T1 du feminin et du masculin genres et trajectoires culturelles sylvie octobre

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DU FÉMININ ET DU MASCULIN Genre et trajectoires culturelles Sylvie Octobre La Découverte | Réseaux 2011/4 - n° 168-169 pages 23 à 57

ISSN 0751-7971

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Pour citer cet article :

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Octobre Sylvie,« Du féminin et du masculin » Genre et trajectoires culturelles, Réseaux, 2011/4 n° 168-169, p. 23-57. DOI : 10.3917/res.168.0023

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DOSSIER

Enfances et cultures


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DOI: 10.3917/res.169.0025

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Du féminin et du masculin

Genre et trajectoires culturelles Sylvie OCTOBRE


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L’observation longitudinale d’enfants de la fin du primaire aux années de lycée permet d’éclairer la genèse des différenciations de genre, socialement situées, face aux pratiques et consommations culturelles, mais aussi aux goûts et aux attachements, bref de s’intéresser au sens conféré par les individus à ce qu’ils font et à la place des comportements culturels dans la mise en scène de soi, pour soi-même et pour autrui, à ce moment de la construction individuelle qui voit les équilibres changer entre les rôles respectifs de la famille, du groupe des pairs et des institutions. Les origines de ces différences sont à rechercher du 1. Comme cela été montré fin 2010 dans deux colloques : « 30 ans après la distinction » (Sciences Po) et « Enfance et cultures » (Deps/AISLF).

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e nombreux travaux quantitatifs (Baudelot et Establet, 2007 ; Donnat, 2009 ; Octobre, Detrez, Mercklé, Berthomier 2010) et qualitatifs (Pasquier, 1999 ; Monnot, 2009 ; Lallouet, 2006) ont accrédité l’importance de la variable genre dans l’explication des rapports à la culture, qu’il s’agisse de degré d’investissement dans les loisirs, de composition des univers culturels, de choix de contenus et de modes de réception mais aussi de type de sociabilité générée, de représentation de la culture et des loisirs ou encore de construction de soi via la culture et les loisirs. Cette variable, dont « l’apparition » tient autant au renouveau des problématiques que des types de données collectées, propose ce qui peut sembler un déplacement de la focale d’analyse des rapports à la culture 1. Certaines analyses parlent de « féminisation » des publics de la culture (Donnat et Lévy, 2007), quand d’autres, à la croisée des Cultural studies et des Women studies, se penchent sur les « mondes des femmes et des filles » (Mitchell et Reid Walsh, 2008) pour en saisir les spécificités dans une perspective de dévoilement des voies de la « domination » masculine tout autant que des voies de la reproduction d’un ordre social. Dans une telle perspective, les travaux sur le genre ont souvent été placés dans une perspective d’émancipation ou de reconnaissance politique (Butler, 1999) et ont relativement laissé dans l’ombre l’analyse du masculin, à quelques exceptions près (Welzer-Lang et Zaouche-Gaudron, 2011). On tentera ici de considérer le genre dans une perspective relationnelle et de considérer les cas des deux sexes parallèlement.


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Méthodologie de l’enquête

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L’enquête culture a comporté quatre vagues d’interrogation aux printemps 2002, 2004, 2006 et 2008. Les enfants avaient alors respectivement 11 ans, 13 ans, 15 ans et 17 ans, et étaient, pour les enfants « à l’heure » scolairement, en CM2, 5e, 3e et 1re. À chaque vague, tous les enfants du panel 1997 ont été interrogés (questionnaires auto-administrés) sur leurs loisirs, leurs goûts, leurs visions du monde, leurs rapports à leurs parents, à leurs copains, à l’école, leur projet… Lors de la première interrogation, en 2002, les parents ont également été destinataires d’un questionnaire portant sur leurs propres loisirs, leur projet éducatif pour leur enfant, celui dont ils avaient bénéficié, les pratiques passées de l’enfant, etc. Au final, l’échantillon cylindré (rassemblant les enfants ayant répondu à chaque vague d’interrogation assortis du questionnaire parents) compte 3900 enfants. Les trajectoires culturelles sont des chaînes numériques composées des réponses des enfants à chaque vague (codées par exemple pour les intensités de consommation jamais ou presque jamais = 1, 1 à 3 fois par mois = 2, 1 à 3 fois par semaine = 3, tous les jours ou presque = 4). Exemple : un enfant qui aurait lu des livres tous les jours à 11 ans, 1 à 3 fois par semaine à 13 ans et à 15 ans et 1 à 3 fois par mois à 17 ans a la trajectoire « Livre 4 3 3 2 ». Pour une présentation détaillée, voir Octobre Sylvie, Détrez Christine, Mercklé Pierre, Berthomier Nathalie, L’enfance des loisirs : trajectoires communes et parcours individuels de la fin de l’enfance à la grande adolescence, DEPS, Paris, 2010.

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Les résultats présentés ici sont issus d’une enquête longitudinale du ministère de la Culture et de la Communication, menée en quatre vagues successives auprès d’une cohorte d’enfants tous entrés au cours préparatoire (CP) en 1997. Cette cohorte, dite « panel 1997 », mise en place par le ministère de l’Éducation nationale – DEPP (Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance) – est un échantillon représentatif au niveau national des élèves scolarisés au CP à la rentrée 1997-1998 dans une école publique ou privée de France métropolitaine, issu d’un sondage à deux degrés réalisé par tirage d’un échantillon représentatif d’écoles (1570), stratifié par taille (ici le nombre d’élèves entrant au CP) et par type d’école (privée, publique en ZEP et publique hors ZEP). L’échantillon est ensuite trié par département et taille d’unités urbaines puis fait l’objet d’un tirage aléatoire par strate des écoliers entrant en CP (taux de sondage uniforme : 1 élève sur 90 fait partie de l’échantillon). Le panel 1997 comptait à sa création un peu plus de 9600 écoliers.


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LES UNIVERS CULTURELS DES FILLES ET DES GARÇONS : DÉCALAGES, OPPOSITIONS, CONVERGENCES De la fin de l’enfance à la grande adolescence, bien des mutations interviennent : changement de rythme scolaire (passage d’emplois du temps fixes et contrôlés à des emplois du temps variables), augmentation corrélative de l’autonomie et du temps passé sans présence adulte, poids croissant des socialisations juvéniles face aux socialisations familiales et scolaires, entrée accélérée dans les marchés culturels et les codes et affiliations qu’ils produisent. Au fil de l’avancée en âge, les comportements des filles et des garçons se distinguent tant en termes d’intensités de pratiques ou de consommations que d’usages, de goûts et d’attachements. Car il faut, pour observer ces différenciations, tenir compte de ces divers registres. La seule observation des intensités de consommations amènerait par exemple à ne pas distinguer les comportements télévisuels des filles et des garçons, puisque à chaque âge ils sont presque autant à la regarder tous les jours 2, et que leurs niveaux d’attachement à cette pratique sont similaires, alors que leurs goûts en revanche les distinguent – aux garçons les émissions comiques ou sportives, aux filles les sitcoms et feuilletons télévisés – et que le rôle de l’expérience télévisuelle diffère pour les unes et pour les autres. Ainsi, les filles discutent plus que les garçons, à chaque âge, de leurs goûts, que ce soit avec leurs parents ou avec leurs copains/copines, même si 2. À 11 ans, 78 % des filles et 83 % des garçons la regardent tous les jours, ils sont respectivement 80 % et 79 % à 13 ans, 79 et 78 % à 15 ans et 65 % et 67 % à 17 ans.

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côté de la socialisation genrée mais également du côté des représentations de la culture et de la catégorisation des objets culturels eux-mêmes. L’observation de ces systèmes de différenciations et de leurs facteurs explicatifs permet de préciser le rôle des mères et des pères dans le jeu de la transmission culturelle face à leurs filles et leurs fils et dans la définition des périmètres culturels des unes et des autres, non pas seulement en termes de position dans un univers culturel mais de trajectoires culturelles de la fin de l’enfance à la grande adolescence. Mais la causalité du probable n’épuise pas l’explication du réel et les exceptions aux lois statistiques du social disent en réalité également autre chose : « l’avantage » des filles au regard des trajectoires culturelles n’évite pas que certaines soient peu investies et le « désavantage » des garçons n’interdit pas que certains le soient beaucoup. Le retour au niveau individuel permet de comprendre les irrégularités sociales qui fondent l’émergence des mutations probables. Que se passe-t-il du côté du genre ?


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l’on note que les garçons le font de plus en plus, adoptant progressivement des comportements auparavant « féminins » 3. La confrontation de ces différents indicateurs permet de comprendre les évolutions des rapports à la culture au fil de l’avancée en âge : décalages dans les calendriers culturels des unes et des autres, permanence de systèmes d’oppositions qui continuent de dire le féminin et le masculin, même si leurs définitions respectives évoluent, nouveaux déplacements et convergences de certains aspects des univers culturels.

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Les filles bénéficient en matière culturelle d’un double effet : d’une part, elles conservent plus longtemps que les garçons des loisirs de l’enfance ; de l’autre, elles s’inscrivent plus précocement dans les consommations, pratiques et usages qui composent la « culture de la chambre » (Glévarec, 2009), ainsi que dans les sorties caractéristiques de l’adolescence. Ainsi, à 11 ans, 38 % d’entre elles lisent des livres tous les jours (contre 30 % des garçons) et elles se déclarent plus attachées à cette pratique que les garçons qui lisent (44,5 % contre 38 %). Alors que la part des garçons lecteurs de livres chute de manière rapide dès l’entrée au collège (à 13 ans, seuls 13 % lisent encore tous les jours), elles sont encore 12 % à en lire tous les jours au lycée (soit deux fois plus nombreuses que les garçons du même âge) et leur attachement à la pratique reste supérieur (à 17 ans, 48 % des filles qui lisent se déclarent très attachées à cette pratique contre 30 % des garçons lecteurs). De plus, les filles conservent plus longtemps les sorties liées à l’enfance : à chaque âge, au moins la moitié d’entre elles fréquente les musées et les monuments et elles sont toujours plus nombreuses que les garçons à fréquenter les parcs d’attraction, de même que les zoos et parcs animaliers, ou encore les bibliothèques. Parallèlement, elles abordent les rivages culturels de l’adolescence plus tôt que les garçons : dès 13 ans, près de la moitié d’entre elles écoutent la radio ou de la musique tous les jours (contre respectivement 38 % et 27 % des garçons). Et elles sont durablement plus attachées à ces consommations que les garçons qui s’y adonnent également : ainsi, à 11 ans, 47 % des filles déclarent que si elles ne pouvaient plus écouter de musique cela leur manquerait beaucoup (contre 27 % des garçons), elles sont 50 % à 13 ans (contre 35 %), 68 % 3. Par exemple, à 11 ans, elles sont ainsi 84 % à en parler avec leurs copains/copines (contre 69 % des garçons) et à 17 ans, 94 % (contre 86 %).

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Décalage des calendriers culturels des filles et des garçons : plus tôt ou plus tard


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Ce double mouvement – persistance de sorties ou consommations de l’enfance et entrée plus précoce dans les univers culturels de l’adolescence – fait que les univers des filles sont plus précocement et durablement variés que ceux des garçons, ces derniers les « rattrapant » dans certains domaines deux années plus tard. Ces différences de genre sont socialement situées et varient en fonction des pratiques ou activités considérées. Dans certains cas, les facteurs se compensent ; dans d’autres, les décalages perdurent. Ainsi, une origine sociale favorisée ne suffit pas à « combler » le retard des garçons en matière d’audience radiophonique : à 11 ans, les plus auditrices de radio sont les filles de cadres (39,5 % l’écoutent chaque jour), tandis que les filles d’ouvriers et garçons de cadres ont des niveaux d’écoute quotidienne similaires (35 % et 34,5 %), équilibre qui ne varie pas avec l’avancée en âge. Le moment radiophonique préadolescent est ainsi de plus grande ampleur chez les filles que chez les garçons et les oppositions d’origine sociale y sont moins marquées, même si les enfants d’ouvriers y restent plus durablement attachés. Oppositions entre univers de filles et univers de garçons : le jeu des stéréotypes Les rapports des filles et des garçons à la culture ne sont pas explicables seulement par des décalages : des oppositions s’observent également. Les oppositions « absolues », c’est-à-dire d’ampleur importante et durable dans le temps, sont rares : seuls les jeux vidéo et le sport apparaissent à tous âges masculins, tant en termes de profils des pratiquants que de profils des attachements 4, tan4. À 11 ans, 35 % des garçons jouent aux jeux vidéo et 29 % font du sport chaque jour (contre 8 % et 15 % des filles), ils sont respectivement 36 % et 32 % à 13 ans (contre 7 % et 12,5 % des filles), 35,5 % et 32 % à 15 ans (contre 4 % et 9,5 %) et 29,5 et 27,5 % à 17 ans (contre 3 % et 7,5 %). Les garçons joueurs sont toujours plus attachés que les filles joueuses aux jeux vidéo, même si la baisse de la pratique durant les années de lycée révèle les contours d’une attitude « fan » qui peut rassembler ; à 11 ans, 53,5 % des garçons se déclarent très attachés aux jeux vidéo contre 20,5 % des filles ; à 17 ans, 17 % des garçons joueurs se déclarent très attachés contre 12 % des filles joueuses.

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à 15 ans (contre 53 %) et 76,5 % à 17 ans (contre 68 %). Elles entrent par ailleurs également plus tôt dans la culture de sortie adolescente, notamment celle qui est en lien avec leurs intérêts musicaux : elles sont ainsi plus précoces à fréquenter les concerts et les salles de spectacle (à 11 ans, ¼ est déjà allé voir un concert et 46 % un spectacle contre 20 % et 36 % des garçons).


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Mais l’accès aux pratiques ne suffit pas à expliquer les positions à l’égard du genre et les distinctions se déplacent vers les univers de goûts, même dans des pratiques a priori largement partagées. Ainsi, en matière d’écoute de musique, les filles, à 11 ans, écoutent plutôt de la chanson française, qu’il s’agisse d’Indochine ou de Renaud (pour les filles de cadres) ou de Johnny Hallyday, Garou, Jennifer (pour les filles d’ouvriers), tandis qu’au même âge, les garçons d’origine populaire plébiscitent la dance et le R’n’B et que leurs homologues issus des catégories favorisées écoutent de surcroît du rock et du rap. Six ans plus tard, à 17 ans, ces oppositions n’ont pas disparu mais se sont déplacées sous l’effet de l’importance prise, dans les deux sexes, par l’écoute de musique et la construction de compétences musicales, qui modifient les périmètres du féminin et du masculin et re-différencient les partitions socialement situées des unes et des autres : un goût populaire masculin se constitue autour du rap (auparavant caractéristique des goûts des fils de cadres) et du R’n’B, un goût populaire féminin autour de la dance (auparavant prisée des garçons de même milieu), tandis que les fils et filles de cadres se rejoignent autour du rock, auquel les premiers ajoutent le hard, le punk et le métal et les secondes le rock français (ce qui réinterprète leur goût initial pour la chanson française). On observe donc un double mouvement – des filles vers les goûts des garçons et des catégories populaires vers les goûts des catégories supérieures – qui maintient des systèmes d’oppositions où chacun dit son genre, son âge et son origine sociale. L’exemple de la musique est central pour comprendre les dynamiques identitaires de construction genrée (Lee Coper, 1991 ; Baker, 2011) car celle-ci mobilise un ensemble de « savoirs minuscules » (Pasquier, 2002), de la connais5. À 11 ans, 50,5 % des filles tiennent un journal intime (contre 17,5 % des garçons), à 13 ans, 54,5 % (contre 14 %), à 15 ans, 47,5 % (contre 8,5 %) et à 17 ans 35 % (contre 9 %). Là encore, les attachements viennent redoubler la catégorisation de genre esquissée par le profil genré des pratiquants : à 13 ans, 28,5 % des filles qui tiennent un journal intime s’y déclarent très attachées, contre 20,5 % des (rares) garçons qui le font également et cette différence se maintient durant tout le collège. Au lycée, les niveaux de fort attachement des pratiquants filles et garçons sont similaires (de l’ordre de 36 %). Même si le sens accordé pour eux-mêmes à leur pratique par les filles et les garçons qui écrivent semble converger avec l’avancée en âge, rappelons néanmoins que l’écriture est une activité rarissime chez les garçons de 17 ans. La catégorisation de genre de la pratique n’en est donc pas affectée.

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dis que le fait de tenir un journal intime 5 et – comme on vient de le voir – tendanciellement la lecture apparaissent à tous âges féminins sans que les effets de l’origine sociale ne viennent perturber cette prééminence d’un genre.


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sance des catégories et sous-catégories musicales aux codes vestimentaires et capillaires des chanteurs et chanteuses préférés, en passant par les paroles des chansons et chorégraphies qui les accompagnent, répétées dans la chambre ou la cour de récréation. Ces savoirs sont particulièrement importants notamment pour les filles au sortir du primaire (Inness, 1998 ; Livingstone et Bovill, 2001 ; Monnot, 2009), dans le jeu de démarcation d’avec le « être [encore] bébé », symbolisé notamment par le jeu avec les Barbie. La musique revêt ainsi une double fonction distinctive et identificatoire. La chanson se présente comme un support possible de l’apprentissage du passage des âges : tant dans les textes que dans l’hexis des chanteurs/chanteuses, elle favorise une forme d’éducation sentimentale et corporelle (Baker 2010), comme le fait la télévision via les sitcoms (Pasquier, 1999). Les chanteuses qui arrivent en tête du palmarès des fillettes de 11 ans de l’enquête sont caractéristiques de cette bubble pop : Lorie, Jenifer, Britney Spears, les L5 ou Shakira sont les seules à rassembler plus de 3 % des réponses et sont essentiellement citées par des filles. L’équivalent masculin de ces apprentissages identificatoires féminins existe : les garçons trouvent dans le sport, sa pratique et ses idoles, des modèles identificatoires assortis des valeurs de force et de performance supposées caractéristiques de la masculinité. Mais là encore, les temporalités des uns et des autres diffèrent : contrairement à ce qui se passe pour les filles en matière d’idolâtrie musicale, afficher un poster de sportif ne distingue pas les garçons selon le milieu social dans les premières années de collège. Le modèle de masculinité « idéal-typique » semble ainsi ne pas être différent chez les fils de cadres et d’ouvriers : il n’est pas honteux pour un fils de cadre de se conformer aux stéréotypes de son genre, cela peut même constituer une contrainte (Court, 2010), alors que cela l’est beaucoup plus pour une fille de milieu favorisé. Mais cette concordance des modèles du masculin chez les garçons d’origine sociale différente n’a qu’un temps : dès 15 ans les fils de cadres se détournent plus nettement que les autres garçons de ces modèles d’identification très stéréotypés. Les oppositions de genre sont donc de deux sortes : certaines semblent invariables dans le temps et dans l’espace social, d’autres semblent mobiles et définir de manière socialement et temporellement situées des stéréotypes où puiser des références, des ressources, tant en terme d’appartenance que d’exclusion. Convergences entre filles et garçons : la chambre digitale Il est également des objets culturels qui font converger les univers de genre. Alors que l’ordinateur reste encore chez les adultes un objet clivé sur le plan

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Les comportements des filles et des garçons à l’égard de l’ordinateur et de l’internet se ressembleraient-ils donc de plus en plus avec l’avancée en âge ? Oui, notamment chez les enfants de catégories supérieures, car l’origine sociale clive plus durablement les rapports des enfants des deux sexes dans les milieux populaires à cet objet catégorisé « masculin ». Chez les enfants de cadres, l’avantage initial des garçons ne dure pas puisque ces derniers sont rattrapés par leurs homologues filles en seconde moitié de collège et au lycée. Ce rattrapage n’a en revanche pas lieu dans les milieux populaires, où les garçons sont à tous âges plus investis dans l’usage de l’ordinateur que les filles, les enfants de cadres ayant par ailleurs toujours un niveau de pratique supérieur aux enfants d’ouvriers 6. Il y a donc bien, avec l’avancée en âge, un mouvement de convergence globale des comportements des filles et des garçons à l’égard de l’accès à l’ordinateur et de l’Internet, avec néanmoins un effet retard des catégories populaires. Comment le comprendre ? Sans doute en observant les usages de ces outils : l’internet rassemble filles et garçons autour d’usages communs, qui redéfinissent les périmètres du féminin et du masculin, cette redéfinition semblant plus difficile dans les milieux populaires. Pour tous, filles et garçons, enfants d’ouvriers et de cadres, MSN est l’usage le plus fréquent : l’ordinateur propose ainsi aux garçons une entrée dans la culture de chambre jusque-là fortement connotée par le féminin. La « chambre digitale » (Buckingham, 2010) dote les garçons de compétences et appétences à l’égard de cette culture de chambre féminine, qu’objective par ailleurs la pratique du téléphone 7 : internet permet aux garçons un usage conversationnel parfois 6. Ainsi, à 11 ans, 24 % des fils de cadres utilisent l’ordinateur tous les jours, contre 14,5 % des filles de cadres, et 12 % des enfants d’ouvriers. À 17 ans, ils sont respectivement 76 % chez les fils de cadres, 74 % chez les filles de cadres, 71 % chez les fils d’ouvriers et 64,5 % chez les filles d’ouvriers. 7. L’accès plus tardif des garçons à la conversation est de même manifeste dans la possession du téléphone portable : si à 15 ans, 82,5 % des filles en ont un (et 71 % des garçons), c’est le cas à 17 ans de 96 % des filles et de 93,5 % des garçons. Les filles sont plus nombreuses à en posséder un que les garçons jusqu’à 15 ans mais cet écart se résorbe ensuite.

