La brouette du diable

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Deux mots d’introduction

En 2008, les TPC célébraient le centième anniversaire de la ligne de chemin de fer de montagne Aigle – Ollon – Monthey – Champéry. En plus de plusieurs concerts commémoratifs, les festivités ont comporté deux publications, toujours disponibles aux TPC : – un livre : Cent ans d’AOMC – Train de montagne et trait d’union – un DVD : N’en déplaise à Rousseau : centenaire du chemin de fer Aigle – Ollon – Monthey – Champéry. Deux expositions ont également couvert l’histoire de cette ligne : La brouette du Diable et Cent ans d’AOMC en images. C’est sous le nom peu flatteur de brouette du Diable que les habitants de la Vallée d’Illiez ont accueilli l’arrivée de leur ligne de train. Or, il s’avère que l’avènement du chemin de fer a été, de tout temps et en tous lieux, ainsi précédé d’une odeur de soufre. Abritée dans deux wagons marchandises, l’exposition passait en revue ce phénomène tout en montrant l’apport que cette voie ferrée avait constitué pour la vallée. Costumes et matériel d’époque, billets et archives diverses enrichissaient la présentation. En 30 panneaux, Cent ans d’AOMC en images donnait une vision globale des grandes dates de la ligne. Les pages qui suivent contiennent, en résumé, les éléments clés des deux expositions conçues par Grégoire Montangero. Ce matériel libre de droits est à disposition des classes et élèves désireux de réaliser un travail à ce sujet. Pour en obtenir des fichiers en haute résolution, contacter service.promo@tpc.ch ou appeler le + 41 24 468 03 30.


Du côté de La Brouette du Diable

Transformés en lieu d’exposition, deux wagons ancestraux ont accueilli La Brouette du Diable le temps d’un été. Maquettes du matériel roulant initial prêtées par des collectionneurs, objets divers et panneaux explicatifs évoquant le lien entre le diable et le train participaient à cette plongée dans les premiers jours de la ligne.












Un train, une vallée

Dans le cadre de La Brouette du Diable, quatre présentoirs (a, b, c, d et e ci-après) illustraient l’impact de l’arrivée du train sur la vallée d’Illiez.



Avant l’avènement du chemin de fer, la vallée d’Illiez, région retirée, vit en marge de la modernité, certes au rythme des saisons, mais dans des conditions rudes et précaires.


L’âne constitue alors le moyen de transport privilégié de la Champérolaine, femme opiniâtre portant le pantalon et fumant, souvent, la pipe.


Malgré la construction d’une route digne de ce nom à la fin du XIXe siècle, rallier Champéry ou Morgins depuis Monthey reste une sacrée entreprise… Il faut douze heures pour monter une charrette portant 300 kg de bois…


L’économie locale, faite d’un mélange d’agriculture, d’élevage et de travail du bois assure, tant bien que mal, la subsistance des habitants. Mais à l’aube du XXe siècle, nombre de Val-d’Illiens s’exilent pour survivre…


Pour ceux qui restent la vie est dure. Ils sont contraints de faire travailler leurs enfants aux champs, à l’étable ou à l’alpage tant nouer les deux bouts est difficile dans cette contrée.


Par chance, les Anglais (en villégiature à Territet–Montreux), inventent le tourisme au milieu du XIXe siècle. Subjugués par la beauté des Alpes, ils rêvent de neige et d’air pur, d’ascensions folles et de conquêtes sommitales.


Pour les habitants de Londres, ville polluée par les émanations industrielles, la montagne suisse incarne la qualité de vie par excellence. D’où leur fidélité à la vallée d’Illiez, sorte d’image préservée du « monde originel ».


Avides d’exotisme et de pittoresque local, les premiers touristes s’éprennent des Dents-du-Midi et de la Vallée d’Illiez.


Le tourisme suscite l’apparition d’un nouveau métier: guide de montagne, l’indispensable accompagnateur du vadrouilleur émérite.


N’étant jamais sortis de leurs villages, les Val-d’Illiens s’étonnent des vertus que les Anglais attribuent à leur région. Mais puisque ces derniers veulent fouler leur terre en tout sens, ils leur donnent à voir et à marcher.


Les belles anglaises ne rechignent pas face à l’effort. Comme au temps de Jean-Jacques Rousseau, déjà, la vue d’une cascade ou d’un pâtre continue à faire partie des visions que les visiteurs ne manquent à aucun prix.


Fini le Grand Tour, coûteux périple culturel à travers l’Europe réservé aux jeunes nobles et aux bourgeois anglais depuis le Moyen Age. La hausse du pouvoir d’achat et le train permettent aux masses – qui ne s’en privent pas – de voyager.


A la veille du XXe siècle, nombre d’artistes pressentent que le monde paysan valaisan va muter et que, bientôt, plus rien ne sera comme avant, tel Edmond Bille (1878-1959), père de l’écrivain S. Corinna Bille, peintre né à Neuchâtel.


La paysanne champĂŠrolaine en costume traditionnel avec foulard rouge et pantalon, se laisse immortaliser, hors de son contexte, devant la toile neutre du photographe.


Contre toute attente, une jeune anglaise dépose son sac à dos à Champéry et décide d’y ouvrir un hôtel. Les habitants du lieu, supris de l’engouement que portent les étrangers à leur coin de pays, apprennent l’hospitalité et l’accueil…


Un tourisme, estival tout d’abord, hivernal ensuite, attire des foules de courageux qui rallient Morgins ou Champéry en diligence, unique moyen de locomotion, ô combien fastidieux.


Depuis que la gare d’Aigle a accueilli le premier train de la ligne du Simplon en 1857, la « fièvre du chemin de fer » frappe les agglomérations du Chablais : chaque bourgade réalise que la voie ferrée participe à son développement.


