Tvb hors-série n°8 Les origines de l'humanité

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Journal associatif et participatif, sans publicité, à retrouver sur le site toutvabienlejournal.org ou par abonnement. Édition Lyon -Hors-série N° 8 GRATUIT

UNE INFORMATION INDÉPENDANTE

HORS-SÉRIE N°8 LES ORIGINES DE L’HUMANITÉ

DES SOLUTIONS LOCALES SPÉCIAL MÉTROPOLE LYON

Rencontre avec une jeunesse qui bouge

Les collegiens s’essaient au journalisme de solution

l’éthiopie, berceau de l’humanité

Shoki souhaite remercier Said, Issa, Ismail et Geneviève.

NE PAS JETER SUR LA VOIE PUBLIQUE - NUMERO ISSN : 2495 - 9847 Journal mensuel sorti en fin de mois et déposé au dépot légal de la Bnf.

© GUYDA SCHIFFMACHER

L’Éthiopie, un pays et des origines

Professeur Lumley, les prémices de l’humanité p. 4

Le projet du Musée des origines de l’Homme à Addis-Abeba p. 6 & 7

En partenariat avec

p. 5

Ca bouge en Éthiopie : les dernières innovations p. 8

Hors-série réalisé en partenariat avec l’association France-Éthiopie Corne de l’Afrique soulignant l’origine commune de l’humanité Tout va bien, association loi 1901 d’intérêt général - Siège social : 56 route de Genas, 69003 Lyon - Directrice de publication : Laurianne Ploix Achevé d’imprimé le novembre à MEDCOM 39 rue Père Chevrier 69007 Lyon - Pour toute remarque : contact@toutvabienlejournal.org - Site web : toutvabienlejournal.org


L’équipe de rédaction

MÉLANIE Libraire depuis dix ans, formée en RH, elle aime les petits et les grands papiers.

L’édito

GUILLAUME Libraire et passionné de vinyles, c’est un grand féru de culture.

En questionnant l’origine de notre humanité, nous nous rendons compte que nous partageons tous les mêmes racines. Fédérer l’humanité autour de son évolution et de son enjeu d’avenir nous semble une solution constructive. Cette édition a été réalisée en partenariat avec l’association France-Éthiopie Corne de l’Afrique qui accompagne le projet de création d’un musée des origines de l’humanité qui viendra compléter les collections actuelles du musée d’Addis-Abeba. Pour comprendre l’utilité de ce musée créé en coopération avec des chercheurs internationaux, le musée des Confluences et des institutions de la métropole de Lyon, nous vous emmenons en voyage au pays des origines.

Le Tout va bien CLAIRE Correctrice et secrétaire de rédaction, elle traque les fautes qui se cachent dans le journal.

MYLAINE Sensible à la solidarité et à l’optimisme, Mylaine est une jeune pleine de vie.

MARIE Étudiante curieuse et voyageuse, Marie est toujours de bonne humeur.

LAURIANNE Directrice de la publication et fondatrice du TVB, elle croit en la nécessité de montrer de nouveaux exemples.

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Tout va bien est une association loi 1901 d’intérêt général. Son objet social est la diffusion de solutions et son objectif est de se faire le relais fédérateur entre les initiatives constructives et innovantes d’un territoire donné et ses habitants en quête d’inspiration. Elle a pour but de proposer d’autres exemples de « héros médiatiques » au grand public, de mettre en lumière tous ceux qui agissent dès maintenant pour répondre aux problématiques actuelles et à celles du futur, afin de construire ce dernier de la manière la plus pacifique et responsable possible. Premier journal local de journalisme d’impact, Tout va bien, c’est avant tout le parti pris de regarder l’actualité à travers un nouveau prisme : celui des solutions existantes, celui de « l’après constat ». Tout va bien, c’est aussi un journal impliqué dans la vie locale. Nous avons créé le principe de l’initiative au kilomètre et nous souhaitons être un pont entre d’une part tout acteur local (associatif, chercheur, innovateur, entrepreneur social, soignant, particulier ou privé) porteur d’une idée ou d’un projet qui participe au bien-être individuel, collectif ou environnemental, et d’autre part ses voisins, nos lecteurs. Nous parlerons essentiellement de projets dans l’agglomération lyonnaise et nous vous permettrons de bénéficier de réductions chez ces acteurs de la porte d’à côté, pour vous informer mais aussi vous donner l’envie d’essayer autrement. Nous organisons également des événements pour apprendre et expérimenter des solutions simples et accessibles, se rencontrer et mettre en lumière ces porteurs de projets innovants.

