LOI DE FINANCES COMPLEMENTAIRE & MESURES DE REAJUSTEMENT PRIORITAIRES

Page 1

LOI DE FINANCES COMPLEMENTAIRE & MESURES DE REAJUSTEMENT PRIORITAIRES DES PROPOSITIONS POUR LE DIALOGUE ECONOMIQUE NATIONAL Fayçal DERBEL Expert comptable -­‐ ISG Tunis Faycal.derbel@finor.com.tn Le dialogue économique national débattra de dix principaux thèmes dont celui des équilibres des finances publiques. Ce thème est d’autant plus important et dominant, que l’on se rend compte aujourd’hui, et à peine le premier trimestre clôturé, que les hypothèses retenues pour l’élaboration du budget de 2014 sont irréalisables voire irréalistes, et doivent être ramenées à des niveaux plus raisonnables pour tenir compte d’une situation économique très compliquée et se heurtant à plusieurs difficultés structurelles. Pour ne citer que le taux de croissance estimé dans le budget initial à 4% et ramené aujourd’hui à 2,8%, nous déduisons que tous les indicateurs macroéconomiques et autres données relatives aux finances publiques doivent être revus et redéfinis à travers une loi de finances complémentaire. Celle-­‐ci doit apporter tous les ajustements jugés nécessaires eu égard à la révision des hypothèses de base et arrêter une nouvelle configuration des chapitres budgétaires conformément à l’article 43 nouveau de la loi organique du budget. Il va sans dire, que la loi de finances complémentaire devrait prévoir des dispositions fiscales introduisant de nouvelles mesures ou rectifiant celles qui ont été adoptées dans les précédentes lois de finances et particulièrement la loi de finances initiale de 2014.

Cette note se propose de fournir des suggestions d’aménagement de certaines dispositions prévues par la loi de finances initiale et qui se sont avérées difficilement applicables ou inappropriées (1ère partie), ainsi que des suggestions de nouvelles mesures pour l’amélioration des recettes propres en attendant une réforme profonde de l’ensemble du système fiscal (2ème partie).

I- AMENAGEMENT DE CERTAINES DISPOSITIONS DE LA LOI DE FINANCES INITIALE La loi n° 2013-­‐54 du 30 décembre 2013 portant loi de finances pour l’année 2014 a institué un ensemble de mesures touchant à toutes les branches de la fiscalité. Certaines de ces mesures ont été suspendues, par décision du gouvernement, quelques jours après leur entrée en vigueur en attendant l’amendement approprié ou l’abrogation par un texte de loi en respect avec la règle du parallélisme des formes. 1


D’autres mesures se sont avérées inapplicables, parce qu’elles sont marquées par l’irrationalité et conduisent à des incohérences manifestes. Au nombre de cinq, les nouvelles mesures prévues par la loi de finances initiale et qui gagneraient, à mon avis, à être aménagées ou abandonnées sont les suivantes : 1-­‐ ARTICLES 58 A 61► MODIFICATION PROPOSEE : ABROGATION

INTITULE DE LA DISPOSITION Amélioration du recouvrement des taxes dues sur les véhicules destinées au transport de marchandises dont la charge utile ne dépasse pas deux tonnes.

ARGUMENTAIRE Après avoir été suspendue en janvier 2014, cette mesure est implicitement tombée en désuétude, elle ne peut plus être maintenue, ni faire l’objet d’aménagement. 2-­‐ ARTICLE 76► MODIFICATION PROPOSEE : AMENAGEMENT DU CHAMP D’APPLICATION

INTITULE DE LA MESURE Renforcement des ressources de la caisse générale de compensation-­‐Institution d’une redevance sur les voitures particulières et les véhicules soumis à la TUC-­‐TR.

