Tour du Québec | 04 | Le temps qui passe

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De l’Abitibi à la Gaspésie, en passant par les Cantons-de-l’Est, de Saint-Jean-de-Matha à Lotbinière en faisant mille détours par Sept-Îles, La Malbaie ou encore Brownsburg-

4 LE TEMPS QUI PASSE

Le temps qui passe… partout au Québec

Chatham, cette nouvelle édition du magazine Tour du Québec vous propose plus d’une centaine d’occasions d’aller prendre votre temps aux quatre coins du pays afin

Des histoires qui mettent le Québec en vedette TERROIR TERRITOIRE CULTURE À BOIRE PIGNON SUR RUE

de découvrir le Québec comme vous ne l’avez peut-être jamais vu ! Au programme: des artisans, des cueilleuses, des écrivains, des paysages, des fermières, des inventeurs, des passionnés. Nous avons rassemblé dans ces pages des dizaines d’histoires de gens qui donnent au Québec des saveurs, des couleurs, des sons et un petit goût de revenez-y. Chose certaine, vous aurez envie de prendre la route, lentement,

dans cette édition Abitibi-Témiscamingue L’Éden rouge ; Les éditions du Quartz ; La Cabane Bas-Saint-Laurent Les Viandes du Breton ; La Société des plantes ; Riki Bloc

TOUR DU QUÉBEC

afin de savourer le temps qui passe, en toute saison.

Cantons-de-l’Est Cidrerie Choinière ; Chapelle du rang 1 ; Vignoble Les Pervenches Centre-du-Québec / Chaudière-Appalaches Le Dorimène ; Christian Joncas ; Moulin du Portage Charlevoix Charlevoyou ; Charlevoix Pure Laine ; La Maison du Bootlegger Côte-Nord Attitude nordique ; Les Savons de l’atelier ; Fumeur en Nord Gaspésie / Îles-de-la-Madeleine Fruits de mer du Québec ; Découvrir le loup-marin ; La Société secrète Lanaudière Ferme des Arpents roses ; L’arbre et la rivière ; La Guilde du pain d’épices Laurentides Gourmet sauvage ; La Belle Histoire ; Fromagerie Le Troupeau bénit Mauricie Mathilde Cinq-Mars ; Ferme Le Crépuscule ; Les Sages fous Montérégie Microbrasserie Le Castor ; Cidrerie Chemin des Sept ; Le Zaricot Outaouais Le Théâtre de l’Île ; Ferme Saveurs des monts ; Transistor Média Saguenay–Lac-Saint-Jean Galerie d’art La Corniche ; Distillerie du Fjord ; Morille Québec

ISBN 978-2-9817-5103-4

16.99$

MISHMASH / VOIR / L’ACTUALITÉ

Région de la Capitale-Nationale Hooké à la chasse ; Kombucha du Mont-Ferréol ; Groupe La Tanière

4 le temps qui passe




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rédaction Éditeur et rédacteur en chef : Simon Jodoin Rédactrice en chef adjointe : Valérie Thérien Chef de pupitre Art de vivre et Gastronomie : Marie Pâris Coordonnatrices de projet : Rébecka Léouzon, Alicia Beauchemin Correctrice : Marie-Claude Masse

c o l l a b o r at e u r s Rosalie Roy-Boucher, Maryse Boyce, Félix B. Desfossés, Olivier Boisvert-Magnen, Fanny Bourel, Sophie Ginoux, Sarah Iris Foster, Jessica Dostie, Stéphanie Chicoine, Philippe Couture, Maxime Bilodeau, Patrick Neault, Delphine Jung, Marie Mello, Olivier Béland-Côté, Marie-Noël Ouimet, Alexis Gacon, Adis Simidzija, Antoine Bordeleau, Julien Morissette, Rose Carine Henriquez, Eléonore Vraine

o p é r at i o n s & p r o d u c t i o n Directrice - Production : Julie Lafrenière Directeur artistique : Luc Des­chambeault Infographie : René Despars Infographe-intégrateur : Sébastien Groleau Développeur et intégrateur web : Emmanuel Laverdière Développeur web : Maxime Larrivée-Roy Coordonnateur technique : Frédéric Sauvé Coordonnatrice à la production : Sophie Privé Photographie de couverture : Simon Jodoin

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ventespub@mishmash.ca Vice-président, ventes : Jean Paquette Coordonnatrice, ventes : Karyne Dutremble Spécialiste, Solutions de contenu et Créativité média : Olivier Guindon Conseiller médias aux comptes majeurs : Samuel Faubert Conseillers médias : Lucie Bernier, Céline Lebrun, Suzie Plante, Taroum Rimtobaye

mishmash média inc.

Président, directeur général – Mishmash Média : Nicolas Marin Comptable principale : Marie-Ève Besner Gestionnaire, Technologie et Innovation : Edouard Joron 606, rue Cathcart, 10e étage, suite 1030, Montréal (Qc) H3B 1K9 Téléphone général: 514 848 0805 Tour du Québec est publié par Mishmash Média inc. Diffusé par Les éditions Flammarion ltée. Distribué par Socadis inc. Imprimé par Transcontinental Interglobe. Le contenu ne peut être reproduit, en tout ou en partie, sans autorisation écrite de l’éditeur. Bibliothèque et Archives nationales du Québec. Bibliothèque et Archives Canada / ISSN 2561-7427 ; ISBN 978-2-9817-5103-4


sommaire A b i t i b i -T é m i s c a m i n g u e L’Éden rouge ; Les éditions du Quartz ; La Cabane 9

b a s - s a i n t- l a u r e n t Les Viandes du Breton ; La Société des plantes ; Riki Bloc 23

c a n t o n s - d e- l’ e s t Cidrerie Choinière ; Chapelle du rang 1 ; Vignoble Les Pervenches 37

c e n t r e- d u - q u é b ec / c h a u d i è r e-a p pa l a c h e s Le Dorimène ; Christian Joncas ; Moulin du Portage 51

charlevoix Charlevoyou ; Charlevoix Pure Laine ; La Maison du Bootlegger 63

c ô t e- n o r d Attitude nordique ; Les Savons de l’atelier ; Fumeur en Nord 77

g a s p é s i e / î l e s - d e- l a- m a d e l e i n e Fruits de mer du Québec ; Découvrir le loup-marin ; La Société secrète 89

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lanaudière Ferme des Arpents roses ; L’arbre et la rivière ; La Guilde du pain d’épices 103

laurentides Gourmet sauvage ; La Belle Histoire ; Fromagerie Le Troupeau bénit 115

mauricie Mathilde Cinq-Mars ; Ferme Le Crépuscule ; Les Sages fous 129

m o n t é r ég i e Microbrasserie Le Castor ; Cidrerie Chemin des Sept ; Le Zaricot 143

o u ta o u a i s Le Théâtre de l’Île ; Ferme Saveurs des monts ; Transistor Média 155

s a g u e n ay – l a c - s a i n t- j e a n Galerie d’art La Corniche ; Distillerie du Fjord ; Morille Québec 167

r ég i o n d e l a c a p i ta l e- n at i o n a l e Hooké à la chasse ; Kombucha du Mont-Ferréol ; Groupe La Tanière 179

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du QuĂŠbec


Moutarde de Dijon Maison Orphée

Pousses et Cie

Concombres Serres Toundra Fruits de mer du Québec

Crème fraîche Riviera 35%


L e t e m p s q u i pa s s e Mots et photo Simon Jodoin

C

e n’est pas loin ! Juste cinq minutes à pied ! Cinq minutes à pied... J’ai toujours aimé cette manière de dire le temps qu’il faut pour se rendre quelque part. Les astrophysiciens comptent les distances en se basant sur la vitesse de la lumière qui voyage, dans le vide, à 300 000 kilomètresseconde. Le Soleil est ainsi à 8 minutes-lumière de la Terre tandis que Neptune est à 4 heures-lumière de notre planète. Les plus grandes distances se comptent, elles, comme on le sait, en années-lumière. Toute cette immensité donne le vertige. Mais voilà, à l’échelle des humains, qui ne sont séparés que par quelques poussières à l’échelle du cosmos, on parle de minutes à pied. Il y a de la poésie là-dedans. En parlant ainsi, on suppose qu’il existe une sorte de vitesse commune à tout le monde pour se déplacer, pour aller à la rencontre de son voisin ou pour se rendre quelque part. À notre échelle, toujours, pour les plus grandes distances, on parle volontiers d’heures de route. Alma, par exemple, est à 2 heures de route de La Tuque. Il arrive qu’on module le discours au gré des moyens de transport : 3 heures de bus, 2 heures de train, 5 heures d’avion. Par ces expressions que nous utilisons tous les jours, nous disons que nous avons une conscience partagée du temps qui passe et que ce n’est pas la distance, au fond, qui nous importe, mais bien plutôt le temps qu’il faut pour la parcourir. Et si je vous disais que Gaspé, par exemple, est à 3 semaines de voyage de Sherbrooke ? « Jamais ! » me répondriez-vous. Personne ne met trois semaines pour parcourir les quelque 900 kilomètres qui séparent ces deux villes ! Je dérogerais ainsi de la convention que nous avons entre nous dans cette conception du temps qui passe et qui nous permet de nous comprendre.

Et pourtant… Je caresse ce rêve d’un jour parcourir cette distance en me perdant dans tous les détours possibles, en roulant lentement entre Saint-Théophile et Saint-Zacharie le long de la frontière, en allant voir de quoi peut bien avoir l’air le village de Saint-Just-de-Bretenières pour m’égarer ensuite dans le Témiscouata et emprunter plus loin cette intrigante route du Corridor panoramique entre Amqui et Cap-Chat. Il y a le temps qui passe, et le temps qu’il faudrait prendre, en somme, pour relier tous ces points. Il faudrait sans doute toute une vie. Aussi bien commencer maintenant, sans plus attendre ! Question de vous donner envie de vous lancer dans une telle aventure, on vous invite justement à déroger un peu des conventions pour prendre conscience du temps qui passe en feuilletant ce numéro de Tour du Québec. Imaginez un peu… On vous propose d’aller à la rencontre d’une maison d’édition en Abitibi, d’un type qui invente des semences dans le Bas-Saint-Laurent, d’assister à des concerts dans une église restaurée à Lac-Mégantic ou encore de découvrir des céramistes dans Lanaudière qui pratiquent la technique ancestrale sur feu de bois pour créer des œuvres contemporaines. Voilà un mince échantillon, car c’est plus d’une centaine d’occasions de vous arrêter sur la route que nous vous offrons dans ces pages. À ce rythme, nous sommes à peu près certains qu’il vous faudra des mois pour faire ce tour du Québec… jusqu’au prochain numéro ! Non, ce n’est pas loin… Il faut juste prendre le temps d’y aller. Allez ! On part maintenant. Bonne lecture et, surtout, bonne route !

introduction

Simon Jodoin simonjodoin@tourduquebec.ca

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lexique terroir Ce qui se cultive, ce qu’on trouve dans les champs, dans les fermes, dans les potagers. Le travail des paysans, les produits qu’on ne trouve nulle part ailleurs, qui garnissent les assiettes et les étals des marchés. Tout ce qui se croque et se goûte. territoire Des paysages, des lieux, des routes, des rangs, un lac, un cours d’eau. Un détour dans un sentier qui nous permet de plonger dans un panorama inattendu. Un site au sommet d’une montagne, dans les airs, ou même sous la surface de l’eau. Un gîte ou un abri pour passer la nuit ou plusieurs jours. à boire Tout ce qui se distille, qui se brasse, qui se vinifie. Du pommier à la bouteille, de la microbrasserie à la soirée entre amis, de la culture de la vigne jusqu’au repas en famille et tout ce qu’il y a entre les deux: le travail, la minutie, la constance. pignon sur rue Une boutique, un établissement, un magasin général, une bonne adresse. Parlons aussi des initiatives locales, des entreprises, de la vie de quartier, des commerces de proximité, de tout ce qui se trouve sur la rue Principale et dans votre voisinage, qui vous donne envie de vous promener à pied dans votre ville ou votre village. c u lt u r e Une œuvre d’art, un événement, une exposition, un élément du patrimoine, un monument et même un bricolage. De la musique, des sons, des toiles, des couleurs, des sculptures, des formes, des textes, des mots, des mouvements et des gestes. Tout ce qui sort de la tête des gens et qui étonne. rest0 Le travail en cuisine, ce qui mijote et qui nous met en appétit. Cette manière inusitée de préparer une viande, un poisson, une salade, une sauce. Les artisans des fourneaux sont les interprètes du terroir. c’est tout ? Pas nécessairement. Comme en voyage, tout peut arriver. Vous pensez à autre chose ? Nous voulons vous entendre. Écrivez-nous, c’est par ici ! tourduquebec.ca

sommaire

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ABITIBI TÉMISCAMINGUE L’ É d e n r o u g e PA G E 1 0

Les éditions du quartz PA G E 1 4

la cabane PA G E 1 8

SUR LA ROUTE PA G E 2 1


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terroir L’ É d e n r o u g e Saint-Bruno-de-Guigues

Terre millénaire Le Témiscamingue a longtemps été le secret le mieux gardé du Québec. Depuis peu, il se révèle au grand public par la créativité agroalimentaire de ses occupants. Et la table champêtre L’Éden rouge est la meilleure porte d’entrée pour découvrir cette terre qui ne cesse de se réinventer. Mots Félix B. Desfossés ; photos L’Éden rouge / Marie-Pier Valiquette

Route 101, direction sud. Lorsque l’on sort des forêts de conifères d’Abitibi et que, tout d’un coup, le lac Témiscamingue s’ouvre majestueusement sous nos yeux pour prendre tout l’horizon, le contraste est stupéfiant. Cet élargissement de la rivière des Outaouais est une véritable mer intérieure qui sert de frontière naturelle entre l’Ontario et le Québec. Un peu plus loin sur la 101, le village de Saint-Bruno-de-Guigues, qui borde le lac, a des allures européennes. Plusieurs somptueuses maisons de campagne de style victorien y ont été érigées dès la fin du 19e siècle. Et l’une des premières demeures que l’on rencontre est celle sise sur la façade du domaine de L’Éden rouge. Depuis plus d’une quinzaine d’années, Anny Roy y fait pousser tomates, concombres et laitues qu’elle vend à des restaurateurs locaux, dans les marchés publics et épiceries privées ainsi que dans le mignon petit kiosque de son entreprise, en bordure de la route 101. Quand on passe derrière l’imposante maison centenaire, on découvre un terrain qui nous transporte à une autre époque : clôtures de bois gris aux allures western, gazebo gracieux et une immense grange nous accueillent. L’expérience commence au moment où les portes de cette ancienne étable s’ouvrent. « On a fait d’énormes rénovations dans la grange qui servait, il y a encore quatre ou cinq ans, d’entrepôt pour la machinerie agricole. Si tu recules de 15 ans, il y avait encore des vaches dans cet édifice-là. On est partis de zéro », mentionne Angèle-Ann Guimond, 27 ans, cheffe de la table champêtre de L’Éden rouge. Le resto, rénové avec goût et classe, conserve plusieurs clins d’œil à l’héritage familial, colonial et agricole du coin.

La famille, c’est tout ce qui compte Angèle-Ann a grandi en aidant sa mère, Anny, à faire les semences et les récoltes de son entreprise de production maraîchère. Puis elle est partie à Montréal, pour étudier en design de mode, avant d’avoir le spleen. « Je m’ennuyais beaucoup de ma famille. Je m’ennuyais aussi des opportunités qu’offre la région et de la confiance des gens. En ville, personne ne te connaît. C’est dur de faire ta place. Personne ne te fait confiance. La compétition est féroce. C’est ça qui me manquait du Témis : si tu as un projet et que tu y crois, tu vas pouvoir le réaliser. Je dis souvent que le Témis, c’est une terre d’opportunité. Tout est à faire, tout est à construire et ça fittait avec mon côté entrepreneur, que je voulais exploiter. » Elle fait donc un détour à l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec avant de revenir s’installer chez elle pour développer son projet de restauration. Au passage, elle accroche avec elle son amoureux. Ils travaillent ensemble à la cuisine toute la journée. Son père contribue aussi énormément aux travaux manuels qu’exige la tenue d’une table champêtre en milieu rural. Son oncle participe également à l’entretien. Bref, L’Éden rouge, c’est une affaire de famille. Une table champêtre digne des meilleurs restos Mais n’allez pas penser que vous aurez l’impression de déranger un groupuscule trop serré en vous y rendant. Absolument pas. Dans le resto, spacieux, l’ambiance est lumineuse, aérienne. Le menu s’ouvre sur les saveurs locales. « Une table champêtre, dans le fond, c’est un restaurant sur une ferme », explique simplement Angèle-Ann. >

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« Je m’ennuyais aussi des opportunités qu’offre la région et de la confiance des gens. En ville, personne ne te connaît. C’est dur de faire ta place. Personne ne te fait confiance. La compétition est féroce. »

Cinquante pour cent de chaque assiette servie doit être composée d’aliments produits à même la ferme. Anny et Angèle-Ann ont donc, de connivence, renouvelé la variété de légumes produits sur place afin d’offrir aux menus une diversité riche en découvertes. Cette complicité mère-fille confère une ambiance de travail unique à L’Éden rouge. « On s’entend vraiment bien. On se complète bien aussi. J’ai travaillé toute ma jeunesse avec ma mère dans les serres et au kiosque, alors je sais ce que c’est que de travailler avec elle. Maintenant, on travaille plus comme partenaires que comme mère et fille. Il peut y avoir des tensions, mais étant donné qu’on est vraiment proches, les choses peuvent être intenses, mais se règlent tout de suite et le soir, on prend une bière ! », lance Angèle-Ann. Une grande cheffe de 27 ans Angèle-Ann est dotée d’une créativité culinaire des plus excitantes. Les aptitudes qu’elle a développées en grandissant sur une ferme maraîchère, puis en nourrissant sa créativité dans le domaine de la mode font d’elle une cheffe unique. Par exemple, l’entrée de betteraves : on y apprête ce légume rustique de cinq manières entièrement différentes et tellement goûteuses qu’on en oublie complètement les réconfortants cannages de mamie. Une betterave, cinq goûts, une assiette. Wow. Au printemps, les incontournables brunchs du temps des sucres s’ajoutent au menu. Vous a-t-on dit qu’Angèle-Ann a travaillé auprès de Martin Picard à la cabane à sucre du Pied de cochon? C’est là que son idée de table champêtre a germé. D’ailleurs, l’étiquette « table champêtre » peut sonner vieillotte, avoir une connotation un peu bricolée, artisanale, voire bancale, bien que sympatoche. Mais L’Éden rouge, c’est plutôt une table raffinée qui puise ses inspirations des meilleurs chefs, tout en exploitant des produits du terroir et de proximité. Même lorsqu’ils ne sont pas produits directement sur les lieux, les aliments du Témiscamingue y sont à l’honneur.

comme le reste de son équipe. Mais s’arrêter à ces détails esthétiques manquerait de rigueur face à la qualité des produits servis, à l’amour, à la patience et aux efforts qui sont déployés dans la création du menu de L’Éden rouge. Cette passion, elle semble être toute témiscamienne. Depuis quelques années, la Foire gourmande du Témiscamingue et du Nord-Est ontarien qui se déroule à Ville-Marie début août se développe à vitesse grand V et prend une ampleur majeure. Non seulement il s’agit maintenant d’un événement essentiel pour tout producteur agroalimentaire et agrotransformateur, mais aussi d’un endroit où la classe politique s’invite allègrement afin d’y rencontrer un maximum de citoyennes et citoyens. Le soir, les spectacles musicaux prennent aussi du galon : cette année, Galaxie et Alaclair Ensemble y tenaient la tête d’affiche. Rien de moins. Angèle-Ann fait partie du conseil d’administration. Au moment de l’entrevue, sa voix est éraillée. « On a vraiment eu un été de fou et on a vraiment eu une belle foire, autant du côté de l’organisation que de L’Éden rouge. Mais on est encore dans le rush jusqu’à fin septembre, alors je vais peut-être pas retrouver ma voix tout de suite ! », ricane-t-elle. Ces gens-là n’ont pas peur du travail ! Parmi les autres producteurs et transformateurs de la relève témiscamienne, Angèle-Ann cite la ferme Nordvie et le verger des Tourterelles, qui sont à surveiller. Ils s’ajoutent aux entreprises qui fleurissent déjà dans le secteur, dont les Chocolats Martine, la fromagerie au village de Lorrainville, la microbrasserie Barbe Broue, le vignoble du Domaine DesDuc, etc. Le Témiscamingue, par sa beauté, son climat, ses produits, ses attraits, a longtemps été le secret le mieux gardé du Québec. Cette époque est terminée. Sa riche et longue histoire, son territoire animé de légendes et peuplé bonnes âmes, ses avantages géographiques et sa maîtrise de l’agriculture semblent aujourd’hui culminer en une explosion effervescente de créativité agroalimentaire… avec L’Éden rouge en tête.

L’émergence du Témis On pourrait facilement tomber dans les clichés et vous dire qu’Angèle-Ann est jeune, cool, jolie, tatouée et coiffée d’une casquette « four-panels »,

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L’Éden rouge 51, rue Principale Nord, Saint-Bruno-de-Guigues 819 728-2622 ledenrouge.com/accueil

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L’éditrice Marie-Noëlle Blais


c u lt u r e Les éditions du quartz Rouyn-Noranda

L’ o r e n d e s s o u s En 2011 ont été fondées les éditions du Quartz, maison d’édition abitibienne qui publie des ouvrages variés dans le but de faire sortir des coins sombres les manuscrits oubliés. Toujours régionale mais pleine d’ambition, la maison cherche maintenant à faire sa place dans le panorama de la littérature québécoise. Portrait d’une coopérative qui a le vent dans les voiles. Mots Rosalie Roy-Boucher ; photo Justine Latour

« Le quartz, c’est souvent l’indice qu’il y a de l’or dans le sous-sol. » C’est ce qu’explique Fernand Bellehumeur dans une capsule vidéo de La Fabrique culturelle. Les éditions du Quartz cherchent à découvrir les auteurs qui cachent leurs gisements créatifs dans la sécurité de leurs tiroirs secrets. Pour ne laisser passer aucun récit qui vaut le coup, pour dévoiler au public les pépites abitibiennes, nos histoires et nos voix, un groupe d’amoureux des mots piloté par Fernand Bellehumeur s’est lancé dans l’édition. Bénévoles, ils reçoivent et analysent les manuscrits, travaillent les textes, impriment et distribuent les livres en plus d’être présents au Salon du livre de l’Abitibi-Témiscamingue et dans les divers événements culturels régionaux. Une brigade littéraire abitibienne, quoi. Une équipe généraliste, qui propose un répertoire étonnant par sa variété. Il faut être un peu fou et franchement passionné pour offrir un catalogue comme le leur. Connaissez-vous une maison d’édition où peuvent se côtoyer des ouvrages d’études autochtones, des recueils de poésie, des reproductions de manuels scolaires et un photoroman dont le texte est signé Jeanne-Mance Delisle ? Cette liberté de publication s’est avérée bénéfique pour la coopérative. La preuve: leur meilleur vendeur de tous les temps, L’évolution du métal québécois, signé par Félix B. Desfossés et conçu par Ian Campbell, qui en est à sa troisième impression et près de 3000 exemplaires vendus, peut être proclamé best-seller. À l’heure où l’on se parle, l’équipe en prépare la traduction… et le tome 2. Qui aurait cru

qu’une petite maison d’édition régionale pourrait offrir un ouvrage de référence métal ? Devil, le Quartz ! Un vent de changement Connues au sein même de la région comme une référence culturelle, les éditions du Quartz aspirent toutefois à sortir de leur carcan régional et à ouvrir leurs horizons pour se faire connaître au-delà du parc de La Vérendrye. C’est en 2018 que le changement s’amorce. En rajeunissant leur conseil d’administration, les éditions du Quartz cherchent à redéfinir leur offre, à se professionnaliser et à améliorer leur mode de distribution pour pouvoir mieux toucher les lecteurs québécois. Forts d’une nouvelle image de marque, d’une équipe bonifiée et d’une ligne éditoriale revampée, ils partent à la conquête des foyers québécois. Remarqué par Kim Thúy au Salon du livre de l’Abitibi-Témiscamingue, le collectif littéraire Abitibi Montréal, piloté par Mathieu Gagnon, fait bonne presse et donne le ton au renouveau de la maison d’édition. Le but est toujours de trouver les talents tapis dans l’ombre, mais surtout d’ouvrir les horizons et de les faire connaître au plus grand nombre de personnes. Maintenant distribuées dans toutes les librairies du Québec, les éditions du Quartz deviennent accessibles à tous et précisent leur offre. Marie-Noëlle Blais connaît bien le lectorat québécois. La nouvelle directrice littéraire a fait bien des détours avant d’aboutir à Rouyn. En plus d’avoir été, pendant plusieurs années, libraire à la Librairie du Québec à Paris, l’éditrice et fondatrice du magazine littéraire Cousin de personne a également écrit >

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La romancière Virginia Pésémapéo Bordeleau : Christian Leduc


Vivre cent ans libre, publié chez Marchand de feuilles, et été chroniqueuse à La librairie francophone. Une touche-à-tout qui a l’ambition d’amener la petite maison d’édition abitibienne à un autre niveau. Mais pourquoi publier en Abitibi, si le but est d’élargir le lectorat ? Quelle importance revêt la publication d’ouvrages en région ? Selon MarieNoëlle Blais, la décentralisation de la littérature est synonyme d’ouverture et de diversité. « Publier en région permet de dépolariser la littérature, d’éviter que tous les livres se ressemblent, raconte-

t-elle. On peut multiplier les voix et témoigner de réalités différentes. Il y a des réalités en région qui sont totalement ignorées en ville et inversement, et pour nous rien ne doit être ignoré. Peut-être que certains éditeurs montréalais pourraient être réticents à publier un livre d’un auteur inconnu qui se passe à Ville-Marie… mais pas aux éditions du Quartz. » Les voix de la boréalité La nouvelle ligne éditoriale de la maison d’édition est axée sur la boréalité francophone, aux réalités qui sont uniques aux régions isolées, nordiques. Si les éditions du Quartz ont toujours cherché à ouvrir la voie aux auteurs de la région et à mettre de l’avant la réalité abitibienne, elle fait preuve d’une grande ouverture et invite les auteurs de tous les horizons à proposer leurs textes. « On ne veut pas se cloisonner à des adresses civiques, explique Marie-Noëlle Blais.

Ce qu’on veut, c’est que les auteurs d’ici rayonnent, que les auteurs d’ailleurs viennent voir ce qui se passe ici, que ça bouge, qu’on explore tous ensemble le territoire physique et imaginaire. Un auteur de Trois-Rivières est peut-être actuellement en train de se passionner pour la vie dans les mines… ou pour le vertige que procure le parc de La Vérendrye. On va vouloir le publier, son chef-d’œuvre ! » Si la maison d’édition a décidé de refermer un peu son offre en diminuant la quantité de ses collections dans l’idée de se concentrer sur la littérature, ce n’est surtout pas par désir de conformité. Plutôt par envie d’unicité. « La littérature peut être laissée dans son état sauvage quand la proposition est d’être au plus près de la réalité, plutôt que de tenter de la passer dans un moulin pour que ça plaise à un lectorat X », soulève Marie-Noëlle Blais. La maison d’édition garde toutefois la porte grand ouverte pour les projets extravagants qui pourraient croiser son chemin et reste prête à publier des œuvres qui témoignent d’une réalité marginale. Elle propose une collection nommée « Les inclassables », après tout ! Que ce soit pour séduire, surprendre ou laisser leur place aux voix abitibiennes, les éditions du Quartz se réinventent et évoluent. Affûtez votre curiosité et découvrez leurs livres pour explorer, dans tous les angles, les saveurs boréales des auteurs de chez nous. Pour découvrir les éditions du Quartz d a n s t o u t e l e u r d i v e r s i t é  : • Abitibi-Montréal, collectif dirigé par Mathieu Gagnon • Poésie en marche pour Sindy, Virginia Pésémapéo Bordeleau • Nos saisons, Margot Lemire, Jeanne-Mance Delisle, Louise Desjardins, Louis Hamelin • Un séminariste et son péché, texte de Jeanne-Mance Delisle et photos de François Ruph En vente dans toutes les bonnes librairies.

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Les éditions du Quartz 25, avenue Principale, Rouyn-Noranda 819 277-0523 editionsduquartz.com

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c u lt u r e La Cabane Val d’Or

C u lt u r e i n c l u s i v e La Cabane permet à tous les nostalgiques de faire revivre un lieu qu’ils ont fréquenté et aimé. L’endroit a abrité au fil des ans l’entreprise pour enfants Pirouette et Girouette, le ténébreux bar Le Dundee ou encore une boucherie, il y a très longtemps. Voilà qu’aujourd’hui, c’est un espace inclusif qui revêt une signification particulière pour chaque citoyen. Mots et photos Maryse Boyce

C’est en partie ce qui explique en partie l’accueil enthousiaste que réserve Val-d’Or pour cette salle multifonction à l’âme résolument communautaire, qui n’a pas encore complété sa première rotation autour du soleil. « Papaquoi ? » C’est PapaChat & Filles, un organisme sans but lucratif se spécialisant dans l’organisation d’événements culturels, qui est l’instigateur du projet. Ce n’était pas dans les plans de l’équipe, qui s’est formée en août 2016, d’acquérir une salle de spectacle et d’y regrouper ses activités. Mais à force de créer des événements dans des lieux atypiques de Val-d’Or et d’en assumer chaque fois tous les défis techniques et logistiques, les fondateurs ont eu l’idée de concentrer leurs efforts dans un même lieu. Le local de la 3e Avenue, devenu vacant, représentait donc une opportunité trop alléchante pour la laisser passer – ils ont ainsi repris le bail en début d’année 2019. Parallèlement, une campagne de sociofinancement a été mise sur pied afin d’impliquer la communauté et de palper l’intérêt, qui n’a pas tardé à se manifester. C’est près de 9000 $ qui ont été amassés auprès d’une centaine de contributeurs motivés, alors que le projet en était à ses balbutiements. Fort de cet appui, PapaChat & Filles s’est attelé à approcher des partenaires pour rassembler le plus d’acteurs communautaires et culturels possible. Le but : en faire un lieu porteur, où tout le monde se sent bienvenu. Tisser des liens entre les communautés Déjà, alors que l’ouverture officielle n’est pas encore annoncée et qu’une quinzaine d’événements ont

été tenus, on sent que l’inclusion agit comme ligne directrice. « Depuis le départ, on voulait créer une synergie avec ce projet-là, résume Mélissa Drainville, cofondatrice de PapaChat & Filles. Quelque chose comme une maison des jeunes pour adultes le fun. » La programmation, en développement, se façonne dans cet état d’esprit. Si les soirées quiz et l’improvisation ont déjà trouvé leur créneau à La Cabane, l’équipe proposera notamment dès cet automne un cabaret littéraire, afin de mettre en lumière cette scène, discrète à Val-d’Or, en dehors du Salon du livre de l’Abitibi-Témiscamingue. « En tant qu’OSBL, on va pouvoir accueillir des trucs plus underground qui n’ont pas nécessairement leur place ailleurs », souligne-t-elle. « C’était une nécessité d’avoir un lieu que les gens puissent s’approprier, un lieu communautaire et culturel. » La Cabane a jusqu’à maintenant reçu deux enregistrements de baladodiffusion devant public – celle de Fred Savard, un habitué de la région, et la production locale Quand pensez-vous ? –, des spectacles du Festival de la relève indépendante musicale en Abitibi-Témiscamingue (le FRIMAT, qui en était à sa 15e édition cet été, et dont Mélissa Drainville a longtemps été la directrice générale), des soirées du Festival de l’humour de Val-d’Or, un lancement de livre, des partys d’anniversaire, et une soirée de drag queens. Il n’y a pas à dire, l’offre est variée et la clientèle aussi ! Force de frappe bénévole Pour le moment, la salle est gérée de manière exclusivement bénévole. Les profits proviennent principalement de la vente d’alcool, notamment la

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bière du Prospecteur – microbrasserie locale ayant elle aussi pignon sur la 3e Avenue –, et des locations de l’espace. La Cabane est vaste, et même en n’y ayant jamais mis les pieds auparavant, on se sent en terrain connu, à l’aise. La décoration et l’aménagement, réalisés à coup d’huile de bras, de beaucoup d’amour, de matériaux récupérés et d’ingéniosité, n’y sont pas étrangers. Le souci du détail et de l’inclusion se rend même jusqu’aux toilettes, mixtes, dont chaque cabinet incarne une thématique particulière. Signe que l’humour décalé est le bienvenu en ce lieu, l’une des récompenses de la campagne de sociofinancement incluait d’ajouter la photo des donateurs au mur de la cabine « Jésus t’aime ».

Si le local n’est ouvert que lors d’événements spéciaux, cela pourrait changer au fur et à mesure que des partenaires se joindront au projet et occuperont une partie des locaux, selon leurs besoins et leur offre de services. L’ajout de l’entreprise de jeux d’évasion ÉvasionAT au projet devrait multiplier les heures d’ouverture, puisque celle-ci compte exploiter dès la fin de l’automne un café-bar ludique et donner des ateliers de mixologie, en plus de proposer sur place deux jeux d’évasion. Parmi les autres partenaires, on note la présence de l’organisme Jeunes musiciens du monde, qui offrira des cours de musique aux adolescents.

Aussi, au sous-sol, un dédale labyrinthique propice à la création de locaux de répétition. L’équipe souhaiterait par ailleurs aménager davantage ces locaux afin de soutenir les musiciens de coin et encourager la relève. La Cabane ouverte aux mineurs L’un des aspects distinctifs de La Cabane est qu’elle est accessible à un public de tous âges. Les événements et les spectacles qui s’y tiennent peuvent donc accueillir les jeunes et les familles, un avantage non négligeable que l’équipe compte mettre en valeur dans sa programmation. Car s’il y a quelques années il n’était pas nécessairement inscrit dans la culture valdorienne de fréquenter les spectacles en compagnie de ses enfants, c’est devenu chose commune de voir des bambins se trémousser sur la musique et des nourrissons (dont le casque antibruit rivalise en volume avec leur tête), confortablement blottis dans un porte-bébé pendant que les parents profitent du moment. Mélissa Drainville est d’avis que les organisateurs du FRIMAT, dont elle faisait partie jusqu’à la plus récente édition, ont contribué à normaliser cette habitude en traînant leur propre marmaille dans les événements musicaux. Les installations actuelles et la vocation communautaire de l’endroit permettent de faciliter cette tendance et de multiplier les points de contact entre la culture et la relève. Et si cette jeunesse, une fois devenue adulte, continue de fréquenter des spectacles et de mettre l’épaule à la roue pour contribuer à faire de Val-d’Or un milieu stimulant, ce sera mission accomplie pour La Cabane et PapaChat & Filles.

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La Cabane 996, 3e Avenue, Val d’Or 819 527-6852 facebook.com/PapaChat

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sur la route Des bons plans pour votre journal de bord

Marc-André Martin

Nordvie 1049, chemin des 2e-et-3e Rangs, Saint-Bruno-de-Guigues Nordvie, c’est l’union entre les agronomes Normand Olivier et Sylvie Côté. Alors que le premier s’impose comme l’innovateur et le développeur d’idées – c’est notamment à lui qu’on doit « plusieurs innovations de régie de production pour adapter la culture de la fraise en milieu boréal » –,

la deuxième s’occupe de la gestion, de la comptabilité, des communications et de la mise en marché des produits de la compagnie. Bref, on a ici affaire à un duo qui se complète à merveille. Endroit idéal pour venir cueillir des fraises et des framboises dans un champ situé à quelques kilomètres de Saint-Bruno-de-Guigues sur la route 101, Nordvie vous permet aussi de vous procurer plusieurs produits d’exception comme les alcools fins Frugaria et Frasil.

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F o r ê t r é c r é at i v e d e Va l- d ’ O r 179, chemin de la Forêt-Récréative, Val-d’Or À quelques minutes du centre-ville de Val-d’Or, la Forêt récréative offre des activités extérieures à longueur d’année, notamment du ski de fond, de la raquette, du fat bike, du vélo de montagne, de la randonnée pédestre et de la cueillette de petits fruits. Dernièrement, c’est toutefois son immense sentier glacé qui a retenu l’attention. Inaugurée en 2014 après des investissements de plus d’un million de dollars, cette patinoire à ciel ouvert d’une longueur de 2 kilomètres a quelque chose de féérique, ne serait-ce qu’en raison du décor majestueux qui l’entoure. Les droits d’accès au site sont de 4 $, et la location de patins est offerte à 5 $ pour deux heures. Des tarifs pour enfants, étudiants, aînés et familles sont aussi en vigueur.

Boucherie des Praz 344, avenue de l’Église, Rouyn-Noranda

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K i n aw i t 255, chemin des Scouts, Val-d’Or Inauguré à l’été 2016 aux abords du lac Lemoine, le camping Kinawit est l’occasion parfaite pour découvrir l’histoire des Anicinabes et de la culture des Premières Nations qui vivent sur ce territoire depuis plus d’un millénaire. Sentiers forestiers, visites guidées, cueillette de plantes médicinales, fabrication d’objets artisanaux, hébergement en tipis ou camps rustiques... Les activités sont aussi nombreuses qu’originales. Initié par le Centre d’amitié autochtone de Val-d’Or, « qui œuvre pour la préservation de la culture et le rapprochement entre les peuples depuis plus de 40 ans », ce site mise sur l’authenticité et favorise « la rencontre, le partage, l’expression et la transmission intergénérationnelle ». Ce joyau est situé à seulement 12 kilomètres du centre-ville de Val-d’Or.

« Du pré à la cuisine », voilà l’adage tout simple de la Boucherie des Praz, la relève de l’abattoir et de la boucherie Donald Gélinas, institution rouynorandienne fondée il y a plus de 75 ans. Maintenant gérée par un couple, Sylvain et Christel, la boucherie se démarque par la qualité exceptionnelle de sa viande et par son élevage extensif (une méthode caractérisée par une faible densité d’animaux par hectare dans les pâturages). Élevées sans hormones ou antibiotiques de croissance, les 45 vaches du troupeau situé à Rémigny sont nourries principalement avec des fourrages, en plus d’être gardées à l’extérieur à longueur d’année. Un site à l’abri du vent et de l’humidité est aménagé durant l’hiver. Sur place, différents coffrets adaptés à vos besoins sont offerts. >

Verger des tourterelles 863, route 101 Nord, Duhamel-Ouest Ouvert depuis plus d’une décennie, ce verger contient plusieurs arbres et arbustes fruitiers qui produisent notamment des pommes, des cassis, des groseilles, des baies de sureau, des prunes et des raisins. Racheté en 2009 par un jeune couple, Jocelyn et Marie-Ève, le domaine se spécialise dans la fabrication de cidres, de liqueurs alcoolisées, de tartinades et de sirops. On peut notamment y acheter de la mistelle (un alcool fait à partir de petits fruits), du beurre de cassis et de pomme, du caramel aux pommes et à la fleur de sel, et du cidre aux prunes pétillant. Les deux tourtereaux confectionnent ces produits en assurant « toutes les étapes de la culture des petits fruits jusqu’à la distribution ».