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L’Éthiopie, pays des origines

L’ÉTHIOPIE, PAYS DES ORIGINES L’Éthiopie, officiellement appelée République fédérale et démocratique d’Éthiopie, est un pays de la corne de l’Afrique, situé à l’extrême est du continent, entre la Somalie, le Kenya, le Soudan, l’Érythrée et Djibouti. Pour découvrir ce pays qui entretient de très bonnes relations avec la France, nous avons rencontré Monsieur l’ambassadeur d’Éthiopie en France et délégué permanent pour l’Éthiopie à l’Unesco, Nega Tsegaye Tessema. Ce dernier nous expliquait que l’Office du tourisme éthiopien parlait de son pays comme de la terre des origines : « Etiopia, a land of origins. » L’Éthiopie est l’une des plus anciennes civilisations au monde et l’endroit où l’on a retrouvé les plus vieux Homo sapiens. Le Nil prend sa source en Éthiopie. Le Nil bleu rejoint le Nil blanc, qui naît au Soudan pour devenir le grand fleuve Nil d’Afrique de l’Est. Les chutes d’eau du Nil bleu, à proximité du lac Tana, valent d’ailleurs le détour. Le café trouve également son origine en Éthiopie. Neuf sites dans le pays sont inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco.

Une économie en plein boom L’ambassadeur nous expliquait également que « l’Éthiopie est la seconde plus grande population d’Afrique après le Nigéria et que 60 % des Éthiopiens ont moins de 40 ans. Cela place le pays à la pointe du dynamisme économique et innovant du continent. La croissance économique est à plus de 10 % depuis trente ans et nous sommes en pleine mutation. Nous passons d’une économie agricole à une économie industrielle. Notre agriculture est la plus importante d’Afrique et se classe dixième dans le monde. Nous sommes le deuxième exportateur au monde de roses coupées. Mon travail consiste à booster les investissements et le commerce dans mon pays et cela fonctionne plutôt bien ». Un pays innovant en matière d’énergies renouvelables Avec ses nombreux cours d’eau, l’Éthiopie est un giganstesque laboratoire pour les énergies renouvelables. « La plupart de notre énergie est produite par des barrages hydroélectriques et nous exportons déjà

Shoki Ali Said (à gauche), président de l’association France-Éthiopie Corne de l’Afrique et Monsieur l’ambassadeur d’Éthiopie en France et délégué permanent de l’Éthiopie à l’Unesco, Nega Tsegaye Tessema (à droite). © L.PLoix

notre énergie aux pays voisins comme Djibouti ou le Soudan. Pour atteindre les 100 % d’énergies renouvelables, nous pouvons également nous appuyer sur le solaire et la géothermie qui ont un fort potentiel dans le pays. Ce défi écologique, nous sommes les premiers à souhaiter le relever en Afrique », nous anonçait l’ambassadeur. Les fouilles de la vallée de l’Omo Célèbre pour ses églises enterrées, l’Éthiopie est la seconde plus vieille nation chrétienne au monde et montre aujourd’hui un exemple de cohabitation de croyances religieuses (orthodoxes, catholiques, protestants, musulmans et quelques minorités). On la considère également souvent comme le berceau de l’humanité du fait des nombreuses découvertes préhistoriques réalisées dans la vallée de l’Omo au sud du pays. Les fouilles sont encore en cours dans la vallée et de nombreux fossiles découverts permettent d’expliquer au mieux l’évolution de notre humanité. Une étroite collaboration avec la France « De nombreuses villes éthiopiennes sont jumelées avec des villes françaises, c’est le cas de Charleville-Mézières avec Harar, de Vincennes avec Gondar, du Blanc-Mesnil, mais aussi de Lyon et Villeurbanne. Nous faisons un travail extraordinaire avec le Grand Lyon, notamment grâce à une coopération pour la construction du Musée des origines de l’homme. De nombreux projets sont en cours et ces partenariats sont nécessaires, nous ne cesserons de les élargir », soulignait l’ambassadeur d’Éthiopie, qui partage son temps entre la France, l’Éthiopie, la Tunisie, l’Espagne, le Portugal et le Vatican où il a noué des relations.