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du genre (Donnat, 2009), l’observation des comportements des enfants indique que les niveaux de pratique quotidienne sont similaires pour les garçons et les filles : ainsi, à 11 ans, 13 % des filles et 16 % des garçons utilisent quotidiennement un ordinateur, ils sont respectivement 25 % et 26 % à 13 ans, 57 % pour les deux sexes à 15 ans et 66 % et 71 % à 17 ans. De plus, leurs niveaux d’attachement à la pratique sont également semblables dès 13 ans : à cet âge, 40 % des filles et 44 % des garçons se disent très attachés à cette activité, ils sont respectivement 69 % et 63 % à 15 ans et 75 % et 74 % à 17 ans.


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impossible dans les autres scènes – les adolescents peuvent ainsi discuter sur MSN avec des membres du sexe opposé avec lesquels ils ne parlent pas dans la cour de récréation du collège.. Que cet usage conversationnel soit le principe de la connexion, comme pour les messageries instantanées ou les réseaux sociaux, ou qu’il en soit un bénéfice annexe, comme pour les jeux en réseau, il favorise le développement d’une sociabilité électronique (Martin, 2004) ou médiatée (Kredens et Fontar, 2010), où ce qui est dit ou fait compte finalement moins que le lien lui-même. La participation des garçons aux forums et aux chats est un autre signe de cette mutation des stéréotypes (26 % des garçons de 17 ans participent à des chats ou des forums contre 16 % des filles) : si les pratiques « traditionnelles » d’écriture (journaux intimes, poèmes…) sont majoritairement féminines, l’usage des réseaux et des blogs les ouvre aux garçons. Et cette ouverture crée chez les garçons qui adoptent ces pratiques une réassurance face à des compétences jusque-là jugées féminines : les garçons seraient ainsi plus nombreux à juger positivement les effets de l’usage de blogs et de réseaux sociaux sur leurs compétences et leur assurance à l’écrit, sur leur goût pour l’expression écrite, qui, si elle utilise les modes traditionnels de l’écrit (lettres, poèmes, etc.) décline mais connaît une nouvelle jeunesse à l’adolescence grâce au numérique, alors inséré dans un contexte amical et familial plutôt que scolaire (Clark et Dugdale, 2009). La convergence des univers culturels des filles et des garçons se fait donc par un double mouvement d’accès des filles à des outils « masculins », parce que technologiques, et d’inscription des garçons dans des usages des outils technologiques qui renouvellent des pratiques « féminines » (écriture, conversation, etc.). De l’enfance à la grande adolescence, décalages, oppositions et convergences dessinent des paysages culturels mouvants, où les périmètres du masculin et du féminin et les stéréotypes associés évoluent et alimentent de manière dynamique la « fabrique sexuée » (Octobre, 2005) de soi, de l’enfance à la grande adolescence. L’apparente naturalisation des qualités féminines (Baudelot et Establet, 2007 ; Charles et Bradley, 2009) réinvesties dans certaines activités culturelles (goût de l’épanchement des sentiments, que ce soit dans l’écriture ou dans la musique ; goût de la discussion et des contacts dans l’importance de la dimension relationnelle, sens esthétique dans le goût pour les arts), tout comme celles des qualités masculines (goût de la compétition qui s’investit dans les jeux vidéo, goût de la dépense physique dans le sport, etc.) connaissent ainsi des modifications importantes que souligne l’importance des « passages » des un(e)s aux autres : passage de goûts musicaux, passage de goûts conversationnels…

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Les enfants occupent diverses scènes sociales, face à des systèmes d’injonctions et d’attentes variables. Premier à avoir été analysé, le métier d’enfant (Chamboredon et Prévot, 1973 ; De Singly, 2006) se définit dans la sphère familiale : il enjoint aux enfants de connaître les attentes parentales, l’économie morale des ménages et de s’inscrire dans une filiation. Le métier d’élève (Perrenoud, 1994 ; Sirota, 1993) est défini dans la sphère scolaire : il leur enjoint de répondre aux attentes et aux critères de régulation d’une institution et de son programme de formation, faisant émerger de manière cruciale la question de la performance. De la même manière, le métier de copain, apparu plus récemment dans les travaux de recherche (Pasquier, 2005), leur enjoint de maîtriser les codes de définition des âges et des groupes, pour être à la fois intégré et reconnu. Les liens entre ces trois métiers se tissent largement dans le registre culturel, qui agit également sur eux : on peut alors parler de métier de consommateur culturel 8 avec ses contraintes, ses compétences, ses modes de fonctionnement, ses temporalités (Octobre, Detrez, Mercklé et Berthomier, 2010). Les articulations entre métier d’enfant et métier d’élève peuvent être traduites en « contrats » tacites ou explicites, qui impliquent le quatrième métier : de bons résultats scolaires sont ainsi « monnayés » dans la famille contre des autorisations plus larges de consommations ou de sorties, ou encore, l’octroi d’argent de poche (qui sert souvent aux achats de produits culturels et aux sorties culturelles). De leur côté, les injonctions juvéniles sont – et c’est une de leurs caractéristiques – en prise très forte avec des codes culturels, dans lesquels elles s’incarnent de manière croissante à partir de l’entrée au collège, notamment dans la dimension expressive et interactive de la musique, de l’internet, mais aussi des comportements liés à la mode, au look, à l’affirmation d’une identité visible. La « culturalisation » des trois premiers métiers est patente, et s’accélère depuis les premières observations de Jean-Claude Chamboredon et Jean Prévot 9. 8. Le terme « consommateur » doit être entendu dans une acception large englobant les consommations, les pratiques mais aussi les sorties culturelles, comme acteur d’un rapport aux loisirs culturels. 9. « Notre objet est précisément d’étudier la transformation de la définition sociale de la prime enfance et de montrer comment la limite entre âges appelant des soins principalement psychologiques et affectifs et des âges appelant des soins culturels a reculé avec la prime enfance » (Chamboredon et Prévot, 1973, p. 295).

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LES SCÈNES SOCIALES DES FILLES ET DES GARÇONS : LOGIQUE DE RENFORCEMENT FÉMININE, LOGIQUE DE SUBSTITUTION MASCULINE ?


