HS TVB 23 Jeunesse invisible

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Revue participative de solutions

Nº 23 NOVEMBRE 2021

GRATUIT

HORS-SÉRIE - JEUNESSE INVISIBLE

Retour sur le projet « Grand Angle : (in)visibles, changeons de regard »

Jeunes invisibles : définitions & enjeux avis des chercheurs bonnes pratiques des acteurs solutions & pistes d’action

Journal associatif et sans publicité déposé au dépot légal de la Bnf. Achevé d’imprimer en novembre 2021 à Synergie Copy, Villeurbanne. Ne pas jeter sur la voie publique - Numéro ISSN : 2495 - 9847 - Numéro CPPAP : 0624 G 93965.


Le Tout Va Bien Le magazine TVB est l’un des outils de l’association Tout Va Bien qui a pour objet social la diffusion de solutions et de connaissances à impact positif sur l’environnement, la société et le vivre-ensemble. Inspiré du journalisme de solutions, TVB a créé en 2016 le principe de l’initiative au kilomètre. En relayant les démarches inspirantes d’acteurs locaux, de manière participative avec tous les citoyens, l’association espère stimuler les envies d’agir à côté de chez soi. Nous partageons également des intiatives inspirantes venues d'ailleurs et des avis d'experts permettant de comprendre les enjeux.

SOMMAIRE

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Retour sur le projet Grand Angle

Comprendre la jeunesse invisible L'association développe également des actions socio-culturelles d'éducation populaire, essentiellement autour de l'éducation aux médias. Nos actions permettent souvent d'apprendre en faisant, de découvrir des outils pour créer et vérifier l'information.

Édito

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Les jeunes dits invisibles en chiffres

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Le consortium ouvre les débats et fait le bilan

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Benjamin Vial, les motifs de non-recours aux droits et services

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Régis Cortesero, l’inégal accès à l’emploi

8&9

Invités à couvrir la journée de capitalisation du projet « Grand Angle : (in)visibles changeons de regard », nous avons finalement, conjointement, décidé d’en élaborer une restitution qui fasse trace dans la recherche de solutions effectuée par le consortium pendant 2 ans. Parler de cette jeunesse précaire, comprendre ses enjeux et évoquer les solutions mises en lumière au cours du projet semblait une mine d’informations utile pour vous présenter le sujet de manière à la fois globale et synthéthique. Nous espérons ainsi transmettre des pistes d’actions ou de soutiens pour les jeunes dits invisibles, notamment dans la dernière page ressources, partager les réflexions et les actions émanant du projet du consortium régional, et lutter contre les stéréotypes véhiculés sur ces jeunes, afin de changer de regard et entrevoir de nouvelles pistes.

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Yaëlle Amsellem-Mainguy, la condition des jeunes filles en milieu rural Histoires de jeunes dits invisibles

Agir pour les jeunes invisibles 10 & 11 Témoignages d’acteurs du terrain 12 & 13 Les 18 actions mises en place lors du projet 14 Les bonnes pratiques identifiées 15 Ressources pour aller plus loin

Laurianne Ploix

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Retour sur le projet Ines Jarray Coordinatrice régionale du projet Grand Angle

Ines Jarray © TVB

« En 2018, l’État, à travers le ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion, a lancé le Plan d’investissement dans les compétences (PIC). 15 milliards d’euros ont été investis jusqu’en 2022 dans le but de former 1 million de demandeurs d’emploi et de personnes éloignées du marché du travail. Le plan était organisé en plusieurs axes, dont le financement de projets d’expérimentation devant permettre de « repérer et mobiliser les publics invisibles et en priorité les plus jeunes d’entre eux ». C’est dans ce cadre que notre projet « Grand Angle : (in)visibles, changeons de regard » a été déployé pendant deux ans sur cinq territoires : l’Allier, l’Ardèche, la Drôme et les métropoles de Lyon et Saint-Étienne. Deux objectifs principaux ont guidé nos actions. D’une part, aller vers les jeunes pour repérer ceux qui sont les plus éloignés de l’emploi ou de la formation, créer un lien de confiance et accompagner leurs projets, quels qu’ils soient. D’autre part, créer des synergies et des passerelles entre les différents acteurs de jeunesse pour favoriser les partenariats et sécuriser les parcours des jeunes, afin qu’ils sachent vers qui se tourner en cas de besoin. Ce 21 septembre se veut une journée de capitalisation du travail accompli depuis octobre 2019 par une vingtaine de structures jeunesse et leurs professionnels qui se sont investis dans le projet. C’est aussi un temps de questionnement et de projection vers les défis qui demeurent ou qui nous attendent pour accompagner les jeunes et leurs parcours de vie. Enfin, c’est un temps de célébration du partenariat entre le Centre Régional Information Jeunesse Auvergne-Rhône-Alpes, la Fédération Régionale des Centres d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles, l’Union Auvergne-Rhône-Alpes des Centres Sociaux, l’Union Régionale des Comités Locaux pour le Logement Autonome des Jeunes, et Unis-Cité Auvergne Rhône-Alpes. »


Les jeunes dits invisibles en chiffres 3 types d’invisibilité En 2014, l’Observatoire National de la Pauvreté et de l’Exclusion Sociale (ONPES) définissait plusieurs types d’invisibilité possibles pour un individu : - l’invisibilité sociale, qui renvoie à la marginalisation, l’isolement, voir l’autoexclusion des personnes ; - l’invisibilité administrative, du fait de définitions restrictives de certains dispositifs d’accompagnement ou d’un manque de précision dans la mesure de la population ; - l’invisibilité institutionnelle qui correspond à un éloignement des structures de droit commun.

Entre 15 et 29 ans On doit l’utilisation du terme « invisible », appliqué à la jeunesse, à la sociologue Claire Bernot-Caboche (2018). Elle s’appuie sur la définition d’Eurostat à propos des jeunes entre 15 et 29 ans qui ne sont ni en éducation, ni en emploi ni en formation (NEET, de l’angalis neither in employment nor in education or training). Ces derniers connaissent souvent des périodes d’inactivité, plus ou moins longues, liées à une santé dégradée, à un handicap, à des responsabilités familiales, ou à un découragement face au travail (ces situations pouvant se cumuler)... L’invisibilité de ces jeunes renvoie principalement au fait qu’ils ne sont pas connus des structures du Service Public de l’Insertion et de l’Emploi (Pôle emploi et Mission locale, notamment). Selon la Direction de l’Animation de la recherche, des Études et des Statistiques (DARES), deux facteurs principaux entraînent un risque accru d’invisibilité à long terme : une faible qualification et le fait d’être une jeune mère.

