5 minute read

TRENDS

Next Article
CASE STUDY

CASE STUDY

RÉSILIENCE ET LOGISTIQUE

« Offrir une alternative »

Après le confinement et la crise actuelle d’approvisionnement en matières premières et composants, de nombreuses voix appellent à renforcer la chaîne logistique en la rendant plus résiliente. Nous avons demandé à des universitaires leur point de vue sur le sujet.

Peter Ooms

« Le concept a été lancé en 2005 par le professeur Yossi Sheffi du MIT avec son livre ‘L’entreprise résiliente’. Il s’agit de la façon dont les organisations se préparent à des disruptions rares mais aux conséquences très importantes. Le Corona en est un exemple, mais aussi, par exemple, la chute de Lehman Brothers, les catastrophes naturelles, les attentats et autres incidents. Il parle de 3 phases que doivent traverser les organisations : l’analyse, l’approche au sein même de l’organisation et enfin la stratégie contextuelle pour renforcer l’ensemble de la chaîne. Les entreprises japonaises en particulier se sont déjà organisées différemment pour faire face aux tremblements de terre et aux tsunamis. Fuji, par exemple, souhaite que toutes les pièces de ses produits soient fabriquées dans au moins trois sites », explique Walther Ploos van Amstel. Bart Vannieuwenhuyse : « Pour moi, c’est effectivement le cœur de la résilience : assurez-vous d’avoir une alternative. Vous pouvez transporter des marchandises vers l’Italie par train, mais prévoyez aussi une alternative par camion. Pensez au double approvisionnement afin de pouvoir acheter des pièces et des matières premières auprès d’au moins deux fournisseurs. Les entreprises n’aiment pas cela car en concentrant les volumes, elles peuvent imposer de meilleures conditions. Pourtant, cela les rend plus vulnérables. » « Les turbulences actuelles sont sans précédent. En 30 ans, je n’ai jamais connu un tel bouleversement touchant presque toutes les organisations à travers le monde. Avec une gestion classique des risques et la planification de scénarios, nous n’aurions jamais pu en empêcher ou en absorber complètement les effets. Dans le même temps, les estimations des risques du Forum économique mondial indiquent une probabilité accrue d’incidents qui ont également une répercussion plus importante. Ce n’est donc pas complètement inattendu », explique Ann Vereecke. Elle précise aussi que le mécanisme de perturbation est très classique. « A la base, il y a l’effet coup de fouet. Après le confinement, l’économie s’est très fortement redressée. Alors que la demande de composants et de matières premières a d’abord fortement chuté et que tous les acteurs ont épuisé leurs stocks, il y a eu un très fort mouvement de rattrapage, chaque maillon de la chaîne commandant davantage, de sorte que la demande a largement dépassé l’offre. Mais en plus de cela, la production de semi-conducteurs s’est déplacée vers des applications plus sophistiquées, les voitures par exemple. Cela a encore aggravé le déséquilibre entre l’offre et la demande. Enfin, des spéculateurs ont acheté de gros lots de composants pour les vendre avec d’énormes profits à des fabricants désespérés. »

DAVANTAGE DE STOCKS, UNE SOLUTION ?

Tom Van Woensel : « Nous venons d’une période où les entreprises travaillaient au plus juste avec le moins de stock possible. Elles s’appuyaient alors sur la rapidité des livraisons et la disponibilité continue des matières premières, de la main-d’œuvre, des capacités de production, des moyens de transport, etc. Mais si les stocks existants permettaient d’absorber des perturbations mineures, ils s’avèrent maintenant largement insuffisants. Faut-il prévoir davantage de stocks ? Je préconise de trouver un juste milieu entre l’anorexie et l’obésité dans la chaîne d’approvisionnement. Augmenter les stocks aura de toute façon un coût, mais ce n’est pas nécessairement une mauvaise chose. Surtout quand on sait que le fait de ne pas pouvoir vendre ce que veulent les clients entraîne une perte de revenus. » Bart Vannieuwenhuyse : « Je ne suis pas convaincu que cela doit entraîner une augmentation des coûts. Il existe également de nombreux coûts cachés associés à la chaîne d’approvisionnement telle que nous la connaissons aujourd’hui. Les entreprises ne voient que ce qu’elles dépensent. Sans tampons dans la chaîne, tout tourne autour de la vitesse et cela entraîne également des erreurs, des pertes de qualité, des retours, des ruptures de stock, des livraisons urgentes, etc. S’il reste un peu de temps, ces livraisons ne doivent pas nécessairement être effectuées en flux tendu, mais peuvent se faire via des tournées régulières, souvent aussi multimodales. En permettant des tampons en volume et en temps, on peut déstresser le transport, et cela peut réduire les coûts. »

QUE FAIRE ?

Ann Vereecke : « Je serais surprise si les entreprises accumulaient désormais beaucoup plus de stocks. Cela coûte simplement trop cher. A court terme, vous ne pouvez pas faire

grand-chose de plus que de jouer le jeu pour obtenir les pièces nécessaires. Mais je vois maintenant les entreprises se réintéresser à la coopération tout au long de la chaîne. Les fabricants de puces réalisent qu’il vaut mieux travailler directement avec les clients plutôt qu’avec des courtiers pour ramener les stocks à des niveaux réalistes. J’attends les premiers résultats de cela au début de 2022. » Bart Vannieuwenhuyse : « La collaboration dans la chaîne et entre les maillons est essentielle. Nous constatons que les entreprises qui travaillent avec des pairs - par exemple avec des transports groupés ou via un pool commun de transporteurs - ont déjà un tampon pour absorber les chocs et assurer la continuité. » Tom Van Woensel : « Ce sont des décisions stratégiques qui nécessitent une étude approfondie. Mais il y a de fortes chances que nous revenions bientôt au ‘business as usual’ sans que les leçons en aient été tirées. »

Un meilleur planning

Walther Ploos van Amstel : « Les entreprises étaient habituées à planifier avec une variabilité limitée des volumes et des délais. On ne concédait que des écarts de prix limités. Maintenant, les matières premières et les composants coûtent soudainement beaucoup plus cher, et il faut donc en tenir compte. Mon collègue, le professeur Jan Fransoo de l’Université de Tilburg a développé un modèle qui prend en compte tant le temps, le volume et le prix que le risque. »

« Les turbulences actuelles sont sans précédent. »

Ann Vereecke, Professeure à la Vlerick Business School & Universiteit Gent

« Maintenant, les matières premières et les composants coûtent soudainement beaucoup plus cher. »

Walther Ploos van Amstel, Professeur City Logistics, Hogeschool Amsterdam

« Il y a de fortes chances que nous revenions bientôt au ‘business as usual’. »

Tom Van Woensel, Professeur à l’Antwerp Management School et à la Technische Universiteit Eindhoven

« Je ne suis pas convaincu que cela doit entraîner une augmentation des coûts. »

Bart Vannieuwenhuyse, professeur invité à l’Université de Hasselt et partenaire à Tri-Vizor

This article is from: