La préservation de notre monde : Un guide du rapport Brundtland à l'usage des consommateurs

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LA PRÉSERVATION DE NOTRE MONDE UN GUIDE DU RAPPORT BRUNDTLAND À L’USAGE DES CONSOMM4TEURS

Warner Troyer

Table ronde nationale sur l’environnement et Wonomie National Round Table on the Environment and the Economy


0 Warner Troyer 1990 Tous droits r&erv&. Toute reproduction ou utilisation quelconque, an tout ou en partie, du matériel ci-inclus sujet aux droite d’auteur, par quelque pro&@ que ca soit-graphique,él~trrmiqueoumécanique,yincluslaphatocopie,l’enregistrement sonore ou les syst&mes de nxouvrement d’information, est interdite sans le consentement kit ptilable de l’éditeur. Premiere édition en 1990 par Warglen International

Communications

Ltd.

Données de catalogage avant publication Troyer, Wamer, 1932-1991 La Préservationde notre mon&

(Canada)

(La série sur le développement durable de la Table ronde nationale ISBN l-895643-03-1 1. Développement économique - Aspect de l’environnement. 2. Homme - Influence sur la nature. 3. Environnement - Politique gouvernementale. 4. Écologie humaine. 1. Table ronde nationale sur l’environnement et l’économie (Canada). II. Titre. III. Collection. HD75.6.T7614 1992 363.7 C92-094543-o Des+,

typographie

et experts-conseil

pour la série :

sla Graphicus Spécialiste en design graphique sur l’environnement Sims Latham Group, 19OKMemorial Ave, Orillia (Ontario) L3V 5X6 Couverture

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Zebra Photo Design Studio et

sla Graphicus

Ce livre a &téimprimé en caract&res New Century Schoolbook, Helvetica, sur du papier &hoix environnementalu. dont le contenu recy& est supérieurà50p. lOOavec5p. XOOo?e fibrespostconsommation, etavecdes encres vég&ales. La couverture cartonnee contient dgalement des mati&res recy&es et est finie au vernis à base d’eau; &pourvu de cire. Imprimb et reli6 au Canada par The Alger Press.

Table ronde nationale sur l’environnement et I’konomie National Round Table on the Environment and the Economy Coordinateur de la série : Daniel Donovan 1, rue Nicholas, bureau 520, Ottawa (Ontario) Kl N 787 Tel : (613) 992-7189

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DÉDICACE PAR WARNER TROYER

À Madame

Gro Harlem Brundtland et À mes parents, Ruth et Gordon Troyer qui m’ont appris à être concerné et à préserver

DÉDICACE AU FEU WARNER TROYER 1932-1991 La Table ronde nationale sur I’environnement et I’économie voudrait dédier cette édition de La Préservation de notre monde à la mémoire de Warner Troyer qui a voué toute sa vie à l’amélioration du monde à travers la sensibilisation du public aux questions de développement durable. La contribution qu’il apporta à ce domaine fut capitale. Sa disparition laissera un grand vide, mais ses travaux resteront toujours d’actualité. Ils nous rappelleront sans cesse le besoin de protéger l’environnement et de travailler ensemble afin de créer un monde durable.


La préservation de notre monde

Table des matières Remerciements Avant-propos Préface

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Introduction

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Notre avenir à tous est menacé Un développement que nous pourrons assumer L’économie mondiale La population du village global Nourrir le village global La protection des autres espèces de la planète Comment trouver de l’énergie Une industrie respectueuse de l’environnement Explosion de la population urbaine Océans et espace : notre héritage en danger Les profits de la guerre contre l’environnement La préservation de notre monde 13 Ce que nous pouvons faire : Le défi du rapport Brundtland

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La Commission mondiale sur l’environnement et le développement

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À propos

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du «Centre pour notre avenir à tous»

à Genève

Au sujet de Z’auteur

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La préserrvation de notre monde

Remerciements Avant tout, ettoujours, àMadame Gro Harlem Brundtland, sansqui,... etc. Elle a été une source d’inspiration pour une génération et une planète. Ses commentaires gentils et généreux au sujet de ce manuscrit m’ont encouragé et rassuré. Ensuite à Jim MacNeil, l’ancien directeur général de la Commission des Nations Unies sur l’environnement et le développement. Il a eu la gentillesse de lire la première ébauche de ce manuscrit. La trentaine de pages des commentaires qu’il m’a remis par la suite ont contribué énormément à éviter les simplifications excessives et un trop grand écart de l’esprit du rapport du CMED. Évidemment, ni Madame Brundtland ni Jim MacNeil ne sont aucunement responsables du texte qui suit. Aussi à l’Agence canadienne du développement international. L’ACDI a défrayé une partie du coût de la recherche et de la rédaction de ce manuscrit par l’intermédiaire de Wayne Kynes, d’Ottawa, personnalité dévouée à l’environnement. Et à Wayne, qui a publié une version préliminaire de ce manuscrit dans son quotidien populaire *Tribute». Hormis cela, à mon ami et guru, Stephen Lewis, qui m’a signalé l’existence de la commission CMED et de son rapport; et à Maurice Strong, qui m’a aidé à obtenir une transcription du rapport avant sa parution. Chacun des deux a été très gentil dans sa «critique» du manuscrit. Les deux hommes sont des citoyens du monde superbes et sans égaux, et ont accompli bien plus au service de la planète et de leurs voisins planétaires que mes mots ne sauraient exprjmer. A Brenda Ackerman, une spécialiste de l’informatique par excellence. C’est la seule personne qui a su trouver des

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La préservation de notre monde solutions aux problèmes posés par ma connaissance pitoyable du traitement de texte. Et à Glenys, partenaire, collègue, éditrice, critique, amante et épouse. Notre entente, vieille de quinze ans, a reposé sur le fait qu’elle ferait tout le travail et que je m’attribuerais tout le mérite. La réalisation de cet ouvrage, et de bien d’autres choses, aurait été impossible sans son soutien, son encouragement, ses atouts professionnels et son intelligence. J’ai écrit la plus grande partie de ce manuscrit à notre chalet à Smoke Lake. La sérénité et le cadre naturel ont fait de cette oeuvre une partie intégrale de nos vies. Pendant plus de vingt ans, nous avons reçu (ou notre présence a été tolérée par) des ours noirs, des tortues, des visons, des loutres, des lynx, des grouses, des cerfs, des caribous, des écureuils, des hiboux, et une myriade d’oiseaux. Toutes ces créatures ont apporté de la joie et de I’espérance à nous et à nos enfants, tout comme ils le font maintenant à nos petits-enfants. Bénis soient-ils!


La préserrvation de notre monde

Avant-propos II n’y a aucun sujet plus actuel ni dune importance plus critique à notre avenir que celui de l’environnement. Aux Hotêls et Villégiatures Canadien Pacifique, nous traitons ce sujet avecle plus grand sérieux. De bonnes politiques et pratiques environnementales sont des preuves de civisme de la part d’une entreprise. Elles font aussi partie d’une bonne gestion des affaires. Le concept du développement durableauneimportance particulière pour nos intérêts dans les lieux de vacances. Ceux-ci sont surtout situés dans des environnements vierges et fragiles. C’est d’ailleurs cette qualité fondamentale qui les rend attrayants à des touristes du monde entier. Le risque du sur-développement détruisant l’essence même de ces endroits menace aussi laviabilité de leur renommée. Heureusement pour les Hôtels et Villégiatures Canadien Pacifique, la pureté des sites se trouve surtout dans les parcs nationaux du Canada, où la protection de l’environnement est un souci de premier ordre. Les Hôtels et Villégiatures Canadien Pacifique se sont engagé à réduire de 50 pour cent ses déchets solides d’ici la fin de l’an 1992. Cet objectif sera atteint à travers une combinaison d’initiatives comprenant les trois «R» : réduire, ré-utiliser et recycler. Une vérification de déchets est en cours afin de déterminer les étapes à franchir pour séparer et récupérer tous nos déchets recyclables, et pour servir de point de repère avec lequel on pourra mesurer tous les succès à venir. Nous et nos fournisseurs faisons ensemble des efforts particuliers afin de réduire les emballages etiou utiliser des produits biodégradables qui ne nuisent pas à l’environnement. Nous nous efforçons aussi d’assurer l’utilisation de fibres recyclées dans le papier et l’emballage

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La préservation de notre monde chaque fois que c’est possible. Le contrôle de l’utilisation d’énergie s’effectue à travers divers moyens, y compris les barrières de reservoir de toilettes afin de réduire la consommation de l’eau, les systèmesinformatisésdegestion d’énergie pour le chauffage et l’air climatisé, le contrôle de la température de l’eau et l’éclairage afin d’économiser l’énergie. Aux Hôtels et Villégiatures Canadien Pacifique, nous croyons pouvoir montrer que nous prenons des initiatives concrètes et nous sommes bien décidés à le faire. Nous croyons que chacun est responsable, et que sinous prenons tous cette affaire au sérieux, nous pourrons assurer la durabilité de notre environnement pour les générations à venir. Robert S. DeMone Directeur général Hôtels et Villégiatures Canadien Pacifique

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Préface Le rapport de la commission est un document consensuel émis par des membres provenant de 21 pays. Il a été conçu pour sonner l’alarme et pour servir de base à un débat. Je vous lance donc le défi d’évaluer notre rapport. Avonsnous affaibli notre argument en étant trop vagues, en omettant certains noms? Donnez-nous ces noms. Si nous n’arrivons pas à traduire nos paroles en un langage qui pénétrera les esprits et les coeurs des gens jeunes ou moins jeunes, nous serons incapables d’entreprendre les vastes changements sociaux nécessaires pour orienter l’évolution du développement. Le message doit atteindre tous les citoyens de ce monde. Cela fait partie de notre devoir envers eux. Car notre rapport a été écrit par des citoyens du monde. C’est notre devoir de valoriser les acquis de cette recherche. Et cela doit être fait par vous, car le travail de la commission est terminée. Vous avez la réputation d’être franc et direct. Faitesen bon usage. La commission a présenté une argumentation générale en faveur du développement durable. Mais cela n’aura aucune signification si le développement durable n’est pas intégré dans tous les aspects de toutes nos vies, à travers les gestes individuels, les politiques et lois du gouvernement, et les stratégies et programmes des entreprises, C’est à vous de juger les gouvernements et les entreprises : Mettez leur des notes. Observez leurs opérations. Comparez ce que les gouvernements et les groupes du secteur privé disent avec ce qu’ils font. Afin d’assurer notre avenir à tous, nous devrons faire preuve d’une Bnergie renouvelée et d’une largeur d’esprit

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La préservation de notre monde envers des idées innovatrices. Les jeunes sont plus receptifs à cela que nous. Nous devons leur demander de surveiller nos gestes, commenter nos progrès, et nous faire prendre conscience des enjeux. Il est impératif d’opérer des changements radicaux. Nous avons la capacité de le faire. Nous possédons la technologie. Nous avons les compétences en communication. Nous devons commencer à oeuvrer au niveau individuel, dans nos maisons et nos quartiers. Nous devons canaliser la volonté publique afin de créer la volonté politique et accéder aux antichambres des décideurs du gouvernement, aux institutions internationales et aux salles de conférence des multinationales. Nous croyons que les ressources et l’ingéniosité humaines ainsi que notre capacité d’affronter les problèmes de façon responsable et coopérative sont plus grandes que jamais. Ensemble, nous pouvons résoudre les problèmes énergétiques et environnementaux dans une nouvelle époque de croissance économique. Nous devons créer une époque danslaquelle l’économie et l’écologie sont fusionnées à tous les niveaux de prise de décision. Afin d’accomplir ceci, il doit y avoir une répartition plus équitable de la richesse à l’intérieur des nations ainsi qu’entre elles. Nous devons accepter le fait que les considérations environnementales font partie d’une gestion unifiée de notre planète. Voilà notre défi éthique. Voilà notre défi pratique, Voilà un défi que nous devons tous relever. Il nous faut de nouvelles idées afin d’assurer notre avenir à tous. Nous devons développer la capacité de voir au-delà des frontières étroites de nos nations ou même de celles qui existent entre les diverses disciplines scientifiques. Nous devons recréer la pensée de la Renaissance. Mais cela commence et ne peut commencer que par l’individu averti et par la clarté et la vigueur de notre jeunesse. Les jeunes s’ouvrent volontiers aux idées nouvelles alors que les adultes sont prisonniers des traditions et deleurvision étroite etfragmentée dumonde.

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La préserrvation.de notre monde Nous devons utiliser leur énergie et leur capacité de percevoir l’interdépendance des questions. Toutes nos préoccupations sont reliées. Nous savons maintenant que nous ne pouvons pas préserver les espèces lorsque les nécessités du commerce international obligent les nations agricoles à détruire les habitats naturels afin de développer l’agriculture, source de profit. Tandis que nous envoyons de la nourriture et des couvertures aux victimes de la famine, de la sécheresse et de l’inondation, nous devons aussi agir les causes structurelles de sousdéveloppement. On ne peut éliminer la pauvreté qu’à travers la croissance. On ne peut offrir I’espoir dune meilleure vie et créer la capacité de résoudre les problèmes environnementaux qu’avec la croissance. Il est clair que les inégalités entre les personnes et entre les nations sont à la base des problèmes environnementaux. Amesurequel’Estetl’Ouestpassentdelaconfrontation à la coopération, et que les obstacles disparaissent, nous devons bâtir ensemble une nouvelle coalition de la raison. Cette coalition est essentielle à notre sécurité et à notre survie communes. Le message du développement durable s’impose tant au niveau politique que intellectuel. Partageons donc nos idées et informons-nous les uns les autres de nos choix, travaillant ensemble pour élargir les alternatives qui s’offrent à la génération présente et préserver des options pour les générations à venir. N’acceptez pas qu’on vous dise de «VOUSmêler de vos affaires». La survie, c’est l’affaire de tout le monde. Et la première et étape capitale est de devenir un acteur averti de notre développement, un partenaire conscient et réfléchi dans notre environnement commun. Mon grand espoir est que le rapport de la Commission, dont Warner Troyer nous propose ici une interprétation, vous aidera à comprendre les problèmes et les besoins communs à tous sur notre planète, et vous donnera le goût de participer au grand débat et d’oeuvrer pour trouver les xi


La préservation de notre monde solutions globales que nous devons tous contribuer à développer. Gro Harlem Brundtland

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La préserrvation de notre monde

Ce modeste livre célebre ce que je crois être la cause principale dans la <<révolutionverte» d’aujourd’hui. Il n’existe pas de nombreuses occasions dans l’histoire humaine où nous pouvons préciser la date et la cause des grands bouleversements dans l’opinion et les priorités publiques. Les manifestations à Selma en Alabama en sont une; Three Mile Island et Tchernobyl en forment probablement une autre ensemble. Le rapport de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement en est une autre. Il a déjà eu un impact. Si on y prend garde, il pourrait sauver notre planète, nos petits-enfants et leurs petits-enfants. Rachel Carson nous a signalé la destruction de l’environnement en 1962 dans son livre The Silent Spring. Elle nous a fait peur, et pour cause. Plus de vingt-cinq ans ont passé avant que Madame Gro Harlem Brundtland nous donne (dans son rapport Notre avenir à tous) raison de retrouver de l’espoir pour un avenir sain et saufavec son analyse, d’une logique raffinée, des liens entre le développement et l’environnement. Il se peut que le concept le plus fondamental, et le plus excitant, soit celui du développement durable, qui est si clairement exposé dansNotre avenir à tous. Pour l’exprimer le plus simplement possible, Madame Brundtland nous dit que nous ne pouvons pas trouver les ressources qu’il nous faut pour maintenir et réparer notre environnement sans développement, mais nous ne pouvons vivre qu’avec un développement qui pourra être continué, ou maintenu, sans endommager l’environnement. Ainsi, les mots qui décrivent le «développement durable» signifient précisément cela : un développement qui est durable pour notre planète fragile. Sans cette définition, et cet objectif, nous n’avons aucun espoir. En tant que journaliste préoccupé par les problémes de l’environnement et du Tiers-Monde, je fus étonné par

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La préservation de notre monde l’énorme changement qui eut lieu au niveau de l’intérêt porte aux dangers qui menaçaient l’environnement vers la fin des années quatre-vingt. Il est certain qu’auparavant, la plupart des gens <<s’intéressaient»à ce sujet et s’en 4nquiétaientu ; beaucoup d’entre nous tachions même de trouver des solutions de façon à diminuer les risques. Pourtant, lorsque je tentais de avendre» des idées pour des histoires concernant l’environnement (à la radio, à la télévision, aux journaux et aux revues) dans les années cinquante, soixante, soixante-dix et au début des années quatre-vingt, on me répondait souvent : de crois que nous avons fait quelque chose du genre l’an dernier. De toute façon, ça n’intéresse personne.>>Mais subitement, entre 1987 et 1989, notre société globale sembla développer la masse critique de souci nécessaire pour générer la motion quasiment perpétuelle des affaires environnementales. En 1970, comme réalisateur d’un programme d’actualité de réseau à la télévision, j’ai décidé de faire quelque chose au sujet de l’élimination (souvent dangereuse) des déchets industriels toxiques à partir de produits chimiques industriels et d’huile pour moteurs. Comme d’habitude, nous avons entamé la recherche en fouillant dans les archives de périodiques, les journaux scientifiques, les bibliothèques, etc. En tout cas, nous avons trouvé deux (et seulement deux) histoires très courtes au cours des dix années précédentes, enfouies dans l’ordinateur du New York Times. F’inalement nous avions, par défaut, un reportage exclusif : car jusqu’alors, personne d’autre en Amérique du Nord ne s’était vraiment intéressé à ce sujet. En 1987, au Canada et aux Etats-Unis, on verrait peutêtre une pièce concernant yenvironnement au cours d’une semaine démissions à la télévision ou de lecture de journaux.Àl’automnede 1988,ilyeutsubitementplusieurs histoires quotidiennes dans les médias. Dès l’hiver 1988-89, même nos responsables politiques les plus bornés se donnaient des hernies intellectuelles presque visibles dans leur empressement à se joindre au mouvement environnemental. Toute cette activité fut initiée par le rapport de la Commission mondiale sur l’environnement et le

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La préserrvation .de notre monde développement, qu’on appela le rapport Brundtland, du nom de la présidente de la Commission, Madame Gro Harlem Brundtland. Tout à coup, nous avions l’espoir de pouvoir repousser la vague de pollution qui envahissait le monde. L’intérêt et le souci pour l’environnement, et, incroyablement, des actions concrètes, commencèrent à cheminer, à partir des sous-sols d’église et des groupes en faveur de l’environnement, jusque dans les salles de conseil d’administration. J’ai eu l’occasion d’entrevoir une telle transformation, de près, dans le bureau central d’une des plus grosses chaînes de supermarchés (la compagnie Loblaws à Toronto). J’ai été (et je demeure) étonné par cette transformation et par l’enthousiasme avec laquelle on a assumé la responsabilité envers l’environnement. Enfin, les gens qui avaient refusé pendant une génération de dire «oui» se rendaient compte que de bonnes et saines pratiques environnementales s’adonnaient aussi à être bénéfiques au niveau économique. Tout à coup, on citait de part et d’autre le rapport Brundtland ( ou Notre avenir à tous, selon l’intitulé de la version publiée). Mais tout comme avec d’autres <<bestSellers», tels la Bible ou les oeuvres de Shakespeare, des théologiens et universitaires environnementaux semblaient surgir de partout, prêts à interpréter un livre qu’ils n’avaient même pas lu, ce qu’on peut accepter jusqu’à un certain point : Le rapport Brundtland fut écrit dans le but d’obtenir l’assentiment unanime des membres de la commission venant de partout au monde, y compris les nations développées et en voie de développement, les nations nonalignées ainsi que celles des blocs de l’Est et de l’Ouest (et ce bien avant la détente politique des années 1989-1990). Ainsi, le rapport fut rédigé dans un langage et une terminologie capables de favoriser le consensus parmi un groupe si disparate,.et ce d’une façon très respectable et pour des raisons tout à fait honorables. Ce fut un miracle qu’un groupe tellement varié puisse arriver à un accord complet dans chaque domaine à travers leurs expériences mutuelles. Cette oeuvre, un triomphe de composition, une prose du service public international de la plus haute 3


La préservation de notre monde qualité, fut un exploit d’approbation unanime. Toutefois, le lecteur ordinaire pourrait percevoir ce triomphe comme ayant été obtenu aux dépens de l’échelle humaine et de l’exemple anecdotal. Les 140 000 mots ne contiennent qu’une métaphore et il fallait à tout prix éviter toute formulation risquée au niveau politique : en conséquence, certains passages peuvent paraître quelque peu obscurs à ce lecteur. La logique du rapport Brundtland est renversante et irrésistible et les conclusions sont dures, dramatiques, même révolutionnaires. Mais le langage de la diplomatie internationale contient peu d’adjectifs et d’analogies, et n’a pas toujours tendance aux phrases déclaratives ni aux conclusions simples, directes et manifèstes. Comme nous le verrons, je n’avais pas ces contraintes. Ni les conclusions ni les recommandations du rapport de la CMED n’ont été alterées dans le texte qui suit. En genéral, elles ont été débarrassées des clauses et des sous-clauses superflues qui ne servaient qu’à atténuer les mornes réalités qu’elles observaient, jugeaient et rapportaient. Un autre commentaire personnel : en tant que journaliste, j’ai acquis un sens de scepticisme très organisé, surtout envers les déclarations de politiciens et de bureaucrates. Mon expérience professionnelle de trentecinq ans n’a que renforcé et justifié ce scepticisme. Ce fut donc avec un sens combine et paradoxal de doute croissant et d’excitation grandissante que j’ai lu une copie préliminaire du rapport de la CMED. J’ai juré d’évaluer le document à la lumière de mes expériences en Afrique, en Asie, en Europe, en Amérique latine et en Amérique du Nord, et de le comparer à mes expériences professionnelles avec les scientifiques, les chercheurs, les professeurs, les politiciens et les fabricants. C’est ce que j’ai fait. C’est seulement là que j’ai trouvé le travail passionnant. L’expérience montrait que Gro Brundtland avait raison. J’ai soigneusement examiné le pour et le contre et c’est alors, et seulement alors, que j’ai décidé, avec une certaine impertinence, de rédiger une version plus abordable du rapport de la CMED dans l’espoir de le rendre très accessible à ceux d’entre nous qui ne sommes ni des bureaucrates 4


La préserrvation de notre monde internationaux, ni des gens qui ont fait leur carrière dans l’environnement, ni des journalistes. Tout comme la guerre est trop importante pour être laissée aux généraux, le livre, (ainsi que notre environnement à tous), etait si drôlement important que j’ai décidé qu’on ne pouvait tout simplement pas le laisser aux «experts». J’espère que vous serez de mon avis. Ce qui suit n’est donc pas le rapport de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement. Cette étude-là est trois .fois plus longue que cette version condensée. Ainsi, une partie du raisonnement détaillé dans le rapport a été omise dans ce texte, tout comme certaines clauses contenant des recommandations. Aussi ai-je ajouté certains éléments, tout comme j’en ai retirés. Des extrapolations ont été faites à partir des données de la CMED, des illustrations ont été ajoutées, des citations ont été insérées dans le texte : tout cela dans le but de faire de cette étude (qu’on pourrait décrire comme la plus vitale du siècle) un texte facile à comprendre et manifestement pertinent. Je ne me suis pas permis de prendre certaines libertés. Par exemple : - Toutes les recommandations principales du rapport Brundtland sont présentes. - Lorsqu’une exhortation à une action ou à une réaction comprend les mots <<doit»etiou <<devrait,et’ou«il faut que», ces mots surgissent directement des recommandations et des convictions de la CMED. Nous avons en nous la capacité de diagnostiquer les maux de la planète, et la force de les guérir. Ce qui nous manquait, c’était l’itinéraire : le %GuideMichelin pour la survie globale». La Commission Brundtland nous l’a fourni. Il manquait aussi la volonté d’agir contre (littéralement) «Yocéan #ennui» auquel nous faisons face, ainsi que celui qui se trouve dans notre atmosphère, notre terre, nos plantes et nos animaux. Nous manquions de volonté en partie parce que nous n’étions pas prêts à contempler une chute en spirale vers la <<croissancezéro», un arrêt interdisant l’accroissement du confort, de la prospérité et de la sécurité. Le rapport de 5


La préservation

de notre monde

la CMED démontre que cette crainte n’est pas fondée. Selon le rapport Brundtland, la sécurité n’est possible qu’avecla croissance et la prospérité. Sansprospérité, nous ne pouvons pas avoir de sécurité. En plus de cela, notre souci du développement respectueux de l’environnement à été entravé par notre ignorance. La recherche massive que la CMED a commandée, recueillie et brillamment analysée devrait mettre fin à cet état suicidaire de myopie. Dans le rapport Brundtland, nous ne devrions plus imiter les types de comportement auto-destructifs que l’on retrouve parfois parmi #autres espèces qui se partagent notre minuscule et fragile village global. Un animal mange un aliment qui le rend malade : cet animal mangera de nouveau le même aliment malsain le lendemain, ne sachant pas faire le lien entre quelque chose qu’il a consommé àhuit heures le matin et le fait de vomir àmidi. Il en est ainsi chez les petits enfants qui mangeront le plâtre des murs de la hutte (ou d’un logement de ghetto), des 4artes de boue» oumême de l’excrément, s’ils ont faim. On ne peut extrapoler ni analyser sans Yintelligence, la capacité pour la pensée abstraite (qu’on pourrait appeler l’aptitude a imaginer «Et s’il y avait...»), et l’expérience. Nous sommes censés être l’unique espèce qui peut apprendre à partir de l’expérience. Nous extrapolons. Parfois. Pas assez souvent, et souvent pas assez rapidement. (Si nous utilisions notre potentiel de raisonnement, tous les fabricants de tabac auraient déjà fait faillite.) Arnold Toynbee a dit qu’au cours de toutes ses annees d’étude il a appris que l’humanité n’a jamais appris les grandes leçons de l’histoire. Nous avons tous été menacés de la punition suivante : 4Jeux qui ne se souviennent pas du passé sont condamnés à le revivre.>> Cette menace serait suffisamment mauvaise elle-même. Mais il y a autre chose encore. Un changement quantique s’est opéré dans notre village global depuis l’avertissement de George Santayana. Avec notre technologie, nous pouvons créer des conditions sans précédent dans toute l’histoire de l’humanité. Si nous détruisons la couche d’ozone, continuons 6


L+apréserrvation de notre monde le déboisement et la désertification, acidifions nos lacs et forêts, et empoisonnons notre écosphére, il n’est pas question que nos petit-enfants soient obligés de répéter notre triste histoire. Ils n’auront pas de ressources environnementales et pas d’écosphère durable à détruire. Nous pouvons donc raccourcir la rubrique, à la lumière de l’histoire courante: «Ceux qui ne se souviennent pas du passé sont condamnés.» Point final. Le rapport Brundtland parle de liens. À l’aide d’arguments irrésistibles à cause de leur fondement de recherche massive et méticuleuse, la commission documente et démontre que c’est de la folie pure de voir les problèmes innombrables du monde comme étant isolés les uns des autres. La CMED a fait ressortir ces liens aussi clairement que sur un diagramme d’anatomie. Nous pouvons maintenant formuler et prouver nos équations environnementales afin de démontrer les liens dans la chaîne de notre affliction globale. Par exemple : a) Si les pays envoie de développement doivent continuer à verser aux banques et aux nations industrialisées des taux d’intérêts élevés pour les fonds d’aide et de développement, cela voudra dire que, b) Ces pays envoie dedéveloppementdevrontaugmenter leur production de biens exportables afin de se procurer de l’argent comptant pour défrayer ces paiements, ce qui veut dire que, c) Les fermiers cultiveront trop rigoureusement leurs terres, même les terres marginales, entraînant l’érosion du sol et la désertification, ce qui mènera avec une rapidité incroyable d) Aux inondations, à la sécheresse, et à la perte de toute terre cultivable, e) Àbeaucoup plus de famine et de maladies transmises par I’eau, qui, à leur tour, f) Empêcheront rapidement les nations appauvries de payer leurs dettes, quoiqu’elles s’efforceront à le faire, surtout en, g) Utilisant des fonds qui étaient prévuspourl’éducation, la santé et l’hygiène, le développement économique et la 7


La préservation de notre monde provision de services, ce qui fera que, h) La spirale de la pauvreté sera exacerbée ainsi que tous les désastres qui l’accompagnent, menant à une situation où, i) Le monde industrialisé sera oblige de verser de plus en plus d’aide monétaire au point où l’économie mondiale entière pourrait s’effondrer, et aussi, j) La destruction inexorable de notre écosystème tandis que nous nous empressons frénétiquement à satisfaire à nos besoins aux dépens d’une planète meurtrie et décimée. En établissant ces liens, le rapport de la CMED nous permet d’aller plus loin : il nous dit que nous pouvons renverser l’équation. En analysant ces liens nous pouvons remplacer ou réparer les maillons dans les chaînes qui lient le développement a l’environnement. Plutôt que le scénario catastrophique esquissé ci-haut, nous pouvons, au sens propre,«semernotrechemin»versunvillageglobalprospère et stable. Nous commençons à nous rendre compte que ces nations appauvries sont nos voisins : ils peuvent aussi devenir nos partenaires pour cette semence. SI nous créons les liens. Il n’y a pas très longtemps, on ramassait à l’église des fonds pour *ces pauvres âmes» de l’autre côté de l’océan. On considérait cet acte avec un orgueil pieux comme étant de la philanthropie. Afin de démentir les paroles de Toynbee, nous devrions apprendre quelque chose de notre histoire plus récente. L’homme qui nous donne cette leçon est le général américain George C. Marshall : Mai, 1945 : L’Europe urbaine et industrielle était en cendres et en ruines : les européens risquaient de mourir de faim; ils devaient faire face aux épidémies causées pasladestruction des services d’eau et des égouts; au manque d’une base industrielle; à une pénurie de combustibles; à un déficit énorme de logements; aux millions de réfugies incapables de revenir dans leurs propres pays et communautés et incapables de subvenir à leurs propres besoins; aux centaines de milliers condamnés à passer des années dans des camps de «personnes déplacées», car personne ne 8


La préserrvation de notre monde voulait d’eux; à des écoles fermées, là où il en restait; et à des enfants, qui étaient, de toute façon, trop mal nourris, mal vêtus et apathiques pour pouvoir apprendre; à des terres agricoles décimées; et pour le combie, à l’économie de l’Europe paralysée, avec une dette envers le <<Nouveau monde» qu’elle n’avait aucun espoir de pouvoir repayer. Les états européens ne pouvaient même pas développer un plan de récupération et de développement : Ils n’en avaient simplement pas les moyen!. Avec George C. Marshall, alors Secrétaire de PEtat, et son <Marshall Plan for European Recovery» : Les dettes de guerre furent pardonnées. De l’aide massive, sous forme d’argent, de biens et d’expertise, fut envoyee en Europe. Des programmes gigantesques de formation furent initiés pour remplacer les habiletés humaines perdues au cours de la guerre, et des systèmes d’éducation universels furent mis en place. Tout le continent de l’Europe était devenu ce que -nous appelons de nos jours une nation sousdéveloppée ou du Tiers-Monde. Sa situation était pire qu’aucun de ceux des pays pauvres d’aujourd’hui. George Marshall a rallié le monde afin de changer tout cela. S’agissait-il de la philanthropie? Bien sûr. Mais de notre perspective moderne nous pouvons discerner dans cette recette une bonne dose d’égoïsme Eclairé. George Marshall savait bien que les Etats-Unis ne pourraient pas continuer à fonctionner de la même façon sans avoir accès aux ressources de l’Europe, c’est-à-dire aux biens, aux services et aux talents de l’Europe, ainsi qu’aux marchés d’uneEurope prospère. Il trouvalesmoyens de créer cet actes. Le Plan Marshall était conçu tout autant pour la survie des Amériques que pour la renaissance de l’Europe. C’est ainsi que le rapport de la CMED représente une carte routière pour la survie globale et la prospérité. L’analogie du Plan Marshall est juste. Le Tiers-Monde aussi a été décimé par la guerre, mais pas toujours dans le sens militaire du mot. Certaines de ses défaites historiques ont eu lieu au cours des batailles

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La préservation de notre monde du commerce de commodités; au cours de l’éloignement graduel de la stabilité économique devant une dette écrasante;dansleblitzkriegdelasécheresseetlapestilence; dans les tactiques de la terre brûlée que sont l’érosion, le déboisement et la désertification; dans le barrage de l’eau propre, des installations sanitaires et de l’immunisation; dans les torpilles du Bhopal et des autres; dans les assauts d’artillerie de la pollution; dans les raids éclairs sur les ressources non-renouvelables. La galanterie, le courage et même I’espoir existent au Tiers-Monde. Mais leurs troupes dans cette guerre ressemblent surtout aux cavaliers polonais, la lance à la main, incitant leurs chevaux à attaquer les chars d’assaut Tiger. Il est grand temps pour un Plan Marshall global. Le monde industrialisé entier envisage présentement le dilemme que George Marshall a résolu pour 1esAmériques en 1945. Ce qui distingue le rapport Brundtland est son pragmatisme indéniable, tout comme le Plan Marshall. Nous devons maintenant étudier le tissu de liens qui nous permettra de protéger et de préserver notre village global et tous ceux qui habitent ici avec nous. Le rapport de la CMED nous montre le point de départ de cette odyssée. Tout comme pour Dorothée dans le monde d’Oz, c’est notre «chemin pavé de briques jaunes». Au long de la route, comme pour ses compagnons, nous pourrions nous rendre compte que nous possédons le coeur, l’intelligence et le courage nécessaires, même si nous n’en avons pas fait grand usage jusqu’ici. Lisez donc, alors...

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La préserrvation de notre monde

Le sujet est «L’environnement et l’économie». Nous devrions peut-être présenter certaines définitions. Essayons donc celles-ci, de Madame Brundtland : L’ENVlRONNEMENT : LÀ OU NOUS VIVONS TOUS. LE DÉVELOPPEMENT : CE QUE NOUS FAISONS TOUS. Nous commençons à pouvoir identifier et comprendre les nombreuses et diverses choses qui menacent notre environnement, et ce-faisant, notre survie. Nous savons maintenant que l’avenir de notre écosystème et, finalement, desvies de nos enfants est lié inextricablement et à tous les niveaux au développement humain et économique. Nous examinerons la plupart des principaux dangers individuels à mesure que nous reverrons les résultats des recherches de la commission. De même, nous examinerons les liens dans l’unique espoir de trouver des solutions : l’utilisation prudente etmesurée du développement durable et rationnel en tant que instrument pour préserver notre village global.. La possibilité de l’échec est très réelle. Les délais dans lesquels nous pouvons assurer la survie sont courts. Nous avons déjà perdu des millions d’hectares de terres arables. Chaque année, six millions d’hectares de plus de nos terres arables disparaissent à jamais, consommées par l’avancée de nos déserts. Pour dire autrement : six millions d’hectares égalent 37 050 km; cela représente plus de quatre fois la superficie entière de la Jamaïque ou trois fois celle d’Israël. Tous les dix-huit mois, nous «faisons pousser» plus de désert, un désert que nous ne pourrons peut-être jamais récupérer, que la superficie terrestre de l’Autriche ou de la Belgique; toutes les trente semaines, sur une surface plus grande que le Danemark; imaginez toute la Grèce, dévastée en deux ans; tout le Japon, réduit à de la pierre et du sable en six ans; le Royaume-Uni en entier, aussi stérile que la lune en quatre ans. Le problème 11


La préservation de notre monde n’est pas mince. - De nombreuses espèces d’animaux et de plantes ont disparu, exterminées à cause de nous. Uniquement dans l’ouest de l’Equateur, où les forêts ont été détruites afin d’établir des plantations de bananes, jusqu’à 50 000 espèces animales ont été complètement détruites seulement dans la période entre 1960 et 1985! En ce moment, nous détruisons chaque jour trois espèces de plus. D’ici dix ans, ce sera trois espèces de moins chaque heure. - Même parmi les vivants, des dizaines de millions d’enfants et d’adultes, leur corps et esprits atrophiés parla malnutrition durant la petite enfance, ont perdu à jamais la possibilité de devenir de vrais citoyens, des citoyens actifs. Chaque douze mois, un demi-million d’enfants deviennent aveugles dans le monde en voie de développement, résultat direct d’une carence en vitamine «A». Pour mettre les chiffres en contexte, notre village global acquiert, tous les dix ans, une nouvelle sous-couche d’enfants aveugles pour la vie, plus qu’assez pour peupler tout Berlin, Caracas, Boston, Rome, Sydney ou Athènes. Un enfant de plus, devenu aveugle, durant les quelques soixante secondes qu’aprisevotre lecture de ce paragraphe; et dans le Tiers-Monde, où il y a peu de centres de rééducation et de formation professionnelle, les familles et la societé toute entière se saigner ont pour chacun de ses enfants qui ne participeront ni ne contribueront au développement. Pour ces ènfants, pour les espèces animales disparues, pour les terres agricoles depossédées à jamais de leur potentiel de la production de nourriture, toute possibilité de changement s’est envolée. Ces exemples, choisis au hasard, sont sinistres mais saillants. Il existe un danger qui dépasse tous les autres : la possibilité, qui paraît énorme du fait de à notre comportement actuel, que le village global n’arrive pas à agir en concertation. Madame Brundtland a le mieux exprimé ce péril : La Terre est une; le monde, lui, ne l’est pas. Nous sommes surtout à la recherche de nos propres

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La préserrvation de notre monde buts, individuels, nationaux, au mieux régionaux, sans tenir compte des conséquences éventuelles de nos actes sur autrui et sur d’autres pays. Nous devons absolument nous réunir, ou nous nous effondrerons. Le rapport Brundtland nous fait voir que nous pouvons «préserver notre monde». La meilleure preuve de notre capacité d’endurer afin d’assurer notre survie se trouve dans notre histoire récente. Nous avons évolué; nous sommes capables de formuler de vastes objectifs stratégiques et de travailler ensemble afin de les atteindre : - Le <<smogmassacrantu de Londres n’existe plus; il y a, comme jadis, des poissons comestibles dans la Tamise. - Les pays industrialisés sont en train d’arrêter la production d’essence et de peinture contenant du plomb. - Nousn’utilisons presque plus les détergents contenant des phosphates qui étouffaient nos courants d’eau il y a moins de vingt ans. - Depuis 1950, le pourcentage d’enfants mourant avant l’âge de cinq ans dans les pays en voie de développement a été réduit de la moitié. - Au cours des derniers trente-cinq ans, l’espérance de vie dans notre village global a augmenté dramatiquement de trente pour cent, allant de quarante-six ans a soixanteet-un. - En 1970, au Tiers-Monde, seulement treize familles rurales sur cent avait accès à l’eau potable; aujourd’hui, cette proportion est quarante-quatre pour cent. - Le taux d’analphabétisme chez les adultes du monde entier a dégringolé de quarante-cinq pour cent àvingt-huit pour cent en trente-six ans. - Dans le Tiers-Monde, en 1946, moins que la moitié de tous les enfants du monde commençaient l’école; de nos jours, quatre-vingt-quinze pour cent de ces enfants la commencent, au moins. - En 1970, un seul enfant sur vingt avait été immunisé; aujourd’hui, nous en immunisons quatre sur dix. Toutefois, nous n’avons pas encore le temps de nous payer le luxe de nous féliciter. Les bombes à retardement, l’une aussi ravageuse que l’autre, de la pauvreté croissante et de

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La préservation de notre monde la poursuite a portée limitee de la prospérité a court terme peu importe le prix, sont toujours parmi nous; leurs détonateurs sont plutôt courts; et ils sont liés ensemble. Le souci global, élément d’une importance croissante, représente notre plus grand espoir. Nous ne pouvons pas agir effectivement sans un soutien et des reclamations universelles et publics. «La volonte publique» se traduit très vite en «volonté politique», peu importe la culture ou la nation. Mais la volonté publique, mal informée, est au mieux impuissante, et au pire, dangereuse. Nous devons donc identifier l’ennemi, soit les causes de notre peril; chacune laisse ses empreintes uniques sur les systèmes écologiques de destruction dont nous sommes témoins. En retraçantnospointsvulnérables des symptômes aux causes, nous pouvons, ce faisant, chercher les nouvelles approches nécessaires pour guérir la maladie. Commençons par un survol bref de ces symptômes et de leurs causes. Qu’est-ce

qui nous arrive,

et pourquoi?

