Hors-série TVB 16 Le sport autrement

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Journal participatif, local et de solutions

Nº 16 JUILLET 2019

GRATUIT

HORS-SÉRIE

Le sport autrement

LUMIÈRE SUR DES SPORTIFS INVISIBLES

Handicap, femmes et sports inconnus en quelques chiffres PAGE 3

Retour sur la coupe du monde féminine de football PAGE 4

Rencontre avec des sportifs de haut-niveau : Marie Rabatel, Axel Zorzi et Cécile Demaude PAGES 6 À 8

Hors-série réalisé dans le cadre d’ateliers crée ton journal Journal associatif et sans publicité déposé au dépot légal de la Bnf. Achevé d’imprimer juillet 2019 par Medcom 39 rue Père Chevrier 69007 Lyon Directrice de la publication : Laurianne Ploix - Ne pas jeter sur la voie publique - Numéro ISSN : 2495 - 9847


Le Tout Va Bien Le TVB est l’un des principaux outils de l’association Tout Va Bien qui a pour objet social la diffusion de solutions à impact positif sur l’environnement, l’individu, la société et le vivre-ensemble. Inspiré du journalisme de solutions, TVB a créé en 2016 le principe de l’initiative au kilomètre. En relayant les démarches inspirantes d’acteurs locaux, l’association espère stimuler les envies d’agir proches de chez soi. Le journal est avant tout un outil citoyen de réflexion collective puisque tout le monde a le droit d’écrire dans ses pages après une courte formation à l’écriture journalistique et la signature de notre charte éditoriale. En passant ensemble en mode solutions, nous espérons voir naître plein d’idées pour réinventer demain.

Édito À l’occasion de la coupe du monde féminine de football qui se déroulait en France cette année, nous avons souhaité nous interroger sur des sportifs professionnels souvent invisibles médiatiquement mais aux performances de haut-niveau. Pour questionner le sport inclusif, nous avons décidé de réaliser ce hors-série avec des jeunes en situation de handicap mental de l’Institut Médico-Educatif Jean-Jacques Rousseau de Vénissieux. Nous avons ainsi mêlé à notre programme d’éducation aux médias Crée ton journal des expériences en rapport avec la coupe du monde féminine de football et le sport inclusif. Après un atelier Décrypt’info adapté, nous avons mené des interviews, suivi la retransmission d’un match de la France sur grand écran et rencontré des champions du monde de foot fauteuil, assister à un match de la Coupe du monde dans le stade de Grenoble, battu un record du monde du match de foot avec le plus de joueurs et de nationalités différentes, et mis en page ce hors-série. Un projet que l’on espère valorisant et instructif pour tous. Laurianne Ploix

SOMMAIRE 3&4

Handicap, femmes, sports méconnus, les chiffres du sport autrement

La coupe du monde féminine de football 5

La coupe du monde féminine en infographie

6

Retransmission du match Nigéria-France à Comunay

7

Le match Jamaïque-Australie au stade de Grenoble

8

La participation au record du monde du match de foot avec le plus de joueurs

Rencontre avec des sportifs handi de haut niveau 9

Axel Zorzi, recordman de France du 100 mètres

10

Cécile Demaude, échanges avec la championne d’escrime-fauteuil

11

Marie Rabatel, « le sport efface les différences »

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Tout Va Bien, le journal qui réinvente demain Association loi 1901 Siège social : 56 route de Genas 69003 Lyon contact@toutvabienlejournal.org Directrice de Publication Laurianne Ploix Journalistes Les jeunes de l’IME Jean-Jacques Rousseau de Vénissieux : Inès, Manal, Jérémy, Enzo, Maxime, Maxence et Hadrien, avec l’aide de Gaêlle Tourral, Sarah Périsse, Christiane Oyewo, Clara Fleury et Laurianne Ploix. Photographies Christiane Oyewo, Clara Fleury et les jeunes de l’IME.

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Les chiffres du sport autrement UNE MÉDIATISATION EN QUESTION 18% de femmes

Le sport féminin a représenté entre 18 % du volume horaire de diffusion de retransmissions sportives en 2018.

SPORT ET HANDICAP

1 % d’handicap

0,8% des personnes vues dans les programmes télévisées sont en situation de handicap

Plus de 26 000 licenciés 52 podiums sur des épreuves mondiales dont 20 titres de champions du monde

Le handicap moteur est sur-représenté dans les médias représentant 50 % des personnes en situation de handicap médiatisées alors qu’il ne touche que 25 % des personnes en situation de handicap.