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b a s - s a i n t- l a u r e n t Les Viandes du Breton PA G E 2 4

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riki bloc PA G E 3 2

SUR LA ROUTE PA G E 3 5

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terroir Les Viandes du Breton Rivière-du-Loup

Le goût du bien-être animal Important producteur de porcs au Québec, Les Viandes du Breton s’est adapté au fil du temps aux besoins des consommateurs, tout en ayant à cœur le respect de l’environnement et du bien-être animal. L’entreprise familiale sait se démarquer en misant sur la production de porcs biologiques. Mots Sarah Iris Foster ; photos Porc Du Breton

Au départ, il y a Napoléon Breton, issu de la première de quatre générations, qui fonde un magasin général à Saint-Bernard, en Beauce, en 1944. Il fait des moulées et construit son moulin. En 1980, la famille Breton achète un abattoir au Témiscouata, voyant là l’occasion de diversifier son offre et de faire rouler toute la chaîne de produits, de la moulée, aux fermes d’élevage, jusqu’au porc à déguster. À la fin des années 1980, Les Viandes du Breton naît. Après l’incendie de 2003 qui démolit l’abattoir du Témiscouata, c’est à Rivière-du-Loup que la transformation se fait. « Ça rend la chose intéressante parce que nous contrôlons vraiment notre produit, explique Julie Lamontagne, conseillère aux communications. On peut s’assurer que lorsqu’on dit que les produits sont sans antibiotique, on dit vrai, parce que c’est nous qui vérifions. Étant propriétaires des fermes ou associés avec des producteurs, nous allons nous-mêmes vérifier que nos cahiers de charge sont respectés. » La gamme rustique répond à des normes élevées de bien-être animal selon la certification Humane Raised and Handled sans être biologique, et les porcs certifiés biologiques sont en plus nourris aux grains biologiques et vont dehors, car l’accès à l’extérieur est l’une des obligations pour la certification. Les Viandes du Breton possède un réseau de 300 fermes familiales, principalement au Québec et en Ontario, ainsi que des fermes qui lui appartiennent, principalement les maternités. « On produit les bébés bios qui vont ensuite être élevés dans ce réseau-là de fermes familiales, qui sont des fermes associées

à nous. On leur fournit les normes et les cahiers de charge. Ils s’approvisionnent dans nos meuneries parce qu’on produit de la moulée bio pour nos porcs. Finalement ils viennent faire abattre leurs bêtes chez nous puis nous transformons la viande sous la marque duBreton. » Le porc est ensuite vendu au Québec et en Ontario, mais aussi ailleurs au Canada, ainsi qu’aux États-Unis, en Australie et au Japon. En route vers un 100 % En 2015, environ 30 % des porcs de l’entreprise étaient certifiés biologiques. Les fermes appartenant au groupe Breton ont été rénovées pour répondre aux normes. Depuis 2018, c’est donc désormais la moitié de la production qui est certifiée biologique. L’objectif de l’entreprise familiale est d’aller vers le 100 % bio, mais c’est une démarche qui prendra du temps en raison de la demande et de la difficulté à trouver des marchés, comme l’explique Julie Lamontagne. « On ne peut pas mettre sur le marché plus de porc bio que ce qu’il y a de demande. Actuellement, la demande elle est là. Le problème est qu’elle est là pour les filets, pour le porc haché, pour la saucisse… mais il y a les parties moins nobles comme la tête, les oreilles, les pattes, qui sont quand même bios mais qu’on doit vendre au prix commodités, parce que personne veut acheter une tête biologique, sauf quelques rares marchés. » Les défis de la production biologique sont nombreux. D’abord l’aspect financier: la nourriture pour les animaux coûte beaucoup plus cher, les porcs ont plus d’espace donc la bâtisse est moins remplie et les normes pour le contrôle des maladies >

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sont plus élevées. La culture de travail diffère aussi dans une production biologique par rapport à la conventionnelle. En mettant l’accent sur le bien-être animal et en faisant des actions concrètes pour augmenter sa production biologique certifiée, Les Viandes du Breton a pu se distinguer des plus grosses entreprises qui n’ont pas nécessairement la même flexibilité d’agir rapidement. Les Viandes du Breton s’adapte aux tendances. La conseillère aux communications explique que « les gens ne veulent pas cuisiner trop longtemps, mais en même temps, ils veulent des produits pas trop transformés, alors on met sur le marché des filets marinés, des quarts de longe marinés, des produits qui peuvent être mis au four rapidement ». L’an passé, des cretons biologiques, très populaires au Québec, se sont ajoutés aux produits duBreton. « D’autres produits s’en viennent pour aller avec cette tendance épicurienne. On essaie d’aller au-devant des besoins des clients et non à la remorque. Faut être créatifs parfois ! On est ouverts et on est à l’écoute de nos gens ! » D’ailleurs, depuis 2017, un camion de rue, la duBreton mobile, se promène tout l’été dans des événements au Québec et en Ontario. On y propose entre autres du porc effiloché, des burgers, des saucisses et des desserts au bacon. « Ça nous permet d’aller voir le consommateur et

de lui parler directement. L’objectif était d’avoir en temps réel son avis », explique Julie. L’entreprise observe évidemment une tendance à la diminution de consommation de viande. « Les gens en mangent moins, mais ils vont choisir une viande qui a été élevée dans des normes plus élevées de bien-être animal. » Un rappel de l’importance du bien-être animal pour l’entreprise est l’œuvre d’art qui orne le mur de l’usine de Rivière-du-Loup où travaillent 550 personnes. Cette œuvre a été créée à partir des derniers bâtons électriques vendus par la quincaillerie agricole appartenant à la famille Breton. Aussi connus sous le nom d’aiguillon, ces bâtons munis d’une charge électrique étaient utilisés traditionnellement pour guider les animaux dans leurs mouvements. « Un moment donné, on s’est dit : “Ça a pas de bons sens, on prône le bien-être animal et on vend des bâtons électriques !” Alors l’entreprise Les Viandes du Breton a acheté l’inventaire de bâtons électriques et la quincaillerie n’en vend plus. »

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Les Viandes du Breton 150, chemin des Raymond Rivière-du-Loup 418 863-6711 dubreton.com

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terroir la société des plantes Kamouraska

S e m e u r d ’av e n i r Dans la région de Kamouraska, un homme cultive patiemment son jardin. Artiste dans l’âme, poète à ses heures, fin observateur du monde, il entretient un rapport très étroit avec les légumes et les plantes qui l’entourent. Il veille sur eux comme un père sur ses enfants, et il les éduque pour que leurs graines puissent s’épanouir ailleurs. Rencontre avec le semencier Patrice Fortier et sa Société des plantes. Mots Sophie Ginoux ; photos La Société des plantes et Thibault Renouf

Certains le croiraient un peu dingue, ou du moins marginal. Est-ce qu’un homme qui se présente chaque année coiffé d’angéliques est vraiment un jardinier et un semencier sérieux ? Pourtant, depuis presque 20 ans, Patrice Fortier fait une différence. À l’intérieur de son jardin où tout semble incohérent poussent allègrement une pléthore de légumes et de plantes dont les éléments les plus doués deviennent des graines, qui nourrissent d’autres jardins et permettent aux consommateurs de manger autre chose que ce que les grands semenciers internationaux imposent sur le marché. Un véritable travail de moine, solitaire et solidaire, auquel cet homme a réussi à donner une dimension humaine et poétique. Patrice n’a pas grandi à la campagne. Il connaissait les origines agricoles de sa famille, mais avait choisi la voie artistique pour s’exprimer. À la fois danseur, performeur et artiste visuel, il a été pour la première fois en contact avec l’agriculture dans les années 1980 à New York, au sein d’un groupe de marginaux qui disposait d’un jardin urbain. Cette rencontre avec le principe d’autosuffisance, qui rejoignait son travail sur la mémoire, a commencé à l’inspirer. Mais c’est plus tard, lors d’un séjour au sein d’une autre communauté située dans le quartier Saint-Roch, à Québec, qu’il a trouvé sa voie. « L’îlot Fleurie était le lieu de tous les possibles, se rappelle-t-il. C’était un projet effervescent et citoyen qui accueillait des paumés comme des artistes. J’y réalisais des jardins d’intégration artistique et j’ai pris conscience que je préférais aux arts rigides un art plus fluide et mouvant, celui des plantes, que je conçois comme des créatures avec lesquelles nous partageons notre existence. »

Créer les variétés anciennes du futur Patrice voulait approfondir cette nouvelle piste créatrice. Il s’est donc inscrit à l’école agricole de La Pocatière et a appris l’art du maraîchage. Mais il a compris sur place que ce qui l’attirait était moins de faire pousser des légumes que de littéralement les créer; et du même coup d’encourager une autosuffisance mise à mal par les grands semenciers, qui contrôlaient déjà 75 % de la production mondiale. Or, dans les années 1990, avant l’avènement de l’internet, il n’existait presque aucune source d’information pour pratiquer ce métier. Patrice a donc acquis une terre et est parti de zéro, avec beaucoup d’essais et d’erreurs à la clé. « J’ai commencé avec un tout petit catalogue de 20 à 25 produits et quelques centaines de sachets », raconte-t-il. Vingt ans plus tard, sa Société des plantes compte maintenant plus de 300 références, mais la vision du semencier n’a pas vraiment changé : « Je commence à comprendre ce que je fais, mais j’ai toujours besoin d’aller plus loin. Alors, comme je maîtrise assez bien la reproduction et l’amélioration des variétés, j’ai commencé à faire des croisements. Et mon plaisir est ainsi sans cesse renouvelé. » Patrice cultive l’effervescence, du moins en apparence. Au sein de son immense jardin, on retrouve une forêt d’angéliques, sa plante emblématique, mais aussi une tonne de légumes racines, feuilles et fruits, ainsi que des plantes à fleurs. Comment les sélectionne-t-il ? « Je mise sur ce qui donne de bons résultats. Mon mode de travail est basé sur la densité. Mes plantes ne sont donc pas bichonnées et doivent s’organiser toutes seules. Je ne conserve au final que celles qui sont >

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éventuelle des ressources en cas par exemple de cataclysme ou d’embargo. Mais il ne veut pas pour autant lutter contre le système : « On perd trop d’énergie à se battre contre de grandes compagnies. Je préfère proposer une alternative plaisante et vertueuse. Je ne rêve pas d’être un semencier unique, j’offre des outils d’autosuffisance. » Il crée donc des semences, offre des cours pour apprendre à en produire et participe à l’opération Gardiens de semences, qui vise à introduire et écrire sur les menus des restaurants des variétés québécoises. Il sait que l’alternative qu’il propose se consolidera, sans pour autant devenir une norme. Il croit aussi en l’éducation et en cette nouvelle génération de chefs et de maraîchers qui se réconcilient avec leurs racines. « La couleur d’un pays, ça passe par les paysans et les semences qu’ils utilisent, martèle-t-il. Nous avons une culture populaire à recréer. » Un véritable sacerdoce. La Société des plantes 207, rang de l’Embarras Kamouraska 418 492-2493 lasocietedesplantes.com

belles, résistantes, savoureuses et aux propriétés intéressantes. » Les résultats sont variables, allant de variétés qui deviendront des semences susceptibles d’intéresser des fermiers ou même des chefs qui ont de plus en plus à cœur de se réapproprier le patrimoine québécois, à d’autres qui constituent des colocataires gênantes que l’on a hâte de voir partir. Lutter pour la complexité du goût Le jardinier veille mais intervient peu, à l’image d’un père qui laisse ses enfants faire leurs preuves. Il encourage ainsi les éléments les moins populaires à briller au même titre que les stars habituelles des autres jardins: « Je lutte pour la complexité du goût. On se restreint trop souvent à dire qu’un légume est sucré ou non, alors qu’il peut être crémeux ou sec, avec des arômes floraux ou de pain d’épices. Je dis non à la victoire du sucre. Je ne veux pas simplement du petit navet japonais dans mon assiette, mais aussi d’autres navets qui goûtent le dessous de bras ou le sarrasin. » Le patrimoine végétal du Québec est-il en péril ? Selon Patrice – et d’autres lanceurs d’alerte –, c’est le cas. « Nous dépendons beaucoup des États-Unis, d’Israël et de la côte ouest », affirme-t-il. Au-delà de l’homogénéisation des cultures que ce phénomène provoque, il se soucie de la raréfaction

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pignon sur rue Riki Bloc Rimouski

OUVRIR LA VOIE Plus connue des marins que des grimpeurs, la ville de Rimouski abrite pourtant la seule coopérative d’escalade de tout le Canada. Né de la volonté d’une trentaine d’amoureux de l’escalade de rendre leur sport plus accessible, le centre Riki Bloc accueille les adultes aguerris comme les petits novices sur ses murs d’escalade de bloc. Mots Fanny Bourel ; photos Alice Boutten

Contrairement à l’escalade de voie, qui nécessite de porter un baudrier et d’être retenu par une corde, l’escalade de bloc se pratique sans équipement de sécurité particulier puisque les murs à gravir ne dépassent pas quatre mètres de hauteur et que des matelas sont disposés au sol pour amortir les possibles chutes. Cette discipline athlétique a vu sa popularité bondir ces dernières années et cet engouement a gagné Rimouski. En 2015, une trentaine de mordus de grimpe, en majorité des étudiants frustrés de ne pouvoir accéder au seul centre d’escalade de Rimouski que deux soirs par semaine, la salle étant située dans le cégep de la ville. Ces passionnés décident donc de lancer un centre d’escalade aux heures d’ouverture étendues et mettant leur sport à portée de main du plus grand nombre. Le projet met un an et demi à se concrétiser. Plaire aussi bien aux étudiants qu’aux familles Ils choisissent de se concentrer sur l’escalade de bloc pour se différencier du cégep, qui propose de l’escalade de voie, mais aussi pour toucher un public le plus large possible. « C’est accessible même à un enfant de cinq ans, si on lui explique les règles de sécurité », indique François Genin, le directeur général de Riki Bloc depuis juin dernier. Objectif atteint puisque le centre d’escalade intérieure, qui a ouvert ses portes en mai 2016, attire les habitués de la grimpe, mais aussi les groupes scolaires, les familles et les parents en quête d’un lieu où organiser la fête de leur enfant. Au cours de l’année écoulée, près de 7 000 personnes ont enfilé leurs chaussons pour

gravir les blocs du centre. Et le nombre de membres atteint 770 personnes aujourd’hui, alors que l’objectif initial s’élevait à 500 adhérents. Des ambitions réfrénées Pour faire de Riki Bloc une réalité, le plan d’affaires initial de la coopérative prévoyait un financement combinant les adhésions des membres, des montants recueillis lors de partys, une campagne de sociofinancement et des subventions. Lors de son premier mois d’existence, la coopérative compte 94 membres. Les fonds récoltés grâce à la campagne de financement participatif s’avèrent limités et les subventions espérées ne sont pas au rendez-vous. « Il a donc fallu revoir à la baisse le projet », se rappelle François. Le centre est donc presque deux fois plus petit que prévu. Offrant 700 pieds carrés d’espace de grimpe, il peut accueillir un maximum de 27 personnes. Côté budget, puisque l’équipe fondatrice de la coopérative est surtout composée d’étudiants débrouillards, Riki Bloc parvient à se meubler à un coût minimal. L’essentiel de l’argent est investi dans l’achat des murs et des tapis au sol. Un double défi de taille Si le nombre d’adhérents à la coopérative augmente après l’ouverture du centre, l’ascension vers le succès est émaillée de nombreux défis. Dès sa première année d’existence, Riki Bloc est confronté à un déficit. Pour y remédier, l’équipe fait preuve de créativité pour couper dans les dépenses. L’horaire du centre est amputé d’une quarantaine d’heures, et le multitâche devient le mot d’ordre des cinq employés, qui sont >

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un autre obstacle : le fort taux de roulement de son conseil d’administration. « Rimouski est une ville de passage, alors garder un conseil d’administration actif est un défi », explique François. Même souci concernant la gestion quotidienne de la coopérative : François est la quatrième personne à occuper le poste de directeur général en deux ans et demi ! « C’est problématique, mais j’ai bien l’intention d’y remédier en restant en fonction jusqu’à ce que la situation financière de la coopérative se stabilise », ajoute-t-il.

tous des grimpeurs. « J’accomplis le travail de gestion assis au comptoir pour pouvoir assurer le service à la clientèle en même temps, explique le directeur général. Le travail de maintenance et le ménage sont effectués pendant les heures d’ouverture pour limiter les frais fixes. » Quant à l’informatique cela ne coûte rien à Riki Bloc car un professionnel des TI s’en occupe gratuitement en échange d’un accès aux murs d’escalade. Et des bénévoles ont conçu un petit mur d’escalade portatif afin de faire la promotion du centre lors d’événements. Ces efforts paient puisque le déficit se résorbe progressivement. Cependant, Riki Bloc doit surmonter

Atteindre de nouveaux sommets Pour pérenniser la coopérative, François entreprend de diversifier la composition de son très estudiantin conseil d’administration en intégrant des personnes établies durablement à Rimouski et possédant une expertise en développement économique. « J’y suis parvenu en moins de trois mois », se félicite-t-il. Une fois que ce travail aura fini de porter ses fruits, la voie sera plus libre pour agrandir le centre d’escalade. « D’ici trois ou quatre ans, on espère pouvoir passer de 700 à 5 000 pieds carrés d’espace de grimpe ». L’équipe de Riki Bloc a également un autre projet à l’esprit : développer une activité d’escalade en extérieur. La coopérative songe à animer des groupes d’ascension des falaises environnantes et à proposer des camps de jour pour les petits escaladeurs, avec en tête toujours le même but : faire profiter au plus grand nombre les joies de l’escalade. Riki Bloc 17, avenue Belzile, Rimouski rikibloc.wordpress.com

A U X Q U AT R E C O I N S D U Q U É B EC , N O U S AV O N S B E S O I N D ’ I M A G I N AT I O N E T D E G E N S I N S P I R É S . D E S JA R D I N S A C C O M PA G N E L E S E N T R E P R E N E U R S Q U I R Ê V E N T D E PA R T I C I P E R A U D É V E L O P P E M E N T L O C A L D E L E U R R ÉG I O N . V O U S AV E Z U N E I D É E  ? N O U S P O U V O N S T R AVA I L L E R AV EC V O U S P O U R L A R É A L I S E R  !


sur la route Des bons plans pour votre journal de bord

H y d r o m e l l e r i e V i e u x- M o u l i n 141, route de la Mer, Sainte-Flavie À quelques pas du fleuve, cette charmante entreprise familiale existe depuis 40 ans. Nul besoin de vous dire à quel point la qualité du savoir-faire est impressionnante. Autour de cet ancien moulin à eau datant de 1830, on peut admirer un joli ruisseau ainsi que les vestiges d’un barrage. On y produit des hydromels

classiques, secs et doux, mais aussi des vins de miel aux petits fruits (framboises, bleuets). À l’intérieur, on peut prendre un moment pour visiter le Musée de la Neufve-France consacré aux objets et artéfacts de la Nouvelle-France et des Premières Nations. Une visite en famille devrait satisfaire tout le monde puisqu’on peut même y voir des abeilles faire leur travail à travers une ruche en verre. Bien plus qu’une boutique, le Vieux-Moulin éduque et divertit.

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la poutine aux crevettes ! C’est une montagne de crustacés ! Aussi : la vue sur le fleuve est plus qu’appréciable lorsqu’on se ressaisit avec un bon pogo ou autre grand classique. Bref, un arrêt casse-croûte incontournable sur la route vers la Gaspésie ou en y revenant (ou les deux !).

Rainbow Submarine Rivière-du-Loup rainbowsubmarine.ca Des initiatives de diffusion culturelle en région, il n’y en aura jamais assez et celle-ci se démarque dans la région du Bas-Saint-Laurent. La mission de l’organisme de diffusion alternatif est de créer des événements rassembleurs uniques. En guise d’exemples, l’été dernier, Rainbow Submarine présentait une série fort admirable de concerts d’artistes émergents dans des endroits inusités (Lydia Képinski dans un musée, zouz sur un terrain de mini-putt, Choses sauvages dans un centre d’aide aux personnes en détresse). Voilà des soirées amusantes et créatives, autant pour le public que pour les artistes invités. Il y a aussi parfois des shows de cuisine, où règne évidemment une sympatique proximité, et des événements sonores et visuels plus expérimentaux pour les curieux avertis. Rivière-du-Loup est si cool ! <

L e B i e n , l e M a lt 141, avenue Belzile, Rimouski

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Le bien, le malt : Valérie Therien ; Rainbow Submarine (MordIcus) : Tom Morin

C’est l’un des bons établissements à Rimouski pour les amateurs de houblon et c’est un arrêt officiel sur la Route des bières de l’est du Québec. En fût, il y en a vraiment pour tous les goûts : de la blanche boisée en passant par une sure légère, une ambrée aux accents fruités et une stout crémeuse. Le lieu est convivial avec son atmosphère de pub anglais et ses grands planchers en bois. Ouvert tous les jours à partir de 15h. Grignotines, assiettes de rillettes ou fromages et petits plats composés de sandwichs panini sont aussi offerts sur le menu. L’été, on peut profiter de la terrasse extérieure qui donne sur l’avenue Belzile, à deux coins de rue d’une vue exquise sur le fleuve. Allons s’y rafraîchir !

C a n t i n e S a i n t e- F l av i e 479, route de la Mer, Sainte-Flavie Par une belle journée, ça ne dérougit pas à la Cantine Sainte-Flavie ! Arrivé au bout de l’autoroute 20 à Mont-Joli, il suffit de deux petits coups de volant pour se retrouver dans ce havre de fast-food. Le service est si rapide que peu importe la cohue, l’attente n’est pas longue. Même les délicieux clubs au homard, les clams et les guédilles sont préparés en deux temps trois mouvements. Et que dire de

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c a n t o n s - d e- l’ e s t Cidrerie choinière PA G E 3 8

chapelle du rang 1 PA G E 4 2

Vignoble Les Pervenches PA G E 4 5

SUR LA ROUTE PA G E 4 8

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à boire Cidrerie choinière Frelighsburg

Tomber dans les pommes De père en fils, les Choinière cultivent le domaine familial qui s’étend entre Dunham et Frelighsburg. On y trouve des fruits, certes, mais aussi des cochons et des cidres. Rencontre sous les pommiers. Mots Marie Pâris ; photos Charles Briand

Les vergers s’étendent à perte de vue. Arrivé chez Choinière, on prend une voiturette pour faire le tour du domaine. Au loin, on peut apercevoir la frontière américaine. Le premier qui est tombé dans les pommes, c’est le père, Yves Choinière : à 26 ans, il achète avec sa femme Diane son premier verger, à Dunham. « Il a fait ça sur un coup de folie, il n’avait aucune expérience », raconte Gabriel, son fils cadet. À l’époque, son père est pilote d’avion et il est arrivé dans le coin pour un poste de chef instructeur à l’aéroport de Bromont. Mais sa reconversion dans les pommes marche bien; il suit les deux carrières en parallèle avant de se consacrer uniquement à ses fruits. Deux ans plus tard, le couple achète un autre verger voisin, situé dans le petit village de Frelighsburg, pour cultiver ses fruits qu’il vend ensuite comme pommes de consommation ou de transformation. Les deux vergers couvrent une vingtaine d’hectares et produisent entre 1500 et 1800 boîtes par an (la boîte, unité de mesure, c’est 350 kilos de fruits). Le domaine Choinière, c’est une histoire de famille. Le fils aîné, Philippe, et sa conjointe viennent plus tard y planter des herbes pour leur compagnie de soins corporels biologiques, Oneka. Ils cultivent des plantes qu’ils utilisent ensuite dans leurs produits, et les jolies platebandes bien entretenues viennent ajouter de la couleur dans la verdure avec leurs fleurs étiquetées de noms latins. Des cidres nature Gabriel, le deuxième fils, se lance quant à lui dans un petit élevage de cochons alors qu’il est

au secondaire : « C’était mon projet à moi. J’avais 13 bêtes, et je faisais de la vente de cochons entiers ». Il met en pause son élevage pendant le cégep et son bac en relations internationales. Comme tout jeune diplômé qui se respecte, il prend ensuite son sac à dos et part voyager, notamment en Australie où il fait des vendanges. « Là, j’ai eu le coup de foudre pour le vin », se souvient l’agriculteur. De retour au Québec, il suit une technique en production végétale à l’Institut de technologie agroalimentaire de Saint-Hyacinthe, puis travaille avec son père quelques années. Gabriel s’intéresse à la production d’alcool, il a des fruits à disposition… l’équation se fait rapidement: il va lancer une cidrerie. Au début, le cidre, ce n’était pas sa tasse de thé : « Ce que j’avais goûté ne me donnait pas envie de boire du cidre tous les jours… Moi, j’aime beaucoup les produits secs. » Et c’est ce qu’il fait. Des cidres nature, sans intrants, que ce soit des sulfites ou des sucres ajoutés. « Du pur jus », comme dit le jeune agriculteur. Si les cidres nature ne couraient pas les rues auparavant, on en voit émerger plus ces derniers temps. « C’était pas la norme avant, mais on dirait un peu que tout le monde se lance cet été ! », rigole Gabriel. Il fait quelques cuvées-tests, avant de lancer officiellement la Cidrerie Choinière en août 2019. Sur le domaine familial, bien évidemment. « Mon frère y a des parts et son expérience en affaires aide beaucoup, mais la cidrerie, c’est mon projet », explique Gabriel. Il est aussi épaulé par sa compagne, microbiologiste, qui apporte son expertise ainsi >

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que sa rigueur scientifique. Et puis, il y a Christian Barthomeuf, du Clos Saragnat voisin, le « mentor de fermentation et le coach » de Gabriel. Transition vers le bio L’agriculteur a utilisé 2 % seulement des pommes du domaine pour produire ses 5900 bouteilles de cidre. « Et je veux doubler le volume cette année », annonce-t-il d’emblée. À la cidrerie, on trouve trois produits : Armandie, un pet nat avec une belle bulle et de la complexité, «qui garde le côté fermier » ;

Boston Post, un cidre plat avec un petit perlant, qui évoque un peu un vin blanc; et Potato Hill, un cidre sur lie dont l’effervescence se rapproche plus d’un cidre traditionnel. Gabriel s’est aussi amusé à produire une microcuvée, Horizon, en macération pelliculaire avec des pommettes. S’il n’en a produit que 100 bouteilles cette année, son objectif est d’en faire une de ses principales cuvées à l’avenir. La cidrerie est déjà représentée par une agence qui distribue ses produits dans plusieurs points de vente au Québec. « Au début, >

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mon père était pas trop sûr pour la cidrerie. Mais maintenant, il est enthousiaste et confiant ! », indique Gabriel. À 28 ans, il a presque l’âge qu’avait Yves quand il a acheté son premier verger. Une pomme qui n’est pas tombée loin de l’arbre, puisque le fils continue toujours de travailler avec son père dans le verger – et envisage d’ailleurs de reprendre l’affaire plus tard. Et puis, il y a l’élevage de cochons, qu’il a relancé à son retour et qui compte dorénavant plus de 70 bêtes. « Je passe 50 % de mon temps à m’occuper des pommes, 50 % des cochons et 50 % du cidre ! C’est ça, le quotidien d’un agriculteur», résume Gabriel à la blague. « Mais faire du cidre à temps plein, c’est mon scénario idéal pour le futur… » Entre ses pommiers, son élevage et sa cidrerie, le domaine Choinière ne chôme pas. Si la cidrerie est fermée au public, elle a accueilli en octobre la Fête des récoltes sur ses vastes terres, avec un programme mêlant bouffe et conférences sur l’agriculture régénératrice. Car l’autre objectif de Gabriel, c’est de rendre ses vergers bios. Ça avance doucement, tandis qu’il insère des herbicides bios dans les pratiques établies par son père… « Les nouveaux projets, maintenant, c’est à moi de les mener. » Cidrerie Choinière 2, chemin de la Poste-de-Boston (Fermé au public) Frelighsburg

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c u lt u r e chapelle du rang 1 Lac-Mégantic

Guérir Lac-Mégantic Lac-Mégantic n’oubliera jamais le 6 juillet 2013. Durant cette nuit explosive, tous ceux qui y ont des racines ont perdu quelqu’un, quelque chose : des amis, de la famille, des souvenirs, un centre-ville... Six ans plus tard, les projets ne manquent pas pour revitaliser la petite ville des Cantons-de-l’Est campée entre lac et collines. Et les concerts estivaux de la Chapelle du rang 1 comptent certainement parmi les plus inspirants. Mots Jessica Dostie ; photos Jérôme Lavallée et Claude Grenier

J’ai grandi à Lac-Mégantic – juste Mégantic pour les intimes. Toute mon enfance, je l’ai passée sur mon vélo, entre les rues de Fatima, le secteur où nous habitions, l’aréna, ma deuxième maison (oui, j’ai un passé de patineuse artistique bien assumé) et la bibliothèque municipale. En été, j’empruntais des piles de bouquins que je dévorais tantôt au parc des Vétérans bordé par le lac, tantôt assise sur un rocher près de la marina. Jamais je n’aurais imaginé (qui l’eût cru ?) que la plupart de ces endroits partiraient en fumée une vingtaine d’années plus tard. À quelques coins de rue des lieux du drame, l’église anglicane Saint-Barnabas, elle, est toujours debout. Je ne compte plus le nombre de fois où je suis passée devant cette petite chapelle blanche érigée en 1891 en me demandant à quoi ressemblait l’intérieur. Je ne m’explique pas pourquoi, mais elle m’intriguait. C’est ironiquement par un 6 juillet ensoleillé, cet été, que j’ai pu assouvir ma curiosité. Depuis 2017, la chapelle revit grâce à Stéphane Lavallée, aussi originaire du coin, et ses fils Jérôme, Félix et Hubert, qui l’ont métamorphosée en salle de concert intime de 60 places. Musique et barbecue « Ce projet n’existerait pas sans les gars », avoue Stéphane, avec fierté dans la voix. Il faut aussi être passionné (de la région comme de musique), puisque les trois jeunes hommes de 26, 28 et 30 ans parcourent chaque fin de semaine de l’été les quelque 250 kilomètres qui séparent Montréal de

Lac-Mégantic pour épauler leur père et assurer la logistique. « Au départ, j’ai acquis la chapelle sans projet précis, sauf avec l’objectif de préserver un bâtiment patrimonial, mais l’idée d’en faire un lieu public autour de la culture est vite arrivée, raconte cet ancien journaliste. Et c’est comme ça qu’on a lancé le projet, naïvement, en se disant que les spectacles seraient intimes, peut-être, mais que la programmation, elle, serait de haut niveau, avec un équilibre entre la relève et des artistes bien établis. » Quelques exemples ? Dan Bigras a lancé la saison 2019, qui s’est conclue à la fête du Travail avec Diane Tell. Entre les deux, Désirée, Les Louanges, Laurence Castera, Milk & Bone, pour ne nommer que quelques noms. Autant de concerts qui ont fait salle comble; à vrai dire, c’est plein chaque fois. La musique, c’est bien, mais ce n’est pas tout. « Le spectacle n’est pas une fin en soi, acquiesce Stéphane. La mission de la Chapelle, c’est surtout de créer des rencontres entre les citoyens de Lac-Mégantic, les gens de l’extérieur – parce qu’on a beaucoup, beaucoup de touristes – et les artistes invités. » Et c’est exactement ce qui se passe. Il faut le vivre pour le croire: chaque concert est précédé d’un barbecue convivial, avec Stéphane au gril. Quelques heures avant le concert, les quatre Lavallée sont déjà au travail. Puis, dès 18h, les spectateurs commencent à affluer, même si le spectacle ne commence qu’à 20h ; entre deux bouchées de hot-dog, les habitués se saluent et les discussions s’animent spontanément entre gens de la place et visiteurs. >

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Dormir sur le « chemin de la croix » L’hébergement se fait toutefois rare à Lac-Mégantic. En attendant le nouvel hôtel du centre-ville, qui sera inauguré en 2020, il y a peu d’options pour les touristes de passage. « C’est un défi », souligne Stéphane. Il est bien placé pour le savoir : entre autres projets, il a aussi aménagé Une ferme en ville, une maison de tourisme absolument charmante (et qui affiche complet pratiquement tous les week-ends de l’été). Construite en 1900, la maison de deux étages est située sur la colline de la croix lumineuse, le « chemin de la croix », comme on disait chez moi. La vraie de vraie campagne – on parle d’une terre de 34 acres –, tout près du centre-ville. D’ailleurs, les artistes qui se produisent à la Chapelle du rang 1 y sont hébergés. « Ça fait une réelle différence dans leur expérience méganticoise, et tous veulent revenir », se réjouit Stéphane. Ce fameux soir de juillet dernier, la Française Pomme était à l’affiche. Il s’agissait de son second passage à Mégantic, preuve de l’ambiance unique de

la Chapelle, où elle avait d’ailleurs choisi de tester, en « première mondiale », les chansons d’un nouvel album qui n’est pas encore sur les tablettes. Même les téléphones étaient interdits, et c’était pour le mieux. On pouvait simplement se laisser porter par la voix de l’auteure-compositrice-interprète sans être déconcentré par la perpétuelle course à la meilleure « story » sur Instagram. À la Chapelle du rang 1, pas de places assignées non plus. De toute façon, la salle est si minuscule que, même assis à l’arrière, on se sent comme si on se trouvait dans le salon de l’artiste. Unique, je vous dis !

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Chapelle du rang 1 3394, rue Agnès, Lac-Mégantic 514 214-4181 chapelledurang1.com

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à boire Vignoble Les Pervenches Farnham

Vingt ans de vin Les restos s’arrachent les cuvées de ce vignoble situé à Farnham, dans les Cantons-de-l’Est. Vingt ans après avoir acheté leur terre, Véronique Hupin et Michael Marler ont réussi leur rêve de vivre de leurs raisins et de produire leurs vins sans intrants. Pourtant, à l’époque où ils se sont lancés, seuls quelques irréductibles Gaulois de la vigne osaient faire du biologique et biodynamique… Mots Marie Pâris ; photos Vignoble Les Pervenches

« On avait discuté un moment de faire du fromage ! », se souvient en riant Véronique Hupin. À la fin des années 1990, elle et son conjoint Michael Marler savent qu’ils veulent faire de l’agriculture ou de l’élevage ; mais ils ne savent pas encore exactement quoi. « On ne voulait pas être régis par des systèmes de quotas, donc ça éliminait beaucoup de choses au Québec. » Dans le cadre de ses études en agriculture à McGill, Michael s’en va en échange dans une école du sud de la France, où Véronique le rejoint. Là-bas, la plupart des étudiants français sont fils de vignerons, et le séjour est ponctué de dégustations et de visites de vignobles. « On a eu le déclic : c’est ça qu’on voulait faire », raconte Véronique. Le couple a un moment pensé s’installer à l’étranger. Ils avaient notamment le Chili en tête ; mais ils déchantent après six mois passés entre le Chili et l’Argentine. C’est par hasard qu’ils tombent en 2000 sur le domaine Les Pervenches, alors à vendre. « Quand tu fais ton plan d’affaires, tu réalises que c’est mieux de t’établir dans ton pays, explique la vigneronne. J’avais un père agriculteur à côté, à qui on pouvait par exemple emprunter un tracteur quand on en avait besoin. » Le couple garde le nom du vignoble – une décision de moins à prendre – et se lance alors dans la viticulture. Les vignes des Pervenches, plantées en 1991, consistaient à l’époque en deux grosses parcelles de seyval et chardonnay qui ne produisaient presque pas de fruits. Véronique et Michael ajoutent plusieurs autres cépages, comme du maréchal Foch, du frontenac et du zweigelt.

Faire des vins sans intrants En 2003, un employé du vignoble leur suggère de travailler en bio; il provient d’une entreprise de paniers bios, une des pionnières en la matière. « On a commencé à y réfléchir… C’est vrai qu’on pulvérisait les produits simplement avec un sac à dos, on n’avait pas de cabine de tracteur vitrée. Le vignoble, c’est notre jardin, notre lieu de vie », indique Véronique. Mais dans les années 1980 à McGill, l’agriculture bio n’est pas au programme, et les œnologues et conseillers en vins affirment aux vignerons qu’il n’est pas possible de faire de vin bio au Québec. Il y a bien Négondos qui fait du bio dans les Laurentides, mais le vignoble ne cultive pas les mêmes variétés qu’aux Pervenches. Qu’à cela ne tienne, Véronique et Michael s’envolent pour la France, où ils visitent plusieurs domaines bios pour s’informer. De retour avec un bagage de conseils et connaissances, le couple fait ses premiers préparâts biodynamiques en 2004 avec l’aide de la ferme maraîchère Cadet Roussel, de Mont-Saint-Grégoire, qui cultive selon ces principes. L’année suivante, tout le vignoble passe en biologique et biodynamique. « Notre fer de lance, c’est de faire des vins sans intrants, souligne Véronique. On est convaincus que les vins sont meilleurs comme ça. » Un mouvement auquel de plus en plus de producteurs se rallient aujourd’hui : « Oui, il y a un engouement pour le bio actuellement. Mais est-ce que c’est une prise de conscience ou un aspect commercial ? Ça, ça se discute… » >

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Depuis trois ans, le vignoble travaille aussi sa biodiversité en faisant des assemblages de semences plantées ensuite entre ses rangs de vignes de 4,15 hectares. Le mélange compte notamment des pois, des radis, du tournesol, du trèfle, de l’avoine ou encore de la moutarde, ce qui crée une architecture de différents étages de plantes. « On a en moyenne neuf semences pour garder une floraison continue et attirer le maximum de pollinisateurs, explique Michael. Ça produit aussi une nourriture diverse pour les bactéries et microbes dans le sol, un compostage plus équilibré. » Scarabées japonais et gels tardifs Quant à la multiplication récente des vignobles au Québec, Véronique ne voit pas ça comme de la concurrence. Au contraire : « C’est que du positif. Plus on est nombreux, plus le gouvernement nous prend en compte et peut débloquer des budgets, pour la formation par exemple. Et plus on est, plus on a de connaissances. On en a besoin, car dans la vigne, il se passe tout le temps des choses qu’on n’avait jamais vues avant. » Véronique cite notamment l’arrivée de certains insectes, comme les scarabées japonais dans les feuilles des vignes, en raison notamment du temps plus chaud et sec. La vigneronne n’aime pas pour autant utiliser le terme de « réchauffement

climatique », elle préfère «changements climatiques » : en effet, le couple note des refroidissements inhabituels. « Ce soir, ils annoncent 8°C, illustre Véronique. On est fin août, ça n’a pas de bon sens. » Il y a aussi les gros orages, le gel de printemps qui sévit de plus en plus tard… « Mais on touche du bois. On n’a jamais eu d’épisodes de grêle par exemple, comme c’est le cas en France. » Rupture de stock Malgré les changements climatiques et les aléas de l’agriculture, les affaires roulent aux Pervenches. Le couple est maintenant âgé d’une quarantaine d’années. « C’est un rêve d’avoir réussi ce qu’on voulait faire, s’exclame Véronique. On arrive à en vivre, à prendre des vacances. » Le vignoble s’est offert de nouvelles étiquettes et un design plus moderne pour ses 20 ans, ainsi qu’une cuvée spéciale en macération pelliculaire pour l’occasion, Macpel 20 – « on aime beaucoup ce que la macération donne sur les vins nature ! ». Des 6000 bouteilles produites la première année, Véronique et Michael sont passés à plus de 17 000. Ce qui n’empêche pas que les caisses s’écoulent toujours aussi vite. « Chaque année, on vend tout la saison d’après, constate la vigneronne. On n’arrive jamais à créer un stock tampon. » Un beau problème. D’ailleurs, quand on lui demande ce qui est le plus difficile dans ce quotidien de vignerons québécois, elle réfléchit un moment puis répond candidement : « Ce qui est dur, c’est de ne pas avoir assez de vin pour tous ceux qui en veulent. » Vignoble Les Pervenches 150, chemin Boulais, Farnham 450 293-8311 lespervenches.com

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sur la route Des bons plans pour votre journal de bord

Laurence Granbois

Backbone Escalade 100, rue du Rubis, Bromont Bien plus qu’un simple centre d’escalade, Backbone se veut un lieu rassembleur qui plaît autant aux grimpeurs expérimentés qu’aux débutants, adultes ou enfants. Dans ce centre géré de main de maître par la famille Marseille-Laprise, on se sent chez soi dès que l’on y entre. Les murs d’escalade de bloc de 16 pieds que l’on gravit sans

corde ni harnais sont parfaits pour lâcher son fou et parfaire ses techniques de grimpe. Entre des séances de grimpe, on profite du sympathique café-bar qui regorge de nombreuses déclinaisons caféinées, de petits délices réconfortants, et de bières de microbrasserie. Backbone peut se vanter de détenir l’unique parc de slackline au Québec, un sport en pleine ascension. Et si vous souhaitez emmener Toutou avec vous, sachez que le centre accueille les amis canins !

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Chez Dora

F r o m a g e r i e L a S tat i o n

799, rue Principale, Eastman

440, chemin de Hatley, Compton

Depuis 1957, cette boulangerie, située dans une ancienne petite école de rang d’Eastman, propose des produits décadents et frais du jour, dont les fameux beignes confectionnés selon la recette originale de la fondatrice Aldora Leduc. Chez Dora est devenue, depuis son achat il y a trois ans par Soraya Zarate et Christian Denis, bien plus qu’une beignerie artisanale. Elle s’impose maintenant comme une adresse gourmande de choix renfermant des centaines de produits de boulangerie, pâtisserie et prêt-à-manger. Une épicerie fine encourageant des artisans alimentaires locaux vient s’ajouter à une offre déjà alléchante. Que vous ayez une dent sucrée ou que vous planifiez vos prochaines réceptions ou festivités à la maison ou au chalet, cette adresse vaut absolument le détour !

Lauréate de nombreux prix au World Cheese Awards ainsi qu’au Concours de fromages fins canadiens, cette fromagerie excelle dans la création de fromages au lait cru biologique de vache. Bien que leurs produits se retrouvent un peu partout au Québec, rien ne vaut l’expérience de sillonner les routes menant vers la ferme et sa boutique et de discuter avec cette bande de passionnés, qui conjugue le bien-être des animaux et la confection de ses divins produits. Une fois arrivé à destination, prenez le temps de relaxer et de savourer le moment présent en vous commandant un grilled-cheese et un espresso. Fait intéressant : la fromagerie se retrouve parmi Les Têtes fromagères des Cantons-de-l’Est, un circuit qui réunit les meilleurs artisans fromagers de la région.

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La Coulée

M u s é e i n t e r n at i o n a l d ’a r t n a ï f d e M a g o g

Saint-Denis-de-Brompton

61, rue Merry Nord, Magog

Une impressionnante quantité d’eau d’érable est gaspillée annuellement au Québec en raison de la limitation des productions de sirop d’érable. L’entreprise estrienne La Coulée, fondée en 2017 par Jean-François Carreau, donne une seconde vie à cette eau naturelle et renouvelable en commercialisant une savoureuse eau d’érable pétillante qui se distingue des eaux traditionnelles offertes sur le marché. L’eau recueillie est gardée sous vide et n’est embouteillée qu’une fois les commandes reçues ; chaque bouteille conserve ainsi un maximum de goût et de fraîcheur ! La Coulée souhaite également contribuer aux saines habitudes alimentaires des Québécois en proposant un produit riche en minéraux et faible en calories. L’eau pétillante se savoure sur glace ou accompagnée de votre rhum ou de votre gin favori. Santé !

Situé en plein cœur du centre-ville de Magog, le Musée international d’art naïf est le seul musée au Canada à se consacrer entièrement à l’étude et à la célébration de l’art naïf. Depuis son ouverture en 2002 par l’artiste naïf Yvon-M. Daigle, le musée attire petits et grands grâce à sa riche et colorée exposition permanente qui compte plus de 850 pièces de quelque 250 artistes, dont le tiers des œuvres a été créé par des artistes de la région. Chaque saison, on y présente un minimum de quatre expositions temporaires, en plus d’y offrir des activités ludiques pour les enfants et divers ateliers de dessin, de peinture et d’écriture. Une visite au Musée international d’art naïf de Magog est un véritable bonbon pour les yeux… et pour l’âme ! L’entrée est gratuite.

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c e n t r e- d u - q u é b e c / c h a u d i è r e-a p pa l a c h e s le Dorimène PA G E 5 2

christian joncas PA G E 5 6

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pignon sur rue Dorimène Lévis

un ami qui vous veut du bien Il y a moins de deux ans, mon ami Etienne Villeneuve était encore l’un des rois-barmans du Mile-End. Aujourd’hui aux commandes du Dorimène, à Lévis, il fait bouger le paysage nocturne de la Rive-Sud de Québec et nourrit les bouches lévisiennes assoiffées de bon houblon. Mots Philippe Couture ; photos Marion Desjardins

C’était il n’y a pas si longtemps, au cœur d’une folle nuit montréalaise. Agile prestidigitateur du cocktail et figure rassurante des nuits de la rue Bernard à Montréal, mon ami souriait et faisait couler les pintes avec une prestance toute naturelle. Assis au bar avec mon habituel gin-tonic (abrégé ginto), je le regardais fièrement tenir maison, étourdi par le tournoiement de ses gestes experts. Il assumait enfin la noble profession pour laquelle il est si doué, après quelques années à chercher son chemin sans boussole. Depuis l’innocence de nos 13 ans et nos tentatives de nous affirmer comme adolescents vaguement hippies, je ne l’avais jamais vu aussi droit dans ses bottes. Sauf peut-être sur la scène du Festival d’été de Québec par un beau soir de l’été 2011, guitare en bandoulière violemment posée sur son torse suintant, chauffant la foule venue voir Metallica. En plus d’être un excellent barman, Etienne (ou devrais-je dire Blake) est le guitariste du groupe de rock musclé Dance Laury Dance. J’étais alors loin de me douter qu’il allait un jour abandonner les phares de la métropole pour ouvrir un bar à Lévis, la ville de nos émois adolescents et de nos premières cuites à s’enfiler des shots de kamikaze (Oui, oui, le petit cocktail doucereux de vodka-citron ; on trouvait que c’était paroxystique, allez comprendre.) Des années plus tard, après avoir affiné ses goûts en matière de spiritueux, voici Etienne pilotant Le Dorimène, le meilleur bar de l’histoire lévisienne depuis le premier défrichage de la terre par mon ancêtre colon Guillaume Couture (à ce stade-ci de la lecture, vous aurez compris que je ne suis ni objectif ni impartial).