Généralement, nous mesurons ou identifions les dégâts qu’a subi notre village global en notant, même en quantifiant, ce qu’on appelle «le stress environnemental». Ce terme est une expression ou sténographie commode et à tout usage,mais qui comporte des sous-entendus marqués de la novlangue d’Orwell. Comme bien des expressions contemporaines spécialement inventées, celle-ci semble conçue davantage pour calmer l’anxiété que pour sensibiliser. (Ça nous rappelle le manuel de l’Armée de l’air canadienne, où l’on décrit un casque protecteur comme étant un casque <canti-balottement».)De la même façon, le wstress environnemental» comprend une multitude d’horreurs, des lacs morts et espèces disparues à la famine monstre, aux économies mourantes et à la migration croissante de, littéralement, des millions de réfugiés. Lorsqu’on parle des problèmes environnementaux, on accuse toujours la sur-exploitation des ressources et la pollution d’être les principaux malfaiteurs. Il en existe un autre : Il se peut que la pauvreté soit le pire ennemi de notre 14


La préserrvation de notre monde environnement. Les pauvres et les affamés détruisent leur propre environnement, et épuisent les ressources de la planète, en essayant d’éviter la mort pendant une autre journée ou année. Les forêts sont rasées pour obtenir les revenus qu’apporte le bois, et pour pouvoir cultiver plus de terrain, souvent des terres marginales. Les prairies sont sur-broutées. Les collines sont dépouillées et cultivées, causant l’érosion et la perte à jamais de quelque mince couche arable qu’il y ait eu. Lorsque la terre est épuisée, ces gens migrent en masse vers les villes dont les municipalités surchargées ne peuvent fournir ni l’emploi ni les denrées nécessaires à la survie. Cela ne veut pas dire que le développement à coeur joie soit la meilleure façon de résoudre les problèmes de la pauvreté. L’emploi à tort et à travers de ressources, de produits chimiques, d’énergie et de synthétiques àbase de pétrole est tout aussi dangereux que nous nous l’étions imaginé. Un indice des périls du système «d’assouvissement immédiati du développement industriel se trouve dans la mauvaise application infantile des buts et principes économiques. Les coûts environnementaux doivent faire partie de toute analyse coûts-bénéfices, que ce soit dansles procédures bancaires, la construction d’usine ou la distribution de matières premières. L’industrie sait bien qu’il coûte en moyenne quarante fois plus cher de résoudre les problèmes rétroactivement que d’intégrer des solutions au dessin original. Ce n’est pas étonnant, lorsqu’on considère qu’un nouveau produit industriel comporte normalement un délai d’exécution d’environ sept ans. (On doit faire des études du marché; des analyses de la disponibilité de la main-d’oeuvre, du materiel et des autres ressources; un examen de la concurrence; une recherche de fonds; le dessin du produit; la construction de l’usine; la formation du personnel; le développement de contrôles pour le niveau de la qualité; la commande d’emballages, d’annonces, et de Strat&$es de marketing; la garantie, par contrat, de matériaux et de pièces obtenus à bon prix; des prévisions nécessaires à estimer l’impact de la taxation, des tarifs, des frais de

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La préservation de notre monde transport; et ainsi de suite.) C’est au cours de cette longue phase que les pépins environnementaux doivent être identifiés et réglés. Ce n’est pas du tout rapide de trouver une solution rapide lorsqu’ils sont découverts plus tard (comme ils le seront inévitablement); et de telles réparations, tel que mentionné ci-haut, coûtent au moins quarante fois plus que cela aurait coûté s’ils avaient été intégrés dans le dessin de base. Il s’avère que la gestion de crises constitue une fort mauvaise économie. Seules les stratégies préventives sont payantes, tant au niveau économique qu’au niveau environnemental. De plus en plus, ceux qui polluent s’y font prendre, et étant obligés de réparer les dégâts, modifient l’erreur dans leur procéde ou produit. Les procès environnementaux de la dernière décennie démontrent trés bien à quel point la pollution est coûteuse au point dë vue Economique, sans parler des sommes d’argent monumentales nécessaires pour modifier des systèmes mal conçus. (Demandez à n’importe quel fabricant d’automobiles quel est le coût d’un seul «rappel».) Ainsi, la lutte pour la survie dans notre village global a deux ennemis qui n’avaient, nous supposions anciennement, aucun rapport I’un avec I’autre : Le premier est l’absence de développement; appelez-le du nom de son symptôme : pauvreté. Le deuxième est le développement irréfléchi; appelez-le du nom de son symptôme : pollution. Les deux sont, au niveau économique, insoutenables et non-durables. Nous commençons à nous rendre compte qu’ils sontfatals, en termes humains et environnementaux. Mais le troisième facteur dans l’équation de la survie (ou, inversement, l’équation du désastre) est économique; et c’est en reconnaissant cela que nous arriverons a comprendre ce qu’il nous faut faire afin de nous sauver nous-mêmes, ainsi que notre fragile planète. Examinons d’abord lès conséquences de la pauvreté. Nous devrions commencer par comprendre l’échec qu’ont connu certaines formes traditionnelles d’aide extérieure en tant que solutions aux problèmes complexes de la

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La préserrvation de notre monde pauvreté. Comme dans l’industrie, qui met de l’ordre une fois que les dégâts sont déja faits, une bonne partie de notre argent au titre de l’aide est dépensée pour la gestion de crise. Ceci est essentiel à l’occasion des inondations, des famines et des désastres naturels, mais inutile pour éliminerlapauvret6globale.Faisonsunpeudeperspective: Proportionnellement, il y a moins de gens qui ont faim aujourd’hui qu’en 1970. Mais en chiffres absolus, plus de gens manquent tellement de nourriture que leurs corps et leurs esprits sont abîmés de façon permanente. Évidemment, ceci est dû à notre croissance démographique globale. Nous ne rattrapons jamais notre retard. De même, tandis que le pourcentage des familles du Tiers-Monde ayant accès à de l’eau potable a augmenté, avec notre population globale croissante, le nombre total de gens qui n’ont pas accès à «l’assurance-maladie» que fournit Yeau propre a augmenté aussi. Les migrations vers les villes ont porte le nombre d’habitants des taudis et autres bidonvilles du monde développé à plusieurs dizaines de millions de personnes; ces gens vivent dans des baraques faites de feuilles de palmier ou en carton, dans des caniveaux d’égouts et des fossés. Pensez aux conséquences les plus pragmatiques de la pauvreté continue et croissante : Premièrement, comme nous savons tous, les pauvres sont un fardeau à casser les reins pour toutes sauf les plus riches des sociétés. La provision des services aux pauvres, à partir de la nourriture, les soins de la santé, les abris et l’énergie jusqu’à l’éducation, est au-delà de la capacité de la plupart des pays en voie de développement. Regardez seulement un aspect de l’évidence que le monde ne peut simplement pas use payer la pauvreté» : En voici quelques exemples : a) Dans diverses nations du Tiers-Monde, entre vingtcinq et soixante-dix pour cent de tous les lits d’hôpitaux sont occupés par des patients souffrant d’une maladie transmise par ou reliée à l’eau. b) En même temps, entre cinquante et soixante pour

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La préservation de notre monde cent du total des dépenses en santé publique dansles pays en voie de développement sont directement déclenchés par de l’eau malsaine. Maisl’Organisation mondiale dela santé calcule que ces nations pourraient récupérer en entier le coût de fournir de l’eau potable pour tous les citoyens de la terre, en cinq ou dix ans, avec la diminution des coûts d’hôpitaux et de soins de santé. Sûrement, un tel plan d’amortissement ferait l’af%àire de même le plus têtu des économistes industriels ou commerciaux. Mais il y a autre chose : a) Chaque année, dix millions de nos voisins dans le village global meurent d’une maladie transmise par l’eau. (C’est la population combinée de Rio de Janeiro et de Beijing, disparue, chaque année; tous les trois ans, le même nombre de morts que durant la deuxième guerre mondiale.) b) Si cesindividus survivaient, chacun d’eux apporterait à l’âge adulte, environ 50 $ par année en impôts directs et indirects à la société à laquelle il appartient. (Les impôts agrégés, de par le monde entier, varient entre trente et soixante-dix pour cent du produit national brut; le chiffre pour le Canada, par exemple, est maintenant supérieur à cinquante p. 100. Et même les nations les plus appauvries ont un PNB par personne de près de 200 $ US) Au cours d’une vie passée à gagner un salaire, chacun de ces individus aurait donc ajouté au moins 2000 $ aux revenus d’impôts de sa communaute - une somme qui aurait pu contribuer à la fourniture de services et au développement. c) Chacun de ces individus, même dans la nation la plus appauvrie, aurait contribué au moins quatre fois plus, disons huit mille dollars, au PNB de leur pays au cours d’une vie salariée. Considérez maintenant la perte purement économique qui nous afflige simplement parce que nous n’avons’ pas réussi à fournir de l’eau potable au Tiers-Monde : Avec dix millions de personnes tuées par l’eau impure cette annee, notre village global a perdu 20 milliards de dollars en revenus futurs d’impôts, et 80 milliards de dollars en PNB futurs. Nous perdrons le même montant,

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La préserrvation de notre monde chaque année, jusqu’à ce que nous dépensions seulement cinq pour cent de cette perte annuelle pour le développement (selon les estimations de I’OMS) afin de fournir de l’eau potable pour chaque homme, femme et enfant sur la planète. La pauvreté, c’est de l’économie politique pourrie. En dehors des coûts humains, voici un autre exemple du coût énorme que la pauvreté fait directement peser sur chaqueindividudanslemonde,passeulementleshabitants des pays pauvres. Comme nous l’avons mentionné, les pauvres surexploitent leurs terres, détruisent leurs forêts, dénudent leurs pentes et collines. De plus, ils s’installent sur de mauvaises terres et cultivent n’importe quelle terre disponible : dans les régions vallonnées et les plaines côtières, sujettes à l’inondation. Le résultat n’est pas seulement l’érosion du sol ni même la désertification. Dansles années soixante,ily eut5,2millions devictimes d’inondation. Dans les années soixante-dix, l’inondation a fait 154 millions de victimes. Les chiffres que nous recevrons pour les années quatre-vingt seront encore plus élevés. Durant les années soixante-dix, six fois plus de personnes sont mortes à cause de «désastres naturels» chaque année, que durant les années soixante. Il est fort probable que les chiffres pour des années quatre-vingt prolongent cette courbe de façon tragique. POURQUOI? Pas à cause de dieux courroucés ni de taches solaires. La plupart de ces évenements n’étaient pas du tout des *désastres naturels» : Si vous voulez trouver une cause directe de ces désastres, portez plutôt votre attention sur les taux d’intérêt élevés qui gonflent la dette du Tiers-Monde et sur la baisse des prix des produits à l’exportation. Par exemple, au Bangladesh, l’inondation aété directementreliee àl’érosion due au dbfrichement excessif de certaines forêts. Mais on a fait cela afin d’obtenir un revenu à court terme en devises étrangères, nécessaires pour compenser les faibles revenus

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La préservation de notre monde tirés des autres produits et pour supporter le coût de plus en plus élevé de la dette. Considérez ensuite le coût de l’aide d’urgence, presque impossible à calculer, pour les pays industrialisés qui viennent secourir ceux qui sont affligés par la sécheresse, l’inondation, la famine et l’épidémie. Les gouvernements de l’Ouest, craignant les conséquences politiques de leurs propres déficits, feraient bien d’examiner les vastes sommes gaspillées sur la pauvreté. En effet,, le village global vit au-delà de ses moyens. Le luxe que nous ne pouvons plus nous payer est la pauvreté mondiale. La pauvreté brûle l’âme et la substance de toute société qu’elle frappe aussi sûrement qu’un feu de forêt qui est hors de contrôle. Nous devons maintenant reconnaître qu’il n’y a pas de «pare-feus internationaux que nous pourrions construire pour protéger le monde industriel des conflagrations rageant au Tiers-Monde. Depuis longtemps, les périls et désastres économiques et écologiques ne peuvent plus être contenus par des frontières faites par lhomme. «Une planète», ça l’a toujours été. «Un monde», ce l’est, pour que nous le partagions ou le détruisions. Ainsi que nous avons vu et,je l’espère, reconnu, nos problèmes proviennent du développement insuffisant (en un mot, de la pauvreté, en sténographie), et du développement irréfléchi (en un mot, de la pollution). Regardons maintenant l’autre facette de notre dilemme. Au niveau mondial, nous connaissons une croissance très forte, un peu comme Alice lorsqu’elle a consommé la potion «Bois-moi» au Pays des Merveilles. Considérez que: a> Le taux de consommation des combustibles fossiles est trente fois plus grand qu’au début du siècle. Troisquarts de cette augmentation se fit après la Deuxième guerre mondiale. b1 La production industrielle est cinquante fois plus grande que celle d’il y a cent ans. Quatre-vingt pour cent de cette expansion a eu lieu depuis 1950. c) Nous avons défriché plus de terrain pour l’agriculture et pour la colonisation au cours de ce siècle qu’au cours de toute l’histoire humaine rapportée. 20


La préserrvation de notre monde Les bénéfices de l’expansion sont évidents : une meilleure santé; une espérance de vie rallongée; l’éducation universelle; de meilleurs logements; un niveau de vie plus élevé et une <<qualitéde vie>>convenable; mais uniquement pour ceux d’entre nous qui avons part à la prosperité. La croissance peut obliquer la consommation et, de ce fait, la disponibilité des ressources nécessaires pour la survie. Voici quelques petits exemples : Les consommateurs des nations industrialisées utilisent 160 fois plus d’énergie, par personne, que ceux des pays en voie de développement. Nous utilisons dix fois plus de produits de papier. Nous consommons quotidiennement 50 pour cent plus de calories, 100 pour cent plus de protéines, et 110 pour cent plus de matières grasses. Nous consommons trente fois plus d’eau, par personne. Les nations industrialisées utilisent, par personne, quinze fois plus #acier et treize fois plus d’autres métaux. Là, il ne reste pas beaucoup de place pour que le TiersMonde puisse se rattraper. La technologie moderne a permis aux nations industrialisées de réduire leur consommation de ressources (surtout dans le domaine de l’énergie) tout en conservant, et même en augmentant la productivité. Depuis la choc pétrolier de 1973, le Japon aréduitde soixantepourcent le montant d’énergie et de matières premières utilisées dansl’industriepourchaqueunitédeproduction, enpartant d’une calculatrice de poche à une télévision, un ordinateur ou une automobile. Mais la croissance démographique et la croissance des revenus dans les pays en voie de développement continueront à exercer de la pression sur les ressources limitées. Afin de survivre, nous devons absolument apprendre à connaître lesliensfragiles qui existent entrenosressources. Il y a des seuils que nous ne devons pas franchir dans notre empressement à développer de nouveaux produits, d’accélérer la croissance et d’augmenter la prospérité. Nous savons maintenant que la structure générale de notre écosphère peut être irréparablement endommagée par une activité irréfléchie dans un seul domaine. Chaque

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La préservation de notre monde segment de notre écosphère est relié à tous les autres, aussi sûrement que le sont les compartiments d>un sousmarin. Enlevez à un seul compartiment sa capacité d’être à l’épreuve de l’eau, perforez la coque d’un seul trou, et tout le monde se noie. Cet <<effetmultiplicateur» est aussi réel à la surface de notre planète. Par exemple : «L’effet de serre», causée par les combustibles fossiles brûlés, qui créent dans l’atmosphère une accumulation de dioxyde de carbone menent directement à la dégradation de l’environnement et, par suite, à un appauvrissement encore plus élevé, avec les conséquences en spirale que nous avons examinées. Nous ne pouvons plus jouer à la roulette russe avec notre planète. Et il ne servira à rien de murmurer que «nous ne savions pas que le fusil était chargé», lorsque les blessures seront fatales. Il se peut qu’il soit déjà trop tard pour réparer le trou dans la couche d’ozone au-dessus de l’Antarctique, causé en partie par les CFC issus de contenants de plastique en voie de dégradation, par les gaz s’échappant des climatiseurs et par les émissions des bombes aérosol. Déjà, l’épuisement de l’ozone a mené à 100 000 nouveaux cas de cécité par année dans le monde, causés par les cataractes. De plus, chaque fois que la couche d’ozone diminue d’un pour cent, le taux d’incidence de cancer de la peau augmente de trois pour cent. Les pluies acides signifient bien plus que la fin de la pêche à la truite dans les régions touristiques : la perte de forêts entières engendre plus d’érosion du sol, plus de changements climatiques, et, à long terme, plus d’inondations, plus d’envasements, et tout le reste. L’Association américaine des médecins classe maintenant les pluies acides comme la deuxième cause de cancer du poumon après le tabac; et les officiels de l’Organisation mondiale de la santé croient qu’il est possible que les pluies acides sont la cause d’un doublement de la mortalité due à l’asthme au cours de la dernière décennie. Par nos méthodes d’élimination de déchets toxiques, ou plus précisément, par notre manque de méthodes saines 22


La préserrvation de notre monde d’élimination de déchets toxiques, nous laissons aux générations futures un billet à ordre fatale. Certains «experts» de cette génération peuvent bien trouver que les risques que posent les déchets radioactifs qui s’accumulent sont *acceptables». Ils ne devront pas affronter, eux, les risques que posent ces poisons, des poisons qui resteront actifs pendant des siècles; ce sera leurs descendants qui sauront si notre jeu (qui met leur vie en jeu> a valu la chandelle. Ils n’ont pas été consultés, eux. Tout comme nous uléguonswces périls que nous avons créés à des enfants qui ne sont même pas encore nés, nous «exportons» aussi des périls, sans que nos voisins du village global en aient connaissance ni qu’ils y consentent. Les mouvements des poisons synthétiques dans l’air et l’eau ont fait de la pollution l’activité principale transnationale. Nous devrions surtout être préoccupés par notre ignorance. Nousne savons tout simplementpas quand estce que quelques-uns de nos crimes d’omission causeront la dégradation environnementale à faire boule de neige, résultant dans une masse critique et provoquant une réaction en chaîne que nous ne saurons pas contrôler. Aucun scientifique ne peut prédire à quel moment nous franchirons le seuil final, à quel moment l’effet de serre causera des changements climatiques qui suffiront à détruire la civilisation telle que nous la connaissons. Mais nous savons que le temps est limité. Même si nous n’arrivons pas à la lire, l’horloge de la survie globale est sûrement en train de marquer sa dernière heure. Il est donc essentiel de conduire encore plus de recherches, d’étude et d’analyse et que nous comprenions mieux la situation. En revanche, nous n’avons pas besoin de plus d’information afin de commencer à agir pour nos propres intérêts. Lorsqu’un enfant a la pneumonie, nous ne décidons pas que wz’estnécessaire d’effectuer d’autres recherches» avant de lui donner des antibiotiques et de l’oxygène. Lorsque l’inondation menace nos maisons, nous n’allons pas dessiner un programme de diversion hydraulique avant de construjre des barrières en sacs de sable qui retiendront l’eau. Evidemment, nous voulons 23


La préservation de notre monde faire de la recherche en espérant pouvoir prévenir la pneumonie à I’avenir; certainement, nous voulons un canal de diversion ou une rigole de rivière plus profonde afin d’éviter d’être inondés l’an prochain. Mais avant tout, ne perdons pas cet enfant ni cette maison. Nous en savons assez long maintenant pour empêcher le danger de croître et pour réparer beaucoup des dégâts qui ont déjà Bté faits. Si nous évitions de mobiliser les connaissances et les habiletés que nous avons acquises, nous serions coupables d’un espèce de meurtre-par-défaut global et environnemental. 11est aussi utile de commander de nouvelles études avant d’agir concrètement que d’entreprendre une thèse sur la vitesse de la balle lorsqu’on est visé par un tireur prêt à faire feu. On doit ajouter qu’aucune quête d’un avenir de securité ne peut avoir de signification sans un effort infiniment plus vigoureux et plus universel destiné à mettre fin au péril environnemental le plus important et le plus décisif : la possibilité vraie et persistante de l’anéantissement nucléaire. On ne peut s’adresser à aucune de ces préoccupations sans s’attaquer à la crise économique et la maîtriser. Sinon, celle-ci rendra impossible quelque progrès que ce soit. Les taux d’intérêt internationaux élevés, les prix à la baisse des biens provenant du Tiers-Monde et des coûts d’énergie plus élevés peuvent ensemble dérouter les efforts les plus acharnés de la part de n’importe quelle nation pour conserver même un minimum de services et de niveau de vie. Par exemple, uniquement entre 1980 et 1984, la baisse rapide des prix des produits a coûté aux pays en voie de développement 55 milliards de dollars en perte de revenu; et ce, tandis que le service de la dette opérait des coupures draconiennes dans les ressources disponibles àcause des tauxd’intérêt croissants. Le résultat direct fut que le PNB de à peu près toutes les pays en voie de développement (à l’exception de l’Inde et de la Chine) a baissé au cours de ces années. De plus, le coût de la crise Qconomique mondiale n’est partagée ni justement ni logiquement. Le fardeau des pauvres de notre village global est le plus lourd; en 24


La préserrvation de notre monde conséquence, ils pratiquent, pour survivre à court terme, une sur-exploitation de ressources déjà très limitées qui nous appauvrira tous. Nous devons raviver l’enthousiasme affaiblipourla CO-opérationmultilatérale et internationale. Les tendances récentes au protectionnisme, aux guerres commerciales et aux gestes unilatéraux ne peuvent que nous faire du tort à tous. La seule attitude «égoïste» qui nous soit permise consiste à considérer que nous appartenons à l’humanité, dont l’intérêt coïncide avec le notre. Dans le passé, nous avons compté sur l’innovation technique et l’ingénuité pour résoudre nos problèmes. Elles ne suffisent plus. Notre approche basée sur l’improvisation ressemblait plus au bricolage qu’à la guérison ou à la réparation. Sans une approche globale à l’environnement et au développement, nous n’avons aucun espoir de réussir (pour «réussirw, lisez «survivre»). Tenter de s’occuper des pluies acides, par exemple, sans prêter attention à la crise financière globale, serait aussi raisonnable que de mettre un pansement sur un pied blessé sans prendre garde au fou qui cherche à nous couper la gorge. Tous ces «stress environnementaux» sont reliés, interconnectés. De plus, la structure indivisible de nos dangers environnementaux est liée tout autant aux circonstances économiques et au développement. Les politiques d’énergie affectent directement l’effet de serre et l’acidification; et elles affectent souvent la perturbation de l’habitat des animaux sauvages et l’inondation de terres arables. Le commerce mondial en agriculture a un impact direct sur la dégradation de l’eau, du sol et de la forêt. Tous ces stress environnementaux menacent le développement économique nécessaire à construire un village global sain. De même, le développement économique irréfléchi (appelez-le non-durable) ne fait qu’accroître les tensions environnementales. Les liens sont plus nombreux si nous construisons notre modèle à trois dimensions de préoccupation : les préoccupations environnementales et économiques sont 25


La préservation de notre monde directement influencées, chaque jour, par les politiques sociales. Une croissance démographique rapide, par exemple, a un impact environnemental et économique profond. Des politiques nationales ont aussi une influence directe sur les deux, bien entendu. Et ce sont toutes des voies à deux sens : les conséquences du stress environnemental ou du développement économique inéquitable compromettent toujoursla stabilité politique et sociale. Si nous n’améliorons pas le sort des femmes de ce monde, si nous ne protégeons pas l’être vulnérable dans notre village global, si nous ne concevons pas de mécanismes promouvant la participation locale dansla prise de décisions, il n’y aura aucune stabilité pour nous, ni au niveau de l’environnement, ni au niveau du développement, ni même socialement et politiquement. Il se peut que nous puissions diviser l’atome ou même quelques-unes de ses parties, mais nous ne pouvons pas nous payer le luxe de méconnaître la nature systémique, indéniablement évidente, de la série environnement, développement, société, corps politique. Ces quatre éléments, aussi sûrement que «Yair, l’eau, la terre et le feu» de nos ancêtres, forment les quatre forces essentielles, dépendantes les unes des autres, qui gouvernent notre destin etnotre survie. Ils sont, littéralement, symbiotiques. Si nous pouvons les comprendre et les gérer pour notre bien mutuel, ils peuvent être synergiques. Mais il faut reconnaître que le wious» de la phrase précédente est, en effet, très vaste. Tout comme nous avons séparé, balkanisé, et compartimenté nos problèmes dans le passé, nous avons isolé et fragmenté l’assignation des responsabilités, et ce, avec la même futilité. Nous nous attendions à être protégés par les ministères et institutions de l’environnement, mais ils n’avaient aucune juridiction sur les processus qu’ils devaient contrôler. La protection de l’environnement, même sans un seul gouvernement, s’apparante a la loterie lorsqu’elle dépend de l’influence que possède le ministre de l’environnement au sein du cabinet comparativement à celle de ses collègues des ministères de l’Energie, de des Finances, des Forêts, etc. (Le l’Agriculture, 26


La préserrvation de notre monde gouvernement du Canada est un sujet d’étude très déprimant dans ce domaine, de même que celui des E.-U.). Ainsi, les ministres del’environnement ont dû se contenter surtout de politiques réactives plutôt que proactives; ils sont devenus pompiers, aspergeant des incendies qu’on aurait pu prévenir si ces ministres avait pu exiger des matériaux àl’épreuve du feu, des diffuseurs, des détecteurs de fumée, et tout le reste. Les mots clés ont été <<le reboisement» plutôt que la protection des forêts, «le renouveau urbain» plutôt que la planification urbaine, 4a restauration» du milieu naturel plutôt que la protection. Au lieu d’être les architectes et les ingénieurs d’une économie et d’un environnement plus robustes, nous ressemblons plutôt au petit hollandais, le doigt dans la digue, essayant de repousser la mer du Nord. Af?in de modifier le système pour notre propre bien, commençons tout d’abord à nous rendre compte des choses les plus simples : LA SURVIE, C’EST L’AFFAIRE DE TOUS. Alors, chaque ministère doit faire de l’environnement, et dubesoin d’un développement durable, un but primordial : en fait, le but primordial. Et chaque industrie, chaque entreprise, chaque économiste, et, oui, chaque famille et individu doit faire de même. Il ne suffit plus de guérir les symptômes : lorsque les analgésiques ne sont plus efficaces, il ne restera peut-être pas assez de temps pour nous demander pourquoi nous ne sommes pas arrivés à éliminer la maladie. Leséconomistesetlesbanquiersontcommencéàdiscuter aveclesfermiersetlesfabricantsprincipaux. Parexemple, nous ne pouvons pas écouler à bas prix des produits agricoles subventionnés ou de surplus sur un marché mondial, tout en nous attendant à ce que le Tiers-Monde repaieune dette extérieure dansune communautémondiale où leurs produits ne peuvent plus faire concurrence. Nous ne pouvons pas, non plus, continuer à mettre les noms de nos enfants et de leurs enfants, sur des billets de reconnaissance de dette d’environnement et de développement. Surtout pas lorsque nous sommes, en 27


La préservation de notre monde même temps, en train d’épuiser leurs ressources (auxquels ils ont droit en naissant), avec une rapidité qui les laissera sur la paille en matière d’environnement. Chaque nation devra développer des politiques et des procédures qui conviennent à ces besoins et aspirations particuliers. Mais si toutes les nations ne coordonnent pas leurs efforts en une stratégie globale, la stabilité durable sera impossible. Nous devons incorporer à tous nos mécanismes et nos accords le principe démocratique de l’assentiment : cela signifie «l’assentiment» dans le plein sens du mot : 3assentiment informé». Au Moyen Age, la plupart des communautés avaient une «commune», un pré ou une place où chacun faisait paître son bétail. Tous les membres de la communauté partageaient donc une ressource et une responsabilité. De nos jours, cette commune couvre tout le globe. Il n’est pas trop tard pour sauver la <<communeglobale». Si nous partageons la préoccupation et la responsabilité, nous pourrons aussi partager l’espoir et les récompenses.

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La préserrvation de notre monde

Nous savons que pour survivre, nous avons besoin du développement. Comme nous l’avons vu, l’impact du développement traverse non seulement les nations, mais aussi les générations. Donc, le «nous>>dans le titre de ce chapitre comprend les enfants qui ne sont pas encore nés ainsi que ceux de nous qui sommes déjà là. «Un developpement que nous pourrons assumer» doit signifier: a) Un développement qui répond auxbesoins du présent, et, également, b) Un développement qui ne dépouillera pas les générations futures de leur chance de survivre et d’être prospères. La part des choses doit être équitable entre les générations, ainsi qu’entre les sociétés et les nations, et aussi a I’intkieur d’elles. Le développement n’a aucune définition à l’intérieur d’un vide social. Il est significatif à condition qu’il serve les aspirations et besoins humains et à mesure qu’il sert les aspirations et besoins humains. Ainsi, pour décider quel développement nous désirons, et à quel niveau, nous devons considérer deux critères qui, eux seuls, peuvent justifier nos plans de croissance : 1. De quoi avons-nous besoin? 2. Quelles limites devons-nous reconnaître en décidant ce que nous désirons et ce dont nous avons besoin? Nous disposons de certaines lignes directrices : Il nous <<faut»un développement suffisant pour mettre fin à la pauvreté globale. Il est clair que nous ne pourrons pas préserver notre environnement à moins d’atteindre ce but. Il nous «faut» un développement suffisant pour nourrir, loger, éduquer et employer tous les citoyens de notre village global.


La préservation de notre monde Ilnous 4aut» un développement suffisant pour conserver I’espoir. Les limitations manifestes que nous devons analyser sont également évidentes : Nous sommes limités par des actes qui détruiront n’importe quel secteur de notre écosphère fragile et interdépendante. Nous sommes limités par les ressources naturelles disponibles. Nous sommes limités par le dernier-cri technologique. Plus profondément, nous sommes limités par un manque d’organisation sociale à l’intérieur de notre village global. Nous sommes et nous serons des paralytiques de l’environnement et du développement, jusqu’à ce que la volonté publique et politique et les mécanismes de coordination soient établis. Maisnous avons appris que les mots «croissance» et <(développementY ne sont pas blasphématoires : pas si nous pouvons les assumer. Appelez cela «le développement durable» : le développement qui, et nous sommes d’accord là-dessus (si vous acceptez les arguments précédents), respecte les limites imposées par le besoin simple et direct d’auto-préservation. Nous devons donc examiner les dimensions et les limites de notre <<enveloppede liberté» de croissance et d’action. Oliver Wendell Holmes, juge à la cour suprême des É.U., avait à porter un jugement au cours d’un procès civil où un homme poursuivait un autre qui avait cassé son nez à une jeu de balle molle. L’accusé déclara qu’il n’avait fait qu’exercer son droit d’agiter les bras d’excitation à un moment critique. Holmes lui répondit : *Tout homme a le droit d’agiter les bras. Mais ce droit est circonscrit par la proximité du nez de son voisin.» Nous avons déjà cassé trop de nez pendant notre course précipitée pour nous procurer de plus grandes voitures, plus de confort matériel et des salaires plus élevés. Vivant sur la surface de cette machine à travers le temps qu’on appelle la terre, nous risquons maintenant de casser des nez pendant une bonne partie du siècle prochain. Afin de répondre aux besoins de notre village global, la réalisation de notre plein potentiel de croissance est 30


La préserruation de notre monde critique, à l’intérieur des limites dont nous avons discute. Un autre besoin absolu vient s’ajouter a ceci, soit celui de réaliser le plein potentiel dans la distribution des ressources. Nous avons déjà accompli des miracles au niveau de la croissance : - La production mondiale de céréales a augmenté de 250 pour cent depuis 1950. - La production industrielle a été multipliée par quarante au cours des dernières trente-cinq années. - La production brute mondiale a augmenté plus de vingt fois depuis le début du siècle. En même temps, l’écart entre riches et pauvres s’est élargi. <<Leprogrès» et «la prospérité» appartiennent de plus en plus à une minorité d’entre nous. L’affirmation qu’une production miraculeusement élevée peut coexister avec la pauvreté très répandue n’est pas une théorie; il s’agit d’un fait pénétrant de notre siècle. Il est temps d’utiliser notre maîtrise des systèmes naturels pour le bien commun, soit la préservation de cette «commune>>que nous avons identifiée ci-haut. Depuis au moins dix mille ans, les sociétés humaines perturbent l’ordre naturel des choses. Le processus a commencé lorsque nous avons décidé d’abandonner la vie nomade pour s’organiser en communauté agricole. Aujourd’hui, les descendants de ces premières groupes humaines à jouer avec la nature peuvent, grâce à la physique nucléaire, transformer le plomb en or, et grâce à lagénétique, créerdesformesdevieentièrementnouvelles. Le roi Canute est né avant son temps. En Chine aujourd’hui, la mer est littéralement «retenue» par des digues en pierre faites par des hommes qui l’empêchent d’envahir les vastes étendues de terres conquises par assèchement. Que devons-nous faire, alors, afin d’assurer un développement que nous pouvons assumer, un développement durable, et d’assurer une répartition équitable à l’avenir des bénéfices résultant du nouveau développement, ce qui est aussi critique? Quelques réponses rapides sont faciles a énoncer, sinon à mettre en pratique : - L’éducation. 31


La préservation de notre monde - La réglementation, l’inspection environnementale et la mise en vigueur des lois environnementales. - La création d’institutions ayant comme mandat la recherche, la conception, l’organisation et la coordination d’un développement respectueux de l’environnement. - Un but plus difficile à atteindre : On doit accorder plein pouvoir à ceux qui sont touchés par les dangers environnementaux afin qu’ils influencent les événements qui mènent à leur détresse. Nous connaissons tous d’innombrables exemples de la façon dontlesindividus,lescommunautés,lesnationsetrégions entières sont affligés par des dégâts environnementaux qu’ils ne peuvent aucunement contrôler : - Si les fermiers prennent plus que leur part de l’eau d’irrigation, les récoltes du petit cultivateur en aval ne pousseront pas. - L’eau chaude déversée par la centrale thermique nucléaire pourrait éliminer le gagne-pain de plusieurs centaines de pêcheurs dont la prise potentielle a été tuée. - La construction dune nouvelle autoroute pourrait exposer tous les enfants qui habitent à proximité à l’empoisonnement par le plomb à cause des émissions provenant de la circulation. - L’utilisation abusive de pesticides agricoles pourrait empoisonner les puits des voisins en contaminant l’eau dans le sol; et il n’existe aucune technologie pour purifier cette eau contaminée. - Une décision économique de réduire les coûts d’électricité en brûlant du charbon moins cher dans des centrales électriques dans un pays pourrait multiplier les pluies acides au point où elles détruiraient une industrie de forêt dansunautrepaysse trouvantàplusieursmilliers de kilomètres des centrales. Toutes nos conventions sociales reposent sur l’bypothèse que la plupart d’entre nous respecteront les lois et les frontières. Nous éprouvons de la difficulté à affronter les hors-la-loi. Mais la pollution et la dégradation sont des hors-la-loi internationaux. Ils ne reconnaissent ni lois ni frontières internationales; ils ne reconnaissent aucun drapeau national. Même un écrivain de science-fiction 32


La préserrvation de notre monde n’aurait pas pu inventer un ennemi plus envahissant. Semblableàunvaisseauspatialfantomatiquevoyageant à travers le temps, la pollution est capable d’encercler le globe sans qu’on la voie, et de porter sa destruction à travers ce qui nous reste de l’histoire humaine -jusqu’au prochain siècle et au-delà. Nous devons donc créer de nouvelles institutions, de nouveaux instruments et de nouvelles armes capables de combattre une menace qui peut, en ce moment, traverser les frontières du temps ainsi que de l’espace. L’initiative doit provenir de la plus petite unité : l’individu. Pourtant, nous sommes peu nombreux à vouloir initier le changement à moins de ressentir que nos voisins feront comme nous. Jusqu’à ce que nous obtenions l’assurance réciproque que nous agirons de manière responsable, la plupart d’entre nous continuerons de préserver égoïstement ses propres intérêts. Ainsi doit-on commencer par l’éducation, dans le sens le plus large du mot. (Le droit, par exemple, peut comporter un élément éducatif: prenez comme exemple les changements apportés à l’utilisation des ceintures de sécurité; pensez a l’amélioration du comportement envers les minorités qui s’est opérée à mesure que les lois protégeant les droits humains ont été adoptées par les pays industrialisés. Grâce à des lois nouvelles, certains comportements sont considérés de nos jours comme étant socialement inacceptables. Les règlements sont efficaces pour créer un climat social inhibiteur, non seulement par crainte d’être pénalisés, mais aussi parce que nous savons que lamajorité de nos pairs n’approuvent pas. Ça nous gêne de penser qu’on donne l’impression d’être démodé : les gens qui imposent la fumée de tabac secondaire aux autres sont moins nombreux de nos jours; .les gens qui prennent le volant après avoir bu sont moins nombreux aussi. Les règlements et les programmes pour l’éducation du public sont tous les deux effkaces. La nature internationale de la pollution sous toutes ses formes ajoute une nouvelle dimension au problème de la réglementation. Le Canada ne peut pas réglementer la 33


La préservation de notre monde formation des pluies acides aux États-Unis. Tahiti ne peut pas empêcher les déversements de pétrole qui pollueront peut-être ses plages et détruiront sa faune et sa flore. L’Argentine ne peut pas contrôler les taux d’intérêt en Allemagne ou en Angleterre, qui peuventréduire sacapacité de subvenir aux besoins de son peuple. LaMalaisie ne peut pas décider du prix de l’étain en France, ni l’Inde le prix du thé en Hollande. Pour ne pas mâcher les mots : une nation ne peut plus contrôler ni protéger de façon unilatérale sa propre économie ou son propre environnement. La Suède n’aurait pas pu prévenir Chernobyl, même si elle en a subi les conséquences. Aujourd’hui, deux mille bassins fluviaux et masses d’eaux marines sont contaminés parles bateaux et les émissions industrielles, non pas provenant des pays adjacents, mais d’une centaine d’autres nations. La seule réponse est de reconnaître le plus tôt possible que nous avons tous un intérêt commun à survivre. Un premier pas vital, après avoir reconnu notre interdépendance, serait de distribuer partout les pouvoirs décisionnels économiques et commerciaux. Plus nous nous engagerons, plus nous serons portés à coopérer et plus nous serons sûrs que nos efforts seront efficaces et qu’ils éveilleront l’intérêt:Nous ne pouvons tout de même pas nous attendre à ce que les gens nous aident à défrayer les dépenses de la fête sans qu’ils y soient invités. La coopération, si nous la désirons, doit commencer au plus vite. Plus l’état de notre environnement empire, plus les écarts entre riches et pauvres seront grands. Les fermiers pauvres sont les premiers à souffrir et ce sont ceux qui souffrent le plus lorsque la terre se détériore; ils n’ont pas les moyens d’agir contre I’érosion. Lorsque les ressources minérales sont épuisées, les derniers-arrivés (les nations récemment industrialisées et les pays en voie de développement) connaissent les pires épreuves : ils n’ont ni réserves, ni approvisionnementsgarantis. Lorsque la qualité de l’air urbain baisse, les pauvres sont les premiers à en souffrir (ils habitent dans les régions industrialisées, près des usines où ils travaillent, et à côté des voies ferrées). Mais les gens plus riches, dans les 34


