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NOTE D’ORIENTATION DE CGLU SUR LES FINANCES LOCALES Présentation du contexte : Tendances actuelles auxquelles sont confrontés les gouvernements locaux
et
réalités
Nous assistons à une véritable explosion urbaine à l’échelle mondiale. La population urbaine a quadruplé depuis 1950 pour s’élever à 3,2 milliards d’habitants en 2005 et devrait atteindre 5 milliards en 2030 (soit 60% de la population mondiale). Selon l’ONU, 95% de la croissance urbaine des vingt prochaines années se produira en Asie et en Afrique et dans une moindre mesure, en Amérique du Sud (où la transition démographique urbaine a déjà eu lieu), et concernera principalement les petites et moyennes collectivités. Cette urbanisation effrénée fait naître des besoins considérables et urgents en infrastructures, estimés à environ 200 milliards de dollars par an pendant les 25 prochaines années1, qui restent insatisfaits à ce jour. Ce défaut d’investissement a d’ores et déjà des répercussions négatives sur la vie quotidienne de millions de citoyens dans les pays en développement. Si rien n’est fait, près d’un être humain sur cinq sera en 2020 un habitant des taudis, principalement en Asie et en Afrique. Les gouvernements locaux et leurs partenaires ne peuvent se permettre d’attendre qu’une crise majeure survienne pour enfin investir massivement dans les infrastructures publiques locales. Des crises semblables sont malheureusement en gestation dans de nombreux pays. Paradoxalement, ce sous-investissement dans les infrastructures urbaines côtoie d’importantes disponibilités financières au niveau international, et des liquidités et une épargne souvent importantes au niveau national, qui tendent, en particulier dans les pays en voie de développement, à s’investir à l’étranger. Dans ce contexte, quelles sont les solutions communément avancées par la communauté internationale pour faire face à ces catastrophes annoncées et à la nécessité d’investir massivement et rapidement dans les infrastructures urbaines ? Les banques de développement financent peu de projets d’équipement urbains2 et ne prêtent qu’exceptionnellement aux collectivités locales. De nombreuses institutions internationales prônent le développement de Partenariats Publics-Privés (PPP), dont on sait pourtant qu’ils ne concernent que très faiblement les infrastructures urbaines3. Les quelques 70 Fonds de développement municipaux que les banques de développement ont contribué à créer dans les pays du Sud afin de financer les infrastructures locales, connaissent pour la plupart de nombreuses difficultés, exacerbées par l’absence d’une stratégie globale et claire envers les collectivités de petite et moyennes taille. Autre solution macro-économique avancée par la communauté internationale, le recours à 1 La Banque Mondiale estime les besoins en infrastructure des pays en développement à environ 600 milliards de dollars par an pendant les 25 prochaines années, la Commission dans ses travaux a estimé qu’il serait nécessaire de consacrer un tiers de ce montant aux infrastructures urbaines, soit 0.4% du PIB mondial. 2 Au sein du groupe Banque mondiale, seul 8% du total des prêts, qui s’élevait à 22,3 milliards de dollars en 2005, étaient destinés à l’infrastructure et au développement urbains (soit 1,9 milliards de dollars). 3 Selon une étude de la Banque mondiale, sur la période 1984-2003, seuls 60 milliards de dollars de PPP ont concerné les infrastructures publiques locales (soit 10% du total des PPP) dans un nombre très limité de pays d’Amérique Latine et d’Asie de l’Est.
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NOTE D’ORIENTATION DE CGLU SUR LES FINANCES LOCALES l’emprunt public local ne concerne pour l’instant essentiellement que des gouvernements locaux de pays riches4. Dans de nombreux pays en développement, un très long temps de maturation sera nécessaire pour que les marchés financiers et le marché du crédit prêtent aux collectivités locales. Sous l’autorité du FMI, des programmes d’ajustement structurels ont eu un impact négatif sur l’investissement public, national et local, et sur le développement de ces marchés. Les agences de coopération et les bailleurs de fonds ont adopté de nouvelles stratégies urbaines, mais qui ne produisent pas toujours des effets à la mesure des enjeux. De nombreux programmes de coopération permettent de financer des microprojets d’équipements à destination de communautés locales, souvent en dehors des gouvernements locaux. Le financement de l’infrastructure publique locale par la gestion des actifs et du foncier urbain est également souvent mis en avant, mais il nécessite au préalable des outils (comme par exemple un cadastre) qui font précisément défaut dans les pays en voie de développement. Il est révélateur qu’il ne soit toujours pas possible, pour l’heure, de mesurer, sur les 100 milliards de dollars annuels d’aide publique internationale, le volume d’aide destiné aux gouvernements locaux et aux infrastructures locales. Au regard des défis posés par l’explosion urbaine, d’autres solutions plus fondamentales doivent être élaborées