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L’articulation entre les différents métiers, de même que sa traduction en termes de trajectoires culturelles, et plus globalement de rapport à la culture, se construisent différemment chez les filles et chez les garçons, tant parce que filles et garçons ne bénéficient pas des mêmes socialisations que parce qu’ils n’occupent pas de la même manière ces différents espaces ou scènes sociales. Les filles se caractérisent par une logique de renforcement entre scènes sociales, là où les garçons mettent plutôt en œuvre une logique de substitution.

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Les raisons de l’engagement différentiel des garçons et des filles dans les loisirs culturels peuvent être recherchées dans les modes de socialisation dont ils et elles bénéficient au sein de la scène familiale. La présence dans l’enquête d’information concernant la socialisation culturelle transgénérationnelle (sur trois générations) permet de montrer combien l’appétence culturelle se transmet et comment cette transmission se transforme selon le genre de l’enfant, du parent et la catégorisation de l’activité considérée. La socialisation transgénérationnelle à la culture, comme pour d’autres transmissions familiales (Muxel, 1996 ; Bertaux-Viame et Muxel, 1996), place les filles/femmes dans une double position de passeuses et de réceptrices privilégiées. Les interactions éducatives précoces apparaissent marquées globalement par le sceau du féminin : elles émanent plus des mères que des pères (tableau 1). Mais la catégorisation des activités elles-mêmes introduit des variations : dans les activités qui sont « naturellement » masculines, les mères sont tendanciellement moins présentes (ordinateur, sport). Cette partition sexuée est plus accentuée dans les milieux populaires que dans les catégories supérieures, où le périmètre du masculin et du féminin semble plus sujet à négociation individuelle et où persistent des traces de l’idéal de mixité caractéristique des années de scolarisation des parents. Les milieux populaires mettent en œuvre plus nettement les stéréotypes de sexe et organisent plus les consommations partagées avec leur enfant sur la base de la reconnaissance d’un statut de consommateur (écouter de la musique ou regarder la télévision), notamment avec leur fille. La prise en charge de la socialisation culturelle précoce est donc tendanciellement faite par les mères mais la socialisation semble relativement similaire pour les filles et les garçons à 11 ans (exceptions faites de l’écoute de musique, déjà plus féminine et du sport déjà plus masculin). C’est avec l’avancée en âge

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Des mères aux filles ?


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Tableau 1. Socialisation précoce, genre et origine sociale aux 11 ans de l’enfant profession du chef de famille Ouvriers

Sexe de l’enfant

Sexe du parent

Cadres Filles Garçons Mères Pères

94,5 84,5 73 47,5

85 85,5 67 75,5

91,5 84,5 72,5 59,5

92 85,5 65,5 59

87,5 74,5 63 37,5

72 60 39,5 40,5

56,5

57

57,5

56

52,5

25

45

63

46

55,5

52,5

25

36

42

44

33,5

34

13

82 83 76 59 52 45 51 34 18

96 89 97 81,5 78 87 55 59 45

86 84,5 83 69,5 63 60,5 44 50,5 32

88 87 85,5 68,5 60,5 60,5 62 35,5 25

83,5 82 78 64 56,5 58,5 37,5 41 26,5

74,5 73,5 62,5 45 21 47,5 45 28 18,5

Base : tous les parents. Note de lecture : 91,5 % des parents déclarent qu’ils regardent souvent la télévision avec leur enfant. Cette proportion est de 94,5 % quand le chef de famille est ouvrier et de 85 % quand il est cadre.

que le caractère féminin du lien culturel s’affirme. Pourtant plus promptes à s’émanciper des consommations réalisées avec les parents, les filles en maintiennent néanmoins plus longtemps : ainsi à 11 ans, 37,5 % d’entre elles déclarent écouter la radio avec leurs parents (contre 40 % des garçons) mais elles sont toujours 25,5 % à le faire à 17 ans (contre 21 % des garçons). Le même mouvement s’observe pour la télévision, l’écoute de musique enregistrée, le sport, les jeux vidéo ainsi que la plupart des sorties. Les filles se caractérisent par ailleurs par une intensité d’échanges discursifs avec leurs parents supérieure à celle des garçons : à 17 ans, elles abordent tous les sujets plus que les garçons avec leurs parents (goûts, sentiments, copains, école, sexualité, problèmes, événements familiaux, actualité, projets d’avenir). Enfin, elles maintiennent également plus

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Parmi les activités suivantes, quelles sont celles que votre Ensemble enfant fait souvent avec vous ? (%) 91,5 Regarder la télévision 85 Jouer 69 Écouter de la musique 59,5 Utiliser un ordinateur Lire des livres, des magazines, 57 des journaux 51 Faire du sport Faire du dessin, de la musique, 38,5 du chant, de la danse Parmi les lieux suivants, quels sont ceux où votre enfant est allé au moins une fois avec vous ? 87 Zoo, parc animalier, aquarium 85,5 Parc d’attraction 84,5 Cinéma 69 Cirque 61,5 Bibliothèque 60,5 Musée, monument 53 Match, manifestation sportive 43 Spectacle de danse, théâtre, opéra 28,5 Concert


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Ces dispositions paraissent relativement durables dans la succession des générations. Dans leur enfance, les mères ont ainsi bénéficié de plus d’attentions éducatives de la part de leurs propres parents, et celles-ci, comme pour les pères, ont surtout porté sur le renforcement de leurs compétences supposées ou attendues selon les stéréotypes attachés à leur genre : à elles, les performances scolaires et les activités qui réactivent la trame de la filiation (discuter, se promener, mais aussi la plupart des activités de loisirs, notamment culturels) ; à eux, les activités développant les aptitudes physiques (le sport). En outre, les mères semblent avoir plus effectué de sorties avec leurs parents, dans l’ensemble des lieux de loisirs, notamment pour ce qui concerne les sorties culturelles (bibliothèques, concerts, musées). Par ailleurs, elles ont été, plus que les pères, des réceptrices des transmissions matérielles et les variations de milieux sociaux, réelles, n’entravent pas cette assignation aux femmes des transmissions de la mémoire familiale 10. Dans tous les milieux, il semble ainsi que la socialisation culturelle des parents par les grands-parents ait placé les mères, dans leur enfance, dans une double logique : d’une part, une logique de filiation, comportementale et narrative, qui favorise les consommations et sorties familiales ainsi que les transmissions matérielles ; d’autre part, une valorisation de la culture, sous ses diverses formes, dont les objets et les lieux deviennent les supports privilégiés des mécanismes de filiation et de transmission. Et il semble qu’une fois devenues mères, ces femmes aient reproduit largement ce modèle avec leurs enfants. Est-ce à dire que rien ne change au pays des transmissions culturelles ? Certains éléments peuvent accréditer l’existence d’évolutions dans ces stéréotypes sexués d’une génération à l’autre. Dans leur enfance, les pères ont ainsi été plus socialisés aux spectacles (danse, théâtre, opéra) que les mères (31 % contre 19,5 %), ce qui laisserait supposer que la catégorie spectacle était alors plus masculine, alors que toutes les observations portant sur les comportements actuels des parents et la socialisation culturelle dont ils font bénéficier 10. Chez les parents ouvriers, les mères ont 1,8 fois plus de chances que les pères d’avoir reçu en héritage des livres que de ne pas en avoir reçu, et 3,5 fois pour les disques, et chez les parents cadres, des odds ratio sont de 1,5 et de 1,6.