ARGUMENTAIRE Cette mesure a été fortement contestée en raison du fait qu’elle s’applique à la petite cylindrée qui est le plus souvent propriété de personnes à revenu moyen, ce qui est de nature à affecter davantage leur pouvoir d’achat. Il est alors proposé de : ü Supprimer les redevances applicables aux voitures d’une puissance fiscale inférieure à 8 CV ü Maintenir les redevances sur les voitures d’une puissance supérieure ou égale à 8 CV, selon les mêmes tarifs que ceux prévus par l’article 76 de la loi de finances tout en fixant comme date limite de payement le 31 août 2014. 2


3-­‐ ARTICLE 55► MODIFICATION PROPOSEE : ABROGATION

INTITULE DE LA MESURE Impôt sur les immeubles ou « impôt foncier » L’article 55 de la loi de finances énumère les immeubles exonérés de cet impôt, ceux qui en sont soumis, sont définis par « déduction ». Les tarifs sont de 1,5 fois la TIB ou la TTNB.

ARGUMENTAIRE Un nouvel impôt confus, n’ayant aucun similaire en droit comparé, il est d’une complexité d’application et de contrôle affectant le rapport avantage / coût. Lorsqu’il porte sur un terrain non bâti, cet impôt pourrait (dans certains cas extrême) conduire à un impôt dû dépassant tout le revenu du contribuable.

4- ARTICLE 73► MODIFICATION PROPOSEE : AMENAGEMENT DU BAREME D’IMPOSITION A L’I.R

INTITULE DE LA MESURE Allègement de la charge fiscale des personnes à faible revenu Les revenus salariaux d’un montant annuel net ne dépasse pas 5.000 DT sont exonérés d’IR.

3


ARGUMENTAIRE En apparence cette mesure semble très avantageuse avec une portée sociale indubitable. En réalité, elle conduit à des incohérences de taille sur lesquelles il est inutile de revenir. Comme elle ne peut plus être supprimée, il convient à notre avis d’aménager les tranches du barème d’imposition de manière à ce que la première tranche imposée à 0% serait comprise entre 0 et 5.000 D, tout en récupérant le manque à gagner sur les autres tranches en augmentant leur taux d’imposition respectif. Le barème en vigueur et celui proposé se présentent comme suit :

ANCIEN BAREME Montant de la tranche

Tranche

Taux

NOUVEAU BAREME PROPOSE

Taux effectif à la limite supérieure

Montant de la tranche

Taux

Taux effectif à la limite supérieure

0 - 1500

1 500

0,00%

0,00%

1 500

0,00%

0,00%

1500 - 5000

3 500

15,00%

10,50%

3 500

0,00%

0,00%

5000 - 10000

5 000

20,00%

15,25%

5 000

26,00%

13,00%

10000 - 20000

10 000

25,00%

20,13%

10 000

28,00%

20,50%

20000 - 50000

30 000

30,00%

26,05%

30 000

30,00%

26,20%

> 50000

35,00%

35,00%

5-­‐ ARTICLE 71 ► MODIFICATION PROPOSEE : SUPPRESSION DES ARTICLES SCOLAIRES EN MATIERES PLASTIQUES DE LA LISTE DES PRODUITS SOUMIS A LA TPE.

INTITULE DE LA MESURE Renforcement des ressources du fonds de dépollution Cette disposition a élargi le champ d’application de la taxe pour la protection de l’environnement (5% + 0,9% au niveau de la TVA) en y ajoutant un ensemble de produits dont : Ex : 39.26 : Articles de bureau et articles scolaires en matières plastique. 4


ARGUMENTAIRE L’imposition des articles scolaires en matières plastiques à la taxe pour la protection de l’environnement implique une augmentation des prix de ces produits de l’ordre de 6%, ce qui va à l’encontre des mesures de maitrise de l’inflation et de la préservation du pouvoir d’achat notamment des personnes à faible revenu.

6-­‐ ARTICLE 48 (§3) ► MODIFICATION PROPOSEE : SUPPRESSION DE LA DEDUCTION DU MINIMUM D’IMPOT DE L’IMPOT SUR LE REVENU OU DE L’IMPOT SUR LES SOCIETES AU TITRE DES EXERCICES ULTERIEURS ET CE DANS LA LIMITE DE LA 5EME ANNEE INCLUSIVEMENT.

INTITULE DE LA MESURE Déduction du minimum d’impôt de l’I.R ou de l’IS des exercices ultérieurs Cette disposition institue le bénéfice de la déduction du minimum d’impôt exigible au titre d’un exercice de l’IR ou de l’IS exigible au titre des exercices ultérieurs et ce dans la limite de la cinquième année inclusivement.

ARGUMENTAIRE La déduction du minimum d’impôt de l’impôt exigible au titre des exercices ultérieurs pourrait conduire les entreprises dont l’impôt dû est légèrement supérieur au minimum d’impôt à s’aligner sur ce minimum. Ces entreprises pourraient constater des charges supplémentaires pour payer un impôt qui constituera une créance sur l’Etat déductible les années ultérieurs au lieu de payer un impôt qui serait définitivement acquis au trésor. Pour éviter de tels montages ou une iniquité entre les contribuables, il convient de supprimer la mesure permettant la déduction du minimum d’impôt et de considérer celui-­‐ci comme définitivement acquis au trésor.

5


NOUVELLES MESURES PROPOSEES

II-

La révision vers la baisse du taux de croissance prévu pour l’année 2014, la suspension des mesures instituant la redevance de compensation sur les voitures et véhicules soums à la TUC ainsi que le retard dans la mise en œuvre des mesures préconisées pour réduire le déficit budgétaire, constituent autant d’éléments qui accentuent les pressions sur le budget de l’Etat et créent un besoin pressant de ressources additionnelles. Certaines mesures permettant la mobilisation de ressources supplémentaires sont proposées dans ce qui suit :

1-­‐ LANCEMENT D’UN EMPRUNT NATIONAL AVEC DES TITRES AU PORTEUR Alors que les pratiques étrangères et internationales s’orientent vers la suppression totale des titres au porteur il serait permis compte tenu des circonstances actuelles et d’une culture très particulière, de proposer une émission de titres au porteur dans le cadre de l’emprunt national qu’il est envisagé de lancer. Cet emprunt serait alors composé de deux catégories : -

Catégorie A : titres nominatifs / administrés Catégorie B : titres au porteur

Il va sans dire que les conditions et les taux de rémunérations seront différents pour chacune de ces deux catégories.

2-­‐

REAMENAGEMENT DES TARIFS DES DROITS DE CONSOMMATION APPLICABLES AUX BIERES

Les taux du droit de consommation applicables tels que figurant à l’annexe I prévu par l’article 3 du décret n° 97-­‐1368 du 24 juillet 1997 modifié par le décret n° 2013-­‐929 du 4 février 2013, se détaillent comme suit : N° du tarif douanier

Désignation du produit

Droit de consommation

22.03

1-­‐ Bière classée, conditionné dans des récipients

Boite d’une contenance inférieure à 0,250 litre

0,270 l’unité

Boite d’une contenance comprise entre 0,250 & 0,320 litre

0,730 l’unité

Bouteille d’une contenance inférieure à 0,320 litre

0,730 l’unité

Ces tarifs progressifs en fonction de la contenance, favorisent des pratiques évasives de la part des producteurs et des consommateurs, avec un manque à gagner considérable des recettes fiscales et une sortie de devises importantes pour l’importation de la matière première des emballages métalliques. 6


Afin d’améliorer le rendement de cette imposition, il est proposé d’unifier les droits dus sur la bière classée et conditionnée dans des récipients (boite et bouteille) dont la contenance est inférieure à 0,320 litre, en les fixant à 0,730 dinars l’unité. Les nouveaux tarifs (proposés) seront arrêtés comme suit : N° du tarif douanier 22.03

Désignation du produit 1-­‐ Bière classée, conditionné dans des récipients en boite ou en bouteille d’une contenance ne dépassant pas 0,320 litre

Droit de consommation 0,730 l’unité

Il se pourrait que cette mesure réduise la consommation des boites d’une contenance inférieure à 0,250 litre, mais elle demeurera sans effet sur la consommation totale, avec une autre répartition des récipients utilisés, entrainant une amélioration des recettes provenant des droits de consommation.