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168 300 jeunes invisibles En 2019, 13 % des jeunes en France sont des NEET, selon l’Insee, soit environ 1,5 million. Parmi eux, on compterait 495 000 jeunes « inactifs » dont 168 300 complètement invisibles aux yeux du Service Public de l’Insertion et de l’Emploi (DARES).

4 obstacles à la demande d’aide L’Observatoire des non-recours aux droits et services (l’Odenore) a établi une typologie qui permet de comprendre les obstacles à l’obtention d’une offre publique, de droits et de services à laquelle une personne peut pourtant prétendre : 1/ la non-connaissance 2/ la non-demande 3/ la non-proposition 4/ la non-réception Pour en savoir plus, rendez-vous en page 6.

1/4 des jeunes des quartiers politique de la ville Selon un rapport du Conseil Économique Social et Environnemental (CESE, 2017), les NEET sont nombreux en milieu rural, notamment dans les zones peu densément peuplées. Cependant, les données récentes sont insuffisantes. A contrario, celles concernant les jeunes résidant en Quartier Politique de la Ville sont plus précises. La part des NEET chez les 15-29 ans résidant en QPV était de 26,7 % en 2019 contre 11,3 % des 15-29 ans vivant dans d’autres quartiers des unités urbaines englobantes (Observatoire National de la Politique de la Ville, 2020).


JEUNESSE INVISIBLE

Le consortium ouvre les débats et fait le bilan

Comprendre

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our commencer la journée de capitalisation, les partenaires du consortium se sont exprimés afin de dresser le bilan du projet et évoquer les enjeux à venir.

près des jeunes au quotidien. Frédéric Naulet a ainsi tenu à saluer le travail des personnes sur le terrain qui installent, dans la durée, un rapport de confiance avec les jeunes. Des interlocuteurs locaux, ancrés dans les problématiques du territoire, mobilisés dans le temps long afin d’être identifiés, qui sont dans une dynamique d’aller vers, voilà, selon lui, les principales ressources des jeunes qui en manquent le plus. La nécessité de privilégier le temps long a été appuyée par Fabrice Gout. Ce dernier encourage une politique publique de jeunesse dépassant le financement d’actions ponctuelles et la mise en concurrence des acteurs du territoire qui œuvrent pour les jeunes en situation de vulnérabilité. Si les appels à projets sont une opportunité d’innover, il encourage les actions au long terme et la capitalisation sur l’humain, sa capacité à créer du lien social, qui reste difficilement quantifiable.

Après le traditionnel café du matin, suivi d’un Bingo permettant à la cinquantaine de participants de discuter dans une atmosphère détendue, l’assemblée s’est installée dans l’une des salles de réunion du Centre International de Séjour de Lyon (CISL). Parmi les personnes présentes, des animateurs et animatrices, des informateurs et informatrices jeunesse, des conseillères en économie sociale et familiale, des éducateurs de prévention ou encore des responsables de structures jeunesse, et un représentant de la Délégation Régionale Académique à la Jeunesse (DRAJES).

Travailler ensemble, créer des synergies, pour aider au mieux les jeunes Autre volonté et objectif atteint du projet : rompre les logiques de silo (le travail de chacun uniquement dans son domaine d’expertise), pour collaborer tous ensemble au service des jeunes. Regrouper les professionnels de la jeunesse (qui agissent pour l’accès au logement, à l’emploi, à l’engagement, à la formation, à des conseils juridiques, aux loisirs et à la culture ou encore à l’information) permet de connaître l’ensemble de l’offre disponible, d’orienter les jeunes vers les services les plus pertinents pour eux, de s’entraider, d’améliorer le maillage et l’efficacité des actions à l’échelle territoriale. Cette cohérence et ce travail de groupe semblent s’affirmer comme une autre piste permettant d’ouvrir des voies pour sortir les jeunes de l’invisibilité.

Les participants se sont installés pour écoute la prise de parole des représentants du consortium régional : Isabelle Kuntz, responsable de Centre régional d’Information Jeunesse (CRIJ), Frédéric Naulet, directeur régional d’Unis-cité, Fabrice Gout, délégué régional de l’union Auvergne-Rhône-Alpes des centres sociaux (AURACS) et Pierre Gattegno, coordinateur régional des Comités Locaux pour le Logement Autonome des Jeunes(URCLLAJ).

Comprendre les mécanismes de l’invisibilité en partant du terrain À l’origine du projet se trouve la volonté de plusieurs réseaux d’acteurs jeunesse d’unir leurs compétences pour accompagner au mieux les jeunes les plus éloignés de l’emploi, certes, mais pas « invisibles » aux yeux des structures du consortium. Selon Isabelle Kuntz : « Il était nécessaire d’encourager et de développer des manières d’agir collaboratives – avec les professionnels mais aussi avec les jeunes eux-mêmes – afin de tisser des liens de qualité, de leur redonner confiance, et ainsi de répondre au mieux à leurs besoins et leurs attentes. »

Pour Pierre Gattegno, il est désormais nécessaire de pérenniser la dynamique du projet et d’aller plus loin en s’ouvrant à d’autres consortium et de nouveaux partenaires. En parallèle, la fragilité des liens tissés à travers le projet doit être renforcée par la poursuite d’actions communes et d’espaces de discussion, et ce malgré la complexité des cultures différentes. Il s’agit d’une interaction précaire mais indispensable tant dans le réseau d’acteurs de jeunesse qu’avec les institutions, a ajouté Frédéric Naulet.

Isabelle Kuntz Directrice du CRIJ Auvergne-Rhône-Alpes

© TVB

C’est bien pour cette raison, a conclu Isabelle Kuntz, que cette journée a été pensée dans l’objectif de « capitaliser sur ce que l’on a appris au cours de ce projet pour construire la suite ensemble ».