La préserrvation de notre monde banlieues, sur les collines dégagées où il n’y a pas d’industrie, en souffriront éventuellement, eux aussi. La meilleure chose pour ces gens plus fortunés serait de voir les exemples de désastres potentiels déjà évidents dansles quartiers de leurs pairs et nations moins prospères. Il y a cent ans, les mineurs de charbon apportaient dans les puits de mine des canaris. Si un canari tombait sans connaissance, les mineurs savaient qu’il y avait des gaz dans le tunnel et se sauvaient si possible. Les pays industrialisés, en toute innocence, se sont servi du monde en voie de développement comme canari du puits global. Il est grand temps que nous percevions les signaux de danger que nous recevons. Le village global n’est pas un puits de mine gallois. Nous ne pouvons pas y laisser le canari et nous précipiter vers la surface. Donc, nous ferions mieux de dissiper le gaz. Un premier pas essentiel serait de refaire et d’accroître la repartition du revenu dans le Tiers-Monde. Si la misère absolue n’est pas éliminée, il y a peu d’espoir, ainsi que nous avons vu, de préserver l’environnement et l’économie globaux. La tâche est moins herculéenne qu’elle ne le semble. On estime que l’extrême pauvreté dans le monde en voie de développement, dont elle touche peut-être la moitié de la population, pourrait être réduite à un fléau affligeantdixpourcentdecesgens,avecuneaugmentation annuelle de revenu par personne de seulement trois pour cent. (Comparez donc ce chiffre aux ententes concernant les salaires de cadres supérieurs ou de conventions collectives de travail que vous avez lues récemment.) Etant donné les statistiques et les projections démographiques, cela voudrait dire une augmentation du PNB de cinq ou six pour cent en Afrique, en Asie, et en Amérique latine. Est-ce possible? Oui! Les recherches indiquent que la plupart des pays asiatiques, y compris l’Inde et la Chine, pourraient vraisemblablement connaître une augmentation de cinq pour cent du PNB. L’Amérique latine a connu des taux de croissance de cinq pour cent au cours des années soixante et soixante-dix; la crise internationale d’endettement mit fin à cette croissance. Une augmentation de ce genre en 35


La préservation de notre monde Afrique nécessiterait un changement structure1 plus difficile à opérer. De plus, ces améliorations ne se produiront pas d’elles-même; cela demandera un effort global. Mais la nécessité nous incite à redoubler nos efforts. Selon l’observation qu’a faite Sam Johnson : <<Monsieur,soyez-en sûr : Lorsqu’un homme sait qu’il sera pendu dans une quinzaine, il arrive à se concentrer de façon formidable.* La dure réalité est que nous sommes tous au TiersMonde par rapport aux lois inflexibles qui gouvernent l’équation environnementidéveloppement. Notre bateau de sauvetage est bien petit et nous avons intérêt à écoper. Alors. L’équité économique au niveau global est un préalable. L’équité entre les nations individuelles l’est aussi. Par exemple : Dans la plupart des nations du Tiers-Monde, la répartition des revenus se fait à peu près ainsi : Vingt pour cent des familles bénéficient de la moitié du revenu national et cinquante pour cent se répartissent quinze pour cent de ce revenu. Ainsi, si ces proportions ne changent pas, il faudrait que le revenu national total double pour que la fraction des familles en dessous du seuil de pauvreté diminue de cinquante pour cent à dix pour cent. Toutefois, si on détournait seulement vingt-cinq pour cent des nouveaux revenus vers ceux en-dessous du seuil de pauvreté, une augmentation annuelle minime de cinq pour cent dans le PNB aurait le même effet à l’intérieur d’une génération. Afin de survivre en cherchant des revenus plus élevés pour le Tiers-Monde, ainsi qu’une productivité accrue pour l’Ouest industrialisé, il faut contrôler la qualité de la croissance. Les pays industrialisés ont appris à produire plus de choses avec moins d’énergie, avec une meilleure gestion des ressources, et même en recyclant des matériaux qui, auparavant, venaient grossir nos montagnes de déchets toxiques et polluants. La plupart des pays industrialisés (certains plus que d’autres) sont en train de transformer les déchets en énergie, le fumier en biogaz, les vidanges de

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La préserrvation de notre monde pétrole en huile combustible. Nous devons élargir ces domaines d’expertise et les transférer au Tiers-Monde. Afin de contrôler la uqualité de la croissance», nous devons aussi commencer à ajouter tous les facteurs à notre bilan de développement. Les tableaux d’un économiste industriel ne sont pas complets s’ils n’examinent pas les déficits environnementaux potentiels. Les économistes ou planifickteurs industriels qui pensent qu’une bonne planification écologique nuit au commerce ou qu’elle n’a aucun rapport à leur avenir, devraient êtremis aurancart, tout comme ceux qui affirmaient que fumer, c’était bon pour la santé, et que les cornes de rhinocéros amélioraient le libido. Les Grecs de l’ancien temps avaient un mot pour l’exprimer : Les mots «écologie,, et 4conomie,, ont la même racine grecque : <teco,,.Le mot grec <<eco,, servait à décrire soit une maison soit la gestion et l’intendance d’une maisonnée. L’intendance décrit bien la tâche que nous envisageons dans notre maisonnée globale; afin de relever ce défi, nous devrons comprendre parfaitement les notions d’écologie et d’économie. En examinant la qualité de la croissance ainsi que son potentiel, on doit toujours voir les gens comme étant le point central de notre environnement. Les gens sains et instruits sont la levure de tout développement, soit, l’ingrédient essentiel. Les analphabètes, les gens qui ont faim et les gens qui sont en mauvaise santé forment le plus grand obstacle à notre survie. Le besoin humain le plus fondamental est d’être capable de gagner son pain; c’est un besoin fondamental à tous les autres : la nourriture, le logement, les vêtements. D’ici l’an 2000, nous aurons 900 millions de personnes de plus sur le marché du travail du village global; il faudra trouver des emplois pour 60 millions d’entre eux, à chaque année. S’ils travaillent, ils seront en route vers une bonne nourriture pour eux et leurs familles. Ce n’est pas peu dire. Si nos voisins dans le monde en voie de développement doivent manger aussi bien que ceux dans les pays industrialisés d’ici l’an 2000, il faudra :

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La préservation de notre monde Une augmentation annuelle de cinq pour cent de la consommation de calories et de 5,s pour cent de celle de protéines en Afrique. Des augmentations de trois à quatre pour cent en Asie et en Amérique latine. Pour atteindre ces objectifs, il faudra qu’il y ait une augmentation importante de la production de protéines, qu’elle provienne de la culture de légumes secs et de graines oléagineuses, du développement des industries laitières, de la création d’entreprises familiales de pisciculture, ou de quoi que ce soit. L’énergie sera un facteur critique. Il se peut que trois milliards de gens vivent dans des régions où il y a très peu, ou même pas du tout, de bois à brûler d’ici la fin du siècle. Nous devons trouver des sources alternatives de combustibles et d’énergie et les rendre disponibles. Les solutions iront des foyers améliorés en terre, faits à la main et qui économisent l’énergie, à l’utilisation de «superconducteurs,, pour distribuer l’énergie hydro-électrique. La stabilisation démographique est un but principal si nous voulons gérer notre écosystème de façon rationnelle. C’est ironique que les enfants qui naissent dans le monde industriel imposent un fardeau bien plus lourd à l’environnement à cause de leur emploi énormément disproportionné des ressources. Mais tandis que la population du monde industriel montera seulement à 1,4 milliard à partir de 1,2 milliard d’ici l’an 2000, les populations du Tiers-Monde doubleront presque, de 3,7 milliards à 6,s milliards. Les phénomènes qui font baisser les taux de natalité dans les nations de l’Ouest (une prospérité accrue, le développement économique et social, y compris l’éducation) sont à l’oeuvre dans le Tiers-Monde, mais pas assez rapidement. L’urbanisation croissante dans les pays en voie de développement est toute aussi critique. Près de quatrevingt-dix pour cent de la croissance démographique dans le Tiers-Monde aura lieu dans les villes; et ces villes sont incapables de répondre aux besoins des populations existantes. Il faut développer des villes satellites plus petites. Les familles rurales doivent être encouragées à

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La préserrvation de notre monde rester sur leurs terres mais cela n’est possible que si çaleur rapporte sufEsamment. Le développement du Tiers-Monde ne peut qu’être retardé par la pression continue sur nos ressources limitées et l’utilisation excessive de nos ressources renouvelables. Les gens qui n’ont pas d’options ne portent pas leur regard vers l’avenir lorsqu’ils ont le ventre creux aujourd’hui. Ainsi, les pêcheurs asiatiques attrapent plus de poissons à l’aide de la dvnamite, et ce faisant, perdent la récolte potentielle de i’année d’après. Si les revendeurs et les concessionnaires ne leur volaient pas leur part juste des profits, ou si les profits n’étaient pas affectés par les guerres mondiales de prix des produits, les pêcheurs pourraient peut-être reprendre leurs pratiques de pêche normales, et ménager leur seule source de revenu. Avant tout, les pays industrialisés doivent aider le Tiers-Monde à éviter les erreurs périlleuses commises au cours de l’industrialisation dans l’Occident. Nous n’aurons plus de ressources du tout si les pays en voie de développement gaspillent l’eau, l’énergie, la nourriture et le reste avec la même légèreté dont a fait preuve l’Occident au cours du dernier demi-siècle. Nous devons entreprendre devastesrecherchesau sujet de l’adaptation desmatériaux technologiques, la conservation de l’énergie, la biotechnologie et les autres innovations récentes de l’état industriel aux besoins duTiers-Monde. Nous devons aussi nous concentrer davantage sur les <<produitssociaux”. D’abord, nettoyer l’air ët l’eau; ensuite, envisager des produits qui dureront plus longtemps et une plus grande uniformité de produits et de pièces. &‘obsolescence calculée” nous coûte trop cher, avec nos ressources qui diminuent; pareillement pour l’utilisation irrationnelle de ressources énormes afin de concevoir et fabriquer des pièces pour des produits qui sont tuniques” (et inutiles comme pièces de rechange sauf s’il s’agit d’une marque particulière de voiture, de rasoir ou de réfrigérateur). Nous ne devrions pas non plus consacrer des ressources pour mettre au point un emballage de cigarettes plus à la mode, ou pour concevoir et fabriquer des machines dont l’unique fonction est d’emballer un dentifrice à rayures

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La préservation de notre monde multicolores. En général, «nouveau et meilleur” se traduit par uplusdispendieux et gaspille encore plus de ressources”. Nous devons aussi anticiper les risques et périls écologiques, et prévoir àl’avance. «L’analyse du risque” est essentielle si nous ne voulons pas nous fier aux réactions spasmodiques et à la gestion de crise improvisée lorsqu’il arrive un Bhopal, un Tchernobyl, un Three Mile Island, une rivière du Rhin, un Love Canal. Cela sous-entend un système de coordination qui reliera l’industrie, les divers secteurs et le gouvernement, afin d’évaluer et de minimiser les risques : c’est essentiel parce que même si plusieurs industries individuelles suivent à la lettre les règlements écologiques, l’impact total de leurs activités pourrait être mortel. Ajoutez aux émissions de plomb provenant des automobiles les pluies acides causées par l’industrie, et 4’effet multiplicateur” pourrait être fatal. Nous ne pouvons plus nous contenter de limites <<adéquates” imposées aux dangers écologiques pris séparément. C’est l’impact total, synergique qui compte. La mère affligée d’un enfant mort ne sera pas consolée si on lui dit que les quantités de mercure, de cadmium, de plomb, de PCB, de pesticides et de dioxine ingérées par son enfant étaient chacun à un «niveau raisonnable”, alors que c’est la combinaison de l’ensemble qui était fatale. Nous devons modifier les lois. Mais sans une participation communautaire active et renseignée à travers lemonde, la réglementation à elle seule n’a pas de dents. La gestion des ressources doit être décentralisée, et le public doit être encouragé à participer, à tous les niveaux, à la prise de décision. Tous les éléments de la politique de la croissance et du développement doivent être évalués à la lumière des besoins de l’environnement : Les lois fiscales, les projets de développement de ressources, les projets d’expansion industrielle, les programmes de commerce, les subventions agricoles, les programmes d’investissement, le développement d’énergie. + Toutes ces politiques doivent être soumises à des critères environnementaux, au niveau national et au niveau international.

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La préserrvation de notre monde Nous sommes d’avis que la philosophie de «non-coupable jusqu’à preuve contraire” ne s’applique pas à certains domaines de la société, car elle ne suffit pas pour garantir la sécurité publique. Dans certains cas, l’accusé doit fournir des preuves de son innocence. Ainsi, par exemple, nous devons prouver que nous possédons un permis de conduite valide; on doit démontrer que les nouveaux médicaments brevetés ne sont pas dangereux avant de pouvoir les lancer sur le marché; on doit prouver que les produits comestibles ne sont pas contaminés. Il est peut-être grand temps que cette législation du fardeau de la preuve s’applique au domaine de l’environnement en entier, et non seulement à nos autoroutes, à nos pharmacies et à nos épiceries. Qu’on accorde «la présomption de l’innocence” et «le bénéfice du doute” à des produits chimiques mortels n’est pas juste, ni envers leurs concessionnaires et fabricants, ni envers le consommateurinvolontaire,lorsquecesproduitss’infiltrent dans notre terre, notre eau et notre air. Le développement durable peut engendrer l’harmonie, l’équilibre et la justice entre les peuples, et entre notre espèce humaine et la nature. Il ne peut être réalisé qu’à l’aide d’un dévouement et d’un effort tenaces et inaltérables. Pas un seul d’entre nous sur cette commune globale peut échapper aux dangers que présente le désastre environnemental. Donc, pas un seul d’entre nous peut être <<dispensé»d’accomplir ses responsabilités individuelles et coIlectives. Les règles de la survie sont aussi immuables que les lois de la physique. II n’y aura pas «d’amnistie” si nous désobéissons et ne réagissons pas aux impératifs que nous reconnaissons et comprenons maintenant; il n’y aura peutêtre même personne pour écrire notre épitaphe.

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La prĂŠservation de notre monde


La préserrvation de notre monde

Depuis les années cinquante, l’impact des politiques des nations industrialisées sur les environnements et les économies du monde en voie de développement est quasi instantané, grâce aux immenses progrès réalisés en matière de communications et de transport. Dès qu’un secteur de la communauté industrielle, financière ou commerciale dans l’Ouest attrape un rhume, les nations du TiersMonde commencent à éternuer, mais ces nations disposent de beaucoup moins des ressources pour combattre les maladies économiques. En général, depuis la deuxième guerre mondiale, les décisions économiques prises par le «Premier Monde” sont allées à l’encontre des intérêts, et même de la survie, du Tiers-Monde. Afin d’assurer un développement <~durable”,il existe deux pré-conditions essentielles : 1. Nous devons garantir la survie de l’écosphère, partout sur la planète. 2. Les partenaires économiques <<Est-Ouest”ou <<NordSud” doivent tous les deux être satisfaits de la justice de leurs ententes mutuelles. Jusqu’à présent, le monde est plus ou moins divisé en deux : «ceux qui font” et «ceux qui subissent’. Il est consternant C’est pénible d’examiner ce que le monde industriel C(afait’ au Tiers-Monde. Les gouvernements des nations industrialisées, ainsi que les ‘banques internationales et leurs multinationales, ne semblent pas être toujours conscients du danger qui se présente à nous tous lorsque la maison de notre voisin est en feu. Le danger qui menace sa propre maison et sa sécurité ne peut être qu’exacerbé lorsqu’on est le débiteur hypothécaire de la maison du voisin! Les plus sages d’entre nos agences et entreprises internationales ont vu la fumée au cours des deux dernières décennies. Il est grand temps que nous constituions une brigade internationale pour combattre l’incendie. 43


La préservation de notre monde On a fait quelques efforts pour rationaliser les finances et le commerce internationaux et les aligner sur les besoins du développement durable; mais on ne s’est pas donné les moyens nécessaires pour avancer aussi rapidement et agressivement que nous le devons. Winston Churchill a bien résumé ce besoin, dans un discours au Parlement de Grande Bretagne en février 1944 : «Mieux vaut avoir peur maintenant que d’être tué plus tard.” En 1946, parlant aux États-Unis dans une université à Fulton, Missouri, le chef de l’Angleterre en guerre, a fait mention de la dominante incontrôlée par la technologie et des conséquences possibles pour l’humanité : «L’âge des ténèbres pourrait resurgir; l’âge de la pierre pourraitréapparaîtresouscouvertdumiracle scientifique... Il ne reste peut-être pas beaucoup de temps.” Pour résumer, les politiques économiques et commerciales du monde industriel ont surtout servi à multiplier et aggraver les problèmes économiques et environnementaux du monde en voie de développement. Nous avons déjà vu comment le fardeau croissant de la dette et la chute des prix des produits à l’exportation .ont forcé les pays du Tiers-Monde à abuser et sur-exploiter leurs ressources; ils abattent les arbres plus vite qu’ils peuvent les remplacer, provoquant ainsi des phénomènes d’érosion des sols et d’inondation, ainsi que l’élimination d’une base de ressources renouvelables. Trop souvent, le même scénario se déroule en agriculture et a la pêche. Chaque augmentation des taux d’intérêt, chaque baisse de prix des produits, chaque nouveau tarif douanier, et chaque vis qu’on serre dans la structure croissante du protectionnisme de l’Ouest, accroît la vitesse avec laquelle le Tiers-Monde se précipite dans le gouffre de la pauvreté et du désastre environnemental. À titre d’exemple : Le Burkino Faso, le Tchad, le Mali, le Niger et le Sénégal, cinq pays situés dans la région du Sahel en Afrique (au sud du désert du Sahara), ont augmenté leur production annuelle de coton de 6’78 fois entre 1962 et 1983 (de vingt-sept millions de tonnes à 154 millions de

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La préserrvation de notre monde tonnes). Pendant que la production augmentait au cours de ces deux décennies, les prix mondiaux du coton étaient en chute; comme résultat, même une production énormément accrue ne pouvait pas permettre à ces nations du sud du Sahara de maîtriser une dette internationale croissante. En même temps, la région du Sahel établit un autre record moins enviable : Au début des années soixante, I’ensemble de la région du Sahel importait 200 000 tonnes de céréales par année. En 1984, la région a dû importer 1’77 million de tonnes de céréales, presque neuffois plus que vingt ans auparavant. Une partie de cette augmentation peut être expliquée par une croissance démographique; mais une autre partie, bien plus importante, est manifestement attribuable aux terres qui ont arrêté de servir àla production de nourriture afin de produire le coton qu’il fallait exporter pour payer les frais de dettes. Même cette équation ne compte pas la destruction, probablement massive, de terres arables par la culture excessive du coton. Il faut faire remarquer que le monde occidental a agi efficacement en apportant de l’aide d’urgence en ce qui concerne la sécheresse du sud du Sahara en Afrique, les inondations au Bangladesh, etc. Toutefois, presqu’aucune des nations industrielles a réussi à atteindre les objectifs d’aide étrangère que tous avaient acceptés d’entreprendre : c’est-à-dire, trois-quarts d’un pour cent du PNB annuel. Cela signifie, pour le Tiers-Monde, que le flot net de ressources, de l’argent et des biens, a en fait diminué-en termes réels, au cours des dix dernières années. En outre, les sommes d’argent qui doivent être injectées au Tiers-Monde pendant le reste de cette décennie ne représentent que la moitié du montant nécessaire pour raviver la croissance économique et pour contenir la pauvreté grandissante et généralisée. Il est essentiel pour la survie du village global que les nations riches donnent aux pauvres des ressources plus abondantes, en prêts et en aide, en commerce et en technologie. La qualité et la quantité de ces échanges de ressources doivent être améliorées. On doit cibler les 45


La préservation de notre monde processus et les procédures qui encourageront un développement durable. L’accusation qui veut que les nouveaux flux de capitaux vers le Tiers-Monde alimentent les déficits n’est pas une théorie nébuleuse. Par exemple : - En 1979, il y eut un <(transfertnet” vers le Tiers-Monde de 41’4 milliards de dollars. (Ce chiffre comprend les prêts, l’aide et l’investissement, en déduisant le paiement des intérêts, les profits réalisés sur les investissements et repatriés vers les pays donateurs, etc.) En 19,85,ces mêmes pays, sauf l’Amérique latine, avaient un DEFICIT net de 31 milliards de dollars. En Amérique latine, qui est affligée parla charge la plus lourde de dette extérieure, les chiffres ont changé d’une entrée nette de 156 milliards de dollars en 1979 à un exode de 30 milliards de dollars en 1985! En général, les pays en voie de développement perdent progressivement du terrain; entre 1980 et 1985, la croissance démographique a dépassé la croissance économique dans presque chaque état en voie de développement. Plusieurs nations du Tiers-Monde, surtout celles de l’Afrique du sud du Sahara, essayant désespérément de survivre, ont accepté des programmes d’austérité imposés par le Fonds monétaire international : c’est en fait un préalable afin d’obtenir le crédit qu’ils doivent avoir à tout prix, juste pour pouvoir payer leurs services d’intérêt. Un résultat direct de ces méthodes draconiennes est que toutes ces nations se sont vues obligées de recouper radicalement leurs programmes sociaux et environnementaux. Il s’avère que l’austérité n’est qu’une nouvelle forme douloureuse de suicide économique à long terme : parce que la pauvreté créée par l’austérité (le chômage croissant, la faim, la surpopulation urbaine, etc.) ne font qu’alimenter le feu de la destruction de l’environnement au moyen de la sur-exploitation des ressources et labaisse des services de santé et d’éducation. L’Afrique du sud du Sahara et l’Amérique latine sont devenues des gabarits de la destruction planétaire. On ne pourrait trouver de meilleur exemple d’immolation humaine, économique et écologique. Plutôt que de continuer 46


La préserrvation de notre monde ces programmes idiots d’austérité, le monde occidental pourrait atteindre le même but, plus efficacement et sans plus de souffrances, en défoliant et en attaquant au napalm les ressources agricoles duTiers-Monde. Tout le processus de paiements de dette en spirale, de prix de produits en chute, et de protectionnisme de la part de l’Ouest signifie une forme de génocide-par-défaut. On dit que «la vérité est la première victime de la guerre”. Il semblerait que dans notre guerre pour la survie du village global, la rationalité soit la première victime. II est ironique et autodestructeur que la notion de conservation soit généralement ignorée durant les périodes de difficultés économiques, lorsqu’on en a le plus besoin. Les équations-de-destruction courantes sont tellement simples qu’elles en sont effrayantes : a) La pauvreté et la faim mènent à la destruction de l’environnement, ce qui mène à : - Encore plus de pauvreté et de faim. b) Les taux d’intérêt plus élevés et les prix de produits plus bas mènent à des épargnes en déclin et moins d’investissement, ce qui signifie : - Encore plus de pauvreté, moins de services, moins d’emplois, et une explosion de pauvreté, de faim et de toutes leurs conséquences économiques désastreuses. on peut renverser le cerclekycle vicieux. A titre d’exemple, le sud de l’Asie dans les années soixante, où on a remédié à une crise semblable à la situation que connaît aujourd’hui l’Afrique et l’Amérique latine. Dans le sud de l’Asie en général, la croissance démographique ralentit; l’épargne, l’investissement et les emplois sont en croissance; les taux d’alphabétisme, de production de nourriture, même d’espérance de vie, ont commencé à augmenter, la gestion environnementale et le développement et la planification technologique à long terme deviennent la norme. Ça ne se passe pas ainsi en Afrique et en Amérique latine. Malgré d’énormes augmentations en production, le revenu monétaire commercial a baissé de dix pour cent en Afrique du sud du Sahara entre 1970 et 1985. Durant les 47


La préservation de notre monde dix dernières années, les prix du coton, du sucre, du bois, du caoutchouc, du fer, même des noix (les arachides) et du cacao ont nettement baissé. En 1980, les états africains du sud du Sahara ont dû prendre quinze pour cent de leur revenu d’exportation pour payer l’intérêt sur leur dette extérieure. En 1985, la proportion du revenu mise de côté au service de la dette avait déjà doublé, à trente-et-un pour cent. Il faut se rappeler que les gens qui ont faim travaillent moins bien. Ils produisent moins, gagnent moins d’argent, contribuent moins au rétablissement de leur pays. L’aide à long terme qu’on prévoit actuellement pour l’Afrique n’est pas suffisante. Si les niveaux d’aide ne changent pas de façon dramatique, les problèmes vont empirer. La dette internationale menace autant la stabilité du monde industriel que celle des pays en voie de développement. En bonne partie, parce que les gens qui sont profondément endettés arrêtent de consommer. A titre d’exemple : - Quatre des nations de l’Amérique latine sont accablées de trente pour cent de la dette internationale du globe (environ 950 milliards de dollars) : le Mexique, le Brésil, le Venezuela et l’Argentine. - Au cours des trois dernières années, la quantité de biens que l’Amérique latine importe du monde industriel a diminué de quarante pour cent, en termes réels. Il ne s’agit pas de coïncidence; il s’agit tout simplement d’une relation de cause à l’effet. Un chiffre de plus dans la litanie du désespoir en Amérique latine : presque quarante pour cent du revenu d’exportation sert uniquement en ce moment à payer le service de la dette internationale. Il ne lui reste donc pas beaucoup de devises fortes pour acheter des produits et services de l’ouest. Vous demanderez à n’importe quel investisseur, banquier international ou chef d’industrie international, quelle serait sa première priorité en gérant une entreprise quelconque dans un pays étranger. Ils vous donneront tous la même réponse : la stabilité. 48


La préserrvation de notre monde Considérez maintenant ceci : La stabilité est fort peu probable dans un pays où les services sociaux et éducatifs se font couper, où le chômage accroît, où les villes sont de plus en plus encombrées et bouleversées, et tout cela à cause de paiements de dettes étrangères qui montent, de prix de produits en déclin, et du protectionnisme accéléré de l’Ouest. Ce fait-là est critique pour le monde industriel, où la part de minéraux (autres que l’huile) importés du Tiers-Monde pour la fabrication manufacturière a augmenté de dix-neuf à trente pour cent entre 1960 et 1980. Pourtant, au cours de la même période, on accorda beaucoup moins de prêts commerciaux et internationaux au Tiers-Monde. Les banquiers se sont avérésdesamisvolagesdespaysenvoiededéveloppement. Lorsque tout se passait bien, les banques de l’Ouest se faisaient concurrence pour prêter de l’argent au TiersMonde; à mesure que la récession globale entravait la croissance, les taux d’intérêt montèrent en flèche, atteignant des niveaux records, et la source d’argent se dessécha. La simple survie exige que les montants d’argent dont disposent la Banque mondiale et le Fonds monétaire international augmentent très sensiblement. Elle exige aussi qu’il y ait plus de prêts d’accordés par les banques commerciales. Mais la <<qualité>> de ces prêts est une considération primordiale. Anciennement, les prêts pour les projets de pêche, d’agriculture, de bois et d’industrie visaient l’obtention de profits à court terme, plutôt que le développement durable et soutenable. Cela ne suffit plus, de nos jours. Les projets éclairs dans le Tiers-Monde ressemblent complètement à l’histoire du cambrioleur qui brise la vitrine du bijoutier et se sauve avec une poignée de bagues et de montres. Nous avons laissé trop de fenêtres brisées dans les pays en voie de développement. Généralement, le développement à petite échelle représente le meilleurespoird’une croissance respectueuse de l’environnement. Nous devons «rattachen, beaucoup moins notre aide aux produits et matériaux provenant de l’Ouest, et placer une proportion beaucoup plus grande 49


La pr&ervation de notre monde dans des programmes de base. Trop de pays, comme le Canada, urattachent, leur aide en insistant que l’argent udonné» au pays en voie de développement soit dépensé en biens et services (qui sont bien plus chers que nécessaire) provenant de la nation «donatrice». Il se peut que ce soit sage d’un point de vue de politique intérieure. D’un point de vue économique, c’est idiot. Heureusement,laBanquemondialeamaintenantdécidé d’intégrer à ses décisions de prêts et ses évaluations de projets des facteurs environnementaux. C’est primordial, parce que les autres institutions qui prêtent de l’argent, ainsi que les gouvernements, ont tendance à niveler leurs propres activités selon les procédures et priorités de la Banque mondiale. Le Fonds monétaire international devrait suivre l’exemple de la Banque mondiale. De surcroît, la Banque mondiale et le FMI devraient élaborer des méthodologies d’études et de plans d’impact environnemental, qui pourraient ensuite être4ransféréew aux nations du Tiers-Monde. Au plan commercial, les pays en voie de développement ne peuvent pas survivre et certainement pas prosperer, si le protectionnisme envahissant de l’Ouest (qui, d’ailleurs, va à l’encontre du but recherché) contrecarre leurs efforts pour diversifier leurs économies. En ce ‘moment, soixante-treize pour cent du revenu d’exportation des nations que nous appelons *les moins développées» (IesnationslespluspauvresduTiers-Monde) proviennent de la vente de matières premières. Ce chiffre est une recette pour le désastre économique. En 1985, La Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développementaestiméquelesprixmondiauxdesproduits (en dehors du pétrole) avaient baissé de trente pour cent depuis 1980- en termes de dollars et en terme réel. Tandis que le monde industriel commence à sortir de la récession des années quatre-vingt (peut-être pour faire face à une autre dans les années quatre-vingt-dix), les pays en voie de développement n’ont pas réussi à améliorer leurs conditions (les prix des produits sont encore à leur point le plus bas), en bonne partie parce que le TiersMonde, en tentant désespérément de trouver les moyens 50


ont fait baisser les pr producteurs des pays envoie de développement ne jouissent pas du soutien des prix, des subventions et des allégements fiscaux dont jouissent les fermiers, les producteurs de minéraux et d’autres agents économiques dans les nations industrialisées. Un système quelconque pour stabiliser les prix est à la base de la prospérité et la croissance duTiersMonde. En ce qui concerne les ressources non-renouvelables, les gouvernements du Tiers-Monde devraient exiger que : a) Tout locataire/exploiteur devrait s’engager à entreprendre une exploration qui prouve qu’il existe de nouvelles réserves équivalentes à ou plus importantes que celles qu’il retire. b) Le rapport entre la production et les réserves dont on a fourni la preuve doit être maintenu à un niveau fixe et durable. c) Une proportion adéquate des fonds générés par les royautés doivent être affectés au développement capable de remplacer les ressources non-renouvelables épuisées. (Le soi-disant «Fonds d’héritage>>créé en Albert au Canada à partir des revenus de royautés sur le pétrole est un cas d’étude intéressant dans ce domaine.) d) Les exploiteurs de ressources doivent être tenus responsables d’établir des moyens de contrôle environnemental, de restauration des sols et des autres conséquences de l’extraction des ressources. (Les pentes et vallées stériles et érodées des Appalaches suite àl’extraction à ciel ouvert dans les états américains du Kentucky, de la Virginie, du Missouri et d’autres, nous fournissent un exemple classique de l’échec de l’industrie dans ce domaine. En survolant la côte ouest de la Colombie britannique au Canada, on peutvoir un autre exemple d’érosion irréversible créée par les coupes à blanc de bois sur les flancs de montagnes.) La plupart des pays duTiers-Monde n’ont ni l’expérience, ni Yexpertise, ni les ressources pour contrôler efficacement le développement des ressources. Ils ont besoin de notre


La préservation de notre monde aide. La Banque mondiale, le FMI, les agences d’aide de l’Ouest et les agences des Nations Unies devraient, et même doivent coordonner leurs projets afin de mobiliser le niveau adéquat de compétences et de ressources qu’il faut à nos voisins du village global. Nous ne fournissons pas beaucoup d’aide présentement. À titre d’exemple : L’Ouest industriel encourage la production des betteraves à sucre, au détriment des exportateurs de canne à sucre. Pourquoi ce fait importe-t-il? a) La production de betterave à sucre exige énormément de capital. b) La production de betterave à sucre repose beaucoup sur l’utilisation d’herbicides chimiques. De plus, la betterave à sucre a une capacité éventuelle de régénération et de production bien inférieure à celle de la canne à sucre, à cause de la façon dont elle consomme les éléments nutritifs du sol. c>Dans le Tiers-Monde, le gagne-pain de trente millions de personnes dépend de la canne à sucre. Les économies nationales de nombreuses nations, y compris Fiji, les îles Maurice et plusieurs îles des Caraïbes (y compris Cuba) dépendent entièrement de l’exportation de la canne à sucre. d) La production de canne à sucre coûtebien moins cher, elle emploie beaucoup plus de main-d’oeuvre, elle cause bien moins de dégâts écologiques et elle peut préserver un bon nombre d’économies du Tiers-Monde. Pourtant, le monde industrialisé persiste à promouvoir la production de betterave à sucre en cherchant à plaire aux électeurs agriculteurs. Deux poids, deux mesures : c’est ainsi que fonctionne la relation entre le monde industriel et le Tiers-Monde. Ceci est aussi destructif que les deux m,esures traditionnelles dans la société sexiste de l’Ouest. A titre d’exemple : Si les multinationales des états industriels, au cours de leurs activités dans le Tiers Monde, étaient obligées de se plier aux mêmes règlements concernant la pollution qu’ils doivent respecter dans leurs propres pays, leurs coûts, pour la seule année 1980, auraient augmenté de 14,2 52


La préserrvation de notre monde milliards de dollars! Je dois ajouter qu’il s’agit là d’une approximation plutôt basse. Ces chiffres ne comprennent pas les coûts du dommage fait à l’environnement par ces multinationales dans les pays en voie de développement. Malheureusement, à mesure que les états industriels exportent une technologie dangereuse pour Yenvironnement et pour les ouvriers qui n’est plus acceptable <<chez eux», les responsables politiques du TiersMonde ont souvent tendance à voir ces technologies destructives et polluants comme une <<belleoccasion» de développer l’industrie et la main-d’oeuvre locales. C’est ainsi que l’Indonésie et d’autres nations ont toute une nouvelle génération vieillie avant l’âge de jeunes femmes dont la vue a été diminuée par les vapeurs des solvants qu’elles utilisent pour nettoyer les puces électroniques des systèmes de montage de radios, d’ordinateurs et de télévisions. Les compagnies de tabac expédient dans le Tiers-Monde des cigarettes très concentrées en goudron, au motif que 4es populations y préfêrent des cigarettes plus fortes». On envoie souvent aux pays en voie de développement une technologie, des produits et des processus qui sont désuets ou purement et simplement dangereux au niveau environnemental : Lorsque le marché américain a interdit les produits contenantdel’amiante,legouvernementcanadienainvesti des millions de dollars pour vendre au Tiers-Monde ce produit capable de détruire la vie, car il y avait (voici les paroles mémorables d’un porte-parole du Ministère des mines) «moins de résistance dans ce marché». Voici un résultat typique au Tiers-Monde de telles politiques égoïstes et myopes : on voit clairement, dans un fossé au Sri Lanka, desfibresmortelles d’amiante, flottant dans l’eau qui provient d’une usine d’amiante. Cette usine a été construite avec de l’aide extérieure. (Dans de tels cas, on peut s’interroger sur l’expression <<aide>>.) Une solution rapide : les multinationales du monde industriel, tout comme leurs gouvernements, doivent assumer un rôle direct en favorisant le développement durable. Nous avons trop de c<Bhopals»qui couvent dans le Tiers-Monde. 53


La préservation de notre monde Lesmultinationales dominent le commerce mondial des matières premieres. Les problèmes du développement de l’environnement ne peuvent donc pas être résolus sans leur participation. Les multinationales ne pourront pas survivre ce siècle ni le prochain sans ces solutions, elles non plus. Nous avons déja observé qu’il est complètement futile de présumer que les pays en voie de développement sont capables de résoudre d’elles-mêmes leurs propres problèmes. Elles n’ont ni les ressources ni le contrôle nécessaires. A titre d’exemple : Entre quatre-vingt et quatre-vingt-dix pour cent du commerce mondial de thé, café, cacao, coton, produits forestiers, tabac, jute, cuivre, fer, et bauxite est contrôlé, dans chacun des cas, par un cartel des trois a six multinationales principales occidentales. Ce n’est donc pas que les multinationales uobtiendronb un rôle a jouer; elles sont déjà les joueuses principales. Ce qu’ilnousfautmaintenant,c’estd’apporterunchangement aux règlements et de réévaluer les objectifs du jeu. La plupart des pays en voie de développement doivent négocier à partir d’une position faible lorsqu’ils ont affaire aux multinationales. Non seulement ces géantsinternationaux contrôlent-ils la plupart des matières premières et des produits, ainsi que nous l’avons souligné ci-haut, mais ils jouissent aussi d’un budget annuel qui est souvent supérieur au PNB total du pays du Tiers-Monde où ils opèrent. Ce n’est pas étonnant que ces nations, souvent minuscules et généralement pauvres, acceptent ce que veulent bien leur offrir ces énormes entités commerciales mondiales. Le plus souvent, ce qu’on leur offre est l’exploitation minière, comme nous avons vu, et «l’exportation» d’une industrie très polluante dans leTiersMonde. Actuellement, par exemple, environ un quart de tout l’argent investi directement dans le Tiers-Monde par le Royaume-Uni, les Etats-Unis et le Japon, est affecté à l’industrie des produits chimiques, industrie qui présente probablement les plus grands risques pour Yenvironnement. L’agriculture, I’exploitation minière et

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La préserrvation de notre monde d’autres industries d’extraction attirent un autre vingtcinq à trente-cinq pour cent de l’investissement de la part de l’Ouest dans les pays en voie de développement. Jusqu’à ce que les deux participants (les corporations industrielles et le Tiers-Monde) soient à égalité, il ne peut y avoir ni équité, ni confiance, ni de projets efficaces pour un environnement sain. Il est urgent et critique de renforcer la capacité des nations du Tiers-Monde de négocier avec les multinationales. Les organismes régionaux et internationaux peuvent et doivent leur venir en aide. De l’assistance technique et des équipes de conseillers doivent être disponibles pour travailler avec les pays individuellement lorsque ces derniers veulent négocier. Ces escouades de conseillers habiles fonctionneraient comme un groupe tactique mondial, protégeant l’environnement ainsi que ses principaux tributaires, les citoyens de chaque nation. Les ressources que ces brigades spéciales apporteraient à chaque négociation comprendraient de l’information détaillée au sujet des normes exigées pour les processus et les produits qui s’avèrent dangereux pour l’environnement par les pays d’origine des multinationales; ceci contribuerait a assurer l’exportation de ces mêmes normes de protection environnementale au Tiers-Monde, ainsi que Yinvestissement et les autres éléments d’exploitation. On doit aussi faire un effort urgent et concerté pour intégrer les réalités pragmatiques de l’environnement et du développement durable aux règles-du-jeu que doivent suivre les multinationales faisant. affaire dans le TiersMonde. L’OCDE et les Nations Unies devraient, toutes les deux, donner l’exemple en ajoutant ces questions critiques aux discussions courantes sur les codes de comportement pour le commerce international. Nous devons à tout prix effectuer un échange et un transfert de technologie beaucoup plus vastes afin de pouvoir développer le genre de croissance que nous pouvons assumer. Un effort organisé et délibéré pour développer une nouvelle technologie est essentiel. Les entreprises et les gouvernements ne peuvent plus justifier un refus de 55


La préservation de notre monde leur part de partager l’information. Dans le monde d’aujourd’hui, qui rétrécit sans cesse, la réclamation d’un brevet, d’un droit d’auteur ou d’un droit acquis sur de l’information critique constitue un acte infâme de négligence globale. C’est comme si, en voyant quelqu’un qui saignait à mort sur le bord de la route, nous refusions d’expliquer comment attacher un tourniquet. Uniquement en 1980,les pays en voie de développement ont déboursé environ 2 milliards de dollars de royautés et de frais à l’Ouest industriel contre de l’information et des produits scientifiques et technologiques. Il est probable que ce système profite à court terme à des entreprises individuelles. Mais compte tenu des maigres ressources du Tiers-Monde, ce système constitue une gifle à nos efforts destinés à préserver nos ressources globales. Même au plan de la survie de l’Ouest, un système par lequel nous obligeons les pays en voie de développement à payer pour le savoir technologique est aussi sensé que d’obliger nos voisins à nous payer pour un vaccin contre le choléra lorsque nous savons que nos enfants attraperont sûrement leur peste, si nous ne les aidons pas à éviter la maladie. Le droit de propriété est issu d’un système que le monde ne peut plus se payer. Il est vrai que nous partageons tous le droit de propriété au plan de la survie globale; nous ne pouvons protéger ce droit qu’à travers un système international de coopération et de contrôle. Il nous faut infiniment plus de recherche, mais pas forcement infiniment plus d’argent. La plupart des fonds internationaux de recherche et développement sont affectés au secteur militaire; les objectifs commerciaux des grosses entreprises en reçoivent une partie. Il est clair que la plànète survivrait sans l’investissement de plusieurs millions de dollars destiné à créer un fusil d’infanterie qui pèse cent grammes de moins que le modèle actuel; cette somme servirait mieux à développer de nouvelles variétés de graines de céréales plus productives, des systèmes de biogaz économiques, ouune technologie pourl’eaupotable. La biotechnologie est un domaine de développement primordial pour la survie et le succès du Tiers-Monde. Les pays en voie de développement peuvent accomplir beaucoup 56


La préserrvation de notre monde de choses à travers des centres régionaux de recherche coopératifs et co-financés. Les Btats industriels doivent leur venir en aide. L’Ouest doit aussi aider les pays en voie de développement à développer leur commerce d’exportation, surtout dans les domaines où nous cherchons à préserver les ressources plutôt que de les démolir. Les économies des états du Tiers-Monde ont besoin d’être *démarrées» afin de leur permettre d’atteindre un niveau où elles pourront se développer seules. Cela veut dire qu’il faut renverser les tendances actuelles. Le scénario déprimant de cette décennie a été la montée du protectionnisme et la baisse de la coopération internationale et des ententes multilatérales. L’isolationnisme et les tentations égoïstes sont des luxes que nous ne pouvons plus nous payer. Notre bateau de sauvetage global bouge à peine dans l’eau; si nous laissons tout le soin de ramer aux gens de l’autre côté du vaisseau, nous continuerons tout simplement à tourner en rond et nous n’aboutirons nulle part. Nous possédons des cartes de survie adéquates, et de bonnes boussoles afin d’identifier la direction de la croissance durable; mais les deux ne serviront à rien tant que nous resterons assis sur nos rames.