28 médailles européennes dont 4 titres 309 sportifs inscrits sur les listes ministérielles de sportifs de haut-niveau

le tiers du journal

Le football représente environ le tiers des pages du journal sportif français L’équipe.

DES INÉGALITÉS SALARIALES

Les sports les moins connus et pratiqués sont généralement abordés uniquement lors de grandes compétitions ou de bons résultats français.

25 % des journalistes de presse écrite sont des femmes. Une disparité aussi derrière la création médiatique qui pourrait influencer le traitement de l’information et le choix des sujets sportifs.

Stéréotypes, clichés et reconnaissance

Il reste relativement régulier d’entendre des polémiques autour du traitement médiatique des sportifs et sportives invisibles. On parle d’hypersexualisation pour les femmes, de focalisation sur la cause du handicap plutôt que sur le résultat sportif en handisport. Des stéréotypes de genre restent présents dans des sports très sexués comme la danse ou la boxe. La dernière polémique concernait les sports moins reconnus. Béatrice Edwige, championne du monde de handball avec l’équipe de France féminine en 2017 questionnait le fait que l’on remette une légion d’honneur aux champions du monde de football alors que l’on n’a remis que l’ordre du mérite à l’équipe de France la plus titrée des sports collectifs, celle du handball masculin avec six titres mondiaux et rien aux féminines. Les questionnements pour un sport plus inclusif et égalitaire sont lancés, notamment sur la question des quotas.

Revenus des sportifs les mieux payés dans leurs sports en 2018. Serena Williams est la sportive la mieux payée au monde et 8 des 10 sportives les mieux payées sont des joueuses de tennis. Le calcul des revenus réalisé par Forbes inclut le salaire, les bonus et les revenus publicitaires. Le boxeur Floyd Mayweather était le sportif le mieux payé de 2018 avec 285 millions de dollars de gains.

6%

La sportive la mieux payée au monde gagne 6 % des gains du sportif le mieux payé au monde, en 2018.

Sources : CSA, Minsitère de la jeunesse et des sports, Insee, Fédération Française de Handisport, Forbes.


Les solutions et progressions vers un sport inclusif ÉVOLUTIONS MÉDIATIQUES

DES HANDISPORTIFS DE HAUT-NIVEAU

18 % 14 % 7%

Les retransmisssions de sport féminin sont

passés de 7% en 2012 à 18% en 2016 et devrait dépasser les 20% en 2019, notamment grâce à la coupe du monde féminine de football organisée en France. Aux vues des audiences des matchs de la France, nous pouvons espérer que ce mouvement initié il y a moins d’une dizaine d’années continue de progresser.

x2

Visibilité du handicap dans les médias

Malgré une part toujours très faible, 0,8 % des personnes vues dans les programmes télévisés sont en situation de handicap, ce chiffre a doublé entre 2015 et 2017 notamment avec la diffusion des Jeux Paralympiques de Rio en 2016.

Pour être reconnu comme sportif de haut-niveau, chez les handis comme chez les valides, il faut répondre à des critères établis : - la reconnaissance de caractère de haut-niveau (sport pratiqué aux paralympiques) ; - les compétitions de référence (avoir participé à des championnats d’Europe, du monde, des jeux paralympiques ou des Deaflympics) ; - être inscrit sur des listes ministérielles de haut-niveau et avoir réalisé des parcours d’excellence sportive. La concurrence est rude pour obtenir ce statut, chez les handis comme chez les valides. Pour pouvoir travailler et répondre à ces contraintes, les sportifs peuvent signer un contrat d’insertion professionnelle d’athlète de haut niveau avec une entreprise qui leur libère du temps. Ces contrats sont désormais ouverts aussi aux sportifs handi, comme Cécile Demaude (cf page 10) qui travaille à Pole Emploi qui lui dégage la moitié de son temps pour s’entraîner.