© TVB

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« Pour agir, il est indispensable de comprendre les mécanismes qui provoquent les situations d’invisibilité », affirme Frédéric Naulet. Il est ainsi enrichissant de s’appuyer sur les travaux de chercheurs qui ont étudié la question. Il est également précieux d’écouter celles et ceux qui sont au plus

Fabrice Gout Délégué régional de l’AURACS

Frédérique Naulet Directeur régional d’Unis-cité

Pierre Gattegno Délégué régional de l’URCLLAJ

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JEUNESSE INVISIBLE

Comprendre

Benjamin Vial, les motifs de non-recours aux droits et services

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rand témoin de la journée, Benjamin Vial est chercheur en sciences sociales, spécialiste du non-recours aux droits sociaux dans le champ des politiques publiques de jeunesse. Membre de l’Observatoire des non-recours aux droits et services (Odenore) et du laboratoire Pacte de l’Université Grenoble Alpes, il a publié plusieurs articles issus de ses recherches sur les parcours de jeunes peu ou pas diplômés et leurs motifs de non-recours à l’aide publique.

Absent de dernière minute pour des raisons de santé, Benjamin Vial a autorisé Ines Jarray à présenter une synthèse des principales conclusions de ses travaux de recherche. La coordinatrice du projet a donc endossé le rôle de médiatrice scientifique pour quelques minutes. Elle a commencé par indiquer que les jeunes qu’on nomme « invisibles » sont en fait souvent en situation de non-recours à leurs droits ou aux services qui leurs sont dédiés. Ces jeunes sont invisibles aux yeux de certains professionnels parce qu’ils ne sont inscrits dans aucun dispositif de formation, d’emploi, de mobilité, etc. C’est à partir de ce constat de non-recours que Benjamin Vial s’est interrogé sur les raisons pour lesquelles les jeunes ne font pas appel à l’offre sociale existante sur leur territoire. Il a mené de nombreux entretiens avec des professionnels de jeunesse, des chercheurs en sciences sociales, et des jeunes peu ou pas diplômés ayant connu une ou plusieurs expériences de non-recours.

Les 4 types de non-recours aux droits Benjamin Vial s’est appuyé sur la typologie du non-recours définie par l’Odenore. Appliquée aux jeunes, cette typologie se décline de la façon suivante :

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« l’insertion », soit parce qu’ils ne sont pas satisfaits de l’offre sociale (délais de traitement, contrepartie trop importantes, sentiment d’injustice, etc.) 3/ La non-réception : l’offre est connue, demandée, mais n’est pas reçue à cause d’un manque de moyens (budgets, places disponibles dans le dispositif, etc.), d’une mise sur liste d’attente, d’erreurs commises lors des demandes ou du traitement des demandes, d’abandons, ou de discriminations. 4/ La non-proposition : l’offre n’est pas proposée aux jeunes par les professionnels, soit parce qu’ils n’en n’ont pas connaissance, soit parce qu’ils n’ont pas le temps d’informer et accompagner les jeunes, soit parce qu’ils anticipent le manque de moyens et préfèrent éviter au jeune de s’engager dans des démarches vaines, soit par choix, car ils estiment que les jeunes doivent être autonomes dans leurs recherches, ou enfin par jugement (l’offre n’est pas adaptée à la situation ou la demande est prématurée, irrationnelle, etc.).

Des conseils pour favoriser le recours des jeunes à l’offre sociale Pour Ines Jarray, l’utilisation de l’approche par le nonrecours permet de penser les mécanismes sociaux et institutionnels qui agissent sur les individus plutôt que d’associer les problématiques à une catégorie d’individus, comme c’est le cas lorsqu’on parle de « jeunes invisibles ». Comprendre le non-recours des jeunes à l’offre sociale faciliterait également la définition et l’utilisation de moyens spécifiques tout en encourageant le dialogue entre les professionnels de jeunesse pour interroger leurs pratiques, leur offre de services, etc.

1/ La non-connaissance : l’offre n’est pas connue du fait d’un manque d’informations sur les institutions, les droits, les services ; ou par manque de compréhension face à la quantité d’acteurs et la complexité des démarches administratives ; ou encore par non-concernement, c’est-à-dire que les jeunes ne portent pas leur attention sur l’offre sociale disponible et ne se sentent pas concernés par elle.

Benjamin Vial recommande, pour construire un dispositif de lutte contre le non-recours, de passer par deux phases de travail réunissant plusieurs partenaires. D’abord une phase exploratoire de discussions qui doit permettre de partir sur des bases de travail communes et de mieux comprendre les publics concernés par le non-recours, puis une phase de définition de l’action et plus précisément le public cible, un type de nonrecours en particulier sur lequel agir, et un ou plusieurs champs d’action publique.

2/ La non-demande : l’offre est connue mais n’est pas demandée, soit parce que les jeunes estiment qu’ils peuvent se débrouiller seuls (affirmation de soi), soit parce qu’ils se replient sur la sphère privée car ils ne trouvent pas l’énergie d’engager de nouvelles démarches ou craignent l’échec, soit parce qu’ils veulent s’émanciper des injonctions à

Ces éléments ont permis de souligner l’importance de la collaboration partenariale autour d’un sujet aussi complexe qu’est celui du non-recours. Ces espaces de rencontres interprofessionnelles s’avèrent être une nécessité pour reconnecter les jeunes aux structures d’insertion.


JEUNESSE INVISIBLE

Régis Cortesero, l’inégal accès à l’emploi

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octeur en sociologie, ancien chargé d’études et de recherche à l’INJEP, Régis Cortesero a travaillé sur les jeunesses des quartiers populaires, les politiques éducatives, les politiques jeunesse, sur la participation des jeunes ou encore sur les discriminations. Aujourd’hui consultant, il réalise des évaluations de politiques de jeunesse, des prestations de recherche-action et de formation, tout en repositionnant son activité de recherche sur la question de la place des jeunes dans les transformations du travail et du système productif.

« Si on fait des politiques publiques sur les jeunes invisibles, c’est qu’on les voit. L’invisibilité semble donc être un résultat des dispositifs, qui ne dépend pas des jeunes, mais des catégories dans lesquelles ils peuvent être identifiés », affirme Régis Cortesero. Aux diverses typologies de nonrecours, il souhaite lui ajouter le non-droit. Le chercheur rattache son analyse à la notion de « citoyenneté refusée », introduite par le politiste Tom Chevalier, pour qualifier les politiques sociales et économiques en direction de la jeunesse en France.