qui tiennent mieux compte des gouvernements locaux. Historiquement, dans les pays développés, la puissance publique est intervenue fortement pour accompagner le développement urbain, en particulier en mobilisant des fonds pour les infrastructures publiques locales. Lorsque les gouvernements locaux sont dotés de moyens financiers suffisants, ils savent investir efficacement dans les infrastructures publiques locales pour préparer l’avenir. Des pays en développement font également l’expérience de ce processus vertueux. Les gouvernements locaux sont en effet les mieux placés pour savoir où investir localement, car les élus locaux connaissent les demandes de leurs concitoyens et leur rendent des comptes. Les investissements locaux ainsi réalisés ne seront pas uniquement bénéfiques pour les citoyens résidant dans la collectivité, mais aussi pour la croissance nationale. Cependant, pour que les gouvernements locaux puissent tenir ce rôle d’investisseur dans les pays en développement, il faut agir à la fois sur la demande et de l’offre de financements. Ces réformes en elles-mêmes produiront des effets positifs à tous les niveaux de gouvernements. Du côté de la demande : Si nous voulons faire face aux défis posés par l’urbanisation effrénée, le système de finances locales dans son ensemble doit être réformé, repensé, refait, ainsi que les mécanismes de renforcement des capacités locales. Pour stimuler les investissements locaux, l’autonomie financière doit être accrue, tout d’abord en attribuant aux gouvernements locaux des ressources propres adaptées, puis en assurant la régularité, la prévisibilité et la transparence des transferts du gouvernement central, condition indispensable pour développer une planification budgétaire des investissements. Dotés de moyens financiers, les collectivités locales pourront, avec le soutien de leurs partenaires, augmenter leurs capacités techniques et humaines afin de réaliser et suivre les projets d’investissement. En contrepartie, elles devront prendre des engagements dans la transparence et la reddition de comptes. Du côté de l’offre : Des efforts importants doivent être faits pour que les gouvernements locaux puissent effectivement accéder à des crédits et des subventions, pour pouvoir réaliser les infrastructures requises. Les marchés financiers et les banques privés ne prêtant pas pour des raisons essentiellement structurelles aux collectivités locales, l’intervention 4
Selon une étude de l’AFD, les emprunts locaux représentent 12 milliards d’euros par an et sont essentiellement réalisés par des collectivités dans 17 pays (dont ceux du G7). 2
NOTE D’ORIENTATION DE CGLU SUR LES FINANCES LOCALES publique en faveur d’un instrument financier et d’une législation spécifique sera souvent nécessaire dans les pays en développement. A cet égard, l’action des institutions financières spécialisées dans les prêts aux gouvernements locaux (appelées Fonds pour le développement municipal) doit être évaluée et réformée pour offrir aux autorités locales de petite et moyenne importance un accès plus facile à l’emprunt à long terme, dans leur devise nationale et à des taux d’intérêt abordables. Des mécanismes innovants, visant à l’utilisation de l’épargne nationale pour investir dans les infrastructures locales doivent être développés et mis en place.
Relever le défi de l’explosion urbaine : 25 recommandations pour permettre aux gouvernements locaux d’investir effectivement dans les infrastructures locales. Vingt-cinq recommandations ont été élaborées par le groupe de travail de la Commission Finances locales et Développement. Les deux premières, de portée mondiale, visent à apporter rapidement des moyens financiers supplémentaires aux gouvernements locaux du Sud pour investir dans leurs infrastructures (A). Les vingt-trois autres recommandations doivent être interprétées et priorisées pour chaque pays, et portent sur l’offre et la demande de financements (B).
A. REDIRIGER L’AIDE VERS LES GOUVERNEMENTS LOCAUX DU SUD POUR FAIRE FACE A L’EXPLOSION URBAINE : 1. Affecter 20% de l’aide publique au développement aux échelons de gouvernance les plus proches des citoyens. CGLU propose qu’au moins 20 % de l’aide publique au développement (environ 20 milliards de dollars) soit allouée directement aux gouvernements locaux ou par le biais de la coopération décentralisée. 2. Associer les gouvernements locaux aux bénéfices des allégements de dette consentis dans les 29 pays éligibles aux initiatives PPTE et MDRI. Les bailleurs de fonds et institutions financières multilatérales sont appelées à garantir que les gouvernements locaux bénéficient des fonds rendus disponibles par l’allègement de la dette au titre de l’initiative PPTE (Pays Pauvres Très Endettés) et l’initiative multilatérale pour l’allégement de la dette (MDRI). CGLU propose un objectif de 20 %, c’est-à-dire qu’au moins 20 % des fonds ainsi générés (estimés à 153 millions de dollars en 2006) soient destinés aux budgets des gouvernements locaux dans les 29 pays concernés pour leur permettre de lutter contre la pauvreté en réalisant localement des équipements publics localement.