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de sorties avec leurs parents. Le lien culturel « féminin » se construit donc à la fois par une présence particulière des mères dans la socialisation précoce des enfants, une meilleure adhésion des filles aux modèles parentaux et une catégorisation de la plupart des objets et pratiques culturels comme « féminins ».


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leur enfant les rangent désormais du côté des activités féminines : ce sont les mères plus que les pères qui vont au spectacle à titre personnel (42,5 % des mères contre 36,5 % des pères) et ce sont également elles qui y amènent leur enfant (41 % des mères contre 28 % des pères). Y aurait-il eu mutation de la catégorisation sexuée de cette pratique, mutation qui corroborerait les analyses en termes de féminisation de la culture légitime, tant en termes de profil des publics que de représentations des pratiques ? D’autres mutations doivent aux effets de contexte. L’apparition de l’ordinateur, auquel les parents n’ont pas pu être socialisés durant leur enfance, indique comment les rôles assignés à chaque sexe se reconfigurent : les pères sont plus nombreux que les mères à en utiliser un quotidiennement durant leurs loisirs (20,5 % contre 14 %) et ils ont également pris en charge la socialisation à ce média (aux 11 ans de l’enfant, 40,5 % des pères l’utilisaient avec leur enfant contre 37,5 % des mères), ce qui confère au père une fonction de socialisation occupée par les mères dans la plupart des autres registres culturels, notamment dans les milieux populaires. Cette dernière remarque indique combien l’apparent gynocentrisme des analyses (les mères et les filles ayant des positions prééminentes) ne doit pas faire oublier la part des pères et des garçons et les mutations qui interviennent dans les mobilités identitaires masculines au sein des familles. Le temps du repli homolatique La socialisation familiale, même d’importance majeure, ne suffit pas à expliquer les positions culturelles plus favorables des filles. Si les filles s’inscrivent durablement dans le métier d’enfant dans une logique de filiation qui n’interdit pas l’émancipation, elles sont également durablement plus investies dans les scènes juvéniles 11 sans que celles-ci n’entrent en conflit systématique avec la première. Dès 11 ans, les copains sont des « accompagnants », des transmetteurs de culture, des valideurs potentiels d’identité culturelle, essentiels dans la construction de soi de l’enfant à travers les pratiques culturelles. Ils sont dans l’ensemble peu initiateurs en matière de consommations domestiques auxquelles ils prennent peu part, celles-ci étant logiquement plus souvent réalisées avec ceux qui habitent sous le même toit. Néanmoins, ils jouent un rôle plus important (notamment plus important que les membres de la fratrie) en matière d’activités en amateur (sportives notamment) réalisées hors domicile, 11. On a construit une trajectoire de socialisation juvénile sur la base des réponses aux questions portant sur la taille du réseau de copains, les effets d’incitations aux pratiques et sorties, les partages de consommations ou de sorties et l’accompagnement aux pratiques.

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Les filles sont plus enclines à recevoir les initiations de leurs copains et copines, sauf en matière de sport, de même qu’elles sont plus nombreuses à écouter de la musique, ou à faire une activité artistique avec leurs copains/copines. Elles sont par ailleurs particulièrement investies dans les échanges discursifs, qui ne suivent pas linéairement l’évolution des co-consommations ou des sorties communes, puisque ceux-ci mettent en jeu une autre dimension de la présentation de soi, à laquelle les filles sont plus nombreuses à participer intensément : les filles discutent avec leurs amies nettement plus de tous les sujets que les garçons – désirs et projets d’avenir, goûts, sentiments, problèmes, relations avec les parents, événements familiaux, modifications du corps et sexualité (à l’exception de l’actualité, sujet plus masculin et de l’école, du collège ou du lycée, qui est un sujet mixte) 12. Les filles imbriquent donc plus leurs comportements à la dimension relationnelle que les garçons. Et cette dimension relationnelle est fortement genrée, car mixité scolaire ne signifie pas mixité relationnelle : le début de l’adolescence est marqué par une forme de « repli homolatique » (Moulin, 2005) et d’entre-soi, avant que ne se (re)compose, au lycée, une mixité relationnelle. Au collège, les copains des garçons sont plutôt des garçons et ceux des filles plutôt des filles, et le phénomène est très marqué pour le ou la meilleur(e) ami(e). Ce temps de l’entre-soi produit des effets différents chez les garçons et les filles : dans la « maison des filles », les produits culturels et l’expressivité dont ils peuvent être les supports prennent une place importante, tandis que se maintiennent des liens familiaux intenses, notamment avec les mères et que se mettent en place des phénomènes de renforcement de disposition dans les diverses scènes sociales. Les filles mettent ainsi en place des stratégies relationnelles afin de maintenir leurs positions sur les diverses scènes, dans les cas de conflit potentiel : le déclin avec l’avancée en âge de « l’idolâtrerie » des filles à l’égard des chanteuses et chanteurs (Amiram Raviv, David Bar-Tal, Alona Raviv, Asaf BenHorin, 1996), manière de fan-attitude qui s’exprime dans la scène familiale par 12. Par exemple, à 11 ans, 84 % des filles parlent de leurs goûts avec leurs copains/copines (contre 69,5 % des garçons), et 62 % de leurs sentiments (contre 39 %). Elles sont respectivement 90 % et 79,5 % à 13 ans (contre 77 % et 48 %), 93.5 % et 89 % à 15 ans (contre 83 % et 61 %) et enfin 94 % et 92 % à 17 ans (contre 90.5 % et 82.5 %).

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qu’il s’agisse d’initiations ou de co-pratiques, celles-ci devenant des occasions de rencontres, d’échanges et d’autonomisation par rapport à la cellule familiale. Ils influent également sur les choix en matière de lecture (quel que soit le support), mais sont encore peu présents dans les sorties.


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l’affichage de posters aux murs de la chambre, peut être du à une crainte de la stigmatisation dont souffrirait ce mode d’investissement sur la scène juvénile que peut également devenir la chambre, notamment aux yeux des garçons (Pasquier, 2003 ; Le Gern, 2002). Dans la « maison des garçons » 13, on note plutôt un phénomène de substitution, la bande de copains venant progressivement supplanter les modèles parentaux, et notamment maternel, en matière de loisirs culturels. Ces « maisons » sont socialement situées : à tous les âges, les enfants de cadres discutent plus avec leurs copains/copines de tous les sujets que les enfants d’ouvriers, différence de culture relationnelle, qui peut être rapportée à la « psychologisation » des classes favorisées, notamment masculines (Maigret, 1995) qui favorise un investissement culturel varié.

