ibid, p16 104. Ibid 105. Ibid 106. 1929, CIAM II, Frankfurt am Main – „Die Wohnung für das Existenzminimum“ - Verabschiedung der Frankfurter Statuten (Congrès als Hauptversammlung, CIRPAC als Problemlösungskomitee, drei Arbeitsgruppen). Bildung nationaler Sektionen. Den Vorsitz hatte Ernst May 107. Trad.auteur. Circle, MUNARI Bruno, Princeton Architectural Press, New York, 1964, p.133 108. Vers une architecture, LE CORBUSIER, Flamarion, Paris, 1995, p.15 109. Complexity and contradiction in architecture, VENTURI Robert, MOMA, New York, 1966, p.104 110. Cf. la conférence au CIVA-KANAL-POMPIDOU, organisée dans le cadre de l'exposition !NOW WHAT?! de l'atelier APA le 06.07.18, dans laquelle Theo Deutinger à présenté son livre Handbook of Tyranny, DEUTINGER Theo, Lars Müller Publishers, Zürich, 2018. Il s'est référé à son livre comme un Neufert de la terreur ("Terror's Neufert"), mettant en scène un besoin d'exhaustivité pour créer cet atlas de la Tyrannie.
a: Clelia, Isabel, Adolfo, OMA y OPA, Amalieta, Eva, Carlos, Arlette, Carlitos, Nicolasito, Luis, Paco de la Torre, Teresa, Julia, Rosa, Jenny, Eloïsia, María, Grettel, Yousra, Claire, Thierry, Safa, Dalia, Rafi, Sami, Bart, Luc, Viviane, Jeremie, Tomás, William, Nicolas, Victor, Iván, Chloé, Judith, Fede, Diego, Fidel, Manu, Alejandro, Felizpe, Max, Mariodona, Irene, EstHer, Sofía, Antonio, Fran, Rodrigo, Mario, Vivien, Emilio, Marc, TP, Voisin, Mény Boze, Moraze, De Celis, Aristu, Gómez, Buendía, Topacio, Huertas, Nickish, Hanesse, Leopold, Keeper, Bouchat, Brieuc, Arturo, Henri, Louis, Bert, Emir, Emre, Marceau, Sébastien, Slamita, Yuli, Lina, Clément, Henri, Charly-Antoine, Try-Huy, Vincent, Laurane, Mamilde, Antoine, Idriss, Malou, Medime, Matho, Ghita, Basile, Pauline, Amina, Zidane, Alma, Louis, Dao, Mihai, Settimi, Thom, Nadia, Chloe, Franck, Tugba, Ayhan, Busra, Deniz, Karima, Baines, Kiran, Marie-Cécile, Dautrebande, Mawet, Cremer, Mamy Maud, Eve, Carlo, Fisher, Pirson, Deleuze, Levy, Álvaro, Daniela, Félix, A.Simon, Luke, Bassel, Henri, Ran, Ballestrem, Bogdan, Jan, Simon Palme, Benedikt, Simon, Christa, Fioretti, Bruno, Pepe, Tahuid, Sergey, N. Cacciapela, N. Gurrieri, Jörn, Louis, Terlinden, Mulenga, Patrice, Julie, Emilio, Enciso, C. Burquel, Ghyoot, Cohen, Leo, Giulia, Stijn, Alexander, Godts, Deutinger,
biscuit de remerciement
Je remercie Sara Cremer pour les discussions que nous avons eues, pour son intérêt, sa confiance, pour sa capacité a me rapeller et ramener à chaque fois dans le domaine de l'architecture et pour l'invitation révélatrice aux projets sur l'abandon à la Cambre Arts-Visuels - Je remercie Carlo Gonçalves pour l'intérêt qu'il a porté sur le mémoire et surtout le nombre incalculable de portes de réflexions qu'il a ouvertes dans mon esprit lors de nos échanges - Gracias, Paco de la Torre Pintor, por haberte ocupado desde temprano de mi educación arquitectónica con Langle y un Learning from las Vegas del que no sospechaba todavía lo importante que sería. Gracias por haber iniciado S+E con Fofi. Danke Vatah und Muttah für die Überarbeitung und die Korrekturen. - Merci à Medime, Mihai, Tesla, Louis, Yuli, Mr. Coen et le collectif Peachlåb de m'avoir accompagné dans cette exploration et celles à venir. - Merci à Sébastien, Louis, Lina, Antoine et Clément pour leur relectures et corrections - Merci à Louis et Antoine pour l'aide fournie à concevoir et organiser les logos des lieux - Merci à Antoine d'avoir défendu ce mémoire face à l'innondation du 17.08.2018
Yatusabeh Clelia
À la mémoire de Jean Delva
à-bandon, éléments et architectonique de l'abandon Mémoire de fin d’étude Master 2 Art de Bâtir Année académique 2017-2018 Promotrice: Sara Cremer Lecteur: Carlo Gonçalves Faculté d’Architecture la Cambre-Horta Place Eugène Flagey 19 1050 Bruxelles http://archi.ulb.ac.be/ Editions Konkel Bruxelles, Belgique 2018 Cet ouvrage a été composé en Ibarra Real [1780] Lettrage de la première édition du "Don Quijote" par la Real Academia de la Lengua Et Akenaton Mis en page par Tomás Barberá Ramallo sans les conseils d'Aureli Achevé d'imprimer le 16 Août 2018 A Bruxelles