NOMBRE DE FEMMES AYANT UNE LICENCE SPORTIVE ENTRE 2012 ET 2017

Le besoin de représentativité

De plus en plus de personnes insitent sur le besoin de montrer sous un jour positif et inspirant des femmes et des personnes en situation de handicap et une certaine diversité dans les médias. 40% des sujets médiatiques abordant le handicap mental le font sous l’angle d’un fait divers les présentant sous un jour défavorable, pouvant conduire à une disqualification sociale. Voir des sportives de haut-niveau sur le terrain ou à des postes de responsabilité (comme Corinne Diacre, entraineuse de l’équipe de France) et des handisportifs battre des records peut aider les jeunes à avoir des exemples à suivre et s’identifier pour une meilleure progression sociale. Même si nous ne sommes qu’au frémissement d’un sport plus inclusif, d’une diversité plus représentée et d’une marginalisation du sport féminin réduite, des progrès semblent doucement en cours.

LICENCES DE FOOT FÉMININ

Journée internationale du sport féminin

À l’initiative du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) et de partenaires engagés pour cette cause, la journée du 24 janvier est considérée depuis 2014 comme la journée mondiale du sport féminin.

87

fédérations sportives françaises ont élaboré un plan de féminisation afin d’ouvrir et développer la pratique de leur sport aux femmes.

Sources : CSA, Think tank Sport et citoyenneté, Ministère de la Jeunesse et des Sports, FFF


F

La coupe du monde féminine de football en France

D

u 7 juin au 7 juillet 2019, les adeptes du football avaient les yeux rivés sur la France, pays hôte de la 8ème édition de la Coupe du Monde Féminine. Une première pour le pays qui n’avait jusque-là jamais accueilli la compétition féminine. Et une opportunité pour les bleues de faire découvrir leur sport et pourquoi pas, inspirer de nouvelles vocations chez les jeunes filles et femmes de France.

Comme l’a si bien dit le slogan de la coupe du monde féminine, « le moment de briller » (« dare to shine » en anglais) était bel et bien arrivé pour les footballeuses professionnelles. Avec une récompense non des moindres pour les trois meilleures équipes du tournoi : une qualification assurée aux Jeux Olympiques de Tokyo 2020.

Un spectacle d’ouverture au féminin

Les matchs

52 rencontres ont eu lieu sur le territoire français. 9 villes ont reçu l’élite de la discipline. Les de-

mi-finales et la finale se jouaient à Lyon, au Groupama stadium, Parc de l’Olympique lyonnais. Petite nouveauté technologique pour cette édition, l’utilisation de l’assistance vidéo ou VAR (video assistant referees) par les arbitres lors des rencontres.

Sur le plan médiatique

Effet Coupe du Monde à la maison ou non, l’intérêt du public pour les retransmissions de matchs a été inattendu et beaucoup plus important qu’espéré. Près de

11 millions de téléspectateurs étaient

derrière les bleues pour le match d’ouverture contre la Corée du Sud. Du jamais vu pour le football féminin, « un record historique » relate le groupe TF1 dans un communiqué. Si les bleues ne sont pas allées jusqu’en finale, elles ont gagné un tout autre match : la victoire médiatique pour le sport féminin.

La cérémonie d’ouverture durant laquelle la chanteuse française Jain a interprété trois de ses titres dont Gloria – chanson créée spécialement pour l’évènement -, a été suivie par 5,8

teurs.

millions de téléspecta-

Les figurantes l’accompagnant ont donné un

spectacle représentant l’évolution du football féminin. Avec pour bouquet final, la patrouille de France volant au-dessus du Parc des Princes.

Les participantes

Les équipes étant composées de vingt-trois joueuses,

552 footballeuses

ont foulé les pelouses des

stades français. Pour ce tournoi international qui a lieu tous les quatre ans depuis 1991, vingt-quatre nations ont été sélectionnées après des matchs de qualification organisés par les fédérations continentales : L’Afrique du Sud, le Cameroun et le Nigéria pour l’Afrique. Le Canada, les États-Unis, et la Jamaïque pour l’Amérique du Nord et les Caraïbes. L’Argentine, le Brésil et le Chili pour l’Amérique du Sud. Le continent Asiatique avec l’Australie, la Chine, la Corée du Sud, le Japon et la Thaïlande. L’Europe et ses neuf équipes dont l’Allemagne, l’Angleterre, l’Écosse, l’Espagne, la France (pays hôte automatiquement qualifié), l’Italie, la Norvège, les PaysBas et La Suède. Puis la Nouvelle-Zélande pour l’Océanie.

Carte de France des villes hôtes et Ettie, la mascotte officielle de la coupe du monde France 2019. Tous droits réservés à la FIFA.