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La prĂŠservation de notre monde


L.a préserrvation de notre monde

Il existe une série d’équations ironiques par rapport à la population. En voici quelques exemples : a) La pauvreté engendre la surpopulation. Lorsqu’une grosse proportion de bebéset d’enfants meurent, les familles nombreuses représentent le seul «plan de retraite» que les familles peuvent se payer. b) Certaines, nations fournisseuses d’aide (plus précisément, les Etats-Unis) n’approuvent pas, au niveau politique, certaines méthodes de planification (notamment, l’avortement remboursé démographique par l’état); ils refusent donc d’appuyer les projets de planification démographique dansleTiers-Monde. Résultat : la population monte en flèche et consomme beaucoup plus de fonds d’aide en médicaments et en nourriture.c) Les ressources limitées de notre village global ne peuvent pas soutenir une population qui croît à l’infini. Mais il nous faut quand même plus de gens pour développer les ressources dont nous disposons, surtout les gens possédant la formation et les habiletés nécessaires. Ceci dit, les taux actuels de croissance démographique ne peuvent pas persister si nous devons tous survivre. Au début de l’an 1985, nous étions 4,8 milliards de personnes; quatre-vingt millions s’y sont ajoutés seulement au cours de cette année-là. En 1990, nous étions 5,29 milliards et on projette que nous y ajouterons un autre milliard d’âmes au cours de cette décennie : plus de quatre-vingt-seize millions par année. De façon plus critique, la croissance démographique touche les régions pauvres, où les ressources sont déjà tellement surexploitées qu’elles sont près de la rupture. Voici un autre paradoxe : Une personne ajoutée à la population du monde industriel consomme au moins autant de ressources du globe que trente ou plus enfants du Tiers-Monde. Tout comme nous devons améliorer la qualité de l’aide et du développement, nous devons aussi augmenter la 59


La préservation de notre monde qualité de la vie pour tous les habitants du monde; ceux-ci doivent obtenir les ressources nécessaires pour réaliser leur plein potentiel; pour améliorer la productivité individuelle et humaine. En même temps, les systèmes de services sociaux sont essentiels afin de persuader les familles pauvres qu’elles n’ont pas besoin de compter sur des familles nombreuses comme la seule source de revenu pour leurs vieux jours. L’alphabétisation des femmes constitue la meilleure politique de planning familial et de planification démographique. Les femmes éduquées se marient plus tard dans la vie, n’ont pas tous leurs enfants en même temps, et ont des familles moins nombreuses. Donc, aucun effort global de réduire la croissance démographique sera efficace sans un énorme effort bien calculé pour encourager les droits de la femme. L’auto-détermination pour la femme est à la base du salut de notre village global. L’éducation et l’augmentation de l’auto-détermination qui la suit dépendent du développement. Ainsi, l’ironie finale, si vous permettez : Ce n’est qu’à travers la croissance que nous arriverons à enrayer l’explosion démographique. Sans développement, nous n’avons aucun espoir de maîtriser la croissance démographique qui est actuellement incontrôlable. Un autre point : peu importe les efforts actuels, la population mondiale continuera a croître au cours des prochaines trente années, ou plus longtemps encore. Ce mouvement ne peut pas être renversé pendant cette génération. Il paraît que si on fait reculer subitement un de ces camions-citernes qui mesurent 1/2 km en marche-arrière, il ne pourra s’arrêter surune distance de six km a cause de son élan. Notre croissance démographique ressemble à ça. Plus précisément : - Dans les pays en voie de développement, au moins quatre personnes sur dix ont moins de quinze ans. Comparez ces chiffres avec ceux du monde industriel, où seulement deux sur dix ont moins de quinze ans. Les conséquences sont simples : 60


La préserrvation de notre monde La croissance des classes d’âge jeunes dans le TiersMonde signifie que ces populations continueront a croître au cours des deux et trois prochaines générations : cela se produira à mesure que ces enfants d’aujourd’hui seront en âge de se marier et d’avoir des enfants. (Par contraste, onze pour cent des citoyens des états industriels ont plus de soixante-cinq ans, à comparer avec seulement quatre pour cent dans les pays en voie de développement; donc, dans les nations occidentales, les ressources seront de plus en plus affectées au soutien des aînés, qui consomment déjà une part très grande des budgets sociaux et médicaux.) De toute façon, nous devons commencer par nous rendre compte qu’il n’existe ni recette miracle, ni panacée pour régler le problème de la croissance démographique. La taille des familles diminue, et la population s’est stabilisée dansbiendescoinsdumonde,notamment enAsie;maisau niveau mondial, nous connaîtrons une croissance bien plus importante avant de nous stabiliser, peu importe les efforts que nous déployons, si intenses et efficaces soientils. Une question saute aux yeux : Pouvons-nous nourrir le nombre croissant d’habitants de notre village global? La réponse est un oui conditionnel : Une étude conjointe de l’Organisation desNations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et de l’Institut international pour l’analyse des systèmes appliqués indique que nous pouvons nourrir cinquante pour cent de plus que lenombredepersonnesprévuespourl’an2000(6,lmilliards de personnes); et ce, même avec un niveau très bas de technologie agricole. L’enquête concernait 117 pays et fournissait des chiffres pour la production collective de nourriture. La situation est moins encourageante soixantequatre pays dont la population totale est de 1,l milliard et qui sont actuellement incapables de suffire à leurs propres besoins alimentaires. Même avec une technologie agricole sophistiquée, dix-neufpays seraient incapables de répondre à leurs propres besoins; toutefois, ces pays, qui sont surtout des petites îles, ont en général des revenus supérieurs à ceux qui sont dans des situations critiques et ils ont les

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La préservation de notre monde moyens d’importer de la nourriture. En théorie, le potentiel pour la production est étonnant : étant donné la meilleure technologie appropriée, on estime qu’environ 1,5 milliard d’hectares, qui sont présentement cultivés, pourraient produire deux fois et demi la quantité de nourriture produite en ce moment (d’une moyenne annuelle par hectare de deux tonnes de céréales à cinq tonnes, ou Yéquivalent.) Notez bien : Il y a, de plus, à peu près la même surface de terre arable qui pourrait être cultivée. Cette surface est actuellement consacrée au pâturage permanent. Sans compter cettevaste réserve de pâturage, ajoutez la production potentielle des ressources marines et des prairies, et la production totale de nourriture pourrait (croit-on) atteindre huit milliards de tonnes de céréales par année, assez pour nourrir onze milliards de personnes aux taux de consommation actuels. Toutefois, dans le Tiers-Monde, ces taux sont scandaleusement insuffisants; silesniveaux d’alimentation s’élèvent àun seuil convenable et sain, la planète pourraitnourrir près de 7,5 milliards de personnes. Comme nous l’avons déjà vu, les taux de fertilité sont diminués par le développement économique. Donc, les politiquesinternationales qui entravent le développement duTiers-Monde (notamment le protectionnisme occidental et les bas prix des produits et des matières premières) ont un effet réel et direct (un effet qui va à l’encontre du but recherché) sur la planification démographique dans nos pays en voie de développement. Inversement, presque n’importe quelle activité qui augmente le confort matériel, le bien-être et la sécurité humaine, diminue la tendance chez les familles individuelles à avoir des enfants dont elles ne pourraient subvenir aux besoins. L’explosion démographique n’est pas un nouveau phénomène. Elle est apparu au milieu du dix-huitième siècle, avec la révolution industrielle en Europe, et l’amélioration parallèle des techniques agricoles. Nos problèmes plus récents et urgents ne datent que des années 50. Dans le monde industriel de l’Europe, du 62


La préserrvation de notre monde Japon, et de l’Amérique du Nord, la population s’est multipliée par cinq entre 1750 et 1950. Mais l’Ouest industriel avait une soupape de sûreté : uniquement entre 1880 et 1910, vingt pour cent de la croissance démographique a été canalisée par l’émigration. Il n’existe pas de solution semblable pour le Tiers-Monde aujourd’hui. On estime actuellement que le monde aura une population de 8,2 milliards d’ici l’an 2025. Certaines pays en voie de développement (le Cuba, le Sri Lanka et la Chine en sont quelques exemples) ont déjà des taux de croissance démographique bien stabilisés. - Si la population se stabilise d’ici l’an 2010, (un but difficile à atteindre), la planète atteindra un <<plateau»de 7,76 milliards de personnes d’ici l’an 2060. - Si la stabilisation n’est réalisée qu’en l’an 2035, la population totale du monde atteindra 10,2 milliards en 2095, un total qui est très près de la capacité maximale de production de nourriture du village global, comme nous l’avons observé ci-haut. - Si nous ne réussissons pas à freiner l’explosion démographique jusqu’en 2065, dans soixante-quinze ans, nous aurons une population de 14,2 milliards à l’an 2 100. Puisque nous ne pouvons en nourrir que onze milliards, la famine massive est à supposer. Dans ce cas, qui est la pire hypothèse, le’même nombre de personnes périraient de faim qu’il existe en ce moment sur toute la planète. La démographie joue un rôle aussi important dans les équations de population que les taux de naissance : depuis 1950, par exemple, le nombre total d’habitants par ville a quadruplé dans les pays en voie de développement. Les pressions subséquentes au niveau social, économique et politique ont été terribles; elles augmenteront à mesure que,ces villes continueront à grossir. (A titre d’exemple : à Colombo, la capitale du Sri Lanka, le système démodé d’eau et d’égouts installé par le régime colonial britannique il y a presque cent ans, était conçu pour desservir une population s’élevait à un dixième de la population d’aujourd’hui. Aucun des gouvernements du Tiers-Monde n’a les moyens de moderniser, d’élargir et de remettre à neuf de tels systèmes afin de répondre aux 63


La préservation de notre monde besoins d’aujourd’hui, sans compter des besoins de l’an prochain, ou du siècle prochain.) Il est intéressant d’observer que l’espérance de vie a augmenté et que les taux de mortalité infantile ont diminué presque partout dans le monde. Il est néanmoins intéressant d’observer que des changements semblables ont été opérés dans l’occident industriel avant l’arrivée des antibiotiques modernes et autres «drogues miraculeuses*. Dans le monde occidental, il y a cinquante ans, comme dansleTiers-Mondeaujourd’hui,lechangementimportant a suivi une amélioration dans l’éducation, l’alimentation et l’hygiène. Au cas où l’Occident devienne arrogant à propos des progrès qu’il a réalisé, j’ajouterais : En 1920, à New York, àTokyo, à Berlin, à Paris, à Rome et à Londres, l’esperance de vie était inférieure, et les taux de mortalité infantile, était supérieurs a ceux du Bangladesh, d’Haïti, de l’Ethiopie, et du Brésil aujourd’hui. La situation du Tiers-Monde, en considérant les 10 000 années d’histoire humaine documentée, n’est rien en comparaison de celle du monde industriel. Et la pauvreté n’est pas l’unique obstacle. Dans certaines régions, par exemple l’état du Kerela dans le sud-ouest de l’Inde et le Sri Lanka, des taux élevés d’alphabétisme ont été suivis par des chiffres de fertilité en déclin, de taux de mortalité bas, et de taux d’espérance de vie élevés, malgré le fait que le revenu moyen de ces régions soit bien plus faible que ceux des régions environnantes. Ces succès doivent être reproduits à travers le monde en voie de développement si nous voulons gérer notre village global pour le profit et la survie de tous. Pour commencer, les responsables politiques et les autres décideurs doivent comprendre que les politiques <<productives>> ou *économiques» sont inséparables des politiques sociales : Notre plus grande tâche est d’étirer le potentiel humain afin qu’il atteigne sa capacité ultime. Nous ne pourrions accomplir cela qu’en réduisant la taille des familles du Tiers-Monde, ce qui apporterait une liberte et un pouvoir de choix aux femmes, et, de ce fait, a leurs familles. En ce moment, on ne dépense que quinze cents sur 64


La préserrvation de notre monde chaque dix dollars d’aide extérieure pour des programmes démographiques. Ce n’est pas suffisant. De plus, le planning familial et les programmes d’espacement entre les naissances sont, en général, isolés des autres objectifs du développement. Les projets qui réussissent le mieux ont combiné le planning familial avec les programmes d’alphabétisation, le développement rural, et les projets d’eau et d’hygiène publique : Au Zimbabwe, des efforts pour aider les femmes «a espacer» leurs enfants ont mené, sans qu’on s’y attende, à des familles beaucoup plus petites. Le Zimbabwe est maintenant chef de file au plan des taux de naissances maîtrisés, en tête de toute l’Afrique du sud du Sahara, la région où le taux de fertilité est le plus élevé au monde. Lorsque plus d’enfants meurent, les parents décident d’avoir des familles plus nombreuses. Il est donc grave qu’actuellement 1,7 milliard de personnes, plus qu’assez pour remplir toutes les grandes villes de la planète, n’ont toujours pas accès à de l’eau potable. Presque autant, 1,2 milliard, n’ont pas de systèmes sanitaires qui fonctionnent. Afin d’évaluer le potentiel sanitaire d’un pays en voie de développement, ne comptez pas le nombre de lits d’hôpitaux disponibles : comptez plutôt les puits de village et les robinets d’eau potable, les latrines, et les écoles. Dorénavant, les politiques industrielles et de croissance doivent être gérées et évaluées selon leur impact sur la santé publique, l’environnement, la sécurité professionnelle, et sur les communautéshumaines. Aucun autre critère n’est pertinent. La stratégie del’organisation mondiale de la santé (<<La santé pour tous») ne doit pas s’arrêter au nombre de travailleurs médicaux et de cliniques : il n’y a que les mesures globales qui puissent sauver le village global. <<La santé pour tous» n’est qu’une chimère, une illusion, tant que nous n’aurons pas fait des préoccupations pour la santé un thème central de toute activité de développement. Les efforts actuels pour mettre à la portée de tous l’immunisation et la thérapie orale de c<réhydration»pour les victimes de la diarrhée sont à la base de notre respect mutuel, et de notre survie. A chaque six secondes, un 65


La préservation de notre monde enfant duTiers-Monde meurt, déshydraté par la diarrhée. (Cela signifie cinq millions de morts, chaque année, autant d’enfants morts, dans six ans, que toutes les personnes mortes au cours de la deuxième guerre mondiale.)Poutiant, la plupart des morts causeespar la diarrhée (les morts par déshydratation)auraientpuêtreévitéessilesmèresavaient su comment préparer et administrer le <fluide de réhydratation>, un simple mélange d’eau (même de l’eau polluée) avec du sucre et du sel. Cette «cure miraculeuse» coûte moins que cinq sous à préparer; même les mères les plus pauvres du Tiers-Monde disposent des ingrédients nécessaires. Un autre enfant meurt à chaque six secondes parce qu’il n’a pas été immunisé. En 1989, la rougeole a tué deux millions d’enfants, soit l’équivalent à la population entière de Montréal ou de Toronto. Les changements apportées au niveau du style de vie dans les pays en voie de développement entraînent aussi de nouvelles menaces pour la santé. Il y a deux cents ans, l’Europe a eexporté» vers le Nouveau-Monde la syphilis, la typhoïde, la variole et la tuberculose. Les maladies exportées aujourd’hui comprennent le cancer et les maladies de coeur, surtout tant que les pays industrialisés expédieront leur tabac très concentré en goudron aux pays en voie de développement. Donc, une meilleure éducation en santé publique est dorénavant obligatoire au TiersMonde. Nous devons aussi cesser de tergiverser au sujet du syndrome immuno-déficitaire acquis. Le SIDA fait maintenantpartiedelavieinternationale. Desmillionsde personnes vont en mourir; dans certaines parties duTiersMonde, des sociétés et économies entières seront bouleversées. Il s’agit d’un autre cas de 4a maison de nos voisins est en feu». Il est temps que nous sentionslafumée, et que nous appelions les pompiers; notre maison est menacée, elle aussi. On ne prête pas attention ou bien on sous-exploite de nombreuses ressources très puissantes. En voici quelques exemples : - En Egypte et dans d’autres états musulmans, I’UNICEF se sert du Coran afin d’enseigner les rudiments sanitaires,

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La préserrvation de notre monde la protection de la santé de l’enfant, l’immunisation, etc. Les «imams», ou chefs religieux, lisent le Coran dans les mosquées. Les organismes religieux partout dans le monde représententun outil énormément utile au développement, à la santé et à la survie. - Il en est ainsi pour des groupes tels que les scoutes et les jeannettes : déja, vingt-cinq millions de ces jeunes ont été recrutés pour aider à instaurer des programmes d’immunisation. Mais nous prenons du retard. Les écarts entre riches et pauvres s’élargissent. L’analphabétisme est en hausse malgré de gros efforts pour améliorer l’accès a l’education dans le Tiers-Monde. D’ici l’an 2000,900 millions de nos voisins ne sauront ni lire ni écrire. Cela représente une personne sur quatre incapable d’inscrire son nom sur une électorale, ne possédant pas les connaissances nécessaires pour éviter de se faire escroquer au marché du village, n’étant pas capable de prendre les décisions de vie et de mort pour elle-même ni pour ses enfants au sujet de la santé, I’immunisation, Yalimentation et le travail. Dans certaines maternelles éthiopiennes, des enfants de quatre et cinq ans doivent chacun planter un arbre, leur premier jour en classe. Ils doivent aussi l’arroser et le cultiver quotidiennement. De telles leçons en conservation, en exploitation forestière et en survie sont essentielles afin de restaurer et préserver notre village global. En effet, elles devraient être imitées partout dans le monde. Du côté de l’éducation publique, nous manquons misérablement notre coup. Les architectes consacrent en principe un pour cent du coût total d’un immeuble aux 4léments esthétiques» :fontaines, sculptures, céramiques et murales; mais la plupart des fonds d’aide exterieure n’allouent pas un sou à l’éducation publique. La radio et la télévision sont probablement les meilleurs outils d’enseignementinventésdepuislabûche,avecl’enseignant assis à un bout et l’élève à l’autre. Nous n’avons pas du tout réussi à exploiter ces moyens, qui sont les meilleurs de tous les moyens disponibles, pour modifier les attitudes et améliorer les capacités. Enfin, en examinant la population mondiale, il est 67


La préservation de notre monde temps que nous prêtions une attention toute particulière à ces petits groupes, les peuples tribaux et «indigènesmqui ont tant souffert à cause du développement récent. Plusieurs d’entre cesgroupesvivent enisolement; plusieurs ont subi une quasi-extinction culturelle aux mains des «développeurs» en Amérique latine et à d’autres endroits. Nous devons à ces voisins du village global des choix : Nous ne devons ,pas les isoler contre leur gré, ni les placer en isolement artificiel. Nous ne devons pas détruire leur mode de vie et leur culture à travers le développement irréfléchi. La nature nous offre d’innombrables exemples des avantages que présente la diversité. Nous ne pouvons pas plus nous permettre de sacrifier une culture humaine quelconque que de sacrifier quelque variéte végétale ou animale. Il y cinquante ans, Winston Churchill déclara au Parlement de Westminster : «Aucun homme n’est libre, tant qu’un autre est emprisonne injustement.» Alors, aujourd’hui : <<Aucunhomme ni aucune femme n’est en sécurité, dans notre village global, lorsque son voisin est menacé.>>


s

La préserrvation de notre monde

Malgré la croissance démographique, nous produisons présentement plus de nourriture par personne qu’à aucune autre époque de l’histoire humaine. Les céréales et les tubercules sont encore la source ‘principale d’alimentation à travers le globe; en 1985, nous en avons produit presque

cinq cents kilos pour chaque personne qui vivait alors dans

lemonde. Bien sûr, toutes ces céréalesettouscestubercules n’étaient pas, après tout, destinés à tout le monde; cette année-là, 730 millions d’entre nous n’avions même pas assez de nourriture pour pouvoir vivre normalement et de façon productive. C’est-à-dire, environ trois fois la population des Etats-Unis, chaque année, ont faim : si faim, qu’ils n’ont pas l’endurance physique et mentale nécessaires pour bien travailler ou étudier. Evidemment, les causes de ces pénuries alimentaires varient selon les régions : - Dans certains régions, on cultive trop peudenourriture. - Dans d’autres, il y a assez de nourriture, mais les

familles n’ont pas les moyens d’en acheter.

- Dans d’autres encore, c’est la surproduction d’aujourd’hui et le préjudice qu’elle causera au sol dans l’avenir qui menacent les provisions futures de nourriture. Nous disposons des habiletés, des connaissances et de la technologie : nous pouvons nourrir tout le monde. Nous n’avons pas de politiques qui voient à la production et la distribution de la nourriture selon le besoin humain. Nous n’avons pas non plus complètement reconnu les désastres au ralenti crées par la malnutrition chronique. La famine, il est vrai, tue:Mais la malnutrition chronique assassine l’espoir : elle mine la volonté de réussir, elle paralyse et

détruit l’esprit et le corps, et elle fait de ses victimes des

proies vulnérables aux maladies physiques et sociales. Le commerce mondial des aliments a subi une transformation dramatique au cours des dernières trentecinq années. La production de céréales a augmenté de


La préservation de notre monde deux fois et demie durant cette periode, et les céreales vivrières exportées de l’Am&ique du Nord ont augmenté de vingt-quatre fois (de cinq millions de tonnes a 120 millions.) Durant la même période, la production de viande a plus que triplé en Europe, et les exportations mondiales de viande ont augmenté de cinq fois et demie, de deux millions de tonnes à plus de onze millions. Livre pour livre, les quatre milliards de veaux, vaches, cochons, boeufs et moutons dans notre village global pèsent plus que la population humaine. Par contre, nous savons maintenant que la production de céreales, à elle seule, baisse de quatorze millions de tonnes chaque année, à cause de l’érosion du sol, la pollution de l’air et les ph.ries acides. Le résultat direct est que l’augmentation de la production d’aliments prend un retard de treize millions de tonnes par année par rapport a la croissance démographique. C’est surtout grâce à la nouvelle technologie que la production a tant augmenté depuis la deuxième guerre mondiale : nous irriguons deux fois plus qu’en 1950; en revanche, nous utilisons neuf fois plus d’engrais chimique et trente-deux fois plus de pesticides. Le résultat? Nous sommes aussi en train de polluer les nappes phréatiques d’une bonne partie de la planète. De plus, la croissance de la production n’a guère éte uniforme. Par exemple, nous produisons, chaque année, environ quinze millions de tonnes de céréales de plus. Mais ce chiffre devrait être de 28 millions de tonnes. En Afrique, la production des céréales vivrières par rapport à celle de l’Europe a baissé de vingt pour cent pour certaines nations jusqu’à cinquante pour cent, un chiffre alarmant, dans d’autres nations. Même si une aagro-industrie» à grande échelle a paru dans les états industriels, et la wévolution verteNa fait du chemin au coeur de bien des pays en voie de développement, pour la plupart de l’Afrique au sud du Sahara et dans les régions éloignéesdel’Asieetl’Amériquelatine,l’agriculture de subsistance est encore de règle, et la faim représente la norme. En outre, le progrès ralentit. Suite à la croissance rapide au cours des années cinquante et soixante, le 70


La préserrvation de notre monde minimum nécessaire de trois pour cent de croissance dans la production alimentaire s’est avéré extrêmement onéreux à maintenir durant les années quatre-vingt. L’Afrique a connu une baisse en moyenne de un pour cent dans la production alimentaire par personne depuis le début des années soixante-dix. En Amerique latine, la production alimentaire a eté proportionnelle àlacroissance démographique; mais la dégradation des terres agricoles, alimentée surtout par la crise de la dette extérieure, posera de graves problèmes à l’avenir. Les subventions agricoles et les réserves de nourriture de surplus qui existent dans les états industriels posent des problèmes critiques au Tiers-Monde : Uniquement aux Etats-Unis, les subventions agricoles ont Bté multipliées par neuf (de 2,7 milliards $ a 258 milliards $> dans les cinq années entre 1980 et 1986. Il y eut une augmentation parallèle de presque quatre fois et demie dans la Communauté économique européenne au cours de la décennie suivant 1976 - de 6,2 milliards $ US à 25 milliards $. Au Japon, le prix du riz est maintenu a un niveau artificiel qui est cinq fois plus haut que la moyenne mondiale; les fermiers japonais sont aprotégés>>par des lois qui font de l’importation du riz, même quelques kilos, une offense criminelle. Le Japon dépense 10,5 milliards de dollars par année en subventions agricoles. Le Canada en dépense 3,4 milliards de dollars. Au niveau mondial, nous dépensons plus de 150 milliards de dollars chaque année en-subventions agricoles. Dans bien des pays, y compris au Japon et au Canada, chaque homme, femme et enfant paie entre 100 et 150 $ par année pour les subventions agricoles. Ce montant est équivalent à entre un quart et la moitié du PNB total, par personne, de plusieurs des pays moins développés. Dans plusieurs de ces pays du Tiers-Monde, une des raisons pour lesquelles le PNB est tellement bas est que les fermiers locaux ne peuvent pas faire concurrence aux prix subventionnés des produits provenant de l’ouest, que ce soit des céréales, du beurre ou des betteraves à sucre. Uniquement dans ce contexte, les subventions agricoles du monde industriel sont payées, dans un sens très reel

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La préservation de notre monde mais indirect, en piquant les poches des fermiers duTiersMonde et les poches de leurs enfants. Les exportations alimentaires qui sont fortement subventionnees et proviennent de l’Europe et de l’Amérique du Nord font baisser les prix mondiaux; et, parce qu’elles rabaissent les revenus de subsistance des fermiers du Tiers-Monde, elles écrasent toute motivation de lapart des pays en voie de développement d’augmenter la production alimentaire domestique. En même temps, la production alimentaire <<protégée»et subventionnée dans le monde industriel a contribué à la dégradation des sols, a la pollution des nappes phréatiques par les nitrates à travers la fertilisation excessive, et à la destruction des terres agncolesmarginalesparladéfricheetlacultureexcessives. Le bouleversement des marchés mondiaux par des systèmes agricoles occidentaux subventionnes doit être éliminé. Dans ce contexte, l’initiative américaine de juillet 1987, est tombée à pic. Les Etats-Unis ont déclaré, au cours d’une réunion de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce à Genève, qu’ils voulaient mettre fin a la guerre agricole mondiale. (On pourrait ajouter qu’il s’agit d’une guerre oùles états industriels emploient l’équivalent économique d’une bombe atomique contre les arcs et les flèches duTiers-Monde.) Les E.U. ont propos4 qu’au cours des dix prochaines années, tous les pays s’engagent à : Abolir toutes les subventions agricoles directes. Abolir toutes les subventions indirectes. Abolir toutes les barrières douanières telles que les quotas d’importation et les tarifs douaniers. Abolir toutes les barrières artificielles indirectes, telles que les règlements pour la santé, en adoptant des normes internationales. (Le Canada, vers la fin des années quatrevingt, a effectivement éliminé la concurrence uextérieure» à laquelle faisait face ses producteurs domestiques de porc (le bacon et le jambon à prix modiques importés du Danemark) par une déclaration absurde selon laquelle trente-deux des trente-quatre usines d’emballage au Danemark an’étaient pas hygiéniques».) Certains experts et critiques disent que les propositions 72


La préserrvation de notre monde des É.U. sont Gmpossibles à réaliserB, apas réalistes>>et constituent même <<deschâteaux en Espagne». Il est clair que ces propositions sont essentielles. Les paysans du Tiers-Monde, en particulier ceux de l’Asie, ont démontré une capacité remarquable d’utiliser la technologie moderne, lorsqu’on leur montre comment s’en servir. Mais les paysans qui pratiquent une culture de rente n’ont pas l’argent qu’il faut pour acheter de l’équipement dispendieux pour leurs exploitations individuelles d’un ou deux hectares. Ils ne peuvent même pas acheter un petit tracteur manuel a deux roues. Il se peut que I’encouragement et la stimulation fournis par les entreprises coopératives offrent le plus grand espoir pour l’utilisation plus efficace et plus Economique des surfaces agricoles de ces petits cultivateurs. La politique agricole globale semble être fondée sur le principe du profit à court terme avec la certitude intégrée de la souffrance à long terme. Nous avons l’érosion du sol en Amérique du Nord (uniquement au Canada, l’érosion coûte un milliard de dollars par année aux fermiers.) Le problème critique en Europe est l’acidification du sol. L’Asie, l’Afrique et l’Amérique latine souffrent de la désertification et du déboisement. Les politiques industrielles, elles aussi, peuvent dérober des terres arables précieuses à nos enfants et petits enfants. Avant que ces derniers soient en âge d’avoir des enfants eux-mêmes, le réchauffement global causé pas la consommation d’énergie et la production industrielle pourrait causer l’inondation des terres arables côtières, qui sont d’une importance vitale. Vers la fin des années soixante-dix, le taux d’érosion du sol avait dépassé celui de formation du sol sur un tiers de la terre arable des Etats-Unis, et avait affecté trente pour cent de toute la terre cultivable en Inde. Selon une étude faite par l’Organisation des Nations Unies pour Yalimentation et l’agriculture, nous nous apprêtons à perdre 544 millions d’hectares de terre cultivable de cultures pluviales. En d’autres mots, un tiers des exploitations agricoles du monde seront détruites, une surface de 3 millions de km carrés -c’est l’équivalent des superficies 73


La préservation de notre monde de la France, de l’Allemagne, de l’Inde, de l’Italie et de l’Espagne réunies! L’érosion du sol représente bien plus que les fermes dénudées. La couche arable érodée va boucher les ports et les réservoirs d’eau, augmenter les inondations, et finalement, représenter un coût exorbitant aux nations qui donnent de l’aide. Même l’irrigation, lorsqu’elle n’est pas planifiée avec soin, engendre certains dangers, y compris les terres salinisées, alcalinisées et détrempées. A cause de ces problèmes, les paysans abandonnent chaque année 10 millions d’hectares de terres irriguées -une surface aussi grandequelaHongrie,l’Autricheoul’état deMaine. L’utilisation abusive des produits chimiques en agriculture détruit plus que la terre, puisque ces dégâts mènent éventuellement à la faim et à la mort des humains. Dix mille personnes dans le Tiers-Monde meurent directement d’empoisonnementparpesticide chaque année. Chaque année, presqu’un demi-million de personnes (environ la population totale de Cleveland ou de Oslo) sont gravement blessés, souvent de façon permanente. C’est encore le monde industriel qui doit en assumer la lourde responsabihté. En voici quelques exemples : a) Aux E.U., il y a dix ans, on a interdit la vente et la production du «Phosvel», un insecticide très efficace, parce que les ouvriers de l’usine où on le fabriquait présentaient des lésions au système nerveux. Les entreprises américaines vendent toujours ce produit en Amérique centrale. b) Un autre pesticide, le DBCP (dibromochlopropane), ne peut être ni fait, ni vendu aux É.U., parce que c’est cause de stérilité chez les hommes. Depuis que la fabrication et la vente ont été interdites aux E.U., il y presque dix ans, des millions de kilos ont été expédiés au Costa Rica afin de &uer les vers,, sur les plantations de bananes. On estime qu’environ 2000 ouvriers sont maintenant stériles à cause de ce produit; d’innombrables autres produisent considérablement moins de sperme. Il existe des preuves médicalesquidémontrentque les fabricants, Dow Chemical et la compagnie Shell, connaissaient les risques que le 74


La préserrvation de notre monde DBCPposait fi la santé vingt ans avant que le produit soit interdit aux Etats-Unis et vingt-cinq ans avant les dégâts au Costa Rica. c) Parmi les enfants du Costa Rica, le taux de cancer que l’on trouve chez les enfants de paysans de moins de sept ans a doublé en dix ans. L’emploi des pesticides a aussi doublédurantlamêmepériode.LeCostaRicaamaintenant le taux le plus élevé au monde de leucémie enfantine. Le taux de leucémie a doublé en vingt ans. A cause de la désertification, nous perdons à jamais chaque année six millions d’hectares de terre. En d’autres mots, 32 200 km carrés : un tiers de plus que la surface entière de la Suisse ou des Pays-Bas, chaque année. Une grave conséquence s’ajoute à ces statistiques menaçantes : Tant que la croissance démographique ne sera pas stabilisée, nous serons obligés d’augmenter la production alimentaire globale de trois à quatre pour cent, chaque année, afin de survivre. Pour commencer, nous pouvons examiner les régions énormes en Amérique latine, en Amérique du Nord, dans l’Union Soviétique et dans l’Afrique au sud du Sahara, où des terres non-utilisées pourraient devenir productives. Il faut être très prudent, car la qualité des ces régions vierges est d’une grande variété, et quelques-unes sont fort vulnérables au plan écologique. Nous ne pouvons pas résoudre les problèmes alimentaires du monde en exportant de la nourriture au Tiers-Monde; Les pays en voie de développement qui importent de la nourriture importent en effet le chômage, à mesure que les paysans sont obligés d’abandonner la terre. Trois tâches clés s’imposent : 1. Transférer la production aux régions qui en ont le plus grand besoin. 2. Assurer une vie décente à tous les pauvres de la terre. 3. Préserver les ressources. Les politiques agricoles des gouvernements du monde entier doivent être examinées et remaniées afin qu’elles : a) Comprennent les critères environnementaux qui, en 75


La préservation de notre monde ce moment, sont plutôt sacrifié sur l’autel de la planification à court terme. b) Développent une certaine flexibilité afin de pouvoir aider à répondre aux besoins locaux et régionaux, plutôt que rattacher toutes les politiques agricoles à un plan national rigide qui ne conviendra sans doute pas aux conditions particulières de topographie, de sol et de climat. c> Arrêtent de surprotéger les fermiers à grande échelle et de stimuler les formes de surproduction qui, à lalongue, ne feront que nuire à l’industrie agricole mondiale. Les soutiens et contrôles de prix profitent généralement auxhabitants desvilles plutôt qu’aux paysans, en exerçant des pressions intolérables sur les terres agricoles qui sont de moins en moins étendues. Le commerce agricole a été multiplié par six depuis 1950. Pourtant, nos politiques commerciales ne fonctionnent toujours pas sur un mode rationnel. Si nous voulons laisser à nos enfants un jardin planétaire fertile, Il nous faut identifier lespointsde stress planétaires, où la terre est en danger; et nous devons les protéger, tout comme nous protégeons maintenant les sites culturels et historiques. Nous devons commencer par récupérer les terres que nous avons perdues à cause de l’acidification, le déboisement et tout le reste. (De ce côté-là, le *Plan d’action,, de 1’ONU «pour combattre la désertification,, a besoin sans délais de plus d’appui financier.) Nous devons identifier les régions qui peuvent servir comme de vergers à fruits, de pâturages ou à l’industrie forestière, même si elles ne sont pas convenables pour la culture intensive. Nous devons encourager l’emploi d’éléments nutritifs organiques pour les plantes, de méthodes naturelles pour contrôler les insectes, de biogaz ou de pompes éoliennes pour l’irrigation. Les pays industrialisés doivent effectuer les contrôles à l’exportation des produits chimiques agricoles, en particulier des pesticides. Les populations rurales des pays en voie de développement sont à la fois les victimes et les agents du déboisement, de l’érosion du sol, et de la désertification.