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La même différenciation entre filles et garçons s’observe dans le rapport à l’école et les modèles culturels que celle-ci promeut 14. L’effet de l’école en matière culturelle est rarement tangible en matière d’accès aux consommations et pratiques culturelles : l’école intervient marginalement en matière d’initiation aux produits des industries culturelles, l’effet d’initiation et d’incitation de l’école n’est pas plus avéré en matière d’activités extrascolaires (l’effet d’incitation de l’école est marginal en matière d’activités artistiques 15), et est en outre faible en termes de lecture (les enseignants sont les initiateurs du journal préféré dans seulement 6 % des cas et ne jouent apparemment aucun rôle dans le choix du dernier livre lu). En revanche, l’école favorise la socialisation aux équipements culturels, musées en tête 16 : ce faisant, elle agit comme un facteur de démocratisation culturelle en participant à la compensation des inégalités liées à la stratification sociale des sorties culturelles familiales, qui portent plus les familles de cadres que d’ouvriers à aller dans les musées, les théâtres, et autres lieux de diffusion de la culture classique. Plus encore, l’école valorise un rapport implicite à la culture que la pédagogie du livre et de la lecture incarne, au-delà de cette seule pratique, prorogeant 13. Daniel Welzer Lang parle pour sa part de « maison-des-hommes » (Welzer Lang, 2004). 14. On a construit une trajectoire de socialisation scolaire sur la base des réponses aux questions portant sur l’incitation aux pratiques culturelles, aux sorties culturelles et au niveau scolaire. 15. 3 % des enfants déclarent avoir été initiés à une pratique artistique par un enseignant. 16. À 11 ans, 50,5 % des enfants déclarent que leur dernière visite de musée a été réalisée dans le cadre scolaire ; ils sont 54 % à 17 ans.

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La socialisation scolaire


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une hiérarchie des valeurs culturelles légitime 17. Mais ce modèle ne porte pas ses fruits sur les deux sexes de la même manière, ne serait-ce que parce que filles et garçons ne connaissent pas les mêmes destinées scolaires : dès le collège, les filles sont moins souvent en retard scolaire que les garçons, même si le fait d’être une fille ne préserve pas du redoublement en milieu ouvrier. Au final, à 17 ans, seulement 32 % des fils et 14,5 % des filles de cadres sont en retard dans leur parcours scolaire, contre 57 % des fils et 47,5 % des filles d’ouvriers. Par ailleurs, le passage par le collège se caractérise par une distanciation croissante du modèle scolaire qui se traduit par une vision plus critique : le sentiment d’ennui en classe, rare en fin de primaire puisqu’il ne concerne que 7 % des garçons en fin de primaire et 3,5 % des filles, devient important au lycée, notamment chez les garçons (25 % des garçons contre 18,5 % des filles), ces sentiments critiques étant toujours plus marqués dans les milieux populaires. Les négociations autour du métier d’élève, qui engagent plus la définition statutaire des enfants que leur identité personnelle (sauf sur le registre de l’échec), sont donc à la fois complexes et problématiques, et le champ culturel, notamment celui de la culture classique, pâtit du rapport étroit qu’il entretient avec l’institution scolaire dans la prise de distance qui caractérise l’avancée en âge, en particulier chez les garçons et ce d’autant que les profils sexués de la profession d’enseignants en font un monde aux modèles plutôt féminins. Les garçons, notamment de milieu populaire, sont donc tendanciellement moins favorablement imprégnés du modèle culturel scolaire que les filles, notamment de cadres, à la fois parce qu’il s’agit de culture scolaire et parce que celle-ci est véhiculée par des femmes… les valeurs véhiculées dans le milieu scolaire pouvant même paraître contraires aux valeurs masculines des milieux populaires (Eckert et Faure, 2007). Alors que les filles « cumulent » les avantages des scènes familiales, juvéniles et scolaires, les garçons semblent vivre ces articulations plus souvent sur le mode de la substitution ou de l’opposition, parce que dans chacune de ces scènes, ils sont en prises avec des modèles de rôle qui leur imposent de reconfigurer le périmètre du masculin, la représentation des biens des objets 17. Claude Grignon et Jean-Claude Passeron rappellent ainsi que « la lecture n’est pas une pratique culturelle comme les autres, comme l’écoute de la musique, le feuilletage des images, le cinéma, la peinture… Elle est nécessaire pour toutes les autres communications de sens (…). C’est pour cette raison que la pédagogie de la lecture est la condition de toutes les autres pédagogies culturelles », in « Culture savante, culture populaire. Débat », Les Actes de lecture, n° 80, 2002, p. 43.

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culturels, travail de « mobilité des identités » de genre (Castelain Meunier, 2005) qui semble particulièrement complexe.

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Le genre apparaît bien comme une variable majeure d’explication des rapports à la culture. Pourtant, la sociologie de la culture en France, le plus souvent fondée soit sur la théorie critique de la reproduction soit sur celle de la transmission, a accordé une place centrale à l’origine sociale, mesurée, malgré les mutations de la famille, par la position sociale du père 18 et a fait de la différence de genre, « une différence dans la différence » (Passeron et de Singly, 1984), c’est-à-dire une différence secondaire. Cette question du poids du genre par rapport aux autres variables sociodémographiques – et l’origine sociale en particulier – apparaît dans d’autres pans de recherche sur les adolescents : ainsi dans le domaine scolaire, les débats autour de la mixité et des réussites différentielles des filles et des garçons révèlent l’existence d’une « fracture sexuée » qui paraît parfois plus importante que la fracture sociale (Auduc, 2007). Effet transitoire lié à l’âge ou effet structurant de nouveaux rapports sociaux ? Que nous apprend le champ culturel sur ce point ? La puissance explicative des observations des tenants des analyses féministes et de celles portant sur les enfants (Pugh, 2011) rejoignent les préoccupations de certains sociologues de la culture (Glévarec, 2009) qui discutent la prédominance des explications en termes de stratification sociale et de légitimité culturelle, fussent-elles aménagées. Des trajectoires culturelles globales plus favorables chez les filles Décalage, opposition et convergence, diversité des socialisations familiale, juvénile et scolaire dessinent des trajectoires individuelles de rapport à la culture et aux loisirs différentes pour les filles et pour les garçons : les premières sont plus nombreuses parmi les enfants qui présentent les trajectoires globales les plus favorables, tandis que les seconds sont plus nombreux parmi ceux qui présentent des trajectoires globales défavorables.

18. Louis André Vallet rappelle combien les tentatives de mesure de la position sociale de la famille par un croisement des positions sociales de la mère et du père (« classification socioprofessionnelle croisée des conjoints ») sont restées sans suite (Vallet, 2001).

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UNE « DIFFÉRENCE DANS LA DIFFÉRENCE » ?