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SPORT AUTREMENT

Coupe du monde

Match Nigéria-France, retransmission à Communay

L

e 17 juin au soir, nous sommes allés voir la retransmission du match Nigeria-France organisée sur la place de la mairie de Communay par l’association handisport du Val d’Ozon. Ce fut également l’occasion de rencontrer de grands sportifs handisport.

Équipés de petits drapeaux français distribués sur place et maquillés aux couleurs du drapeau tricolore, nous étions prêts pour soutenir l’équipe de France féminine de football pour son troisième match de qualification. Avant le coup d’envoi nous avons interrogé Cécile Demaude, championne d’escrime fauteuil et dont vous pouvez lire notre interview en page 10. Avant le match, nous avons assisté au concert d’un groupe local pour nous mettre dans une ambiance festive. Des champions de foot fauteuil étaient présents et nous avons pu jouer aussi avec d’autres jeunes présents pour le match sur la place de la mairie.

HS TVB #16 - P.6

Le match a commencé et le public a chanté la marseillaise, c’est Amandine Henry, la capitaine de l’équipe de France qui est allée jouer pour savoir quelle équipe allait commencer. Les bleues étaient déjà qualifiées et en tête de leur groupe, la victoire n’était pas obligatoire mais on avait tous envie de les voir gagner. L’équipe de France a gagné 2 buts à 1 et a confirmé sa place de premier de son groupe de qualification. Wendie Renard, la défenseuse centrale, a marqué un pénalty, en deux fois, pour rattraper le but qu’elle avait marqué contre son camp dans le match précédent et reprendre confiance en elle. Même si elle est défenseuse, à la fin de la compétition [où les françaises ont perdu noblement 2-1 en quarts de finale face aux Etats-Unis, trois fois championnes du monde et favorite du tournoi] c’est la joueuse de l’équipe de France qui a marqué le plus de buts dont un doublé de la tête en match d’ouverture, ce qui a fait entonner au public du parc des princes des airs de « Et 1, et 2, et 3-0 » qui rappelait de joyeux souvenirs. Nous étions motivés pour supporter les filles, comme nous le sommes pour les garçons, et nous étions nombreux à Communay et partout en France à soutenir cette équipe féminine. Les matches des bleues ont attirés environ 10 000 spectateurs à chaque fois, l’équité serait-elle en marche ?


SPORT AUTREMENT

Coupe du monde

Le match Jamaïque-Australie au stade de Grenoble

L

e mardi 18 juin à 21h se tenait le match de qualification Jamaïque-Australie au stade des Alpes à Grenoble. L’Australie a remporté le match 4 buts à 1 et s’est qualifiée pour les huitièmes de finale. Nous étions sur place pour un petit reportage.

Sous le soleil grenoblois, nous avons assisté au match dans un stade plein et une ambiance familiale et festive. Dans notre tribune, les supporters de la Jamaïque et de l’Australie étaient mélangés. Au milieu, nous, nous encouragions surtout les belles actions.

Le coup d’envoi

Le ressenti des jeunes Jérémy : « J’ai bien aimé qu’il y ait beaucoup de buts et de coups de pieds arrêtés. » Maxime : « C’est vraiment à refaire, c’était la première fois que j’allais voir un match de foot dans un stade et en plus de Coupe du monde. » Inès : « J’ai tout aimé, tout était super ! »

Face à nous, les équipes ont entonné leur hymnes nationaux. Des personnes tenaient une grande bâche bleue où on retrouvait le symbole de coupe du monde. En arrière plan du stade, on pouvait voir les montagnes encore enneigées puis, plus tard, le soleil se coucher. Nous étions environ 17 442 spectateurs (selon Maxime) au rendez-vous, dont de nombreuses femmes. Une dizaine d’entre elles, juste en -dessous de nous, ont lancé une « ola » qui a fait ensuite le tour du stade plusieurs fois. A la mi-temps les australiennes menaient 2 buts à 0. Au total il y a 5 buts pour un score final de 4 buts à 1. Nous étions ravis de ce beau match.

HS TVB #14 - P.9


SPORT AUTREMENT

Coupe du monde

Record du monde du match avec le plus de joueurs

N

ous avons battu des records du monde ! Le 28 juin dernier nous avons joué au foot sur les pelouses de l’OL Academy de Meyzieu avec Equal Playing Field pour battre le record du monde du match de foot avec le plus de joueurs et de nationalités. Tout ceci afin de défendre le droit des femmes à pratiquer le sport de leur choix, où qu’elles soient.