« Lévis était prête pour le Dorimène », me dit aujourd’hui mon ami avec un demi-sourire sardonique, quand je lui redemande des explications sur son retour à la terre. « Les Lévisiens sont de plus en plus curieux et hédonistes, et aucun autre bar ne leur offrait la variété qu’ils méritent. » Vrai que Le Dorimène n’a pas son pareil dans la ville offrant la meilleure vue sur le Château Frontenac. Il n’y a pas d’autre bar où aller boire, par exemple, une pinte de Wayagamac, de la microbrasserie La Pécheresse, ou un ballon de la stout au café de chez Vox Populi. Le Dorimène réserve ses 12 fûts à l’excellence québécoise : que des bières de microbrasseries d’ici, parfois en petite quantité pour se permettre d’offrir des raretés, et parfois des exclusivités. Combler le vide Auscultons le paysage. À Lévis, la microbrasserie locale Le Corsaire surfe sur l’imaginaire dopé à la testostérone des pirates et flibustiers. Le resto-bar Délice, où fraie une partie de la jeunesse locale, est un endroit complètement baroque où se côtoient un univers asiatique extravagant et des tissus rouge vif tombant sur des sièges capitonnés. Dans le charmant Vieux-Lévis survit depuis toujours le vieil estaminet La Barricade, et ses tables de bois qui ont vu neiger. Mon ami Etienne, qui connaît ce panorama mieux que quiconque, savait qu’il y manquait un établissement d’un tout autre style. Quand l’opportunité d’un local parfait s’est présentée, dans un nouveau quartier où ont poussé ces 10 dernières années un petit campus universitaire et un Centre des congrès, il n’a pas hésité. Ce serait >

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une buvette. Un endroit élégant, mais sans prétention, où les universitaires et les gens d’affaires côtoieraient toutes les tranches de la population locale, pour boire des bières d’exception et casser la croûte avec de bons produits locaux. Rien de compliqué, mais le diable est dans les détails, et il comptait bien ne rien négliger. Ça a donné Le Dorimène. Le bar est baptisé ainsi en l’honneur de Dorimène Roy-Desjardins, grande bâtisseuse tapie dans l’ombre de son mari Alphonse, cofondateur des caisses Desjardins. Mon ami Etienne, un féministe de troisième vague, sait pertinemment que c’est la vaillante Dorimène qui gérait entièrement la première Caisse et élevait les 10 enfants pendant qu’Alphonse vaquait à d’autres occupations à Ottawa. À Lévis, tout le monde connaît cette histoire de ténacité et de crédit populaire : un grand récit fondateur de la région (au moins autant que l’histoire de mon ancêtre Guillaume). C’est donc en novembre 2018, après des mois de gestation, qu’Etienne a coupé le ruban et a offert au monde son œuvre : un bar tout de gris-noir et de plantes vêtu, où de chatoyantes fougères vertes courent sur les murs et complètent un paysage de béton texturé et de tuiles de céramique bien brillantes. La conception signée par le duo catherine catherine est aussi simple que sophistiquée. En prime : une toilette couleur « moutarde baseball » où les noceurs se photographient maladroitement au pinacle de la nuit. Un rituel inévitable. Et un peu de couleur dans la routine Instagram.

le rythme des saisons. Dans le froid de décembre, les IPA au goût costaud fleurissent sur le tableau de chasse d’Etienne. En pleine canicule apparaissent les rafraîchissantes saison belges et les bières sures aux petits fruits. Rien n’est laissé au hasard. Parce qu’Etienne est un perfectionniste. Un jour, un certain Lukas Lavoie est venu cogner à sa porte. Il avait une idée géniale : élaborer une carte d’accords de gins et eaux toniques. « Le gin, pourtant en effervescence au Québec et prisé des consommateurs, est toujours servi un peu n’importe comment avec du Canada Dry, se désole Etienne. On a décidé qu’il était temps de boire plus noblement les gins québécois et ceux d’ailleurs, des produits de plus en plus complexes qui méritent les meilleurs égards. » En cuisine, Etienne et ses barmans concoctent des soupes à l’oignon réconfortantes, de généreuses pizzas sur pain naan ou cuisent les pogos maison de la boucherie Turlo, à Saint-Gervais. Et surtout, les barmans sont efficaces et avenants. En cette matière, mon ami est la personne la plus pointilleuse que je connais. Tout compte fait, ce n’était pas une si mauvaise idée de retourner vivre à Lévis… Le Dorimène 5753, rue J.-B.-Michaud, Lévis 418 903-4446 ledorimene.com

Du houblon, du gin et des pogos « Les Lévisiens sont des gens fidèles qui ont leurs habitudes et qui n’abandonnent pas si facilement un établissement au profit d’un autre, me rappelle Etienne. Il faut gagner leur cœur doucement. Le défi me stimule. » Reste qu’il n’a pas fallu trop de temps pour que le bar s’inscrive dans le cérémonial quotidien ou hebdomadaire des habitants. Aujourd’hui, au Dorimène, Etienne papote avec ses « habitués du vendredi », conseille son meilleur houblon à des groupes d’amis qui en ont fait leur QG et accueille à bras ouverts le public habituel des shows d’humour du mercredi. On y revient parce que la sélection de bières est variée et audacieuse, à l’affût des nouveautés et des produits phares des microbrasseries québécoises. Vous aimez les bières de la microbrasserie À l’abri de la tempête, des Îles-de-la-Madeleine ? Etienne s’arrange pour en avoir dans ses fûts le plus souvent possible. Plutôt fan de la Microbrasserie Charlevoix ? Des produits Oshlag ? Des bières mauriciennes Trou du diable ? Ou de la NEIPA de la Bièrerie Shelton de Saint-Basile-le-Grand ? Vous êtes au bon endroit. Le menu est soigneusement composé et respecte

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territoire Club de plein air des Aulnaies Saint-Roch-des-Aulnaies

Monsieur bonne humeur Il vaut mieux prévoir plus qu’une journée pour visiter Saint-Roch-des-Aulnaies et ses environs, foi de Christian Joncas, adepte de plein air et amoureux de la région, qu’il anime de sa bonne humeur. Mots Maxime Bilodeau

Marie-Hélène Beaulieu prend la route vers sa talle habituelle de têtes de violon, sur les rivages de la rivière Ferrée, près de Saint-Roch-des-Aulnaies. Le temps presse : en cette mi-mai, la courte saison de cueillette (une à deux semaines) de cette jeune pousse de fougère comestible tire déjà à sa fin. La Pocatoise doit agir, et vite. Se croiser les bras signifierait de patienter jusqu’à l’année prochaine pour déguster quelques crosses fraîches poêlées avec du beurre, un classique. Direction : le Méandre, une halte d’interprétation consacrée à la rivière aux flots riches en fer. Sur place, la cueilleuse du dimanche stationne sa voiture. Puis elle salue brièvement des kayakistes qui, manifestement, s’apprêtent à descendre la Ferrée – leurs embarcations en plastique aux couleurs criardes ne mentent pas. L’un d’eux, tout particulièrement affable, entame la conversation : « D’où viens-tu ? Que fais-tu ici ? Heille, est-ce que ça te tente de pagayer ? » Marie-Hélène Beaulieu est prise de court, mais accepte. Ce jour-là, équipée par Christian Joncas, son bon samaritain, elle découvrira la petite rivière devenue grande pour cause de fonte printanière. Surtout, elle le fera en excellente compagnie. Je le sais : j’étais là. Un triathlon avec ça ? Ce n’est pas la première fois que Christian embarque une ou un pur inconnu dans l’une de ses aventures. « Il suffit de me dire “bonjour” et je vous lance une invitation. L’effet de surprise est assuré ! », raconte cet Aulnois de 61 ans. Depuis que cet ex-producteur laitier biologique certifié, l’un des

rares au Québec, s’est départi de son exploitation, il se consacre à temps plein à sa grande passion : le plein air. Sans surprise, il est le cofondateur du Club de plein air des Aulnaies, un regroupement informel d’amateurs de la nature qui sévit dans la région. Leur devise ? Tout le monde dehors. Fat bike, kayak de rivière, ski de fond, tennis : l’homme est un hyperactif qui aime partager son enthousiasme. Lors de la saison estivale 2018, il estime ainsi être sorti sur le fleuve Saint-Laurent à bord de son voilier avec plus de 250 personnes. Il organise en outre des triathlons sur une base régulière. Le concept est simple et n’implique pas d’enchaîner nage, vélo et course à pied. « Il faut plutôt que les gens complètent trois activités de leur choix dans la journée. Il n’y a pas de notion de performance », souligne-t-il. La preuve : la dernière discipline peut tout à fait être une virée au Pub Ras L’Bock, la microbrasserie de Saint-Jean-Port-Joli, le village voisin. Ambassadeur de sa région Les plus cyniques pourraient prêter de fort peu louables intentions en forme de piasse à Christian. Ce serait pourtant de la mauvaise foi : l’homme ne demande aucune contribution financière à ses invités... même s’il ne refuse pas une bonne bouteille de vin en guise de remerciements. Qu’est-ce qui le motive, alors ? La réponse : son coin de pays. « Je me vois comme un promoteur de Saint-Roch-desAulnaies et des environs. Je trouve que le potentiel récréotouristique y est sous-exploité : pourtant, il y a tellement de choses à faire sur place ! », explique >

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« Je me vois comme un promoteur de Saint-Roch-des-Aulnaies et des environs. Je trouve que le potentiel récréotouristique y est sous-exploité : pourtant, il y a tellement de choses à faire sur place ! »

celui qui siège au sein du CA de la Seigneurie des Aulnaies, un centre d’interprétation de la vie seigneuriale en Nouvelle-France. Entre une descente de la rivière Ferrée en kayak ou une randonnée à vélo sur la piste de la GrandeAnse, plusieurs bonnes adresses s’offrent en effet aux visiteurs de passage. À la boulangerie Du pain... c’est tout !, Charles Létang et sa conjointe Émilie Vallières travaillent avec du levain naturel et des farines biologiques locales. Ne manquez pas leurs croissants, qui font saliver de bonheur les touristes français pourtant habitués aux viennoiseries dignes de ce nom. Pendant la belle saison, c’est au Café du Bon Dieu que ça se passe, un petit café de village installé dans le presbytère patrimonial de

la municipalité, que le curé de la paroisse habite toujours. Sans parler des auberges, résidences touristiques et gîtes, comme Au soir qui penche... Bien sûr, une petite marche de santé dans le cœur du village s’impose. En revenant de l’époustouflant Havre du Quai, un type fort sympathique vous saluera peut-être. Retournez-lui la politesse, vous ne le regretterez pas.

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Club de plein air des Aulnaies 1019, chemin Du Vieux-Fronteau Saint-Roch-des-Aulnaies 418 354-2144 facebook.com/groups/248006518718970

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c u lt u r e M o u l i n d u P o r ta g e Lotbinière

à tout seigneur, tout honneur Lotbinière, région souvent négligée, enclavée entre les Bois-Francs et la Capitale-Nationale, porte les vestiges du régime seigneurial, dont peuvent encore témoigner certains de ses aînés. La seigneurie de Lotbinière fut établie en 1672 et officiellement abolie en 1854, mais ce n’est qu’en 1967 que le dernier des seigneurs fut exproprié par le gouvernement du Québec. Mots Patrick Neault ; photos Moulin du Portage

Si le touriste ne s’aventure que rarement sur ces terres, c’est que le territoire est surtout occupé par l’industrie agricole et n’offre, en apparence, que peu d’attraits pour l’estivant. Or, il est de ces petits trésors patrimoniaux qui se laissent découvrir pour peu que l’on se donne la peine de sortir des parcours touristiques classiques. Situé sur une presqu’île, aux confins d’un méandre de la rivière du Chêne, près de la municipalité de Lotbinière, le Moulin du Portage se dresse fièrement, au pied d’une impressionnante falaise. Construit en 1816 par le seigneur Chartier de Lotbinière afin de remplir son obligation de fournir de la farine à ses censitaires, le moulin sera exploité par une dizaine de meuniers qui s’y succéderont, l’habitant avec leur famille jusqu’en 1929. Rendu inutilisable à la suite d’un violent coup d’eau, il ne sera rouvert qu’en 1947, alors que le seigneur Alain Joly de Lotbinière décide de profiter de l’électrification des rangs pour le moderniser en y installant un mécanisme qui fonctionne grâce à cette énergie. Le moulin n’ayant jamais été véritablement rentable, on cessera définitivement de l’exploiter en 1952. Il sera malheureusement abandonné pendant une vingtaine d’années, en proie aux pillards et aux vandales. Bien que déserté, le moulin a toujours occupé une place privilégiée dans le cœur des habitants de la région. Son emplacement exceptionnel incite à la villégiature et les gens du coin ont tous, à un moment ou un autre, profité en toute clandestinité de son cadre enchanteur. Au milieu des années 1970, emportés par la mode du retour à la terre, Pierre Bluteau et Francine Lemay s’installent sur une petite ferme, à Leclercville,

non loin du moulin. Francine connaissait bien son existence, car ses parents étaient originaires de la région et venaient régulièrement y faire un pèlerinage pendant les vacances d’été. En 1977, le bâtiment se trouve alors dans un état lamentable et Francine ne peut se résigner à laisser un tel objet patrimonial disparaître de la sorte. Pierre, avec une vive lueur dans l’œil, se souvient : « On s’est dit : “Regarde, il faut faire quelque chose, sinon le toit ne passera pas l’hiver.” » Bien qu’il soit classé monument historique depuis 1964, grâce à la bienveillance du dernier descendant des seigneurs, Edmond Joly de Lotbinière, rien n’avait été concrètement fait pour préserver son intégrité. Le couple pilote alors une vaste campagne de mobilisation citoyenne et demande l’aide des autorités afin de rescaper ce bijou d’architecture unique en son genre. Le début des années 1980 verra donc le moulin reprendre vie, sous l’égide de la Société des amis du moulin, l’OBNL qui est toujours propriétaire et gestionnaire du lieu. Dès sa réouverture, en 1985, il est convenu que la grande salle, qui servait à l’origine de farinière, serait convertie en salle de réception et de spectacle. C’est ainsi que Richard Séguin inaugura le lieu, le 31 août, devant une salle comble, ce qui marquera le début d’une incroyable série de spectacles intimes et chaleureux, qui se poursuit de nos jours. Une troisième vie L’engagement du couple Lemay-Bluteau envers la préservation et la mise en valeur du moulin est impressionnant. Leur dévouement indéfectible sera démontré de manière indiscutable en 1988, alors que la tragédie frappe ; un incendie réduit en cendres ce >

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joyau patrimonial, seuls les murs de pierre subsistent. Loin de se laisser abattre, ils mobiliseront à nouveau les citoyens et les différents paliers de gouvernement afin de faire revivre le projet. Alors qu’il ne restait que les murs debout, Francine déclare, dès son retour de l’incendie : « On recommence ! » Disposant de la majorité des documents d’époque, où sont inscrits les devis de construction ainsi que la liste des matériaux, ils sont en mesure de reconstruire le tout presque à l’identique. Pierre ira jusqu’à noliser un entrepôt pour y fabriquer les chevrons de la charpente du toit à la manière traditionnelle. La visite du grenier est particulièrement éloquente à cet effet ; on y voit bien l’immense charpente de bois, retenue uniquement à l’aide de chevilles et de mortaises. Le moulin ouvre à nouveau ses portes en 1993 et reprend son activité de diffusion de spectacles en 1994. Grâce à son association avec le Réseau des organisateurs de spectacles de l’Est du Québec (ROSEQ), la Société des amis du moulin est en mesure de présenter une programmation qui n’a rien à envier aux salles plus connues en province. Au fil du temps, la superbe salle de 175 places a vu défiler les Fred Pellerin, Dumas, Shawn Phillips, Jean-Guy Moreau, Salomé Leclerc, René Claude et autres Laurence Jalbert entre ses murs de pierre. Les artistes qui ont la chance de se produire en ce lieu en gardent un souvenir impérissable tant l’acoustique est riche et la proximité avec le public est engageante. Si la salle

sert souvent de tremplin à des artistes de la relève, certaines vedettes confirmées telles que Dan Bigras y reviennent régulièrement pour profiter de la magie des lieux. Le moulin est ouvert du printemps à l’automne et offre, en plus des spectacles professionnels, la location de la salle à des fins de réunions familiales, de théâtre amateur ou de mariages, en toute exclusivité. Pierre y anime un ciné-club, en début et fin de saison, où sont présentés des films triés sur le volet par une bande d’amoureux du 7e art. Au grenier, on trouve une formidable exposition relatant l’histoire du moulin et de sa région. L’exposition, qui compte une épatante maquette du moulin tel qu’il était au 19e siècle et une formidable collection de documents et de photographies, témoigne du remarquable travail d’archives accompli par le couple Lemay-Bluteau. Une visite au Moulin du Portage est rarement la dernière tant sa majesté enchante et que l’esprit du lieu habite ceux qui se donnent la peine de faire un petit détour pour le découvrir. On y retourne pour un spectacle, ou simplement pour piqueniquer et profiter du sentier qui borde la rivière.

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Moulin du Portage 1080, rang Saint-François Lotbinière 418 796-3134 moulinduportage.com

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sur la route Des bons plans pour votre journal de bord

Pikur

Le Vivoir 4, avenue De Gaspé Est, Saint-Jean-Port-Joli Tout nouveau, tout chaud ! Le lieu, qui a été inauguré il y a quelques mois, est une fenêtre sur les métiers d’art québécois en plein cœur de Saint-Jean-Port-Joli. Tout le monde est gagnant : les visiteurs peuvent jeter un coup d’œil aux ateliers des artistes et ces derniers font partie d’un

centre qui leur offre des ressources de création. Sur les lieux d’un site patrimonial, le Vivoir abrite, en plus des ateliers, une boutique-galerie, des espaces locatifs et propose des formations et des événements, lui donnant un caractère immersif. En somme, le Vivoir souhaite redynamiser et actualiser la culture dans la région. Grâce à cette initiative, le savoir-faire et l’authenticité des artisans de la province sont à notre portée ! À découvrir.

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F e r m e Pay s a n n e 526, rang 5, Saint-Damase-de-L’Islet Sur sa ferme située sur la route 108 près de Saint-JeanPort-Joli, il y a 40 chèvres qui produisent du lait. Depuis quelque temps, Marie-Line Bélanger réalise son rêve de créer des fromages de chèvre. Il y a celui à pâte molle à l’ail et au basilic, celui au poivre, le classique nature, mais aussi le feta. Des cheddars, des camemberts, des fromages en grains, des yogourts et du lait complètent l’offre de la ferme, qui est bien présente dans les marchés publics de la région. En plus de desservir les gens du coin, les fromages de la Ferme Paysanne voyagent jusque dans les grands centres, Montréal et Québec. Un élevage caprin à découvrir dans les terres en plein cœur des Appalaches.

Aliments Trigone 93, chemin de l’Aqueduc, Saint-François-de-la-Rivière-du-Sud

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Fromagerie La Bourgade 818, boulevard Frontenac Est, Thetford Mines « La poutine est débile ! » Voilà qu’une amie originaire de Thetford Mines nous confirmait l’attrait de cette fromagerie artisanale de Chaudière-Appalaches qui a maintenant 25 ans d’histoire. Si vous ne faites que passer à la fromagerie du boulevard Frontenac pour acheter du fromage, le choix est évidemment alléchant – dont le grand classique cheddar Le Bourgadet en grains à pâte ferme issu de lait 100 % québécois de six producteurs de la région. D’autres cheddars variés sont offerts : au chili, aux trois poivres, à l’ail et aux fines herbes. Si vous avez plus de temps, passez au restopub au 16, rue Caouette Est pour un repas en famille dans un décor rustique. Le menu varié inclut les fameuses poutines, ainsi que des pizzas, burgers, viandes et fruits de mer.

L’aventure des Aliments Trigone a débuté avec le sarrasin en 1984. En plus de l’huile de sarrasin, les produits dérivés sont proposés sous différentes formes : entier blanc, germé, rôti et en gruau. Spécialisée dans la transformation de grains biologiques, l’entreprise a longtemps surfé sur la vente de grains de sarrasin et de chanvre – deux produits relativement méconnus du grand public –, avant de se lancer dans la vente de farine à base de grains germés (quinoa, noix de coco, pois chiches ou millet, par exemple) et d’ail du Québec. Avec un savoir-faire de culture de grains qui date de plus de trois décennies, Aliments Trigone peut se targer d’être spécialiste en la matière, en plus d’être encore aujourd’hui la seule entreprise en son genre dans l’est du Canada. >

M a g a s i n g é n é r a l Ly s t e r 447, chemin de la Grosse-Île, Lyster Il y a tant de coins où se perdre entre Montréal et Québec. Au sud de l’autoroute 20, juste avant Laurier-Station, on peut aller prendre l’air au parc régional des Grandes-Coulées avant d’aller longer, sur la route 218, la rivière Bécancour, qui se rend jusqu’à Thetford Mines. On tombe alors sur un petit village d’environ 1 700 âmes, Lyster, composé de terres qui ont été défrichées autour de 1850. C’est alors qu’on tombe sur des bâtiments qui font résonner le passé. On y croise entre autres la gare de Lyster, peinte de rouge, l’une des plus anciennes encore existantes en Amérique du Nord, puis, un peu plus loin sur le chemin de la Grosse-Île, on peut aller fouiner au magasin général pour trouver des perles.

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charlevoix C h a r l e v oyo u PA G E 6 4

Charlevoix pure laine PA G E 6 7

l a m a i s o n d u b o o t l eg g e r PA G E 7 0

SUR LA ROUTE PA G E 74

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terroir C h a r l e v oyo u Baie-Saint-Paul

La pensée circulaire des Dufour Non loin de Baie-Saint-Paul, au sein des collines verdoyantes de la région de Charlevoix, une famille a mené depuis 20 ans plusieurs petites révolutions commerciales sans perdre ses principes. Rencontre avec les Dufour, de fiers agriculteurs amoureux de leur terre et des gens qui l’habitent. Mots Sophie Ginoux ; photo F. Gagnon

Maurice Dufour a grandi ici, sur de cette ferme qu’il occupe toujours aujourd’hui. Treizième de 14 enfants, il a hérité de ses parents leur passion pour la terre, la faune et la flore. Il s’est donc naturellement dirigé vers l’agronomie et a travaillé pendant six ans pour la Coop fédérée. « J’y ai vu des bizarreries qui m’ont fait changer de voie, raconte-t-il. Je ne comprenais pas, par exemple, pourquoi du lait produit à Charlevoix devait se faire embouteiller à Québec. C’était incompréhensible. » À la suite de ce constat, Maurice a réfléchi à la manière d’encourager sa région, dont il connaissait les richesses sous-estimées. « Au début des années 1990, tu n’obtenais du financement dans Charlevoix que lorsque tu voulais ouvrir une auberge ou un casse-croûte. » L’entrepreneur avait cependant une autre idée en tête : monter une maison d’affinage, avec des produits de qualité distinctifs et mettant en valeur son coin de pays. Personne n’y croyait vraiment. Mais comme il l’a prouvé plusieurs fois par la suite, rien ne fait peur à ce pionnier. La maison d’affinage Dufour, au mandat à la fois commercial et agrotouristique, est donc née en 1994 ; et son premier fromage fin Le Migneron a connu un succès immédiat. Suivre son instinct Maurice adore les défis et il a du flair. Alors, après avoir prouvé qu’une fromagerie pouvait s’implanter dans Charlevoix, il a à plusieurs reprises joué d’audace. Il a notamment créé un fromage bleu, le Ciel de Charlevoix, dont la douceur et l’équilibre ont réconcilié les Québécois avec cette spécialité. Il a

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aussi monté en 2006 une bergerie laitière, qui produit notamment deux délicieuses tommes de brebis. L’entrepreneur n’allait pas s’arrêter en si bon chemin. Après les fromages, pourquoi ne pas produire du vin dans Charlevoix ? « Il y a 20 ans, je savais déjà que si les conditions climatiques changeaient, nous pourrions planter des vignes ici. » Une fois encore, son instinct a été bon puisqu’en 2010, à la surprise de tous, il a planté 60 hectares de vignes sur un plateau graveleux qu’il ne pouvait pas utiliser comme pâturage. Et depuis 2014, la gamme de vins Charlevoyou, sur laquelle il travaille avec sa fille Madeleine, ne cesse de s’enrichir et de se bonifier. Son défi actuel ? Développer des spiritueux à partir du lactosérum obtenu lors de la production des fromages fins. Une autre innovation unique au Québec et rarissime à travers le monde, puisque ce procédé nécessite l’implantation d’équipements qu’il faut inventer. Mais Maurice et Madeleine sont des fonceurs et ont réussi, à force de collaborations, de financement et de coups de gueule auprès des ministères, à mettre au monde un alcool de base prometteur qui deviendra la première vodka laitière sur les étals de la SAQ à l’automne 2019. « Tout n’est pas encore gagné, car les alcools locaux sont taxés à 250 %, ce qui est une aberration, dénonce l’entrepreneur. Mais nous connaissons le potentiel de cette branche [les dernières statistiques de consommation au Québec lui donnent raison] et sommes fiers de produire un alcool 100 % charlevoisien. Même l’eau qui constitue 60 % du produit vient d’une source sur mes terres. » >

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« Quand on prend soin de chaque étape et qu’on laisse le moins de composantes possible au hasard, les bénéfices sont au rendez-vous. »

Suivre ses principes Produire bien. Produire local. Voilà le leitmotiv que la famille Dufour s’est répété depuis ses débuts et a appliqué dans tous les projets qu’elle a menés. Après plus de 20 ans d’existence et une position enviable sur le marché canadien, la fromagerie aurait pu, comme bien d’autres dans la même situation, grandir à la verticale et s’adresser à de gros joueurs industriels pour reprendre ses recettes. Mais les Dufour ont privilégié un développement horizontal en diversifiant leurs activités.

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Comme le souligne Madeleine, « il faut toujours se poser des questions : que faisons-nous exactement ? Quels produits utilisonsnous ? Quelles sont nos valeurs ? ». La réponse est allée de soi : cette terre et les gens qui l’habitent priment. « Notre mission, c’est aussi de créer et de garder des emplois ici, confirme Maurice. Nous croyons en une économie locale et circulaire pour atteindre nos objectifs. » Sa fille ajoute d’ailleurs que ce modèle n’est pas, contrairement à ce que beaucoup pensent, synonyme de gouffre financier : « Quand on prend soin de chaque étape et qu’on laisse le moins de composantes possible au hasard, les bénéfices sont au rendez-vous. » L’agronome formé à l’utilisation de pesticides et d’intrants divers a opté pour une culture totalement biologique sur sa propriété. « Il faut protéger notre environnement et nos ressources », martèle-t-il. Tout est donc pensé en fonction de l’empreinte écologique qu’il laissera en fin de journée, du compostage du fumier au recyclage du lactosérum, et de la laine des brebis en passant par la vente de la viande des agneaux nés dans la bergerie à l’utilisation et la transformation de ses produits par le petit resto adjacent Les Faux Bergers – finaliste dès sa première année d’existence aux Lauriers de la gastronomie québécoise. Une pensée circulaire guide les pas des Dufour dans toutes leurs actions et prouve, projet après projet, que d’autres modèles que celui tant prêché par le libre marché peuvent réussir. Charlevoyou 1339, boulevard Monseigneur-De Laval Baie-Saint-Paul 418 435-5692 famillemigneron.com

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pignon sur rue Charlevoix pure laine Baie-Saint-Paul

L e s t o i s o n s d’ o r d e C h a r l e v o i x Tout part de ces tas de laine fraîchement tondue à l’arrière des étables et prêts à être jetés. Un gâchis pour Hélène Martin et Yvan Delage, les copropriétaires de Charlevoix Pure Laine. Et donc une situation à laquelle il fallait absolument remédier. Mots Delphine Jung ; photos Charlevoix Pure Laine

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« Les éleveurs nous ont dit que plus personne ne travaille la laine au Québec. Ils n’ont pas d’acheteurs, raconte Hélène Martin. On trouvait ça épouvantable, surtout quand on sait que beaucoup des vêtements qu’on porte sont fabriqués en Chine. On a une ressource ici qui n’est même pas utilisée et qui finit à la poubelle.» Il n’en faut pas plus pour que son conjoint et elle se lancent dans un projet de récupération de toute cette matière première : « On a commencé dans notre cuisine. On lavait la laine, on la cardait [la démêler], puis on la faisait filer dans une filature. Ensuite, on en tricotait des bas, des écharpes, des tuques... », se souvient Hélène, qui à l’époque utilisait même un rouet. Pour le couple, récupérer la laine d’ici donne encore plus de sens au travail des éleveurs pour qui rien n’est perdu dans leur produit. Si Hélène et Yvan tombent en amour avec cette matière, ce n’est pas par hasard : lui a longtemps travaillé dans une grosse entreprise de textile et elle était dans les métiers d’art, plus particulièrement dans la confection de pantoufles de mouton. Aujourd’hui, ils revendiquent qu’ils font un travail d’artisan. Huit ans après l’ouverture de sa première boutique à Baie-Saint-Paul, le couple est fier

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de dire qu’il récupère une « matière précieuse, surtout dans un pays de grand froid ». La laine est une matière chaude et respirante, antimicrobienne et antiodeur. Tendance tricot Ils ont dû la vanter assez bien pour que les clients la préfèrent aux produits fabriqués en Chine et vendus à un coût bien moindre. « Les consommateurs veulent de plus en plus acheter quelque chose d’authentique, de vrai, d’écologique et de local. Tu peux pas compétitionner avec une fibre synthétique. C’est sûr que nos prix sont plus élevés, pourtant, d’année en année, notre production augmente toujours », assure Hélène. Le couple mise sur la transparence pour sortir du lot et permet aux clients de voir comment les petites mains travaillent en atelier. « Quand tu achètes une tuque après avoir vu quelqu’un en train de la tricoter, ça prend tout de suite une autre dimension. » L’entreprise bénéficie aussi de l’engouement pour le tricot : beaucoup viennent à la boutique pour simplement ramener dans leurs valises une pelote de laine du Québec et l’offrir à leur copine amoureuse du tricot. Le couple s’impose un processus de qualité qui justifie le coût de leurs produits – un peu plus de 20 $ >

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la paire de bas. Comme à leurs débuts, ils récupèrent la laine chez les éleveurs de la région de Charlevoix, mais désormais aussi d’ailleurs au Québec. Yvan se déplace même pour la sélectionner attentivement : « Mon conjoint et mon gendre sont même présents lors de la tonte », assure Hélène. Les plus belles parties sont choisies pour être tricotées, les moins belles pour en faire des feutres. La matière est ensuite lavée dans de grands bassins d’eau chaude. « C’est un long processus, car la laine est très fragile. Il ne faut pas la brasser trop vite et on doit utiliser du savon sans sulfate », précise la copropriétaire. Et si la laine d’Hélène et Yvan n’est pas immaculée, c’est justement parce qu’elle n’est pas blanchie à l’acide sulfurique, qui agresse la laine et la rend justement irritante. « Nous utilisons aussi beaucoup la laine d’agneau, qui est plus douce », ajoute Hélène. Un économusée sur la laine La laine est ensuite cardée, puis filée dans une filature d’ici. Elle est ensuite tricotée ou feutrée. « Pour feutrer la laine, le processus est différent. Il faut au contraire l’agiter violemment pour qu’elle finisse par se densifier », explique Hélène. C’est sa

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fille Valérie qui a développé les produits en feutre de la boutique, comme des semelles ou des chapeaux, des savons feutrés ou encore des balles pour la sécheuse. Elles sont une alternative aux feuilles d’assouplisseur qui enduisent les fibres des tissus de produits chimiques qui s’accumulent au fil du temps. Pour Yvan et Hélène, Valérie représente la relève avec son mari. « Dans les cinq prochaines années, nous allons peu à peu faire le transfert », précise Hélène, qui ne cache pas sa fierté de réussir à garder l’entreprise dans le giron familial. Autre plan d’avenir, l’installation d’un économusée pour continuer à faire connaître la laine du Québec, mais pas question de grossir davantage. « Nous voulons rester petits, c’est pour ça que nous n’avons que deux boutiques et que nous avons fait le choix de ne pas être distribués dans plein de points de vente. Les gens, lorsqu’ils achètent du local, veulent aussi que ce soit un peu unique, et aller dans des boutiques qu’on ne trouve pas partout... » Charlevoix Pure Laine 69, rue Saint-Jean-Baptiste, Baie-Saint-Paul 418 760-8795 charlevoixpurelaine.ca

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pignon sur rue l a m a i s o n d u b o o t l eg g e r La Malbaie

Steak, prohibition & rock’n’roll Johanne Brassard est une visionnaire qui, en 1996, a transformé son coup de foudre pour un vieux bâtiment de campagne en une destination insolite et inclassable. À la fois musée de la prohibition et steak house, sa Maison du Bootlegger révèle un pan méconnu du passé de Charlevoix. Mots et photos Marie Mello

« Quand je pense à toute l’histoire de cette maison, ça me donne encore des frissons ! Ceux qui me l’ont vendue n’en avaient vraiment aucune idée… et je pense qu’ils le regrettent un peu aujourd’hui ! », s’exclame la propriétaire de la Maison du Bootlegger, qui a beaucoup voyagé et « eu plusieurs vies » avant de revenir s’installer dans son Charlevoix natal à la fin des années 1990. La fonceuse autodidacte s’est ainsi lancée dans un domaine qui lui était tout à fait inconnu, en dépit de tous ceux qui essayaient de l’en dissuader. « Le bâtiment était rendu vraiment délabré ! raconte Johanne. Il avait eu plusieurs vocations pendant les dernières années; ça n’avait pas marché. Et moi, je ne savais pas où aller acheter une patate… encore moins comment bien faire des steaks. Je suis tellement partie de loin ! » Eh bien, ce qu’elle venait d’acquérir n’était autre que l’ancien Club des Monts, un club de chasse et pêche fondé en 1933 qui abritait des activités complètement illégales à l’époque: le premier casino de la région et un bar clandestin visité par les riches et célèbres… « Même si tout le monde dit maintenant qu’ils ont des speakeasy, celui-ci en est un vrai ! », dit Johanne avec fierté. « Il fallait absolument qu’on raconte son histoire. » Formule souper-spectacle Unique en son genre, le lucratif établissement attire désormais chaque année des dizaines de milliers de curieux, qui doivent parfois s’y prendre longtemps à l’avance pour vivre l’expérience complète (lors de

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notre visite, il y avait déjà des réservations pour 2021 !). Situé en pleine campagne dans le paisible secteur Sainte-Agnès de La Malbaie, le restaurant peut accueillir chaque soir 150 clients, invités à arroser généreusement leur table d’hôte tout en découvrant l’histoire de la région. La salle à manger abrite encore l’immense foyer et les meubles d’origine du Club des Monts, y compris de grandes tables en bois où les fêtards d’autrefois gravaient leur nom. « Ce sont des tables à 12 personnes, alors il faut s’attendre à être « matché » avec du monde qu’on ne connaît pas. Ça crée vraiment de l’ambiance ! », estime la propriétaire, qui raconte que même les clients les plus hésitants sont la plupart du temps vite charmés. « Il arrive des affaires incroyables ! C’est une place de plaisir, c’est fait pour ça. Il y a quelque chose dans l’air… » Le Bootlegger a eu la bonne idée de préserver le gril d’origine du bâtiment, et tous ses steaks y sont encore cuits de façon authentique – sur charbon de bois à l’érable aromatisé de copeaux de hickory. Johanne est elle-même allée s’inspirer des recettes du Texas, où sa fille (une olympienne en basketball, dont certains mémentos sont affichés dans le restaurant) a vécu pendant ses études. « Je me suis beaucoup promenée et j’ai tout goûté. Je suis revenue du Texas avec plein d’idées pour trouver les recettes parfaites ! » Des décennies plus tard, Johanne teste encore les recettes du Bootlegger chaque semaine. Et la viande ? « Elle est fournie depuis 24 ans par Monsieur Bédard. The number one ! » >

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Johanne peut compter sur 45 employés pour mener la barque et, bien entendu, sur son conjoint musicien Joey Tardif. C’est nul autre que la star du téléroman des années 80 Épopée rock qui assure le programme musical des soirées, à sauce rock’n’roll rétro. Chaque soir, à partir de 21h30, Joey Tardif & Le Bootlegger House Band se produisent dans un petit recoin de l’ancien bar clandestin, après que les convives eurent reçu une panoplie de chapeaux et de perruques kitsch. C’est là que la fête peut réellement commencer (lire : ça danse entre les tables). Le labyrinthe du Club des Monts La formule souper-spectacle est complétée par une visite guidée d’environ 25 minutes qui permet d’en savoir plus sur l’histoire du bâtiment et sur ses particularités architecturales soigneusement préservées. Des guides très bien formés viennent chercher les clients, table par table, pour les entraîner à travers les diverses pièces et passages secrets du « labyrinthe », tout en racontant la vie de son excentrique propriétaire, le riche homme d’affaires américain Norie Sellar – des visites plus longues sont aussi offertes en journée, avec possibilité de lunch, mais il est préférable de vérifier l’horaire saisonnier. « J’ai vraiment été chanceuse de rencontrer Rosalie, la fille de Norie Sellar, et Dolorès Jean, la cuisinière du Club des Monts », explique Johanne. « Sans elles, on n’aurait jamais pu donner autant de

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détails pendant la visite. » C’est ainsi qu’on apprend que la maison acquise par Sellar se trouvait ailleurs : elle a été démontée et réassemblée pièce par pièce sur le terrain actuel, ce qui a pris six ans – mais a permis de truquer les plans du bâtiment fournis aux autorités. On y découvre également que le fils de Dolorès, Owen, était imitateur d’Elvis, et que nul autre que le King en personne est venu faire son tour au Bootlegger, sans compter de nombreux politiciens (et leurs gardes du corps). Comme si toute cette aventure n’occupait pas déjà assez tout son temps, Johanne a lancé sa propre gamme de produits du Bootlegger : des sauces et des épices à steak, distribuées dans plusieurs centaines de points de vente. Elle gère aussi depuis quelques années le Presbytère, un gîte de 11 chambres (arborant des tableaux peints par Joey) situé à 2 kilomètres de son steak house, qui propose un service de transport parfait pour les clients éméchés. Occupée, vous dites ? « Je suis sûrement workaholic ! Mais il ne m’est jamais venu à l’esprit que mes idées ne marcheraient peut-être pas. » On lui en souhaite encore des tonnes comme celles-ci. La Maison du Bootlegger 110, rang du Ruisseau-des-Frênes La Malbaie 418 439-3711 maisondubootlegger.com

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sur la route Des bons plans pour votre journal de bord

Sépaq

Pa r c n at i o n a l d e s H a u t e s - G o r g e s - d e- l a- R i v i è r e- M a l b a i e 25, boulevard Notre-Dame, Clermont Parmi les 24 sites exceptionnels sous la responsabilité de la Sépaq, le parc national des Hautes-Gorges-de-la-RivièreMalbaie est certainement l’un des plus emblématiques. Qui n’a jamais été pris de vertige (enivrant, on l’espère) devant l’amplitude de l’Acropole-des-Draveurs ?

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Contrairement à ce que pourraient laisser croire les clichés de ce panorama copieusement « instagrammé », le sentier de l’Acropole n’est pas qu’une partie de plaisir : le dénivelé de plus de 800 mètres met à l’épreuve les plus aguerris ! En plus de la marche en sentiers (sept en tout), la descente de la rivière Malbaie s’impose. De votre embarcation sillonnant le tracé au gré du calme débit ou des costauds rapides, les hautes parois s’exposent dans toute leur majesté. Allez-y, peu importe la saison.

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L’A u b e r g e d e s Fa l a i s e s

Émeu Charlevoix

250, chemin des Falaises, La Malbaie

710, rue Saint-Édouard, Saint-Urbain

C’est à s’y méprendre... suffit d’un peu d’imagination! Juchée au sommet de Pointe-au-Pic, un secteur de La Malbaie, l’Auberge des Falaises, toiture rouge-brun et galeries couvertes de briques blanches, donne sur ce qui pourrait être la mer Méditerranée. Ici, la côte charlevoisienne, n’ayant rien à envier à la Côte d’Azur, s’offre dans toute son excellence touristique. Ouverte il y a plus de 35 ans par Denys Cloutier et Reine L’Heureux, toujours propriétaires, l’auberge champêtre est en osmose avec son environnement: alors que les chambres (une quarantaine) étreignent les beautés du fleuve en aval, le tout nouveau restaurant Le Perché gourmand propose une table inspirée du terroir. Fraîchement rénovée, l’Auberge des Falaises comblera les vacanciers qui souhaitent profiter de Charlevoix en dilettante.

Moins connu que son cousin africain l’autruche, l’émeu, d’origine australienne, tire sa notoriété de l’huile découlant de son gras. Si la morphologie de ce gros oiseau l’empêche de s’envoler, son huile essaime partout dans le monde, propulsée par ses propriétés curatives. Consciente de l’attrait pour les produits naturels et convaincue des bénéfices de l’émeu, Raymonde Tremblay établit un élevage d’oiseaux à Saint-Urbain, sur la terre de ses parents. C’était il y a plus de 20 ans. Aujourd’hui, le cheptel variant de 200 à 350 bêtes est valorisé autant pour l’huile (à partir de laquelle sont créés des produits cosmétiques) que pour la viande, encore largement inconnue. Depuis mai, l’entreprise se décline également en économusée, où l’on peut y constater les étapes menant à la fabrication de l’huile d’émeu.

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Dana Carré

C i d r e r i e P o r t-a u - P e r s i l

Shamâne cosmétiques

525, chemin de Port-au-Persil, Saint-Siméon

975, chemin de Port-au-Persil, Saint-Siméon

Si Charlevoix est l’hôte de cultures et d’élevages inédits (émeu, âne ou safran !), elle s’y connaît aussi en productions traditionnelles. Sur la terre que lui a léguée son père, à Port-au-Persil, Benoît Carré cueille les pommes du verger qu’il a façonné de ses mains pour ainsi offrir un cidre fort des plus frais. Permettez ici une boutade surutilisée, mais parfois idoine : la production artisanale de la Cidrerie Port-au-Persil (modeste, 500 litres par année) est inversement proportionnelle à la qualité des boissons. Issus de pommes tardives comme la Spartan ou la Cortland, les cidres tranquilles sont tantôt conventionnels (le Racine carré), tantôt exotiques, comme le Rose-Abeille, aromatisé aux pétales de rose, ou encore ce cidre enveloppé des arômes de la prune sauvage.