B. BATIR DES STRATEGIES INVESTISSEMENTS LOCAUX :
NATIONALES
POUR
STIMULER
LES
1/ Mesures à prendre du côté de la demande de financements (en développant la capacité financière des collectivités locales) : 1.1 Renforcer l’autonomie financière des gouvernements locaux par l’attribution de moyens financiers adéquats. Les gouvernements centraux sont appelés à : 3. S’assurer que les gouvernements locaux sont dotés de ressources pour mettre en œuvre les compétences qui leur ont été déléguées. 3
NOTE D’ORIENTATION DE CGLU SUR LES FINANCES LOCALES 4. Garantir la régularité et prédictibilité des transferts financiers aux gouvernements locaux et mettre en place une fiscalité adaptée. 5. Adapter la fiscalité aux nouvelles réalités économiques, telles que le développement de l’économie de la connaissance et la mondialisation. Cela permettra ainsi de réviser dans de bonnes conditions le partage des revenus publics entre les gouvernements central et locaux. Les gouvernements locaux devraient s’engager à : 6. Améliorer le recouvrement des impôts et des redevances locales, lorsque c’est possible. 7. Renforcer les capacités politiques des associations nationales de gouvernements locaux ainsi que leur offre de formation dans des domaines liés aux finances locales. Les bailleurs de fonds et institutions financières sont appelés : 8. A soutenir les gouvernements locaux et leurs partenaires dans leurs efforts pour obtenir la réforme des systèmes de finances locales. 1.2 Renforcer la relation entre l’autonomie financière et l’obligation de rendre des comptes aux citoyens. Les gouvernements centraux sont appelés à : 9. Doter les gouvernements locaux de la capacité de générer une proportion significative de ressources propres. 10.Soutenir le renforcement des capacités institutionnelles des gouvernements locaux. Les gouvernements locaux devraient s’engager à : 11.Fixer un haut niveau d’efficacité et de transparence dans leurs activités, en contrepartie des moyens financiers additionnels alloués. 12.Renforcer leurs capacités techniques et s’engager activement dans l’échange d’expériences avec d’autres collectivités. 13.Promouvoir la participation des citoyens.
2/ Mesures à prendre du côté de l’offre de financements (en réformant le secteur financier ainsi que les instruments de prêt, de subvention et les programmes de développement destinés aux gouvernements locaux) : 2.1 Réformer les mécanismes de crédit et les outils financiers pour permettre aux gouvernements locaux d’emprunter. Les gouvernements centraux sont appelés à : 14.Permettre aux gouvernements locaux un accès effectif à l’emprunt en créant un environnement propice au financement des infrastructures locales. 15.Réformer les Fonds de développement municipaux notamment en accordant aux gouvernements locaux des sièges à leur Conseil d’administration, et en évaluant les prêts effectifs réalisés aux profits de petites et moyennes collectivités. Les gouvernements locaux devraient s’engager à : 16.Proposer de nouvelles politiques, rechercher et promouvoir des mécanismes innovants de financement (réfléchir autour du projet de Banque des Villes). Les institutions financières et bailleurs de fonds sont appelées à : 17.Concevoir des stratégies de prêt et d’assistance aux autorités locales de petite et moyenne taille. Cela impliquera nécessairement une refonte des programmes actuels. 18.Augmenter le volume de prêts destinés aux gouvernements locaux, avec ou sans garantie souveraine. 4
NOTE D’ORIENTATION DE CGLU SUR LES FINANCES LOCALES 19.Améliorer l’offre de prêts en allongeant leur durée, en réduisant leurs taux à l’aide de subventions, et en permettant une émission en monnaie nationale. 2.2 Renforcer ensemble l’efficacité, la transparence et l’appropriation de l’aide. Les institutions financières et bailleurs de fonds sont appelés à : 20.Améliorer l’efficacité et la transparence des programmes de développement, dans le cadre de la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide, et associer systématiquement les gouvernements locaux à la conception et à la mise en œuvre des instruments qui leur sont destinés. 21.Contribuer a l’amélioration de la coordination entre agences onusiennes, dans le droit fil des recommandations du Comité des sages mandaté par Kofi Annan sur la réforme des Nations Unies5.
3/ Propositions complémentaires et innovantes visant à stimuler les investissements publics locaux : Les gouvernements central et locaux sont appelés à réformer les entreprises publiques nationales et locales fournissant des services publics essentiels au niveau local : 22.Réviser les politiques tarifaires afin de s’efforcer de couvrir les coûts d’exploitation, mettre en place des systèmes de péréquation pour améliorer l’accès aux services essentiels des ménages urbains les plus modestes. 23.Améliorer l’articulation entre les plans de développement de ces entreprises et ceux des collectivités locales. Les gouvernements locaux et leurs partenaires sont appelés à relier plus étroitement l’urbanisme et la planification financière des infrastructures : 24.Mettre en place des plans pluriannuels d’investissement réalistes, prévoyant les sources de financement, en lien avec les plans d’urbanisme. 25.Utiliser la fiscalité locale pour décourager l’étalement urbain et promouvoir des modes de développement urbain plus compacts.
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Selon le rapport remis par le Comité, les agences onusiennes ont supervisé, entre 2004 et 2005, la dépense de près de 45 milliards de dollars (environ 40 milliards d'euros), de façon disparate, avec parfois plus de 20 agences intervenant dans un même pays sur des programmes de moins de 1 million de dollars chacun.
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