par Laurianne Ploix

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Les origines de l’humanité

LES PRÉMICES DE L’HUMANITÉ PAR HENRY DE LUMLEY Le professeur Henry de Lumley, préhistorien célèbre, est à l’origine de nombreuses découvertes, dont la datation de la domestication du feu (évaluée à il y a environ 400 000 ans) prouvée lors des fouilles d’urgence à Terra Amata (Nice) ou l’Homme de Tautavel (Homo erectus européen évolué). Travaillant et écrivant régulièrement avec son épouse Marie-Antoinette de Lumley, il est l’auteur notamment de L’Homme premier (Odile Jacod, 1988, réédition 2009) et de L’Univers, la vie, l’Homme : émergence de la conscience (CNRS, 2012). Nous avons rencontré cet expert reconnu de la préhistoire, chevalier de la Légion d’honneur. TVB : Pourriez-vous nous parler des origines de l’humanité ? PR. HdL : Il y a environ 7 millions d’années, des primates se mettent debout et marchent debout, ils acquièrent ce que l’on appelle la station bipède, ce sont les premiers Hommes. Ils sont encore occasionnellement arboricoles (c’est-à-dire qu’ils vivent dans les arbres), leur station bipède est imparfaite et ils ne taillent pas d’outils. Les conditions atomiques du crâne prouvent qu’ils ne peuvent pas encore

Le Professeur Henri de Lumley en visite au musée des Confluences en septembre 2017. © L.PLoix

avoir de langage articulé. Ils sont essentiellement végétariens et se nourrissent de racines, de fruits et de beaucoup de graminées, d’où l’usure de leurs dents. Être debout est une condition nécessaire pour être un Homme, mais n’est peut-être pas suffisante. Cependant, de nombreuses découvertes en Éthiopie, d’hominidés d’il y a au moins 5 millions d’années à des australopithèques d’il y a moins de 2 millions d’années, permettent d’analyser cette première phase de l’arrivée de l’Homme. On les appelle les préhumains.

1 million d’années. Grâce aux fouilles réalisées sur ce site, on a pu déterminer le comportement et les modes de vie de ces premiers Hommes. Ils étaient déjà des mangeurs de viande, mais ils ne chassaient pas : c’étaient des charognards qui récupéraient la nourriture sur les carcasses d’herbivores tués par les carnivores. Ils étaient en concurrence avec l’hyène géante pour récupérer ces carcasses et disposaient d’outils prétaillés peu évolués. C’est la deuxième étape de l’évolution morphologique et c’est la première étape de l’évolution culturelle.

Ensuite, vers environ -2 millions et demi d’années, au sein des australopithèques, une nouvelle forme apparaît : l’Homo habilis. Et là ce sont bien de véritables humains essentiellement bipèdes et marcheurs (ils avaient des voûtes plantaires). Ce sont les premiers à fabriquer des outils et c’est en Éthiopie que l’on a retrouvé les plus anciens outils taillés du monde, datant d’environ -2,5 millions d’années. Puis, en étudiant leur crâne, on a défini qu’ils pouvaient parler. Avec l’apparition du langage articulé et en inventant l’outil, l’Homme a introduit dans l’histoire de la vie la dimension culturelle. Dans la vallée de l’Omo, au sud du pays, le site de Fejej date d’environ

La troisième étape de l’évolution morphologique de l’Homme, qui se situe vers environ -1,5 million d’années, correspond à l’Homo erectus. Les travaux menés à Konso (sud de l’Éthiopie) montrent qu’Homo ererctus était devenu chasseur grâce à des outils plus travaillés, comme le biface (une sorte de couteau préhistorique). En devenant chasseur, l’Homme peut changer son alimentation qui devient beaucoup plus protéinée. En tuant ses propres proies, il lui est désormais possible de manger l’animal entier, y compris les viscères, et de ne plus se contenter uniquement « des restes comme les charognards ». Ces Hommes développent une industrie de chasse et deviennent plus robustes. Beaucoup plus tard, les Homo erectus vont domestiquer le feu et modifieront encore leur alimentation et leurs modes de vie. C’est à cette période que naît la pensée mythique. Puis vers -100 000 ans apparaît Homo sapiens, qui développe des outils encore plus évolués. Ce sont les hommes modernes, ceux qui correspondent à ce que l’on est aujourd’hui et les uniques survivants de la lignée Homo. Ils se caractérisent par la pensée, la conscience de soi, leur sensibilité à l’art et à la spiritualité. Puis l’Homme se coupe de la nature, il devient agriculteur et passeur, et non plus chasseur-cueilleur, il produit sa propre nourriture. À cette époque-là, les Hommes enterrent leurs morts et on peut retrouver des dolmens et autres créations mégalithiques.