Qu’est-ce que la jeunesse ? Pour le chercheur, le sujet jeune n’existe souvent pas en tant que tel, mais à travers son tiers responsable : la tutelle des parents, des accompagnants, etc. Alors qu’elle ne dure pas, la jeunesse apparaît comme une « minorité interminable ». « La jeunesse n’est considérée que comme

Comprendre

un moment de la vie. La jeunesse comme construction sociale est relativement en marge des modes de raisonnements dominants sur cette dernière. Qui parle pour les jeunes dans l’espace public ? Comme la jeunesse ne dure pas, à un moment ce sont des vieux qui s’en occupent. La jeunesse devient donc commandée par des préoccupations qui lui sont extérieures. Les différentes générations sont des fictions programmées par les attentes des autres. De plus, au nom du futur adulte qu’ils souhaitent être, la plupart renonce aux mouvements sociaux. La parole des jeunes, eux-mêmes, est alors peu entendue », considère Régis Cortesero. Il ne semble pas exister une seule jeunesse mais des jeunesses différentes. Cependant, toutes finiront aussi par faire pression sur les générations suivantes et devenir vectrices de diffusion des normes d’emploi et d’attentes envers la jeunesse, explique-t-il. « Or, si comme on l’entend dans de nombreux discours politiques : la jeunesse, c’est l’avenir ; alors elle nous contraint et nous oblige », poursuit le sociologue.

Les discriminations d’accès à l’emploi Le chercheur a développé un panorama des obstacles d’accès à l’emploi pour les jeunes. Ceux-ci subissent un taux de chômage environ deux fois plus élevé que le reste des actifs. Lorsqu’ils accèdent à un emploi, celuici est le plus souvent précaire (CDD, intérim, etc.) et les conditions de travail dégradées. Ils subissent des écarts de salaire de l’ordre de 15 à 20 % par rapport aux autres actifs (équivalent à l’écart subi par les femmes et les immigrés).

« Le coût de la pénalité d’être jeune, c’est la différence salariale. Mais cela n’est pas considéré comme une discrimination car le droit ne le reconnaît pas comme illégitime. Il existe une forme d’acceptation sociale massive reconnaissant l’ancienneté comme le socle de la rémunération. La jeunesse n’est pas perçue comme discriminée mais devrait être considérée comme telle. Il faudrait donc sortir les jeunes de cette zone de nondroit et les intégrer au débat démocratique », a conclu le sociologue.

Régis Corteso lors de la journée de Capitalisation du projet Grand Angle © TVB HS TVB #23 - P.7


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Comprendre

Yaëlle Amsellem-Mainguy, la condition des jeunes filles en milieu rural

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ociologue, chargée de recherche à l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP), associée au Centre de recherche sur les liens sociaux (CERLIS) et chercheuse associée à l’Institut national d’études démographiques (INED), Yaëlle Amsellem-Mainguy a réalisé une enquête auprès de 173 jeunes femmes âgées de 13 à 29 ans, menant à la publication de son dernier ouvrage Les filles du coin, vivre et grandir en milieu rural aux presses de SciencesPo.

habitent avec leur mère, et/ou vivent avec un parent handicapé) et de petite classe moyenne (dont les deux parents travaillent en tant qu’employé·e·s, assistant·e·s de direction ou de gestion, infirmière, aide-soignante, militaire ou commerçants artisans).

La sociologue s’est rendue sur 4 territoires : les Ardennes, la Chartreuse, la pointe du Finistère et les Deux-Sèvres. Elle y a rencontré des jeunes filles et s’est attachée à comprendre les processus de sociabilité et de socialisation juvéniles à l’œuvre à travers les spécificités de genre et les effets de la classe sociale. Les jeunes femmes rencontrées étaient majoritairement issues des milieux populaires (dont les deux parents ne travaillent pas toujours, sont ouvrier·e·s ou employé·e·s, en famille monoparentale auquel cas elles

Pour de nombreuses jeunes rencontrées, « Ici, il n’y a rien à faire et tout le monde se connaît. On m’a interdit d’être amie avec une fille que j’aimais bien au collège à cause d’anciennes histoires de famille ». Il existe un réseau, un capital du local, de l’entre soi qui crée de la solidarité mais exclut aussi celles et ceux jugé·e·s comme des « cas sociaux », celles et ceux qui n’osent pas inviter chez eux car ce n’est pas assez bien, ou qu’ils n’ont pas les moyens. Mais « quand tu n’invites pas, tu n’es plus invitée », précisent les jeunes femmes.

Yaëlle Amsellem-Mainguy © TVB

Yaëlle Amsellem-Mainguy se souvient du témoignage de Maureen et Charline, âgées de 14 ans : « Ici tu cherches des gens, tu cherches longtemps, tout est plus long et compliqué. Vous ne pensiez pas trouver des jeunes en venant ici, n’est-ce pas ? La campagne ça fait vieux. Et puis, il y a la campagne de la campagne... » L’invisibilité de ces jeunes filles, c’est aussi l’invisibilité de leur territoire.

Le capital d’autochtonie

La sociologue évoque le « capital d’autochtonie » pour désigner les ressources dont disposent ces jeunes filles grâce à leur connaissance des rapports sociaux en jeu sur leur territoire et grâce à leur appartenance à des réseaux sociaux localisés plus ou moins valorisés. Ce capital d’autochtonie donne accès à une légitimité plus ou moins forte à s’insérer sur le territoire. Pour l’illustrer, la sociologue évoque les jeunes filles les plus éloignées des réseaux de sociabilité locale qui sont aussi les plus éloignées de l’emploi, contrairement aux jeunes filles qui participent à la vie locale qui bénéficient d’une réputation auprès d’un réseau professionnel consolidé, etc. Si ce capital d’autochtonie entraîne certaines distinctions entre les jeunes filles de milieu rural, il apparaît qu’il favorise la mise sous silence de comportements abusifs, notamment dans le milieu professionnel. La dénonciation de conditions de travail dégradées ou de situations de harcèlement et de violences sexuelles semble impossible. D’une part, elles ne disposent pas d’espaces d’expression nécessaires, et d’autre part la peur d’être « grillée » et de

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JEUNESSE INVISIBLE

Comprendre & agir devoir quitter le territoire pour retrouver du travail inhibe la parole.

L’invisibilisation du travail des filles, plutôt que l’invisibilité La sociologue a insisté également sur l’invisibilisation du travail des filles. Elles « rendent service », « donnent un coup de main », mais elles ne travaillent pas. Elles sont, d’ailleurs, souvent assignées à des tâches stéréotypées. Par exemple, lors des fêtes de village : elles préparent les buffets, s’occupent de distraire les enfants, etc. L’assignation à ces tâches n’est pas questionnée car elles

renverraient à des qualités « naturelles » des femmes. Elle a observé une non-prise en considération des compétences qu’elles mettent alors à l’œuvre. Leurs moyens d’indépendance sont, par ailleurs, souvent freinés par les normes sociales en vigueur au sein des réseaux de sociabilité locaux. Pour leur offrir des solutions, Yaëlle Amsellem-Mainguy insiste sur la nécessité d’investir davantage de moyens dans le milieu rural, notamment pour faire venir (et rester) des professionnels du travail social qui peuvent ouvrir d’autres horizons à ces jeunes filles.