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La préserrvation de notre monde Elles doivent participer directement et personnellement aux mesures de récupération et de prévention. Les techniques «d’agro-foresterien nous permettent de produire à la fois la nourriture, et des combustibles ou du bois, sur le même terrain. Les récoltes bien choisies se renforcent l’une I’autre dans ce système. La méthode a vu le jour il y a plusieurs centaines d’années en Asie, où, de nos jours, on plante souvent l’ananas entre les hévéas ou les cocotiers. C’est le système dit des <culturescomplantées». La pisciculture est essentielle pour développer suffisamment de protéines nécessaires à la consommation globale. Un dixième de la production totale de poissons, à travers le monde, provient de «I’aquaculture», ou de la pisciculture. D’ici l’an 2000, la production issue de I’aquaculture pourrait atteindre les 100 millions de tonnes de poisson que nous pêcherons tous les ans dans nos océans, nos rivières et nos lacs. La plupart des progrès techniques en agriculture au cours des décennies récentes étaient adaptés à des conditions de sol fertiles et stables et à de bonnes provisions d’eau. Unevasterechercheestessentielleafin dedévelopper des systèmes qui pourront s’adapter aux immenses terrains qui reçoivent des précipitations imprévisibles et dont la topographie est inégale et le sol moins riche. 11 faudra augmenter très sensiblement les fonds disponibles pour la recherche agricole et le travail de vulgarisation. Ces activités consomment à peu près 1,5 pour cent du revenu brut agricole dans les nations prospères, mais seulement 0,9 pour cent dans le monde en voie de développement. Comme nous I>avonsmentionné au chapitre 4, il nous faudra peut-être repenser aux intérêts des propriétaires. Jusqu’ici, les institutions des nations industrielles contrôlent cinquante-cinq pour cent des ressources génétiquesdesplantesaumonde,quoiqueplusieursd’entre elles proviennent du Tiers-Monde. Il se peut que ces pays en voie de développement décident bientôt de ne plus partager leurs ressources génétiques avec des organismes occidentaux, lorsque ceux-ci manifestent I’intention de ne partager ni l’information ni les bénéfices. La réforme agraire, elle aussi, est une nécessité 77


La préservation de notre monde inévitable. Tout projet doit être mis au point nation-parnation et région-par-région, puisque les conditions varient énormément. Toutefois, dans chaque cas, il doit y avoir une réforme des ententes entre propriétaires et locataires, une garantie de la sécurite du bail, et une inscription claire etnettedesdroitsàlaterre.Cettequestionestdirectement reliée au besoin que nous ressentons d’utiliser pleinement nos ressources humaines. Au plan de la production alimentaire, nous devrions parler plutôt des ressources féminines : Par exemple, en Afrique, ce sont les femmes qui : - labourent trente pour cent de la terre - sèment trente pour cent des plantes - binent la terre et arrachent soixante-dix pour cent des mauvaises herbes - font soixante pour cent des récoltes - emmagasinent quatre-vingt pour cent des récoltes - font quatre-vingt-dix pour cent du raffinement - assurent soixante pour cent de la mise en marché des produits. Et pourtant, dans bien des nations, les femmes n’ont pas le droit à la propriété agricole. Dans la plupart de ces pays, les femmes ne jouissent d’aucun des services de formation et de vulgarisation agricole disponibles. Cette situation doit être renversée, si nous voulons pouvoir nous nourrir nous-mêmes ainsi que nos enfants. Enfin, nous devons aider les pays en voie de développement à accumuler des <banque de denrées alimentaires,, durant les années de surplus, afin d’avoir des réserves en cas de sécheresse et de perte de récoltes. Les vivres d’urgence fournis par les sociétés de secours et le monde industriel ne constituent que des pansements. Les provisions que le globe tient en réserve en ce moment ne représentent qu’un cinquième du montant consommé en moyenne par année. Deux tiers de des ressources se trouve à l’ouest, et la moitié du reste en Inde et en Chine. Lorsqu’on est en manque de nourriture dans le Tiers-Monde, il n’y a pas de revenu non plus; les paysans ne peuvent donc pas acheter de nourriture, s’il y en a de disponible. La sécurité alimentaire, alors, doit comprendre 78


La préserrvation o?enotre monde des systèmes qui donnent aux familles sans ressources. (L’UNICEF a expérimente un système, appelé *de Pargent liquide pour des aliments solides,,, dans certaines petites régions de 1’Ethiopie durant la sécheresse et la famine des années quatre-vingt. Le résultat fùt que des communautés entières qui, autrement, auraient été obligées de se retrouver dans des camps de réfugiés, ont pu demeurer sur leurs terres et creuser des canaux et des réservoirs pour I’irrigation. Lorsque la pluie revint, ils sont devenus des membres auto-suffisants et contributifs de leur société.) Nous sommes capables de subvenir à nos besoins alimentaires, ainsi qu’à ceux de nos enfants. Nous n’avons pas besoin d’arracher la nourriture des bouches de nos enfants et nos petits-enfants, comme nous tendons à le faire actuellement. Mais nous devons reconnaître que la plupart de nos politiques agricoles actuelles étaient conçues pour un mondebeaucoupplusétroitetfragmenté. Cemonden’existe plus. De nouvelles réalités exigent que nos politiques soient conçues pour les gens et non pour la technologie, qu’elles mettent en jeu des ressources et non une seule production et qu’elles visent le long terme, et non le très court terme. Noua sommes sûrement assez sages pour pouvoir éviter la folie de la sauterelle, dans la fable, qui a négligé d’approvisionner des réserves pour I’hiver, tant elle s’amusait à danser; nous ferions mieux de suivre l’exemple de son amie la fourmi, qui s’est rendue compte de la dure réalité du besoin futur et a survécu aux temps maigres entre les récoltes. Nous ferions mieux de nous préparer maintenant, et de danser plus tard, lorsque nous aurons plus de choses à célébrer.


La prĂŠservation de notre monde

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La préserrvation de notre monde

Nous ignorons au juste combien d’espèces animales et végétales partagent avec nous le village global. Nous supposons que <<quelquesmillions,, parmi le demi-milliard d’espèces qui existaient lorsque la terre a eté formée ont survécu au fil du temps. La plupart d’entre elles ont été détruites par la nature, qui se débarrasse d’une espèce tous les treize ou quatorze mois. Par exemple, le dinosaure, le mammouth poilu, et même les premiers ancêtres de I”nomme ont tous disparu. Nous savons aussi que les humains .sont en train d’anéantir des espèces entières cent fois plus vite que les pires ravages de la nature. La nature, ainsi que nous l’avons dit, détruit peut-être une espèce tous les quatre cents jours. Les humains sont en train de massacrer trois espèces tous les jours, ce qui représente 1200 espèces de perdues tous les quatre cents jours. D’ici dix ans, la destruction pourrait s’élever à un taux de trois espèces par heure, ou 26 000 espèces par année! De plus, nous connaissons certaines des conséquences : En général, nous examinons les conséquences scientifiques, esthétiques et éthiques de I’élimination d’une population entière de grues criantes, d’orchidées ou dune des sous-espèces de la baleine. Nous oublions I’impact économique des espèces disparues, un impact bien plus répandu que les autres. En voici quelques exemples : a) C’est surtout avec une espèce de «guerre chimique,, sous-marine que les espèces qui habitent nos récifs de corail arrivent à repousser leurs prédateurs. La science, grâce à plusieurs centaines de ces créatures, a pu développer des antidotes et traitements médicaux qui nous sont indispensables. b) En tout, la moitié de nos drogues prescrites sont basées sur des organismes «sauvages,,. Lavaleurmondiale


La préservation de notre mon& commerciale des médicaments que nous n’aurions pas sans les espèces 6auvagesB ou naturellement indigènes, est supérieure à40milliards de dollars. Ce chifi?‘reaugmente à mesure que nous découvrons et adaptons de nouveaux secrets de la nature grâce à la manipulation génétique, c’est-à-dire, si ces secrets ne sont pas détruits, avec leurs espèces, avant que nous ne puissions les dévoiler. c) En 1980, uniquement aux Etats-Unis, l’utilisation du matériel génétique des plantes indigènes (en particulier les espèces sauvages de blé et de maïs) a contribué à hauteur de plus d’un milliard de dollars, chaque année, au revenu agricole. Ce total augmente sans cesse. d) En 1970, les E.U. ont perdu 2 milliards de dollars en récoltes de maïs à cause d’une moisissure dufeuillage. Une espèce sauvage de maïs capable de résister au fongus qu’on a découvert au Mexique résoudra probablement ce problème. e) On a découvert récemment au Mexique la sousespèce la plus aprimitive” du maïs. Trois parcelles sauvages minuscules, qui mesuraient en tout moins de quatre hectares, étaient à même d’être détruits par des paysans et des bûcherons. On croise présentement les quelques milliers de plants retrouvés avec le maïs commercial. Pourquoi? Ce maïs sauvage est l’unique espèce vivace Mon connaisse. Lorsqu’on réussira à le croiser avec le maïs commercial, les cultivateurs de maïs, que ce soit auNigéria ou au Nébraska, n’auront plus besoin de labourer et semer tous les ans. L’argent épargné, c’est à dire les profits correspondants s’élèveront à plusieursmilliardsde dollars par année. f) A partir de la nature l’industrie moderne crée un nombre presqu’infini de composés. Pour commencer, les cires,lesrésines,lesteintures,leshuiles,lesgrasvégétaux, les tannins , les fibres et des graines bien plus riches en huile que quelque plante commerciale que ce soit. (Une vigne de forêt tropicale humide, la vigne (Fevillea,,, que l’on retrouve dans l’ouest de l’Amazonie, produit plus d’huile par hectare qu’une plantation de palmiers produisant de l’huile commerciale.) 82


La préserrvation de notre monde g) Les espèces végétales qui contiennent des hydrocarbures (maigre la lapalissade enseignée à l’école selon laquelle les plantes «sont toutes construites à partir d’hydrocarbonates”), peuventbien pousser dans les régions anéanties par de telles activités que l’extraction à ciel ouvert. Imaginez donc pouvoir réhabiliter de vastes étendues à l’aide de «plantations de pétrole” qui se renouvelleraient chaque année. Al’aide de lamanipulation génétique, il se peut que nous découvrions bientôt des éléments dans notre banque génetique mondiale qui permettraient de produire de la nourriture, ou même du bois, dans nos déserts et dans les terres rongées par le sel. Même si nous étions assez bornés pour supposer que nous disposons de toute la diversité végétale qu’il nous faut, nous serions en train de sacrifier une bonne partie de notre confort, notre économie et notre bien-être futurs’ si nous cessions de proteger les espèces <<sauvages». Considérez ceci : a) Les régions principales au monde qui produisent du cacao (dans l’Afrique de l’Ouest), feraient faillite en une génération si elles perdaient le nouveau matériel génétique provenant des forêts de l’Amazonie de l’Ouest, sur lequel elle dépendent totalement. Vous n’auriez pas de tablettes de chocolat pour vos petits-enfants. b) Les récoltes de café de la Colombie et du Brésil disparaîtraient sans injections régulièresde certains types de plantes sauvages de café, qui, elles, proviennent surtout de l’Ethiopie. c) La production énorme de caoutchouc, dans le Sud-Est asiatique, s’arrêterait sans le méristème du caoutchouc sauvage brésilien. d) La production brésilienne de canne à sucre et de soya disparaîtrait assez rapidement si l’on n’y transférait pas de la même façon du méristème originaire d’Asie. Les tiges et systèmes de base des racines des rosiers dans votre jardin ou dans celui de votre voisin ne produiront pas les fleurs que vous désirez sans greffes à partir d’espèces de roses que vous ne pourriez pas cultiver vous-même. Il s’agit du même phénomène en ce qui concerne plusieurs des plus vitales de nos récoltes. 83


La préservation

de notre monde

La crise de pétrole des années soixante-dix nous a montré la vraie signification de l’interdépendance. Notre dépendance mutuelle est encore plus décisive en matière de la diversité des espèces. On dit que nous reproduisons toutes les cellules de nos corps, sauf les cellules nerveuses, tous les sept ans, au fur et à mesure que le tissu vieillit et meurt. (Nos cellules de peau se reproduisent encore plus vite; prenez comme exemple une égratignure sur le bras d’un enfant.) Pour ceci, il nous faut le bon combustible et de saines provisions de «mortier et de briques” servant à la construction de tissu. Même là, nos <<cadransgénétiques” refusent à la longue de renouveler nos pièces vitales. Ces pièces s’usent, et nos vies se terminent. C’est pareil pour les plantes. Mais pour ces plantes, pour le caoutchouc, le thé, le cacao, le café et le soya, nous pouvons faire quelque chose que nous ne savons pas encore faire pour nous-mêmes : Avec suffisamment de méristème obtenu de sources asauvages” ou naturelles, nous pouvons les produire indéfiniment. (Au Sri Lanka, on peut trouver des plantes de thé qui ont plus de cent ans.) C’est sûrement une option que nous ne voulons pas abandonner? Il y a une difficulté importante quand on veut assurer la préservation des espèces et des gènes. (Sans cette préservation, les récoltes européenneset nord-américaines, elles aussi, disparaîtront aussi sûrement que le café, le caoutchoucetlecacao.)Lesracinesduproblème se trouvent dans notre refus de reconnaître les potentiels et les impératifs économiques. En fait, la protection des espèces est perçue comme étant une vertu plutôt qu’un besoin. C’est avec condescendance que nous percevons la «vertu* de protéger les espèces animales et végétales; nous la voyons comme étant une responsabilite des êtres asupérieurs” que nous croyons être. Jusqu’à présent, nous n’avons pas été assez <<supérieurs»pour comprendre qu’en détruisant les espèces, nous nous détruisons nous-mêmes. C’est-à-dire que la protection des espèces ne s’avère pas aussi séductrice que les questions d’ordre politique. Donc, les gens qui l’appuient manquent d’influente politique. La question est placéeversle bas de l’agenda des responsables 84


La préserrvation de notre monde politiques, des économistes et même desjournalistes. Tous se disent avec fierté qu’ils sont&alistes», tout en ignorant, une des réalités les plus fondamentales de la survie globale. Dans cette situation, nous ressemblons plus au dinosaure ou à l’autruche, que même à l’homme de cro-magnon. Comme souvent, les choses progressent sous l’effet de la pression publique : - Plus de 100 000 écoliers font maintenant partie des c<WildlifeClubs» (des clubs de faune) du Kenya. - La Société Audubon a plus de 385 000 membres, uniquement aux Etats-Unis. - Les clubs de nature de l’Union Soviétique comprennent plus de 35 millions de membres. Avec les changements sociaux qui se sont opérés dans ce pays avec une rapidité inouïe, l’URSS a même arrêté la construction de centrales nucléaires à cause de la voix de ces activistes. 11existe de nombreux autres exemplespartoutaumonde. Le point saillant est évident : nous avons, maintenant, un électorat qui se soucie de la préservation des espèces. Il nous reste à exploiter la volonté publique et à nous en servir pour générer de la volonté politique. Nous disposons d’assez de connaissances : nous pouvons entreprendre un début valable, qui est, en effet, essentiel. En ce moment, le problème n’est pas technologique; il est politique. Que faut-il donc faire, au niveau politique? - Premièrement, nous devons comprendre les liens intégraux entre la survie de notre banque d’espèces animales et végétales et le développement global. - Deuxièmement, nous devons commencer à agir à partir de cette conviction, à la fois au niveau national et par des ententes entre les pays. Il nous faut faire beaucoup plus de recherches. Nous n’avons étudié sérieusement qubnpourcent des plantes du monde, et encore moins de nos espèces animales. Nous ne pouvons même pas nous imaginer les richesses médicales, industrielles et agricoles dont nous nous privons par ignorance. Nous ne sommes pas non plus conscients des relations mutuelles qui relient les espèces animales et végétales. Nous savons, par contre, que parfois, un seul insecte ouune seule plante peut être la pierre angulaire de 85


La préservation de notre monde toute une structure écologique. Pourtant, nous continuons, comme si rien n’était, à anéantir des milliers d’espèces avant même #avoir compris les conséquences. Nous savons, aussi, que les processus de la vie naturelle peuvent être endommagés ou ralentis seulement si nous sommes prêts à abandonner la préservation des lieux de reproduction de nos animaux et de nos poissons, la stabilisation de notre climat, la protection de notre sol et de nos eaux, et l’entretien de ces vastes «pouponnières>>de bois et de jungles. Les forêts tropicales humides du village global, ainsi que les régions boisées à travers le monde et les algues marines, sont les poumons du monde. Nous sommes incapables de retransformer le dioxyde de carbone en oxygène; ce sont elles qui le font. Détruire nos forêts pour réaliser des profits à court terme est aussi sensé que de mettrelefeuànotremaisonpourfairecuiredesguimauves. Nos descendants ne sauront même pas quels bienfaits nous leur avons dérobé : les espèces que nous sommes présentement en train d’anéantir à toute vitesse par le déboisement, l’agriculture sur brûlis et l’érosion de nos terres marginales, sont précisément celles que nous connaissons le moins. Nous devrions plutôt faire une «révolution génétique». Les gouvernements et les agences internationales doivent choisir les espèces et les sous-espèces les plus importantes, les plus précieuses au niveau de nos besoins de développement. Nous devons partager et échanger à la fois les connaissances acquises et les bénéfices qu’apportent ces connaissances. La plupart de nos ressources génétiques précieuses se trouvent dans les tropiques, c’est-à-dire dans les pays en voie de développement. Il ne suffit plus de retirer des ressources de cette banque augrandprofitklisproportionné) des états industriels. L’augmentation de l’attroupement de bétail (qui est toujours la méthode la plus coûteuse de produire des protéines, au niveau de la terre, de l’alimentation et des autres ressources consommées), menace de nombreuses espèces végétales. Par exemple, dans les terres arides et 86


L.u préserrvation de notre monde semi-arides, les plantes qui se sont adaptées au climat local ont developpé une résistance incroyable. Plusieurs ont énormément de potentiel pour l’industrie biochimique. Mais nous perdrons peut-être la chance d’exploiter la cire liquide de l’arbuste ajojoban et le caoutchouc naturel du buisson «guayule»; cette chance, nous la perdrons à cause des troupeaux nomades de bétail et de l’érosion du sol causée par l’augmentation de ces troupeaux. Cette année et chaque année, nous éliminons une surface de forêt tropicale humide équivalente à celle du Portugal, ou deux fois celle du Danemark. D’ici la fin du siècle, il se peut qu’il n’y ait plus de forêt tropicale humide, sauf dans le bassin du Zaïre en Afrique, et dans la moitié ouest de l’Amazonie brésilienne. Même ces forêts-là, étant donné les politiques actuelles d’exploitation, ne survivront pas au cours des premières décennies du prochain siècle. Cela signifie non seulement la perte de forêts et des ~<poumons~~ de la planète, mais aussi la perte absolue et permanente de jusqu’à sept sur dix des espèces animales et végétales de ces régions. Les forêts tropicales humides contiennent, à elles seules, la moitié des espèces du monde. Pourtant, nous avions, pour commencer, 1,6 milliard d’hectares de forêts tropicales humides. En d’autres mots, nous avions 5,5 millions de milles carrés de forêt tropicale humide sur la terre : presque deux fois la surface entière de l’Europe. Nos forêts aident à stabiliser notre climat. Avec la mer, elles agissent comme thermostat global. Si nouslesperdons, ainsi quenous sommes en train de le faire, «l’effet de serre» et le réchauffement global n’en viendront que plus vite au cours des trente prochaines années. Toutes nos ressources, ainsi que l’emploi que nous en faisons, sont intimement liées. Si nous endommageons une ressource ou si nous affaiblissons une brique ou une planche de notre maison écologique, nous plaçons la structure entière en danger. Dorénavant, pour continuer l’analogie, nous assenons des coups violents à des murs entiers; et nous n’avons pas le plan de la maison, car nous n’avons pas effectué de recherches. Il se peut qu’un de cesjours, dansnotregrande ignorance, 87


La préservation de notre monde nous détruisions une des poutres principales, et que tout le système interdépendant nous tombe sur la tête. Il est encore plus probable que nous enfouissions nos enfants dans les décombres environnementales. En ce moment, les politiques gouvernementales stimulent souvent, et exigent parfois, la destruction de l’environnement et des espèces. Par exemple : Les droits de récolte du bois, surtout dans les pays qui n’ont pas de forêt tropicale, sont généralement à court terme. Donc, afin de faire un profit, les concessionnaires entamentleursopérationsrapidement,sansentreprendre d’études d’impact environnemental. Ils ne prennent que les meilleurs arbres, et détruisent des centaines de jeunes arbres en w5coltant celui qu’ils veulent avoir. De plus, les royautés, loyers et impôts recueillis par lesgouvernements suffisent rarement à reboiser et réparer les dégâts. Les pays du Tiers-Monde sont la cave d’Aladin de nos trésors animaux et végétaux. Deux-tiers de ces trésors se trouvent à l’intérieur de leurs frontières. Les chercheurs médicaux croient maintenant que cet énorme <<réservoir génétique» stimulera plus de découvertes innovatrices au cours des vingt prochaines années qu’on en a vues au cours des deux cents années passées. Ces bénéfices doivent aussi être partagés avec le Tiers-Monde, y compris les gains acquis auniveau de la propriété, de l’emploi et du commerce. Partout au monde, nous devons commencer par développer des stratégies nationales de conservation. Celles-ci n’entraveront pas forcément la souveraineté nationale, car elles peuvent être reliées à l’échelon régional. Mais il nous faut une «Convention des espèces», ou un traité qui aura la même portée internationale que le Traité sur le droit de la mer. L’Union internationale pour la conservation de la nature et de ses ressources (I’UICN) a déjà préparé l’ébauche d’un tel traité. Toute entente de ce genre sous-entend une recherche de fonds. Une possibilité serait que chaque nation fasse une contribution à un <<fondsspéciaux pour les espèces» : Ceux qui profitent le plus des ressources de notre village global y contribueraient en conséquence. Les paiements affectés aux pays en voie de développement pourraient 88


La préserrvation de notre monde augmenter et diminuer au fur et à mesure que ces pays démontreraient de façon pragmatique leur capacité de gérer et de conserver leurs ressources. A l’échelon national, où les parcs et les terrains de conservation de la nature sont un élément cl6 de la préservation, on devrait plus exactement les qualifier de «parcs de développement», afin de souligner leur valeur en tant que banques génétiques sans lesquelles la croissance future est lettre morte. Les agences internationales qui sont parmi les bailleurs de fonds principaux, y compris la Banque mondiale et les organismes de I’ONU, doivent porter leur attention de façon délibérée, minutieuse, régulière et systématique sur les problèmes de la conservation des espèces et sur les occasions qui se présentent à l’intérieur de cette conservation. Il existe présentement un «Centre de surveillance de la conservation>, qui réunit des informations au sujet des espèces mondiales et des écosystèmes. Cette information est disponible à travers le monde. L’UICN, en collaborant de près avec la Banque mondiale, le Programme des Nations Unies de l’environnement et les Fonds mondial pour la nature, devrait s’élargir. Nous avons maintenant des wégions protegées» nationales dont la surface totale est égale à toutes les surfaces terrestres de l’Europe de l’ouest. Ces regions, deux-tiers desquelles se trouvent dans leTiers-Monde, ont augmenté de quatre-vingt pour cent depuis 1970. Toutefois, il arrive trop fréquemment que les déclarations pieuses remplacent la protection pragmatique. Par exemple : Dans de nombreuses régions, par exemple auSri Lanka, les pêcheurs dynamitent et «minent» le corail quotidiennement; ils le font pour augmenter leurs revenus en utilisant le corail, qui est riche en chaux, pour fabriquer du ciment, qu’ils seraient normalement obligés d’importer pour des prix élevés. Les conséquences : la destruction d’une ressource unique et irremplaçable, l’érosion croissante des terres côtières et la destruction (ceci n’est pas la moindre des conséquences) des plages qui attirent les touristes (et leur devise forte, si précieuse) pour plusieurs

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La préservation de notre monde îles-états tropicales. Pourtant, la destruction du corail est illégale au Sri Lanka. La réglementation estrarement suffisante en elle-même. Afin de fonctionner, elle doit s’appuyer sur trois piliers solides : a) Le développement de sources alternatives de revenu pour ceux à qui on demande *d’arrêter de faire>>des choses qui détruisent notre environnement commun. b) La sensibilisation, afin que les gens comprennent et, à la longue, exigent la protection de leurs environnements. c) L’inspection et la mise en vigueur. Dans le monde en voie de développement, on observe que ces trois conditions ne sont pas réunies. Ce n’est tout de même pas étonnant. En principe, les pays industrialisés, qui possèdent beaucoup plus de ressources, n’ont commencé à mettre en vigueur des lois environnementales et protectionnistes qu’au cours de la dernière décennie. En Amérique duNord, on voit toujours plus d’exemples d’échecs en matière d’inspection et de mise en vigueur que de modèles de probité éthique, de rectitude écologique et de responsabilité communautaire. Nous pouvons excuser les pauvres de la planète (les gouvernements et les familles individuelles), réduits à sur-exploiter et dégrader la terre (et ce faisant, des espèces animales et végétales) en tirant le diable par la queue pour survivre encore un jour, encore une semaine. Ils ne peuvent pas changer tant que nous neleurfournissons pas les deux ressources dont ils ont besoin : l’occasion et les connaissances. Il n’en est pas ainsi pour les gouvernements riches et les multinationales. On entre dans un monde irréel quand on regarde ces agences gaspiller des trésors animaux et végétaux que nous ne saurons jamais remplacer. Un miserable, allumant son dernier bout de charbon avec son dernier billet d’un dollar, paraîtrait plus rationnel. Cependant, l’environnement, ce trésor à la valeur inestimable, ne nous appartient pas. Nous ne l’avons même pas louée à nos enfants ni à nos petits enfants. Nous sommes, plutôt, les gardiens des assises de leurs vies. 90


La préserrvation de notre monde On pourrait ajouter que dans le domaine de la politique globale de l’énergie, nous avons été aussi raisonnables que cet homme brûlant son dernier dollar afin d’obtenir une dernière lueur minuscule de lumière et de chaleur. Comme, d’ailleurs, nous le verrons, au prochain chapitre.


La prĂŠservation de notre monde


La prherrvation

de notre monde

Il y a quelques centaines de milliers d’années, l’expression <<énergiepour la survie» signifiait avoir de bonnes jambes afin de pouvoir se sauver du mammouth. Ça voulait dire, aussi, avoir de bons bras et une solide corpulence afin de pouvoirsebattreettuerlegibierpouravoirdelanoumture. Quelque temps après, comme les premiers représentants de notre espèce traversaient le pont terrestre méditerraneen entre l’Afrique et l’Europe, les priorités ont changé. L’ingéniosité et la capacité de planifier ont prisla même importance qu’avaient auparavant la force et la rapidité : le <<gardiendu feu» qui conservait quelques charbons ardents, enveloppés dans de la mousse, durant les déplacements nomades, est devenu indispensable. Au cours des hivers cruels en Europe, pas de feu signifiait pas de survie. Aujourd’hui nous sommes les <<gardiensde la flamme» de l’avenir. Nous utilisons ou testons déjà toutes sortes d’énergie <<renouvelable>>, des muscles au bois, à l’électricité générée, au fumier de bétail, au biogaz, à l’énergie générée par les plantes, à l’énergie solaire et de marée, l’énergie géothermique, l’énergie éolienne et aux surgénérateurs nucléaires. Ces formes d’énergie sont aussi concrètes que les charbons ardents préhistoriques. Mais nos sources principales d’énergie (le gaz naturel, le charbon, la tourbe, le pétrole, et même l’énergie nucléaire conventionnelle) sont non-renouvelables; chacune d’elles repose sur une base limitée de ressources. Même dans le domaine de l’énergie renouvelable (le bois, les plantes, même le fumier) nos politiques actuelles nous conduisent souvent à <<dépenser»les stocks disponibles beaucoup plus vite que nous ne pouvons les remplacer. Durant les années soixante-dix, lorsque les producteurs de pétrole dans l’ouest du Canada (dans la province de l’Alberta) n’arrivaient pas à obtenir les prix élevés qu’ils demandaient aux secteur industriel de l’est du Canada; ils


La préservation de notre monde ont alors inventé un slogan qu’on voyait sur les pare-chocs d’Alberta : «Que ces salauds gèlent dans le noir!» Nous ne jetterons pas une telle malédiction cynique sur les têtes de nos enfants ni celles de nos petits-enfants. Pourtant, le résultat final de notre politique mondiale énergétique pourrait réserver précisément cet avenir à notre village global. Nous n’avons pas besoin d’entreprendre des recherches pour comprendre les besoins de l’avenir. Ils sont simples et directs : a) Les provisions d’énergie doivent être suffisantes pour permettre une croissance annuelle du PNB d’au moins troispourcentdans touslespaysenvoiededéveloppement. b) Nous devrions développer des mesures agressives et efficaces de conservation de combustibles et d’économie d’énergie. c) Nous devons intégrer des facteurs de santé publique à toutes nos analyses des coûts de l’énergie. d) Nous devons protéger à la fois notre biosphère et nos écosystèmes locaux et régionaux de.la pollution produite par Yénergie. e) Nous devons partager nos ressources d’énergie plus équitablement. Les individus des nations industrielles utilisent actuellement quatre-vingt fois plus d’énergie que ceux dans l’Afrique du sud du Sahara; un quart de la population mondiale, aujourd’hui, utilise trois quarts de la production principale d’énergie de la planète. Voici un peu de réalité, et un peu de perspective : - En 1980, notre village global a utilisé environ dix «terawatts>ld’énergie (un terawatt, OUTW, égale l’énergie produite en brûlant un milliard de tonnes de charbon.) - Si nous continuons à consommer de l’énergie au même taux par personne qu’aujourd’hui, il nous en faudra quarante pour cent de plus juste pour compenser la croissance démographique. Mais si nous égalisons la consommation d’énergie et amenons le Tiers-Monde aux niveaux de consommation de l’Ouest, il nous en faudra 550 pour cent de plus d’ici trente-cinq ans. Le raisonnement qui veut aligner la consommation d’énergie des pays en voie de développement avec celle des

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La préserrvation de notre monde pays de l’Ouest est respectable, voire irrésistible. La consommation d’énergie est directement reliée au développement et au PNB. De l’autre côté de la medaille, une pénurie d’énergie entraîne la pauvreté. Voici quelques exemples de 1984 : a) Cette année-là, les nations «à faible revenu>>ont consommé en moyenne quatre dixièmes de kilowatt d’énergie par personne. Leur PNB moyen par personne était de 260 $. b) Le monde industriel a consommé environ sept kilowatts d’énergie par personne, et avait un PNB de 11 430 $. En d’autres mots, chaque individu dans les pays industrialisés profitait de 17,5 fois plus d’énergie, et vivait dans une économie qui produisait 43,9 fois plus par personne , en services et biens. Non seulement est-il vrai que plus d’accès à l’énergie signifie une augmentation de revenu avec une progression directe et mathématique; mais aussi qu’il y a réellement un effet multiplicateur (de deux fois et demi, ainsi que nous I’avons vu, en 1984). Il n’est pas étonnant que les nations du Tiers- Monde aient l’impression d’être les victimes de ce jeu là, ni qu’elles soient bien décidées à acquérir une part plus équitable de l’énergie totale. Comment le faire? Même en faisant des efforts intenses pour conserver et économiser l’énergie, tout niveau convenable de développement au Tiers-Monde, combiné avec le développement continu dans l’Ouest, nous enverrait probablement à un niveau de consommation de trentecinq terawatts par année d’ici quarante ans. Cette augmentation de 3,5 fois la consommation d’aujourd’hui aurait des conséquences environnementales impensables sinousnefaisionsqu’augmenternotreproduction d’énergie ultra-moderne, parce que nous serions obligés d’utiliser : 1,6 fois plus de pétrole chaque année, et de : a) consommer 3,4 fois plus de gaz naturel par année, b) brûler cinq fois plus de charbon qu’en 1980, c) augmenter la production d’énergie nucléaire de trente fois celle de 1980. Cela voudrait dire l’installation 95


La préservation de notre monde d’une nouvelle centrale nucléaire tous les trois jours pendant les quarante prochaines années! Nous pouvons réduire ces besoins potentiels d’énergie au moins de moitié : mais cela nécessiterait une révolution en matière de conservation de l’énergie. Un objectif plus faible de mérite pas d’être fixe. Un avenir où l’on consomme beaucoup d’énergie implique des risques intenables pour le monde : - Un climat modifié par *l’effet de serre>>. - Une grave pollution de l’air due à l’industrie et aux particuliers. - Énormément de destruction environnementale et de périls pour la santé à cause des pluies acides. - D’effroyables risques d’accidents nucléaires et de contamination radioactive par l’élimination des déchets. (Sans parler des dangers d’une multiplication des armes nucléaires, qui sont souvent directement reliés. au plutonium produit dans les centrales nucléaires partout dans le monde.) Si nous quadruplons la combustion de charbon, augmentons la consommation de pétrole de 1,4 et doublons l’utilisation du gaz naturel (et c’est sûr et certain que nous ferons toutes ces choses, si nous n’abandonnons pas nos pratiques actuelles de consommation d’énergie), nous pouvons supposer qu’il y aura un «réchauffement considérable du globe» au cours des trente prochaines années. Qu’entend-on, aujuste, parle mot <<considérable»? Il s’agit d’une augmentation globale de température qui sera, en moyenne, entre 1,5 et 4,5 degrés Celsius, àmesure que le dioxyde de carbone, émis par nos combustibles qui brûlent, s’accumule, produisant *l’effet de serre» et retenant la chaleur du soleil à l’intérieur de notre enveloppe atmosphérique. Et alors? Lisez ceci : Les études scientifiques prédisent que de tels changements de température, même le minimum prévu, feraient monter les niveaux des mers de un à huit mètres (plus haut qu’un immeuble à trois étages). Les villes côtières àbasse altitude (qui sont souvent les plushabitées) et les terres agricoles (qui sont, en général, les plus fertiles, dans les régions de delta) disparaîtraient sous les océans 96


La préserrvation de notre monde du monde. Personne ne peut imaginer les désastres économiques, sociauxet politiques qui s’ensuivraient, dans seulement trente ans. Est-ce que ça se passera ainsi? Nous ne pouvons pas en être sûrs. Comment pouvons-nous en être sûrs? En continuant de la même façon, et en prenant les risques que nous prenons. On pourrait dire que ça ressemble un peu à l’acte de traverser une autoroute encombrée à pied, les yeux bandés, en assumant que les risques statistiques sont nuls. Nous ne pouvons pas non plus compter sur la technologie pour nous sauver de la destruction; nous ne possédons pas une technologie qui puisse extraire les émissions de dioxyde de carbone des combustibles fossiles qui brûlent. Nous pouvons réduire les émissions d’azote et de souffre, et donc les pluies acides. Mais afin de diminuer l’effet de serre nous devons tout simplement cesser d’accroître notre utilisation de pétrole, de gaz, de charbon et des autres combustibles fossiles - en particulier le charbon. Plusieurs experts ont noté la nécessité d’opérer de vastes changements structurels et économiques afin de développer un avenir énergétique <(prudent».Ils ont raison. Mais nos connaissances actuelles démontrent que laplanète peut soutenir les niveaux de développement qu’il nous faut (en prenant en considération une baisse de cinquante pour cent dans l’utilisation d’énergie par personne dans les états industriels, et une augmentation de trente pour cent dans les pays en voie de développement), si nous utilisons les technologies et systèmes qui économisent le plus d’énergie possible et que nous possédons et connaissons déjà, et les utilisons dans chaque secteur de nos économies. Ça paraît difficile? Un peu! C’est comme l’histoire du philosophe âgé de cent ans à qui on a demandé s’il trouve pénible d’être boiteux, d’avoir l’oreille dure, et d’être handicapé par une vue faible. «Non,» répond-il, «pas quand j’envisage l’autre issue, qui est fatale.»Nous n’avonspas le choix. Nous avons déjà vu, au cours des treize dernières années dans les états industriels, que nous pouvons fabriquer des produits industriels en réduisant jusqu’à 97


La préservation de notre monde trente-trois pour cent la quantité d’energie consommée par unité de production (au Japon, il s’agit d’une réduction de soixante pour cent). Afin que ces améliorations deviennent universelles, pour permettre une croissance et un développement continus (sans pour autant détruire la société globale que le développement devrait servir), nous serons obligés d’agir plus rapidement. Il nous reste beaucoup de choses à faire. Nous devons : a) Améliorer nettement et élargir la surveillance et l’évaluation des risques. b) Faire énormément plus de recherches - et en faire beaucoup plus au niveau global. c) Développer des normes et acceptées au niveau international, afin de réduire l’émission et l’accumulation de gaz nocifs. d) Planifier et nous mettre d’accord sur des stratégies, maintenant, pour nous adapter aux changements climatiques déjà en cours, et minimiser les dégâts que font lesmers dont le niveaumonte. Beaucoup d’économistes, de planificateurs et de responsables politiques seront très gênés, et auront les pieds bien mouillés, si nous ne planifions pas les <(digues» technologiques dont nous aurons rapidement besoin. Notre but immédiat le plus urgent est la recherche d’économie d’énergie. Même aujourd’hui, environ un tiers du réchauffement global est causé, non pas par les combustibles fossiles qui brûlent, mais par les autres produits chimiques - surtout les chlorofluorocarbones qu’on utilise dans les systèmes de réfrigération, les bombes d’aérosol et la fabrication du plastique. Ces produits chimiques causeront la moitié de tout le réchauffement global d’ici quarante ans, si leur usage n’est pas contrôlé. Les bombes d’aérosol contenant des CFC sont déjà interdites dans plusieurs pays; cette interdiction devrait être universelle. L’industrie chimique, afin d’assurer sa propre survie, devrait accélérer les programmes destinés à substituer les chlorofluorocarbones, surtout dans la production du plastique soufflé, la réfrigération et l’air climatisé. Tous les nouveaux projets de développement, surtout 98


La préserrvation de notre monde ceux qui dépendent de l’aide bilatérale oumultilatérale, ou encore de la participation du FMI, de la Banque mondiale ou d’autres agences internationales, doivent commencer à incorporer des études d’impact en ce qui concerne la santé, le climat et l’environnement - en commençant par des études de faisabilité. De la même façon, les technologies plus économes au point de vue énergétique et plus respectueuses de l’environnement devraient être à la base de tout nouveau développement industriel au niveau global. Personne ne peut prédire ni estimer quels ravages ont déjà été faits par les pluies acides. En juillet 1987, l’organisation mondiale de la santé a estimé que la santé de 600 millionsde personnes étaient en danger uniquement à cause des pluies acides - c’est-à-dire, autant de gens qu’il y a dans toute l’Europe. Aux Etats-Unis, un groupe de médecins et de chercheurs en médecine ont dit au Sénat américain qu’ils sont maintenant d’avis que les pluies acides sont la cause principale de cancer des poumons, après le tabac. En Europe, il se peut que les ravages faits parles pluies acides dans les forêts et les lacs soient déjà irréversibles. Au Japon, il existe des études qui démontrent une diminution jusqu’à trente pour cent dans les moissons et les récoltes de riz, à cause des pluies acides. Nous sacrifions nos forêts, nos lacs, notre production alimentaire et la santé - même les vies - de nos enfants. Pourtant, nous pourrions éliminer les pluies acides et le coût serait une hausse de deux ou trois pour cent sur nos factures d’électricité. C’est tout ce que ça exigerait. Nous ne supporterions pas pendant bien longtemps qu’un voisin tire au hasard des coups de fusil dans notre maison : Pourquoi permettons-nous une invasion tout aussi directe et intime de nos communautés, et de nos poumons, de la part d’assassins internationaux portés par le vent, tels que les pluies acides? Egalement, pourquoi persistons-nous à tirer ces mêmes coups de fusil à travers les fenêtres de nos voisins, avec l’excuse puérile «qu’il nous faut faire plus de recherches» pour voir si le fusil

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La préservation de notre monde est bel et bien chargé? De tels énigmes et comportements contradictoires se manifestent aussi pour I’énergie nucléaire. Les experts les plus respectés et conservateurs au monde prédisent ouvertement qu’il y aura encore des Tchernobyls, même si on ne construit plus de centrales nucléaires. Les sondages démontrent que quatre-vingt-dix pour cent d’entre nous craignent les accidents nucléaires; bien plus de la moitié des citoyens du monde disent qu’ils ne croient pas les assurances données par l’industrie nucléaire; ilyadequoi: De nombreuses révélations ont récemment montré que les agences gouvernementales et l’industrie pratiquaient de la désinformation lors d’accidents nucléaires et que les procédures de surveillance et de sécurité n’étaient pas parfaites dans les centrales. Même en utilisant les arguments économiques les plus stériles, qui ne tiennent pas compte des coûts et risques des périls évidents, les avantages prévus de l’énergie nucléaire en comparaison avec les formes d’énergie conventionnelles se sont évaporés à cause de la baisse des prix du pétrole. Peu d’entre nous allumerions un feu de camp à côté de nos propres maisons si nous ne possédions ni l’équipement ni les connaissances pour l’éteindre, avant de perdre la maison et tous nos effets personnels. Pourtant, avec des milliers de tonnes de déchets radioactifs d’accumulées par les centrales nucléaires, nous ne savons toujours pas comment éliminer, de façon sécuritaire, ces poisons qui sont les plus mortels qui n’aient jamais été produits. Il existe en ce moment 366 centrales nucléaires en opération dans le monde; 140 sont à l’étude. Le potentiel de tragédie augmente avec chaque nouvelle thermale - et pas seulement des tragédies localisées, comme l’Europe du nord-ouest l’a appris après Chernobyl. Voici la vérité pure : Il est absolument injustifié de construire des centrales nucléaires tant que nous n’avons pas mis au point des protections «pare-balles>) pour h?s risques de mort que nous créons. 100