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Les origines de l’humanité TVB : C’est ce cheminement-là que vous souhaitez expliquer à travers le projet du Musée des origines de l’humanité à Addis-Abeba auquel vous participez ? PR. HdL : Nous avons en effet en projet de faire un grand musée de la préhistoire, pour expliquer les grandes étapes de l’évolution humaine et prouver que l’évolution n’est pas une théorie mais résulte de faits d’observation et d’analyses de fossiles que nous exposerons au public. Le grand message véhiculé par ce musée sera que tous les hommes ont une origine commune, qu’ils font partie de la même espèce : nous sommes tous cousins les uns des autres. Ce musée, nous souhaitons le réaliser en Éthiopie car c’est le pays au monde où il y a le plus de découvertes fossiles concernant l’origine de l’humanité, pour travailler non seulement autour de l’évolution morphologique mais également culturelle de l’humanité. Nous avons retrouvé en Éthiopie les plus vieux outils du monde, de nombreux squelettes d’australopithèques avec certains crânes complets, et d’autres moins, comme celui de Lucy. Je suis certain que l’on peut trouver un autre Toumaï en Éthiopie (ndlr : premier hominidé bipède découvert au Tchad et vieux de 7 millions d’années). Après les fouilles, le travail de laboratoire est important et le musée accueillera un centre de recherches directement sur place. TVB : En ayant longuement analysé l’Homme d’hier, que pouvez-vous en conclure quant à l’Homme de demain ? PR. HdL : L’évolution culturelle a pris le pas sur l’évolution morphologique et il faudrait que l’Homme soit suffisamment sage et responsable pour savoir que jamais il ne pourra se couper des racines qui le relient à son milieu naturel. Il doit créer une nouvelle éthique planétaire susceptible d’assurer son avenir et son insertion en équilibre dans le monde actuel. L’évolution continuera dans tous les cas. Mais il faut au moins 100 000 ans pour voir une différence morphologique significative entre les Hommes alors que l’évolution culturelle actuelle s’est emballée et ne cesse de s’accélérer. Par Laurianne Ploix

De gauche à droite : Cédric Lesec, chef de cabinet à la direction générale du musée des Confluences, Shoki Ali Said, président de l’association France-Éthiopie, et le professeur Lumley au musée des Confluences en septembre 2017.

ÉLODIE RENÉ : « NOS ORIGINES NOUS RELIENT » Élodie René a grandi en Éthiopie jusqu’à l’âge de sept ans. Coordinatrice des projets culturels de l’association France-Éthiopie Corne de l’Afrique, elle aborde dans cette interview les origines de l’humanité et le projet du musée dans lequel l’association détient un rôle majeur. TVB : Pouvez-vous nous parler de l’association France-Éthiopie Corne de l’Afrique ? Élodie René : L’association a été fondée en 2008, avec pour objectif de créer des passerelles, des liens entre le territoire de la métropole du Grand Lyon et l’Éthiopie, en particulier avec les villes d’Addis-Abeba, jumelée avec Lyon, et de Diré Daoua, jumelée avec Villeurbanne. L’association a d’abord commencé à organiser des événements pour valoriser la culture éthiopienne à Lyon, la faire connaître aux habitants du territoire de la métropole et aussi créer des liens entre les diasporas éthiopiennes présentes sur le territoire et les autres habitants. L’idée est de favoriser la cohésion sociale, de valoriser la diversité culturelle comme un atout et une richesse pour le territoire. Il s’agit aussi de lutter contre les logiques de discrimination, d’exclusion et de montée du racisme. L’origine de ces réactions de rejet se trouve souvent dans l’ignorance et la peur, et quand on organise des événements conviviaux, les gens se parlent, se rencontrent… On apprend les uns des autres, les cultures se mélangent et c’est une façon très concrète de lutter finalement contre les crispations identitaires. L’association a plusieurs objectifs, et à travers ces échanges culturels plusieurs choses se passent : elle accueille des étudiants éthiopiens qui viennent à Lyon, mais aussi des délégations éthiopiennes d’officiels éthiopiens qui viennent rencontrer leurs homologues de Lyon ou de Villeurbanne. Elle met également en place des jumelages, des partenariats avec des structures en France et en Éthiopie, notamment dans le domaine universitaire. L’asso-