Histoires de jeunes dits invisibles

A

ccompagnés par les acteurs du projet Grand Angle, ces jeunes ont tissé de nouveaux liens de confiance, pensé un projet d’avenir ou tout simplement tester de nouvelles choses. Nous vous racontons, succintement, une partie de leur expérience. Les prénoms des jeunes ont été changé afin de respecter leur anonymat.

Driss, 17 ans, accompagné par un centre social Driss est venu plusieurs fois, avec sa bande d’amis, lors des temps d’accueil libre du centre social qui se tiennent après 18 h. À cette occasion, un lien étroit a pu être créé entre le jeune et l’animateur, pour débattre, rire et engager tous types discussions. À mesure que l’animateur apprenait à le connaître, il a découvert les multiples difficultés auxquelles Driss était confronté : son papa était incarcéré, il était déscolarisé depuis plusieurs mois, rencontrait des problèmes d’addiction au cannabis, pouvait faire preuve d’agressivité, rejeter l’aide éducative, et adoptait une posture d’opposition et de provocation face à l’autorité de certains adultes. Le centre a donc proposé à Driss et sa bande d’amis de réaliser un projet : quelque chose de différent mais surtout d’épanouissant qui émanerait de leurs envies. Les jeunes ont été réceptifs : la majorité d’entre eux voulait briser la routine de leur quotidien. Driss avait d’ailleurs lui-même exprimé son besoin de quitter le quartier. Un projet de départ en séjour sportif a vite émergé et donné lieu à une semaine dans un parc naturel. L’idée était de conduire les jeunes en dehors de leur zone de confort (ou d’inconfort) et leur permettre de s’émanciper en favorisant la découverte et le dépassement de soi. Lors de ce séjour, l’animateur a découvert la grande autonomie de

Driss et sa capacité à se mettre au service des autres. Il assurait la propreté de son mobil-home avec un ménage quotidien, cuisinait comme un chef chaque soir pour l’intégralité du groupe, des plats variés, équilibrés et délicieux, préparait du thé à la menthe après chaque dîner, aidait ses amis dans les tâches du quotidien. Le jeune découvrait ses qualités et l’effet bénéfique qu’avait eu sur lui la vie en collectivité. Il semblait primordial de valoriser son champ de compétences. Le projet a été une expérience enrichissante à tout point de vue. Driss en est ressorti avec des connaissances et des compétences nouvelles. Désormais, il prend des rendez-vous avec son éducateur pour préparer des chantiers éducatifs et qui sait, peut-être devenir le futur Joël Robuchon...

Sofia, 17 ans, engagée dans un service civique Sofia est une jeune fille de 17 ans originaire d’une petite commune rurale. En décembre 2020, elle décide d’arrêter sa terminale et de se déscolariser. Ne souhaitant pas rester inactive, elle discute avec son entourage et entend parler du service civique par sa soeur qui est volontaire. Elle entreprend des recherches sur internet et tombe sur le site d’Unis-Cité. Après avoir participé à une séance d’information et passé un entretien, elle est recrutée sur le projet « Tous dehors » en janvier 2021. Il s’agit d’un projet en lien avec le public enfant autour du jeu libre en extérieur. Auparavant, Sofia n’avait jamais quitté sa ville natale ni pris les transports en commun. Sa mission se déroulant dans une autre agglomération, Sofia a du se déplacer régulièrement afin de se rendre dans les différents lieux d’intervention. Elle a su dépasser ses appréhensions dès les premiers jours de son service civique et est aujourd’hui autonome dans ses déplacements. Elle voudrait passer son BAFA à l’issue de son service civique et profite de son nouveau réseau de partenaires pour explorer d’autres pistes.

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JEUNESSE INVISIBLE

incasables, maintenant les invisibles. Ce sont des jeunes qui ont des difficultés mais aussi d’autres compétences, dans le savoir-faire et le savoir-être.

Agir

Témoignages du terrain

I

© TVB

ls étaient présents à la journée de capitalisation du projet et le sont tous les jours, sur le terrain, à la rencontre des jeunes. Nous leur avons demandé leurs définitions des invisibles, les enjeux qu’ils identifiaient et les pistes d’action à encourager.

TVB : Quel besoin ressentez-vous sur le terrain ? VF : Je pense que ce sont des jeunes qui ont besoin de temps. On a peu abordé lors de la conférence matinale la question de la temporalité mais il existe de plus en plus de pressions liées à une injonction à la réussite. Il existe presque comme une commande publique de faire rentrer ces jeunes dans des cases. Mais en prévention, on voit bien que les choses prennent du temps et que c’est normal. Un jeune n’a pas toujours envie de rentrer tout de suite dans un moule, un projet scolaire ou professionnel, une mission locale ou autre. Avant, nous avions l’obligation scolaire, maintenant on parle d’obligation de formation, on les oblige à être inscrits dans de l’action mais parfois ils ont juste besoin de prendre le temps de réfléchir à un projet. Donc, on essaie de prendre le temps d’accompagner ces jeunes plutôt que de les caser dans un dispositif à tout prix et prendre le risque de les remettre en échec, car c’est la répétition de l’échec qui est en jeu sur ces questions.

TVB : Avez-vous des anecdotes de réussite ? VF : Souvent, les retours positifs, on les a longtemps après. Quand on recroise des trentenaires qu’on a eu en accompagnement adolescents. Souvent, eux nous racontent des anecdotes, des actions, des phrases qui pour eux ont été des déclics, des prises de conscience. De manière générale, l’effet du travail social est mesurable sur un temps qui n’est pas politique, car on n’a pas de résultats immédiats, mais sur un temps plus long.

Vincent Faraldi

TVB : Pouvez-vous nous présenter les missions de la prévention spécialisée ? VF : La prévention spécialisée, c’est une mission de la Protection de l’enfance. C’est ce que l’on appelle les éducateurs de rue : une intervention sociale sur un territoire défini à partir de la libre adhésion, l’absence de mandat administratif ou juridique, le respect de l’anonymat, etc. Concrètement, on va beaucoup dans la rue et on fait le lien avec nos partenaires. L’idée est d’offrir un maximum de disponibilité éducative là où se manifestent des inadaptations : être disponible pour les jeunes les plus éloignés du droit commun, dont les dits invisibles.