La préserrvation de notre monde Au minimum, nous devons : a> Avoir une entente universelle sur les notifications, au niveau international des accidents et périls nucléaires, ainsi qu’un système effcace de surveillance. b) Prévoir et planifier des réactions en cas d’urgence aux accidents inévitables. c> Établir des ententes internationales au sujet du transport et de l’entreposage des matériaux radioactifs traversant toute frontière nationale. d) Développerdesnormesinternationales deformation et de service de permis pour les hommes et les femmes qui opèrent nos centrales nucléaires. e) Appliquer des normes minimales de sécurité, à travers le monde. f) Développer des normes globales pour l’entreposage de déchets radioactifs. g) Développer des normes internationales pour le démantèlement et la décontamination des centrales nucléaires qui sont à la fin de leur vie productive. Pour revenir aux problèmes concrets posés par la production d’énergie : Environ soixante-dix pour cent de la population du monde en voie de développement dépend encore du bois comme combustible, pour la chaleur et même pour la lumière. Les dangers sont nombreux et divers : - Les taux de morts par pneumonie, surtout parmi les bébés et les enfants, sont extrêmement élevés dans les sociétés où la hutte familiale est constamment remplie de fumée de bois provenant de feux ouverts à trois pierres. Danscertainesrégions (telles que les régions montagneuses de l’Ethiopie), plus de la moitié de tous les petits enfants qui sont à l’hôpital sont gravement brûlés, étant tombés dans les feux de cuisine. - Plus largement, les provisions de bois diminuent plus vite qu’elle ne peuvent être remplacées dans bien des régions. Tandis que lesvillageois et les paysans ont surtout tendance à ramasser des branches mortes, les habitants des villes du Tiers-Monde utilisent souvent le bois coupé dans les forêts qui rétrécissent et envoyé par camion aux régions urbaines. A mesure que les stocks baissent, les 101


La préservation de notre monde prix montent : Dans la capitale de l’Éthiopie, Addis Abeba, de nombreuses familles sont obligées de dépenser jusqu’à la moitié de leur revenu en combustibles pour faire la cuisine, et pour survivre les nuits froides d’une ville située a trois mille mètres d’altitude. Il existe des solutions : - Certaines variétés à croissance rapide de bois pour la combustion brûler pourraient être <<cultivées>> sur de petits terrains, surtout sur le terrain montagneux où elles aideraient àretenirl’humiditédusoletàprévenirl’érosion. - On utilise dans le Tiers-Monde plusieurs types de fours qui économisent l’énergie. La plupart d’entre eux peuvent être construits avec de la brique faite de boue et de paille et cuite au soleil, et ne coûtent littéralement rien à construire. La plupart économisent au moins quatre fois plus d’énergie que les feux ouverts à trois pierres traditionnels. Par exemple : Lorsqu’un four fait de briques de boue a été utilisé dans un grand centre d’alimentation en Ethiopie, le temps de cuisson pour préparer un grand pot de riz a été réduit de quatre fois et demie; la consommation de combustible a été ramenée à un sixième; et la nourriture était mieux cuite et plus régulièrement. - Les techniciens éthiopiens ont développé, un <<poêle solaire>)à l’intention des familles. Il s’agit tout simplement d’un plat moulé en forme de parabole, fait de boue, qui a été cuit au soleil jusqu’à ce qu’il soit dur, et recouvert d’une feuille métallique. On peut ajuster ce «poêle solaire» selon la hauteur du soleil, et il y a un crochet où on peut accrocher une casserole. Le poêle solaire peut faire bouillir un litre d’eau en huit minutes, et ne consomme pas de combustible. Mais les villageois, voyant bouillir l’eau sans voir de flamme, craignent le «mauvais esprit ou la (<magie*utilisée dans ce mécanisme étincelant. La morale de l’histoire est que le progrès dépend toujours de l’éducation; et de la création de non seulement l’acceptation , mais aussi la demande au niveau populaire. Aujourd’hui,le développement de sourcesrenouvelables 102


La préserrvation de notre monde d’énergie est au même stade d’évolution humaine et technologique que la hache de pierre, ou que l’agriculture sur brûlis. De nos jours, environ vingt-et-un pour cent de la consommation mondiale d’énergie provient de sources renouvelables. Ilrestequandmêmeunpotentielimmense, surtout en hydro-électricité. Les bénéfices seraient fantastiques si, par exemple, les nations et régions avoisinantes développaient en coopération et partageaient ces ressources. De ce point de vue, le développement continu des «super-conducteurs» représente une possibilité particulièrement excitante. La génération de l’énergie solaire à l’aide de piles photovoltaïques coûte en ce moment environ 5 $ par *watt maximum», à comparer avec le coût d’un ou de deux dollars pour l’électricité conventionnelle. Toutefois, ce chiffre de 5 $ était de 600 $ il n’y a que dix ans; Ce prix sera bientôt concurrentiel. Entre temps, l’énergie solaire est quand même moins chère, dans les régions isolées, que la construction de réseaux d’électricité à longue distance ou que l’importation de pétrole. En Californie, l’expérience a montré que l’énergie éolienne pourra faire concurrence à l’électricité conventionnelle d’ici dix ans. Le Brésil a produit dix milliards de litres de combustible à base d’alcool éthylique à partir de la canne à sucre en 1984. Le coût pouvait concurrencer les prix mondiaux de pétrole de 1981. Même si le prix du pétrole a baissé, l’avantage pour le Brésil est qu’il peut toujours épargner 60 pour cent de ses anciennes dépenses (en devises fortes) d’importation de combustibles pour l’énergie. Même la génération d’énergie géothermique, exploitant les fournaises souterraines de la terre, a augmenté de quinze pour cent tous les ans depuis quelques années. Personne n’en connaît le potentiel. Un grand avantage des systèmes d’énergie nontraditionnels et renouvelables est que : Ils emploient presque toujours beaucoup de maind’oeuvre et sont adaptés aux entreprises de petite taille, communautaires ou familiales. Ils créent donc des emplois 103


La préservation de notre monde et, en même temps, sont à l’abri des fluctuations internationales des prix, des cours du change et de la sécurité d’approvisionnement. Nous possédons le gros de la technologie nécessaire. Les vrais obstacles sont d’ordre politique et institutionnel. Les politiques nationales d’énergie doivent augmenter radicalement l’emphase qu’ils mettent sur l’énergie renouvelable et les projets-pilotes expérimentaux. On doit trouver les moyens de faire exploser cette inertie et ces droits acquis qui empêchent les services publics géants de mettre en oeuvre de nouvelles technologies ou d’accepter de l’énergie fournie par des systèmes plus petits et moins conventionnels. Il n’existe qu’un monopole acceptable en matière d’énergie. C’est celui que <<possèdent»nos enfants, et nos petits enfants, pour qui nous devons assurer une énergie sans inquiétude et qui ne pose pas de danger pour l’avenir. Il est ironique que lorsque nous refusons aux familles du Tiers-Monde le bénéfice de nos connaissances et de notre aide, nous accélérons la spirale de la pauvreté, et perpétuons l’emploi inefficace de maigres ressources qu’elles possèdent. L’énergie nous en fournit un exemple classique : Une mère en milieu rural en Inde, au Niger ou au Brésil, préparant le repas familial dans une casserole en terre, au-dessus d’un feu à trois pierres, emploie huit fois plus d’énergie que sa voisine, qui se sert dune casserole en métal sur un poêle à gaz. Pour bien des familles dans le Tiers-Monde, l’unique source de lumière est une ficelle ou mèche, trempée dans un pot rempli d’huile de palmier, ou dans un pot de pétrole (kérosène). Cette lampe d’huile ou de kérosène traditionnelle offre à leurs enfants, qui étudient leurs leçons d’école dans les tropiques, où il fait noir à six heures du soir pendant toute l’année, seulement un cinquantième de l’illumination d’une ampoule de 100 watts. Une mèche trempée dans le kérosène, en d’autres mots, illumine aussi bien que le ferait une ampoule de deux watts, si vous pouvez vous imaginer la chose. Pourtant, la lampe à kérosène ou d’huile utilise la même quantité d’énergie que consomme l’ampoule de 100 watts. 104


La préserrvation de notre monde Les nations industrielles connaîtraient certainement un état frôlant la guerre civile ou la révolution si leurs citoyens se voyaient subitement obligés à payer cinquante fois plus cher pour l’énergie équivalente afin d’éclairer leurs maisons. Un autre commentaire au sujet de l’économie monétaire de l’énergie réellement efficace : Une étude au Brésil a examiné les coûts de fabrication de produits qui économisent réellement l’énergie en se servant de la technologie courante, des réfrigérateurs et desvoituresjusqu’auxlumièresdanslesruesetlesmoteurs électriques. L’investissement total (dontunegrandepartie serait récupérée) serait de quatre milliards de dollars, at-on estimé. Cependant, il s’avère que cet investissement de quatre milliards épargnerait au Brésil 19 milliards de dollars au cours des prochaines quatorze années, parce qu’il n’aurait plus besoin de construire un réseau énorme de nouvelles centrales énergétiques. Chaque pays devrait exiger qu’on colle une Gtiquette de taux de consommation d’énergie» sur tous les appareils électriques. Les gens sont capables d’agir de façon rationnelle, lorsqu’on les informe et on leur donne des choix. La <<comptabilitéd’énergie» est essentielle dans chaque sphère d’activité, tout comme le sont les w5rifications des comptes d’énergie» de toutes les entreprises commerciales et industrielles. L’expérience courante prouve que les bénéfices économiques de ce système sont pragmatiques et immédiats pour l’industrie. A l’avenir, les entreprises qui failliront dans ce domaine deviendront aussi superflues que les fabricants de carrioles et de corsets à baleines. En ce moment, soixante pour cent de l’utilisation totale du pétrole dans les pays industrialisés est affecté au transport. Il y a eu de remarquables améliorations en ce qui concerne l’usage efficace du carburant au cours de notre décennie. Mais nous savons que la consommation moyenne actuelle (qui est de cent kilomètres par dix litres de carburant) pourrait être réduit de cinquante pour cent au cours des prochaines douze années, si nous fournissons 105


La préservation de notre monde un effort continu à cet effet. L’épargne réalisée, uniquement au niveau de la pollution de l’air, seraient monumentales. Nous pouvons probablement présumer que nous aurons des nouvelles formes d’énergie plus efficaces et moins dangereuses, à l’avenir, si nous en avons un : L’énergie à partir de l’hydrogène; sans danger et renouvelable, l’énergie découlant de la fusion nucléaire (qui ne produit pas le plutonium ni les autres poisons radioactifs si terribles quel’on retrouve dansnos thermales de «fission» nucléaire actuelles) et les sur-générateurs; des panneaux solaires d’un km et demi de long, Mgarés»dans l’espace afin d’envoyer de l’énergie 24 heures par jour du soleil à la terre. Tout ceci est possible, tout comme l’est l’exploitation gigantesque de la chaleur infinie qui se trouve au centre de la terre. Mais pour la mère du TiersMonde dont nous avons parlé, avec son feu à trois pierres, ces solutions n’ont pas plus de valeur qu’un parachute oublié à la maison pour quelqu’un qui saute d’un avion en vol. En utilisant la technologie que nous connaissons actuellement, en intensifiant notre recherche d’énergie renouvelable et de conservation d’énergie, nous pouvons racheter le temps qu’il nous faut, jusqu’à ce que ce parachute global d’énergie nous soit livré. Si nous échouons, notre atterrissage risque d’être très rude - et très rapide.

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La préserrvation de notre monde

Depuis plusieurs années, les défenseurs de l’environnement ont été mi-amis, mi-ennemis avec ceux de l’industrie. Le village global doit avoir une technologie industrielle qui permette de résoudre nos problèmes environnementaux ainsi qu’une production industrielle capable d’enclencher le développement. Mais, dès le début des années cinquante, l’industrie a été perçue comme l’ennemi, la Grande Destructrice de notre écosphère. Jusqu’au milieu de ce siècle, la ville de Londres en Angleterre était fière de son surnom : 4Yhe Big Smoke>>, qui renvoyait à sa puissance industrielle, sa richesse et son pouvoir accumules pendant plus de deux siècles. Mais au cours des années cinquante, le usmog massacranO de Londres survint, ainsi qu’une épidémie mortelle attribuée aux problèmes respiratoires causés par la pollution. L’industrie n’était pas l’unique accusée, évidemment. La fumée provenant d’un million de poêles et de foyers familiaux chauffés au charbon a considérablement augmenté les émanations fatales. Le smog de Los Angeles, la «mort> du lac Erié et la profonde dégradation des rivières principales de l’Europe, y compris l’Elbe, la Meuse et le Rhin, ont permis de sensibiliser les populations aux problèmes de pollution. La fin des années cinquante a été marqué par l’épidémie d’empoisannement par le mercure à Minamata, au Japon, et dans le nord-ouest de l’Ontario au Canada. Les drames horribles de l’asbestose chez les travailleurs d’usine et du saturnisme chez les enfants des villes ont commencé à être connus. A mesure que notre compréhension des conséquences de la pollution croissait, des lignes de combat furent dessinées : D’un côté, les environnementalistes, réclament la tête 107


La préservation de notre monde des pollueurs; de l’autre côté, les tenants de l’industrie qui avaient l’habitude d’être perçus comme des bienfaiteurs sociaux - une source d’emploi et d’argent - mais que I’on assimilait maintenant à de véritables criminels, et à D’un côté, les d’exploiteurs sans coeur. environnementalistes qualifiait les gestionnaires de compagnies de monstre; et de l’autre, les chefs d’entreprise percevaient les environnementalistes comme des anarchistes mal informés qui tentaient d’anéantir à tort et à travers les avantages qu’avait apporté l’industrialisation. Les slogans «croissance zéro» et Cest beau d’être petit, s’étalaient sur les drapeaux de combat. Du point de vue de l’industrie, les défenseurs de l’environnement étaient d’implacables ennemis à tout progrès; mais du point de vue de ceux qui étaient bien décidés à préserver notre planète, l’usine industrielle mondiale était une force aveugle et meurtrière, broyant la nature et le monde sous le poids de son avance impitoyable. Nous savons maintenant que les deux opinions étaient aussi fausses que simplistes. L’industrie peutmettre en valeur notre écosphère aussi facilement qu’elle peut la dégrader. Les environnementalistes peuvent travailler et travaillent en collaboration avec l’industrie. C’est ce que nous devons tous faire. La production industrielle a explosé au cours des deux décennies après 1950; nous produisons sept fois plus de biens et services qu’il il y a trente-cinq ans. La croissance semble maintenant avoir atteint un plateau d’environ trois pour cent par année. Lespaysenvoiededéveloppement,quin’avaientpresque pas d’industrie lorsqu’ils accédèrent àl’indépendance après la Deuxième guerre mondiale, représentent environ douze pour cent de la fabrication manufacturière globale. (L’Inde occupe maintenant la neuvième place au rang des puissances industrielles du monde.) Mais les pays du Tiers-Monde n’ont même pas atteint la cible de 25 pour cent de la production mondiale fixée par l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel en 1975, à Lima. Les nouvelles sur les industries «nouvelles» dans les 108


La préserrvation de notre monde pays en voie de développement ne sontpas toujours bonnes : La plupart de ces industries sont des industries lourdes qui demandent beaucoup de capitaux - dans les domaines des produits chimiques, des produits en métal, de la machinerie et de l’équipement - qui sont, en général, ceux qui polluent le plus. Ce qui est encore plus grave, c’est que les pays du Tiers-Monde ne possèdent pas en général I’expertise et les ressources nécessaires afin d’évaluer les risques environnementaux, de surveiller la fabrication manufacturière et de mettre en vigueur des contrôles de pollution adéquats. Il y a eu quand même une amélioration nette et visible au niveau de l’environnement et de la réduction de la pollution, surtout dans les états industriels. titre d’exemple, l’élimination du«smogmassacrant» deLondres et le nettoyage de la Tamise.) Néanmoins, nous perdons du terrain dans plusieurs domaines : - Les vidanges de fumier et d’égouts sont accrues (celle des égouts étant exacerbée par les explosions démographiques dans les villes du Tiers-Monde); nous avons donc plus de poissons morts, plus d’eau empoisonnée et une destruction croissante de la vie végétale, à la fois dans nos mers et sur la terre. - Les niveaux atmosphériques de souffre et d’oxydes d’azote sont en hausse dans plusieurs régions. La pollution par le plomb est devenue endémique dans les villes du Tiers-Monde, où les contrôles d’émission sur les voitures, les camions et les autobus n’existent même pas; la plupart des véhicules, qu’on garde deux fois plus longtemps en moyenne que celles dans l’ouest, sont mal entretenues. - Dans de nombreuses villes dans les pays en voie de développement, le niveau de pollution de l’air est supérieur à celui enregistré dans certains pays occidentaux tout entier dans les années cinquante ou soixante. - La pollution chimique a envahi la planète. Les métaux lourds et autres produits toxiques ont été retrouvés dans les espèces marines, animales et doiseaux les plus éloignées, dans l’arctique et l’antarctique. Heureusement, l’expérience des dernières deux décerrniesnous amontré comment attaquer ces problèmes.

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La préservation de notre monde De plus, nous avons appris que les contrôles de pollution encouragent de bonnes affaires et une vie économique saine. Même sans parler de l’énorme économie au niveau de la santé et des vies, au niveau des espèces animales et végétales, l’industrie non polluantegagnepresque toujours autant sinon plus d’argent. Il est utile de noter, par exemple, que les entreprises d’acier qui réussissent assez bien en dépit de l’effondrement actuel des prix mondiaux sont celles qui sont le plus efficaces au niveau de I’environnement. Un autre exemple : - Environ la moitié des quatre-vingts usines de pâte à papier aucanadaontinstallé, ouontl’intention d’installer, un traitement anaérobique pour leurs effluents. Le système coûte entre trois et quatre millions de dollars par usine et environ 500 000 $ de frais de fonctionnement par an. Mais ces systèmes anaérobiques épargnent à l’usine environ un million de dollars par année. Donc, en déduisant les coûts d’opération, les nouveaux projets de traitement produisent un demi-million de dollars par année, ce qui permet d’amortir les coûts d’installation au cours en six ou huit ans; après cela, ils produisent un profit annuel de 500 000 $. - Ainsi que nous l’avions noté, l’élimination des pluies acides n’ajouterait que deux à trois pour cent en moyenne aux factures d’électricité. Les sondages démontrent que la plupart des consommateurs paieraient volontiers cette somme. Maisil y a là aussi de véritables bénéfices financiers. Par exemple, dans le nord-est des Etats-Unis, on estime qu’unnettoyage complet coûterait entre six et sept milliards de dollars par année; mais les coûts annuels, dans cette même région, qui sont engendrés par la corrosion causée par les pluies acides est de neufmilliards de dollars (cette somme n’englobe même pas les coûts de soins de la santé). Ajoutez à cela les lacs et les pêcheries détruits, le revenu touristique perdu, une industrie de sucre d’érable qui subit chaque année les dégâts des pluies acides, et les pertes, encore à estimer, dans les industries forestières. La vérité est que le «secteur d’industrie de l’environnement» a les meilleures perspectives de croissance au monde. Au Canada, à titre d’exemple : 110


La préserrvation de notre monde - En ce moment, 200 000 personnes travaillent dans ce secteur. - Le secteur de l’industrie de l’environnement emploie douze fois plus de gens que ceux qui participent a l’extraction du charbon - deux fois plus que tous les travailleurs oeuvrant à la production de voitures - quarante pour cent de plus que le total de tous les emplois dans chaque segment de l’industrie textile et de vêtements. Il arrive trop souvent, tout de même, que les contrôles environnementaux soient<créactifs»plutôt que «pro-actifs». Souvent, nous n’identifions un problème que lorsqu’il est devenu critique, et nous «l’arrangeons». De tels exemples de gestion de crise sont des preuves publiques d’échec. En vérité, notre système de réduction de pollution, qui fonctionne par réactions spasmodiques en éteignant les Gncendies», est de loin la méthode la plus coûteuse. C’est comme si on se payait le Concorde avant de prendre le métro pour se rendre au bureau. Regardons la croissance dont nous aurons besoin - et que nous aurons besoin de surveiller et contrôler au niveau environnemental : - Si nous cherchions à élever la consommation dans le Tiers-Monde des biens manufacturés jusqu’à ce qu’elle atteigne le même niveau durable de celle des nations industrielles; si nous cherchions à créer des marchés, a élever les niveaux de vie et à soutenir le développement mondial, il nous faudrait augmenter de 2,6 fois la production industrielle globale. - Etant donné la croissance démographique attendue, il nous faudra de cinq à dix fois plus de production industrielle que celle d’aujourd’hui d’ici cinquante à soixante-quinze ans, c’est-à-dire le temps nécessaire avant que la population de notre village global se mette à plafonner. (Il faut qu’une bonne partie de cette expansion s’opère à l’intérieur du Tiers-Monde. Une des raisons, et certainement pas des moindres, est que .l’explosion démographique chez les jeunes dans les pays ne voie de développement se traduira bientôt en plusieurs centaines de millions de jeunes nouveaux arrivants sur le marché du 111


La préservation de notre monde travail; ils ne trouveront pas d’emplois en agriculture - il n’y en a pas.) Afin de mettre ces chiffres en perspective, souvenezvous que nous avons augmenté la production industrielle globale de quarante fois, seulement au cours des derniers trente-cinq ans. Il faut atteindre les niveaux de croissance dont nous avons parlé pour créer la prospérité dans le Tiers-Monde, et pour créer des marchés stables pour le développement de l’ouest. Les questions à poser sont : - Possédons-nous les ressources de base pour qu’une telle croissance soit possible? - Pouvons-nous croître à ce point-là, et arriver en même temps à protéger notre environnement? Les réponses aux deux questions sont «oui». Mais il s’agit d’un oui conditionnel. Nous devons commencer par aider aux pays en voie de développement à tirer les enseignements de nos propres erreurs. Aucun de ces pays ne pourra trouver les ressources nécessaires pour Gndustrialiser maintenant, et arranger les pépins plus tard» comme nous l’avons fait dans l’ouest. De toute façon, étant donné les courbes exponentielles de la pollution, elles n’auraient jamais le temps de le faire. Il nous faut aussi commencer en portant un regard critique sur une bonne partie de notre usagesse Des objectifs de fabrication conventionnelle». manufacturière, tels les «économies d’échelle» - ne sont plus nécessairement des preuves d’efficacité et rentabilité : De nouvelles communications, de nouvellesinformations et une nouvelle technologie permettent l’établissement d’industries à petite échelle éparpillées à travers un pays. Evidemment, une telle dispersion diminue l’impact sur les environnements locaux et facilite le contrôle des sites individuels. De plus, le traitement à petite échelle des matières premières crée plus d’emplois, donc utilise moins d’énergie, et donc pollue moins. Ainsi que nous l’avons noté, le Tiers-Monde a besoin d’industries qui créent beaucoup d’emplois. Encore un point : Les industries à petite échelle repondront aux besoins de la population locale et régionale; leurs produits ont de 112


La préserrvation de notre monde bien meilleures chances d’être (<adaptés»aux besoins. Et la disponibilite des ressources nécessaires, alors? Voici quelques exemples tirés de notre expérience contemporaine : a) Entre 1973 et 1989, le Japon a diminué de soixante pour cent la quantite de matieres premières utilisées dans chaque unité produite - que cette unité soit une voiture, une télévision, ouun wagon de chemin de fer. De plus, cette réduction s’est opérée tandis que la production manufacturière totale croissait progressivement. b) Dans l’URSS, la production industrielle de produits chimiques augmenta de soixante-dix pour cent entre 1975 et 1980. Durant la même période, la consommation totale d’eau fraîche par cette industrie est demeurée constante. c> Les usines &raditionnelles» de pâte à papier utilisent environ 180 mètres cubes d’eau fraîche pour chaque tonne de pâte qu’elles produisent. Les usines construites depuis les années soixante-dix n’utilisent que soixante-dix mètres cubes, soitune baisse d’environ soixante pour cent. D’autres méthodes, encore plus modernes, où l’eau est purifiée et réutilisée, pourraient baisser la consommation d’eaujusqu’à vingt ou trente mètres cubes par tonne de pâte produite un neuvième du volume qu’on utilisait avant. d) Dans les usines d’acier, il faut entre quatre-vingts et deux cents. tonnes d’eau pour produire une tonne d’acier brut. Mais les systèmes «fermés» de recirculation pourraient réduire cette quantité à seulement trois tonnes d’eau c’est-à-dire juste la quantité perdu du fait de l’évaporation. L’usage effkace des ressources est possible. Ceci est actuellement pratiqué dans de nombreux secteurs. De nouveaux matériaux - des céramiques, des métaux rares et des métaux alliés, des plastiques à haute performance, et de nouveaux composés jouent en ce moment un rôle significatif à la fois dans la conservation d’énergie et de ressources. La biotechnologie a un rôle important à jouer : - De plus en plus, l’énergie dérivée des plantes (telles que la canne à sucre au Brésil) offre une source complètementrenouvelabled’énergieetpermetlaréduction de la consommation de combustibles fossiles. 113


La préservation de notre monde - La recherche promet déjà l’utilisation de processus biologiques, plus propres, etplusefficaces, dans des secteurs industriels qui polluent énormément. - D’autres recherches permettront la mise au point peut-être bientôt de méthodes sans danger et peucoûteuses pour éliminer nos déchets liquides dangereux. Une entreprise a breveté un procédé utilisant une bactérie génétiquement créée et capable de amanger. et digerer le pétrole déversé accidentellement dans la mer. - Des <<bactéries géantes,, mesurant jusqu’à 1’5 centimètres de long ont été découvertes au fond de la mer dans le Golfe du Mexique au début des années 1990. Ces créatures vivent très bien en se nourrissant de sulphide d’hydrogène, le dérivé principal des fuites de pétrole aboutissant au fond de la mer. Au cour du processus, la bactérie décompose le sulphide d’hydrogène empoisonné en une combinaison beaucoup moins dangereuse de soufre et d’eau. Les images de satellite, qui sont maintenant essentielles àl’agriculture en fournissant des observations climatiques, pourraient aussi nous aider à utiliser plus efficacement nos ress0urces.à travers la planète - cela, en surveillant et en évaluant les tendances à long terme du climat, de l’érosion, descouverclesvégétaux, et delapollution marine. La possibilité de permettre à certaines plantes utiles d’utiliser directement l’azote de l’air constitue l’une des applications les plus prometteuses dugénie génétique. Un tel progrès aurait un impact profond sur l’industrie des engrais. De plus, le fardeau de la pollution agricole du globe serait considérablement allégé. Notre première étape serait d’établir les règlements de base et des points de repère : Les gouvernements, l’industrie et le public doivent tous y participer, et à part égale. On doit légiférer sur les questions de pollution internationale. Chaque nation doit accepter la responsabilité de ne pas causer du tort à ses voisins, la responsabilité de payer pour les dégâts internationaux, et de donner l’accès total à toutes les solutions disponibles. Les gouvernements doivent se méfier des politiques qui, 114


La préserrvation de notre monde à travers des subventions directes ou indirectes, encouragent l’épuisement des ressources et la pollution. Même le prix de notre eau est très élevé : l’épuisement des ressources et la dégradation, même lorsqu’ils ne sont pas clairement explicités, sont une partie intégrale de tout bilan gouvernemental et d’affaires. 11est essentiel que la comptabilité environnementale soit complète et précise afin que nous puissions obtenir l’information nécessaire à notre survie. Les petites et moyennes entreprises sont toujours les principaux employeurs et producteurs dans le monde. Ne disposant pas des moyens des multinationales, elles sont aussi les pires pollueurs. Les gouvernements et les grosses entreprises doivent partager avec les petites entreprises la technologie de contrôle des ressources et de la pollution. Le travail de métaux, le tannage et la teinture du cuir, l’imprimerie, la fabrication de machines-outils et même le développement des photos comptent parmi les pires destructeurs de notre village global. Les gouvernements aussi peuvent et devraient encourager, à l’intérieur de chaque secteur industriel à petite échelle, la création de programmes de redressement et de programmes préventifs et coopératifs. Ces efforts pourraient comprendre l’usage commun des installations et des équipements de contrôle de pollution, d’équipement servant au recyclage et d’usines de traitement de déchets. Il nous faut infiniment plus d’études sur les puissances chimiques que nous sommes en train de créer artificiellement et de libérer dans la nature. Beaucoup d’entre eux sont des véritables monstres. Considérez ceci : - Il existe présentement entre 70 000 et 80 000 produits chimiques sur le marché mondial - et de ce fait, dans notre environnement. - Nous plaçons chaque année sur nos étagères de vente entre 1000 et 2000 nouveaux produits chimiques. - Parmiles 65 725 produits chimiques que nous utilisons les plus couramment, nous ne possédons les données convenables concernant la santé et les risques environnementaux que pour un pesticide sur dix, et pour 115


La préservation de notre monde un médicament sur six (ces statistiques proviennent d’une étude faite par le U.S. Research; Council). Dès 1986, on avaitinterditlaproductionetlaventedeplusdecinqcents produits chimiques dans les pays occidentaux. Mais on produit ou on exporte toujours nombre d’entre eux vers les pays en voie de développement. Ceux-ci, presqu’universellement, ne possèdent pas les contrôles à l’importation, les installations d’inspection, l’expertise technique, les ressources humaines ni les données nécessaires pour contrôler ces pratiques. Chaque nation devrait interdire la production et la distribution de tout produit ou composé chimique jusqu’à ce qu’on ait prouvé qu’il ne pose pas de danger. La moindre information au sujet des produits chimiques dangereux doit être rendue publique. Les fabricants de produits chimiques, tout comme les fabricants de produits pharmaceutiques devraient être forcés à fournir aux utilisateurs de pesticides, de solvants industriels ou d’autres produits, les instructions de manutention oules dangers d’un usage incorrect. Souvenezvous que l’an passé il y a eu 10 000 morts causées par un empoisonnement dû aux pesticides dans le Tiers-Monde. Les normes s’appliquant aux états industriels doivent également $tre appliquées à toutes les exportations de produits chimiques, et à toutes les usines de production installées à l’étranger. Si vous voulez, appelez cela une nouvelle forme (d’extra-territorialité,,. Maisilne s’agit pas d’une tentative pour influencer ou diriger d’autres nations; il s’agit plutôt de la simple reconnaissance du fait que nous sommes les gardiens de nos frères et soeurs, tout comme ils sont les nôtres. Une petite note afin de mettre en perspective la responsabilité des nations industrielles : En 1984, le monde a produit entre 325 et 375 millions tonnes de déchets toxiques. Les pays en voie de développement et les pays nouvellement industrialisés n’avaient produit ensemble que cinq tonnes de tout cela. Nous savons que nous aurons encore des désastres industriels : 116


La préserrvation de notre monde - Mille personnes sont mortes lors de l’explosion des réservoirs de gaz liquide à Mexico. - Deux mille personnes sont mortes à Bhopal. - Il y eut ensuite Sevesso, avec des douzaines de fausses couches et des malformations chez les bébés. - L’incendie qui eut lieu a l’usine chimique à Bâle, en Suisse, en novembre 1986, a tué énormément de poissons dans les cours d’eau jusqu’aux Pays-Bas. Il y en aura encore. Pas une semaine ne s’est écoulée pendant cette décennie au cours de laquelle on n’ait pas échappé de justesse à une catastrophe quelque part dans le monde. Donc, le village global a besoin d’un réseau relie d’évaluation des risques, de surveillance, et de «brigades d’incendies environnementales” . Les ouvriers d’usine et les gens qui sont près des usines chimiques doivent être bien renseignés au sujet des risques et des mesures appropriées qu’ils pourraient prendre afin de sauver des vies en cas d’urgence. Dans les pays industrialisés, les automobilistes doivent payer une amende si les clignotants de leur voiture ne fonctionnent pas. Pourtant, nous autorisons les entreprises à maintenir le plus grand secret à - que ce soit les centrales nucléaires, les usines d’explosifs, ou les usines de produits chimiques. Les gouvernements et l’industrie doivent tous les deux participer à l’évaluation des risques et à l’identification des opérations dangereuses, et garantir une totale transparence. Les syndicats nationaux et internationaux ont aussi une responsabilité fondamentale de nous fournir les données au sujet des risques et d’informer leurs voisins au sujet des matériaux et pratiques dangereux. Ce sont les travailleurs (dans tous les secteurs), après tout, qui sont les plus exposés au risque de pollution. Ce sont eux qui exécutent les opérations et fabriquent les composés qui nous menacent tous - et pas uniquement euxmêmes et leurs enfants. Chacun d’entre eux, donc, aune responsabilite envers la communauté qui dépasse de loin la loyauté envers un 117


La préservation de notre monde patron quelconque. Les employés de l’industrie n’ont pas plus le droit que les criminels de la Deuxième guerre mondiale de prétendre qu’ils «ne font qu’obéir aux ordres,,. Il est clair que la suppression de l’information vitale à la sécurité de la communauté constitue un crime social - et comporte souvent des conséquences si dangereuses à côté des crimes perpetrés par tous les assassins et autres bouchers que l’histoire a produit. Mais la société doit protéger les travailleurs qui nous fournissent de telles informations contre les représailles des entreprises qui ravagent notre environnement et la vie de nos enfants. Cela nous concerne tous. Si quiconque d’entre nous n’avertissait pas une personne aveugle qu’elle était sur le point de se faire écraser par un camion lancé à toute vitesse, il pourrait fort bien être inculpé de négligence criminelle, ou de meurtre involontaire. Imaginez faire partie d’un jury qui doit examiner l’acte d’un gouvernement, d’une industrie, ou d’un individu quiconque ayant caché des faits, qui pourraient sauver des vies, au sujet de produits chimiques mortels. Considérez, encore une fois, les dix mille morts, chaque année, empoisonnés par les pesticides. Savoir, c’est pouvoir. Le pouvoir de comprendre doit absolument être partagé, globalement, si nous allons survivre pour croître, et croître pour survivre.