Partenaire immémorial des cultivateurs, l’âne s’est progressivement effacé du labeur occidental au rythme des innovations techniques. Si ses capacités tractrices ne sont plus nécessaires, son lait trouve encore son utilité… et son plaisir! D’abord conquis par l’animal, Nathalie et Serge Kremer tombent en amour avec Port-au-Persil (on les comprend) où ils acquièrent une ferme surplombant le fleuve. Ils y créent en 2004 la Ferme de l’âne du Saint-Laurent, un élevage doublé d’une savonnerie. Le couple prélève ainsi le lait d’ânesse qui entre dans la fabrication artisanale de savons et de crèmes parfumés, par exemple au thé blanc, à la lavande, ou simplement d’huiles essentielles. La gamme de produits Shamâne – qui donne son nom aux boutiques de Saint-Siméon et de Baie-Saint-Paul – contient de l’extrait de fleurs de coton.

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c ô t e- n o r d At t i t u d e N o r d i q u e PA G E 7 8

L e s s av o n s d e l’at e l i e r PA G E 8 2

Fumeur En Nord PA G E 8 5

SUR LA ROUTE PA G E 8 7

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territoire At t i t u d e n o r d i q u e Baie-Comeau

Dehors, le Nord Depuis mars 2018, jouer dehors prend un autre sens à Baie-Comeau grâce à l’équipe d’Attitude nordique, qui rend le plein air accessible aux petits et aux grands. On peut maintenant grimper, pagayer, rouler dans la nature nord-côtière grâce à la vision de deux entrepreneurs qui aiment enseigner à jouer dehors différemment. Mots Sarah Iris Foster ; photos Attitude nordique

« Les gens cherchent une place où ils ne sont pas encore allés et qui n’est pas encore tant exploitée », explique Coralie Dumais, copropriétaire d’Attitude nordique, entreprise de plein air basée à BaieComeau. Frédéric Fournier se cherchait une personne avec qui lancer une entreprise de plein air lorsqu’ils se sont rencontrés il y a quelques années à une journée portes ouvertes du club d’escalade. Coralie s’apprêtait à partir enseigner dans l’Ouest canadien, mais elle est revenue sur la Côte-Nord peu de temps après dans le but de lancer l’entreprise. « On a senti qu’il y avait un gros manque sur le plan des activités offertes ici, à Baie-Comeau. On a eu un bel accueil des gens, vraiment un bel appui », commente-t-elle. Les activités offertes par Attitude nordique sont variées et sont proposées en toutes saisons : kayak, planche à pagaie, escalade, randonnées… Depuis l’été 2019, l’entreprise possède un parc d’aventure où l’on peut se lancer dans la via ferrata, activité hybride entre randonnée et escalade, et la tyrolienne. Les amateurs de plein air peuvent aussi découvrir les monts Groulx et le réservoir Manicouagan, entre Baie-Comeau et Fermont, grâce à Attitude nordique. « Notre but était que les gens soient fiers de leur région et d’avoir une entreprise de plein air chez eux. On a tellement un beau coin, des beaux endroits proches de la ville. On voulait que les gens s’approprient la région », explique l’entrepreneure baie-comoise. « On en a pour tous les goûts et pour tous les niveaux aussi. Tout est proche ! », lance Coralie quand on lui demande quels sont les incontournables à

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découvrir dans les environs de Baie-Comeau. Le belvédère de la baie Saint-Pancrace, le parc des Pionniers et les sentiers près du village de Franquelin offrent de magnifiques points de vue sur la nature. Elle conseille aussi le parc nature de Pointe-auxOutardes, le mont Ti-Basse et la station Uapishka, ainsi que les nombreuses plages de la région. Elle suggère aussi de s’arrêter à la Savonnerie Borale, qui travaille avec des produits de la région. Et pour manger et boire local, on va, entre autres, à la Microbrasserie St-Pancrace, au Manoir du Café, Aux 3 barils, au St-James. La Côte-Nord, on la découvre par les cinq sens avec l’équipe d’Attitude nordique, qui a établi des partenariats avec d’autres entreprises de la région pour compléter les expériences proposées. Les clients peuvent donc, entre autres, boire de la bière de la Microbrasserie St-Pancrace et goûter à la chicoutai, au thé du Labrador et aux camerises de la Ferme Manicouagan. Les jeudis d’été, il y a la soirée kayak-sushis qui connaît un énorme succès. L’activité de plein air, combinée à la découverte des saveurs du terroir et à l’interprétation de la faune et de la flore par les guides, constitue une expérience complète pour les touristes et aussi pour de nombreux NordCôtiers qui découvrent leur chez-soi d’une autre façon. « Ça prend du matériel pour se lancer dans certaines activités ! Si une famille souhaite essayer l’escalade de glace, on offre des initiations et c’est clé en main ; on les équipe, on les encadre, c’est sécuritaire », explique la copropriétaire qui forme une équipe d’une dizaine de guides en haute saison. >

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Éduquer par le plein air Les deux propriétaires d’Attitude nordique ont une formation en enseignement, lui en éducation physique et elle au primaire, et on retrouve cet intérêt dans l’offre de l’entreprise. « On s’est dit que la relève va travailler pour que le plein air reste accessible dans la ville. Les jeunes vont grandir avec ce goût-là, avec de nouvelles passions, et développer plus ça dans la ville. » Des élèves des écoles primaires et secondaires de Baie-Comeau et des environs participent aux classes vertes et classes blanches offertes par l’entreprise. Ils essaient plein de nouvelles activités comme l’escalade de glace et de rocher, le ski de fond, le kayak, le fat bike et des ateliers de survie. « Parfois, les professeurs trouvent que les élèves sont jeunes pour jouer avec le feu, disons, mais notre priorité est la sécurité. On veut que les jeunes apprennent à faire les choses correctement et qu’ils aient conscience des dangers liés aux activités. On aime ça que les jeunes apprennent, qu’ils ne fassent pas juste du plein air, mais qu’ils ressortent aussi avec quelque chose de ça. » Des camps de jour sont aussi offerts en été et pendant la semaine de relâche auxquels des jeunes de partout au Québec participent. « Les camps de jour hivernaux, les activités de survie en hiver, ça montre que le plein air, ça se fait autant l’été que l’hiver et que c’est aussi le fun », affirme Coralie. L’enseignement que proposent les guides d’Attitude nordique n’est pas seulement auprès des jeunes, mais de toute sa clientèle, eux qui prônent les principes

« sans trace » et qui tentent de sensibiliser les gens à l’environnement. « L’an passé, on ne voyait pas de déchet et cette année, on en voit vraiment beaucoup sur le fleuve et dans les monts Groulx. C’est spécial de faire des initiations de kayak quand tu vois plein de déchets sur l’eau. On utilise ça pour sensibiliser nos clients. On traîne des sacs pour les ramasser, mais c’est triste à voir », explique la copropriétaire de l’entreprise, qui donne aussi des formations sur les principes sans trace. « Le plein air commence à être beaucoup plus à la mode qu’avant, alors il est important de respecter l’environnement là-dedans. » Des activités hivernales comme le kayak, le ski hors-piste, la planche à pagaie sont dans les projets d’Attitude nordique, ainsi qu’un déménagement dans un plus grand local au centre-ville de Baie-Comeau. « Tant qu’à avoir un gros bureau de même, on va le rendre accessible aux gens ! Alors on va faire un mur d’escalade intérieur et pour le futur, on regarde pour une auberge de jeunesse à ce même endroit. Plein de projets pour les prochaines années! On a le bâtiment pour! Pourquoi on ferait pas ça ? » Attitude nordique 110, boulevard Comeau Baie-Comeau 418 445-6673 attitudenordique.com

« On s’est dit que la relève va travailler pour que le plein air reste accessible dans la ville. Les jeunes vont grandir avec ce goût-là, avec de nouvelles passions, et développer plus ça dans la ville. »

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pignon sur rue L e s s av o n s d e l’at e l i e r Tadoussac

L e s s av o n s m a d e i n Ta d o u s s a c Ouverte il y a un peu plus d’un an, la boutique Les Savons de l’atelier à Tadoussac s’inspire de la belle région de la Côte-Nord pour développer ses produits. Au programme: sable des dunes et queue de baleines. Mots Delphine Jung ; photos Les Savons de l’atelier

Impossible pour le voyageur de rater cette charmante maison sur le bord de la route lorsqu’il quitte le centre-ville de Tadoussac pour se rendre aux dunes. Impossible aussi de ne pas sentir la douce odeur qui s’en dégage. C’est dans cette belle bâtisse que Claude Belzile et Linda Gagné vendent leurs savons «made in Tadoussac», comme ils aiment le dire. Ce qui rappelle Tadoussac, c’est ce discret sceau représentant la queue d’une baleine apposé sur tous les blocs de savon qui se vendent à leur boutique. Mais pas que. Le Sable des dunes en est un autre exemple : il s’agit d’un savon exfoliant fait avec le sable des plages de Tadoussac, une des villes les plus touristiques de la Côte-Nord. Un petit plus local qui en fait l’un des produits les plus vendus de la boutique. Au début, inspirée par sa grand-mère qui fabriquait déjà son propre savon, Linda se lance là-dedans pour son propre plaisir. Chez eux, il y a des savons dans la salle de bain, mais aussi partout dans la maison. « Chaque jour ou presque, j’en utilise un différent », raconte en riant Claude. Il faut dire que Linda a un peu transmis sa passion à son conjoint: ça fait des années que leurs vacances se résument parfois à visiter les savonneries de la province. Puis Linda a perfectionné sa technique de fabrication en suivant des cours, à Montréal et à Québec. Elle a ensuite testé ses savons sur ses enfants. Claude aime dire en riant : « Nos savons, on ne les a pas testés sur les animaux, mais sur nos enfants ! »

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De Baie-Comeau à Tadoussac Après une carrière comme infirmière auxiliaire puis assistante dentaire pour Linda, de directeur de résidence pour personnes âgées pour Claude, les deux tourtereaux rêvent d’autres choses : de bulles, d’odeurs délicates et surtout de calme. Résidents de Baie-Comeau, ils achètent un terrain à Tadoussac, sur le chemin du Moulin-à-Baude, à quelques kilomètres du centre-ville. Ils y construisent leur maison, qui sert aussi de savonnerie, et leur boutique, 100 pieds plus haut. Car Linda sait que ses savons peuvent séduire au-delà des étals des marchés sur lesquels elle les vend de temps en temps, la fin de semaine. « On a eu l’idée de partir en business. L’idée, c’était que je continue à fabriquer les savons, et Claude, grâce à sa fibre entrepreneuriale, s’occupe plus de la gestion. Au début, je ne me voyais pas vraiment me lancer là-dedans, mais il a fini par me convaincre », confie Linda. Et surtout, ce qu’elle vend, elle y croit – « sinon, je n’en serai pas capable ». Lait de Saint-Hilarion et sable de Tadoussac Linda choisit d’utiliser du lait de chèvre pour faire ses produits. « Il a des propriétés très hydratantes. On s’approvisionne à la chèvrerie de Saint-Hilarion », précise-t-elle. Puis, elle y ajoute des huiles essentielles ou des fragrances. « Certaines huiles essentielles sont très volatiles, alors on met plutôt des fragrances », explique Claude.

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Linda ajoute, avec un certain franc-parler : «Beaucoup de produits accrochent les gens avec les propriétés des huiles essentielles, mais si j’ajoute à mon bloc, dans lequel je découpe 17 savons, la quantité d’huile essentielle maximum qu’on m’autorise à y mettre, elles sont tellement diluées que je ne suis pas certaine que mon savon à la lavande va vraiment vous détendre ! » Linda ne mise pas sur le marketing, mais plutôt sur la qualité de ses produits. Pour les colorants, elle utilise de l’oxyde de fer ou encore du mica, un minéral qui est l’un des constituants du granit. La préparation est ensuite coulée dans des moules. Une fois que les savons sont bien secs, Claude s’occupe de couper le gros bloc avec précision en 17 barres égales et d’y apposer manuellement le sceau qui représente une belle queue de baleine. Pour le savon Sable des dunes, Linda utilise la même recette que pour tous les autres, mais ajoute du sable qu’elle est allée chercher à marée basse. « Je le lave, le stérilise au four, puis le passe au tamis pour enlever les petits morceaux de bois et de coquillages », raconte la passionnée du savon.

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Shampoing en barre La savonnerie, dont les ateliers se visitent parfois, offre aussi toute une gamme de baumes réparateurs pour les talons, des boules de bain et des crèmes hydratantes. À venir : le shampoing en barre. « Certains entrent dans la boutique et nous demandent si on en vend. C’est une demande très récurrente. Les gens veulent désormais voyager léger, éviter les emballages en plastique, etc. », dit Claude. La plupart de leurs clients sont des gens de passage, mais le couple est tout de même fier de préciser que 30 % sont des locaux. La boutique ouvre ainsi pour Noël quand vient le temps de trouver des idées cadeaux. En hiver, les habitués passent simplement leur commande par téléphone. « On est très fiers de ça », avance Claude. Pourquoi ça marche ? « Car les 3 F sont réunis : la foi, le foin [l’argent] et le fun. » Les Savons de l’atelier 706, chemin du Moulin-à-Baude, Tadoussac 418 297-8116 tourismecote-nord.com/membres/ metiers-darts-et-souvenirs/les-savons-de-latelier

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terroir Fumeur En Nord Sept-Îles

E n t r e l’a i r s a l i n e t l’ o d e u r d e f u m é e Fumeur en Nord, c’est l’histoire d’un gars qui se retrouve sur le chômage après la fermeture de la mine. Pour le plaisir et un peu aussi pour passer le temps, il se met à fumer du poisson chez lui, comme son grand-père le lui a enseigné. Mots Sarah Iris Foster ; photos Guillaume Thibault

Des proches goûtent à ses créations et lui suggèrent de lancer son entreprise. Pour le plaisir d’imaginer ce projet, il pense à un nom et à un logo. En peu de temps, l’odeur de saumon fumé remplit la maison de Maxime Savard et Myriam Landry-Martel, qui voient de plus en plus de connaissances apprécier leur produit. « On s’est dit : “Tant qu’à faire ça, on va vraiment partir quelque chose”, alors on est allés à la Société d’aide au développement des collectivités (SADC) et les filles ont tripé sur notre projet. Quand je leur ai demandé combien de temps ça pouvait prendre, elles nous ont dit que ça dépendait de nous. Ça pouvait prendre un an ou un mois… » En octobre 2017, Myriam quitte son emploi d’esthéticienne et le 7 novembre suivant, Fumeur en Nord ouvrait à Sept-Îles. Dans la même période, Maxime est rappelé pour retourner travailler à temps plein à la mine à Fermont. Depuis, il passe 14 jours au travail dans le nord de la région, puis 14 autres jours dans son entreprise à Sept-Îles alors que Myriam est à temps plein à Fumeur en Nord. « C’est devenu une passion pour moi aussi ! », lance l’entrepreneure nord-côtière. « Mon père est pêcheur, ma mère a travaillé 20 ans dans une poissonnerie. Je suis pratiquement née dans le poisson ! » Chez Fumeur en Nord, on retrouve une grande diversité de produits en plus des poissons ; du bacon, du tofu, des œufs, des gâteaux au fromage, des bretzels, ainsi que des plats cuisinés sur place comme les poke bowls et les tartares. Les entrepreneurs s’adaptent, ajoutent ou retirent des produits selon la demande et les ressources disponibles. Ils fument des produits pour certains

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commerces de la région, comme des amandes pour la boutique le Renard bleu, des fromages pour certains restaurateurs et du poisson pour la microbrasserie La Compagnie. Ils utilisent d’ailleurs la Wagon, une bière locale, pour saumurer le poisson. On trouve aussi des bubble tea et une variété de sauces piquantes dans le commerce de l’avenue Brochu. D’ailleurs, c’est la deuxième adresse de Fumeur en Nord qui a dû déménager après quelques mois d’existence pour mieux répondre à la demande grandissante. « Quand on a ouvert en novembre, les gens me disaient : “Profites-en, novembre, ça ouvre, c’est la nouveauté, décembre, c’est le temps des Fêtes, mais janvier, ça va être tranquille”. Au contraire, en janvier, j’ai voulu engager une personne à temps plein parce que c’était épouvantable comment ça roulait ! Plus qu’en décembre ! », explique Myriam Landry-Martel, qui a engagé sa première employée après trois mois d’activité. À peine deux ans plus tard, ils sont huit à travailler chez Fumeur en Nord, incluant les propriétaires, qui vivent le défi de concilier entreprise et famille, eux qui sont parents de deux jeunes enfants qui s’amusent parfois à étiqueter les produits et à répondre aux clients. Pas l’temps d’niaiser Fumeur en Nord travaille beaucoup avec le bois de pommier, mais aussi le caryer, le cerisier et l’érable. Maxime est le spécialiste de la fumaison, il s’amuse à faire des mélanges de bois pour avoir différentes saveurs. Myriam crée les plats cuisinés sur place et fait la fumaison lorsque son chum est à la mine.

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« La commande arrive le mardi, il faut le faire saumurer, puis c’est 12 heures au frigo. Le mercredi matin, on coupe, on rince, on fume, et là il est fumé. On reçoit une autre commande le vendredi. Dès qu’on reçoit, on fume et on emballe sous vide et go au frigo. » Dès qu’un produit est disponible, il est annoncé sur la page Facebook de l’entreprise et trouve rapidement preneur. « Je sais pas si les gens savent à quel point c’est de l’ouvrage une entreprise, surtout dans la nourriture. On ne peut pas mettre un morceau de saumon de côté et dire : “Bon, ben, je reviens dans une semaine !” Il faut qu’on surveille les températures, les quantités. On est fermé les dimanches et les lundis, mais on est à l’entreprise et on travaille quand même », explique l’entrepreneure. Pour ceux qui ont la chance de passer à Sept-Îles en vacances, un coup les victuailles ramassées chez Fumeur en Nord, Myriam Landry-Martel suggère d’aller pique-niquer sur le bord de la mer, comme sur la promenade du Vieux-Quai à Sept-Îles. Pour boire, elle nous conseille un bubble tea ou une bière de la microbrasserie La Compagnie. Maintenant rassasiés, on découvre Sept-Îles et les environs avec la ferme Purmer, on cueille des moules, des algues, on observe les baleines, ou on assiste aux nombreux festivals de

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la région. On part en Minganie pour explorer les îles Mingan et la chute Manitou. On profite aussi de l’hiver en allant skier à Gallix, avec la pêche sur la glace, ou en parcourant la région en motoneige. Le couple est ravi de la réponse et du soutien des gens de la Côte-Nord envers son entreprise. Des gens de Natashquan, de Havre-Saint-Pierre, de Fermont et d’ailleurs demandent ses produits. « Un jour, mon chum allait à Fermont en voiture voir si des gens seraient intéressés à acheter des produits et ça faisait la file chez son père ! », raconte Myriam avec fierté, tout comme la fois où, dans une file d’attente, elle a entendu la conversation entre deux filles où l’une demandait à l’autre si elle était déjà allée chez Fumeur en Nord et vantait les produits. « Et elle ne me connaissait pas ! Ça m’impressionne tout le temps ! C’est quand même nous qui avons créé ça pis les gens en parlent en bien ! Je me suis déjà fait dire qu’on était un incontournable à Sept-Îles. Ça me fait vraiment plaisir ! » Fumeur en Nord 493a, avenue Brochu, Sept-Îles 418 350-0222 fumeurennord.ca

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sur la route Des bons plans pour votre journal de bord

Éric Tremblay

D i s t i l l e r i e P u yj a l o n 1180, rue du Fer, Havre-Saint-Pierre Première entreprise de cette catégorie sur la Côte-Nord, la distillerie Puyjalon fait la fierté des Cayens depuis avril dernier avec sa première création, le gin Betchwan. Fabriqué majoritairement avec des produits boréaux récoltés dans différents coins de la Minganie, dont le thé du Labrador, le poivre des dunes, la chicoutai et

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l’airelle, ce gin a récemment gagné des prix aux États-Unis et en Chine. Le deuxième produit, la vodka Eskimo, a vu le jour quelques mois plus tard. Il est possible de trouver ces deux produits dans plusieurs SAQ au Québec, en vente en ligne, dans des événements un peu partout et dans des restaurants nord-côtiers. La distillerie à Havre-Saint-Pierre accueille les visiteurs le vendredi toute l’année et tous les jours de la semaine en été.

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L e s d é l i c e s d e l’a r t i s a n 822, rue Bossé, Baie-Comeau Un passage par Baie-Comeau n’est pas complet sans un mini-détour par le centre-ville du secteur Mingan pour un arrêt à la boulangerie Les délices de l’artisan. En plus d’être un charmant endroit pour un déjeuner ou un dîner léger, avec toujours au moins deux salades et soupes du jour et plusieurs options de sandwichs, on peut y faire des provisions pour la route. Des pâtisseries, des plats faits maison, des produits régionaux et plusieurs sortes de pains; le genre de provisions qu’on s’imagine qu’elles dureront plusieurs jours, mais dont on se délecte rapidement en avalant les kilomètres sur la 138. Assurez-vous de ramener au moins un succulent Jos Louis parmi vos victuailles et, selon la saison, dégustez une bûche de Noël, un pain de Pâques ou une crème molle. <

L a C o m pa g n i e

De baies et de sève

15, rue du Père-Divet, Sept-Îles

35, rue du Pré, Natashquan Depuis sept ans, on peut goûter la Côte-Nord différemment grâce à l’entreprise De baies et de sève, qui met en valeur plusieurs plantes et petits fruits cueillis dans les environs de Natashquan. Quand les papilles ont envie d’air salin de bord de mer, on déguste le pesto des berges et quand elles ont besoin du réconfort de nos forêts boréales, on boit une tasse de thé de la Minganie. Les algues et autres végétaux de la région sont aussi utilisés dans une gamme de produits de soin pour le corps. L’entreprise a récemment acquis son atelier, qui devrait ouvrir ses portes au public en 2020. D’ici là, on les trouve dans leur boutique en ligne, plusieurs points de vente sur la Côte-Nord et quelques endroits ailleurs en province.

Depuis à peine un an, la métropole de la Côte-Nord a enfin sa propre microbrasserie. Le grand local de la rue Père-Divet est rapidement devenu un lieu de rassemblement pour y déguster l’histoire à grandes gorgées de bières qui rappellent l’héritage industriel et maritime de Sept-Îles. On y boit entre autres la Wagon, une rousse qui fait écho aux trains remplis de minerai, et l’Ouvrière, une blonde de soif qui fait honneur à ceux qui ont bâti Sept-Îles. Pour accompagner tout ça, La Compagnie propose un menu qui fait de la place aux produits régionaux, comme le saumon fumé de chez Fumeur en Nord. On aime leur variété de nachos et les bretzels géants. L’équipe de La Compagnie est aussi présente avec ses produits dans plusieurs événements festifs nord-côtiers. >

A u b e r g e L e Ta n g o n 555, avenue Cartier, Sept-Îles

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Optik 360

Des voyageurs en quête de bout de route, des artistes qui s’inspirent du large, des étudiants en stage, des travailleurs de passage; tout ce beau monde se rencontre dans l’atmosphère chaleureuse de l’Auberge internationale Le Tangon de Sept-Îles depuis plus de 30 ans. Des dortoirs et des chambres individuelles abordables avec beaucoup d’espace pour cuisiner soi-même et une magnifique cour arrière aménagée pour jaser avec ses colocs du jour font de ce lieu l’hébergement de choix pour un séjour à Sept-Îles. Les gens qui y travaillent sont super accueillants et aidants pour les voyageurs solos tout comme pour les familles. L’auberge est située dans une rue résidentielle tranquille, à quelques minutes à pied du fleuve. Des artistes émergents s’y produisent de temps à autre lors de spectacles intimistes.

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gaspésie / î l e s - d e- l a- m a d e l e i n e f r u i t s d e m e r d u q u é b ec PA G E 9 0

D éc o u v r i r l e l o u p - m a r i n PA G E 9 4

l a s o c i é t é s ec r è t e PA G E 9 8

SUR LA ROUTE PA G E 1 0 1

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terroir F r u i t s d e m e r d u Q u é b ec Grande-Vallée

L e g o û t d e l’ e a u . . . salée ! Déguster les produits de la mer d’ici n’est bizarrement pas si facile. Ils sont souvent difficiles à trouver. Mais grâce à deux entrepreneurs gaspésiens, les délicieux trésors du golfe du Saint-Laurent sont désormais à portée de main ! Photos Fruits de mer du Québec

Il est encore tôt. Le petit village de Cloridorme, 743 âmes, semble endormi. Et pourtant, dans l’unique poissonnerie du village, une cinquantaine d’employés s’affairent à décortiquer une montagne de pétoncles. Les couteaux acérés ouvrent les coquilles, en dégagent les noix, les nettoient des impuretés. Dans un bassin, un homme les lave avec soin. Ces pétoncles sont précieux. « Leur chair est délicate, légèrement sucrée », précise Patrick Denis, un des patrons de l’usine. Pêchés dans le golfe du SaintLaurent, près de la Côte-Nord, aussitôt surgelés, ils prendront la route vers les épiceries du Québec. Dary Côté et Denis Fortin surveillent de près les opérations. Les deux amis vont suivre la route de ces pétoncles jusqu’à une usine à Drummondville, où ils seront conditionnés et emballés afin de rejoindre les congélateurs disséminés dans une centaine de IGA du Québec. Un congélateur bien à eux, un tombeau dans le jargon, décoré de bois gravé au nom de leur entreprise : Fruits de mer du Québec. Un congélateur rempli de délices marins venus du Saint-Laurent : bajoue de morue, flétan, morue, turbot, crevettes nordiques. C’est Dary qui a eu l’idée de ce projet un peu fou, alors qu’un été, il ramenait des poissons et des fruits de mer de son coin de pays à des amis de la ville. « J’en avais pour 5 000 $, raconte l’entrepreneur verbomoteur. Je me suis dit que ces gens-là n’allaient sûrement pas magasiner du poisson à l’épicerie. Je suis allé faire un tour et j’ai constaté qu’il n’y avait pas beaucoup de produits du Québec. C’est comme ça que Fruits de mer du Québec est né. »

Au fil des mois, ce natif de Grande-Vallée tisse tranquillement des liens avec des pêcheurs, des débardeurs et des transformateurs de la Gaspésie. À Grande-Vallée, il a déjà une poissonnerie, mais le rythme s’accélère. Il crée les congélateurs avec leur signature boisée et commence à les installer dans diverses épiceries du Québec. Chaque semaine, il ramène des poissons, des fruits de mer et remplit lui-même ses tombeaux. C’est là qu’il demande de l’aide à son ami d’enfance Denis, qui est alors maire de Cloridorme. Denis embarque dans l’aventure. L’entreprise se développe avec entrain. Une certaine idée de la souverainté alimentaire Nous retrouvons les deux compères sur un des quais du port de Rivière-au-Renard. Le plus important des ports de pêche de la Gaspésie. Aujourd’hui, les bateaux accostent avec des cales remplies de crevettes nordiques. La récolte est bonne. Ils suivent de près les opérations de surgélation dans une des usines du village. Pour remplir leurs congélateurs de ces délicieux fruits de mer toute l’année, Dary et Denis ont besoin de grosses quantités. Pour les déguster presque frais, il suffit de se rendre au bistro du port, juste à côté. Dans ce bâtiment anonyme, les travailleurs du coin viennent déguster la fameuse guédille, un sandwich généreux servi dans un pain de style panini. Les crevettes, légèrement assaisonnées, révèlent toute leur saveur. C’est là tout le défi. Au fil des mois, il a fallu convaincre ce milieu si particulier des pêches que le Québec avait aussi le droit d’avoir accès aux >

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trésors du Saint-Laurent. En Gaspésie, plus de la moitié de ce qui est pêché part… à l’exportation. Les transformateurs de Rivière-au-Renard ont rapidement été séduits par la vision de ces deux entrepreneurs qui prônent, dans le fond, une certaine idée de la souveraineté alimentaire. À l’usine de transformation Menu-Mer, le patron Jean-Yves Dumaresq partage volontiers cette vision. Et, avec son expérience, il n’hésite pas à leur donner le coup de main nécessaire au développement de leurs activités. Ici, le flétan vient d’arriver. Des employés lèvent les immenses filets qui seront découpés en portions individuelles pour faciliter les recettes des amateurs de ce poisson à la chair si ferme et délicate. Pour profiter de cette manne, les deux entrepreneurs contactent l’ensemble des chaînes d’alimentation du Québec. Et c’est Sobeys, la maison mère des magasins IGA, qui leur signe un contrat d’exclusivité. L’occasion rêvée de distribuer ces délices de la mer dans plus d’une centaine de magasins dans la province. De petites épiceries indépendantes offrent aussi le fameux congélateur

à leurs clients. Dary et Denis commencent à réussir leur défi : offrir des fruits de mer du Québec à l’ensemble des Québécois. Mais leur concept ne s’arrête pas là. Après les produits bruts, place aux plats cuisinés ! Dary et Denis débordent d’idées. Avec Les pêcheries gaspésiennes, ils créent une planchette de poissons fumés : maquereau, morue, turbot et saumon fumés à chaud présentés sur une planche de bois, prête à être déposée sur la table. S’inspirant de recettes gaspésiennes, ils concoctent aussi des boules de morue, du poisson enrobé de panure et une coquille de fruits de mer. Les deux amis voient encore plus loin et, des splendides côtes gaspésiennes, lorgnent vers l’international. Mais pas avant que tous les Québécois auront accès à leurs propres fruits de mer. Souveraineté alimentaire, vous avez dit ? Fruits de mer du Québec 185-A, rue de la Rivière, Grande-Vallée 514 972-1870 fruitsdemerduquebec.com

PA R TO U T A U Q U É B EC , I G A E S T F I È R E D E M E T T R E E N VA L E U R L E S P R O D U I T S L O C A U X E T L E T R AVA I L D E S A R T I S A N S D’ I C I . N O S M A R C H A N D S S O N T E N G A G É S D A N S L E U R C O M M U N A U T É E N M E T TA N T E N V E D E T T E D E S P R O D U I T S D E L E U R R ÉG I O N , C O M M E C E U X P R O P O S É S PA R F R U I T S D E M E R D U Q U É B EC .



terroir loup-marin

Découvrir le loup-marin Grâce à de nombreuses initiatives, l’industrie des produits du loup-marin connaît un nouvel essor aux Îles-de-la-Madeleine. Alors qu’autrefois le phoque était davantage chassé pour sa fourrure, on s’y intéresse aujourd’hui pour son gras et sa viande, tandis qu’une expertise sur la transformation du loup-marin est en train de se développer sur l’archipel. Mots Marie-Noël Ouimet ; photo Gil Theriault

Depuis des siècles, la chasse au phoque est partie prenante de la vie des Madelinots. « Aux Îles, on n’a pas de grands mammifères, pas de cerfs ou d’ours », explique Gil Thériault, directeur de l’Association des chasseurs de phoques intra-Québec. « Notre chasse à nous a toujours été le phoque. » Avant l’arrivée de l’électricité, le loup-marin était d’ailleurs la principale source de viande fraîche durant l’hiver. S’il fut un temps où l’on consommait cette viande d’abord et avant tout pour ses propriétés nutritives, on la découvre aujourd’hui sous un angle gastronomique où sa finesse et sa qualité sont mises de l’avant. On doit notamment cette revalorisation aux efforts de Réjean Vigneau, lui-même chasseur de phoque, boucher et propriétaire de la boucherie Côte-àCôte, située à Cap-aux-Meules. Depuis une douzaine d’années, il travaille le loup-marin en boucherie et c’est à coup de tests et d’essais qu’il a développé une expertise pour apprêter et cuisiner cette viande. Depuis quelques années, l’intérêt pour cette protéine tant de la part des consommateurs que des chefs est croissant, bien que ce ne fut pas toujours le cas. « C’est certain que dans les années 2000, arriver avec du phoque n’a pas été évident, avec toute la controverse et les mensonges qui ont circulé autour de cette chasse », se rappelle Réjean. Mais les efforts commencent à payer. Les tartares et tatakis remplacent les recettes traditionnelles, où trônaient les bouillis de loup-marin avec bœuf salé, les tourtes ou les steaks de phoque poêlés. « Pour vraiment découvrir le goût fin du loup-marin, il faut le manger saignant. On faut cuire la viande comme un magret de canard, c’est-à-dire avec une cuisson assez

rapide à feu vif avant de terminer au fourneau », conseille Réjean. À sa boucherie, il propose également des charcuteries appelées « phoconailles », ainsi que des terrines, des saucissons secs et différentes coupes de viande. Une chasse difficile Le fait d’être à la fois chasseur de loup-marin, boucher et charcutier de métier, en plus de gérer la Coopérative de solidarité en production animale, l’abattoir des Îles-de-la-Madeleine, n’est certainement pas étranger au développement du savoir-faire de Réjean. Il est d’ailleurs le seul dans la province à détenir un permis de transformation pour cet animal. À force de travail et d’étroite collaboration avec le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ), il a élaboré des protocoles d’abattage, de transport, de transformation et de conservation pour s’assurer d’avoir une viande de phoque de qualité et qui s’inscrit dans l’air du temps : sans hormones ni antibiotiques, pauvre en gras et en cholestérol, mais riche en nutriments et en fer. Même si la demande pour les produits du loup-marin grandit parmi la population, la chasse au loup-marin aux Îles-de-la-Madeleine est de plus en plus difficile. Réjean estime d’ailleurs que le plus grand défi pour cette chasse reste l’accès à la ressource. Les loups-marins étaient autrefois chassés sur les banquises des côtes de l’archipel madelinien, mais les conditions sont aujourd’hui dangereuses pour les chasseurs lorsque la glace n’est pas assez épaisse, et elle rend l’accès difficile aux bateaux lorsqu’elle est trop importante. >

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« Les loups-marins ne viennent plus aux mêmes endroits pour mettre bas, là où la chasse est permise, le couvert de glace est moins important et souvent, ce sont encore des blanchons qui ne sont pas assez matures pour être chassés », explique Réjean. Le phoque sur la liste Fourchette bleue Dans les prochaines années, on peut toutefois s’attendre à voir davantage de viande de phoque dans les assiettes du Québec, puisque le phoque du Groenland et le phoque gris font partie de la liste 2019 des espèces marines valorisées par Fourchette bleue d’Exploramer. Cette liste a pour objectif de promouvoir les espèces du Saint-Laurent qui sont méconnues et pêchées ou abattues de façon durable. « On souhaite que la population intègre la viande de phoque au menu, que ce soit quelque chose qu’on ajoute à notre alimentation de façon systématique », explique Sandra Gauthier, directrice générale d’Exploramer. L’intérêt pour cette nouvelle viande a été remarqué par l’organisme, qui a commencé à offrir des formations de chasse au phoque depuis 2018, avec un volet sur la boucherie et la charcuterie qui comprend un atelier culinaire donné par un chef.

« Nous avions décidé l’année dernière d’offrir ces formations à une dizaine de participants, mais nous avons arrêté les inscriptions à 25 personnes. Et en date du mois de septembre 2019, nous avons plus de 100 noms sur une liste d’attente pour la prochaine formation. Ce n’est pas banal », constate Sandra. « Il y a énormément d’intérêt en restauration et alimentation pour le phoque, car c’est une nouvelle viande qu’on met sur nos tables », confirme Réjean. Il n’y a pas que la viande de phoque qui suscite l’attention. On s’intéresse également à son gras en raison de sa teneur très élevée en oméga-3 et plus particulièrement en ADP, l’acide docosapentaenoïque. L’ADP est un des acides gras les plus bénéfiques pour la santé et l’huile de loup-marin en est une des seules sources naturelles, avec le lait maternel. Total Océan et SeaDna, deux jeunes compagnies des Îles, commercialisent les produits du loup-marin, mais on s’attend à un intérêt de plus en plus marqué dans les prochaines années en raison des bienfaits de cette huile sur la santé.


Où aller pour découvrir le loup-marin aux Î l e s - d e- l a- M a d e l e i n e   ? Page de gauche : Raoul Jomphe ; en-haut : SeaDNA Canada ; en-bas : Gil Theriault

Quelques restaurants proposent du loup-marin sur leur menu, dont Les Pas perdus qui sert un burger au phoque. (169, chemin Principal, Cap-aux-Meules) La Boucherie Côte-à-Côte vend des charcuteries, des saucissons et des mets cuisinés au loup-marin, ainsi que différentes coupes de viande. (295, chemin Principal, Cap-Aux-Meules) Pour en apprendre plus sur le loup-marin, on peut également visiter le Centre d’interprétation du phoque. (377, route 199, Grande-Entrée)

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à boire L a s o c i é t é s ec r è t e Cap-d’Espoir

Le beau sacrilège d’ u n e d i s t i l l e r i e Quand Dieu est sorti, le diable est entré. À Cap-d’Espoir, un groupe de néo-Gaspésiens confectionnent leurs spiritueux… dans une église désacralisée ! Mots Olivier Béland-Côté ; photos Steven Melanson

L’envoûtement se fait sentir dès le parvis. Sur la façade défraîchie, un écriteau indique l’année de construction du bâtiment : 1875. Autant dire à une époque antédiluvienne pour l’être moderne que je suis. Au-dessus de la porte d’entrée, un vitrail en forme de trèfle à quatre feuilles renchérit un enchantement à fois mystique et mythique, lequel se confirme lorsque je traverse le porche pour gagner le début de la nef : disposés dans le bas-côté, flacons opaques et fioles translucides côtoient bénitier et bibles à la couverture rouge. « Ça nous plaît vraiment beaucoup de cultiver cette aura de mystère et ce petit côté sacrilège que de faire de l’alcool dans une église », admet, avec un sourire espiègle, Mathieu Fleury, l’un des quatre associés à la barre de la distillerie La Société secrète. « Et ça semble aussi bien plaire aux visiteurs ». En cette matinée pluvieuse de juin, j’en croise une dizaine, tout autant charmés par les lieux que les produits alcoolisés qu’il confectionne avec ses trois complices : Geneviève Blais, sa conjointe et leur couple d’amis Amélie-Kim Boulianne et Michael Côté. « J’aime dire qu’on est probablement l’église la plus achalandée du Québec ! », ajoute-t-il à la rigolade. Je n’ai pas de difficulté à le croire. À la cime de l’été, ils sont quotidiennement plus de 200 à venir ici pour savourer le fruit de leur travail. Du grain à la bouteille Lovée à la lisière de la route qui longe le golfe Saint-Laurent, l’église anglicane St. James n’évoque en rien la reconversion subie il y a trois ans, jusqu’à

ce que l’on pénètre l’enceinte. Là, d’imposants luminaires accrochés au faîte d’une voûte en berceau éclairent les équipements et matériaux garnissant la nef libre de colonnes. D’abord, de l’orge et du blé rouge malté au Québec patientant dans de larges sacs avant d’être savamment sublimés. Tout au fond, en lieu et place du chœur culminent les longs alambics à hublots, au travers desquels point toujours un vitrail tripartite figurant la crucifixion. Enfin, ultime étape fermant une procession à la fois simple et complexe, le précieux nectar se fait les dents sur le nutritif bois de chêne des barriques déposées dans l’entrée. Ainsi se développera intégralement le spectre aromatique de produits créés de A à Z par La Société secrète. Cette confection in situ faisant corps avec l’écosystème constitue l’essence du projet. « On a un intérêt particulier pour tout ce qui est plante sauvage, et de saveurs plus complexes que, par exemple, une vodka, expose Mathieu. L’idée, c’était de mettre en bouteille les saveurs de la région », résume-t-il. Le territoire est de fait au cœur du gin Les Herbes folles, le produit phare de la distillerie. Baie de genièvre, poivre crispé, carvi sauvage ou épilobe : tous les ingrédients aromatisant l’alcool, cueillis à la main, doivent se trouver à l’intérieur d’un rayon de 45 minutes de marche de l’église. Depuis peu, la distillerie dispose également de ruches produisant le miel qui servira à sucrer naturellement les alcools. Ainsi, les produits de La Société secrète prennent la forme d’une création du terroir gaspésien, au carrefour de sa flore, de son sol, de son climat et des individus qui l’investissent. >

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À contre-courant Originaires de Grand-Mère en Mauricie, Mathieu, 43 ans, et Geneviève, 39 ans, débarquent en Gaspésie il y a 11 ans. Ils viennent de passer une décennie à Québec, mais ne sont pas tout à fait comblés. L’appel des grands espaces et des beaux paysages se fait sentir. Aussi, le couple aime faire les choses à contresens. « Quand on entendait que les régions se vidaient au profit des villes, on s’est dit : “On va faire l’inverse” », relate l’aîné du groupe, architecte de formation. Bien installé à Percé depuis 2008, le duo participe activement à la relance gaspésienne. Interpellée par l’absence de spiritueux entièrement québécois et consciente du potentiel aromatique de la flore indigène, Geneviève exprime en premier

l’idée d’une distillerie. Elle travaille alors à la microbrasserie Pit Caribou, symbole de la mutation économique de Percé. Amélie-Kim et Michael y sont aussi. Indirectement, Mathieu contribue également à cette entreprise, lui qui en conçoit l’agrandissement. Tous achèteront l’idée. « On a évalué l’ampleur du projet et on s’est dit qu’on ne serait pas trop de quatre personnes, confie Mathieu. On avait une bonne relation d’amitié avec Michael et Amélie-Kim. Ils ont été très enthousiastes lorsqu’on leur a demandé s’ils voulaient se joindre à nous. » En mars 2016, l’entreprise La Société secrète est donc officiellement créée. Ne reste plus alors qu’à

trouver des locaux pour accueillir les équipements nécessaires à la distillation d’alcools comme le gin, notamment de hauts alambics atteignant près de sept mètres. « On cherchait un bâtiment, et on est tombés sur cette église abandonnée depuis une dizaine d’années », lance Amélie-Kim, 29 ans, originaire de Port-Cartier sur la Côte-Nord. «Mais c’est drôle, même le nom est venu avant l’église ! C’est comme si tout s’est mis en place par magie », d’ajouter la jeune femme à l’œil vif, chevelure blonde coiffée d’une casquette noire élimée. Cette journée-là, celle-ci s’affaire à l’accueil et au labour d’une parcelle de terre à proximité de l’église. Amélie-Kim cumule les tâches depuis qu’elle a quitté Pit Caribou, où elle a été « formée » avec son conjoint Michael. Le couple, qui a jeté l’ancre à Percé il y a six ans, a baigné dans le milieu brassicole avant de s’engager sur la voie des spiritueux. Un cheminement qui tombe sous le sens, certaines étapes relatives à la production de bière étant préalables à la confection de gin. Miser sur l’expérience Évidemment, l’acquisition de l’église a modifié la trajectoire du projet. L’image de marque s’en inspire : le logo de l’entreprise reproduit le vitrail de la façade. Délibérément, les associés remuent l’histoire, touillant les époques, les courants et leurs symboles. Ainsi, les imageries médiévales et liturgiques se télescopent pour créer une ambiance grisante qui donne soif ! Signe de l’au-delà, une réglementation entrée en vigueur l’été dernier permet désormais aux distilleries de vendre leurs produits sur place. « Ça ne nous rapporte pas plus sur le plan financier, mais pour l’expérience des gens et notre plaisir personnel, c’est quelque chose qu’on va privilégier tout le temps », assure Mathieu. S’ouvre ici la voie d’une façon de consommer plus immersive, relevant de l’expérience spontanée imprégnée du territoire, à l’image de ces routes gastronomiques.