TVB : Quelle est votre définition du jeune invisible ? VF : Pour nous, les jeunes que les politiques publiques disent invisibles, c’est ceux que l’on voit tous les jours. C’est ceux qui échappent au droit commun. Souvent, ce sont ceux qui ne rentrent pas dans les normes, qui sont à la marge. On a tendance à les exclure mais moi j’aime bien dire que la marge fait partie de la page, il ne faut pas l’exclure et accepter ces jeunes tels qu’ils sont. On les a souvent nommés de manière péjorative, il y a eu les HS TVB #23 - P.10

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Chef du service de prévention spécialisée pour la sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence de l’Ardèche. Membre du consortium des Missions locales d’Ardèche et partenaire du projet.

Marie Julien & Bérengère Salignat Coordinatrice du CIDFF de l’Allier & chargée de prévention au CIDFF de l’Allier. Membres du consortium du projet.

TVB : Quelle est la mission du CIDFF ? MJ : On informe, reçoit des femmes et des familles (enfants et hommes), pour toutes les questions juridiques, dans un premier temps. Puis nous avons une chargée d’emploi et une chargée de prévention qui fait de la sensibilisation. Nous avons également une structure gérée par des bénévoles qui s’appelle « À portée d’elles ». Elle reçoit des femmes victimes de violences et les accompagne, avec l’aide de notre juriste, qui est référente départementale des violences conjugales. Tout est fait de manière anonyme afin que les femmes qui viennent vers nous se sentent en sécurité. BS : C’est important qu’on aille faire de la prévention et expliquer aux jeunes les ressources disponibles : le 39 19, les médecins, la gendarmerie, les infirmiers scolaires, etc.


TVB : Quel était votre rôle dans le projet Grand Angle ? MJ : Nous avons rejoint le projet après le repérage. Nous devions intervenir, dans un deuxième temps, pour de la sensibilisation auprès de jeunes et d’adultes relais à l’égalité femmes-hommes, les violences faites aux femmes, la sécurité de la vie affective, etc. BS : Nous intervenions sur la deuxième phase, après que l’aller vers ait été fait. Nous avons commencé par aller vers les centres sociaux du département mais la crise Covid nous a bien ralenti et a décalé le démarrage des actions. Des jeunes ont été repéré mais nous n’avons pas vraiment pu faire de sensibilisation. Cependant, nous avons noué des contacts, et c’était le but du projet. Nous allons donc faire des sensibilisations mais après la fin du projet. MJ : Le but est de rester dans la même démarche après ces 2 ans passés tous ensemble et de s’apporter mutuellement des compétences et des connaissances.

TVB : Quelle fiche action avez-vous mis en place ?

TVB : Quelle est ta définition des jeunes invisibles, comment pouvons-nous les aider ? AG : Ma définition, construite au cours de ces deux ans, serait celle d’un jeune qui n’a pas d’attache avec les institutions voire plutôt une défiance envers elles et qui cumule des problématiques. L’avantage du PIC est d’avoir mis la lumière sur ce sujet qui n’est pas si connu et de nous former pour aider au mieux ces jeunes. Nous avons remis la question de l’invisibilité au cœur de nos pratiques en se questionnant sur notre façon de travailler avec les jeunes, la question du nonrecours et de l’accès au droit qui traversent finalement toutes les pratiques sociales, du logement, du service civique ou autre. Mieux comprendre l’invisibilité nous a permis d’échanger ensemble, de travailler grâce à l’intelligence collective pour essayer de construire des réponses adaptées. Aller vers les jeunes, auprès de leurs lieux de vie est une première piste d’action, aider par la présence et la connaissance de tous les acteurs sociaux.

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MJ : La fiche action Parole de jeunes avec Unis-Cité Allier, la MJC de Montluçon et le PIJ de Vichy. BS : Nous avons construit un jeu sur l’accès aux droits que nous avons animé lors de 3 rendez-vous et qui va perdurer après le projet.

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Florian Thimonier

Informateur jeunesse au PIJ de Privas-Centre Ardèche. Membre du consortium du projet. TVB : En quoi consiste ton emploi ?

Angélique Gibert

Coordinatrice du Kiosque d’information et d’orientation vers le service civique d’Unis-cité du Rhône. Membre du consortium du projet. TVB : Quel est votre rôle ? AG : Au sein d’Unis-Cité, en France, au total 23 Kiosc ont été créés. Notre rôle est de favoriser l’accès au service civique de manière générale pour les jeunes et les associations des quartiers Politique de la Ville. Nous sommes financés par le PIC Repérage des jeunes invisibles et l’Agence nationale de la cohésion des territoires qui est en charge de la politique de la ville. Nous sommes deux dans ce projet Kiosc, Lina qui est animatrice et moi qui me charge de la coordination et du développement du projet. De mon côté, je fais le lien avec les acteurs du territoire et Lina va sur le terrain pour faire des maraudes avec des éducateurs de prévention ou des médiateurs sociaux afin d’aller à la rencontre des jeunes. Nous travaillons également avec des associations d’éducation populaire et notamment avec le Mouvement pour une alternative non-violente (MAN) qui va directement, en soirée, en pied d’immeuble avec un van pour échanger avec les jeunes. Nous les rencontrons dans des lieux informels puis nous les accompagnons lors de séances d’informations plus formelles jusqu’à leur engagement en service civique, à Unis-Cité ou ailleurs. Nous avons informé plus de 900 jeunes en 2 ans dont une grande partie de jeunes invisibles.

FT : Le but est de repérer, accompagner puis suivre les jeunes de 11 à 30 ans sur toutes les thématiques qui peuvent les concerner. Cela peut être l’emploi, la formation, les stages, la scolarité, la santé, les loisirs, le montage de projet, etc.

TVB : Comment t’es-tu engagé dans le projet Grand Angle ? FT : Ma mission principale était d’aller vers les jeunes avec un van aménagé, sur 42 territoires du centre Ardèche. Je suis allé au plus près de leurs lieux de vie pour récolter leurs paroles et identifier ces jeunes dits invisibles, qui sont souvent éloignés de lieux ressources, surtout dans les zones rurales. Le but du van était de faire de l’itinérance de service pour aller sur 3 vallées rurales où l’on retrouve peu de services. Dans le projet « Grand Angle », on a développé de nouveaux partenariats, notamment sur des thématiques comme l’addiction, et on a réalisé des actions en direction des familles ( jeunes et parents réunis) pour faire de la médiation. Notre deuxième fiche action s’appelle À voix haute et le but est de réaliser, avec des partenaires, des interviews des jeunes invisibles sur leur rapport au numérique. Ces micro-trottoirs seront valorisées lors d’une journée de restitution.