Ce devait être au départ le record du monde du match le plus long à l’occasion de la coupe du monde féminine, mais la canicule est passée par là et finalement l’enjeu du record du monde a évolué. Le record du nombre de participants dans un match de foot à 5 contre 5 étant de 400, le nouvel enjeu était donc de battre ce record et nos 11 participations ont compté. Après 69 heures de jeu continu, 807 joueurs sur le terrain et un score de 404 à 369, le record du monde a été battu ! Nous n’avons joué que 10 minutes pour des questions de santé mais des joueuses venus d’Inde et du Pakistan ont parfois joué jusqu’à 7 heures en pleine nuit pour battre ce record ! Plus de 50 nationalités se sont succédées sur le terrain pour promouvoir la place des femmes dans le monde et dans le sport.

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Retour sur l’organisateur Equal Playing Field est une initiative populaire à but non-lucratif et à visée internationale. L’objectif de l’association est de lutter contre les inégalités de genre dans le sport et de promouvoir le développement du sport féminin dans le monde, en particulier dans les pays marginalisés. Avec leur slogan Any girl any where (« n’importe quelle fille, n’importe où ») l’organisation n’en est pas à son premier record du monde. Pour faire progresser les chances, l’égalité et le respect des filles et des femmes partout dans le monde, en tant qu’athlètes et en tant qu’êtres humains, des opérations de médiatisation avec le Guiness Book ont déjà été menées. En juin 2017, 28 femmes remportaient le record du monde du match le plus haut du monde, en jouant en haut du Kilimandjaro à plus de 5 700 mètres d’altitude. Des records pour plus de visibilité et d’équité qui ne font que commencer.

L’avis d’Hadrien « On est rentrés avec plein de cadeaux dont une gourde et une tenue de foot. J’ai montré ma tenue à ma mère et à ma soeur qui m’ont dit que j’étais beau dedans, j’étais content. On a eu beaucoup de chance de faire tout ça et on a battu un record du monde ! »


Axel Zorzi, recordman de France du 100 mètres

A

thlète mal voyant de 22 ans, Axel Zorzi est originaire de Lyon où il s’entraîne. Champion de France interclubs handisport 2018, il est depuis juin 2019 recordman de France du 100 m (11,18 secondes) catégorie T13.

TVB : Pour vous, quels sont les valeurs mises en avant par votre sport, l’athlétisme ? AZ : C’est un sport que tout le monde peut faire. Petit, grand, mince, il y a forcément une discipline dans laquelle tu as toutes tes chances. Ça libère tellement l’énergie, c’est que du kiff. Et c’est aussi du partage. On évolue et souffre avec d’autres personnes. C’est pour ça que je fais ce sport. C’est un sport individuel dans la performance mais dans la préparation on n’est jamais seul. On est avec l’entraineur, le partenaire d’entrainement. Il y a beaucoup de personnes qui nous entourent.

SPORT AUTREMENT

Les sportifs de haut-niveau

TVB : Que pensez-vous de la visibilité des sportifs handisport ? Le sport handi est en train d’être médiatisé petit à petit. Je vois ça arriver avec Paris 2024. J’ai l’impression qu’il y a une avancée, que les journalistes essayent des choses. Ne serait-ce qu’avec le mondial féminin retransmis en intégralité. Je trouve qu’on a les mêmes combats de médiatisation [avec les femmes]. On est là, nos stades sont vides, on ne comprend pas pourquoi. Les femmes étaient dans des stades vides puis d’un coup, ils sont pleins. C’est génial. En ce qui concerne le sport handi, ce qui est dommage, c’est qu’on médiatise beaucoup trop les histoires des athlètes. On se focalise sur leurs rêves brisés, on insiste sur le côté tragique, pitié, de compassion. Ça me gêne un peu. Moi je veux qu’on parle des résultats. Les histoires sont intimes, elles nous regardent.

Axel est venu répondre à nos questions à l’IME de Vénissieux. Le jeune homme est plein d’humour et d’énergie. ©TVB

TVB : Un message à faire passer aux jeunes ? AZ : Il faut s’accrocher à ce que l’on croit être la bonne chose. J’ai senti que le sport me disait « viens vers moi » et j’y suis allé. Je ne regrette pas.