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La Société secrète 1164, route 132 Ouest, Cap-d’Espoir societesecrete.ca

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sur la route Des bons plans pour votre journal de bord

Microbrasserie Le Malbord 178, 1re Avenue Ouest, Sainte-Anne-des-Monts Située à un jet de pierre du Saint-Laurent, la microbrasserie Le Malbord – surnom attribué au secteur de la HauteGaspésie – a quelque chose de nautique. Certes, il y a l’emplacement : les bières savoureuses adviennent comme un rafraîchissement après une longue journée sur ce fleuve que l’on mire encore et toujours de l’intérieur du pub comme

d’une timonerie. Peut-être est-ce aussi le bleu d’une mer orageuse qui recouvre le bâtiment. Enfin, juxtaposant l’inclinaison maritime, c’est un hommage aux individus qui ont forgé la Haute-Gaspésie que rend Le Malbord : les bières sont imbibées du récit régional, de cette histoire de géante (La Pagon) aux tribulations de Timothée Auclair, l’un des premiers postiers de la Gaspésie (La Missive). Un arrêt impératif lors de votre cabotage sur la Route des bières de l’Est du Québec.

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Miel en mer 294, chemin des Échoueries, Havre-aux-Maisons Animé du désir d’embrasser ses Îles sous son aspect le plus naturel, Jules Arseneau fonde en 1995 une miellerie artisanale sur l’île Havre-aux-Maisons, aux Îles-de-laMadeleine. L’apiculteur n’aurait pu choisir un décor plus idyllique : l’archipel enrobé de dunes fleuries et fouetté d’air salin se révèle l’hôte rêvé pour ses petites butineuses. La colonie de 120 ruches y produit là des miels imprégnés du territoire et des saisons. Et que dire des hydromels et des canneberges ! Pour agrémenter une expérience qu’on souhaite visiblement éducative, la miellerie offre aux visiteurs la possibilité d’enfiler les habits de l’apiculteur afin d’investir le rucher, ou encore de fabriquer bougies artisanales et emballages de coton tartinés de cire d’abeille. <

Érablière Côté sucré

Distillerie O’Dwyer

340, route 132 Est, Percé

6, rue des Cerisiers, Gaspé Sur la bouteille translucide, une chanterelle semble irradier ses arômes, point focal du gin Radoune de la distillerie gaspésienne O’Dwyer. Créée en 2016, l’entreprise est le fruit du labeur de Frédéric Jacques et Michael Briand. Le duo implanté sur la pointe de la péninsule empoigne la biocénose gaspésienne pour en extraire les saveurs : baies de genièvre, champignons sauvages et chatons d’aulne aromatisent subtilement le gin. Depuis peu, O’Dwyer propose également un whisky blanc s’inspirant de l’alcool transporté illégalement de Saint-Pierre-et-Miquelon à la Gaspésie au cours des années 1920. Ultimement, les distillateurs comptent créer un whisky 100 % gaspésien, mais aux accents écossais. C’est que le climat de la région, similaire à ce qu’on retrouve en Écosse, devrait influer sur la qualité de l’orge plantée… sur les terres familiales de Michael Briand !

La Gaspésie, immense contrée, offre un espace à la mesure des plus audacieux. Et des plus travaillants ! Troquant l’aviculture pour l’acériculture, Christine Côté et Dominique Barabé fondent en 2018 l’Érablière Côté sucré, projet colossal de 20 000 entailles et 76 kilomètres de tubulures, le tout en terrain montagneux. Défi de taille que relève le couple originaire de la Montérégie, et dont la venue à Coin-du-Banc ne devait être qu’une escale d’une année loin de la ferme. Cinq ans plus tard, les néo-Gaspésiens détiennent certes une érablière, mais également une cabane à sucre à aire ouverte afin d’apprécier chacune des étapes de confection des produits de l’érable, dont sirop, pain de sucre, mini-cornets et caramels. Ouvert tous les jours de 10h à 17h.

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Fumoir Monsieur Émile 574, route d’Irlande, Percé Le chef montréalais Jérôme Ferrer ne tarit pas d’éloges : voici le meilleur saumon fumé au monde. À tout seigneur, tout honneur, l’astronaute David Saint-Jacques en a même trimbalé en orbite ! Fondé en 2006 par Cathy Poirier et son conjoint, Alain Méthot, le Fumoir Monsieur Émile tient certainement le haut du pavé en matière de saumon fumé à froid. Parlant de pavé, ceux-ci sont badigeonnés d’une marinade dont le dosage des ingrédients – manœuvre essentielle – demeure bien secret. Du moins l’on sait que le fumage se fait au bran de scie d’érable, ce qui sucre délicatement le produit. S’appuyant sur cette enviable réputation, les propriétaires mettent sur pied en 2017 un bistro gastronomique sublimant les saveurs locales. Vue sur le rocher en prime !

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lanaudière Ferme des Arpents roses PA G E 1 0 4

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SUR LA ROUTE PA G E 1 1 3

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pignon sur rue Ferme des Arpents roses Sainte-Mélanie

U n e t e r r e e n h é r i ta g e On la trouve entre deux vallons lanaudois, au bout d’un rang isolé. Cette terre, c’est celle de la Ferme des Arpents roses. C’est aussi celle d’une famille qui croit en des valeurs écologistes et humanistes. À un point tel qu’elle a décidé de la léguer en fiducie à la société afin de la sauver du règne de l’argent. Portrait d’une terre commune qui continue de nous nourrir de la plus belle des manières. Mots Sophie Ginoux ; photos Ferme des Arpents roses

Ludovic Beauregard aime profondément sa terre, qu’il foule depuis sa naissance. Il a grandi ici en compagnie de sa sœur, dans les champs, un peu isolé du monde. Ses parents étaient des agriculteurs de cœur et de conviction. Ils visaient l’autosuffisance alimentaire, mais devaient tout de même travailler en ville pour assurer des revenus. « C’était pas des hippies. Ils étaient bosseurs et idéalistes. Ils m’ont légué un sens critique du monde que je chéris toujours », lance l’homme de 31 ans, qui a choisi de leur succéder sur cette ferme reconnaissable à ses cadrages roses aux fenêtres de sa bâtisse centrale. Lorsque le père de Ludovic est décédé à l’âge de 41 ans en 2002, sa femme a poursuivi son œuvre, secondée de leur fils qui leur donnait un coup de main depuis qu’il était haut comme trois pommes. Mais quand elle est tombée malade à son tour, Céline Poissant a pris une décision courageuse, celle d’engager un processus de fiducie pour que sa terre ne devienne jamais un quartier de condos bétonnés. « C’était une belle idée, convient son fils, même si ça ajoute un niveau de complexité supplémentaire à un métier qui est déjà très exigeant. » Effectivement, léguer une terre à la collectivité pour s’assurer qu’elle ne tombera jamais dans le secteur privé et ne prendra pas de valeur financière est inusité. Y adjoindre en plus la condition qu’elle ne soit exploitée qu’en agriculture biologique relève du défi. « Lorsqu’on sait que les agriculteurs s’appuient sur le seul bien qu’ils possèdent, leur terre, pour emprunter de l’argent aux banques, imaginez notre

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situation à titre d’exploitants ! On a mis un an et demi pour simplement avoir accès aux 30 000 dollars qu’on avait réussi à amasser au moyen d’un financement collaboratif. C’est fou ! » L’agriculteur aurait peut-être fait les choses différemment, mais, tout comme sa mère, il se désole de voir des investisseurs s’emparer de terres québécoises que les jeunes ne peuvent même plus racheter à leurs parents en raison de l’inflation des prix. « Ma mère est peut-être une utopiste, mais son geste fera des petits, j’en suis certain », conclut-il. Agriculture paysanne Avant de reprendre le flambeau à plein temps aux Arpents roses, Ludovic a appris et voyagé. Il a étudié à Victoriaville, puis il a fait des stages dans différentes fermes au Québec et en Europe pour trouver des sources d’inspiration. C’est là qu’il a découvert le wwoofing, un réseau international de quelque 6 000 fermiers qui accueillent des personnes désireuses d’acquérir des connaissances en agriculture biologique. « On peut vivre sur place d’une semaine à trois mois, mais la plupart des candidats sont des jeunes qui veulent voyager autrement, pas nécessairement des agriculteurs en devenir. » L’exploitant admet qu’il a cependant beaucoup appris grâce au World Wide Opportunities on Organic Farms (WWOOF). Il a tissé de nombreux contacts, a vu le fonctionnement des marchés fermiers, la gestion d’une ferme biologique de manière rentable, ou encore les bienfaits que les élevages en pâturage peuvent apporter. >

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Fort de ces expériences, Ludovic a pris la tête de la Ferme des Arpents roses il y a six ans, avec l’objectif d’en faire son unique source de revenus. « Une agriculture vraiment paysanne a sa place au Québec », affirme-t-il. Pour y parvenir, il a diversifié la production des légumes de son exploitation, en plus de se lancer dans l’élevage de porcs Duroc dont il revend les carcasses à des petites boucheries ou à des particuliers qui les achètent par moitié. Cette seconde option est d’ailleurs importante à ses yeux : « Si les gens mangent de la viande, ils doivent assumer qu’elle vient d’un animal et qu’ils le voient. » Contrairement à la tendance qui veut réduire – voire supprimer – la viande des assiettes, l’agriculteur croit fermement à l’élevage. À ses yeux, si l’élevage est réalisé à taille humaine – Ludovic possède un cheptel de 60 à 75 porcs, alors qu’un éleveur traditionnel en possède 5 000 en moyenne –, il fait intimement partie du cycle agricole naturel. « Les animaux ont un impact positif sur tout. Si on veut que nos légumes poussent, il nous faut du fumier animal. Même les fermes végétariennes utilisent des fumiers provenant de poulets élevés en batterie, ce qui est ridicule. »

pourquoi je travaille comme un forcené pour un salaire minable. Mais je vis dans un endroit merveilleux, je mange super bien et j’évolue dans un milieu très dynamique. » Comme d’autres jeunes de la relève, le choix biologique allait de soi. Son modèle de culture n’est pas automatiquement le même que d’autres porte-parole de ce mouvement, comme Jean-Martin Fortier, mais il voit les mentalités évoluer et sa clientèle se diversifier sur les marchés fermiers qu’il fréquente. « J’y croise des jeunes qui ne mangent que bio, des personnes plus âgées qui apprécient la qualité de mes produits, d’autres qui ont à cœur la traçabilité de ce qu’ils consomment. Mais avant tout, je crois que les gens veulent une histoire, comprendre ce qu’ils consomment. » Du fin fond de son rang, Ludovic bâtit donc un présent et un avenir respectueux de cette terre qu’il aime tant et de ceux qu’elle nourrit. Un magnifique héritage. Ferme des Arpents roses 1200, rang Saint-Albert, Sainte-Mélanie 450 758-0687 fermedesarpentsroses.com

Le choix biologique Ludovic considère son métier d’agriculteur comme un appel, une vocation. « Parfois, je me demande

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pignon sur rue L’a r b r e e t l a r i v i è r e Saint-Damien

L e f e u d e l a pat i e n c e Geneviève Boudreault et Matthieu Huck ont décidé d’exposer la terre à la chaleur du feu pour créer leurs pièces en céramique. Il s’agit de la méthode de cuisson la plus ancienne qu’il soit et sûrement la plus rare au Québec. Rencontre avec ces artisans au détour de la rivière Matambin, à Saint-Damien, dans Lanaudière. Mots Delphine Jung ; photos L’arbre et la rivière

C’est grâce à leur passion commune pour la poterie et la céramique que Geneviève et Matthieu tombent amoureux. Et cette passion, ils ne l’imaginent pas comme tout le monde. Pour eux, la céramique ne se cuit pas au four électrique, mais au four à bois. Lorsqu’ils décident de créer leur atelier-boutique, l’exercice se révèle d’ailleurs compliqué en ville : l’installation d’un four à bois n’est pas vraiment tolérée. Les deux tourtereaux doivent chercher un terrain à la campagne, en région. Les Laurentides, les Cantons-de-l’Est… Ce sera finalement Lanaudière. Son atout pour les artistes ? La possibilité de récupérer le bois – plus exactement la croûte – des moulins environnants. Plutôt pratique quand on tient tant à cuire la céramique à l’ancienne. « Cuire la céramique au four à bois permet d’être très en lien avec la cuisson. Ce n’est pas du tout comme mettre des pièces dans un four électrique puis peser sur un bouton et attendre que la cuisson se termine », détaille Geneviève. Pour elle et son mari, la technique de cuisson au feu de bois leur permet d’être plus connectés avec ce qui se passe dans le four. « C’est un marathon », ajoute-t-elle. Et pour cause : la cuisson au bois prend de la patience, de la passion et un soupçon de force physique. Il faut d’abord chercher le bois, le couper, le sécher. Puis vient le préchauffage, qui prend quatre à cinq heures. Il faut ensuite placer la céramique dans le four et la veiller de 17 à 21 heures. L’argile et le feu « Ça demande une bonne résistance à la chaleur. Il faut aussi être vigilant, et brasser les cendres au

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tison », explique Geneviève. Car en fin de compte, si le couple préfère travailler au four à bois, c’est bien parce que cela donne une multitude d’effets visuels sur leurs pièces qui deviennent donc uniques. « Les flammes créent des rougeoiements et les cendres qui se déposent sur la céramique apportent des jeux de textures et de couleurs, c’est donc un effet intéressant. Le feu apporte vraiment quelque chose en plus », raconte la propriétaire. Quant à l’argile, la matière première, le couple la fait venir de l’Alberta et de la Saskatchewan. Ils la mélangent à l’eau puis la font vieillir un mois avant de la pétrir et la sculpter. Ce mélange de l’argile et du feu a inspiré le couple, qui a baptisé son entreprise L’arbre et la rivière. Geneviève et Matthieu voulaient que le nom de leur atelier-boutique incarne plusieurs choses : une métaphore entre deux potiers d’abord, d’où le choix de deux éléments, mais aussi l’évocation des matériaux qu’ils utilisent. « Autrefois, les potiers cherchaient souvent l’argile dans le lit des rivières, donc on a choisi de garder cette idée. Et comme on cuit nos céramiques au feu de bois, on a choisi le symbole de l’arbre », détaille Geneviève. Le goût de la communauté Pour vivre de leur passion, ils ont construit une grande maison en long. « On a la boutique, puis à côté l’atelier, et enfin, tout à l’arrière, notre résidence. Le four est dans un bâtiment à l’extérieur », précise la potière. Paradoxalement, lorsqu’ils se sont lancés il y a 10 ans, le principal défi était leur situation géographique : « On est sur la carte de Tourisme Lanaudière, mais c’est l’entreprise située la plus au >

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nord. On a donc eu la responsabilité d’attirer nous-mêmes notre clientèle. C’est comme ça qu’on a commencé à promouvoir le village de Saint-Damien et son patrimoine », indique Geneviève. À coup de publications Facebook, le couple tente de créer une communauté en partageant ses créations, mais aussi tout ce qui se fait dans sa région, y compris le travail d’autres artistes. Le but de la démarche est aussi de montrer que les artisans en région ne sont pas des « gens inactifs » : « Au contraire, on a le goût de la communauté », ajoute l’artiste. Pour le couple, la poterie est plus qu’une passion, « c’est un rythme de vie ». Leurs créations s’inspirent de la faune et de la flore, et aussi de la culture québécoise. On retrouve donc sur leurs pièces des feuilles, des oiseaux ou encore des ceintures fléchées. Leurs créations se retrouvent sur les tables des touristes et des amoureux de la poterie, mais aussi sur celles de restaurants de Montréal et Toronto. Une maison de thé québécoise profite également de leurs théières et services à thé. « Les traditions sont au cœur de nos recherches esthétiques et de nos pratiques. » L’arbre et la rivière 6757, rue Principale, Saint-Damien 450 835-3686 larbreetlariviere.com


terroir L a G u i l d e d u pa i n d ’ é p i c e s Saint-Jean-de-Matha

La petite maison du bonheur Il était une fois une adorable maison au cœur de Saint-Jean-de-Matha. Petite par sa taille, cette maison était grande par sa mission : aider les enfants les plus démunis à découvrir et aimer la lecture. Cette maison, c’est celle de la Guilde du pain d’épices, qui nourrit depuis 20 ans les sens et les connaissances de plus de 10 000 jeunes à travers le monde. Mots Sophie Ginoux ; photo La Guilde du pain d’épices

Miam ! C’est ce qu’on pense tout d’abord en entrant dans cette jolie demeure en bois de la petite bourgade de Saint-Jean-de-Matha. De délicieux effluves nous montent aux narines, et des montagnes de biscuits, de gâteaux et de déclinaisons alléchantes de pain d’épices nous font de l’œil. On retrouve immédiatement son cœur d’enfant. Mais ici le pain d’épices n’est pas simplement une vedette gourmande. Il est aussi et surtout le moteur d’une cause plus ambitieuse, celle de cultiver l’intérêt pour la lecture des enfants. « N’oublions pas que le pain d’épices est présent dans presque toutes les cultures, et qu’il a été au centre de nombreux contes. Il constituait donc un lien idéal entre la mission que nous voulions remplir et le moyen d’y parvenir », rappelle Louise Mathieu-Mills, la fondatrice de cette maison unique en son genre. Retraitée du milieu de l’éducation, la doyenne de 78 ans n’a pas chômé depuis 20 ans. Pourquoi avoir choisi Saint-Jean-de-Matha plutôt que Montréal ? « Le projet initial était prévu dans HochelagaMaisonneuve, mais je me suis rendu compte que les besoins étaient plus criants dans cette MRC, qui arrive au 98e rang sur 99 au Québec en termes de décrochage scolaire. C’est simple, quand j’ai vu à quel point les bibliothèques de la région étaient pauvres, j’en ai pleuré. Alors, j’ai mis tout le monde à contribution ! » Trilogie épicée Dans la bouche d’une battante comme Louise, ces mots ne sont pas vains. Entourée d’une trentaine

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de bénévoles, la retraitée a créé trois entités : une maison pour accueillir des clients friands de sucreries et des enfants avides d’animations (la Maison du pain d’épices), une petite chaîne de production de produits de pain d’épices (la Fournée) et une fondation à même de redistribuer le fruit des ventes dans l’achat et le don de livres pour les jeunes (la Guilde du pain d’épices). « Nous organisons des ateliers culinaires et littéraires pour les enfants, en plus de réaliser quotidiennement des ventes. Nous menons aussi deux grandes campagnes de financement chaque année : les Citrouilles magiques, au cours de laquelle chaque citrouille vendue se transforme en livre, et le Marché de Noël de Joliette, où nous vendons des parts d’un gâteau de pain d’épices géant. » L’ensemble de ces initiatives permet à la Fondation d’acquérir et d’offrir une collection complète de livres de l’ordre de 2 000 dollars à sept bibliothèques locales, ainsi que d’élargir son champ d’action en envoyant des caisses de littérature jeunesse jusqu’au Burkina Faso. « Nous avons jusqu’à aujourd’hui aidé plus de 10 000 enfants de partout dans le monde. Et nous en sommes très fiers », affirme la doyenne. Le goût de la lecture Comme Louise l’explique régulièrement aux clients curieux qui visitent la Maison du pain d’épices, l’idée derrière tout ce projet est de rejoindre les jeunes, où qu’ils se trouvent et quelle que soit leur situation. « Cela peut paraître étonnant pour des familles dont les enfants sont bien nourris, habillés et éduqués, mais selon les statistiques de l’UNICEF, ils font partie >

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d’une catégorie privilégiée, car on estime qu’il faudra trois générations pour enrayer l’analphabétisme et le décrochage scolaire à travers le monde. » La pauvreté et les problématiques sociales que vivent de nombreux jeunes les désintéressent souvent de la lecture, un moteur pourtant essentiel au développement de leurs facultés intellectuelles. Toutefois, la retraitée en est convaincue, chaque enfant même récalcitrant peut se réconcilier avec les livres. Elle en accueille d’ailleurs beaucoup au sein de sa petite maison en bois. Des gourmands, des futés, des laissés pour compte, des autistes... « Chaque enfant a sa façon de comprendre, il suffit de trouver le moyen de le rejoindre. Prendre le temps de lui présenter des livres comme il faut. » Cette approche donne des résultats tangibles, puisque les ateliers de cuisine et de contes de la

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Maison du pain d’épices (gratuits) font le plein, et les jeunes sans ressources partent avec le livre de leur choix, les bibliothèques locales sont plus fréquentées, les caisses envoyées en Afrique sont chaque année plus nombreuses. Bien sûr, cette petite maison ne change pas le monde. Mais elle donne de la joie et de l’espoir à des milliers d’enfants. « Et je pense que notre vraie recette secrète, ce n’est pas celle de notre pain d’épices, mais celle qui vient de notre cœur, conclut Louise. Ici, les enfants savent qu’on les aime, c’est l’essentiel. » La Guilde du pain d’épices 2181, route Louis-Cyr Saint-Jean-de-Matha 450 886-2542 paindepice.org

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sur la route Des bons plans pour votre journal de bord

Municipalité de Mandeville

Pa r c r é g i o n a l d e s C h u t e s - d u - C a lva i r e Chemin des Chutes et chemin des Cascades, Mandeville Inauguré à l’été 2008, le parc régional des Chutes-duCalvaire rend accessible la forêt touffue qui emmitoufle le bucolique village de Mandeville. Ce sont ainsi deux sentiers (le Chemin des Cascades, niveau intermédiaire, et le Chemin des Chutes, pour débutants) cumulant près de quatre

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kilomètres qui permettent de souffler, en toutes saisons, au gré des buttons, des coulées et des chutes. Ces cascades, on peut les scruter de près ou du haut des belvédères, six en tout érigés à des endroits stratégiques pour l’âme. Du haut des belvédères, le territoire mandevillois et, par extension géographique, de Lanaudière s’ouvre à la contemplation et à l’émerveillement, saisissements essentiels que convoite celui ou celle investissant la forêt de tous ses sens.

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Hébergement Les Pieds sur Terre 3160, 6e Rang, Saint-Calixte Dès l’enfance, le cocon dans lequel advient le sommeil remplit l’imaginaire des plus folles possibilités. Dans les bois de Saint-Calixte, à moins de deux heures de Montréal, celles-ci s’animent sous des formes plus magiques les unes que les autres : nid d’elfe de type cabane dans les arbres, maison de Hobbit (à venir bientôt), tipi de bois ou bulles de vitre translucide qui, lorsque les étoiles percent le noir du ciel, prennent des allures de capsules interstellaires, ou, désertant tout simplement l’esprit, ouvrent la porte aux éléments d’un ethos ancestral ! Au revers de ces nuitées enchanteresses, les voyageurs peuvent s’adonner à la randonnée ou encore nourrir les animaux de la miniferme qu’accueille l’endroit. Isolés les uns des autres, tous les logements sont par ailleurs entièrement autonomes.

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D i m a n c h e M at i n L e s C a n a r d s d ’a b o r d

tartinadesdimanchematin.com

3921, rang Sainte-Anne, Saint-Norbert Instiller dans chaque matinée le doux parfum des dimanches. Voilà ce qui pulse derrière l’idée de Dimanche Matin, le projet tout beau d’Annie-Claude St-Jean. Formée aux rudiments du 7e art, la jeune femme s’engage plutôt sur cette voie mêlant gastronomie et art de vivre. Pour faire l’éloge de la lenteur et de la douceur de ces matinées qui s’étirent, l’entrepreneure s’y prend tout simplement : petits pots de tartinades de fruits pour la plupart issus du terroir lanaudois (les baies et la citrouille proviennent de la région, la pomme, de Rougemont), bougies de soya bio, baumes pour les mains, coussins et nappes confectionnés localement. Les jolis produits issus de différentes collaborations, avec des boutiques de vêtements notamment, sont maintenant offerts en ligne et dans les épiceries fines.

Troquant la frivolité urbaine pour la sérénité de la campagne, Christian Biron et Isabelle Chasse progressent, un peu inconsciemment, vers le projet qu’ils concrétiseront sur un rang vallonné de Saint-Norbert : élever des canards de pâturage. Et en vivre. L’idée s’inscrit dans une vision plus large réunissant le respect de l’environnement, de l’animal et de la culture culinaire québécoise. Ainsi, les quelques centaines de mulards et de barbaries (les races élevées) qui traînent librement seront certifiés biologiques, et ultimement préparés selon les recettes et les méthodes consignées dans le patrimoine alimentaire du Québec. On parle ici de terrines (rillettes, mousse de foie au vin Caribou, par exemple), de saucisses parfumées à l’érable et de parties judicieusement confites.

C o c h o n c e n t fa ç o n s

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2555, rang Saint-Jacques no341, Saint-Jacques Locavore avant la lettre, Cochon cent façons ? Bien qu’elle n’en fasse pas explicitement mention, l’entreprise fondée en 2007 se déploie sur les principes qui fondent le mouvement, prônant une consommation alimentaire de proximité en phase avec la terre et les saisons. Pierre-Luc Forget, le jeune propriétaire, met un point d’honneur à offrir un porc le plus naturel qui soit, de surcroît élevé et nourri sur la ferme appartenant à ses parents. Même les moulées y sont confectionnées ! Établie à Saint-Jacques-de-Montcalm, la boucherie apprête le porc de différentes façons : des coupes standards du jarret à la côte, en passant par les saucisses et le ragoût de pattes, la gamme de produits s’arrime aux préférences d’une clientèle de plus en plus consciente de ce qu’elle met dans son assiette.

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laurentides g o u r m e t s a u va g e PA G E 1 1 6

la belle histoire PA G E 1 2 0

Fromagerie Le Troupeau bĂŠnit PA G E 1 2 4

SUR LA ROUTE PA G E 1 2 6

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terroir G o u r m e t s a u va g e Saint-Faustin–Lac-Carré

R e n o u e r av e c l e d i a l o g u e Depuis plus de 25 ans, l’entreprise Gourmet sauvage nous invite à réinvestir la forêt. Un retour aux sources essentiel pour la suite du monde. Mots Olivier Béland-Côté ; photos Gourmet sauvage, Xavier Girard-Lachaîne

« On a perdu cette proximité, cette compréhension du langage de la forêt. » Le constat d’Ariane Paré-Le Gal pourrait paraître dur ou encore nostalgique d’un passé qu’on aura tendance à magnifier. Il faut pourtant lui donner raison : les sociétés sont généralement de plus en plus urbanisées, éloignant de fait progressivement la forêt. Et notre culture gustative, pour le dire ainsi, régresse comme peau de chagrin, conséquence du peu de diversité biologique offerte. Suffit de jeter un œil aux étals des supermarchés… Bilan juste et éclairant, donc, mais qui n’induit en aucune façon une quelconque irréversibilité. « Nos petits pots sont le prétexte pour engager le dialogue et ainsi reconnecter les gens avec la nature et la forêt », expose la trentenaire qui, avec son conjoint Pascal Benaksas-Couture, est à la tête de Gourmet sauvage, une entreprise de cueillette et de transformation artisanale d’une centaine de produits issus de la forêt boréale. C’est au cœur de celle-ci, à Saint-Faustin–LacCarré, dans les Laurentides, qu’émerge l’entreprise fondée en 1993 par son père, Gérald Le Gal. Les lieux sont uniques : dans cette ancienne pisciculture quelque temps abandonnée, tous les bâtiments sont faits de pierres des champs. « Les gens ont toujours l’impression d’arriver dans une bibitte étrange! C’est véritablement un lieu magique pour du contenu magique », poursuit l’ancienne journaliste. Et ce contenu magique foisonne : il est feuille, fruit, écorce ou champignon. Il est tout autour. Mais il peut parfois être insaisissable : comment reconnaître ce qui nous est inconnu, comment voir ces richesses avec lesquelles nous avons perdu contact ?

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Les attraits de la campagne Ce contact avec la nature, Ariane l’a retrouvé. Il n’était en fait pas bien loin, mais le détachement se produit souvent de manière insidieuse. « Pascal et moi, on vivait et travaillait à Montréal, on était un couple urbain, relate l’entrepreneure. L’humain est très résilient, il s’habitue à toutes les situations, au gros stress. Cet appel de la nature, c’était peutêtre écrit dans les étoiles, mais ce n’était pas clair pour moi. » Un événement, ou plutôt une occasion professionnelle, viendra chambouler le cours des choses. Il y a une dizaine d’années, Ariane coanime avec le paternel l’émission Coureurs des bois diffusée à Télé-Québec. Le duo père-fille y parcourt le Québec pour en dévoiler l’étendue de ses richesses sauvages comestibles, un domaine que maîtrise du bout des doigts – littéralement ! – M. Le Gal. Une graine est semée. La ville laisse entrevoir ses défauts, la campagne ses attraits. À peu près au même moment, l’occasion de reprendre l’entreprise familiale se présente. En 2015, le couple maintenant parent de deux jeunes filles quitte Montréal pour prendre la relève de Gourmet sauvage. Formé en enseignement de la géographie, Gérald a fait mille et un métiers avant de vivre d’une pratique qui se voulait d’abord un passe-temps aux racines familiales. « Tout jeune, j’aimais cueillir avec ma mère. Puis, à 19 ans, j’ai travaillé avec des Ojibwés du nord-ouest de l’Ontario. Si on était habitués à ne cueillir que les petits fruits, chez eux, il y avait aussi les légumes et autres plantes qui servent de médicaments », retrace l’homme au ton posé, débit propre au pédagogue, aptitude à transmettre. >

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Lorsque lui vient l’idée de commercialiser les déclinaisons de plantes forestières non ligneuses qu’il a lui-même cueillies, il doit d’abord les démystifier puis convaincre une clientèle de ses atouts. Les quatre produits qu’il met en vente n’ont alors rien de conventionnel : les gousses d’asclépiades, cœurs de quenouilles marinés et confitures de chicoutés et d’amélanches, au-delà des bizarreries lexicales, tiennent d’amuse-gueules d’excentriques. « Mais ce n’était rien de farfelu, c’était et c’est encore un retour aux sources en fait, soutient Ariane. Il y a une volonté des gens de faire plus de sens dans l’assiette et dans la vie quotidienne, de privilégier des produits locaux et sains plutôt que d’aller chercher nos nutriments aux quatre coins du monde. » Le lien avec la nature Si Gourmet sauvage offre actuellement une centaine de produits (en vente sur place ou en ligne), elle le doit au réseau de cueilleurs qui butinent partout dans la province, de la Côte-Nord à la Gaspésie. Une cueillette nécessairement responsable. « On applique toujours le principe de double responsabilité, c’està-dire qu’on évalue non seulement l’impact de notre cueillette commerciale sur une plante et son milieu, mais aussi, par exemple, si on crée un engouement, on se demande si ça met en péril la ressource. Si la réponse est oui, on décide de ne pas vendre », explique M. Le Gal. Enfin, l’entreprise se fait un point

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d’honneur de former de futurs cueilleurs chez qui – on le souhaite – s’instillera l’envie de retrouver la forêt, de renouer avec le dialogue. « L’idée, ce n’est pas que tout le monde aille chercher ses repas en forêt, affirme la jeune femme. C’est plutôt de permettre aux gens de redécouvrir le lien intime qui les unit à la nature et ainsi d’être capables de s’y déposer. » Parallèlement aux ateliers éducatifs donnés spécifiquement à Saint-Faustin–Lac-Carré, Ariane et Gérald ont fabriqué un livre aux traits encyclopédiques : accessoirement un bel objet à la facture graphique épurée, Forêt évoque autant l’herbier que le recueil de recettes, et les textes et photographies qu’il contient lui confèrent quelque chose d’artistique et de poétique. Ultimement, le livre se veut le vecteur de transmission du bagage exceptionnel de Gérald. « Les connaissances de mon père ne se retrouvent pas dans les livres, elles sont plutôt de tradition orale, expose l’entrepreneure. J’ai senti le besoin de ne pas briser le chaînon en mettant en mots le savoir de mon père. Il y a une idée de transmission, d’assurer un legs derrière tout ça. » Gourmet sauvage 737, rue de la Pisciculture Saint-Faustin–Lac-Carré 819 688-1117 gourmetsauvage.ca

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resto la belle histoire Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson

Un resto dans le mythique Bistro à Champlain Il a été une référence pendant 40 ans pour son incroyable cave à vins, mais aussi pour ses tableaux de Riopelle et son local plus que centenaire. Cinq ans après sa fermeture, le restaurant de Sainte-Margueritedu-Lac-Masson accueille un nouveau projet. Récit d’une histoire de famille, ou presque. Mots Marie Pâris ; photos La Belle Histoire

Champlain Charest est un amateur de gastronomie et de vin, mais aussi d’art. Jean-Paul Riopelle l’appelle un jour de 1974, alors que le magasin général de SainteMarguerite-du-Lac-Masson est à vendre : « Faut que tu l’achètes ! Il est pas question que cette bâtisse se fasse démolir, c’est trop important pour le village. » Des promoteurs de Saint-Adèle veulent en effet la détruire pour en faire un motel. Champlain l’acquiert donc et en fait un restaurant, le Va-nu-pieds, plus tard rebaptisé le Bistro à Champlain. Cet amateur de vin remplit petit à petit sa cave de grands millésimes et de bouteilles de collection, faisant du lieu un incontournable pour les œnophiles – le resto décroche d’ailleurs une dizaine de distinctions internationales du réputé magazine Wine Spectator. Au Bistro à Champlain, des œuvres de Riopelle ornent les murs et Champlain expose de nombreux autres artistes dont il lance parfois la carrière. À la fin des années 1980, il remarque le talent de Louise Prescott. Très vite, leur relation professionnelle se transforme en amitié et l’artiste peintre vient régulièrement au resto avec sa famille, entrant en habitués par la porte arrière. Sophie, sa fille, se promène dans la cave à vins, va voir le chef en cuisine ou joue au billard pendant les longues heures de repas. « Je faisais en quelque sorte partie de l’environnement », affirme en souriant la « petite-fille du bistro ». Un jour qu’elle descend à la cave, elle tombe devant les Château d’Yquem et autres blancs

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liquoreux ; les bouteilles s’alignent en hauteur sous le plafond-miroir, éclairées par une lampe à l’arrière. Elle remonte dare-dare à l’étage : « Maman, y a un mur d’or à la cave ! » Ce souvenir fait sourire Sophie Allaire, aujourd’hui trentenaire, un moment qui n’est peut-être pas étranger à sa décision de quitter le monde des communication pour devenir sommelière. Elle suit une formation à l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec et fait ses premières expériences professionnelles dans des vignobles et restaurants. Champlain et Monique Charest restent dans le portrait, comme des grands-parents bienveillants. En 2014, le couple ferme le Bistro à Champlain faute de relève. «Personne ne pouvait racheter la cave. Champlain aurait bien pu tout vendre en Chine ou aux États-Unis, mais c’était important pour lui que ça reste au Québec, raconte Sophie. Il a donc fermé et vendu une partie de sa cave au Coureur des Bois, à la SAQ… J’étais si triste ; ça ne faisait aucun sens que ce lieu arrête de vivre. C’est tellement magnifique ! » Le bâtiment, qui date de 1864 et fait face au lac Masson, ne manque en effet ni de cachet ni d’histoire. Tout sauf Montréal Sophie quitte le resto montréalais où elle travaille au début 2019 ; son conjoint, Étienne Demers, perd son poste de chef quelques mois plus tard. L’occasion de se lancer à deux est trop tentante… « On était >

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ouverts à regarder les possibilités d’emploi, mais notre rêve c’était de travailler ensemble. On s’est dit que c’était un signe, que c’était maintenant que ça se passait ! », raconte la sommelière. Ils se lancent dans la recherche d’un local sur la Rive-Sud, à Rawdon, Joliette, Boucherville… mais pas à Montréal. « On a toujours su qu’on voulait s’installer à l’extérieur. Il y a déjà beaucoup de restaurants à Montréal, explique Étienne. C’est très féroce, et très cher aussi. On voulait pas se mettre ce gros stress financier. » Finalement, ils décident d’ouvrir un resto dans l’ancien Bistro à Champlain – une idée tellement évidente qu’ils n’y avaient même pas pensé. Un beau jour, simplement, Champlain et Monique leur ont offert leur local. « Ça m’aurait jamais traversé l’esprit de leur demander ça. Dans ma tête, c’était même pas une possibilité : ils ont pris leur retraite, c’est un lieu fermé… Ils ont eu des demandes à travers les années et ils ont toujours refusé. Il y avait aussi un aspect de protection du patrimoine : s’ils vendaient la bâtisse, beaucoup de gens auraient voulu la démolir », confie Sophie. La machine s’est emballée pour que le resto soit prêt pour la belle saison. Travaux, demandes de permis… Tout le monde a mis la main à la pâte, du cousin de Sophie qui a aidé pour le démarrage d’entreprise et la comptabilité aux parents qui venaient la fin de semaine pour les corvées de ménage. Grâce au soutien familial, le couple n’a pas eu d’emprunt à faire à la banque. « C’est nous qui finançons notre restaurant. Nous, faut qu’on en vive, ça sera notre gagne-pain, indique Étienne. Il y a tellement de restos qui ouvrent puis ferment, car le poids financier est très important. » L’équipe du restaurant, ouvert début juillet, est surtout constituée d’amis et anciens collègues du couple. Sophie est responsable de la salle et de la cave, et Étienne est à la cuisine. Des vins avec des histoires Côté bouffe, on y sert une cuisine du marché et de saison. Étienne, qui aime beaucoup les légumes et la cuisine légère, travaille avec une coop locale de producteurs du coin. « Acidité, fraîcheur :

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ça rejoint ma philosophie pour les vins », souligne la sommelière. Leur but : se faire plaisir tout en respectant le client, trouver un menu et une carte qui leur ressemblent mais qui savent aussi rencontrer le public. Sur la carte des vins, on trouve un peu de tout. « On voit beaucoup ça : des cartes juste de vins nature, juste de vins conventionnels, etc. Je ne comprends pas cette nécessité de se fermer à une niche. Pour moi, tout vin a sa place tant qu’il est bon et qu’il a une histoire, insiste Sophie. Je veux rendre le vin accessible, l’amener au même niveau que la cuisine. » En haut de la carte se trouvent les vins du Québec et du Canada. « Quand on va à l’étranger, on voit que les gens mettent leurs vins en avant. Pourquoi on ferait pas ça ici aussi ? » En plus du restaurant, le couple prévoit d’installer un petit musée dans la cave où seraient exposés photos et prix, pour faire visiter ce lieu mythique dans lequel de nombreux sommeliers et amateurs de vins auraient aimé flâner. « Champlain a encouragé beaucoup de monde dans sa carrière : il a permis à plein de gens en sommellerie de goûter à des vieux millésimes, et il a encouragé plein d’artistes, souligne Sophie. Beaucoup de gens ont commencé grâce à l’exposition qu’il offrait. Champlain, c’est quelqu’un qui repère les talents mais surtout les passionnés. Encourager ces gens et leur donner une chance, c’est ce qu’il a fait toute sa vie. Et c’est ce qu’il fait encore avec nous. » Préserver le passé, une mission chère à la sommelière : « La devise du Québec, ça devrait être “Je me souviens… de rien”. On a un problème ici avec la transmission, c’est pas notre force. » Le resto a d’ailleurs été baptisé La Belle Histoire en clin d’œil à toutes les petites histoires qui émaillent le récit de ce projet installé dans les Pays-d’en-Haut. Pendant les travaux, le couple a eu à cœur de préserver le cachet de l’endroit, avec ses vieilles poutres qui montrent encore les coups de hache du bûcheron. Dans la région, il y a certes l’hôtel Estérel avec ses quatre restos, mais pas grand-chose dans la catégorie de restauration de La Belle Histoire. « Ce qu’on offre, personne ne le fait », affirme le chef. >

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« Il y a une demande pour la restauration dans le coin, il y a un vent de changement, ajoute Sophie. C’est pas vrai qu’en région les gens veulent juste aller au St-Hubert. » Le couple veut justement s’intégrer dans son coin de pays, et il a fait affaire avec plusieurs commerces locaux, notamment l’ébéniste du bout de la rue pour fabriquer son enseigne. « C’est le fun de revenir à ces valeurs-là, souligne la sommelière. On n’a pas la prétention d’arriver avec nos gros sabots de Montréal pour “leur montrer ce qu’on fait à la ville”. Pour le moment, l’accueil est extraordinaire… Et nous, on travaille fort, mais on travaille ensemble ! » La Belle Histoire 75, chemin Masson Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson 450 228-1595


terroir Fromagerie Le Troupeau bénit Brownsburg

le fromage de Dieu Depuis près de 20 ans, les sœurs du Saint Monastère Vierge Marie la Consolatrice produisent de la feta. Même les Grecs en visite viennent goûter les fromages du monastère, et les épiceries demandent aux sœurs d’accélérer leur production. Mots Alexis Gacon ; photos Monastère grec orthodoxe de la Vierge Marie la Consolatrice

La première fois que sœur Macrina a fait goûter le fromage feta du monastère, ses consœurs religieuses n’ont rien dit pendant près d’un quart d’heure. Mais elles faisaient la grimace… L’une des sœurs s’est finalement écriée : « C’est trop amer ! Dieu va t’aider pour la recette ! » Depuis, les sœurs l’ont transformée. En riant, sœur Macrina, qui supervise la production de fromage de ce monastère niché dans la forêt de Brownsburg-Chatham, avance que si leur feta est si bonne, c’est parce qu’il y a un peu d’intervention divine. « Notre fromagerie s’appelle Le Troupeau bénit, ce n’est pas pour rien. Il y a le troupeau de brebis qui nous amène le fromage et nous, le troupeau de sœurs, qui suivons notre berger, Dieu ! » Le chemin parcouru depuis les premiers litres de lait sortis du monastère est immense. Mais la fromagerie aurait bien pu ne jamais voir le jour si des chèvres ne s’étaient pas mises sur leur sainte route… Au début des années 1990, la communauté grecque montréalaise veut un monastère orthodoxe dans la région. En arrivant de Thessalonique, la mère supérieure Thekla cherche un terrain accessible. Une vieille ferme lui fait de l’œil dans les Laurentides, à une heure de route de la métropole. Le lieu est idéal, mais des chèvres y ont établi leurs pénates. Pour reconstruire, elle n’a pas le choix et doit garder une activité agricole : ce sera la production de lait et de fromage. En 1993, le Saint Monastère Vierge Marie la Consolatrice est fondé. Les sœurs au laboratoire Faire du fromage ne s’improvise pas. Entre deux prières, des sœurs suivent une formation. Certaines

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deviennent des expertes des bactéries lactiques ; la production est lancée. La recette du fromage feta s’apprend à la dure, et 10 sœurs acquièrent ce savoirfaire à l’Institut de technologie agroalimentaire de Saint-Hyacinthe. Elles butent sur l’une des difficultés de la recette de toute bonne feta : faire ressortir le goût frais de la crème. « La façon de faire en Grèce est très différente, explique sœur Macrina. Ce n’est pas la même chimie, le pourcentage de matière grasse n’est pas le même. Les pauvres sœurs qui devaient goûter le fromage au départ… C’était trop amer, trop salé, trop dur. » La recette a été maintes fois transformée pour atteindre la Sainte Trinité des fetas : « Pas trop salée ni granulée, et ce goût de crème… Il a fallu pousser nos recherches très loin, affiner à la température parfaite pour que le ferment lactique se développe ! », clame la sœur. Après des centaines d’essais, dans une minuscule pièce du sous-sol du monastère dans laquelle les sœurs dessinaient quelques semaines plus tôt des portraits de la Vierge, le fromage du Troupeau bénit naît, au tournant du millénaire. Au départ, le lait et le fromage ne sont utilisés que pour les besoins de la communauté. Mais pendant le carême, la religion interdit de consommer des produits laitiers, et les fromages s’accumulent. Que faire du surplus ? Les sœurs misent sur la vente. La première étiquette est apposée sur un fromage du Troupeau bénit en 2001, et depuis le succès ne les quitte plus. Les chèvres ont quant à elles déserté le monastère. « On a dû les vendre, explique sœur Macrina, des voisins ont acheté notre troupeau. Pour les sœurs, c’était trop dur de s’en occuper l’hiver. >

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Leurs oreilles gelaient. Celles des chèvres, et les nôtres aussi ! » Les sœurs achètent désormais le lait des nouveaux propriétaires du troupeau. De religieuses à femmes d’affaires Pour fabriquer un fromage de chèvre, comme le fameux Fêt’à la grecque du Troupeau bénit, plusieurs sœurs supervisent chaque mois la recette pour rendre encore meilleur ce fromage à pâte semi-ferme pasteurisé et affiné dans la saumure. Leur produit ravit déjà les épiceries. Les ventes sont au beau fixe et les sœurs prévoient de doubler la production. « On fait affaire avec un distributeur pour les magasins IGA, qui ne s’attendait pas à ce que l’on en vende autant », affirme, heureuse, sœur Macrina. Les religieuses du monastère ont les yeux rivés au ciel, mais en gardent un sur la calculette. « J’ai parlé à un moine de l’abbaye d’Oka récemment : il m’a dit qu’il était plus facile de se consacrer à la vie monacale que d’espérer doubler sa production de fromages », confie sœur Macrina.