3-­‐ INSTITUTION D’UNE CONTRIBUTION EXCEPTIONNELLE DE SOLIDARITE A LA CHARGE DES PERSONNES PHYSIQUES A REVENU ELEVE. Cette contribution ne fait pas double emploi avec la redevance de compensation instituée par la loi de finances pour l’année 2013, mais vise plutôt à engager un véritable élan de solidarité et d’appui pour les mesures de redressement économique et la mobilisation de plus de ressources propres à même de consolider les équilibres macroéconomiques. Seront soumis à cette contribution toutes les personnes physiques réalisant des revenus inclus dans le champ d’application de l’IRPP. Avec : • •

Un taux de 5% de l’IR calculé sur l’ensemble des revenus (y compris les revenus exonérés tels que les dividendes et avant dégrèvements et avantages fiscaux) ; Une franchise de 20.000 Dinars

Pour qu’elle ne soit pas affectée par les éventuelles minorations des revenus déclarés, il est proposé de fixer un minimum de perception déterminé en fonction du nombre d’années d’exercice professionnel, sauf pour les contribuables réalisant exclusivement des revenus provenant de salaires, pensions et rentes viagères. Ces minimums s’établissent comme suit :

7


Ancienneté (1)

BIC*

BNC*

BEAP*

Autres

Entre 5 ans et 7 ans

1.000 DT

1.300 DT

500 DT

1.200 DT

8, 9 et 10 ans

1.200 DT

1.500 DT

800 DT

1.500 DT

Supérieure à 10 ans

1.500 DT

2.200 DT

1.000 DT

1.800 DT

* Lorsque le contribuable réalise plus d’un revenu catégoriel, le minimum correspond à celui du revenu catégoriel le plus élevé dans le revenu global. (1) Nombre d’années ou fraction d’années depuis la date du dépôt de la déclaration d’existence jusqu’à la date de clôture de l’année d’imposition.

4-­‐ INSTITUTION D’UNE REDEVANCE DE COMPENSATION AU TITRE DES PRODUITS DE BASE A LA CHARGE DES RESTAURATEURS. Les restaurants classés ou non classés, profitent pleinement de la subvention des produits de base et du carburant (bouteille de gaz) alors que leur contribution au budget de l’Etat à travers l’impôt payé est souvent modeste, surtout lorsqu’ils relèvent du régime forfaitaire d’imposition. Il est proposé de mettre à la charge des exploitants de restaurants classés ou non classés, personnes physiques ou personnes morales, une redevance indexée sur le nombre de salariés (y compris l’exploitant ou le gérant) comme suit : Nombre de salariés

Zone communale

Hors zone communale

800 DT

400 DT

6 et 7 salariés

1.200 DT

600 DT

Supérieure à 7 salariés

1.500 DT

750 DT

Entre 2 et 5 salariés

8


5-­‐ REVISION DU TAUX DU DROIT DE CONSOMMATION SUR LES PARFUMS & EAUX DE TOILETTE. Il est proposé de porter le taux du droit de consommation dû sur les parfums et eaux de toilette (n° du tarif 33.03) de 10% à 30%. L’objectif n’étant pas uniquement d’augmenter les recettes fiscales, mais aussi d’éviter une incohérence consistant, en l’état actuel des textes, à soumettre les eaux minérales au droit de consommation au taux de 25% et les parfums au taux de 10%. F. DERBEL 05 mai 2014

9


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.