ciation, et notamment son président Shoki Ali Said, suit de très près le projet du musée sur les origines de l’humanité depuis plus de quinze ans. Il joue un rôle majeur concernant la concrétisation de ce projet qui lui tient très à cœur. TVB : Pouvez-vous nous parler de ce projet de Musée des origines de l’humanité à Addis-Abeba ? ER : Le musée est un projet en discussion depuis de nombreuses années, presque vingt ans maintenant. Le professeur Henry de Lumley est vraiment l’un des initiateurs phares de ce projet, car l’Éthiopie est un des pôles mondiaux de la recherche en paléontologie, paléoenvironnement et paléoanthropologie. Il y a plusieurs finalités concernant la construction de ce musée : un objectif de conservation des richesses paléoanthropologiques pour éviter que les fossiles se dégradent et une volonté de les valoriser à la fois sur un plan scientifique et humain. L’idée est de créer des laboratoires et des centres de recherche associés pour faire avancer la recherche mondiale sur les origines de l’humanité et plus généralement sur la compréhension du monde dans lequel nous vivons. Cela nous donne des grilles de lecture pour comprendre le présent et pouvoir mieux appréhender l’avenir et s’y positionner. Ce qui induit donc un vrai

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Le musée des origines de l’Homme enjeu de diplomatie scientifique internationale pour l’Éthiopie, mais également un enjeu de préservation du patrimoine mondial de l’humanité. Les enjeux de ce musée dépassent le seul cadre national éthiopien : ils concernent l’ensemble de l’humanité. Il va y avoir non seulement la rénovation entière du musée d’Addis-Abeba, mais également la construction de 4 000 mètres carrés pour un nouveau musée qui abritera des expositions permanentes et des laboratoires de recherche, des bureaux, des auditoriums pour organiser des conférences internationales et puis des salles très spécifiques pour la conservation des pierres. L’architecture est l’âme du musée, c’est sur cet enjeu majeur que se porte surtout la coopération entre le musée des Confluences, le musée d’Addis-Abeba et l’association France Éthiopie Corne de l’Afrique. TVB : Le message du musée vise donc à prouver l’origine commune de l’humanité ? ER : C’est un enjeu très important de montrer que l’on a tous les mêmes origines et qu’elles se trouvent en Afrique. C’est vraiment un message fort qui sera aussi passé au musée et porté par le musée. On a tous un intérêt à collaborer et à rechercher des origines communes. Il n’y a pas de race, il y a une seule origine et on est tous humains. C’est également important de noter que, pour une fois, un projet d’une telle ampleur est mené dans un pays africain, pas aux États-Unis, en Australie ou en Europe. C’est essentiel que l’Afrique prenne un rôle de leader sur ces questions. TVB : Quel est votre opinion sur l’origine de l’humanité ? ER : Je pense qu’aujourd’hui, en 2017, la planète entre dans une nouvelle ère géologique. On fait face à des enjeux planétaires mondiaux d’une ampleur phénoménale que la terre n’a pas connus depuis des di-

zaines de milliers d’années, voire des millions d’années, des enjeux climatiques extraordinairement importants. On prévoit plus de deux degrés de réchauffement global d’ici 2050, cela fait des +5 sur les zones continentales et on parle d’environ 250 millions de réfugiés climatiques d’ici 2050. On évoque également la sixième extension de masse de la vie sur la planète qui serait d’origine humaine. Les causes de la disparition du vivant, de la biodiversité sont humaines : l’industrie, les polluants, le changement climatique, les terres cultivées au détriment des terres sauvages, etc. Tous ces enjeux auxquels l’ensemble de l’humanité est confrontée impliquent une énorme coordination sur le plan mondial. C’est très compliqué de se coordonner, de travailler ensemble et de faire face à ces enjeux, mais nous n’avons pas le choix. Dans ce contexte-là, la recherche sur l’histoire de l’origine de l’humanité est fondamentale et derrière, on touche également à l’origine de la vie. On a besoin de comprendre d’où l’on vient, notre passé, pour pouvoir faire face à l’avenir. Quand on parle de l’origine de l’humanité, je pense que l’on parle également de notre présent, de l’importance de s’unir, d’être solidaires, de trouver des solutions communes, de prendre le temps de regarder notre histoire, nos origines communes, et de comprendre que notre avenir est commun. À travers tous ces projets, on veut porter un nouvel espoir, ouvrir de nouveaux possibles. Au-delà des réponses techniques que l’on peut apporter, les solutions sont à mon sens avant tout citoyennes, politiques, elles sont dans ce vivre-ensemble, dans cette conscience que l’on a de notre environnement et de notre humanité. Elle est en chacun d’entre nous. C’est ici et maintenant, avec beaucoup de solidarité et d’amour, qu’il nous faut agir. Par Mylaine Clément