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Malgré le succès, les sœurs ne veulent pas que leurs tâches de fromagères viennent les empêcher de se concentrer sur le divin. Mais comment y dédier assez d’heures sans rater sa feta ? « On aime travailler, mais on ne veut pas que cela dépasse notre temps de lecture et de prière. Pour y arriver, je prie pendant que je fabrique la feta, pour acquérir le Saint-Esprit par l’intermédiaire de nos fromages. » Le fromage est devenu une nécessité pour les sœurs et sert la communauté. La construction d’un nouveau pavillon est d’ailleurs prévue. Mais les dons privés ne suffisent pas toujours : « Il faut de l’argent pour grandir... », confie sœur Macrina. Grâce au succès de leur fromage, le monastère a tout pour assouvir ses envies de grandeur. Fromagerie Le Troupeau bénit 827, chemin de la Carrière Brownsburg 450 533-4313 monasterevmc.org

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sur la route Des bons plans pour votre journal de bord

Bonnie Baxter, vue de l’exposition Présent Passé Future, 2018. Photo Lucien Lisabelle

M u s é e d ’a r t c o n t e m p o r a i n d e s L a u r e n t i d e s 101, place du Curé-Labelle, Saint-Jérôme Si son pendant montréalais irradie plus intensément dans la sphère médiatique québécoise, le Musée d’art contemporain des Laurentides ne donne pas sa place, rayonnant et faisant rayonner les œuvres et les artistes marqués de la chose laurentienne. Installé dans la Maison de la culture Claude-Henri-Grignon, au cœur de Saint-Jérôme, le MAC LAU, pour les intimes,

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est à la fois vecteur et moteur de la culture de la région. À travers expositions, manifestations publiques et projets communautaires et éducatifs, l’établissement fondé il y a maintenant 40 ans reflète et promeut l’art visuel dans toute sa complexité. Une collection permanente riche et éclectique, des collections didactiques et documentaires, de même que des installations éphémères font du musée une institution culturelle importante non seulement pour la région, mais aussi pour le Québec.

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Carl Trahan et Milutin Gubash, vue des expositions Das Gleitende - 3 et One Thousand Years, 2019. Photo Lucien Lisabelle

Karen Tam, vue de l’exposition Sheen-wah-zree, 2016. Photo Lucien Lisabelle


C e n t r e d ’ i n t e r p r é tat i o n d e l a c o u r g e 839, chemin Principal, Saint-Joseph-du-Lac L’arrivée des températures fraîches de l’automne signale l’heure de la récolte dans les champs du Centre d’interprétation de la courge du Québec. Du 1er septembre au 31 octobre, beau temps mauvais temps, l’entreprise familiale de Saint-Joseph-du-Lac ouvre ses terres aux visiteurs, qui peuvent – c’est au choix – cueillir eux-mêmes ou choisir au marché parmi la quarantaine de variétés de courges, des célèbres Spaghetti et Butternut aux insolites Pink Banana et Lady Godiva ! Vu la taille de certains spécimens, le centre offre des brouettes complétant un arsenal que l’autocueilleur doit fournir (gants et ciseaux, pour détacher le fruit du plant). Pour les gourmands, l’établissement tient un bistro avec service aux tables (uniquement la fin de semaine) et un comptoir-lunch, où un florilège de cucurbitacées est mis en valeur.

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Les Têtes de Cochon 15, rue Maurice-Aveline, Sainte-Adèle

R e s ta u r a n t 4 2 5 F

Tête de cochon : Personne obstinée, têtue. Assurément, pour ce qui est d’offrir des viandes de la plus haute qualité, toujours biologiques, sans hormones, nitrites ou agents de conservation, l’établissement de Saint-Adèle, à la fois boucherie et restaurant, s’entête. Et dans ce cas, c’est pour le mieux ! Bœuf, agneau, porc et autres volailles... L’entreprise créée en 2013 par le chef propriétaire Philippe Chalifour s’approvisionne immanquablement au Canada, mais la plupart du temps au Québec. Les Têtes de Cochon propose en outre un éventail de produits faits maison remarquablement sublimés en cuisine : à l’incontournable poutine rehaussée de canard effiloché s’ajoutent notamment la côte de bœuf de l’Île-du-Prince-Édouard (vieillie au moins 45 jours), le boudin noir, les tartares et les côtes levées fumées sur place.

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100, Place Fabien-Drapeau, Sainte-Thérèse Ouvert il y a moins d’un an, ce jeune resto est à mettre dans son carnet de bonnes adresses de la Rive-Nord. Déco du designer en vogue Zébulon Perron, immense espace en plusieurs zones, cuisine ouverte avec bar à huîtres, cellier sur deux étages… Frédéric Dufort, que vous avez peut-être vu à l’émission Les chefs! en 2014, travaille chacun de ses plats à partir d’un souvenir culinaire. On retrouve ainsi dans son menu des influences asiatiques, mexicaines ou encore jamaïcaines ; une vraie « new american cuisine » aux inspirations internationales. Gardez-vous de la place pour le dessert, c’est l’ancienne pâtissière du Pied de cochon qui les concocte. Un garde-manger offre en outre d’acheter des plats, des produits d’épicerie fine préparés sur place ou encore des vins d’importation privée à emmener chez soi.

F e s t i va l d e s l a n t e r n e s d’ e a u a u pa r c n at i o n a l d ’ O k a

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2020, chemin d’Oka, Oka Fabriquer son spectacle, littéralement. Et laisser la magie de la bougie au crépuscule et des éléments naturels faire le reste. C’est ce qu’offre le Festival de la lanterne d’eau, un événement pancanadien qui s’arrêtait cet automne pour une première fois dans la Belle Province. Ainsi, après y avoir inscrit un souhait ou esquissé quelques dessins, vient le moment de mettre à flot le millier de lanternes faites de bois et de papier de riz. Si les lanternes célestes d’origine asiatique investissent le ciel pour se substituer aux étoiles, les lanternes d’eau se déployant en contrebas texturent les eaux de balises extraordinaires. D’aucuns y verront peut-être un clin d’œil à la place du fleuve, des rivières et des lacs dans notre histoire.

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mauricie M at h i l d e C i n q - M a r s PA G E 1 3 0

ferme le crĂŠpuscule PA G E 1 3 4

les sages fous PA G E 1 3 8

SUR LA ROUTE PA G E 1 4 1

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c u lt u r e M at h i l d e C i n q - M a r s Trois-Rivières

fa i r e f l e u r i r l e pa p i e r comme la terre Grandes sont les chances que vous ayez vu passer les dessins de la Trifluvienne Mathilde Cinq-Mars sans le savoir. Ses images poétiques et vaporeuses sont disséminées à travers le web et dans de nombreux magazines, dont Caribou, L’actualité et Planète F. Rencontre avec la prolifique illustratrice. Mots et photos Maryse Boyce

« Sensibilité, douceur, émotion » : ce sont les mots qui reviennent le plus souvent lorsqu’il est question de décrire le travail de Mathilde Cinq-Mars. « Je sais que c’est ce que mes dessins démontrent, parce que c’est le retour que je reçois des gens », affirme-t-elle. Des gens qui l’abordent par ailleurs avec beaucoup de délicatesse. Elle a pourtant tendance à envisager son métier de manière très cartésienne, loin du romantisme qu’on pourrait s’imaginer. Ce pragmatisme a peut-être à voir avec les circonstances qui ont mené à sa carrière d’illustratrice, après des études en arts visuels à Strasbourg puis en animation à l’Université Laval. Alors installée dans le Bas-du-Fleuve, elle apprend qu’elle devra mener à terme une grossesse sans père à l’horizon, et donc assurer seule la subsistance de sa famille. Instinct de survie oblige, elle se lance en affaires dans ce qu’elle fait le mieux : le dessin. Une carrière florissante Son portfolio s’est développé au gré des siestes de sa petite fille, et sa clientèle et sa réputation ont grandi au même rythme que sa progéniture en un peu plus de cinq ans – à vitesse grand V. Pas le choix d’être efficace et de remiser l’anxiété au placard dans ce contexte. Elle partage désormais son temps entre les commandes éditoriales, les dessins personnalisés, les livres et les projets d’affiches éducatives. Elle adore le volet éditorial, qui lui permet de se plonger dans une multitude de sujets différents dans de courts délais. « C’est une image, un univers. Et comme il n’y a pas d’image de transition dans l’éditorial, il faut que chacune soit forte. »

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Les dessins de la Trifluvienne ont également accompagné de nombreux livres ces deux dernières années, dont le magnifique Nos héroïnes d’Anaïs Barbeau-Lavalette. Consciente du privilège de se faire approcher pour d’aussi belles propositions qui reflètent ses valeurs profondes, elle les choisit néanmoins soigneusement. C’est que le processus de création d’un livre lui est chaque fois un peu douloureux, puisqu’il s’étale sur plusieurs mois et occupe son esprit tout au long. « Tout le monde peut s’assurer que si je sors un livre et que j’ai fait les illustrations, c’est vraiment parce que je n’ai pas été capable de dire non tellement j’aimais le projet ! » La flore comme moteur créatif Les illustrations incorporant des plantes se sont multipliées ces dernières années, et cet engouement végétal a contribué à faire rayonner le travail de Mathilde Cinq-Mars. Elle se considère chanceuse que la tendance soit alignée avec ses orientations, et espère qu’il s’agira d’un intérêt durable de la part du public. « J’ai ce créneau-là, mais ce n’est pas par dépit : quand ça ne sera plus la mode de la botanique, j’en ferai encore, parce que j’aurai toujours ce besoin-là. C’est vraiment une passion ancrée profondément. » Elle utilise d’ailleurs souvent des déclinaisons florales pour faire passer les émotions qu’elle souhaite transmettre dans ses illustrations. « Je finis toujours par mettre des fleurs, c’est mon vecteur pour aller chercher ce qui vibre à l’intérieur, là où je suis vraiment sincère. » Si c’est la monoparentalité qui a ramené Mathilde dans sa Mauricie natale pour se rapprocher de sa >

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famille nombreuse, elle a vite réalisé les avantages considérables que la région conférait à sa carrière. Sans la couper de contrats à Montréal et à l’étranger, faire partie d’une petite communauté lui a permis d’être rapidement reconnue et sollicitée pour des mandats, en plus de pouvoir déménager son travail dans un atelier sans se mettre sur les épaules une pression financière importante. Ajoutons à cela l’accès facile à la nature et tous les ingrédients sont réunis pour garder l’illustratrice dans la région.

Les mains dans la terre avec Estelle À l’été 2018, monopolisée par les contrats, l’illustratrice s’est ironiquement vue cloîtrée dans son atelier à dessiner les fleurs qu’elle aime tant, sans pouvoir profiter de la belle saison pour les admirer dans leur état naturel. Pas deux étés de suite, s’est-elle promis. Avec son amie Gabrielle Caron et sa sœur Aurélie Cinq-Mars, elles ont décidé de mettre sur pied une ferme florale, nommée Estelle. Le trio répond ainsi de manière constructive à sa déception que les

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superbes productions des fermes florales existantes n’atteignent jamais Trois-Rivières, victimes de leur succès. Le nom de l’entreprise rend hommage à Estelle Lacoursière, une sœur ursuline qui a enseigné la botanique, la biologie et l’écologie dans la région, notamment à l’Université du Québec à Trois-Rivières. C’est à cette pionnière que l’on doit de nombreux herbiers et arbriers du Québec, qui ont marqué l’adolescence de Mathilde et forgé son style de dessin. La ferme florale privilégie les vivaces et les fleurs sauvages pour créer des bouquets qui sont répartis entre les abonnés et les fleuristes. Les trois fondatrices viennent de terminer leur première saison, riche en apprentissages et en essais et erreurs. Pour la prochaine année, elles souhaitent se concentrer de plus en plus sur des variétés adaptées à la région et au climat. Fait rare dans la fleuristerie, qui a toujours une certaine longueur d’avance sur la nature grâce aux semis partis en avance et aux serres chauffantes, Estelle ferme florale désire faire sien le rythme des saisons. Cela permettra notamment « de pouvoir transmettre ces connaissances-là via les réseaux sociaux », de précieuses tribunes qu’adore utiliser l’illustratrice, afin de donner confiance aux gens qui auraient envie de fleurir leur terrain et d’en apprendre davantage sur la flore mauricienne. Partager les savoirs Que ce soit par la culture des fleurs ou son travail d’illustration, la transmission compte beaucoup pour Mathilde. La passation des connaissances, d’une part, qu’on retrouve beaucoup dans ses affiches éducatives et dans les ateliers de dessin qu’elle a commencé à donner récemment, et d’autre part le rayonnement des valeurs environnementales et féministes, qui l’anime dans tout ce qu’elle fait. Quand elle étudiait au cégep, une professeure avait demandé à ses élèves de s’interroger en quoi ils amélioreraient la société grâce à leur choix de carrière. La question l’avait fait rire sur le coup, mais elle réalise qu’elle l’habite encore, toutes ces années plus tard. C’est probablement pourquoi elle continuera de fleurir le monde, autant sur papier que dans les maisons de la Mauricie, et qu’elle se consacrera à tous les projets qui la font croître, en tant qu’illustratrice et en tant qu’humaine. Mathilde Cinq-Mars mathildecinqmars.com

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terroir Ferme Le Crépuscule Yamachiche

Pay s a n a u l o n g c o u r s En s’éloignant de la route 138, sur le chemin de la Grande-Rivière Nord, on a un peu l’impression qu’on n’arrivera nulle part. On roule lentement, les courbes sont douces et on ne croise presque personne. C’est là, quelques mètres après avoir croisé le chemin qui mène vers Saint-Thomas-de-Caxton, qu’on trouve la Ferme Le Crépuscule où Jean-Pierre Clavet cultive sa passion pour l’agriculture biologique, contre vents et marées. Mots et photos Simon Jodoin

C’est le début de l’après-midi. Trois bergers allemands, postés sur le balcon où sèchent des gousses d’ail en bouquet, avertissent les propriétaires de notre arrivée. Debbie Timmons sort de la maison, en calmant avec ses salutations le comité d’accueil. Jean-Pierre s’en vient, nous dit-elle, il est dans la paperasse. Ils ont une grosse journée. Le matin, ils ont emprunté un taureau Galloway à un voisin, question d’offrir un peu de compagnie – et une descendance ! – aux vaches qui s’attardent au bout du champ. Il y a aussi les dindons qui sont arrivés plus tôt cette semaine. Pourtant le calme des alentours ne laisse paraître aucune trace d’agitation. La lumière de septembre caresse les murs de tôle des bâtiments qui forment le petit hameau de la Ferme Le Crépuscule et seules les mouches ajoutent quelques sons au silence champêtre. Jean-Pierre sort à son tour, un formulaire à la main. Un papier qu’il faut envoyer par la poste. L’homme de 62 ans au regard placide nous souhaite la bienvenue avant d’entamer généreusement la discussion. C’est difficile à croire aujourd’hui, mais s’il est arrivé ici, dans la campagne de Yamachiche, c’est peut-être parce qu’il a côtoyé les vaches dans son enfance à… Pointe-aux-Trembles, tout à côté des raffineries de Montréal-Est. Il y avait à l’époque une laiterie au coin de la 4e Avenue et de la rue Dorchester et des vaches au coin de chez lui, un peu plus bas, près du chemin de fer. Il parle de ses souvenirs de bovidés comme d’une première initiation. C’est toutefois chez des cultivateurs de la Mauricie qu’il a commencé, tout jeune, son apprentissage. Dans les

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années 1950, ses parents avaient acheté une maison, dans un rang, à Saint-Didace, où ils retournaient en famille aussi souvent qu’ils le pouvaient. « Mon père travaillait à la raffinerie Shell, qui était en haut, dans Montréal-Est. La minute qu’on avait un congé, il finissait vers 4-5 heures, il nous ramassait et on montait là-bas, pis souvent on revenait le lundi matin, juste pour les classes. Quand il y a eu la grève des professeurs dans les années 1970, on avait passé un mois ou deux là-bas pendant l’hiver, toutes nos vacances aussi. En fait, en ville, c’était juste parce que mon père travaillait là pis que j’allais à l’école, mais je n’avais pas vraiment d’amis. J’avais plus d’amis en campagne qu’en ville. Pis j’ai toujours aimé plus la campagne que la ville. Je pourrais dire que je suis un campagnard. » Ces journées d’enfance allaient lui offrir ses premières occasions de goûter à la vie de la ferme. Pour occuper ses journées, il se présente chez les quatre ou cinq paysans du voisinage pour offrir ses services d’apprenti. « Ti-cul, je partais avec mon bicycle banane, c’était un chemin de gravelle. J’arrivais tôt chez le producteur, je disais : “T’as-tu de l’ouvrage pour moi ?” Tu sais, j’aimais ça, déjà jeune. Si moi je fais de l’agriculture aujourd’hui, même si je ne suis pas issu d’une famille d’agriculteurs, c’est parce que jeune, j’en mangeais. Ma mère me chicanait, elle me disait : “T’es jamais avec nous autres l’été, t’es toujours parti chez les agriculteurs !” Pis ils me payaient souvent pas. Il y avait madame Sarrasin qui me payait toujours à dîner, mais les autres, pas souvent.» >

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Agriculteur, il l’est devenu. Jean-Pierre Clavet, c’est un pionnier de l’agriculture bio au Québec. C’est tout un voyage qu’il nous raconte. Celui qui avait passé ses étés d’enfance à aider les fermiers du voisinage est revenu vivre à la campagne après un long détour dans la marine. « J’ai commencé à naviguer parce mon père travaillait à la raffinerie et ils avaient besoin de quelqu’un sur un bateau de la Shell, se souvient-il. J’ai pris mon premier bateau au port à Montréal-Est en 1974 et jusqu’en 1994, j’ai été sur les bateaux. J’ai fait mon cours de génie mécanique de marine à travers tout ça dans les années 1980 à l’école de marine à Rimouski et plus tard, j’ai été promu officier. » C’est donc par la voie des mers, pourrait-on dire, qu’il est arrivé en Mauricie, pour s’installer un peu au nord de Yamachiche. Après avoir navigué de port en port sur le fleuve et jusque dans les provinces atlantiques, il se fait proposer un emploi à Trois-Rivières sur un gros remorqueur, pour rentrer les bateaux au port. Un ami d’adolescence de Saint-Didace lui parle alors d’une terre abandonnée qui était à vendre. C’est sur ces premiers hectares acquis à la fin des années 1980 qu’il entreprend de bâtir ce qui est aujourd’hui la ferme dont il prend désormais soin à temps plein.

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« Quand j’ai commencé avec mon ex-conjointe, on y croyait mais on ne savait pas la définition, si ça allait être certifié ou pas. Ce n’était pas populaire à cette époque-là. Avec la première terre que j’ai achetée, j’ai fait un grand jardin. Les gens qui venaient nous voir ne comprenaient pas tout à fait ce qu’on faisait. J’ai été le premier à faire du poulet bio avec quota dans les années 1990. Pour mes premiers élevages de poulet que j’ai mis sur le marché, quelqu’un du Québec qui s’était installé sur la côte ouest, à Vancouver, alors que le bio était très développé dans ce coin-là, m’avait dit : “Mets ça sur une van et envoie-moi ça à Vancouver.” C’est de même que j’ai commencé à vendre mon poulet. » Tout ici porte la signature d’une démarche personnelle teintée de patience et d’entêtement, du moulin où il crée lui-même ses propres mélanges de grains à la cabane à sucre, en passant par les quelques poulaillers où les poussins, les dindons et les poules pondeuses vont et viennent librement. Avec son moulin, il fabrique des moulées uniques composées de céréales certifiées bio. Le canola et le lin, par exemple, proviennent de la Maison Orphée à Québec. Il s’agit bel et bien de recettes qu’il concocte afin de varier le goût de la viande. Il peut ainsi >

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« Ce que j’ai appris dans la marine, je m’en sers ici beaucoup pour différentes choses, que ce soit de gérer la ferme, le stress, les difficultés ou le travail qu’il y a à faire. »

proposer un poulet haut de gamme avec six sortes de céréales à l’année et un poulet d’été, avec une haute teneur en chlorophylle puisque les volailles broutent librement l’herbe des pâturages. Aussi, dans le temps des Fêtes, il ajoute même de la canneberge à leur alimentation pour faire son fameux poulet de Noël, qui prend le goût bien spécifique des petits fruits rouges. S’il s’est enraciné ici sur sa terre, avec sa conjointe Debbie qui l’accompagne depuis une vingtaine d’années dans l’aventure, Jean-Pierre garde le pied marin et sent un peu, encore, l’appel du large en rêvant d’aller un jour élever des poulets et cuisiner ses produits de l’érable aux Îles-de-la-Madeleine, où il retourne chaque année depuis 35 ans. Un projet qu’il réalisera peut-être, s’il arrive à trouver quelqu’un qui pourra assurer la continuité de la ferme lorsqu’il prendra sa retraite.

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Car c’est là le principal enjeu pour le futur: dénicher des moussaillons aussi passionnés que lui qui pourront prendre la relève. Chose certaine, ces futurs agriculteurs pourront compter sur les conseils du capitaine qui n’a jamais eu peur de l’ouvrage ni de la météo: « Ce que j’ai appris dans la marine, évoque-t-il avec philosophie, je m’en sers ici beaucoup pour différentes choses, que ce soit de gérer la ferme, le stress, les difficultés ou le travail qu’il y a à faire. Parce que sur un bateau, on travaille beaucoup aussi. » Ferme Le Crépuscule 1321, chemin de la Grande-Rivière Nord Yamachiche 819 296-1321 fermelecrepuscule.com

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c u lt u r e les sages fous Trois-Rivières

Entre poésie et insolite Depuis 2001, la troupe de théâtre insolite et de marionnettes Les Sages fous marque l’imaginaire trifluvien. Son rayonnement ne se limite pas à Trois-Rivières : six mois par année, la troupe est en tournée à l’international. Entre les spectacles à grande portée et les représentations intimistes pour son public local, la troupe souhaite mettre en place une fabrique de théâtre insolite pour démocratiser son art. Mots Adis Simidzija

Tout a commencé avec une rencontre fortuite entre South Miller et Jacob Brindamour, cofondateurs des Sages fous. South avait préféré la plantation d’arbres dans l’Ouest canadien à une opportunité de carrière en théâtre et cinéma à Los Angeles. Quelque part dans le bois en Colombie-Britannique, autour d’un feu, la musique se faisait entendre et des liens d’amitié se tissaient. Les arbres se plantaient et une idée était en train de germer. Après l’expérience de l’Ouest canadien, South a choisi d’aller rejoindre ses amis à Montréal dans le but d’y apprendre le français. Un projet plus grand que nature l’attendait : en 1995, elle retrouve Jacob, et l’amitié qui a vu le jour dans le bois de l’Ouest canadien devient alors un partenariat professionnel. C’est cette année-là que Les Sages fous ont vu le jour, grâce à un contrat d’édition de livre puis un projet avec le Salon du livre de Montréal, qui leur a demandé de concevoir un spectacle théâtral à partir d’un de leurs livres. Les Sages fous avaient à leur disposition un appartement montréalais pour répéter, mais l’espace n’était pas adéquat. C’est alors qu’ils ont décidé de plier bagage et de partir en région. « On a essayé de répéter notre spectacle par la suite dans un appartement, mais c’était compliqué, alors on s’est dit qu’il fallait un grand espace », se souvient South. Dans la recherche d’un espace adapté à leurs besoins, la chance leur a souri du côté de Trois-Rivières, où les deux cofondateurs ont rencontré un immigrant libanais emballé par leur projet. Il leur a loué l’espace tant désiré à un prix moindre ; l’histoire des Sages fous est une histoire de rencontres imprévues qui provoquent le destin.

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En 2000, South rencontre Sylvain Longpré, qui travaille dans une compagnie de fabrication de marionnettes. Sylvain ne savait toutefois pas les manipuler. South et Sylvain décident alors d’aller faire un stage en manipulation de marionnettes au Théâtre de la Dame de Cœur à Upton, en Montérégie. Cette rencontre fut décisive : c’est à partir de ce moment que les trois amis ont commencé à vivre de leur art. Des rencontres avec le public C’est avec l’idée de faire un spectacle intimiste, ınteractif, intrusif, insolite et surtout touchant et poétique que le trio a créé Parade Issimo en 2003. Un succès sur toute la ligne, avec une tournée européenne à la clé. « À partir de 2003, on était partis six mois par année et on tournait comme des malades », raconte South. À l’origine, quand la troupe se déplaçait en Europe, elle transportait avec elle tout le matériel nécessaire aux spectacles. Depuis peu, et preuve que Les Sages fous sont bien implantés sur le vieux continent, ils ont un camion et une remorque sur place de sorte qu’ils n’ont plus à transporter leur matériel à chacune de leurs tournées. « Quand on est de retour à Trois-Rivières, c’est notre moment pour créer. Pendant qu’on crée, on a absolument besoin de faire des rencontres avec le public, explique South. On a donc développé deux événements : le Micro-festival de marionnettes inachevées et la Saison de théâtre insolite. » Cette année, la Saison de théâtre insolite a clôturé son édition 2019 à la fin septembre par un Concert anatomique, qui nous amène « à la frontière du réel, entre la danse et la marionnette, dans une chorégraphie solo inhabituelle et extrêmement >

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En-haut et en bas à droite : Marianne Duval ; à gauche : Cinthia Chouinard


Patrick Argirakis

rigoureuse», décrit la troupe sur son site. « Des parties de corps humain surdimensionnées prennent vie dans une méditation sans paroles, rythmée par une musique envoûtante. Des images inoubliables, tendrement grotesques, apparaissent et se dissolvent dans des environnements changeants de neige tombante et de vapeur persistante. » Trois-Rivières, plaque tournante du théâtre insolite Avec le rayonnement que connaît la troupe de théâtre insolite au niveau international, les Trifluviens pourraient craindre de voir leurs chouchous partir pour d’autres cieux, s’enraciner ailleurs, mais il n’en est rien : les marionnettistes sont à Trois-Rivières pour y rester. Non seulement Les Sages fous font rayonner la ville avec leur prestige, mais en invitant d’autres troupes à venir présenter leurs créations à Trois-Rivières, ils font rayonner l’international ici. Avec leur projet de Fabrique de théâtre insolite, Les Sages fous désirent « faire de Trois-Rivières une plaque tournante pour les formes insolites de théâtre ». L’objectif consiste autant à se doter d’espaces de création et de diffusion pour leurs propres spectacles qu’à offrir des espaces d’exploration à toute personne qui désire expérimenter différentes formes d’arts insolites. « L’église Saint-James va par exemple devenir

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une salle de création et de diffusion. Le plan avec ça, c’est qu’on puisse davantage jouer pour notre public », indique South. Et quand elle parle de son public, c’est bien de la population trifluvienne. Avec la Fabrique de théâtre insolite, Les Sages fous visent à démocratiser leur art. Démocratisation et humanisme, voilà ce qui définit ce projet. « Avec la Fabrique de théâtre insolite, on veut que ce soit un havre pour le théâtre non conventionnel, hybride, fait à la main, on veut que ça sente l’humain et l’artisan, que tu vois les gens qui présentent leur spectacle. » La conclusion de ce grand projet, le plus grand de la troupe depuis sa création, se veut spectaculaire. Elle vise à redonner ses lustres à l’église Saint-James par un spectacle saisissant durant lequel « les gens vont passer par une porte et le bâtiment va prendre vie, il va y avoir plein de moments poétiques ». Entre rêve et ravissement, Les Sages Fous, c’est d’abord une expérience humaine dans laquelle la poésie et l’insolite se côtoient pour créer la magie du moment. Les Sages fous 80, rue Saint-François-Xavier, Trois-Rivières 819 800-1679 sagesfous.com

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sur la route Des bons plans pour votre journal de bord

Le Baluchon 3550, chemin des Trembles, Saint-Paulin Lors d’une balade en Mauricie, on se doit d’arrêter une fois dans une vie à ce grand site d’écovillégiature, dont l’histoire remonte à 1982. Si vous avez le budget pour vous payer un beau week-end à l’auberge et profiter des lieux, l’expérience est plutôt complète avec un spa

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et un massage de détente près des chutes, par exemple. Sinon, on peut tout simplement aller prendre un verre et une bouchée sur la grande terrasse du café avant de s’aventurer dans les sentiers pédestres (40 kilomètres sur tout le territoire) où l’on croise un moulin à vent, une chapelle, une écurie et un belvédère. En hiver, on peut aussi faire du plein air (vélo d’hiver, motoneige, traîneau à chiens, raquette, ski de fond).

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Krystine Buisson

Belle à croquer 2500, chemin Saint-Michel Nord, Sainte-Thècle La multitude de couleurs et d’odeurs envahit les sens de quiconque met les pieds dans la charmante boutique de Saint-Thècle en Mauricie, Belle à croquer. Comme son nom l’indique, on y vend des savons tellement agréables à l’œil qu’on a envie d’en prendre une bouchée. Les divers produits de beauté (shampoings, bains moussants, bombes effervescentes, beurres et laits corporels, exfoliants, déodorants, etc.) sont 100 % faits à la main au Québec et à partir d’ingrédients biologiques, équitables, locaux et même des jardins de la savonnerie. Le magasin pousse le concept un peu plus loin en offrant aussi des produits gourmands comme des fromages, des craquelins et des chocolats aux fleurs. Un détour à faire absolument pour ceux qui aiment prendre soin de leur corps et de l’environnement.

Le Temps d’une Pinte 1465, rue Notre-Dame, Trois-Rivières Sur la très sympathique rue Notre-Dame au centre-ville de Trois-Rivières, les friands de boissons alcoolisées et les bons vivants se donnent rendez-vous à la microbrasserie Le Temps d’une Pinte. Avec une petite terrasse à l’avant, un espace intérieur de style pub anglais et une grande cour

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arrière bordée d’arbres, la place peut accueillir bien des buveurs ! Les formules plateau permettent de goûter aux différentes bières brassées sur place au deuxième étage par le maître Gustavo Nevares. Mention spéciale à la Long Nose, une IPA tropicale aux douces saveurs de mangue, et à la Rosie, une délicieuse Florida weisse aux petits fruits et à la couleur rose flash. Un menu à l’ardoise est aussi servi de 17h à 21h, mais il est possible de se procurer quelques grignotines en tout temps – les croustilles maison, assaisonnées selon l’humeur du chef, sont incontournables.

M a i s o n d e l a c u lt u r e F r a n c i s - B r i s s o n 15, avenue de Grand-Mère, Shawinigan Située au pied du pont de Grand-Mère, au bord de la rivière Saint-Maurice, ce lieu vaut le détour ne serait-ce que pour son cachet historique. Murs de vieilles pierres, charpente avec poutres apparentes, lambris aux murs et chandeliers… La vaste salle, très chaleureuse avec sa parure de bois, jouit d’une belle acoustique sous son haut plafond et peut accueillir jusqu’à 150 personnes en formule cabaret. Et puis il y a sa programmation variée en arts de la scène, qui met aussi bien à l’honneur l’humour (à venir cette saison: Maude Landry, Arnaud Soly ou encore Philippe-Audrey LarrueSt-Jacques), la musique (Ingrid St-Pierre, Dominique Fils-Aimé) ou le théâtre (La promesse de la mer). Un joli écrin pour la culture à Shawinigan.

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montérégie microbrasserie le castor PA G E 1 4 4

Cidrerie Chemin des Sept PA G E 1 4 8

Le Zaricot PA G E 1 5 1

SUR LA ROUTE PA G E 1 5 3

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à boire microbrasserie Le Castor Rigaud

S av o i r p r e n d r e s o n t e m p s La microbrasserie Le Castor, installée dans un coin tranquille de Rigaud, se démarque depuis maintenant plus de sept ans grâce à ses produits d’une qualité exemplaire. Aucun amateur de bière ne peut lever le nez sur la délicieuse Yakima IPA. Mais par-dessus tout, derrière ces boissons d’exception se cache une histoire riche et surprenante. Mots et photos Antoine Bordeleau

« Pour nous, la bière c’était vraiment pas une priorité. C’était juste un side-line », mentionne d’entrée de jeu Daniel Addey-Jibb, cofondateur de l’entreprise. Bien qu’on ait l’habitude d’entendre des brasseurs nous raconter que c’est une passion de jeunesse qui les a menés vers la bière, il n’en est rien pour Daniel et son partenaire Murray Elliott. Les deux amis d’enfance œuvraient effectivement dans un tout autre domaine avant de sentir l’appel du houblon. « À la base, on est tous les deux charpentiers. C’était ça, notre plan de carrière. On a postulé pour devenir apprentis d’une compagnie de charpentes à l’ancienne en Angleterre, et on a été acceptés. Dès qu’on est arrivés, ils ont ouvert une nouvelle succursale en Écosse et nous ont demandé si on voulait y aller. Murray ayant des racines écossaises, on a tout de suite dit oui ! » Si Daniel en parle de façon relativement modeste, ce parcours d’apprentis n’a rien de banal. Les deux acolytes sont allés apprendre la charpenterie traditionnelle pratiquée depuis le Moyen-Âge dans des constructions aussi impressionnantes que les cathédrales anglaises et françaises. « On a travaillé sur des projets incroyables dans des lieux magnifiques. C’est là qu’on est tombés en amour avec la distillation du whisky. On a visité plein de distilleries, deux ou trois brasseries, et ça a fait germer l’idée de lancer un jour une microdistillerie en plus de notre entreprise de construction. Mais c’était vraiment pas un objectif à court terme pour nous, c’était juste une idée comme ça. » Après quelques années en Europe à parfaire leurs compétences, ils rentrent au Québec et installent leur compagnie de charpenterie à Rigaud.

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Mais autour de 2007-2008, avec la crise financière, les affaires se mettent à ralentir. Devant ce fait, ils développent finalement leur plan d’ouvrir cette fameuse microdistillerie, ce qui ne semblait au départ rien de plus qu’un rêve fugace. « On a rapidement réalisé tous les problèmes qui viennent avec cette idée. Ça coûte super cher à démarrer, puis tu sors pas un whisky en deux ou trois semaines ! Il faut que ça reste plusieurs années en fût de chêne si tu veux faire un produit qui a un peu de bon sens. Faut que tu fasses du gin ou de la vodka pour être rentable plus rapidement. Et désolé, mais moi, la vodka, ça m’inspire pas. » Tout en laissant mijoter ce plan d’affaires, Daniel et Murray commencent à brasser de la bière dans un recoin de leur bâtisse, pour le plaisir. La chance du débutant Surprise immédiate au premier brassin : « Dès la première batch on s’est dit “Oh my God. C’est donc ben le fun !” Concasser les grains, sortir un moût, ajouter le houblon, fermenter tout ça… Le plus surprenant, c’est que c’était bon ! On a commencé par brasser les types de bières qu’on a bues en Écosse, des vraies ales britanniques faibles en alcool mais super fruitées et buvables. On doit probablement ça à la chance du débutant, mais nos premières batches étaient super bonnes. C’est là où la lumière s’est allumée dans nos têtes. » Avec ses cycles de production plus raisonnables, de deux à quatre semaines pour la plupart des bières, le modèle d’affaires de la microbrasserie avait beaucoup plus de sens pour les deux partenaires. >

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« Par contre, là, on était déjà rendus en 2009 et on se sentait gravement en retard sur la vague de microbrasseries québécoises. On pouvait pas deviner à ce moment-là que la vague ne finirait juste jamais et qu’on en serait à plus de 200 brasseries aujourd’hui, il faut dire ! On s’est beaucoup inspiré de Beau’s, qui a lancé, comme nous, une brasserie en plein milieu de la campagne. On s’est dit que si c’était possible pour eux, ça l’était pour nous. Même chose pour Pit Caribou en Gaspésie. C’est vraiment ces deux brasseries-là qui nous ont inspirés. » Finançant la mise en place de la brasserie avec leur entreprise de construction, sans aide d’investisseurs extérieurs, Daniel et Murray fondent véritablement Le Castor un peu plus de deux ans plus tard. On est en 2012, et c’est là que tout se concrétise pour eux. « On n’avait pas l’ambition de devenir très gros, on ne s’attendait pas à un succès. Tu lances une microbrasserie, tu te dis que tu vas être une goutte dans un verre d’eau. Notre seule mission, c’était de faire des bières qui répondaient à des critères très élevés de qualité. C’est probablement pour ça que ça nous a pris du temps, on voulait aller lentement. C’est comme ça que tu gardes le contrôle. » La consécration De fil en aiguille, la petite station de brassage prend de plus en plus de place dans la bâtisse. Tous les cinq ou six mois, l’expansion de l’entreprise empiète davantage sur l’espace de l’atelier de

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charpenterie. Au final, Daniel et Murray se rendent à l’évidence : ils sont désormais des brasseurs professionnels avant tout. Tout l’espace est maintenant réservé au brassage, à l’entreposage et à l’embouteillage des bières de l’entreprise et ils ont laissé derrière eux le métier de charpentier. « On a vraiment été surpris par la réponse du public et de la demande. Après trois ou quatre ans, la charpenterie a pris le bord parce qu’on n’avait plus la place ni le temps de s’en charger. » Depuis, Le Castor cumule les succès de brassin en brassin, offrant aux amateurs de bière une variété toujours plus grande de produits confectionnés avec soin et une attention au détail. Si la Yakima IPA a désormais sa place dans le frigo de tout amateur de bière, on ne peut passer sous silence la série de bières sauvages et acidulées de la brasserie qui sont de véritables expériences gustatives uniques et extrêmement bien réalisées. Que nous réservent-ils pour la suite ? « On va continuer de faire ce qu’on fait, en grandissant lentement mais sûrement. Pour nous, le critère principal sera toujours de prendre le temps d’élaborer une recette avant de mettre quoi que ce soit sur le marché. On veut pouvoir être fiers de chaque bouteille ou canette qui sort d’ici. » Microbrasserie Le Castor 67, chemin des Vinaigriers, Rigaud 450 451-2337 microlecastor.ca

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à boire Cidrerie Chemin des Sept Rougemont

c r é at i v i t é d a n s l e v e r g e r L’intérêt envers le cidre québécois a vécu un regain en 2019. L’année a été très clémente pour quelques jeunes joueurs, dont la Cidrerie Chemin des Sept, qui se démarque en Montérégie avec des produits secs, à l’effervescence délicate et sans sucre résiduel. Mots Valérie Thérien ; photos Cidrerie Chemin des Sept

« Le regain d’intérêt est dû autant à la curiosité des gens envers le cidre qu’à l’arrivée de nouveaux types de cidres au Québec. L’un ne va pas sans l’autre. On arrive sur le marché à un moment où les gens sont attentifs et curieux », croit Étienne Tremblay, l’un des deux fondateurs de l’entreprise basée à Rougemont. Étienne est né dans ce milieu. Il a grandi sur un verger familial, le même qu’il a racheté de son père en 2016 pour se lancer en affaires. Sa trajectoire professionnelle est intéressante puisqu’il a fait ses dents dans le riche milieu brassicole québécois il y a une dizaine d’années, alors que le monde de la bière était en plein bouillonnement. « J’avais été surpris par la curiosité, l’engouement, le caractère créatif des brasseries d’ici, se souvient-il. Ça m’a inspiré. Je trouvais qu’on pouvait appliquer et suivre les mêmes manières de faire avec le cidre. Ça faisait donc plusieurs années que j’avais l’idée d’une nouvelle cidrerie en tête, mais les étoiles n’étaient pas tout à fait alignées. » C’est dans ce contexte qu’il a fait la rencontre de Frédéric Le Gall, son futur acolyte dans l’entreprise Cidrerie Chemin des Sept. Ensemble, ils ont nourri l’idée de créer une cidrerie. « C’était il y a plusieurs années. Il travaillait à Trou du diable. Moi, je suis un coactionnaire de Dieu du ciel ! Les deux brasseries avaient souvent des collaborations et chaque fois qu’on se voyait dans les événements brassicoles, on parlait de cidre. Fred est natif de la Bretagne, donc il est vraiment dans la tradition familiale. Il fait du cidre depuis qu’il est tout petit, avec une autre approche