En 1899, des citoyens de Val-d’Illiez sollicitent une autorisation pour une ligne Monthey–Champéry–Morgins (MCM). Les travaux commencent en 1905 à l’aide d’une locomotive acquise pour l’occasion.


Des moyens et des méthodes d’un autre âge sont employés pour façonner l’ouvrage de 700 mètres cube qu’est le pont de Chemex…


Entre 600 et 700 hommes sont réquisitionnés sur ce chantier qu’il s’agit, à tout prix, de terminer dans les temps…


Bien que modeste dans sa longueur, la ligne MCM ne compte pas moins de 250 ouvrages d’art (ponts, viaducs, tunnels, murs de soutènement et autres)…


En dépit des intempéries et des rigueurs de l’hiver, les travaux avancent et les essais de charge peuvent avoir lieu comme prévu.


Le chemin de fer n’est pas encore à Champéry que l’on s’apprête à y bâtir la gare. En plaine, il fait déjà l’objet de moqueries lors du carnaval de Monthey.


Etudes et plans s’imposent pour doter le MCM d’un matériel ad hoc.


Le 5 septembre 1907, l’arrivée du premier convoi de chantier à Champéry fait l’objet d’une manifestation avec arc de triomphe.


Comme annoncé, la ligne est inaugurée le 30 janvier 1908. Une foule compacte ose tout de même monter à bord de ce que d’aucuns considèrent être une « créature de Lucifer »…


Ce jour sonne le glas pour la brave diligence. Le progrès ne va pas sans faire de victimes et si le train profite à l’économie de la région, il concurrence des métiers et fait disparaître celui de charretier.


Deux automotrices entrent en service sur le MCM en 1909. Elles viennent compléter le maigre matériel roulant de l’époque composé, entre autres, d’une voiture sans vitres ni chauffage, en raison d’insuffisance budgétaire…


Un wagon marchandises – permettant le transport du bois – et une troisième classe font partie du matériel roulant du MCM.


Pendant des dĂŠcennies, le transport du bois et des pavĂŠs assurera le fond de commerce du MCM.


Avec sa ligne équipé d’une crémaillère – développement tout nouveau à l’époque –, le MCM est paré pour gravir les fortes pentes situées en face des Dents-du-Midi.


Véritable trait d’union entre les populations d’ici et d’ailleurs, le MCM à ses débuts effectue, par tous les temps, ses 4 courses aller-retour journalières.


Les premières années, le MCM connaît un succès croissant. Mais de longues périodes de vaches maigres ne tarderont pas à se manifester, ponctuées par deux guerres et d’incessantes remises en question économiques.


Fruit d’une initiative privée, le MCM – tout comme les autres petites compagnies ferroviaires – frôle souvent le précipice, au propre et au figuré… (Le train circule sous la croix dans l’image ci-dessous.)


Fiers comme pouvaient l’être les premiers mécaniciens du rail (ici de l’Aigle– Ollon–Monthey avec qui ceux du MCM s’associeront plus tard) posent devant « leur » automotrice et l’erratique Pierre des Marmettes.


Au début du XXe siècle, le personnel du MCM et de la gare de Champéry acceptent un rendez-vous photographique avec la postérité.


Initialement, la gare de Champéry était située à l’entrée du village. Une manière déguisée de garder le train « diabolique » éloigné des habitations ?


Si l’habit ne fait pas le moine, l’uniforme paramilitaire des cheminots ne peut que contribuer à susciter une odeur de sainteté à cette nouvelle corporation.


Avec le temps, le Diable s’éloigne : dès lors, le village s’étend du côté de la gare et la végétation se rapproche.


Gare de Val d’Illiez avec l’automotrice n° 2, à l’époque où le matériel roulant était encore peu nombreux.


Doté d’une route et d’un chemin de fer, le village de Champéry peut recevoir des visiteurs et ne s’en prive pas. Son cortège présentant les vieux costumes du lieu attire les foules.


L’automotrice n° 2 sollicite sa crémaillère en dessus de Vanise.


ChampÊry passera outre la rÊputation diabolique du chemin de fer pour le faire figurer au premier plan de ses cartes postales‌


Le chemin de fer fait dĂŠsormais partie du village et du paysage.


Durant la Première Guerre mondiale, les civils désertent le train… Seul le transport des soldats sauve le MCM d’une mort – économique – certaine.


A l’issue du conflit, l’économie reprend. Le Diable ne résidait pas dans cette brave brouette porteuse d’ouverture et de ressources, mais bien – tout le monde en convient alors – dans la folie guerrière des hommes.


Les cartes postales, contrairement à notre époque, incluent volontiers poteaux et fils électriques : signes visibles du Progrès.


Avec le temps, plus personne n’a l’idée de s’écrier lorsque la brouette du Diable passe devant de la maison du Seigneur située peu après la gare de Champéry-village (ci-dessous).


Le MCM aura bâti un pont, dans les deux sens du terme, entre montagne et plaine. Vecteur de progrès et d’ouverture, il aura rapproché les villages de la vallée des agglomérations et ainsi contribué à la survie des Val-d’Illiens.


L’ère de la brouette du Diable est définitivement terminée. Le train a acquis une aura « romantique » : il fait rêver et sourire. Un éditeur français va même jusqu’à publier des « bonjours à vapeur » tirés de son imagination !


Du côté de Cent ans d’AOMC en images

Les locaux de la Banque Raiffeisen de Champéry, puis le hall de Manor Monthey ont permis au Chablaisiens de se faire une idée de ce siècle d’AOMC. Ci-après, les panneaux qui jalonnèrent, en trente étapes, les dates marquantes de l’existence de la ligne.

































© TPC SA – 2008. G. Montangero.


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