TVB : Quelle est ta définition du jeune invisible ? FT : Un jeune que je rencontre, je dois l’accompagner, qu’il soit invisible ou pas. Malheureusement, il y aura toujours des jeunes que nous n’arriverons pas à atteindre car c’est leur choix de vie et d’autres subissent les contraintes de la société, et eux il faut les aider. Dans tous les cas, on doit aller vers tous les jeunes, pour les accompagner et les informer afin qu’ils soient maîtres des choix de leurs avenirs.

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JEUNESSE INVISIBLE

Agir

Les 18 actions mises en place lors du projet Dans la métropole de Lyon

Kiosque d'information et d'orientation vers le service civique (KIOSC) Rencontre des jeunes vivant en quartier Politique de la Ville, au plus près de leur lieu de vie, via des maraudes, des permanences et animations de séances d'informations, afin de leur trouver des missions de service civique. Animations estivales Création d'un court-métrage sur le quartier du Vergoin à Lyon (69), accompagnement financier et méthodologique des jeunes pour l'organisation d'un séjour à Vias (34), mise en place d'un séjour autofinancé à Marseille (13) avec des jeunes filles de 15 à 18 ans. Enquête « Jeunesses de Vaulx-en-Velin » Co-construction d’une enquête avec des jeunes en service civique pour avoir un diagnostic partagé sur la jeunesse de Vaulx-en-Velin et adapter les actions des partenaires. Infolab alimentation Création d'une démarche Infolab, espace d'éducation à l'information visuelle, pédagogique et participatif. Utilisation de la datavisualisation pour échanger et débattre avec le public sur les bienfaits individuels et collectifs d'une alimentation saine et durable.

Dans la métropole de Saint-Étienne Re’pair Santé Des jeunes en service civique vont à la rencontre d’autres jeunes dans une démarche de prévention pour les sensibiliser aux enjeux de santé. Ces «ambassadeurs» investissent les structures jeunesse partenaires et les espaces publics, avec le soutien de la ville de Saint-Etienne. La gova Aménagement, par des jeunes, d’une caravane en cabine de DJ mobile pour « ambiancer » des moments festifs et culturels.Animation d’ateliers pédagogiques hebdomadaires pour se familiariser avec des disciplines nouvelles : travail du bois et du métal, musique assistée par ordinateur, graphisme... Émancip’toit Proposition à des jeunes qui ont connu un parcours d’errance d’accéder à un logement autonome. Les jeunes sont d’abord sous-locataires de l’association service logement puis le bail glisse à leur nom quand ils disposent de ressources stables.

Dans l’Allier Paroles de jeunes Un jeu grandeur nature pour s’interroger sur ses droits et les services du territoire, créé et animé par la MJC Centre social de Montluçon, le PIJ de Vichy, Unis-Cité Allier et le CIDFF Allier afin d’aller vers les jeunes. Afro prodig’ & rap Mise en place d’une compagnie de danse Afro ( jeunes filles constituées en junior association) et d’une initiation au RAP et beatmaking accompagnés par la MJC et la ville de Montluçon.


Dans la Communauté d’agglomération Privas-Centre-Ardèche Découvre le SHJ Interventions collectives auprès de jeunes (décrocheurs ou en voie d’autonomie) pour une présentation des acteurs du territoire et de l’offre de service disponible, notamment pour le Service habitat jeune (SHJ). Journées familles Installation du PIJ itinérant dans trois communes différentes pour 3 journées thématiques consacrées à l’environnement, la communication non-violente et le respect du corps à destination des jeunes, de leurs familles et des partenaires locaux. À voix haute Recueil de paroles de jeunes «invisibles» à travers des interviews sonores qui seront restituées de manière anonyme lors d’un événement. Une action qui permet aux jeunes de s’exprimer sur leurs usages du numérique, l’accès à l’information et la place des professionnels de jeunesse sur les réseaux sociaux.

Valence & Diois Logement public jeune Repérer, accueillir, informer et orienter les jeunes «invisibles» pour les aider dans leurs démarches de recherche de logement et les accueillir au sein du parc de résidences sociales SOLIHA Drôme Chantier Éducatif Travaux d’extérieur ou d’intérieur commandés par des associations, des particuliers, des bailleurs sociaux, afin de remobiliser des jeunes «invisibles» au sein d’un projet collectif.

Annonay Naître fille Des temps collectifs et individuels menés par une animatrice et une médiatrice sociale dans le but de soutenir l’insertion par l’activité économique et la formation des jeunes femmes et favoriser la mixité dans les quartiers politiques de la ville. Lieu d’accueil jeunes Ouverture du centre social de la Croze dédiée aux jeunes garçons majeurs du quartier tous les vendredis soirs de 17h à 22h afin de favoriser l’écoute active entre pairs et la construction de projets.

Grand Lyon, Allier et Loire La Boussole des Jeunes Outil numérique dédié aux 15-30 ans pour lutter contre le non-recours aux droits grâce à un court questionnaire donnant accès à une liste personnalisée de services de proximité et donnant la possibilité d’être recontacté. Les sites web info-jeunes Des sites départementaux dédiés à l’information des jeunes : des articles thématiques (santé, mobilité, loisirs...), les bons plans et événements du territoire, des offres de jobs et de stage, des conseils de professionnels, etc.

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JEUNESSE INVISIBLE

Agir

Les bonnes pratiques identifiées

L

’après-midi de la journée de capitalisation consistait en des ateliers de réflexion collective afin de trouver les bonnes recettes pour les 3 enjeux identifiés. Vous trouverez ci-dessous les restitutions des groupes sous forme d’images et un petit résumé des bonnes pratiques identifiées tout au long de la journée.

Lors de l’après-midi, les différents participants ont été répartis en plusieurs groupes pour travailler sur les thématiques suivantes : - prendre en compte les besoins et les attentes des jeunes pour repenser l’offre sociale ; - être utile aux jeunes ensemble, en dehors des silos ; - évaluer la qualité du travail des professionnels sans compromettre leurs actions.