Pierre Mathieu, élu sport et handicap au CDOS du Rhône

M

embre du Comité Départemental Olympique et Sportif Rhône métropole de Lyon, Pierre Mathieu du CDOS travaille sur l’inclusion et la promotion des personnes en situation de handicap dans le sport.

TVB : Y a-t-il eu une évolution vis-à-vis du handisport ?

PM : Quand j’ai commencé à travailler, pour beaucoup le handicap n’était que la canne blanche et le fauteuil. On était incapable de savoir quels clubs ou associations étaient en mesure d’accueillir le handicap, ni quel handicap. Cela a un peu changé mais il y a encore du boulot à faire. Il est toujours difficile d’expliquer que des personnes avec la sclérose en plaque, souffrant de surdité ou de troubles mentaux soient handicapés. Mais c’est notre rôle de personne « dans le milieu » d’expliquer que ce n’est pas si simple.

TVB : Qu’en est-il de la médiatisation des sportifs ? PM : Pour ceux qui disent « waouh c’est super » comme si c’étaient des ovnis parce qu’ils font de la compétition, je dis non ! Il faut les considérer comme des athlètes - d’autant plus avec tous les entrainements et les souffrances que cela induit -, ce sont des athlètes de haut niveau. La plupart font le sport qu’ils faisaient avant leur accident ou maladie. Comment font-ils pour rebondir ? Il faut avoir un sacré mental et être bien entouré. Ce qui est dommage c’est qu’il y a des sports dont on ne parle pas car ce qui compte pour la presse et les médias, ce sont bien trop souvent les chiffres et la vente.

TVB : Comment accompagnez-vous les sportifs ?

PM : On essaye de les mettre en valeur en montrant que tout le monde a le droit et peut faire du sport. Qu’on peut en faire ensemble comme le basket ou hand-fauteuil. Pour moi c’est le sport pour tous et tous ensemble, sur le même terrain.

Pierre Mathieu nous a rendu visite à l’IME et accompagné à la retransmission du match en faveur du handisport à Communay. Il nous a également présenté certains sportifs de hautniveau. ©TVB

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SPORT AUTREMENT

Les sportifs de haut-niveau

Échanges avec Cécile Demaude, championne d’escrime

C

écile Demaude, 47 ans, est une escrimeuse française spécialisée en fleuret et en épée. En fauteuil depuis une quinzaine d’années suite à une maladie, elle a commencé l’escrime tardivement comme un loisir avant d’en faire sa passion. Elle est maintenant devenue une athlète de haut niveau dans la discipline.

TVB : Quel sport pratiquez-vous ? CD : Je fais de l’escrime handisport à haut niveau. C’est la même technique que pour les valides mais nous sommes en fauteuil. La seule différence au niveau des règles est que nous n’avons pas le droit de toucher les jambes. Les fauteuils sont bloqués dans un appareil de fixation appelé « Handifix » qui permet de bouger le haut du corps tout en maintenant le bas.

TVB : Quels sont vos meilleurs résultats ? CD : En 2011 j’ai été quatrième au fleuret par équipe au championnat du Monde et vice-championne d’Europe par équipe. J’ai également été sur le podium de 2010 à 2012 au championnat de

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France en épée individuelle ainsi qu’en 2011 et 2012 au championnat de France au fleuret individuel.

TVB : Quelles sont les vertus du sport, notamment pour les personnes en situation de handicap ? CD : Le sport permet de s’épanouir, d’avoir une vie sociale et de s’amuser. C’est un formidable créateur de lien social. On peut faire du théâtre ou d’autre chose mais moi ça a été le sport. Grâce au sport, j’ai même récupéré une partie de ma mobilité.

TVB : Vous avez commencé l’escrime à 29 ans, il n’y a donc pas d’âge pour commencer ? CD : Non, j’ai commencé à 29 ans en effet et je n’étais pas du tout la seule. Dans mon club Le masque de fer, à Lyon, il y a des personnes qui débutent à 35-40 ans. Il n’y a pas d’âge pour faire du sport.

TVB : Pensez-vous qu’il existe des sportifs invisibles ? CD : Les médias traitent souvent des mêmes sports, comme le foot, et oublient les autres. On parle peu du handisport, alors que l’on s’entraine comme tous les sportifs de haut-niveau, plusieurs heures par jour, que l’on se déplace dans le monde entier, et que le handisport est vraiment en train de se professionnaliser. Je suis d’ailleurs toujours en recherche de sponsors pour financer ma nouvelle saison. Il reste donc encore des progrès à faire mais ça évolue.