Lu pderrvation de notre monde

Dans diz ans, presque la moitié d’entre nous vivront dans les centres urbains. L’accroissement est plus dramatique dans les pays en voie de développement, où la population urbaine a décuplé entre 1920et 1980- de 100millions à un milliard. Aujourd’hui, un sur trois d’entre nous vit dans une ville; un sur diz vit dans une ville d’une population d’un million ou plus. Ceci n’est pas tout à fait le résultat d’une simple augmentation de la population. Plus de la moitié de l’accroissement de la population urbaine résulte de l’émigration des gens des campagnes vers les villes, à la recherche de travail, de logement ou d’éducation pour leurs enfants. Les taux d’accroissementont ralenti - d’une moyenne de 5,2 pour cent d’augmentation annuelle dans les dernières cinquante années à environ 3’4 pour cent annuellement dans la décennie courante. Mais durant les quinze prochaines années, nous devrons augmenter nos moyens de production globaux, subvenir aux services urbains abri, eau, systèmesd’égout,écoles,transport urbain,routes et le reste, de soixante-cinq pour cent. Et nous ne parlons pas ici, en réalité, de œsimplement,, élargir les vrai dire, la infrastructures urbaines en existence. plupart des villes duTiers-Monde, aujourd’hui,ne peuvent fournir des services adéquats qu’à seulement une fraction de leurs populations existantes. Dans les pays en voie de développement, la plupart des logements occupésdes millions de pauvres sont délabrés. Et le mot udélabr& est un euphémisme.(Pour des dizaines de millions de familles, le “chez soi, est une bicoque de carton, un appentis en bois de rebut blotti contre une construction, un bout de tuyau d’égout vide pas encore employé par les entrepreneurs locaux, une tente en lambeaux, une cabane en fer-blanc ondulé,une chaumière de palmes sujette à l’effondrement dèslapremière mousson

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La préservation de notre monde - ou peut-être juste un fossé ou quelque espace pour dormir à même la terre ou le pavé.) Les édifices municipaux dans la plupart des pays du Tiers-Monde sont dans un état grave de délabrement. Les systèmes d’eau et d’égout existants, pourraient être décrits à la façon de Dickens; installés par les dirigeants coloniaux il y a une centaine d’armees, ils étaient destinés à des populations de peut-êtreunvingtième de celle d’aujourd?mi et ont, de toute façon, largement dépassé leur durée moyenne d’entretien. Les eaux contaminées et les eaux usées s’infiltrent danslesvieilles conduites d’eau rouillées et percées, où la pression d’eau est insuffisante. L’eau est souvent contaminée par le plomb. De lamêmefaçon,les transports publics sont surchargés, immodérément employés et pas assez entretenus. La caractéristique des transportsurbains duTiers-Monde est le spectacle de jeunes gens et d’hommes s’accrochant aux côtes des autobus ou des tramways, pendant des fenêtres des trains de navette- etmême s’assoyant nonchalamment sur les toits des wagons de trains de passagers. La même histoire avec les routes, les latrines communes et les puits d’eau du quartier. Les résultats sont directs et complètement prévisibles : - Les maladies respiratoires aiguës sont repandues, et généralement fatales. Dans beaucoup de régions il est «normal» de trouver un taux d’infestation grave de cent pour cent des enfants, en parasites intestinaux. Ajoutez ces maladies attribuées le plus directement au surpeuplement, à l’eau malsaine et aux pauvres installations sanitaires - le choléra et la dysenterie, la typhoïde, l’hépatite, la polio et la coqueluche -toutes sont habituellement endémiques. Dans les logements de cabanes - jusqu’à la moitié et plus de la plupart des villes du Tiers-Monde, - un enfant sur quatre mourra probablement dans les cinq premières années. - En Chine, les taux de cancer des poumons dans les plus grandes villes sont de quatre à sept fois plus élevés que la moyenne nationale - et cela dans un pays où la consommation du tabac par tête d’habitant est la plus élevée au monde (dans les milieux ruraux aussi bien que 120


La préserrvation de notre monde dans les milieux urbains). La raison : I’industrialisation a dramatiquement augmenté la pollution de l’air. (Rappelez-vous les recherches américaines discutées précédemment: les pluies acides sontpeut-êtreladeuxième cause de cancer des poumons.) - Soixante pour cent de la population de Calcutta souffre de pneumonie, de bronchite, ou d’une autre maladie respiratoire liée à la pollution de l’air. (Comme il y a environ dix millions de gens dans la région métropolitaine de Calcutta, on peut donc dénombrer six millions de victimes de la pollution de l’air - un nombre deux fois la population totale de 1’Albanie - plus que tous les citoyens du Danemark, BHaïti, de la Finlande ou de la République Dominicaine. Maintenant considérez les conséquences humaines de I’explosion des populations urbaines du Tiers-Monde.) - Dans toute lInde, seulement huit villes ont des installations complètes de traitement des eaux usées. Deux cent neuf autres communautés ont des systèmes partiels de traitement. Mais 2 902 communautés urbaines n’ont aucun système d’égouts. Sur le fleuve Gange seul, il y a 114 communautés, toutes de plus de 50 000 habitants, qui déversent eaux usées non traitées dans ce <<saint fleuve. titre d’exemple, notez que la ville de Montréal au Canada, déverse ses eaux usées non traitées, chaque jour, dans le fleuve Saint-Laurent.) Les problèmes des villes dans les pays en voie de développement sont exacerbés par une pénurie de ressources municipales. Le problème a plusieurs racines : a> Les structures bureaucratiques mises en place par les pouvoirs coloniaux européens n’étaient pas concues pour faire face à l’accroissement prodigieux des villes in Asie, en Afrique et en Amérique latine. Mais ces structures complètement inadaptées existent encore, pratiquement inchangées, dans un monde tres différent (trop souvent, «indifférent”). b) Beaucoup de pays en voie de développement ont copié les structures et les systèmes urbains de l’occident, présumant qu’ils sont les <<plus avancés,, et par conséquent

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La préservation de notre monde les plus efficaces. Ces modèles se sont avérés très mal adaptés aux situations du Tiers Monde. Comme le vin, il apparaît que les institutions et politiques occidentales “voyagent mal,,. c) Plus fondamentalement, les gouvernements municipaux dans les pays en voie de développement ont bien rarement le pouvoir financier ou politique des municipalités en Occident. Invariablement, la réalité du pouvoir (et ceciinclut le pouvoir vital de prélever des taxes) est la condition préalable d‘un gouvernement central, national. Dans la plupart des cas, les services de police sont assurés par une force nationale, comme le sont le transport urbain, le transport régional, les senricessociaux et l%ducation. (Quand Sri Lanka a institué les aconseils locaux,+à scrutin direct en 1980,les membres du conseil urbain se sont vite aperçus qu’ils ne pouvaient même pas acheter une simple ampoule électrique pour leurs bureaux, sans en faire la demande au Membre du Parlement national responsable pour leur région.) Il y a des exceptions. En Chine, les conseils urbains jouissent d‘un pouvoir considérable- pouvoir qui se reflète par un esprit presque combatifde compétitioninterurbaine qui a contribué grandement au développement régional mais , ironiquement, aussi à la pollution urbaine. La conclusion évidente : Les villes du Tiers-Monde ont besoin d’infiniment plus de pouvoir - pour prélever des taxes, pour organiser et planifier les infrastructures et les services sociaux,si elles veulent seulement faire face aux défis actuels - sans compter à ceux des trente prochaines années. Les pays industrialisés doivent aider - en fournissant des fonds et de l’expertise. Dans bien des cas, comme l’expérience le prouve, la meilleure aide et la plus pratique proviendra de petites activités communautairescoopérativeset desefforts des organisations de quartiers, autochtones et nongouvernementales. Ces dernières sont particulièrement efficaces dans la planification et l’organisation des services sociaux et sanitaires, dans le développement de projets sanitaires et alimentaires dans les bidonvilles, dans 122


La préserrvation de notre monde I’encouragement de l’immunisation, de l’allaitement maternel et de la ré-hydratation orale pour sauver les enfants souffrant de diarrhée. Mais au début, ils ont besoin d’un support externe et d’encouragement-un <coup de pouce’,. Historiquement, les villes dominent les économies de leurs nations. Elles attirent la technologie innovatrice et l’industrie qui plus tard vont toucher les centres plus petits. C’est cette position urbaine de direction économique qui attire les chômeurs des communautés plus petites et des régions rurales. Dans les pays riches, ceci a éventuellement mené à de larges accroissements des ressources urbaines, pour desservir à ces populations grandissantes. Il n’en est pas ainsi dans le monde en voie de développement. Comme nous I’avons noté, la croissance urbaine diminue quelque peu - et la décentralisation du développement industriel ainsi que I’accroissement de petites entreprises peuvent aider à soulager les pressions sur nos villes. Mais elles sont déjà en difficulté, et les problèmes vont empirer. On ne pourra pas les aider tant que les gouvernements centraux des pays en voie de développement n’agiront pas pour renforcer sérieusement le pouvoir des administrations locales. Les pays industrialisés et les agences internationales doivent encourager ce changement essentiel. Paradoxe : une des plus grandes force économiques des villes des pays en voie de développement est en état de siège : Entre un tiers et la moitié des populations en âge de travailler de la plupart des villes du Tiers-Monde sont, officiellement, «sans emploi”. Cependant une foule de ces gens travaillent dans le «secteur officieux» - une sorte de «marché gris” - qui fournit une très grande partie des marchandises et des services nécessaires à leurs villes. De la vente des fruits, la réparation de bicyclettes et des parapluies à la construction de maisons et à la fabrication devêtements, cettemain d’oeuvreclandestine se maintient de même qu’elle apporte une contribution vitale à la vie de la ville. Le manque de permis et de toute «existence 123


La préservation de notre monde formelle,’ rend ces petits entrepreneurs constamment vulnérables aux fonctionnaires voraces et corrompus, en l’absence de reconnaissance officielle et de structures de prix stables, sensibles aux loteries des oscillations économiques. Les gouvernements du Tiers-Monde rendraient bien service à leurs villes en soutenant ce secteur économique officieux. En ce moment, la plupart des gouvernements regardent et traitent de tels efforts, que ce soit dans I’entraide communautaire ou I’entreprise privée, avec des attitudes allant de I’antagonisme actif, au pire, à la négligence indulgente, au mieux. Jusqu’à ce que changent les attitudes des institutions envers cette foule de domestiques, de gardes chargés de la sécurité, d’employés d’usines non-enregistrés, de colporteurs et le reste, ces gens persévéreront dans leurs entreprises; ils vont aussi continuer à travailler de douze à seize heures par jour, sept jours par semaine. Leur problème n’est pas lemanque de travail - c’est l’exploitation du travail. Aussi longtemps qu’ils demeureront en dehors des règlements du travail, rien ne s’améliorera pour eux - ni pour leurs villes, où ils pourraient et devraient être des consommateurs bâtisseurs d’économie et des contribuables bâtisseurs de la nation. Un changement draconien - plus précisément, révolutionnaire - est nécessaire pour le logement des pauvres urbains du Tiers-Monde. Pour commencer : a) Les millions de gens qui vivent dans des colonies urbaines illégales doivent devenir titulaires garantis, recevoir des titres de propriété sans inquiétude et les services municipaux de base, y compris de l’eau saine et des latrines. b) Il faut trouver et rendre disponibles les terrains et les autres ressources dont Ies gens ont besoin pour construire des maisons - ou pour rendre leurs presents taudis habitables. c) 11faut amenager des espaces équipés pour accueillir les flux à venir de familles qui, si elles sont livrées à ellesmêmes pour s’installer, comme celles qui les ont précédé, précipiteront un peu plus leur famille, mais aussi le pays 124


La préserrvation de notre monde tout entier, dans un peu plus de misère. d) Il faut dans chaque cite duTiers-Monde del,assistance dans les quartiers pour conseiller les gens sur la santé, les soins sanitaires, le logement, les droitslégaux; et expliquer comment traiter avec dignité avec les structures politiques et bureaucratiques et des communautés. e) Il faudrait faire un effort intensifpour encourager les industries et les ateliers artisanaux dans les bidonvilles et les régions marginales de logement. La disponibilité de nouveaux revenus encouragera les gens à améliorer leurs demeures et leurs environnements. L’entreprise «locale” microcosmique est souvent la plus efficace; la maind>oeuvreest disponible - le marché est à la porte - les coûts de transportetdedistribution sontnuls-etle commerçant intermédiaire omniprésent, accapareur des profits duTiersMonde, est éliminé. f) Les gouvernements des pays en voie de développement doivent exercer un contrôle plus ferme sur les spéculateurs fonciers, qui souvent <(gèlent»les propriétés nécessaires au logement, dans l’espoir de gains futurs. g) 4,agriculture urbaine,’ devrait être encouragée et assistée, soit par le moyen dejardinage commercial collectif pour servir les populations des villes, ou par des jardins familiaux de légumes. Chaqueville duTiers-Monde possède des lots considérables de terrains inutilisés qui pourraient servir dans ce but; ceci surtout dans la «ceinture verte,, autour des villes qui pourrait accueillir de nouvelles propriétés, des plantations forestières combustibles, des récoltes vivrières pour les familles aussi bien que pour le marché. h) L’enlèvement des déchets solides à une grande échelle est un problème pratiquement insoluble dans les villes duTiers-Monde; ceci, ironiquement, dans des societés où l’on recycle pratiquement tout au niveau de individuel : les légumes et le thé sont enveloppés dans des sacs de papier faits des transcriptions de cour de la veille, du courrier, ou des papiers d>examens scolaires; les briquets à jeter sont remplis par seringue hypodermique; les ustensiles de plastique permettent de réparer le lendemain parapluies ou sandales. Il y a ici une leçon, en provenance 125


La préservation de notre monde de leurs citoyens les plus désavantagés, POUF les gouvernements des pays en voie de développement : La plupart des municipalités du Tiers-Monde ne disposent pas des ressources pour ramasser et recycler tous les déchets des villes. Mais ces gouvernements devraient observer les communautés de squatters, pilleurs de poubelles, qui vivent au périmètre de tout dépotoir principal du Tiers-Monde - et qui gagnent leur pain en classantlesdéchets àlamain àlarecherched’objetsutiles. Les coopératives communautaires pourraient multiplier cette chaîne de recyclage et, en même temps, réduire grandement la pollution de déchets des paysages urbains. Ceci n’est pas juste une fable applicable exclusivement à la pauvreté accablante de Bombay ou de Mexico. Dans la banlieue riche de Toronto, nombre de gens s’assemblent chaque fin de semaine à des *ventes» tenues au dépotoir municipal. Là, des familles entières récupèrent joyeusement, paient, et emportent des meubles et autres articles depareillés qu’ils amènent chez euxpourlesrecycler et les réparer. La vertu est récompensée, la municipalité fait un profit, et le volume de déchets à enfouir est sensiblement réduit. Entre temps, le besoin de conseils et d’assistance en matière de santé est plus grave qu’il n’est possible de le dire pour des familles qui, littéralement, vivent dans les déchets et les sous-produits nocifs. Dans le monde industriel, il fallait une sociologue urbaine, Jane Jacobs, pour nous rappeler que les villes sont simplement des rassemblements de villages - une somme de quartiers, les villes peuvent survivre et servirleursrésidentsuniquement dans le mesure où elles respectent la fierté, la dignité et encouragent l’identité communautaire. Certainement, nous pouvons, chaque matin, laisser les villages urbains où nous vivons et <<fairele trajet r&ulier» vers un autre village, au centre-ville, pour gagner notre pain. Les besoins tribaux, ataviques, du genre histoires-en-soiréeautour-du-feu, existent encore aussi bien à Manhattan ou Rio, ou Tokyo, qu’au Lagos ou à Calcutta. Il ne devrait pas être étonnant que, dans le monde industriel, les nos taux de suicide soient les plus hauts dans les boîtes stériles, 126


La préserrvation de notre monde anonymes, des tours d’habitation urbaine. Les plus excitants de tous les projets d’initiative communautaire dans les pays en voie de développement ont surgi de l’intérieur de petits groupements, et ont été alimentésparun senspartagédebesoin,unaccordcollectif sur les objectifs. C’est dans nos propres «communautésu, que ce soit celles de la famille, de la tribu, ou du quartier, que chacun de nous développe ses notions d’identité et de but et de fierté. Tout cela avec l’encouragement de nos voisins mène à l’espoir. Comme Burke l’a aussi remarqué, «Où il n’y a pas d’espoir, il ne peut y avoir d’efforts.~ Curieusement, il y a plus de sens de communauté, d’unité et d’expérience partagée dans les bidonvilles des cités du Tiers-Monde que dans leurs quartiers d’ambassades. Nous ferions mieux d’arrêter d’ignorer ou de déraciner ces embryons fragiles de croissance future. Plutôt, nous devrions nourrir et cultiver les ressources de notre village global et y attacher une grande valeur : Initiative, ingénuité, improvisation, ambition, détermination, et finalement, espoir d’amélioration qui peut, à lui seul, soutenir l’effort. Les pauvres des centres urbains du monde démontrent ces qualités, à chaque moment. Ils méritent quelque encouragement et même un peu d’aide. Il serait bon que cela vienne de ceux d’entre nous, leurs voisins, dont le sort est si étroitement lié au leur. Est-ce que ça sera difficile? Certainement, mais pas si I’on se rappelle le statu quo. Est-ce qu’il faudra changer? Absolument. Edmund Burke, à nouveau : 4Jne nation qui ne se donne pas les moyens de changer se condamne-N

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La prĂŠservation de notre monde

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Notre héritage commun - notre économie mondiale interdépendante, aussi bien que nos ressources mutuelles - l’espace, les mers, et les régions polaires, ont rendu la notion de souveraineté nationale aussi défendable que la Ligne Maginot ou la «maison de paille» bâtie par les trois petits cochons. Lamaladie de n’importe lequel de ces organes communs, ces forces vitales de notre planète, n’épargnera aucune nation qui se replierait dans une stratégie de forteresse et avec une mentalité d’assiégé. Aucun état national ne peut, non plus, à lui seul, protéger notre atmosphère, nos océans, et nos régions polaires. Il faut les contrôler, les évaluer, les développer et les administrer ensemble, ou bien périr, individuellement, et en tant que communauté de nations, du fait de leur dégradation. Même le climat est, littéralement et directement, <né de la mer» - des milliards de phytoplanctons produisant de l’oxygène frais, aux marées et à l’echange de chaleur de l’atmosphère dans les cycles nocturnes et diurnes. Cependant nous continuons à dégrader les mers, qui protègent notre stabilité climatique et, par conséquent, nos moissons et nos vies; et nous continuons à attaquer l’atmosphère, qui constitue notre seule protection, et celle des océans, contre les assauts ultra-violets du soleil. Pendant des siècles nous avons considéré que nos océans étaient sans limite, capables de supporter n’importe quel abus, n’importe quel volume de pollution que nous leur infligions. Maintenant nous savons qu’ils ne le peuvent pas. Nous nous sommes reposés sur les oceans pour nettoyer nos rivières et nos côtes; erreur! Nous pensions que les moissons de poissons des océans constituaient des


La préservation ci?enotre monde sources de nourriture infinies : c’est faux! Nous nous sentions faibles en face des vastes océans recouvrant quarante-cinq pour cent de la planète - comme si nous étions incapables d’affecter ou même de déranger leur magnifique architecture. Mais nous sommes au contraire puissants. Notre technologie, et ses déchets, peuvent rendre nos mers et leur revêtement, l’atmosphère, malades et les tuer. Déjà, les deux sont affaiblis; bientôt ils pourraient être trop malades pour être guéris. Pendant des siècles, nous avons employé nos rivières pour charrier d’abord les déchets humains, puis les déchets industriels, vers les océans. Cela supposait que nos rivières pouvaient se nettoyer toutes seules. Mais les océans n’ont aucun endroit pour décharger leurs déchets. Ils sont devenus une série, aussi vastes soient-ils, de lagunes et de réservoirs de déchets connectés entre eux, fermés. On a retrouvé des déchets en plastique provenantdedépotoirsrejetéssurlescôtesdel’Antarctique. Les vingt-cinq pour cent de la surface de la planète couverts par l’eau fraîche contribuent, à chaque instant, à la pollution croissante de nos océans. Des sédiments de nos grands fleuves’comme l’Amazone peuvent se retrouver à2 OOOkilomètresdes eaux côtières. On a trouvé dans tous nos océans des dépôts de métal lourd, de petrole, et de composés organochlorés, en grande partie provenant des estuaires de rivières. Entre les années cinquante et soixante-dix, nos mers ontété bombardées par les retombées des essais nucléaires. Cette forme de pollution, avec les conséquences que personne ne peut entrevoir, a été accrue, dannée en année, par les rejets continus, dans nos océans, de dechets faiblement radioactifs. Nos mers subissent aussi l’assaut de l’air pollué, et, plus directement, des systèmes de transport océanique. On estime présentement que le volume total de pétrole déversé annuellement par les seuls pétroliers, se chiffre à 1,5 million de tonnes. En dépit des traités internationaux et des règlements maritimes nationaux, la plupart des contrevenants échappent soit aux contrôles soit aux 130


La préserrvation de notre monde pénalités. C’est une chose que nous pourrions régler. Avec la surveillance par satellite et les communications modernes, on peut repérer la pollution a sa source, et demander des comptes aux responsables. Au moins, ces pollueurs devraient être publiquement identifiés. Des campagnes de presse devraient épingler ceux qui polluent en toute impunité. On peut employer les satellites pour dresser un inventaire réaliste de nos ressources marines, et pour detecterles changements dansl’environnement maritime. Comme pour les sondages politiques d’opinion, l’emphase, dans le cas de l’observation de notre environnement aquatique, devrait porter sur l’observation et l’étude de UtendancesB.Il faut identifier les problèmes individuels et les difficultés potentielles, les étudier et y remédier. Mais c’est seulement par la compréhension complète des changements en cours que nous pouvons nous organiser et coopérer sur les mesures de prévention et de redressement à long terme. La pêche excessive est une menace écologique aussi sérieuse que la pollution. Quatre-vingt-quinze pour cent de la récolte mondiale de poissons provient des plateformes continentales de nos côtes principales. Les stocks sontmaintenantmenacesparlasur-récoltedenospoissons. Voyez Yhistoire et I’expérience récentes : Plusieurs de nos grandes pêcheries mondiales se sont écroulées sous le poids de la sur-pêche. Celles-ci comprennent : - Les pêcheries d’anchois basées au Pérou, - L’industrie du hareng dans l’Atlantique du Nord, et - L’industrie de la sardine en Californie. Ailleurs, dans les stocks abondants de la côte de l’ouest de l’Afrique, dans le Golfe de Thaïlande et dans les Grands Bancs de Terre-Neuve, la pêche abondante a causé des changements dramatiques dans les proportions des differentes espèces de poissons. Personne ne sait quelles seront les conséquences. La Convention sur le droit de la mer a un peu aidé. Avec les limites nationales de deux cents milles nautiques des côtes, trente-cinq pour cent de notre panorama marin est 131


La préservation de notre monde tombé sous le contrôle individuel des nations. Mais beaucoup ne possèdent même pas les ressources pour contrôler l’activité dans leurs eaux territoriales. (Même plusieursrichesnations industrielles telles que le Canada n’ont pas les moyens de patrouiller dansla totalité de leurs eaux territoriales.) La mise en vigueur des règlements nationaux, sans la surveillance étroite de toute l’activité dans les «eaux nationales», est, pour reprendre Shelley, autant fiable que la «neige d’été». La plupart des pays envoie de développement manquent aussi de capitaux et d’expertise pour faire usage de leurs zones d’intérêts pour leur propre avantage. Cette situation ne changera pas tant que les banques internationales de développement et les autres agences de développement établissent des programmes pour aider aux pays en voie de développement à créer les institutions, l’expertise et les équipements qui leur manquent pour protéger leurs pêcheries. Les nations les plus riches bénéficient de la Convention sur le droit de la mer : au nord ouest de l’Atlantique, par exemple, la récolte permise pour les bateaux à longue portée européens est tombée de plus de deux millions de tonnes en 1974 à environ un quart de milljon de tonnes en 1983. Pendant la même période, les Etats-Unis et le Canada ont porté leur quota de moins de moins de 50 pour cent de la pêche totale à plus de 90 pour cent. Danslemêmetemps,cependant,lesflotteshalieutiques de classe industrielle et à longue portée du Japon et de l’Europe continuent de récolter quelque cinq millions de tonnes de poissons le long des côtes des pays en voie de développement qui ont plus de diffkultés à récolter leurs propres ressources, à imposer leur protection. Les <<corsaires»de ce siècle sont les immenses chalutiers de pêche. Au large de l’Afrique de l’Ouest, par exemple, plus de la moitié de la prise annuelle est encore effectuée par ces convois de chalutiers modernes sophistiqués et à longue portée. Les pays du Tiers-Monde sont donc en train de perdre leur trésor national tant par manque de ressources 132


La préserrvation de notre monde maritimes’ et d’équipement que de savoir-faire pour la transformation etla commercialisation. Egalement à cause de leur incapacité absolue à contrôler les activités des flottes de pêche maraudeuses étrangères. Les petites nations insulaires du Tiers-Monde sont les plus grandes victimes potentielles de cette forme moderne d’exploitation. Un scénario futur d’instabilité politique est loin d’être improbable àl’intérieur de tellesnationspauvres privées du revenu et de la nourriture dont elles ont besoin simplement pour survivre. Lesétatshalieutiquesindustriels, en effet, ont commencé à coloniser les mers en plus des ressources terrestres. Même le moratoire sur la pêche à la baleine paraît insuffisant et de toute façon adopté trop tardivement. Insuffisant : - Les groupes de défense pensent, très logiquement, que le traité, parce qu’il permet la prise de baleines «pour des buts scientifiques», fournit une échappatoire aux nations qui chassent la baleine. Si la Commission baleinière internationale ne réussit pas à contrôler plus rigoureusement les permissions pour la chasse à la baleine «au nom de la science>>,elle perdra bientôt toute crédibilité. Trop tardivement : - Même une cessation de pêche à la baleine ne permettraient pas une augmentation substantielle de la population des espèces de baleine en voie d’extinction pendant au moins soixante-quinze ans. On fait des efforts pour réduire la pollution maritime. La Convention de Londres sur l’immersion des déchets de 1975 interdit le déversement de substances <(extrêmement dangereuses>>, y compris les déchets fortement radioactifs. De plus, - <(dessubstances un peu moins nocives» ne peuvent être déchargées “qu’avec un permis spécial obtenu au préalable,» et - Toutes les autres substances peuvent être déchargées seulement avec la permission des autorités nationales compétentes. Malgré tout, jusqu’à en 1983, la Belgique, la Suisse, les Pays-Bas et le Royaume-Uni ont continué de décharger 4es déchets radioactifs de faible intensité» dans les eaux 133


La préservation de notre monde internationales au large de la côte de l’Espagne. Depuis 1983 il y a eu un moratoire de facto, mais non officiel sur ce genre de décharge - et une entente générale - officieuse,que les décharges ne devraient pas se faire avant d’établir l’évidence qu’elles sont sans danger pour l’environnement. Bien qu’il ne soit pas obligatoire, le moratoire de la Convention de Londres, était élargi en 1985 aux décharges radioactives. La preuve devait être désormais apportée par les pays quiveulent vider leurs chaudrons de sorcières dans les eaux internationales. Parler de pollution dans *les eaux internationales» est, évidemment, ridicule. Cela a autant de bon sens que la blague à propos du pêcheur qui mit une marque sur le côte de son bateau pour pouvoir retrouver un endroit particulièrement bon pour la pêche le lendemain matin. L’eau, pas plus que le poisson, ne respecte les frontières nationales. Ce que nous mettons dans <notre» eau ou «notre» air- ou dans l’eau et l’air <neutres, internationaux», peut très bien se retrouver demain sur nos tables à dîner ou dans notre eau potable - ou dans celle de nos voisins du village global. Personne n’a encore déterminé d’une façon claire un niveau c<sécuritaire>s de contamination radioactive, pas plus que nous avons trouvé un niveau usécuritairem de consommation de cigarettes. Il faudrait arrêter toutes les déversements de déchets radioactifs dans l’océan, jusqu’à ce que nous ayons des méthodes qui soient, sans contestation possible, complètement sans danger pour nos enfants. Les déchets nucléaires rejoignent nos océans également par le ruissellement en provenance des terres. De hauts niveaux de radioactivité ont été trouvés, par exemple, dans les poissons de la Mer du Nord. Cette pollution d’origine terrestre provient du Royaume-Uni et de l’Europe de l’Ouest. La Convention de Paris (la Convention pour la prévention delapollution marine par des sources terrestres) fut signée, en 1978, par la Communauté économique européenne et par huit autres nations. Mais la Convention de Paris ne dit rien à propos des installations nucléaires. De plus, la référence par la Convention de «la meilleure 134


La préserrvation de notre monde technologie disponible» pour déterminer quelle quantité de déversements radioactifs peuvent être permis peut être mortellement naïve. (On ne devrait pas se féliciter d’une telle convention.) La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer a réuni 159 signataires nationaux. Elle rend chaque nation clairement responsable de contrôler ses propres eaux; et elle déclare que quarante-cinq pour cent de la planète - la partie couverte par les océans - constitue «l’héritage commun de l’humanité». Mais comme nous l’avons observé, la plupart des nations sont complètement incapables de contrôler leurs propres eaux. Quant à notre ahéritage commun», il faut bien reconnaître que personne, pour I’instant, <<neveille au grain.» De plus, plusieurs puissances n’ont pas encore ratifié la Convention. Siellenelaratifiepas,laconventiondeviendra lettremorte. On devraitdénoncerpubliquementlesnations qui traînent les pieds sur ce sujet vital pour alerter l’opinion mondiale et faire une campagne pour encourager chaque nation concernée à ratifier la Convention. Il nous faut au moins prendre cette initiative si nous voulons sauver nos mers. L’espace, comme les mers, est une ressource partagée commune et vitale. C’est une partie integrante de la «place du marché» ou de la ucommune» autour desquelles notre village global est groupé. Nous avons, aujourd’hui, la technologie et l’information pour protéger l’atmosphère, cette «peau» de notre corps commun politique. Il nous manque encore les ressources institutionnelles et les accords pour employer nos connaissances. Nos connaissances, comme nos efforts, faibles jusqu’ici, pour nous protéger nous-mêmes et nos enfants, sont dispersés, fragmentaires et manquent de coordination. Le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) a fait de modestes efforts pour rassembler les données spatiales disponibles. Il manque des ressources pour aller plus loin. La plupart de l’information obtenue par satellites est retenue, égoïstement (et en termes de survie globale, stupidement) par les gouvernements nationaux qui recueillent ces données. Les gouvernements 135


La préservation de notre monde doivent agir pour partager et mettre en commun leurs banques d’information. Nous ne nous sommes même pas, jusqu’à présent, mis d’accord pour partager équitablement le nombre limité d’orbites géosynchrones disponibles pour les satellites au dessus de l’équateur. C’est seulement dans une bande étroite au dessus de l’Equateur, à 36 000 kilomètres d’altitude, qu’on peut <<garer»des satellites «stationnaires>>. Comme chacun communique par radio, on doit les séparer sur une grande étendue afin d’éviterlesinterférences. (Cette considération limite le nombre maximum des satellites qui fonctionnent simultanément à 180.) Ce qui s’est produit, comme on pouvait s’y attendre, c’est qu’on a réparti les acircuits» disponibles entre les nations qui ont les ressources nécessaires pour lancer et maintenir des satellites. Alors les pays du Tiers-Monde directement sous la bande des satellites se sont vues refuser le droit même de se «réserver» des sites pour eux-mêmes. Leurs efforts pour revendiquer la souveraineté dans l’espace directement au dessus de leur territoire national ont été traites, au mieux, avec condescendance. Entre temps, les pays industrialisés continuent d’encombrer cette route étroite, cruciale, de communications autour de la région de ceinture de la terre, avec un ensemble impressionnant et dangereux de <<déchetsde l’espace». Ces déchets vont des réservoirs d’essence vides, abandonnés, aux coques de fusées, satellites «morts», et aux résidus produits par les explosions dans l’espace. La plupart de ces débris auraient pu être évités avec une meilleure conception et un plus grand soin dans la destruction des satellites. Aujourd’hui, les Russes aussi bien que les Américains dépensent des dizaines de millions de précieux dollars annuellement simplement pour suivre la trajectoire des déchets dans l’espace. Chaque essai militaire dans l’espace, par définition, ajoute à cette accumulation de déchets. Dès 1981, l’Institut Américain d’Àéronautique a été prévenu que les débris dans l’espace constitueraient «une menace inacceptable à la vie dans l’espace» en dedans d’une décennie. 136


La préserrvation de notre monde (Par 4a vie dans l’espace» nous entendons : les stations spatiales et les laboratoires dont nous avons besoin et que nous désirons tous - entre autre pour des expériences sur les plantes et la génétique dans des conditions de gravité nulle - des expériences qui nous promettent à tous des avancées cruciales dans la médecine, dans la génétique des plantes et dans les ressources, ainsi que dans les transformations industrielles qui économisent l’énergie.) Les vaisseaux spatiaux à propulsion nucléaire posent un problème particulièrement grave. Leur contrôle est complexe et difficile. Les interdire par convention internationale est la solution la plus simple et la plus directe. (La chaleur produite par les réacteurs à puissance nucléaire rendrait relativement simple le contrôle d’un moratoire.) Un effet secondaire dont nous profiterions tous serait qu’une telle interdiction empêcherait le développement de la technologie spatiale militaire, tant au niveau économique qu’en termes de sécurité. Il faudrait vraisemblablement prévoir des exceptions appropriées à une telle interdiction pour permettre des sondes scientifiques dans la profondeur de l’espace. La réglementation des débris spatiaux et des vaisseaux à puissance nucléaire dans l’espace s’est faite attendre depuis longtemps. Plus fragile encore quel’Espace, le Continent Antarctique est, nous l’oublions souvent, plus grand que les surfaces combinées du Mexique et des Etats-Unis. Ses terres et ses mers adjacentes sont déterminantes pour le climat mondial et fournissent une source de nourriture pour une grande partie de la vie marine du globe. (Le petit x<krill»de l’Antarctique, semblables à des crevettes, ont, croit-on, un rôle essentiel dans la chaîne alimentaire maritime du monde, qui remonte jusqu’aux baleines.) Le Traité sur l’Antarctique, signé le 1”’ décembre 1959, a pour but de défendre toute activité militaire sur notre continent sud polaire, et de promouvoir la liberté de la recherche scientifique. De plus, il défendl’abandon de tout matériel ou déchets radioactifs sur le cap sous-polaire. Actuellement, seulement dix-huit des nations du monde 137


La préservation de notre monde ont le droit de vote selon les termes du traité. Encore une fois, c’est l’argent qui détermine l’accès au Traité. L’Antarctique est clairement une ressource mondiale qui requiert une protection mondiale. Cependant, seules les nations qui peuvent réaliser des investissements substantiels dans la recherche scientifique et des financer bases sur le sous-continent ont obtenu le droit d’adhérer à ce club exclusif. Le raisonnement, tel un écho du colonialisme des dix-septième et dix-huitième siècles, est stupide. On pourrait également dire que les citoyens qui vivent dans des pays qui ne peuvent pas se payer des grosses centrales électriques n’ont pas le droit de se plaindre si leur air est empoisonné par les pluies acides. Il n’est pas surprenant que beaucoup de pays en ,voie de développement rejettent la philosophie qu’une partie quelconque de notre héritage global commun devrait être contrôlée par des groupes exclusifs de nations ou de corporations pour leur propre bénéfice. Cependant, le monde entier pourrait tirer les enseignements une leçon de l’expérience de l’Antarctique au cours des trente dernières années. Dans cette partieisolée de notre village global, au moins (et par accord mutuel) il n’y a pas eu d’exercices militaires, pas de réacteurs nucléaires, pas de dépotoirs de déchets radioactifs. Voici un bon exemple pour nous tous! On s’est inquiété d’une «ruée vers l’or» pour l’exploitation des ressources minérales et pétrolières dans la région du Pôle sud, avec des résultats désastreux pour cet environnement terriblement fragile. Dans un monde rationnel, de telles craintes sont sans fondement. Les seuls minéraux trouvés en quantité assez importante pour justifier l’exploitation de gisements - fer dans les Montagnes du Prince Charles, et charbon dans les Montagnes Transantarctiques - coûteraient des trésors à extraire et à transporter aux fonderies et aux marchés. Nous avons, en plus de cela, davantage des deux minerais (dans des endroits plus accessibles) que nous en avons besoin durant le prochain siècle, ou celui qui suivra. Cependant, l’enthousiasme des extracteurs de minerais a fréquemment dépassé les bornes de la rationalité. Les 138


La préserrvation de notre monde nations du monde devraient prendre des mesures pour prévenir et écarter toute exploitation minérale de l’Antarctique jusqu’à ce nous ayons toutes les données nécessaires pour préserver cette région vulnérable et essentielle de notre village global. De telles recherches prendront presque certainement au moins une génération, même si elles sont entreprises intensivement. Comme avec l’Antarctique, il en est de même avec les mers et l’atmosphère. Ici encore, écoutons Shakespeare : 4’air est fragile>>dit Banco dans Macbeth. Nous aussi. Raison de plus de redoubler d’efforts pour sauvernos «communes globales» et, avec elles, nos enfants.


La prĂŠsq+vation de notre monde


La préserrvation d-2notre monde

L’activité militaire et politique a autant d’impact sur l’environnement ou la capacité de survie que l’industrie touteentière,I’agriculture,etquetouteslesautresactivités humaines. Au niveau le plus élémentaire, la menace d’une guerre nucléaire est simplement la plus grande menace environnementale à laquelle nous faisons face. Parler de «menace» est l’affirmation la plus faible de toute l’histoire humaine. Même les concepts d’environnement et de développement seraient éliminés par les conséquences probablement irréversibles d’un confit nucléaire. Ignorer cette menace à l’espoir et aux efforts humains serait aussi sot que suicidaire. Alors, tout en reconnaissant que la guerre nucléaire dévasterait notre monde, il faut prendre en compte d’autres facteurs dans l’équation du développement et de l’environnement : 1. SouventJes contraintes environnementales ontmené à l’action militaire, plutôt que le contraire. Les Etatsnations, à travers l’histoire, ont eu tendance à faire tout ce qu’ils pensaient nécessaire pour saisir ou garder les ressources qu’ils désiraient. Le désir de posséder de l’or, de l’huile, du sucre, des épices, du grain, même de l’opium, a toujours déclenché des conflits, d’Alexandre et Tamerlan à Mussolini et Hitler. Même une lecture rapide de votre journal quotidien montre que les mêmes forces sont à l’oeuvre de nos jours, àl’intérieur, comme entre les nations, en Asie, en Afrique et en Amérique latine. 2. Personne ne peut considérer l’absence de conflit comme une définition convenable de la «paix». Note : Cela ne veut pas dire que nous soyons habitués à «l’absence-de-conflit.» Depuis la fin de la Deuxième 141


La préservation de notre monde Guerre mondiale, il n’y a eu que quarante jours pendant lesquels il n’y a pas eu de guerre faisant rage dans quelque quartier de notre village global. Plus fondamentalement, lanotion de qaix» sous-entend que nous serons tous capables de concentrer nos énergies sur un développement fructueux. Heureusement, il n’y a pas eu de guerres mondiales-pas de confrontation militaire directe - entre les grandes puissances depuis 1946. (Quoique nous ayons expérimenté, àun coût incalculable, une abondance de «guerres de substitution» - en Corée, au Vietnam, en Angola, en Afghanistan, dans le MoyenOrient, et en Amérique latine.) Alors avons-nous récolté les avantages de la apaix» dans le sens global du mot? Décidez vous-mêmes, en feuilletant le journal de «temps de paix» ci-dessous : - Les pays industrialisés dépensent, aujourd’hui, dixhuit fois plus, annuellement, en dépenses militaires qu’en aide extérieure. - Réfléchissez sur les coûts exagérés dumatérielmilitaire moderne : Si les prix d’automobiles étaient montes aussi rapidement que ceux des chars d’assaut, des avions et des missiles, depuis 1950, une voiture familiale coûterait aujourd’hui 300 000 $ US. - Rendu en 1984, le monde dépensait six fois plus dans le domaine militaire, annuellement, que les revenus totaux combinés gagnés par les 3,6 milliards de gens vivant dans tout le Tiers-Monde. - En 1983, la dernière année pour laquelle nous avons des chiffres complets, on relevait les contradictions suivantes : a> Le monde entier dépensait une moyenne de 25 600 $ pour entretenir chaque soldat et 450 $ pour éduquer chaque enfant. C’est à dire que les soldats coûtaient chacun 56,8 fois plus que les écoliers. Telles étaient nos priorités? b) Chaque citoyen du monde consacrait en moyenne 45 $ à la recherche militaire et 11 $ à la recherche sanitaire. Nous attachions, de toute évidence, quatre fois plus d’importance aux machines à tuer qu’à l’étude de la vie. Telles étaient nos priorités? 142


Lu préserrvation de notre monde c) Chaque citoyen du monde dépensait en moyenne 152 $ pour les forces militaires, et six sous pour le maintien de la paix. Depuis la Deuxième Guerre mondiale, environ vingt millions de gens sont morts dans les guerres - au moins deux-tiers d’entre eux étaient des civils, et cependant, nous dépensons toujours six sous chacun, par année, pour le maintien de la paix. Telles sont nos priorités? Tout le monde ne souffre pas de ces aguerres d’escarmouche», remarquez-le bien. Presque toutes d’entre elles, depuis 1945, ont eu lieu dans les pays en voie de développement, qui en conséquence en ont supporté la plupart des pertes et des frais. Mais la masse des armements a été fabriquée dans l’Ouest, pour le plus grand profit des fabricants d’armes et des fournisseurs c’est à dire la plupart des gouvernements occidentaux. - De 1964 à 1983, huit nations industrielles ont bénéficié de quatre-vingt-cinq pour cent de tout le marché des armes international,es. Elles sont, par ordre décroissant, l’exURSS, les Etats-Unis, la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne de l’Ouest, la Tchécoslovaquie, l’Italie et la Chine. En tout, 308 milliards de dollars furent dépensés pour acheter des armes durant cette période - et les deuxtiers de touts ces achats provinrent des deux superpuissances. Durant cette même période, les trois-quarts de toutes les exportations d’armes furent destinées aux pays en voie de développement -et ces exportations d’armes comptèrent pour la moitié de toute ul’aide de développement économiqueu fournie au Tiers-Monde par les pays industrialisés. (Les États-Unis à eux seuls ont «donn& plus de 50 milliards de dollars d’armes et d’entraînement militaire auTiers-Monde depuis 1946.) Telles étaient nos priorités? Chaque dollar dépensé pour le développement militaire dans le Tiers-Monde est un dollar volé aux services de santé, d’éducation, d’approvisionnement d’eau potable et au développement. Pour les évêques de France, en 1983 : *Chaque citoyen paie le prix des .... armements - d’abord en impôts - puis en tant que victime potentielle., En 1984, le Secrétaire-Général de I’ONU , Javier Perez 143


La préservation

de notre monde

de Cuellar, fût plus direct : «Le commerce des armes appauvrit l’acheteur et dévalue le fournisseur. Il y a là une ressemblance frappante avec le marché de la drogue.* Sans parler d’éthique (si cela est possible), il est clair quelesdépensesmilitairesentraventlavoiedeséconomies nationales et internationales vers le développement. Ce théorème est aussi direct et irréfutable dans le monde industriel que dans les pays en voie de développement : Entre les années 1960 et 1983 par exemple, il y avait un rapport direct et inverse, entre les dépenses d’armements et la productivité manufacturière des pays industrialisés. Quelques exemples : Pays Japon Canada

É.U.