Vous retrouvez dans les images ci-dessous les ustensiles (outils) et ingrédients (idées) pour réaliser la meilleure recette (projet et ses étapes) possible pour mener à bien ces 3 objectifs.

Des bonnes pratiques à retenir Tout au long de la journée, des bonnes pratiques ont été énoncées et nous les restituons ici de manière nonexhaustive : - construire des partenariats et des actions à plusieurs pour se connaître et orienter au mieux les jeunes selon leurs besoins ; - écouter la parole des jeunes et partir de leurs besoins ; - encourager la pair-aidance et l’aide inconditionnelle ; - être présent sur le terrain, dans le temps pour aller vers les jeunes et être identifiés ; - s’adapter aux spécificités des territoires et des jeunes et donner du temps à l’humain.


Ressources pour agir INSERTION & EMPLOI Les chantiers éducatifs jeunes Ils sont supervisés par la prévention spécialisée et permettent aux jeunes ayant des difficultés à s’insérer de vivre une expérience professionnelle rémunérée d’une semaine. Au cours du chantier, les jeunes identifient leurs freins à l’emploi, développent un savoir-faire, obtiennent une reconnaissance et clarifient leur projet professionnel ou de formation. La garantie jeune La garantie jeunes, proposée par les missions locales, accompagne vers l’emploi les 16-25 ans en situation précaire, en leur permettant notamment d’avoir des expériences professionnelles et de suivre des formations. Le service civique C’est un engagement volontaire au service de l’intérêt général ouvert aux 16-25 ans, élargi à 30 ans aux jeunes en situation de handicap. Accessible sans condition de diplôme, le Service Civique est indemnisé et s’effectue en France ou à l’étranger. www.service-civique.gouv.fr De nombreuses structures ou associations aident également à l’insertion professionnelle ou à la reprise d’une formation : L’épide, La cravate solidaire, Emmaüs, Réseau Cocagne, les entreprises adaptées, Les apprentis d’Auteuil, les cadets de la République, Sport dans la ville, etc. ENSEIGNEMENT & FORMATION Nouvelles Chances : sur internet ou par téléphone au 0800122500. Cette plateforme vous propose des conseils sur votre orientation, d’envisager différentes solutions pour retourner à l’école. Pour les jeunes de 16 à 25 ans. Les actions de remobilisation : si vous avez arrêté votre scolarité, vous pouvez intégrer le DAVP (Dispositif d’Accès à la Voie Professionnelle, pour moins de 16 ans) ou la MLDS (Mission de Lutte contre le Décrochage Scolaire, pour les 16-25 ans). Accessible en passant par votre CIO. . Et plein d’autres solutions : Les micros lycées adaptés, les diplômes d’accès aux études universitaires (DAEU), l’école de la seconde chance, l’alternance, la prépa-apprentissage, la promo 16-18, etc. ENGAGEMENT La junior association Junior Association est une démarche souple qui permet à tout groupe de jeunes, âgé·e·s de 11 à 18 ans, de mettre en place des projets dans une dynamique associative. https://juniorassociation.org/index Partir en mission à l’étranger avec le Corps européen de solidarité ou pour des missions de volontariat en entreprise ou en administration. info-jeunes.fr/s-engager-dans-le-corps-europeen-de-solidarite LOGEMENT Le logement autonome des jeunes Mobiclé, sous-colocations, Bail (Social) Accompagné, Forum Logement Jeunes, colocations pour l’emploi. Autant de dispositifs d’aide à la recherche ou à l’accès au logement destinés à des jeunes en difficultés. Pour plus d’informations : auvergnerhonealpes.uncllaj.org/tous-les-outils-et-actions-des-cllaj Et plein d’autres solutions commes les résidences sociales, les foyers de jeunes travailleurs, la colocation intergénérationnelle, etc. SANTÉ Points d’accueil écoute jeunes Accueil inconditionnel, gratuit, confidentiel et sans rendez-vous dédié aux jeunes âgés de 11 à 25 ans qui souhaitent recevoir un appui lorsqu’ils rencontrent des difficultés au sujet de leur santé au sens le plus large : mal être, dévalorisation, décrochage scolaire, sentiment d’échec, etc. www.cartosantejeunes.org Et d’autres solutions comme le planning familial et les numéros de téléphone gratuits Fil Santé Jeunes 0800 235 236 et Croix Rouge Ecoute (solitude, isolement, dépression) : 0 800 858 858.

Lectures pour aller plus loin Le non-recours des jeunes adultes à l’aide publique. Fiche repère. Institut National de la Jeunesse et de l’Éducation Populaire. Vial, B. (2018). Les filles du coin: vivre et grandir en milieu rural. PRESSES DE SCIENCES PO.Amsellem-Mainguy, Y. (2021). Les « NEET », des ressources et des conditions de vie hétérogènes. Institut National de la Jeunesse et de l’Éducation Populaire. Francou, Q. (2020). en libre accès sur : https://injep.fr/wp-content/uploads/2020/01/IAS31-les-NEET.pdf Les jeunes ni en études, ni en emploi, ni en formation (NEET): quels profils et quels parcours?. Direction de l’Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques. Reist, C. (2020). en accès libre sur https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publications/les-jeunes-ni-en-emploi-ni-en-formation-neet «Politiques de jeunesse » significations et enjeux d’une notion multiforme. Institut National de la Jeunesse et de l’Éducation Populaire.Parisse, J. (2020). En accès libre sur : https://injep.fr/publication/politiques-de-jeunesse-significations-et-enjeux-dune-notion-multiforme/ Et de nombreuses autres études des sciences humaines et de la société en accès libres sur https://halshs.archives-ouvertes.fr

Contact des structures évoquées Observatoire des non-recours aux droits et services (ODENORE) : odenore.msh-alpes.fr Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP) : injep.fr Le logement autonome des jeunes : auvergnerhonealpes.uncllaj.org L’Union Auvergne Rhône-Alpes Centres Sociaux : auracs.centres-sociaux.fr Fédération nationale des centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) : fncidff.info Unis-Cité Auvergne-Rhône-Alpes : uniscite-auvergnerhonealpes.org Le CRIJ Auvergne-Rhône-Alpes : www.info-jeunes.fr


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Le projet « Grand Angle : (in)visibles, changeons de regard » a été cofinancé dans le cadre du Plan d’investissement dans les compétences.

Ce hors-série est cofinancé par le projet « Grand Angle : (in)visibles, changeons de regard ».

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