MAURICE TAIEB, PARRAIN DU PROJET Grand géologue français d’origine tunisienne, Maurice Taïeb participa à la découverte de la formation de Hadar en Éthiopie et de l’Australopithecus afarensis surnommé Lucy en 1974. Auteur de Sur la terre des premiers hommes (Robert Laffont, 1985), le scientifique soutient le projet de musée sur l’origine de l’humanité et sera présent à Lyon pour une conférence sur l’anthropocène en 2018 avec l’association France-Éthiopie Corne de l’Afrique.

les prochaines rencontres L’association France-Éthiopie organisera en 2018 une série d’événements culturels sur la thématique de l’origine de l’humanité. Le 4 décembre, inauguration de l’exposition photo Lumières d’Éthiopie à la mairie du 7e arrondissement de Lyon avec une cérémonie du café et un buffet éthiopien proposés par le restaurant Mesob, ainsi qu’un défilé de mode des créations d’Urban Roots Eco avec Miss Éthiopie 2017. Le 13 janvier, le Noël éthiopien aura lieu au CCVA de Villeurbanne. Le 23 janvier, Maurice Taïeb donnera une conférence sur l’anthropocène à l’université Lyon-3. En février 2018, une conférence sur les origines de l’humanité sera organisée à l’hôtel de ville avec le professeur Henry de Lumley.

Signature du partenariat entre le musée des Confluences de Lyon et le Musée national d’Addis-Abeba, à Lyon en 2017. De gauche à droite : M. Samuel Isa Chala, conseiller de la coopération entre la France et l’Éthiopie, M. Yonas Desta, directeur général du Musée national éthiopien, M. l’Ambassadeur d’Éthiopie en France, Nega Tsegaye Tessema, M. Max Vincent, délégué de la coopération au Grand Lyon, M. Pascal L’Hullier, chef de projet de la coopération décentralisée, M. Shoki Ali Said, président de France-Éthiopie, M. Cedric Lesel, chef du cabinet de la direction générale du musée des Confluences. Au premier rang, Mme Mamitu Ylma, directrice du Museum national d’Addis-Abeba, et Mme Hélène Lafont-Couturier, directrice du musée des Confluences de Lyon.

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En octobre 2018, l’association organisera des Dialogues en humanité en Éthiopie.


ça bouge en Ethiopie nécessaire pour étudier et sociabiliser même après le coucher du soleil. Le temps gagné permet aux enfants de s’éduquer et aux adultes de développer leur artisanat. Aujourd’hui, la Warka Tower s’exporte partout dans le monde et s’adapte même aux zones désertiques.

LES DERNIÈRES INNOVATIONS ÉTHIOPIENNES L’ambassadeur d’Éthiopie nous vantait le dynamisme de l’économie éthiopienne. Nous avons été voir ce qu’il se passait du côté de l’économie sociale et solidaire en terre des origines et nous vous avons gardé trois innovations utiles et inspirantes.

Warka Water, La tour qui crée de l’eau potable Début 2015, une grande avancée a lieu pour le quotidien des habitants d’un village près de Bahar Dar, dans le nord du pays. La Warka Tower est installée pour la première fois. Cette tour en bambou peut capturer l’eau dans l’air ambiant et ainsi fournir entre 50 et 100 litres d’eau potable par jour. Dans un pays ou plus d’un tiers de la population n’a pas accès à une eau saine et où la mortalité infantile, liée au choléra, est bien trop importante, le projet est prometteur. Cette innovation, la population du village la doit à Arturo Vittori, architecte italien qui, lors d’un voyage en Éthiopie, se trouve choqué de voir femmes et enfants parcourant jusqu’à six kilomètres chaque jour pour puiser de l’eau, souvent insalubre et partagée avec les animaux. Il conçoit alors une structure simple, très peu énergivore, qui colle au mode de vie des villageois. Un système inspiré des traditions locales L’architecte tire son idée des nombreux insectes ou plantes qui parviennent à capter l’eau