URSS

Augmentation en Dépenses $Armements 1 p. 100 3 p. 100 7 p. 100 11 p. 100

Augmentation en Croissance Industrielle 9 p. 100 3,5 p. 100 2,5 p. 100 3 p. 100

Alors que les pays industrialisés augmentaient leurs dépenses militaires de quatre-vingt pour cent, entre 1960 et 1983 (en tenant compte de l’inflation), leurs déboursés en aide extérieure ont en fait baissé en termes réels, passant de 8,50 $par habitant duTiers-Monde à 8,40 $. La plus grande partie de l’aide, en plus, alla aux pays en voie de développement à <<revenus intermédiaires» - ceux présentant un intérêt en terme d’alliances militaires avec les super-puissances. Voici un exemple final des distorsions dans la planification du développement provoquées par les dépenses d’armements : En 1982, les dépenses militaires moyennes, par soldat, étaient de 9 810 $ dans les pays en voie de développement. Les dépenses annuelles moyennes dans ces mêmes pays, étaient de 91$ par écolier. L’investissement dans chaque soldat était, en d’autres mots, 107,8 fois plus important que le montant dépensé pour éduquer chaque enfant. Telles étaient nos priorités? 144


La préserrvation de notre monde Ce n’est pas non plus par hasard que quelques-unes des nations les plus pauvres du monde, du point de vue de l’environnement, ont aussi été victimes de crises militaire etiou politique graves. Par exemple l’Ethiopie, où la sécheresse et la famine des années soixante-dix ont été causées autant par un mauvais usage de la terre que par les changements de temps; Haïti, où un sixième de toute la population a fui une île rongée par une des plus graves érosions du monde; El Salvador - aux prises également avec le pire et le plus important phénomène d’érosion des sols. Dans beaucoup d’endroits, les origines .des conflits politiques résident dans la destruction de la base Des populations appauvries, environnementale. désespérément avides de terres arables et de nourriture, ne sauraient construire des nations stables. (En 1984/85, la planète comptait quinze millions de réfugiés - une majorité d’entre eux étant «réfugiés environnementaux~, chassés de leur terre et de leurs demeures par la sécheresse, ou les inondations, par la faim et la perte de revenus. Dix millions d’entre eux venaient del’Afrique. Leurs migrations ont causé d’énormes tensions politiques, surtout quand ils traversent les frontières nationales et se trouvent en compétition avec les résidents presque aussi pauvres des pays voisins pour la nourriture, le logement, les services sociaux et Yemploi.) Un exemple classique de cercle vicieux alliant dégradation environnementale et tension politique-même de conflit armé, est donné par le régime d’apartheid en Afrique du Sud. Les politiques récemment conduites par le pouvoir politique de ce pays contiennent irrémédiablement tous les germes de la guerre civiles : - La politique des <<homeland» réserve seulement quatorze pour cent de la terre sud-africaine aux soixantedouze pour cent noirs de sa population. - Les Africains noirs en âge de travailler fuient ces régions sur-cultivées et livrées au surpâturage, pour trouver du travail et de la nourriture dans les villes. - Ces immigrants «environnementaux» contribuent à l’encombrement et à l’apparition de conditions sordides danslesumunicipalités» urbaines noires, oùilsne trouvent 145


La préservation de notre monde pas de travail. Les tensions et la répression s’aggravent proportionnellement; les victimes de la répression cherchent souvent refuge au-delà desfrontièresnationales les plus proches, et de là, réclament justice ou vengeance. Le régime sud-africain effectue des représailles par des incursions en dehors des frontières; et les conflits armés s’étendent à ce qu’on appelle aLes états de ligne de frontP entourant l’Afrique du Sud. On peut seulement espérer que les événements de 1990 présagent un changement fondamental. Les disputes dérivant des problèmes d’environnement sont plus communes qu’on le suppose généralement. Quatre-vingt pour cent de nos voisins du monde souffrent déjà de pénurie grave d’eau. Les revendications majeures sur les eaux fluviales sont communes. Nous en avons eu I’expérience : - En Amérique du Nord : sur le Rio Grande. - En Amérique du Sud : sur le Rio de la Plata et la Rivière Parana. - En Afrique : où les eaux du Nil sont disputées. - Au Moyen-Orient : le Jourdain,le Litani, les fleuves Oronte et Euphrate sont tous l’objet de querelles. La pêche également engendre des tensions du fait de la diminution des stocks de poisson. La «guerre de la morue» de 1974, entre l’Islande et le Royaume-Uni, n’était pas une aberration. Des tensions semblables existent aujourd’hui dans les Mers Japonaises et Coréennes aussi bien que des deux côtis du sud de l’Atlantique. En dépit de la restauration des échanges diplomatiques, les relations futures entre l’Angleterre et l’Argentine ont été encore plus compromises par la déclaration «d’une zone exclusive de pêche ,Bdansles eaux contestées autour des Iles Malouines. Les anxiétés de demain pour des ressources adéquates seront certainement exacerbées, aussi, paral’effetde serre» des tendances globales de réchauffement, causées par l’accumulation atmosphérique notamment de gaz carbonique. Les changements climatiques de l’ordre envisagé perturberaient certainement une grande partie 146


La prherrvation

o?enotre monde

des récoltes de céréales mondiales, et déclencheraient vraisemblablement une migration massive à partir des régions déjà durement frappées par la faim. Mais les première de ces menaces reste encore la course globale aux armements. En prenant sa retraite de la présidence des E.U., Dwight D. Eisenhower déclarait : UChaquefusil fabriqué, chaque navire de guerre lancé, chaque fusée tirée, constitue un vol de ceux qui ont froid et qui ne sont pas vêtus., Aujourd’hui, un demi-million de scientifiques sont employés, au niveau mondial, par la recherche militaire. La moiti6 de tout l’effort de recherche et de développement dans le monde est affectée auxnouveauxsystèmes d’armes, contre seulement 80 milliards de dollars en 1984. Telles sont nos priorités? Quelques nations - le Pérou, l’Argentine et la Chine notamment - ont démontré comment les nations peuvent transférer leurs dépenses du domaine militaire à celui du développement, sans pour autant perturber leurs économies. Voilà une leçon de vie que les autres pays feraient bien d’apprendre. Dans le pays en voie de développement, les dépenses militaires (qui ont été multipliées par cinq en vingt ans) emploient de précieuses devises pour l’achat d’équipement et de pièces, ainsi que pour le fonctionnement des armées. Ces dépenses représentent des sommes colossales détournées des besoins du développement social et économique. A cet égard, les pays industrialisés - les anciennes puissances coloniales - ressemblent aux *sapeurs-pompiers» qui mettent le feu pour se donner du travail. Exemples : a) Il y a, aujourd’hui, quarante sujetsdelitigefiontaliers dans le Tiers-Monde. Ces litiges ont été causés en grande partie par des frontières nationales dessinées et imposées arbitrairementparlespuissancescoloniales; cesfrontières furent souvent tracées afin de *diviser-pour-pacifier», pour distribuer la plupart du pouvoir politique aux cultures ou aux groupes tribaux amis, ou pour assurer un accès facile aux ressources premières. (Toutes ces litiges, naturellement, permettent aux 147


La préservation de notre monde nations industrielles de grossir leurs portefeuilles avec des ventes d’armes pour la *sécurité* de leurs clients nationaux dans le Tiers-Monde - un cas de apompiers mercenaires» à l’échelle de la planète. b) Les pays industriels et les superpuissances se sont fréquemment et ouvertement servis des litiges entre les pays du Tiers-Monde comme régions de conflit de substitution, comme on l’a observé précédemment, et à peu de frais pour eux-mêmes. Ces expériences destinées à mettre au point de nouveaux armements et de nouvelles tactiques (on se rappelle de la «Légion Condor» de Hitler dans la guerre civile espagnole, il y a cinquante ans> semblent fréquemment être provoquées sinon réellement créées pour satisfaire les buts politiques et militaires, égoïstes et sans perspicacité, des superpuissances. Nous avons, en tant que voisins dans ce petit village global, dépassé le temps où nous devons reconnaître qu’il n’y a pas de solutions militaires aux problèmes d’environnement. La coopération mondiale est notre seul espoir; le dévouement à la recherche d’évolution heureuse et à la croissance favorable à l’environnement notre seul salut. lln’y apas de solution, pourpersonne d’entre nous, à la pointe d’un canon de fusil. Considérez les alternatives, basées sur des coûts mondiaux d’armements bien supérieurs à 900 milliards de dollars en 1985, plus de 2,5 milliards de dollars par jour : - Douze heures de dépenses militaires, sur une période de cinq ans, remettraient les forêts tropicales humides du globe en bon état, si c’est possible tout du moins. - Deux jours de dépenses militaires par an au cours des vingt prochaines années, feraient reculer l’avance globale des déserts qui détruit nos terres cultivables. - Le plan de I’ONU de fournir de l’eau potable à tout le monde sur la terre réduirait les maladies du Tiers-Monde de quatre-vingt pour cent. - Il coûterait l’équivalent de neuf heures de dépenses affectées à la défense, chaque année, pour rendre gratuitement accessible à toutes les femmes des pays en voie de développement l’information sur la planification familiale et les moyens de contrôle des naissances. 148


L+apréserrvation de notre monde - Environ quatorze heures supplémentaires de dépenses pourraient permettre d’immuniser tous les enfants du Tiers-Monde - où un enfant meurt actuellement toutes les six secondes (cinq millions de morts cette année), par manque de vaccins. Au total, treize jours et six heures de dépenses militaires en matériel, entraînement et recherche, permettraient de sauver peut-être vingt millions de vies chaque année, et de protéger et récupérer plus de terres agricoles que les régions combinées de l’Europe et de l’Inde pendant les vingt prochaines années. En d’autres mots : Pour arriver à ces niveaux de dépenses pour la machinerie de la vie au lieu de celle de la mort, il nous faudrait réduire les dépenses globales d’armement de 3,6 p. 100. Est-ce que le prix en est trop élevé? Telles sont nos priorités? *Les économistes militairesm (ces termes sont-ils compatibles?) aiment calculer et annoncer de nombre des morts» et, en termes de <<technologiemilitaire effkace,» le rapport de «coups tirés par dollar dépensé». Quel a donc Bté notre succès sur cette planète martyrisée, alors que nous avons quadruplé les dépenses militaires, et empilé assez d’armes nucléaires pour détruire chacun d’entre nous, plus de douze fois? Le voilà, notre succès: - Entre les deux guerres mondiales, il y a eu quatrevingts conflits armés dans le monde. Depuis la Deuxième Guerre mondiale, il y a eu 120 guerres. - Depuis la Deuxième Guerre mondiale, quatre fois plus de gens sont morts en temps de guerre que dans la période antérieure à 1939. Les deux tiers au moins de ces morts, étaient des civils, surtout des femmes et des enfants. Exprimez votre opinion. C’est votre planète, aprés tout, et celle de vos enfants. Qu’en pensez-vous? Vous devriez faire connaître votre opinion. Dans les assemblées internationales; quand nous parlons à nos chefs politiques, directement ou par l’entremise de la boîte à bulletins de vote; quand nous répondons aux questions des sondeurs; quand nous 149


La préservation de notre monde disons à nos enfants et petits-enfants «ce qui les attend dans l’avenir»; Où sont vos priorités?

150


L+upr&errvatim

& notre mnde

Le plus grand paradoxe de notre temps se trouve dans la marée montante du protectionnisme et de l’isolement de l’Occident; cela précisément quand il nous faut accroître considérablementlesmécanismesde coopérationmondiale et construire des ponts de confiance mutuelle. Tout le monde,y comprisl’occidentindustriel, souffre de problèmes d’érosion du sol, d’avancement des déserta et de déboisement dans le Tiers-Monde; les pays en voie de développement ne sont pas non plus en état de se défendre contre la perte des forêts tropicales humides et des espèces de plantes et d’animaux. Tout le monde,y comprisles pays en voie de développement, partage les risques créés par les pluies acides, par l’effet de serre, par la distribution et le déversement injustifiés des déchets et des produits chimiques toxiques : personne d’entre nous n’est à l’abri des conséquences de l’épuisement des ressources, du gaspillage de l’énergie, de la pollution industrielle - ou du conflit nucléaire. Il existe un passage biblique approprié, dans le chapitre six aux Galates, verset sept : UNevous y trompez pas; on ne se moque pas de Dieu; car ce qu’un homme sème, il le récoltera=. L’avertissement se transpose facilement à n’importe quelle culture, n’importe quelle religion : *Ne vous y trompez pas; on ne se moque pas de la nature2 Que, en tant individus dans le village global, nous voyions dans l’unité fragile de la vie planétaire la main de Dieu (ou des dieux), ou la balance de la nature, nos conclusionsdoivent s’accorder : On ne peut plus se permettre de jouer d’une façon ignorante et négligente avec le mécanisme d’équilibre naturel du monde. Nous savons, aussi, par nos échecs consécutifs, que la méthode de waccommodage rapide, des ravages des menaces au développement respectueux de 151


La préservation de notre monde l’environnement est à la fois naïve et futile. Avec le monde en état de siège, nous devons nous organiser trouver des remèdes, fussent-ils longs à agir et difficiles à administrer. Nous avons vu comment les vieilles façons d’aborder le problème de la sécurité du développement et de l’environnement n’ont fait qu’accroître 1:instabilité. Nous ne pouvons trouver la sécurité que dans le changement. Nous nous sommes embarqués, si vous le voulez, dans un voyage existentiel vers l’avenir. Il nous faudra apprendre en cours de route, ou nous n’aurons plus nulle part à aller. C’est le voyage lui-même qui détient la promesse de survie et d’espérances humaines. Aujourd’hui, la plupart des agences impliquées dans l’environnement et le développement s’occupent exclusivement des <<effets.»Elles sont encore «réactives», non pas <<proactives». Il est temps de nous occuper des maladies plutôt que des symptômes.Ce sont les sources de ces effets qu’il nous faut identifier et éliminer. Le village global trouvera la plus grande partie de sa tâche, et son défi, <<entreles lignes>>de notre expérience et de nos institutions : Nous savons que nos frontières nationales, face aux déplacements de la pollution de notre air et de nos eaux, sont aussi poreuses que des filets de pêche. Il y a des brèches aussi réelles et dangereuses dans nos lois internationales, nos traités commerciaux, nos plans de développement économique et nos politiques d’aide. Il nous faut colmater ces brèches et renforcer les lois - les instruments et les institutions de notre survie mutuelle. Nous aurons encore de nouvelles crises, parfois plus importantes. Elles couvent depuis longtemps, alimentées par nos négligences et nos ignorance; elles éclateront inéluctablement. Alors nous devons coopérer, d’abord, dans l’évaluation des risques et la gestion des crises. Pour assurer un développement durable, nous devons investir dans notre avenir en faisant des choix judicieux, et en les appuyant à l’aide des mesures légales et fiscales nécessaires pour calculer les risques, identifier les maladies


La préserrvation de notre monde symptômes. Quelques conditions essentielles : - Les gouvernements doivent faire état annuellement et publiquement, de leurs ressources environnementales, et de leurs wérifïcations» des changements dans ce domaine. - On doit tenir publiquement responsables chaque département, agence, et activité dugouvernement d’inclure des critéres de protection environnementale dans chaque programme. - Chaque gouvernement devrait adopter une apolitique étrangère environnementale» universellement acceptée. Il nous faut arrêter d’exporterladégradation, les maladies et la mort - même passivement. - Nous aurons besoin de plusieurs nouveaux accords bilatéraux et multilatéraux pour résoudre les problèmes régionaux et sous-régionaux de pollution outre-frontières - notamment dans les bassins des grands fleuves du monde. (Moins de trente des deux cents bassins de fleuves majeurs, internationaux de la planète sont, à l’heure actuelle, protégés au titre d’une protection coopérative formelle.) - Les Nations Unies doivent devenir le centre et le siège de la coopération internationale. Il faut multiplier les efforts pour assurer le développement sain et continu - et une juste distribution des ressources et des opportunités mondiales. - Chaque agence de I’ONU devrait déployer du personnel et des fonds nécessaires pour intégrer dans leurs activités les priorités environnementales. - Les gouvernements nationaux doivent faire un effort énorme pour fournir les ressources et le soutien dont I’ONU aura besoin durant les vingt années critiques à venir. - Le Secrétaire-Général des Nations Unies devrait nommer une commission ou un conseil spécial de I’ONU (sous sa présidence) pour suivre de près et encourager le *développement durable.* Ce comité surveillerait et encouragerait les actions des agences et des organisations des Nations Unies. Il servirait aussi de apivob> ou de liaison avec les gouvernements nationaux et avec les 153


La préservatiqn de notre monde autres organisations mondiales. Il resterait en communicationdirecte et régulière avec unnouveaugroupe supplémentaire : - Un centre «d’évaluation des risques, dirigé par un comité d’organisation compose d’individus reconnus au niveau international. La commission d’évaluation des risques coordonnerait et encouragerait les efforts des organisations non-gouvernementales,tant nationales que Elle établirait aussi des centres internationales. d’excellence dans des sphères telles que la loi, l’économie et la science - dont les membres seraient «disponibles pour aviser n’importe quelle agence qui solliciterait leur aide. -LeProgrammedesNations-Uniespourl’environnement (PNUE) aurabesoin de ressourcesplusgrandes et garanties en même temps que l’appui déclaré des nations membres de PONU. Le PNUE devrait être équipé pour : a) surveiller et évaluer l’environnement global et en faire rapport (à travers son programme de 43urveillance de la TerremI. b) encouragerles accordsinternationaux, et promouvoir l’extension des pactes et des traites courants : Ceci tout en développant des modèles sur les accords futurs dans des sphères telles que les bassins internationaux de fleuves et la destruction des déchets dangereux. c) appuyer le développement d’expertise et de moyens de contrôle et de réglementation dans les pays en voie de développement. d) fournir les donnéesau centre global principal et faire rapport sur tous les sujets concernant Penvironnement. e) conseiller et assister les organisations et les agences (sans exclure la Banque Mondiale) et offrir des plans de formation et de l’assistance technique au personnel de ces agences. Le programme global d’évaluation des risques devrait se centrer sur le PNUE. Comme le répertoire principal des données environnementales, ce sera le seul centre pour l’étude et l’extrapolation de ces données. Il faut prendre des mesures urgentes afin de permettre un accès global aux moyens de contrôle et B l’analyse de 154


La préserrvation de notre monde notre écosphère déployés en ce moment, de façon fragmentaire, par plusieurs nations et agences individuelles. Cette information est vitale pour notre village global; partagée, sa valeur sera multipliée. Les organisations non-gouvernementales auront besoin de beaucoup plus de soutien, sous trois formes : . a> Plus d’argent. b) Plus d’information : il faut les tenir au courant des nouvelles politiques, des nouveaux plans et projets. c) Plus de consultation : elles ont une énorme expertise; on devrait donc les consulter à l’étape de planification de tout projet ayant un impact probable sur l’environnement. (Elles reposent aussi très largement sur des membres constituants qui peuvent être mis à contribution pour appuyer la protection de nos communes du monde.) En plus de ce qui précède, les ONG doivent commencer à échanger plus d’information entre elles. Trop souvent dans le passé elles ont rivalisé pour de très petites parties des fonds disponibles globalement pour le développement. Nous devons trouver et encourager des systèmes pour les aider à se soutenir, et devenir, par là-même, beaucoup plus efficaces. «Le droit de savoir» du public doit être renforcé et exercé, chez les agences internationales aussi bien que dans les organisations gouvernementales nationales ou privées. Cela veut dire, au moins : a) Le droit à la consultation, et un rôle reconnu dans le processus décisionnel. b) Le droit à la réparation et aurecours légal pour toute personne dont la santé ou l’environnement est touche par les actes des autres - que ce soient les gouvernements ou les entreprises. L’action législative collective estimpossible pour défendre nos ressources de minerais, d’eau, d’air, notre flore et notre faune. Alors il nous faut, comme individus, assumer ces droits, et en assumer les responsabilités. Il est important de suivre activement et d’une façon urgente les conclusions du Rapport Brundtland. A cette fin : a) Sur la base de ce Rapport, l’Assemblée Générale des 155


La préservation de notre monde Nations Unies devrait élaborer un véritable programme pour le développement durable. b) L’Assemblee Génerale des Nations Unies devrait élaborer et adopter une *déclaration universelle» sur l’environnement et le développement similaire à la Déclaration des droits de l’homme. Cette déclaration de principe devrait, aussi vite que possible, être convertie en convention internationale; chaque état membre devrait être exhorté à signer cette convention et à s’y conformer. c) Les gouvernements nationaux doivent être incités à ratifier et à promouvoir les conventions et les traités régionaux et internationaux qui traitent de l’environnement et du développement. Chaque gouvernement doit consciencieusement appliquer les principes de ces traités, avec discipline et avec rigueur. Les accords les mieux intentionnés ne sont que de pieuses déclarations à moins de. les traduire par des actions concrètes. d) Les résolutions des différends internationaux et bilatéraux concernant l’environnement fait partie intégrante des progrès à réaliser par notre village global. Quand les nations ne peuvent s’accorder dans un temps raisonnable - dix-huit mois devrait être le maximum en considérant la rapidité de la dégradation de l’écosystème de la planète - les dissensions devraient être soumises aux procédures de conciliation (àlarequête de l’une quelconque des parties). Si le litige n’est pas résolu, on devrait procéder à l’arbitrage obligatoire ou à un jugement en cour.) Le recours à la force n’est pas le moyen idéal pour faire respecter les accords internationaux. Mais en ce qui concerne l’environnement, il est peut-être déjà trop tard. Nous avons besoin de moyens d’accélérer le respect des accords - et ce n’est pas le moindre d’entre eux d’encourager les intéressés à résoudre leurs problèmes par consentement mutuel, plutôt que par l’intermédiaire d’un arbitre. La Cour internationale est une ressource considérable qui est sous-employée dans ce domaine. De plus, la Cour a déclaré sa bonne volonté et sa capacité de traiter des cas dans ce domaine, complètement et promptement. 156


La préserrvation de notre monde L’empressement de la Cour ne sera guère utile, cependant, si les nations continuent à considérer les décisions de la Cour positivement seulement si ces décisions servent leurs intérêts et négativement si elles favorisent la partie adverse. e) Les gouvernements nationaux devraient donner des instructions à leurs représentants dans toutes les organisations régionales et internationales (telles que la Banque mondiale, par exemple) de faire des priorités environnementales un critère pour chaque décision de politique et de programme. Ceci s’applique, dans le sens le plus large, autant aux négociations de commerce et de tarifs de GATT (l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce) qu’aux pourparlers de désarmement entre les superpuissances. Les agences d’aide des nations industrielles, appeléesles aagences bilatérales d’aide”, fournissent maintenant quatre fois plus d’aide au monde en voie de développement que toutes les agences internationales. Sans le support et la participation enthousiastes de ces agences nationales, il est impossible de conjuguer le développement avec une protection sensée de l’environnement. Alors considerez ceci : Une enquête de 1980 sur six agencesnationalesmajeures d’aide a montré que juste une, US ALD., avait non seulementdesinquiétudes systématiques dans ce domaine mais aussi un personnel adéquat pour suivre de près ces questions et veiller à leur contrôle. Depuis, plusieurs autres nations ont fait des progrès dans leur «politique». Elles ont développé des *principes de direction”, et ont même augmenté les fonds pour quelques projets environnementaux précis. Mais notre vérification de ces nouveaux principes de direction n‘a décelé presqu’aucune preuve qu’ils étaient appliqués de façon systématique. Encore des châteaux en Espagne. Le monde l’environnement - a besoin de substance, pas d’apparence. Voici la vérité brutale : La plupart des fonds pour l’action environnementale internationale de notre temps est venue de contributions individuelles, volontaires - avec la plus grande partie 157


La préservation de notre monde nonprovenant des ONG - les organisations gouvernementales. Les gouvernements nationaux et les agences d’aide doivent être persuadés, surtout par l’opinion publique, de se joindre à cet effort. g> Il faut trouver de nouvelles et solides sources de fonds pour soutenir l’effort nécessaire. L’Assemblée Générale des Nations Unies devrait sérieusement considérer quelques-unes des idées alternatives de financement suggérées par nombre d’études. Et tous les gouvernements nationaux devraient faire de même. Des sources possibles de nouveaux argents comprennent : i) Une forme quelconque de <<royautés”,de «frais de licence” ou «accords de location” avec les entreprises et les nations employant l’espace et les ressources communes à tous - les éléments de notre «commune globale”. Par exemple; - La pêche océanique. - Le transport océanique. - L’exploitation des gisements du fond de la mer. - <<Frais de stationnement” pour les satellites géostationnaires. - <<Baux” des bases scientifiques dans l’Antarctique. ii> Des taxes perçues sur le commerce international, sans exclure les «exportations invisibles” de services, d’expertise de technique et d’investissement. De telles taxes devraient être envisagées, alternativement ou en supplément, sur les surplus commerciaux, ou les <<marchandisesde luxe”. Le commerce des ressources de plus en plus rare, particulièrement les espèces en voie d’extinction, devrait être réglementé strictement et taxé lourdement. Notre village global ne sera pas sauvé par quelque créature spatiale philanthropique, arrivant d’une lointaine galaxie, dans une soucoupe volante pleine à craquer de remèdes pour nos maux. Notre salut viendra de notre volonté. Notre force est en nous. Nous n’avons pas d’autres besoins de base que les systèmes nécessaires à la vie : respirer l’air, boire l’eau et absorber la nourriture. Il s’agit de notre air, 158


La préserrvation de notre monde de notre nourriture et de notre eax~ Nous avons la responsabilité de nos enfants’ Ils ne grandiront ni ne prospéreront 8 moins que nous préparions leur avenir maintenant de façon à subvenir B leurs besoins. Si nous échouons, nous n’avons pas besoin d’avoir peur de 1’Histoire. Il se peut très bien qu’il n’y ait personnequirestepourraconternotreimpuissance. Si nous parvenons à réussir, les historiens pourront se rappeler de cette génération comme étant celle qui a commencé à fom,r la Terre à faire volte-face, pour se tourner vers l’Eden.

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La préserrvation de notre monde

Madame Gro Harlem Brundtland est l’auteure de la fameuse phrase qui doit nous servir de ligne de conduite pour préserver notre planète : «Pensez globalement - Agissez localement.» Autrement dit, nous devons nous soucier de l’ensemble de la planète et de ses habitants, de leur avenir, dans nos activités quotidiennes. Cela devient de plus en plus facile : Il existe maintenant plusieurs livres disponibles pour expliquer comment choisir des produits respectueux de l’environnement. Beaucoup de pays ont développé des logos et des étiquettes pour nous aider àidentifïerles biens de consommation qui n’endommagent pas notre planète. D’autres publications nous disent comment conserver l’énergie, comment réduire notre gaspillage d’eau et de combustible, comment éviter d’infecter nos jardins avec des produits chimiques toxiques. Chacun de nous peut avoir un impact important sur notre village global en observant les règles des quatre &’ de la restauration planétaire : Réduire Réutiliser Recycler Rejeter À titre d’explication : - Nous devons réduire tout gaspillage de nos ressources. Cela veut dire diminuer les empaquetages inutiles (apportez vos propres sacs quand vous faites des achats au lieu d’accumuler inutilement les sacs en plastique qui sont inutiles), allez à pied ou en bicyclette pour de courts trajets au lieu de prendre la voiture, employez un linge au lieu d’une serviette en papier pour essuyer les liquides répandus. 161


La préservation de notre monde - Il est temps de réduirenotre consommationquotidienne en ré-utilisant les produits au lieu de les ajouter à nos montagnesdedéchetspolluants. Onpeutréutiliserl’antigel etl’huile à moteur d’automobile; de même pour les chiffons de nettoyage, les enveloppesordinaires (avecune étiquette d’adresse), les piles rechargeables et les couchesen coton. - Nous pouvons recycler une grande partie de nos *déchets», comme on le fait à travers le monde en voie de développement. Cela s’applique au verre, au papier, aux métaux, au plastique, même aux produits chimiques. Cela s’applique à la maison aussi, où nous pouvons employer commeblocs de papier de griffonnage les feuilles de papier usagées, transformer en chiffons de nettoyage les vieux draps de lit, faire du compostavec nos déchets organiques pourfairepousserlesfleursetleslégumesdel’anprochain. - Nous pouvons aussi refuser les marchandises et les services qui endommagent notre monde. Commencez par les bombes à l’aérosol, les produits contenant des CFC, n’importe quel produit sur-empaqueté et presque tous les articlesjetables, - des rasoirs et desbriquets aux appareils photographiques et aux bonnets de douche en plastique. On peut écrire un livre complet sur chacunde ces sujets. Mais prendre conscience des problèmes est le commencement de notre salut.. Il n’est pas difficile de trouver des exemples et de les imiter. Rappelez-vous, cependant, que les services que nous wachetonsn comprennent tous les services du gouvernement à tous les niveaux. Alors examinez minutieusement ces 4ervicesw, aussi : Dans la plus grande partie du monde, à peu près cinquante pour cent de tout l’argent dépensé aboutit dans les mains du gouvernement. Comme clients et acheteurs du gouvernement, nous avons certainement le droit de demander des politiques et des pratiques respectueusesde l’environnement.. Dans presque chaque pays - et chaque communauté assez grande -il y a plusieurs organisations dédiées à l’environnement qui contrôlent les performances des gouvernements et exercent une pression sur eux. Devenez membres de l’une d’entre elles - ou de plusieurs - et 162


La préserrvation de notre monde influencez la politique publique. S’il n’existe pas de groupe poursuivant des buts que vous considérez comme vitaux, formez-en un. Commencez avec quelques amis, ouvoisins. Des individus travaillant ensemble peuvent déplacer des montagnes d’inertie et crber des miracles pour la conservation et pour la restauration. Observez ce qui se passe dans les Ecoles de votre communauté, et dans votre lieu de travail : Existe-t-il un programme de recyclage ? Est-ce que les produits à jeter (ex. les gobelets à café en polystyrène) ont été remplacés par des articles reutilisables, qui ne polluent pas (des tasses en faïence, par exemple)? Appuyez les entreprises qui respectent l‘environnement. Demandez à votre nettoyeur à sec ou à la personne qui développe vos photos s’ils recyclent leurs produits chimiques. Demandez à votre mécanicien si votre huile à moteur et votre antigel sont recyclés. Demandez à vos épiciers s‘ils emballent et recyclent leurs boîtes en carton. Demandez à vos éditeurs de journaux s‘ils achètent du papier journal recycle. Demandez à vos pharmaciens s‘ils reprennent les bouteilles usagées en plastique, les nettoient et les emploient à nouveau. C’est la planète qui est en jeu : dans ce contexte, tout geste, même petit, aunegrande importance. Le journaliste américain Edward R. Murrow, parlant de pour l‘environnement dans les années quarante, disait : «Si nous ne nous occupons pas du pr&ent, l’avenir pr+ra sa revanche.» Etudiez les recommandations du Rapport Brundtland. Parlez-en avec vos enfants, vos amis, vos collègues de travail, vos responsables politiques. Considérez chacune des recommandations et demandez-vous comment les appliquer dans votre foyer, votre bureau, votre club ou organisation communautaire, dans votre école, votre quartier, votre ville - dans votre vie. Peut-être pouvons-nous paraphraser la «règle d’or” pour l’amour de nos enfants, et de nos petits enfants : «Faites pour l’environnement ce que vous voudriez qu’on fasse pour vous.» Nous ne possedons pas la planète et ses ressources. On 163


La préservation de notre monde nous les a simplement confié pour les remettre à nos enfants. Tous les grands philosophes nous disent qu’une vie sans but est dénuée de sens. Y a-t-il un plus noble but, une plus grande signification à la vie que l’objectif de «préserver notre monde”? Il ne s’agit pas d’une utopie, comme nous le rappelle Madame Brundtland. Cet objectifpeut être atteint au prix d’un effort concerté, de la volonté politique créée par la demande publique, avec du développement durable. L’échec serait impensable. Alors plantez un arbre. Aidez à créer un nouveau parc, ou à nettoyer un vieux. Balayez votre trottoir au lieu de gaspiller de l’eau pour le nettoyer. Commencez à traiter les ennemis de l’environnement avec le mépris qu’ils méritent. N’acceptez plus la rhetorique politique. Exigez des actions concrètes. Impliquez-vous dans le plus gros programme de recyclage de tous : Joignez-vous à ceux qui sont occupés à épousseter et à nettoyer notre planète et à s’assurer que personne ne marche sur elle sans nettoyer ses bottes, ou ne laisse tomber des déchets sur notre tapis. Quand nous en aurons fini, nous pourrons entourer le village global d’un ruban de fëte (réutilisable) et le présenter à nos enfants avec le seul cadeau qu’aucune somme d’argent ne peut acheter : Un avenir sain et securitaire. Qu’espérer de mieux?

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UN MOT À PROPOS DE « LA COMMISSION MONDIALE SUR L’ENVIRONNEMENT ET LE DÉVELOPPEMENT u (qui a produit le Rapport CMED ou uBrundtland” intitulé, *Notre Avenir à tous”) En décembre 1983, en réponse à une Déclaration de l’Assemblée Générale de I’ONU, le Secretaire-G&reral des Nations Unies, Perez de Cuellar, a nomme Madame Gro Harlem Brundtland présidente d’une commission indépendante pour examiner notre économie et notre développement globaux à la lumière des inquiétudes environnementales. Une telle personnalité ne pouvait pas être mieux choisie. Diplômée de l’École de médecine de Harvard, ancien Officier public de la santé à Oslo, et actuellement Premier Ministre de Norvège, Gro Brundtland est une humaniste et une écologiste acharnée, pragmatique, une arbitre et une administratrice manifestement brillante. Quant aux membres de la Commission dont elle s’est entourée, elle ne pouvait pas mieux choisir! Ils sontvenusdelaNorvège,duSoudan,d’Îtalie,d’Arabie Saoudite, du Mexique, du Zimbabwe, de la Côte d’ivoire, de la Republique Fédérale Allemande, de Hongrie, de Chine, de Colombie, des Pays-Bas, du Brésil, du Japon, des Etats Unis, du Royaume Uni, d’Indonésie, du Niger, de l’URSS, de la Yougoslavie et du Canada. Le miracle fut que ce groupe disparate, qui commença à composer son rapport dans une chambre d’hôtel de Moscou en décembre 1986, produisit un rapport unanime en avril 1987. Le Rapport CMED, décrivant comment des gens peuvent bâtir un avenir qui sera plus prospère, plus justeetplussécuritaire...» pourraitbien êtreinterprété, si nous sauvons notre village global, comme le document le plus important du vingtième siècle.

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La prherrvatiou de notre monde

À PROPOS DU &ENTRE POUR NOTRE AVENIR COMMUN y À GENÈVE Comme vous pouvez l’avoir remarqué au dos de ce livre, l’auteur et les éditeurs partagent les revenus de ce livre avec le Centre. Lancé en avril 1988, un an après la publication du Rapport CMED, le Centre est devenu un bureau central, une banque de données, un point de contact et une source d’inspiration pour chaque citoyen du village global, et lieu d’observation des réactions au Rapport Bnmdtland. Les bulletins publiés par le Centre sont une lecture obligée pour tout journaliste, politicien ou écologiste qui s’inquiète de notre *avenir à tous.” Le Directeur exécutif du Centre, Warren H. (Chip) Linder, a mis son expertise acquise à la CMED au service du Centre avec énergie, rapidité et efficacité. Le financement du Centre et de ses activités est effroyablement limité. C’est pourquoi,après avoir examiné toutes les organisations auxquelles nous aurions pu apporter un soutien financier grâce à la vente de ce livre, nous avons choisi le Centre sans aucune hésitation. Veuillez vous rappeler des brillantes paroles de Gro Brundtland : (Le génie, évidemment, consiste toujours à exprimer des chosesévidentes, là où personne n’a réussi à le faire!) «L’environnement est là où nous vivons tous. Le développement est ce que nous faisons tous.»

Nous sommes donc tous, par définition, des écologistes, si nous rwus intéressons à la survie de notre planète et o?e nos enfants. Dans ce but - et pour votre propre bénéfice puis-je vouspresserde vousabonnerau bulletinpubliépar le Centre pour notre avenir commun. Adresse : Palais Wilson, 52, rue des Pa#s, CH-1201, Genève, Suisse

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L.a préserrvation de notre monde

À PROPOS

DE L’AUTEUR

Journaliste confirmé, Troyer a dirigé plus de 10 000 entrevues à la radio et a la télévision, publié plusieurs best-sellers édités en six langues, écrit/dirigé/produit plus de 600 films documentaires. Il a été rédacteur en chef de quotidiens et de périodiques, directeur et réalisateur de radio et télé, comme orateur public, expert-conseil en communications, professeur d’université, chroniqueur syndiqué, écrivain de magazine, etc., etc. L’intérêt de Troyer pour l’environnement date de chroniques à la radio et d’articles de journaux, tous indépendants, en 1952-54, de son premier documentaire en 1956, et de son premier livre, <<Pasde place sans danger», en 1976. Il a, comme correspondant de journaux et de télé, couvert des événements dans tous les continents, se concentrantsurlesaffairespolitiques,militaireset sociales. Il a travaillé, pendant cinq ans, en Asie et en Afrique, non seulement pour des projets d’aide étrangère en communications, mais aussi pour la production de films documentaires parrainés par YUNICEF. Il a enseigné dans plusieurs universités et travaillé comme expertconseil en communications pour les Nations Unies, pour plusieurs gouvernements et pourunefoule d’organisations internationales, dont la Croix-Rouge et le Conseil oecuménique des Eglises. Troyer a gagné beaucoup de prix canadiens et internationaux comme écrivain, éditeur, directeur et réalisateur de films.

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Lu préserrvation de notre monde

NRTEE

Dr George Connell,

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MENBEBS

Président

Table rono!e nationale sur l’environnement et l’Économie R.C. (Reg) Baaken Pr&ident, Energy and Chemiwl Workers Union L’honorable Jean Charest Ministre de l’environnement, Gouvernement du Canada LThonorable J. Glen Cummings Ministre de l’environnement, Gouvernement du Manitoba Pat Delbridge President, Pat Delbridge Associates Inc. L’honorable Jake Epp Ministre de I’Rnergie, des Mines et des Ressources, Gouvernement du Canada Josefii Gonzalaz Recherchiste scientifique, Forintek Canada Corp. Diane Griffh Directrice generale, Island Nature !lYust Susan Holtz Recherchiste principale, Ecology Action Centre John E. Houghton President et directeur general, Quebec and Ontario Paper Company Ltd. David L Johnston Recteur, Universit& McGill Pierre Marc Johnson Directeur de Recherche, Centre de medecine, d’éthique et de droit de 1’Universite McGill Geraldine A. Kenney-Wallace Recteur, Université McMaster Margaret G. Kerr vice Présidente, Environnement, sante et swurite, Northern Telewm Lester Lafond Prt%dent, Lafond Enter-prises Ltd. L’honorable John Leefe President, Conseil camulien des ministres de l’environnement (CCME) Jack M. MacLeod President et directeur g&a&al, Shell Canada Ltd. Jim MacNeiU Directeur, Developpement durable, Institut de recherches politiques L’honorable Donald Mazankowski Ministre des Finances, Gouvernement du Canada: David Morton President et directeurgeal, Alcan Aluminium Leone Pippard Presidente et o!irectrice generale, Canadiens pour l’avancement de l%conomie Barry D. Stuart Juge du !IYibunal territorial L’honorable Michael Wilson Ministre de l’Industrie, des Sciences et ds la Technologie, Gouvernement du Canada

La table ronde nationale sur l’environnement et l’économie Directeur général : Ron Doering

1, rue Nicholas, bureau 520, Ottawa, Ontario, KlN 7B7 Télphone: (613) 943-0395 Fax: (613) 992-7385

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La Préservation Warner Troyer

de notre monde

Ce guide du rapport Brundtland, destiné aux consommateurs, constitue un plan d’action pour sauver notre planète. Ce livre afilrme la nécessite de concilier le développement avec la préservation de I’environnement. Il montre comment la dette du Tiers-Monde et la pauvreté généralisée engendre des desastres dit *naturels*, fatals pour notre planète. Pour Warner

Troyer

:

aIl est aussi utile de commander de nouvelle que d’entreprendre une thèse sur la vitesse de la balle lorsqu’on est visé par un tireur prêt à faire feu .» «La malnutrition chronique assassine l’espoir... la pauvreté constitue la plus grande menace pour l’environnement.* uD&ruire nos forêts pour réaliser des profits à court terme est aussi sensé que de mettre le feu à notre maison pour faire cuire des guimauves.> u..L~ développement de sources renouvables d’énergie est au même stade d’évolution humaine et technologique que la hache de pierre, ou que l’agriculture sur brûlis.»

LA SItRIE SUR LE D&VELOPPEMENTDuRABLE DE LA TABLE RONDE NATIONfiE La Le Le La En

Pr&servation de notre monde Développement durable : guide à l’usage des gestionnaires Guide national de réduction des déchets Prise de décision et le développement durable Route vers le Brésil : Le Sommet de la Terre

Also available in English Table ronde nationale sur l’environnement et l’économie National Round Table on the Environment and the Economy 1, rue Nicholas, bureau 1500, Ottawa, (Ontario), KlN 7B7 ISBN l-895643-03-1


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