SPORT AUTREMENT

Les sportifs de haut-niveau

Marie Rabatel, « le sport efface les différences »

A

ncienne lanceuse de disque, Marie Rabatel est présidente de l’Association Francophone de Femmes Autistes. Elle est engagée pour une meilleure compréhension de l’autisme, et pense que le sport a un rôle positif très important auprès de certaines personnes.

TVB : Comment avez-vous découvert le sport ? MR : J’ai découvert la pratique du sport au collège. J’étais une enfant qui courait tout le temps, qui sautait de partout et qui «ne tenait jamais en place» dixit mes parents et les enseignants. Un professeur a eu la bonne idée de m’aider à canaliser cette energie. Il manquait une personne dans une équipe pour une compétition scolaire UNSS et le professeur de sport m’a proposé d’y participer. Lors de cette compétition, il m’a été demandé de lancer le disque. Je n’avais jamais lancé cet engin. Ce prof de sport m’a rassuré et m’a dit que ce n’était pas si difficile, il m’a montrée à plusieurs reprises et a terminé en me rappelant que pour la force dans le disque, il suffisait de faire comme si je mettais une claque à quelqu’un avec beaucoup de colère. J’ai donc imité son geste et mis de la force. Le disque est parti à plus de 30 mètres ce qui est beaucoup quand on n’en a jamais fait. Je ne sais pas si c’est la colère qui était en moi mais j’ai du rassembler le cumul de claques que les camarades de l’école m’infligeaient. Il est possible que je devais avoir beaucoup de colère. Suite à ces jets, j’ai été repérée comme ayant des compétences dans cette discipline et j’ai donc continué ce sport. Les élèves ont changé leur regard et m’ont vu comme une sportive. J’étais beaucoup moins harcelée. Depuis, j’ai été plusieurs fois championne de France FFA au lancé de disque, cinq ans en équipe de France FFA. J’ai également participé à diverses compétitions internationales avec une 4ème place au Gymnasiades, qui sont les Jeux olympiques du sport scolaire, et une 4ème place au championnat d’Europe Cadet. Gagner m’importait peu. Je ne lançais pas pour gagner mais pour ressentir des sensations dans mon corps. J’ai eu la chance de rencontrer des entraîneurs de qualités qui m’ont vue en tant

que sportive et non comme une personne avec un handicap. Il m’a été proposée d’intégrer le sport étude France à Salon de Provence dès le passage au lycée. Melina Robert Michon, qui est vice-championne olympique aujourd’hui, s’entraînait dans le même groupe de lancer que moi, c’est assez rigolo.Puis, après des ennuis de santé, je me suis engagée pour aider à comprendre l’autisme, à s’exprimer grâce au sport et à défendre le droit des femmes

TVB : Le sport peut-il aider des jeunes en situation de handicap ? MR :Quand on rentre dans l’adolescence et que l’on est hors d’une norme sociale, on peut ressentir le rejet de la société. Le sport m’a permis de limiter ce vécu. Lorsque l’on pratique du sport, personne ne regarde nos déficiences, si l’on parle ou ne parle pas. Il y a beaucoup moins de disparités. Nous sommes au contact et en relation avec des personnes qui font la même chose que nous ; nous sommes ensemble, fille, garçon, handicap ou non. Personne ne prête attention à ces différences, d’ailleurs tout le monde s’en fiche. Le sport efface la différence. L’intérêt du sport c’est qu’on peut tous le pratiquer. Nous avons tous des capacités, mais il faut nous donner la chance de les exploiter. Parfois on ne sait pas faire des choses simples mais nous pouvons faire des choses qui peuvent sembler compliquées, nous sommes tous capables de quelque chose. Il faut croire au potentiel de chacun. Le sport est un vecteur de lien social, d’épanouissement et favorise l’expression. On rencontre de nouvelles personnes, on crée des sensations dans notre corps et on s’exprime dans le faire et non dans le dire.

TVB : Que pensez-vous de la médiatisation du handisport ? MR : Les médias montrent ce que la société veut voir et il semble exister un rejet de toutes les différences dont le handicap, dans notre société. L’une des solutions pour remédier à cela serait d’évoquer davantage le handicap dans la vie de tous les jours sans stigmatisation. HS TVB #16 - P.11


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