de leur environnement dans leurs tissus et ainsi survivre à des conditions hostiles. Il observe également les coutumes des populations locales, étudie comment sont réalisés les habitations et l’artisanat. La tour prendra finalement une forme similaire au warka, un figuier géant sous lequel se retrouve la population et où les professeurs dispensent leurs leçons. Fabriquée majoritairement en bambou, ressource locale abondante, la tour contient également des mailles en matériaux biodégradables et recyclables (polyester, tiges de bambou). Le tissage fin comme un filet récolte l’eau de pluie en période de mousson, et lors des périodes sèches, les particules d’eau contenues dans l’air sont capturées par un tissu tendu à l’intérieur de la structure. Le système n’utilise alors que la condensation et la gravité et ne nécessite aucune machine. La Warka Tower peut être construite et installée en quelques jours par une dizaine de personnes à l’aide d’outils de base. Son prix ne dépasse pas les 1 000 euros. Elle peut donc aisément être reproduite par les locaux avec le matériel dont ils disposent sur place. Preuve, s’il en était besoin, de l’ingéniosité du système, l’innovation a remporté le World Design Impact Prize 2015-2016. Une solution multifonctions adaptée à la population La tour de bambou répond aussi à d’autres besoins. À l’image du grand figuier, elle apporte ombre, espace et fraîcheur à ceux qui souhaitent se rassembler. Encore mieux, le concept du Warka Garden utilise, sous chaque tour, une partie de l’eau récoltée pour cultiver des fruits et légumes qui nourrissent une à trois familles. Enfin, des panneaux photovoltaïques peuvent être installés au sommet de la tour, permettant à la population de charger téléphones et ordinateurs et produisant la lumière

Urban Roots Eco, la mode éco-responsable Ruth Woldeselasie est une jeune styliste éthiopienne qui brille sur la scène internationale avec des créations de mode réalisées entièrement à partir de matières naturelles, recyclables et biodégradables. Après avoir travaillé avec Jean-Paul Gaultier, Moschini et avoir participé à la Fashion Week de New York, Ruth, ancienne top modèle vivant aujourd’hui à Londres, organise avec l’association France-Éthiopie Corne de l’Afrique la première Fashion Week eco-organic au monde début décembre, et ce sera à Lyon.

Drones against Tsetse, utiliser des drônes pour éradiquer la maladie du sommeil Drones against Tsetse, une initiative éthiopienne lancée par Embention, souhaite éradiquer la maladie du sommeil en dispersant avec des drônes des mouches tsé-tsé mâles stériles, évitant ainsi la reproduction des mouches responsables de la transmission de la maladie. Aujourd’hui, 5 000 mouches stériles sont libérées dans des flacons biodégradables par vol opéré. Mais le projet, demi-finaliste 2016 du concours Drones for Good, pense désormais multiplier son impact et réduire son coût à long terme en utilisant des drônes et en dupliquant l’opération pour d’autres maladies.

par Marie Le Gallou et LP

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Détente

LE CAFÉ ÉTHIOPIEN Son histoire L’arabica est apparu il y a des siècles dans les régions montagneuses d’Éthiopie. Pour avoir la meilleure qualité organoleptique du grain torréfié, l’altitude doit être supérieure à 900 mètres. C’est au xiiie siècle que les marchands arabes transportèrent pour la première fois du café de la province de Kaffa jusqu’au Yémen. Kaffa, une région au sud-ouest d’Addis-Abeda, donnera plus tard son nom au café. Sa légende La légende raconte qu’un jeune chevrier nommé Kaldi promenait ses bêtes qui devinrent toutes excitées après avoir mangé de petites baies rouges. Kaldi goûta à son tour cette baie amère et se retrouva alors lui aussi plein d’énergie. Là, la légende diverge. Une première version dit qu’il aurait apporté des grains dans son village et les aurait torréfiés pour les rendre comestibles. Les villageois auraient apprécié, et certains auraient eu l’idée de les moudre et d’y verser de l’eau chaude dessus. Deuxième version, Kaldi aurait rapporté les grains