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que ce qui se fait au Québec traditionnellement. On se parlait du cidre qu’on avait envie de faire et de boire. » Une signature créative L’aventure a débuté officiellement en 2016. Le processus prend environ 18 mois avant que le cidre se retrouve sur les tablettes. Les premiers produits issus des récoltes sont donc sortis en 2018. L’entreprise est jeune, mais déjà le goût de l’expérimentation est ancré dans leurs valeurs. « La majorité de ce qu’on produit est la gamme d’assemblages Turbo (Turbo brut, Turbo Péché). Après, on s’amuse avec les fruits du Québec, en macération. Dans le verger, on a des griottes, des prunes et il y a différents fruits qui s’en viennent dans la prochaine année : la rhubarbe nous intéresse, par exemple. » Lorsqu’on demande en quoi ses cidres se démarquent, Étienne nous explique leurs méthodes créatives, qui forment la signature Chemin des Sept et s’éloignent des étapes plus traditionnelles. « On travaille en fermentation spontanée. C’est le bouquet de levure naturelle sur nos fruits de verger qui vient activer nos fermentations, contrairement aux méthodes de cidre plus classique où le producteur sélectionne une seule levure en laboratoire pour avoir un caractère ou un arôme particulier, par exemple. Ce qui va en sortir, c’est du cidre très maîtrisé, très droit. Nous, il y a un bouquet complet de différents organismes qui va complexifier nos signatures. >

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C’est un élément important. La fermentation spontanée aide beaucoup le caractère de nos jus. On laisse aussi la fermentation se terminer complètement, c’est-à-dire qu’il n’y a plus aucun sucre résiduel dans nos cidres. Ça fait des cidres très secs. On travaille avec différents fûts de chêne : américains, français, issus de vignobles ou du monde des spiritueux ou bien passés en brasserie. On va chercher des caractères boisés qui viennent apporter de la complexité et de la structure à nos cidres. »

Années d’adaptation « On voulait commencer à très petite échelle, travailler sur nos méthodes pour intégrer le marché tranquillement, parce qu’on ne savait pas s’il y aurait un engouement pour ce genre de cidre plus sec, plus funky, au caractère plus wild, poursuit Étienne. Depuis qu’on a commencé, il y en a d’autres qui sont arrivés sur le marché, mais quand on se l’imaginait, ce n’était pas si présent au Québec. » Au final, la réponse a dépassé leurs attentes. Les millésimes

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2017 ont tous été vendus entre avril et août 2019. En conséquence, la plus récente production a augmenté considérablement : ils sont passés de 3 000 litres à 42 000 litres. Puisque la cadence est maintenant bien enclenchée après deux premières années d’expérimentations sur le marché québécois, Étienne explique que l’entreprise continuera de s’adapter selon la demande. « Jusqu’à l’année dernière, c’est nous – des amis, des collègues, des clients, de la famille – qui faisions notre récolte au complet. Là, ça se peut que j’aie recours à certains travailleurs. C’est intense parce que 80 % de mon verger est prêt en même temps. Il y a un rush, il faut vider les pommes d’un coup si on veut les avoir à bonne maturité », explique-t-il. Pour le moment, les curieux ne peuvent pas visiter le verger car la cidrerie est en plein aménagement, mais c’est l’un des projets de la jeune compagnie que d’accueillir les gens. « On est partis dans de toutes petites installations, une version pilote qu’on transforme en ce moment et qu’on déménage de notre petite cidrerie vers notre plus gros bâtiment sur la ferme. C’est plus adéquat. Il y a beaucoup d’améliorations locatives, d’agrandissements qui font partie de nos plans pour les prochaines années. On est dans notre première année de trois vers notre certification bio. On a hâte d’ouvrir nos portes au public. On veut aménager un espace au moins pour la saison été-automne. Le public pourra acheter nos produits, les déguster et voir les installations. » D’ailleurs, nul doute que l’endroit deviendra un incontournable du coin considérant que les vergers sont l’un des points forts de la région de la Montérégie. « Quand on sera prêts à accueillir les gens sur la ferme, ce sera assez simple car il y a déjà une route touristique, admet Étienne. Des gens viennent dans la région avec ça en tête, visiter des vignobles et des cidreries. À ce moment, ce sera l’fun d’être au milieu de cet engouement-là. » Cidrerie Chemin des Sept 6600 2B0, chemin des Sept Rougemont facebook.com/ChemindesSept

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c u lt u r e Le Zaricot Saint-Hyacinthe

L a c u lt u r e c o m m e v o c at i o n Chaleureuse vitrine de découvertes culturelles, la petite salle de spectacle toute de bois vêtue a maintenant passé le cap des 15 ans – un véritable tour de force dans cet écosystème fragile. Rencontre avec une équipe allumée qui n’a pas peur de se réinventer. Mots Maryse Boyce ; photos Le Zaricot

Le Zaricot existe dans le paysage maskoutain depuis 2003. Le lieu évoque pour bien des gens un bar où il fait bon prendre un verre de bière de microbrasserie entre amis, et cela est vrai, principalement du dimanche au jeudi. Les vendredis et samedis, l’endroit vibre différemment, au gré des concerts qu’il accueille. L’équipe actuelle de propriétaires, qui a racheté en 2011, travaille d’arrache-pied afin de faire rayonner ce qu’elle considère comme la mission première de l’établissement : promouvoir la culture en tant que salle de spectacle indépendante. Il s’agit d’une opération délicate, où la précarité n’est jamais bien loin même si le besoin de vitrines pour la culture dite émergente gronde comme un ventre qui a faim. Il faut souligner que le bassin de salles de spectacle similaires dans la province a perdu de loyaux membres au combat dans les trois dernières années : le Sous-Bois à Chicoutimi, le Cercle à Québec et le Divan orange à Montréal. Pour Jo-Annie St-Amand, directrice marketing et copropriétaire, le rôle des petites salles comme la sienne se révèle d’autant plus crucial. « La culture au Québec, on trouve que c’est extrêmement important. Il faut la mettre de l’avant et trouver des solutions. C’est ce qu’on s’évertue à faire. » La ligne directrice de la programmation du Zaricot se fait davantage sentir dans le statut des artistes qu’elle met de l’avant – jouant dans la zone entre découverte pure et artiste indépendant établi – que dans les genres musicaux qu’elle privilégie, bien que le folk, le rock, le rap et le jazz tiennent le haut du pavé. « Ce qu’on veut, c’est que les artistes qui passent par chez nous aillent faire [de plus grandes

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salles] après », indique Jo-Annie. L’établissement a développé avec les années une bonne relation avec les maisons de disques et les agents de spectacle, tant et si bien que ce sont le plus souvent ces derniers qui le contactent pour y présenter des artistes que l’inverse. La beauté de l’attention La qualité d’écoute exceptionnelle est un dénominateur commun pour tous les concerts qui se tiennent au Zaricot. Pour y parvenir, les employés de la salle encouragent le public à garder le silence pendant les prestations. Cette requête marque une rupture avec la culture de bar, où les gens rivalisent souvent en volume avec l’artiste, préférant porter leur attention sur leur conversation que sur ce qui se déroule sur scène. Autant le public que les artistes apprécient ce signe de respect envers les spectacles qui sont présentés. Cette ambiance empreinte d’ouverture favorise par ailleurs le positionnement du Zaricot comme une vraie salle de spectacle estimée – ce à quoi contribue également la sonorisation impeccable du lieu. Maudite précarité La promotion de la découverte musicale se conjugue avec la prise de risque : si des valeurs sûres garantissent des salles combles, les groupes peu connus demandent plus d’inventivité quant à la promotion et au défrichage de public… sans assurance que le revenu sera proportionnel aux efforts déployés, d’où le spectre de la précarité qui ne plane jamais bien loin. Comme le Zaricot ne bénéficie >

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pas des subventions auxquelles ont droit les salles de spectacle en raison de son statut de bar, la vente d’alcool et de billets constitue ses principaux revenus. Puisque la contrainte provoque la créativité, le Zaricot met tous les moyens en œuvre afin de continuer à animer la curiosité de son public. « Il y a beaucoup d’essais-erreurs dans ce qu’on fait ! », reconnaît Jo-Annie, ce qui permet à l’équipe de constamment se réajuster. En plus de la promotion sur les réseaux sociaux, qui fonctionne très bien, l’organisation a mis en place des moyens ingénieux pour faire connaître sa programmation, dont un système de carte d’abonnement annuel pour encourager les découvertes, venant avec une bière gratuite pour chacun des six concerts à laquelle elle donne droit. Fait intéressant, il n’existe pas une clientèle type pour la carte d’abonnement, pour laquelle la popularité est par ailleurs en hausse. L’union fait la force Depuis peu, le Zaricot s’est associé au Centre des arts Juliette-Lassonde afin de présenter chez lui une série de concerts, intitulée justement « S’unir pour mieux soutenir ». Jo-Annie St-Amand voit dans cette alliance plus qu’une simple série de concerts. Elle constitue une façon de montrer au public maskoutain que les deux lieux ne sont pas en compétition, mais tissent ensemble un filet pour épauler l’artiste là où il est rendu dans son parcours. « On veut mettre tout en œuvre, ensemble, pour développer un vrai soutien et un vrai partenariat. Saint-Hyacinthe a longtemps été un pôle culturel, le but c’est de l’être et de le rester. »

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Toujours vivant Comme on le mentionnait plus tôt, le Zaricot a atteint l’âge vénérable de 15 ans en 2018. Les célébrations, qui se sont étirées sur l’année entière comme il se doit, ont permis à l’équipe de confirmer sa mission de facilitateur de découvertes culturelles, tout en repensant les stratégies pour y parvenir malgré la précarité. Le succès fulgurant du spectacle de Patrick Watson, dont les billets se sont envolés en trois heures, a donné l’idée à l’équipe d’inviter plus régulièrement en son sein des artistes à la carrière bien établie pour des spectacles spéciaux, à l’instar de Paul Piché et de Michel Rivard qui se sont produits récemment. « C’est sûr que c’est difficile d’avoir une salle de spectacle de ce type-là, mais en même temps, quand tu fais un show, que tout le monde est assis et que c’est merveilleux, tu te dis que ça vaut la peine. » Pour la suite, l’équipe du Zaricot espère que le public continuera de cultiver son appétit pour la découverte. Elle souhaite également que les partenariats se multiplient, et que les différentes salles de spectacles indépendantes du Québec réussissent à prouver au plus grand nombre qu’elles incarnent davantage que de simples débits de boisson et soutiennent la culture de manière essentielle. Le Zaricot 1460, rue des Cascades Saint-Hyacinthe 450 774-2383 lezaricot.com

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sur la route Des bons plans pour votre journal de bord

L i e u h i s t o r i q u e n at i o n a l d e C o t e a u - d u - L a c 308-A, chemin du Fleuve, Coteau-du-Lac C’est un grand site serein, historique et éducatif que l’on retrouve à moins d’une heure de Montréal. Les activités y abondent. C’est donc un rendez-vous familial idéal pendant la période estivale : les enfants peuvent se costumer ou visiter le jardin de plantes comestibles. Le lieu aux abords du fleuve Saint-Laurent est

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intéressant d’un point de vue historique puisqu’il a accueilli le premier canal à écluses au Canada. Et il y a très longtemps, c’était un site sur lequel se rassemblaient des membres des Premières Nations. La visite du lieu permet de comprendre le rôle défensif de Coteau-du-Lac dans l’histoire du pays. Autour du grand terrain gazonné, on tombe aussi sur une réplique d’un bâtiment militaire britannique construit pour la guerre de 1812 et sur des canons.

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Agneaux Carignan 2241, chemin Bellevue, Chambly Claude Carmel a travaillé près de 20 ans dans le génie industriel, avant de tout plaquer pour retourner à la terre et travailler de ses mains. Il a ainsi lancé un élevage de brebis à Chambly, à côté de l’hôtel de ville. Sa boutique ouverte en juin propose des steaks de gigot, des côtelettes ou des saucisses d’agneau, et des œufs frais de son poulailler. Sur sa terre de trois hectares, Claude veut faire cohabiter ses brebis avec un âne, des cailles et des dindes. Si le Pré du Mouton noir compte une trentaine de brebis, l’éleveur vise 200 bêtes à long terme. Claude travaille en complémentarité avec les producteurs locaux : il marie par exemple ses produits avec les légumes et herbes bios de la voisine et nourrit ses brebis avec le foin d’un agriculteur du coin… <

Flotel

S tat e r a

240, rue Victoria, Salaberry-de-Valleyfield

127, rue du Traversier, Sorel-Tracy

Amateurs d’hébergement insolite, à l’écoute ! Flotel propose une expérience toute particulière : celle de séjourner dans une cabine flottante dans la superbe baie du lac SaintFrançois à Salaberry-de-Valleyfield. Six chambres sont aménagées sur trois plateformes indépendantes construites à partir de conteneurs maritimes recyclés. Chacune d’elles possède une petite terrasse privée avec fauteuil et foyer pour relaxer devant la vue imprenable d’un coucher (ou d’un lever) de soleil sur l’eau. Concept entièrement autonome et écoresponsable – l’eau du lac est filtrée et l’électricité est solaire –, ces hébergements se démarquent par un design moderne et minimaliste propice au cocooning. De plus, l’entreprise se fait un point d’honneur de collaborer avec d’autres compagnies du coin pour offrir des forfaits nuitée avec activités comme du kayak en été et du paraski en hiver.

À l’été 2018, l’offre touristique de Sorel-Tracy a pris du galon avec l’arrivée de Statera, une expérience immersive de grande envergure qui met en valeur les atouts et les ressources de la région. Aux abords de l’archipel du lac Saint-Pierre trône désormais un grand dôme impressionnant où l’on diffuse en soirée un film sur l’histoire de Sorel-Tracy sur un écran à 360 degrés. À quelques pas de là, les visiteurs peuvent aussi prendre part à l’expérience Les îles la nuit, un parcours multimédia fort captivant qui nous emporte dans la magie des îles de Sorel. Nous voilà plongés dans des tableaux représentant les quatre éléments (air, eau, feu, et terre). Une expérience immersive dont nous sommes le héros ! À travers tout ça, nous apprenons toutes sortes de choses sur la faune et la flore.

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Ferme Cabru 974, 94e Avenue, Saint-Blaise-sur-Richelieu

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Hé! Photographes

La Ferme Cabru, c’est des fruits et des légumes frais (chou, carotte, pomme de terre, brocoli), du miel, des herbes, des œufs. Sur le terrain, on retrouve aussi de belles oies cendrées. C’est aussi l’histoire de Carole Reid Forget, une enseignante et auteure de livres pour enfants de la Montérégie devenue productrice maraîchère et dont la ferme est en voie d’être certifiée biologique. On pourrait dire qu’elle est douée pour prendre soin des enfants autant que des terres qui abritent sa production. La ferme est née à Saint-Jean-sur-Richelieu, mais a bougé juste au sud à Saint-Blaise-sur-Richelieu en juillet 2018. On retrouve les produits de la Ferme Cabru, membre du Circuit Zéro Déchet, surtout dans les marchés locaux. La petite entreprise propose aussi des paniers bios.

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o u ta o u a i s L e T h é ât r e d e l’ Î l e PA G E 1 5 6

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transistor média PA G E 1 6 3

SUR LA ROUTE PA G E 1 6 5

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c u lt u r e L e T h é ât r e d e l’ Î l e Gatineau

L e t h é ât r e c o m m e l i a n t Le Théâtre de l’Île est le seul théâtre municipal au Québec, dans une ville qui a compris l’importance de l’engagement culturel de sa collectivité bien avant que le concept ne devienne en vogue. Portrait de ce modèle aussi atypique qu’inspirant. Mots Maryse Boyce ; photos Ville de Gatineau

« C’est un théâtre qui est très ancré dans sa communauté », annonce d’entrée de jeu sa directrice artistique Sylvie Dufour, qui occupe cette fonction depuis maintenant 10 ans. Installé dans un ancien château d’eau qui a connu plusieurs incarnations depuis sa vocation initiale, le Théâtre de l’Île a été inauguré en 1974, quelques semaines avant qu’un violent incendie ne ravage l’édifice. Qu’à cela ne tienne : la Ville, unique propriétaire du lieu, entreprend les rénovations nécessaires, et depuis 1976 l’institution est exploitée dans sa forme actuelle. Bon an mal an, le théâtre produit six spectacles, impliquant par la force des choses majoritairement des créateurs de la région. La particularité de la programmation est son volet communautaire, où l’encadrement est assumé par une équipe professionnelle, mais dont l’ensemble des comédiens participants sont en fait des citoyensacteurs qui n’ont pas nécessairement d’expérience théâtrale préalable. Deux pièces sont entièrement jouées par ces novices, sélectionnés par un processus d’auditions affichées par la Ville. Les besoins diffèrent évidemment selon les productions, mais la directrice artistique s’assure de choisir des pièces requérant une distribution nombreuse et variée. Vases communicants d’engagement Ce volet communautaire participe évidemment à attirer un public qui ne fréquenterait peut-être pas le théâtre, si ce n’était que pour assouvir la curiosité de voir son cousin ou sa dentiste se commettre sur les planches. Ce public néophyte se laisse charmer par la

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production, par la confiance accordée aux citoyens et le travail colossal qu’ils accomplissent en retour, mais aussi par le caractère intimiste de la magnifique salle de 118 places, « où l’on voit bien de partout ». Ces raisons pousseront peut-être le spectateur à revenir y découvrir d’autres pièces. L’équipe du Théâtre de l’Île s’assure également de garder vivant l’attrait pour la discipline chez tous ceux qui ont participé aux auditions, qu’ils soient choisis ou non. « On peut avoir 60 personnes qui se présentent aux auditions. Pour ceux qui n’ont pas été choisis, afin de garder leur intérêt pour le théâtre, on met sur pied des ateliers de jeu pour ne pas les perdre de vue. » Ces motivés sont également conviés aux générales des pièces du volet communautaire : « C’est une façon de leur dire merci, et de leur dire aussi “On ne vous oublie pas, il va y avoir d’autres auditions”. » Voilà une excellente façon de prévenir les égos blessés et de garder la communauté tissée serrée autour du théâtre. Nourrir l’écosystème Car il n’y a pas que les citoyens, acteurs ou non, qui gravitent autour du Théâtre de l’Île. Dans une ancienne caserne de pompiers de trois étages située tout près se trouve le Centre de production. Celui-ci abrite le costumier, les ateliers de fabrication de décors et les espaces de répétition. Tous les organismes et troupes reliés de près ou de loin au théâtre sont appuyés par la Ville. Ce soutien s’exprime par des subventions, mais également par une mise en commun de ces précieuses ressources. « Pour la Ville, >

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c’est important que la culture soit accessible, que les arts soient à la portée de la main, estime Sylvie. On a donc ce volet de partage des acquis du théâtre envers la communauté et envers les autres compagnies, qu’elles soient professionnelles ou communautaires. » Désir de relève Toutes ces initiatives contribuent à animer culturellement la ville de Gatineau et à garder les créateurs dans la région, une préoccupation qui demeure.

Pour favoriser cette rétention, de nombreuses mesures pour soutenir la création ont été mises sur pied. Le concept des cartes blanches, à l’Espace René-Provost, qui appartient lui aussi à la Ville, participe à cet élan. Les créateurs profitent donc des ressources du théâtre pour façonner 30 minutes de création originale, qu’ils présenteront devant public. Les théâtres des environs reconnaissent le

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potentiel de ces laboratoires et y effectuent souvent du repérage pour leurs programmations à venir. « On crée l’équilibre entre ce beau théâtre populaire qu’est le Théâtre de l’Île et tout le développement d’une relève et d’une parole avec l’Espace René-Provost », résume Sylvie. Dans le bleu, de Magali Lemèle, qui sera présentée du 22 avril au 3 mai 2020, constitue un bel exemple du parcours que peuvent suivre ces expérimentations. Créé dans le cadre d’une carte blanche, ce projet très personnel d’un récit de traversée en voilier a bénéficié d’une participation aux Zones théâtrales pour finalement s’intégrer à la programmation de la présente saison du Théâtre de l’Île, dans une version plus étoffée. En plus de cette destination heureuse, la pièce bénéficie d’une coproduction avec le prestigieux Centre national des arts d’Ottawa, où il jouera également, et d’un passage au Théâtre du Nouvel-Ontario à Sudbury. « C’est tellement important que la création circule ! Pour nous, ça a une grande valeur. » Ainsi, le Théâtre de l’Île et son modèle unique contribuent à dynamiser le milieu et à insuffler d’importantes ressources pour garder l’intérêt envers le théâtre plus vif que jamais. « Ma responsabilité, c’est de m’assurer qu’on a toujours un bassin d’artistes dans le coin, dit la directrice artistique. Parce que l’attrait des grands centres est là aussi, et les voir partir ailleurs, c’est toujours ce qui nous menace. Il faut donc doubler de vigilance et d’initiatives pour les garder près de nous. » Dans ce contexte, un exemple comme celui de Marc-Antoine Morin permet de garder espoir. Le jeune comédien fraîchement diplômé du Collège LionelGroulx, qu’on a pu apercevoir cet été au Théâtre de l’Île dans Les grandes chaleurs de Michel Marc Bouchard, n’était pas un inconnu aux yeux du public gatinois. C’est que Marc-Antoine a fait ses premières armes de scène sur ces mêmes planches, alors qu’il avait 12 ans, dans le volet communautaire… S’il ne suffit pas de provoquer l’étincelle, le Théâtre de l’Île dispose de nombreux moyens pour garder bien allumé le feu sacré pour le théâtre. Le Théâtre de l’Île 1, rue Wellington, Gatineau 819 243-8000

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terroir f e r m e S av e u r s d e s m o n t s Val-des-Monts

g o û t e r l’ O u ta o u a i s Sylvain Bertrand, agronome de profession et ancien professeur, s’est retrouvé il y a presque 20 ans héritier d’un projet qui n’était pas le sien. Grâce à son amour pour le domaine agricole, on peut aujourd’hui raconter l’histoire de la ferme Saveurs des monts, à Val-des-Monts. Mots Rose Carine Henriquez ; photos Ferme Saveurs des monts

C’était d’abord le rêve chéri par un couple d’enseignants : élever des poulets pour leur retraite. Mais la mort prématurée de son mari a poussé Ginette Lafleur à mettre ce rêve de côté. Un rêve qui a repris vie lorsque Sylvain Bertrand a racheté la ferme en 2000. Malgré son manque d’expérience, l’agriculteur y a vu une opportunité, même si les poulets n’ont pas été la motivation première pour se lancer dans cette aventure. « À part en manger au St-Hubert, je ne connaissais rien au poulet. C’est l’agriculture qui m’attirait, raconte-t-il. J’aimais le milieu agricole et les valeurs qui y étaient véhiculées : le respect du travail et de l’effort. Travailler avec la nature, ça m’a toujours attiré. » Et le hasard fait bien les choses, car sur la ferme – anciennement nommée Ferme GG et Fille et rebaptisée Saveurs des monts – se trouvait un petit poulailler abandonné. Ce fut l’occasion pour Sylvain de se lancer dans l’aventure de l’aviculture et de devenir l’un des deux éleveurs de poulets dans la région de l’Outaouais. « Ma femme a bien voulu m’épauler, on a vécu plusieurs années sur son salaire. Tous les profits qu’on faisait étaient réinvestis dans l’entreprise pour lui permettre de croître. » Dans cette idée de croissance et de pérennité, Saveurs des monts a plus d’une corde à son arc. Les fils de Sylvain, Élie et Samuel, font de l’élevage de poules pondeuses en liberté qu’ils commercialisent dans un marché de proximité. La ferme propose également de l’autocueillette de fraises et de maïs sucré.

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De l’espace La mission première de cette entreprise familiale est d’offrir une alimentation santé aux consommateurs à un prix abordable. Sans être entièrement biologique – les poulets reçoivent des céréales conventionnelles –, la ferme a comme préoccupation principale le bien-être des animaux. « On élève de façon non intensive, on ne donne aucun antibiotique ou hormone de croissance, ni de sous-produit animal. Nos poulets sont végétariens. » On est loin du millier de poulets produits lors de la première année d’activité de Saveurs des monts ; aujourd’hui, 35 000 poulets sont élevés chaque année. Un nombre assez modeste comparativement aux 300 000 volailles du producteur moyen. Cela veut également dire que les animaux, élevés en liberté dans un poulailler, ne se marchent pas sur les pattes, évitant ainsi la circulation de pathogènes. « Les poulets ont de la place pour aller manger, boire, se coucher, pour battre des ailes. Ils sont confortables et pour nous, c’est ce qui est important. On laisse également les volailles grandir plus longtemps et atteindre leur pleine maturité. » Ces différentes techniques d’élevage ont bien sûr un effet sur la qualité de la viande qui est plus nourrissante et plus savoureuse, car moins grasse, selon Sylvain. Relation de proximité Bien que l’on voie de plus en plus se développer un marché de petits producteurs – la plupart écologiques >

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ou biologiques –, le contact avec le consommateur reste un défi. Pour y faire face, il faut miser sur la mise en marché directe et sur l’entraide entre des entreprises qui partagent les mêmes valeurs. « On est chanceux, car on a une clientèle qui nous est fidèle. Et en Outaouais, il y a beaucoup de petits épiciers qui sont des propriétés familiales, qui ne sont pas toutes des corporations. Donc il y a une ouverture pour soutenir des producteurs locaux. » La participation à plusieurs événements est également une bonne stratégie, comme la Fête gourmande de l’Outaouais qui a lieu au mois d’août et qui rassemble une cinquantaine de producteurs. Sans oublier les marchés publics, lieu de rencontre privilégié pour découvrir le savoir-faire régional. « Souvent, les petits producteurs n’ont pas les moyens de rejoindre les consommateurs, même si aujourd’hui, il y a plus d’outils qu’à l’époque. Toutes les tribunes sont importantes. » Des défis quotidiens La pénurie de main-d’œuvre atteint des sommets au Québec comme partout au Canada. Les premières victimes sont les petites fermes avec leur charge de travail énorme et le peu de ressources, pour l’embauche de personnel entre autres. Comme le souligne Sylvain, il y a des journées avec, il y a des journées sans : « On a des enjeux à gérer de façon

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constante. On a 6 000 poulets en inventaire, c’est une responsabilité. On est dans la production animale, donc il faut être là tous les jours, qu’on soit malade ou non, il faut assumer la responsabilité d’avoir des animaux. » Et il faut beaucoup d’amour et de patience pour faire ce métier. « En tant qu’agriculteur, tu n’as pas le choix d’aimer ton métier. Si ce n’est pas ta passion, ce n’est pas ta place. Tu es condamné à aimer ça, car les défis sont constants. Lorsque j’étais enseignant-agronome, mon bureau fermait le soir ; aujourd’hui, mon bureau ne ferme jamais. » Les sources de stress proviennent de tous les côtés et sont bien souvent imprévisibles : la température, la gestion de l’offre, l’instabilité des prix des denrées. Mais Sylvain garde son optimisme, sinon autant changer de secteur. « On a toujours réussi à faire face aux surprises du quotidien. Les agriculteurs sont des gens qui sont très résilients. Ils sont encore là malgré les embûches, les canicules et les sécheresses. Ce sont des gens qui sont débrouillards. On va se fier aux valeurs et aux réflexes qu’on a développés depuis le temps. » Ferme Saveurs des monts 883, chemin du Rang 6, Val-des-Monts 819 643-4363 saveursdesmonts.ca

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c u lt u r e transistor média Gatineau

G at i n e a u , v i l l e d e b a l a d o La jeune entreprise Transistor, qui chapeaute la création de projets radiophoniques et met en valeur les balados québécois lors de son festival annuel, est un nouveau stimulateur de création et de partage en Outaouais. Récit de la genèse de l’organisme par son fondateur. Mots Julien Morissette ; photo Transistor Média

Le premier emploi dont j’ai été réellement fier, après avoir été vendeur de crème glacée à vélo, concierge et plongeur, était celui de musicien de tournée. À 19 ans, je me pinçais quand je suis parti pour une première tournée canadienne avec ma contrebasse et mon ampli bien tassés dans une vieille Ford Econoline. Ça m’a permis de découvrir toutes les routes, leurs patateries et leurs truck stops de Victoria à Moncton, loin de mon Outaouais natal. Dans l’esprit nomade, voire forain, du métier tout le monde me demandait d’où je venais. Au Canada anglais, je répondais Ottawa et au Québec, je disais plutôt Gatineau. Je pourrais remplir les pages de cette publication avec les réactions négatives que suscitait mon évocation de la rive québécoise de la région de la capitale nationale. Gatineau, désert culturel. Gatineau, dortoir de fonctionnaires. Gatineau, banlieue de la ville la plus plate au Canada. Gatineau, là où on ferme les bars à 2h plutôt qu’à 3h, comme partout en province. Ça en devenait gênant. Une forte proportion des Québécois que je rencontrais à l’ouest de Montréal pensait que Hull (la ville où je suis né, pré-fusion péquiste de 2002) était en Ontario. Ma ville n’avait aucune identité culturelle. Actif sur la scène culturelle locale au milieu de la décennie 2000, je voyais tous mes amis musiciens, auteurs, comédiens et étudiants en cinéma quitter la région pour la métropole. En pratiquant cet exode, nous contribuons tous et toutes à laisser notre région orpheline de projets culturels d’envergure. À la fin de mon baccalauréat à Montréal, il y a une dizaine d’années, j’ai décidé de revenir m’ancrer à Gatineau pour joindre mes efforts à quelques créateurs qui voulaient renverser la vapeur. Lentement mais

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sûrement, je me suis réapproprié cette scène à titre de musicien et chroniqueur culturel à la radio. La plus grande manifestation du changement culturel a été le Festival de l’Outaouais émergent (FOÉ), présenté de 2008 à 2017, un modeste festival qui a permis à une tonne de musiciens, artistes visuels, dramaturges et artisans de faire entendre leurs voix. C’est dans ce cadre que mon chemin a croisé celui de Steven Boivin, un touche-à-tout du domaine de la culture et de la diffusion. Avec la mort du FOÉ, que Steven a dirigé pendant deux ans, nous étions à la recherche d’un nouvel événement pour mettre un peu de piquant dans la région. Le calcul fut simple : additionnons nos deux champs d’expertise, soit la radio et l’organisation de festivals, et présentons un festival de radio sur les scènes du Vieux-Hull. Transistor a pris son envol en avril 2017, sous un chapiteau rempli de Gatinois venus assister à des enregistrements de La soirée est (encore) jeune !, Ça ou ça, 3 bières et Drette su’l tape. Dans notre tête, il fallait absolument créer un festival ayant un mandat clair et distinctif. Si Rouyn a son Festival de musique émergente, le Saguenay son Festival international du court métrage et Saint-JeanPort-Joli son festival des chants de marins, pourquoi Gatineau ne serait-elle pas la destination pour célébrer l’ascension des baladodiffusions ? Partenaires et mobilité L’engouement suscité par la mise sur pied de notre organisme nous a surpris à notre tour ! Rapidement, de nombreux partenaires comme le Salon du livre de l’Outaouais, la Galerie UQO et Culture Outaouais ont manifesté leur intérêt à s’investir avec nous lors

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d’événements ponctuels et même de productions de contenu en balado. Alors que nous pensions développer Transistor à temps perdu, la gestion de l’organisme est rapidement devenue notre travail à temps plein. La création de projets radiophoniques et l’utilisation du médium pour faire de la médiation culturelle nous a permis de travailler en partenariat avec des organismes comme l’Association des auteurs et auteures de l’Outaouais, le Festival de la fibre Twist, le Centre national des Arts et le Théâtre du Trillium. Radio mobile Lors de la deuxième édition du festival, Steven et moi avons lancé le projet de convertir un vieux camion de livraison en studio de radio mobile. Le « Transistruck » est né grâce à une campagne de sociofinancement et l’arrivée de Marie-Hélène Frenette-Assad, une réalisatrice et animatrice de balados qui allait devenir directrice générale du festival Transistor. Dès le printemps 2018, nous avons eu la chance de faire des talk-shows ludiques et microrégionaux, des documentaires sur le patrimoine culturel de l’Outaouais, des tables rondes sur le tricot et des cabarets de performances littéraires. Grâce à la mobilité du Transistruck et à la magie de l’internet, nos activités ont commencé à dépasser les frontières de l’Outaouais. Les appels sont venus de Val-d’Or, Rimouski, Montréal et la Gaspésie pour aller créer du contenu dans des événements musicaux

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et cinématographiques. Des créateurs de contenus et des artisans de la radio de partout au Québec ont commencé à nous contacter pour développer des projets de balados, et les appuis financiers se sont multipliés de la part de la Ville de Gatineau et du Conseil des arts et des lettres du Québec. Le plus beau défi de cette folle aventure qui ne cesse de prendre de l’expansion est de trouver des collaborateurs nous permettant de créer des projets qui emploient des réalisateurs, techniciens, monteurs, scénaristes, auteurs, chroniqueurs, animateurs, concepteurs sonores et musiciens qui résident en Outaouais. Il n’y a pas d’École nationale de la baladodiffusion ou de concentration « balado » dans les programmes de baccalauréat en communication. Pour développer des projets avec des artistes issus de toutes les formes de création en Outaouais et peut-être même attirer des artisans de la radio dans notre région, notre philosophie restera la même : faire découvrir Gatineau aux gens du milieu du balado et faire découvrir le balado aux gens de Gatineau. Transistor a produit La balado de Fred Savard, Le nom de mère et Synthèses : le cas Valérie Leblanc, à écouter sur transistor.media Transistor Média 53, rue Court, Gatineau transistor.media

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sur la route Des bons plans pour votre journal de bord

Sophie Desbiens

L e B r a s s e- C a m a r a d e 71, rue Principale, Saint-André-Avellin Au cœur du charmant village de Saint-André-Avellin, Frédéric et Véronique tiennent un dépanneur spécialisé dans les bières de microbrasseries. Si les traditionnelles Archibald, Dieu du Ciel et Trou du Diable sont représentées, des bières moins connues du grand public sont aussi proposées, comme celles de Frères Houblon, Chouape ou

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Multi-Brasses. Soucieux de mettre de l’avant les beaux produits de la région de la Petite-Nation, les propriétaires proposent également aux gourmands des produits artisanaux tels que des fromages, des saucissons ou des chocolats. Parmi les nouveautés, le feta de la fromagerie Les Folies bergères, produit à Saint-Sixte, ou bien le cidre bouché pétillant des Pommes perdues élaboré à Chénéville. Une parfaite mise en bouche au savoir-faire local.

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C i d r e r i e C o r o n at i o n H a l l C i d e r M i l l s 206, chemin River, Bristol La Cidrerie Coronation Hall Cider Mills, c’est une affaire de famille et un lieu chargé d’histoire. Coronation Hall était à l’origine une salle de danse et a accueilli jusqu’aux années 1960 de nombreux mariages et réceptions. En 2003, les frères Graham y voient l’opportunité d’explorer le patrimoine agricole et culturel du canton de Bristol avec les visiteurs tout en proposant des produits de qualité, dont la matière première provient de leur verger, Third Line Orchards. Si leur produit phare reste leur cidre léger Bristol, il serait dommage de se priver de toutes les déclinaisons sucrées que le lieu propose : beurre de pommes, confitures, gelées, tartes, pâtisseries… Les propriétaires, qui continuent de rénover Coronation Hall, tiennent à préserver les valeurs traditionnelles de leur artisanat et organisent des événements toute l’année. L’ancienne salle de danse rénovée est ainsi utilisée pour accueillir des expositions d’art, des conférences, des visites guidées, des pièces de théâtre et... des danses.

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Chocomotive 502, rue Notre Dame, Montebello Peu d’activités familiales remportent autant l’adhésion collective que la visite d’une chocolaterie. Celle de l’atelier de Chocomotive ne déroge pas à la règle. On y découvre les secrets de fabrication de leurs créations réalisées exclusivement avec du chocolat, du sucre et du cacao certifiés biologiques et équitables, et sans aucune lécithine de soja. Installée dans l’ancienne gare de Montebello qui inspira le nom de la boutique, la chocolaterie propose de savoureux pralinés et des chocolats faits de produits du terroir. On trouve ainsi des mélanges tout aussi surprenants que délicieux comme Atoka, constitué de chocolat noir et de confiture de canneberges séchées à l’érable, ou encore Calijo, un marbré lait et noir agrémenté de ganache noire et de brandy de pomme.

Bistro Coqlicorne 59, rue Laval, Gatineau

Herboristerie La Fée des Bois 34, chemin Greermount, Shawville Un sanctuaire de plantes médicinales biologiques de plus de 70 acres traversé par deux petits ruisseaux et entouré de forêts ancestrales : c’est dans ce lieu bucolique qu’est née l’herboristerie La Fée des Bois, qui réalise depuis 2012 des produits cosmétiques et thérapeutiques 100 % naturels, faits à partir d’ingrédients issus des champs. De la semence à la cueillette, tout se fait à la main et dans le respect du principe de permaculture. La fabrication des produits se fait elle aussi à la main, dans l’atelier et à petite échelle pour obtenir des produits de haute qualité. Afin de préserver les savoirs ancestraux des plantes comme médecine, nourriture et soutien à la vie quotidienne et de les partager, Mariane Desjardins Roy propose également aux visiteurs des sentiers d’interprétation de ses jardins et forêts, des visites guidées et des ateliers de formation.

À l’entrée du Vieux-Hull se dresse un gardien des lieux accueillant et chaleureux, un incontournable des habitants et des visiteurs : le Bistro Coqlicorne. Baptisé ainsi en l’honneur de la peinture du même nom de Jean Dallaire, originaire de Gatineau, ce restaurant est amoureux de sa région et cette dernière le lui rend bien. Tous les trois mois, des artistes du coin viennent exposer leurs toiles sur les murs du bistro et embellissent l’espace intérieur exigu. L’été, la charmante terrasse ne dérougit pas du brunch au souper où l’on sert de bons plats généreux bien réalisés et surtout, débordant de produits locaux. Le Coqlicorne collabore notamment avec la ferme Saveurs des monts, les Champignons Le Coprin, la Laiterie Outaouais, la Maison de torréfaction Bunchum et ne sert que des bières québécoises.