IDÉE LECTURE Yuval Noah Harari, historien et professeur d’histoire à l’université hébraïque de Jérusalem, a le projet ambitieux de nous narrer l’histoire de l’humanité dans Sapiens, une brève histoire de l’humanité. Son tour de force est que son livre se lit comme un roman du début à la fin, ce qui contribue grandement à son succès international en librairie. Pour ce faire, il utilise beaucoup d’exemples et d’illustrations et quelques suppositions quant aux zones d’ombre. Posée à plat, comme ça, l’histoire nous laisse une drôle d’impression. Comment sapiens a-t-il conquis le monde ? Comment est-on passé du troc à la monnaie , de petits villages à nos mégalopoles actuelles ? Pourquoi des milliers d’espèces animales ou végétales n’ont-elles pas survécu à notre frénésie ? Quelles sont les prochaines voies que l’histoire prendra ? Il aborde et développe ces pistes dans son dernier chapitre ainsi que dans son dernier opus, Homo Deus : une brève histoire de l’avenir. Guillaume Arfeuille

au monastère et l’abbé, exaspéré de ne pas arriver à les préparer, aurait jeté sa mixture au feu. L’agréable odeur qui se serait alors échappée l’aurait incité à torréfier les grains et à créer une boisson 1. Cette boisson aurait longtemps été connue en Éthiopie, mais pas dans le reste de la Corne de l’Afrique. Sa culture « Aujourd’hui, la culture du café éthiopien est devenue l’une des principales sources de revenu du pays 2. » Sa culture aide 12 % de la population à vivre. Les cafés éthiopiens sont de qualité et ont un goût unique. Ils font partie des meilleurs du monde. La moitié de la production est cultivée dans les massifs montagneux à plus de 1 500 mètres d’altitude. La majorité du café est exportée en France, en Allemagne, au Japon et aux États-Unis. En Éthiopie, on trouve partout des Buna Bet (maisons du café) où l’on peut déguster ce breuvage « dans les règles de l’art », car le café est le symbole de l’hospitalité. Selon la tradition, chaque invité doit accepter trois tasses de café, sous peine de malédiction !

L’ATELIER DE SUZY TECHANE

Melat Assefa, top model célèbre en Éthiopie, illustre la cérémonie du café dans une exposition photo intitulée À la découverte de l’Éthiopie et Lumières d’Éthiopie, à retrouver du 4 au 18 décembre à la mairie du 7e arrondissement lyonnais.

Sa cérémonie La cérémonie du café est codifiée. Il est très fréquent, même dans l’Éthiopie moderne, que ce soient les femmes qui préparent la traditionnelle cérémonie du café, notamment lors des fêtes ou pour honorer des invités 3. Cette cérémonie suit des « étapes ritualistes » (herbes répandues sur le plateau à café et sur le sol, encens…) où les grains verts sont lavés, grillés, moulus, jetés dans l’eau et bouillis dans un pot en argile, appelé jebena, au-dessus du charbon de bois. Puis le café est servi et dégusté avec des douceurs et enveloppé de fumée d’encens… Ce sont également des occasions sociales importantes où les gens de différentes ethnies, jeunes et anciens, se retrouvent pour bavarder et échanger autour de leurs trois cafés servis dans de petites tasses sans anse. Le café peut être aussi utilisé différemment, comme breuvage calmant, friandise (avec du beurre ou du miel) ou parfum (feuilles blanches du caféier). Mélanie Battistel (1) http://road.ethiopia.free.fr (2) Magazine Geo n° 390 (août 2011) (3) http://blog.summertimetour.com

Stéphane Hessel nous encourageait à réinventer l’homme de demain et soulignait que l’Éthiopie pouvait jouer un rôle fédérateur pour notre humanité. Retrouvez la vidéo sur http://www.dailymotion.com/video/xxtktl

Hors-série réalisé en partenariat avec l’association France-Éthiopie que vous pouvez retrouver sur

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Née à Addis-Abeba, Suzy Techane est une architecte d’intérieur diplômée de l’École d’arts appliqués de Lyon. Sa formation a permis à l’artiste de développer ses compétences en design et son goût de l’esthétisme. Elle tient aujourd’hui l’atelier EZY EZA rue Pasteur, dans le quartier de la Guillotière, où elle expose ses peintures et ses créations. Sa spécialité est la juxtaposition nuancée des signes de l’écriture amharique avec des couleurs et des matières pour une peinture où s’esquissent des paysages ou des visages d’une lumière singulière. LP

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