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s a g u e n ay – l a c - s a i n t- j e a n g a l e r i e d’a r t l a c o r n i c h e PA G E 1 6 8

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c u lt u r e G a l e r i e d ’a r t L a C o r n i c h e Chicoutimi

L’a m o u r d e s a r t s de mère en fille La Galerie d’art La Corniche à Chicoutimi possède une solide réputation dans le milieu de l’art et a vu des artistes de la région prendre leur envol. On doit ce lieu emblématique à l’esprit entrepreneurial de Pâquerette Hudon et à l’opiniâtreté de sa fille qui a préservé ce legs culturel. Mots Rose Carine Henriquez ; photos Caroline Bergeron

Avant d’avoir pignon sur la rue Racine – où elle est désormais la seule galerie d’art –, La Corniche est d’abord née en 1974 dans le sous-sol de la maison familiale de Pâquerette Hudon. Celle-ci, après plusieurs années de bénévolat dans le milieu culturel, s’est jetée dans l’entrepreneuriat de l’art, sous les encouragements entre autres du peintre Albert Rousseau. « C’était à une époque où les femmes travaillaient très peu, mais ma mère avait beaucoup de ressources et elle avait besoin de sortir des couches et de la maison », raconte Chantale, l’aînée des quatre enfants de Pâquerette et aujourd’hui à la tête de La Corniche. Bien que la Loi sur la capacité juridique de la femme mariée ait été adoptée en 1964, un projet dirigé par la première femme députée et ministre du Québec, Marie-Claire Kirkland-Casgrain, c’est le mari de Pâquerette qui a dû signer à sa place à la banque pour obtenir un prêt afin d’acheter des œuvres d’un artiste important, Stanley M. Cosgrove, très recherché à l’époque. « Il y avait peu de femmes en affaires et elle n’avait pas d’emploi, ça a été l’insulte suprême. Mais après, elle a fait son chemin... » Une quarantaine d’années plus tard, La Corniche continue d’offrir une vitrine exceptionnelle aux artistes de la région, du Québec et du Canada, sans égard aux questions de générations. Ainsi, de grands artistes comme Arthur Villeneuve ou Gilles Jobin côtoient de jeunes esprits comme Maude Cournoyer ou James Kerr. Les courants et les styles s’entremêlent, car l’objectif premier

est de faire découvrir au plus grand nombre des œuvres singulières, et de faire de La Corniche un lieu accessible où l’amour de l’art prime – car l’art en région est toujours florissant selon Chantale : « Il y a toujours un intérêt de la part des gens pour les ateliers d’artistes, les expositions dans les centres culturels et musées, et les galeries privées, quoique moins présentes qu’autrefois. Cet intérêt est toutefois plus diffus, à travers le web pour une bonne proportion. Mais en même temps, dans notre cas, un marché plus grand s’est ouvert grâce au web et c’est ce qui nous permet de présenter des œuvres de grand intérêt en région. » Une passation D’une job d’été à la carrière d’une vie : voici comment on pourrait décrire le cheminement de Chantale, qui a repris les rênes de La Corniche en 1998. Et comment faire honneur à cet héritage ? La galeriste avoue avoir dû surmonter plusieurs défis, dont la préservation du lien avec les artistes : « C’est une relation très privilégiée qu’on a avec les artistes. Ma mère était une personne très attachante, alors ils l’aimaient beaucoup. Quand elle leur a annoncé que j’allais diriger la galerie, ça a un peu craqué, ça n’allait pas. Il a donc fallu que je fasse ma place. » L’acharnement est la clé, croit Chantale. Grâce à ce trait de caractère, cette femme d’affaires a, comme sa mère avant elle, fait son chemin. « J’étais jeune à l’époque alors il fallait que je montre ma crédibilité aux gens, car comme les artistes, les clients avaient >

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aussi une grande confiance en ma mère. Je pense avoir réussi : avec le temps, ils se sont aperçus de mon amour pour le milieu, et que j’étais sérieuse. Les artistes créent des œuvres, mais mon œuvre à moi est de créer une galerie qui avance, qui évolue avec le temps et avec les artistes. » Redonner à la communauté Après toutes ces années d’activité, il est naturel de se demander de quoi sera fait l’avenir. La transmission se fera autrement, car Chantale n’aura pas de relève. « C’est un peu pareil partout au Québec : c’est très difficile de revendre des galeries. Il y a beaucoup de changements dans la manière de consommer l’art comme de consommer tout le reste, et on ne sait pas où tout cela va aller. Moi, je continue mon petit bonhomme de chemin avec plaisir, et on verra. » Alors qu’elle est en fin de carrière, la galeriste veut redonner à la communauté ce qu’elle a appris, que ce soit au contact de sa mère, des artistes ou de clients fidèles. « J’ai ce savoir, mes expériences et mes connaissances, et j’essaie de redonner tout cela à des organismes d’ici. Je leur donne ce que je suis, ce que j’ai afin de voir ce qu’on peut développer ensemble. »

Si vos pas vous mènent dans cette charmante ville, ne manquez pas de vous arrêter à La Corniche, où Chantale vous parlera des gammes d’émotions que l’art devrait susciter, entre le plaisir, le trouble et le questionnement. Entre galeriste et visiteurs, la relation peut être si intime, assez pour qu’elle vous parle de la raison première de ce choix de carrière : « Ce qui vient le plus me chercher, le plus viscéral, c’est la force du geste, la virtuosité, la finesse d’un coup de crayon, la couleur et le noir et blanc, l’imagination florissante d’un artiste naïf ; en fait, un peu de tout tant et aussi longtemps que ce sera quelque chose qui sort de l’âme, quelque chose de personnel, de vrai. »

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Galerie d’art La Corniche 341, rue Racine Est, Chicoutimi 418 543-6017 galerielacorniche.com

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à boire D i s t i l l e r i e d u Fj o r d Saint-David-de-Falardeau

un territoire de possibilités La Distillerie du Fjord, c’est une belle histoire de famille et un succès inespéré, oui, mais c’est aussi une histoire de respect et de valorisation du territoire qui nous entoure. Mots Valérie Thérien ; photos Matthieu Paradis


Le gin KM12 de la Distillerie du Fjord est débarqué sur les tablettes il y a deux ans. Le produit était alors le 11e gin québécois sur le marché. Depuis, les spiritueux ont connu une forte effervescence et il y a désormais 55 gins québécois (!) en production. Malgré la forte compétition, KM12 a réussi à se hisser une place parmi les meilleurs vendeurs de la SAQ. Une visite sur les lieux s’imposait ! La Distillerie du Fjord est située dans les bois, à une vingtaine de kilomètres au nord de Chicoutimi. L’établissement est moderne et a des airs de grand chalet lumineux et chaleureux. On y rencontre une jeune équipe souriante au possible qui nous présente les alambics et les récoltes d’épices, entre autres. On s’étonne comme bien des visiteurs que l’entreprise n’ait pas besoin davantage d’espace. « On est allé avec un modèle plus rentable, constitué de trois petits alambics de 100 litres. Parfois, les gens arrivent ici et disent : “Ah, c’est juste ça ?” Oui, c’est juste ça ! Avec ces alambics, on est capable de produire 90 000 bouteilles de KM12 en un an, 300 litres en un seul shift de travail de six heures. Normalement, avec

de gros alambics de 300 litres, ça prend 15 heures à produire », explique d’emblée Frédérique Folly, chargée de projet à la Distillerie du Fjord. Alors qu’on discute, Frédérique me pointe des alambics qui trônent au-dessus de nous dans la pièce qui fait office de boutique et de salle de dégustation à l’entrée. Là sont les clés de l’histoire de l’entreprise familiale de père en fils Bouchard depuis plusieurs générations ! Il y a quelques années, Jean-Philippe Bouchard, un ancien banquier, a découvert un vieil alambic dans le sous-sol chez son frère Benoit, un chimiste de formation. Les deux ont eu un déclic pour les spiritueux et ont donc suivi un cours à ce sujet à Kelowna, en Colombie-Britannique. « Ils se disaient : “Ah, ça va être mollo faire du gin !” Finalement, c’était super rigoureux avec tous les examens et les procédés ! C’est à ce moment-là que leur père Serge, un ingénieur à la retraite, a dévoilé un secret de famille qui était resté très tabou : l’arrière-arrière-grand-père de Serge distillait son propre gin et c’est de même pour toutes les générations suivantes ! Quand Bertrand, le père de >

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Serge, est décédé, ils ont retrouvé son vieil alambic dans le grenier. Il trône aussi ici à la distillerie. À partir de ce moment, le trio père-fils a décidé de s’investir à 200 % dans son entreprise. » Des recettes du coin Le premier produit que la Distillerie du Fjord a imaginé est le fameux KM12, un gin dit boréal dont le nom est un hommage à une source d’eau des plus pures, située au 12e kilomètre du chemin des Monts-Valin à proximité. Inspirés par le savoir-faire du biologiste du Saguenay–Lac-Saint-Jean Fabien Girard, les trois entrepreneurs ont voulu être créatifs en valorisant les plantes et les épices de la forêt boréale. C’était le début des expérimentations. « Dans son livre, Fabien Girard détaille toutes les plantes qui se retrouvent dans la forêt. Jean-Philippe, Benoit et Serge ont donc pris ces plantes et ont fait 30 macérations différentes. Ils ont mis des pousses de sapin dans de l’alcool à 95 % et ont laissé ça maturer plusieurs jours. Ils ont commencé à faire des recettes à partir de ça, des essais-erreurs. Avec ces macérations, ils ont sorti un gin de base, boréal, mais inspiré de la recette classique, composée de genévrier, d’agrume, de cardamome, de clou de girofle et d’anis étoilé. Ils ont trouvé l’équivalent dans la forêt : le genévrier, la feuille de framboisier sauvage (qui sent le thé blanc et qui sort des molécules d’agrumes lorsqu’il est infusé), la comptonie voyageuse (qui va chercher le côté cardamome) et le poivre des dunes. Ces deux dernières épices forment les arômes d’un gin plus forestier. » Le respect de la nature environnante est évidemment de mise lors de ce processus. « Toutes les épices sont cueillies à la main autour de la distillerie, indique Frédérique. On fait affaire avec des équipes de cueilleurs qui font ça à temps plein, avec la Coopérative forestière Ferland-Boilleau – qui fait de la recherche sur les façons de cueillir écologiquement et éthiquement sans laisser de traces dans la forêt – et avec Luc Godin de Champignon boréal, qui organise des ateliers de cueillettes autour du respect de la fleur et comment bien les consommer. »

5 heures !), son spiritueux remportait une médaille d’or à la San Francisco World Spirits Competition. « On a continué à faire des compétitions et à gagner des prix, à New York entre autres. On vient aussi de gagner une médaille d’or à Singapour et ça, ça ouvre les portes de l’exportation. Il y a le marché du Japon, de l’Italie, du Texas… Il y a des exportateurs privés, comme une sommelière qui nous a approchés pour avoir notre gin. » Mais l’objectif principal actuellement est de fournir le Québec et de lancer de nouveaux produits. « Après deux ans de production du KM12, on est assez à l’aise pour sortir autre chose, avoue Frédérique. La liqueur Lily au thé du Labrador est sortie sur les tablettes tout récemment, de même qu’un autre gin 100 % québécois. Son nom est 48 chemin de Price (pour notre adresse, pour les 48 fleurs et épices de la forêt boréale et parce qu’il est à 48 % d’alcool.) Ici, on va chercher un gin plus contemporain, plus haut de gamme. Celui-ci est le bébé de Serge. Il s’est promené en forêt, il a regardé les fleurs sur lesquelles les abeilles se posaient, il les a cueillies. » Si ce n’est pas assez, la Distillerie prévoit aussi de faire sa propre base d’alcool à partir d’une fermentation de bleuets du Saguenay–Lac-Saint-Jean et souhaite travailler sur une recette de brandy de bleuet prochainement. Distillerie du Fjord poursuit donc sur sa lancée dans la forêt de toutes les possibilités ! Distillerie du Fjord 48, chemin Price, Saint-David-de-Falardeau 418 673-1012 distilleriedufjord.com

Honneurs et exportation Une fois la recette du KM12 maîtrisée, les bonnes nouvelles se sont enchaînées rapidement pour la Distillerie du Fjord. Avant même que les gens de la région s’arrachent le produit à sa sortie à la SAQ de Chicoutimi (600 bouteilles ont été vendues en

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Dreamstime


terroir M o r i l l e q u é b ec Chicoutimi

la forêt boréale d a n s l’a s s i e t t e Avec Morille Québec, Simon-Pierre Murdock contribue à faire goûter les délices de la forêt boréale aux Québécois. Mots Maxime Bilodeau

Marché Sauvage n’est pas une boutique comme les autres. Dès que les clients franchissent le pas de la porte du 325, rue Racine, en plein centre-ville de Chicoutimi, ils sont catapultés en pleine forêt boréale. Tous leurs sens sont mis à contribution. Grâce à l’aromathérapie, des odeurs de sapin ou de thé du Labrador – elles changent tous les jours – sont diffusées dans les locaux. Les murs en billots de bois véritable, sève incluse, laissent dépasser quelques branches et le plancher, fait en fausse pelouse, donne envie de déambuler nu-pieds. Pour compléter l’ambiance, on tend l’oreille à la bande sonore captée quelque part dans les forêts du Saguenay ; on y entend des oiseaux qui piaillent, quelques insectes qui volettent et le vent qui caresse la cime des arbres. L’immersion est totale. Cette expérience « 360° » de la Boréalie sort tout droit de la tête de Simon-Pierre Murdock, président et directeur général de Morille Québec, qui se spécialise dans la cueillette, la transformation et la distribution de champignons, de plantes sauvages et de fruits nordiques. Marché Sauvage en est la division de détail, la vitrine si l’on veut. « J’ai grandi dans la forêt, ma famille provient de cet univers. Il était donc normal de vouloir la recréer à l’intérieur : c’est au cœur même de l’identité de Morille Québec », indique l’homme d’affaires de 33 ans. Ce dernier, il faut le dire, est un visionnaire : il a fondé une compagnie de champignons forestiers il y a 10 ans, bien avant que la mycologie ne déborde des cercles d’initiés où elle était jusqu’alors confinée.

Des garde-manger Dans la boutique, les consommateurs trouvent près de 300 produits sauvages. Ça va dans tous les sens, des champignons forestiers aux épices boréales comme le chaga moulu, le poivre des dunes et le genévrier, en passant par des sauces piquantes, des algues, des pâtes et du pesto. Pas nécessairement besoin d’être un fin gastronome pour trouver son compte ; Marché Sauvage propose également des bijoux, des huiles essentielles et des fourrures à sa clientèle, laquelle peut s’inscrire à des ateliers si ça lui chante. Envie d’apprendre l’art subtil de dénicher des champignons sauvages puis de les cuisiner sans vous empoisonner ? Renseignez-vous sur les expéditions en forêt offertes été comme hiver par la boutique. « Nos forêts au Saguenay, au Québec et au Canada sont de véritables garde-manger. Mais les gens n’en sont pas conscients », regrette SimonPierre. Le PDG de Morille Québec est bien placé pour le savoir : avant 2008, il ne connaissait à peu près rien aux champignons sauvages comme la morille de feu, l’un des champignons les plus recherchés du monde après la truffe. Une rencontre avec un cueilleur de cette ressource rare – on la récolte vers la fin du printemps dans les forêts de pins gris incendiées – lui ouvre les yeux sur l’univers des « produits forestiers non ligneux ». Peu de temps après, il se lance dans la vente et la distribution de morilles, puis de divers champignons sauvages comme la chanterelle et le bolet. Depuis 2013, Morille Québec est présent dans les IGA de la province. >

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Convergence Marché Sauvage est la première et l’unique boutique québécoise spécialisée dans la vente de produits sauvages, mais cela pourrait bientôt changer. D’ici un an, deux autres succursales devraient voir le jour à Québec et à Montréal, laisse entendre Simon-Pierre. L’objectif est de faire rayonner les produits estampillés Morille Québec, mais aussi de mettre en vedette les autres entreprises dans lesquelles Murdock est impliqué. « Je détiens également des parts dans Embouteillage JSG, Mateina Yerba Maté et Canada Sauce. Ce sont toutes des entreprises d’ici qui touchent à la bouffe de près ou de loin », précise-t-il.

La petite dernière a notamment frappé un beau coup de circuit l’été dernier avec ses bouteilles de ketchup, de moutarde et de relish vendues en exclusivité dans les épiceries IGA. En tout, près de 200 000 contenants de 350ml ont trouvé preneur. « Ces condiments sont entièrement conçus à partir d’ingrédients provenant d’Amérique du Nord et fabriqués dans notre usine de Chicoutimi. Nous voulions offrir une alternative locale aux grandes marques américaines de condiments, Heinz et French’s », conclut Simon-Pierre. Morille Québec 418 696-3777 morillequebec.com

PA R T O U T A U Q U É B EC , I G A E S T F I È R E D E M E T T R E E N VA L E U R L E S P R O D U I T S L O C A U X E T L E T R AVA I L D E S A R T I S A N S D’ I C I . N O S M A R C H A N D S S O N T E N G A G É S D A N S L E U R C O M M U N A U T É E N M E T TA N T E N V E D E T T E D E S P R O D U I T S D E L E U R R ÉG I O N , C O M M E C E U X D E M O R I L L E Q U É B EC .


sur la route Des bons plans pour votre journal de bord

Domaine le Cageot 5455, chemin St André, Jonquière Depuis 1980, Donald Tremblay cultive la framboise sur son domaine. En 2000, il plante un petit vignoble artisanal, produisant des alcools avec dans ses assemblages un cépage de rouge encore méconnu qui poussait sur place, baptisé Saint-André en clin d’œil au nom de la rue qui longe

le domaine. Le Cageot devient par la suite le premier centre régional de production artisanale de boissons alcoolisées à base de petits fruits. Depuis, le fils de Donald, Pierre-Philippe, s’est joint à l’entreprise familiale et assure la relève. En plus d’un vin, d’une liqueur et de deux apéros, on peut également acheter sur place des vinaigrettes de vin, des confitures et gelées, des sirops et du miel, mais également le premier vin mousseux de bleuets au Québec.

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L e C av ô 401-A, rue Racine, Chicoutimi À la suite de la perte du valeureux Sous-Bois en 2017, un nouveau lieu de diffusion a émergé en plein centre-ville de Chicoutimi l’an dernier et il se nomme Le Cavô. L’offre de spectacles présentés dans ce lieu intime et convivial pouvant accueillir une centaine de personnes est variée, mais ça reste une salle qui prône la culture underground et la libre expression. Un soir peut être consacré à un humoriste de la relève (Anthony Montreuil, Charles Landry) ou à de la musique alternative et émergente. Le cinéma, la poésie et les quiz sont également souvent au menu du Cavô. En plus d’être un lieu de rassemblement pour les gens du coin, la salle profite aussi de partenariats avec des festivals locaux pour bonifier l’offre culturelle régionale.

Ananas mon amour 487, rue Sacré-Cœur Ouest, Alma

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C h u t e s -a u x- G a l e t s Saint-David-de-Falardeau Saint-David-de-Falardeau. L’hiver. Un calme plat. Vous venez d’atteindre la rivière Shipshaw de Chute-aux-Galets : une décision s’impose sous la forme d’une fourche enneigée. Si l’effort ne vous effraie pas et la nature vous envoûte, le sentier de gauche serait un choix judicieux. Longeant la rivière, le trajet de 3,8 kilomètres est une immersion dans la Boréalie, froide contrée des conifères. Si, plutôt, les rigueurs du climat vous incitent à réduire vos déplacements et que les phénomènes naturels inédits vous allument, eh bien, n’attendez plus et suivez le sentier de droite (plus court, 1,2 kilomètre) qui mène à une chute glacée de plus de 20 mètres. Une excursion à coup sûr réussie, qu’importe la route empruntée.

Serait-ce le secret d’Alma le mieux gardé ? En fait, le chat est sorti du sac il y a quelque temps et ce tout petit restaurant mexicain bien situé affiche souvent complet. Un succès bien mérité pour cet endroit fort sympathique dont le décor bien touffu est composé de pantins, de miroirs et de tableaux. C’est l’équipe de La boîte à sauce, compagnie almatoise qui se spécialise dans les sauces piquantes, qui est derrière cet établissement. Sur l’alléchant menu, on retrouve 10 sortes de tacos variés (végé, viande, poisson), des quesadillas et de nombreuses options d’entrées sont également proposées (ceviche de pétoncles, tartare de bœuf ou de saumon, carpaccio de betterave...). On ose aussi dire que la carte de vins est l’une des meilleures en ville. >

A u b e r g e R o s e- d e s -V e n t s 136, rue du Quai, Sainte-Rose-du-Nord

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Valérie Thérien

Installée dans un ancien presbytère, l’Auberge Rose-desVents est un superbe refuge avec une vue panoramique, entre fjord et montagne. Lieu « d’échange et de partage », l’endroit se démarque par sa terrasse festive, ses excursions personnalisées en kayak de mer et ses spectacles intimes, qui ont bâti sa renommée comme plaque tournante de la culture du coin. Dotée d’une cuisine communautaire et d’un service de bar, l’auberge contient deux chambres individuelles et deux dortoirs, pour un total de 14 places. L’hiver, on peut y prévoir ses activités de pêche blanche dans des cabanes en glace et y louer des raquettes ou des patins. Un arrêt incontournable de votre prochaine virée au Saguenay.

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région de la c a p i ta l e- n at i o n a l e Hooké à la chasse PA G E 1 8 0

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territoire Hooké à la chasse Île d’Orléans

l e l i e n p e r d u av e c l a n at u r e Franck Émond sillonne le Québec de Terre-Neuve à Anticosti, mais c’est dans les battures de l’île d’Orléans qu’il se rend chaque automne pour chasser et observer la nature. Pour lui, la chasse n’a que peu à voir avec le maniement d’armes. Il faut marcher longtemps, sentir sans cesse, toucher les traces pour déjouer l’intelligence de l’animal. C’est ce qu’il tente de montrer dans l’émission Hooké à la chasse, qu’il anime sur les ondes d’Unis TV. Mots Alexis Gacon ; photos Unis TV

« Il est apparu là, à flanc de montagne, silencieusement, le soleil venait de percer... » Ce chasseur hors pair a beau arpenter la forêt depuis qu’il est en âge de marcher, la vue d’un orignal au petit matin dans la réserve faunique des Laurentides le laisse toujours le souffle court et les yeux écarquillés. Pour connaître la nature sous ses plus beaux atours, Franck se fait un point d’honneur de se lever avant le soleil. Dès 5h, le réveil sonne et il se met en marche pour aller à sa rencontre. « À l’aube, c’est magnifique, le moindre craquement de bois est amplifié. » Il va utiliser chaque son pour remonter le cours d’une rivière, débusquer un point d’eau et tomber nez à nez avec l’animal, du chevreuil à l’orignal, du canard à l’outarde. « Je pratique la chasse fine, j’arpente le territoire, je marche beaucoup, je veux connaître les endroits où les bêtes vont boire, où elles vont se coucher. Mon style de chasse, ce n’est clairement pas de patienter dans une cache pendant sept heures, je n’y vois pas vraiment d’intérêt. Il faut que je sente le terrain, que ce soit l’aventure, une énigme à élucider. » Il peut tutoyer la forêt et les rivières, elles font partie de sa famille. Frank est géographe de formation. Il a toujours une boussole en tête, un hygromètre au bout du nez. Mais si la chasse n’était que du calcul, il n’y passerait pas tant de temps. « Ce que j’aime, c’est l’imprévu, l’élément qui va tout changer », clame-t-il, de l’excitation dans la voix. Comme cette fois où, pendant le tournage de l’émission Hooké à la chasse, une tempête de neige sur l’île d’Anticosti a changé tous

ses plans : « En quelques heures, il est tombé un pied et demi de neige. Tout ce qu’on pensait faire n’était plus possible, les conditions sont devenues extrêmes, mais ça a contribué à faire de cette journée une expérience de chasse exceptionnelle. » Le vent qui décide de tourner, la pluie qui cesse de tomber changent le sort de la sortie du chasseur. « Le moment où l’on sent que la journée prend une autre dimension, quand tout ce qu’on avait envisagé s’évapore... » Une chasse éthique Si Frank a accepté d’animer Hooké à la chasse, c’est aussi pour son goût du partage. La chasse peut être une expérience solitaire, un corps à corps avec l’environnement, mais elle est avant tout pour lui un travail d’équipe : « Quand j’avais 8 ans, je n’avais pas encore le droit de chasser, mais j’allais poser les collets avec mes oncles et mes cousins pour chasser le lièvre, ils me parlaient des techniques, des bons coins. Ma passion est née de ces moments-là, dès l’enfance. Je les aidais, ils m’apprenaient beaucoup, chacun apporte ce qu’il peut. » Toutes les histoires de chasse de ses oncles l’ont façonné. « C’est un répertoire d’anecdotes incroyables qui respirent toutes la liberté. Ils sortaient du quotidien, revenaient pleins d’histoires. Elles sont restées gravées dans ma mémoire. Ils ramenaient une bête attachée au toit de leur véhicule et toute la famille en profitait. » Amateur de chasse à l’orignal, il a cependant un penchant tout particulier pour le petit gibier à plumes et plus particulièrement la sauvagine : les canards, >

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cygnes, oies ou échassiers. « Le canard, si le vent vient du nord, si la marée est haute, si le plafond est bas, vous avez de bonnes chances d’arriver à le chasser. Mais ils sont très intelligents, pas faciles à déjouer, c’est tout un défi. » Il milite pour une chasse éthique : « Si je suis chasseur, c’est avant tout pour la relation que je noue avec la nature mais aussi pour me nourrir, pour avoir accès à une viande de qualité supérieure. » Retisser un lien avec la nature Chasser sur un territoire, avant de le connaître dans ses moindres recoins, c’est aussi l’explorer, l’apprivoiser, le séduire. Il faut se laisser initier, traduire la langue de ses reliefs, le chant de ses rivières. L’émission Hooké à la chasse, sur les ondes d’Unis TV, propose une initiation à cette expérience. Elle explore les territoires de chasse du Québec : de Charlevoix à Mégantic, de l’île d’Anticosti à celle d’Orléans, mais aussi jusqu’au sud de la Californie, à Pasadena.

Le savoir-faire en bandoulière, Franck veut que les spectateurs de l’émission Hooké profitent de ses secrets. Qu’ils lèvent plus souvent la tête en entendant les outardes passer au-dessus de leur maison, qu’ils retissent un lien avec la nature distendu avec le temps. « Les Québécois ont toujours chassé, c’est une activité traditionnelle de notre territoire. » Il déplore un savoir qui se perd et une pratique décriée à tort, selon lui : « Je pense que la chasse a trop souvent mauvaise presse, que les émissions de télévision la réduisent trop souvent à un sport de gens qui aiment juste appuyer sur la gâchette. C’est tout le contraire, il faut surtout observer, comprendre, et je prends autant de plaisir à laisser passer du gibier et à attendre que lors du face-à-face final avec l’animal. » Hooké à la chasse 418 524-4443 hooke.ca

U N I S T V P R O P O S E D E S É M I S S I O N S TO U R N É E S A U X Q U AT R E C O I N S D U PAY S Q U I P R É S E N T E N T L E S L I E U X E T L E S G E N S D E C H E Z N O U S . V OY E Z L A S É R I E H O O K É À L A C H A S S E À L A T É L É O U E N L I G N E .


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à boire Ko m b u c h a d u M o n t- F e r r éo l Saint-Ferréol-les-Neiges

E f f e r v e s c e n t e s s av e u r s d ’ i c i Un territoire, ça se vit, ça se parcourt, ça se cultive et ça se déguste. C’est le pari de Kombucha du Mont-Ferréol, qui fabrique un kombucha fait avec des feuilles d’argousier, de l’eau de source et des petits fruits locaux, qui viennent au plus loin de 150 kilomètres de l’entreprise basée dans la Côte-de-Beaupré. Mots Sarah Iris Foster ; photos Phil Émond

« Quand j’étais ti-cul, je le disais pas à mes chums, mais j’écoutais La semaine verte pis j’étais vraiment épaté par la vie d’agriculteur et les grands espaces », raconte Léandre Saindon, Montréalais qui a choisi de s’installer dans la Côte-de-Beaupré en ayant un coup de cœur pour ce territoire propice au plein air. « J’ai trouvé où j’allais être heureux et élever ma famille pis je me suis dit : “OK, une fois que je suis là, je m’arrangerai pour trouver quelque chose de fun à faire de mon quotidien.” » En 2008, il acquiert la terre devant chez lui à Saint-Ferréol-les-Neiges et cherche à cultiver un produit émergent qui correspond au style de vie des nombreux amateurs de plein air qui vivent dans la région. Il fonde donc l’entreprise L’argousier du Mont-Ferréol et vend ses fruits entre autres à des microbrasseries et des restaurateurs du Québec. « Il y avait plein d’artisans qui travaillaient avec mes fruits, je trouvais ça génial, mais j’avais le goût de me lancer et de démocratiser le fruit à ma façon et surtout, en utilisant la feuille d’argousier qui, selon moi, n’était pas encore assez exploitée au Québec. » Résister à l’hiver Il fait des recherches sur le kombucha, qu’il a connu lorsqu’il travaillait dans l’Ouest canadien. Cette boisson, habituellement faite à base de feuilles de thé originaire d’Asie, a besoin d’une molécule qu’on retrouve en grande quantité dans… la feuille d’argousier ! Léandre fait des tests et s’aperçoit que le kombucha à base d’argousier donne un résultat identique et très bon au goût. « Ça pousse chez nous ! C’est une plante nordique qui est capable de résister à nos hivers, moi, j’ai fait 1+1 ! L’argousier est

un superaliment en Europe et en Asie, le kombucha commence à être démocratisé aux États-Unis et ici les gens commencent à en comprendre les bienfaits. Pour l’instant, tout m’indique qu’on s’est pas trompés ! » Léandre fonde donc l’entreprise Kombucha du Mont-Ferréol, avec comme mission d’utiliser le plus d’ingrédients locaux. « Quand tu ouvres une de nos bouteilles aux fraises, tu goûtes l’île d’Orléans ! » S’approvisionner dans un rayon de 150 kilomètres permet de s’assurer de la traçabilité du produit, de minimiser l’impact environnemental du transport et d’encourager l’économie locale. Des valeurs primordiales pour Léandre et ses deux associés. Les cinq saveurs de kombucha offertes sont : fraises, bleuets, framboises, mûres et argousier. À la surprise du brasseur, c’est cette dernière saveur, à base du fruit le moins connu, qui est la plus populaire. Pour les prochains produits, l’équipe veut développer les saveurs boréales. « Nos forêts sont bondées d’ingrédients ! », s’exclame-t-il. Kombucha du Mont-Ferréol est maintenant certifié Aliments du Québec, ce qui en fait le premier kombucha à réussir cet exploit. L’entrepreneur en est très fier. « On est une petite équipe, on travaille fort, on est fiers de ce qu’on fait, mais rien n’est acquis ! On a des produits d’ici, on congèle les fruits aussitôt qu’ils sont récoltés et jusqu’à ce qu’on fasse notre jus. On le fait nous-mêmes, à la dernière minute, donc quand tu ouvres une bouteille, tu as cette fraîcheur-là », raconte l’entrepreneur qui emploie maintenant quatre personnes, dont deux habitent sur la même rue que l’entreprise. Même les ressources humaines sont à proximité ! >

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Les musts de Léandre « La Côte-de-Beaupré est un terroir incroyable, un terroir d’athlètes aussi! C’est pas pour rien qu’on a plein de jeunes Alex Harvey qui poussent à vue d’œil ! » Pour découvrir ce terrain de jeu entre Québec et Charlevoix, Léandre vous suggère la réserve nationale de faune du Cap-Tourmente pour ses beaux caps et sa proximité avec l’eau, le parc du Mont-Sainte-Anne, un incontournable avec sa magnifique vue sur le fleuve à partir du sommet, le sentier Mestachibo, encore méconnu pour son potentiel, qui part de l’église du village de Saint-Ferréol-les-Neiges pour un trek dans une vallée près de la rivière Sainte-Anne. « Quand tu traverses la rivière sur un pont suspendu, tu la regardes et tu te prends un bon kombucha. Ça fait la job ! » Pour conclure une journée de plein air, il recommande la Microbrasserie des Beaux Prés pour leurs produits locaux et la qualité de leurs bières, et le casse-croûte Le shack à patates à Saint-Ferréol-les-Neiges : « Il fait faire de plus en plus de détours aux gens. Ils vendent notre kombucha, mais c’est pas pour ça que je te parle d’eux ! Leur pizza au four est incroyable, leur poutine est à se jeter à terre, c’est quelque chose ! » La réponse rapide des clients leur démontre que leur kombucha plaît autant aux initiés qu’aux nouveaux adeptes de ce produit. « On a voulu faire un kombucha qui rejoignait la papille de monsieur et

madame Tout-le-monde au Québec », affirme Léandre. Ses bouteilles sont distribuées dans 200 points de vente dans plusieurs régions de la province. « Réussir à rentrer ses produits dans un commerce, c’est le fun, mais c’est la deuxième, troisième, ou quatrième livraison qui parle, c’est pas ta première. À la première, le gérant peut dire qu’il l’essaye, mais après, quand le monde revient et prend ton produit au lieu d’un autre, c’est là que ça stabilise. » Il doit maintenant, en plus de ce qu’il cultive sur sa terre, acheter de l’argousier à d’autres producteurs des environs pour fournir à la demande. Plusieurs entrepreneurs de la Côte-de-Beaupré l’ont épaulé, dont Luc Boivin, copropriétaire de la Microbrasserie des Beaux Prés et l’un des premiers à tester le produit auprès de sa clientèle, le kombucha étant une bonne alternative à l’alcool. Il y a aussi le IGA de la famille Chouinard à Sainte-Anne-de-Beaupré et le dépanneur du village de Dany Drouin, deux endroits où Kombucha du Mont-Ferréol livre régulièrement. « Les gens de la place se sont approprié notre produit très rapidement et sont tous devenus accros, faut croire ! », lance à la blague le Saint-Ferréolais d’adoption. Kombucha du Mont-Ferréol 140, rue du Mont-Ferréol, Saint-Ferréol-les-Neiges 418 476-0853 kmfkombucha.com

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resto g r o u p e l a ta n i è r e Québec

l e t e r r o i r d a n s l’a d n La première Tanière a ouvert ses portes en 1977, près de Saint-Augustin-de-Desmaures. Depuis, le resto a été repris par la nièce des propriétaires et a fait des petits, devenant un groupe d’envergure comptant cinq établissements à Québec. À l’origine de cette entreprise de restauration, la famille Therrien : des terriens dans l’assiette et le cœur, car le groupe a le goût du local et un vrai attachement pour sa région. Mots Marie Pâris ; photos Groupe La Tanière

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Tout juste diplômés de l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec, Laurier Therrien et Chantale Miclette ont un rêve : ouvrir un restaurant ensemble. Le couple s’installe sur le rang Saint-Ange, à une vingtaine de minutes du centre de la capitale : il cherche un lieu en lien avec ce qu’il veut faire et désire offrir un autre cadre que le Vieux-Québec, où sont implantés tous les restos à l’époque. « Ils proposaient une expédition, une expérience. Il fallait conduire 4 à 5 kilomètres à travers les champs avant d’arriver au resto. L’expérience était déjà là ! Ils sortaient les gens de leur contexte habituel », indique Karen, la nièce de Laurier. À La Tanière, on célèbre le terroir. Laurier, pêcheur et chasseur, veut permettre à sa clientèle de goûter au gibier local. « C’était un précurseur. À l’époque, les Québécois se nourrissaient principalement de bœuf et de porc », dit Karen. Mais comme il n’y a pas d’élevage de gibier au Québec, Laurier doit faire venir du cerf de Nouvelle-Zélande ou de Virginie. Il fait donc des voyages à l’étranger pour visiter des élevages et ramener cette expertise dans la province. Le restaurateur rencontre également le gouvernement et aide au développement des élevages au Québec, notamment de chevreuils et de

cerfs. Laurier propose aussi du phoque à son menu. « Il s’était rendu dans le Nord-du-Québec pour rencontrer des Inuits et voir leurs méthodes de chasse, et il travaillait de concert avec eux, se souvient Karen. Les chefs d’aujourd’hui font ça et sont hyper médiatisés, mais il n’y a rien de nouveau et ils n’ont pas inventé la roue… » Karen, elle, a travaillé dans le restaurant de son oncle pendant ses études. Les clients la prenaient d’ailleurs pour sa fille – « l’histoire familiale était déjà là ! ». « En 2002, quand j’ai racheté La Tanière, le terme “terroir” apparaissait en cuisine, et aujourd’hui, c’est le mot “boréal”. C’est ce que proposait déjà Laurier à l’époque dans son restaurant : en 1977, il servait des chaudrées de poissons d’ici et de l’ail du Québec. C’était une cuisine complètement différente. Il fallait y croire pour ouvrir un resto de ce genre hors de Québec… » Démystifier les produits locaux Depuis, Laurier a fondé en 1987 l’entreprise de distribution de gibier d’élevage Gibier Canabec, qui a beaucoup grossi au fil des ans et a été reprise par son fils Alexandre – une histoire de famille, on vous dit. La Tanière, elle, est donc reprise par Karen et le chef Frédéric Laplante. Ils veulent innover tout en gardant >

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le même ADN, celui d’utiliser des produits locaux. Le duo désire notamment démystifier le gibier, en le servant à longueur d’année et pas seulement en période de chasse, et avec des façons différentes de le cuisiner. « On a démystifié les champignons aussi, les fromages…, énumère Karen. Pour ça, on était parmi les premiers à s’approvisionner au Québec. Pareil pour les spiritueux. C’est fou de voir ce qui a changé en une décennie ! » Le chef a aussi ajouté des techniques plus modernes, comme le sous vide ou la macération, piochées dans les livres de Ferran Adria et qui ne dénaturent pas les produits. En 2014, le restaurant décroche les 5 diamants (CAA). Au fil du temps, la bâtisse est modifiée à plusieurs reprises. « On a fini par atteindre nos limites pour l’espace, le parking, l’achalandage… », résume Karen. En 2015, La Tanière ferme ses portes… pour mieux rouvrir quatre ans plus tard, cette fois au cœur du Vieux-Québec, dans un local de la rue Saint-Pierre anciennement occupé par les Voûtes du Cavour. « Aujourd’hui, les gens font moins de route pour aller au resto, ils se sont aussi conscientisés sur la conduite et l’alcool, explique la restauratrice. On a donc décidé de se rapprocher du centre. » Derrière cette troisième mouture de La Tanière, six associés : à Karen et Frédéric se sont ajoutés Roxan Bourdelais et Philippe Veilleux, directeurs de la restauration, et les chefs François-Emmanuel Nicol et Sabrina Lemay – cette dernière travaille au bistro L’Orygine, du même groupe. Art et histoire Le chef François-Emmanuel est quant à lui passé par le restaurant Légende, également dans le groupe, d’où il avait depuis longtemps fait part de sa volonté de travailler une cuisine plus gastronomique. Dans le

cadre historique des caves du Vieux-Québec, sur la plus vieille rue du Petit Champlain, le restaurant offre des plats basés sur l’histoire du lieu, expliquée aux clients à chaque service. « Ça peut retourner jusqu’aux premiers trappeurs du Québec, illustre Karen. On a fait énormément de recherches. » Ce souper immersif chargé d’histoire, autant dans les lieux que dans l’assiette, se déroule le long d’un parcours dans les voûtes qui met les cinq sens à contribution, et lors duquel les gens sont coupés du monde. Déjà les reconnaissances abondent : le restaurant est notamment passé premier sur TripAdvisor en moins de six mois et François-Emmanuel a été nommé parmi les finalistes du concours Rising Talent – The Art of Plating. Pour travailler son menu de 15 à 20 services, le chef lit beaucoup de livres d’histoire et d’histoire de l’art pour s’inspirer. Karen, quant à elle, ne cache pas son ambition : « On veut se tailler une place nationale et internationale. » Pour La Tanière comme dans chacun des établissements du groupe, le mot d’ordre s’articule autour de trois valeurs : le respect du produit, l’authenticité et le désir d’innover. Et une nouvelle adresse s’est rapidement ajoutée à la liste : le Café Bobu, qui a ouvert sur la rue Saint-Jean à Québec et dont le groupe est gestionnaire. Le prochain projet ? Une galerie d’art en ligne, où figureront notamment les artistes exposés dans les différents restos du groupe. Une Tanière de plus en plus vaste, mais toujours résolument locale. Groupe La Tanière 36, rue Saint-Pierre, Québec 418 872-4386 groupelataniere.com

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sur la route Des bons plans pour votre journal de bord

S a i n t- P i e r r e l e v i g n o b l e Î l e d’ O r l é a n s 1007, chemin Royal, Saint-Jean-de-l’Île-d’Orléans Cette terre de 26 hectares située à l’entrée de l’île, entre Saint-Pierre-de-l’Île-d’Orléans et Sainte-Pétronille, c’était la ferme La Rosacée, où on cultivait des petits fruits depuis 2003. En 2013, ses propriétaires décident d’y planter des vignes. La jolie grange de 1935 située sur le terrain abrite

désormais un chai et une boutique, ouverte au public depuis juin dernier. Plus de 6000 bouteilles sont en vente, dans quatre cuvées: deux blancs secs, un rosé et un rouge. Deux de ces produits ont déjà récolté une médaille d’or dans la catégorie Artisan lors de la Coupe des Nations 2019. Tous les produits sont vendus sur place et sont offerts en dégustation. Et on me souffle à l’oreille qu’un vin blanc mousseux s’en vient pour l’année prochaine…

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D é pa n n e u r d e l a R i v e 4328, rue Saint-Félix, Cap-Rouge Plus de 1 000 sortes de bières sont offertes dans ce dépanneur, qui se targue d’offrir le plus grand choix de bières au Canada. Profitant d’un engouement qui dépasse largement l’intérêt que lui portent les résidents de Cap-Rouge, cette « cave à bières » possède les produits de la plupart des microbrasseries québécoises renommées, notamment ceux de La Pêcheresse, du Naufrageur, de L’Appât du grain et du Caveau. Dans ce chaos bien contrôlé, où foisonnent les caisses de boissons houblonnées, vous trouverez sans doute la perle rare et, si vous ne savez pas trop ce que vous cherchez, les dégustations (qui ont lieu du jeudi au dimanche) vous permettront sans doute de faire un choix éclairé. <

S u s h i b ox

Bagel Maguire Café

955, route Jean-Gauvin, Cap-Rouge

1400, avenue Maguire, Québec Commerce chouchou de l’avenue emblématique du quartier Sillery, le Bagel Maguire Café souffle cette année ses 30 bougies, signe indiscutable que sa relation d’amour avec la capitale se poursuit. Ouvert en mai 1989 par le propriétaire François Joyet, le café est notamment reconnu pour son traditionnel four à bois, dans lequel sont cuits ses fameux bagels. Loin de s’asseoir sur sa réputation, le commerce a récemment développé sa recette de bagel-beigne, un heureux accident survenu en pleine canicule après que des bagels eurent trop gonflé avant de cuire. Des déjeuners de toutes sortes (gaufres, omelettes, sandwichs BLT, cassolettes) y sont également servis tous les jours jusqu’à 14h.

Ouvert depuis 2003, ce commerce a grandement évolué, passant de comptoir pour emporter à restaurant multidisciplinaire qui offre autant des boîtes à lunch que des services de chef à domicile. Détenu par Julie Langlois, la fondatrice, et Thomas Casault, copropriétaire depuis cinq ans (et, accessoirement, membre du duo électropop Fjord), le Sushibox utilise « les meilleurs produits asiatiques tout en favorisant les produits de chez nous, notamment les produits pêchés au Québec ». Très varié, son menu offre aussi des dumplings maison, de la soupe miso, du poulet frit karaage, du tartare de saumon, de la salade de calmars et plusieurs choix de bols. Son décor contemporain à la fois épuré et décontracté en fait l’une des meilleures adresses de tout le secteur de Cap-Rouge.

Brasserie générale

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400, rue du Platine, suite 3, Charlesbourg

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Thomas Casault

Fondée en 2013, la Brasserie générale est en constante ascension, comme en témoigne la superficie de son usine qui est passée de 1 500 à 6 000 pieds carrés. Avec une vingtaine de bières sur le marché, notamment la Hanami (une blanche aux cerises griottes), la Ïzi (une IPA de la côte Est américaine), la Brumaire (une scotch ale au bourbon) et la Pita Yana (une fusion tropicale acidulée), la microbrasserie s’impose sur le marché de plus en plus compétitif de Québec. L’usine de production, située à Charlesbourg, permet aux visiteurs de déguster ses produits, des plus connus aux plus expérimentaux. Ouverte depuis l’an dernier, sa toute nouvelle succursale à Limoilou offre également une table gourmande qui varie selon les arrivages. Dernièrement, on pouvait y trouver un burger de lentilles béluga, un tartare de saumon, bleuets, pomme et aneth, et les fameux «Ribs de la 18e» assaisonnés d’épices dukkah.

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Hooké À la chasse jeudi 21h

télé

web

Appli


De l’Abitibi à la Gaspésie, en passant par les Cantons-de-l’Est, de Saint-Jean-de-Matha à Lotbinière en faisant mille détours par Sept-Îles, La Malbaie ou encore Brownsburg-

4 LE TEMPS QUI PASSE

Le temps qui passe… partout au Québec

Chatham, cette nouvelle édition du magazine Tour du Québec vous propose plus d’une centaine d’occasions d’aller prendre votre temps aux quatre coins du pays afin

Des histoires qui mettent le Québec en vedette TERROIR TERRITOIRE CULTURE À BOIRE PIGNON SUR RUE

de découvrir le Québec comme vous ne l’avez peut-être jamais vu ! Au programme: des artisans, des cueilleuses, des écrivains, des paysages, des fermières, des inventeurs, des passionnés. Nous avons rassemblé dans ces pages des dizaines d’histoires de gens qui donnent au Québec des saveurs, des couleurs, des sons et un petit goût de revenez-y. Chose certaine, vous aurez envie de prendre la route, lentement,

dans cette édition Abitibi-Témiscamingue L’Éden rouge ; Les éditions du Quartz ; La Cabane Bas-Saint-Laurent Les Viandes du Breton ; La Société des plantes ; Riki Bloc

TOUR DU QUÉBEC

afin de savourer le temps qui passe, en toute saison.

Cantons-de-l’Est Cidrerie Choinière ; Chapelle du rang 1 ; Vignoble Les Pervenches Centre-du-Québec / Chaudière-Appalaches Le Dorimène ; Christian Joncas ; Moulin du Portage Charlevoix Charlevoyou ; Charlevoix Pure Laine ; La Maison du Bootlegger Côte-Nord Attitude nordique ; Les Savons de l’atelier ; Fumeur en Nord Gaspésie / Îles-de-la-Madeleine Fruits de mer du Québec ; Découvrir le loup-marin ; La Société secrète Lanaudière Ferme des Arpents roses ; L’arbre et la rivière ; La Guilde du pain d’épices Laurentides Gourmet sauvage ; La Belle Histoire ; Fromagerie Le Troupeau bénit Mauricie Mathilde Cinq-Mars ; Ferme Le Crépuscule ; Les Sages fous Montérégie Microbrasserie Le Castor ; Cidrerie Chemin des Sept ; Le Zaricot Outaouais Le Théâtre de l’Île ; Ferme Saveurs des monts ; Transistor Média Saguenay–Lac-Saint-Jean Galerie d’art La Corniche ; Distillerie du Fjord ; Morille Québec

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MISHMASH / VOIR / L’ACTUALITÉ

Région de la Capitale-Nationale Hooké à la chasse ; Kombucha du Mont-Ferréol ; Groupe La Tanière

4 le temps qui passe


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