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Au lieu de raisonner sur les pratiques de sorties et consommations prises une à une, on raisonne pour ce qui suit sur la trajectoire de rapport global à la culture pour chaque enfant. Cette trajectoire globale se déduit des trajectoires par pratiques, sorties et consommations de l’enfant. Pour construire ce rapport global à la culture, on a réalisé une typologie sur les différentes trajectoires culturelles individuelles (consommations de télévision, de radio, écoute de musique enregistrée, jeux vidéo, ordinateur, lectures de livres, de BD, de presse, pratique d’un sport ou d’une activité artistique ; sorties au musée, au monument, au spectacle, au concert, à la bibliothèque, au cinéma, mais aussi à une manifestation sportive, un parc d’attraction, dans un zoo, un cirque, ou encore une discothèque) 19. Ces trajectoires globales sont réparties en cinq classes : « très favorables », « favorables », « intermédiaires », « défavorables », « très défavorables ». Compte tenu de la multi-dimensionnalité des trajectoires globales, ces termes ne valent pas jugement des trajectoires, mais servent à positionner les trajectoires globales les unes par rapport aux autres, et notamment par rapport aux trajectoires moyennes, le favorable désignant un investissement supérieur à la moyenne et le défavorable un investissement plus faible.

En effet, 3/4 des membres du groupe qui présente les trajectoires culturelles globales les plus favorables, caractérisées par un investissement précoce, durable et croissant, sont des filles. Celles-ci cumulent fréquentation durable des équipements culturels – musée (deux fois plus que la moyenne), lieux de spectacle (trois fois plus que la moyenne), concert (quatre fois plus que la moyenne) – et fréquentation des lieux de loisirs (parc d’attraction, zoo) avec un fort investissement dans les pratiques artistiques (trois fois plus que la moyenne), dans la lecture quotidienne de livre (trois fois plus que la moyenne), mais aussi l’écoute quotidienne de radio ou de musique (une fois et demie plus que la moyenne dans chaque cas) ou encore la pratique du sport à un rythme hebdomadaire (une fois et demie plus qu’en moyenne). Seule l’audience de la télévision accuse un retard puisque les membres de ce groupe en sont des consommateurs plutôt modérés (ils sont deux fois et demie plus nombreux à la regarder seulement à un rythme hebdomadaire sur toute la période). Enfin, 19. On observe que la contribution des trajectoires individuelles de sorties culturelles à la construction de cette typologie (et donc à la différenciation des rapports globaux à la culture des enfants) est plus importante que celle des consommations culturelles dont certaines confinent à la généralisation (comme la consommation de télévision).

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Trajectoires globales de rapport à la culture


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la pratique de l’ordinateur et de l’internet connaît une progression particulièrement forte avec l’avancée en âge : un tiers l’utilise chaque semaine à 11 ans puis quotidiennement (soit plus d’une fois et demie plus que la moyenne). Par ailleurs, elles font preuve de goûts diversifiés : c’est vrai en matière de livres, puisqu’à chaque âge, elles figurent parmi ceux qui citent le plus grand nombre de genres de livres aimés, des « Histoires dont tu es le héros » et histoires ou contes aux séries, en passant par les romans de science-fiction, les histoires comiques, les romans historiques, les romans d’aventures, les romans policiers… et les romans d’amour. C’est également vrai en matière de musique : à chaque âge, ce groupe fournit à lui seul plus d’un tiers des amateurs de genres musicaux aussi différents que les variétés internationales et françaises, le jazz, la musique classique et les musiques du monde, ou encore le rock à partir de 13 ans et le hard rock à partir de 15 ans. C’est vrai enfin en matière d’usages de l’ordinateur puisque ces enfants sont à chaque vague les plus investis dans les pratiques communicationnelles (forums, chats, messagerie, etc.) mais également dans la création (logiciels de dessin, photos, etc.), cet intérêt pour le multimédia étant progressivement déconnecté de celui pour les jeux vidéo : près d’un quart, initialement joueurs modérés (ils jouaient à un rythme hebdomadaire) abandonnent progressivement cette activité (soit plus d’une fois et demie plus que la moyenne). À l’inverse, près des trois quarts des enfants qui présentent des trajectoires très défavorables sont des garçons. Ces derniers se caractérisent par un retrait en matière de loisirs et de sorties : ils vont durablement moins au spectacle (ils sont trois fois plus nombreux que la moyenne à ne pas être allés voir un spectacle), au concert (ils sont deux fois plus nombreux que la moyenne à ne pas être allés), et sont durablement moins investis dans les pratiques artistiques (ils sont deux fois plus nombreux que la moyenne à ne pas en avoir), ainsi que dans la lecture (ils sont trois fois et demie plus nombreux à être non lecteurs de livres de 11 à 17 ans, deux fois plus nombreux à avoir abandonné ce type de lecture au cours de l’adolescence, ainsi que trois fois plus nombreux à être durablement non-lecteurs de presse et deux fois plus nombreux durablement non-lecteurs de bandes dessinées). Mise à part la télévision dont ils sont massivement et précocement les plus consommateurs (82,5 % la regardent tous les jours de 11 ans à 17 ans), ils se tiennent à l’écart des autres médias, soit par effet de distance, comme c’est le cas en matière de radio (13,5 % d’entre eux n’écoutent jamais la radio de 11 ans à 17 ans) soit par effet de retard, comme c’est le cas pour l’usage de l’ordinateur (54 % n’en utilisaient pas à 11 ans et le découvrent par la suite, soit deux fois plus que la moyenne), mais également d’écoute de musique enregistrée (19 % la découvrent seulement à l’ado-

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lescence soit deux fois et demie plus que la moyenne) ou encore d’écoute radiophonique (près d’un tiers la découvrent seulement après 13 ans soit une fois et demie plus que la moyenne). Pour autant, ces garçons ne rattrapent pas les autres enfants en matière de diversification des usages – en matière d’ordinateur, un tiers voient même ces usages se restreindre – et l’usage le plus prégnant, notamment entre 15 et 17 ans, reste lié aux jeux vidéo. De même, en matière d’écoute de musique enregistrée et de radio, leur niveau d’investissement, malgré ce rattrapage, figure parmi les plus bas en fin de période. Et là encore, il s’accompagne d’un retrait en matière de diversification des goûts : en matière de musique, la majorité des enfants de ce groupe présente un éventail de goûts faiblement diversifié à 11 ans et qui se restreint avec l’avancée en âge. C’est dire combien le devenir culturel des filles et des garçons de la fin de l’enfance à la grande adolescence diffère.

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L’approche en termes d’arbre de décision permet de préciser le jeu de ces facteurs (voir schéma 2). Le diplôme de la mère apparaît ainsi comme le facteur le plus discriminant des trajectoires culturelles des enfants, puisqu’un enfant ayant une mère diplômée du bac ou du supérieur a deux fois plus de chance de chances d’avoir une trajectoire culturelle très favorable que si sa mère est sans diplôme ou titulaire d’un diplôme inférieur au bac. Le deuxième facteur différenciant les trajectoires culturelles est le genre et confirme qu’être une fille est un avantage culturel indéniable : les filles de mère non diplômée ont autant de chance d’avoir une trajectoire culturelle très investie que les garçons qui ont une mère diplômée du bac ou de supérieur. On peut même avancer que le poids du genre est d’autant plus important que joue non seulement le sexe de l’enfant mais également celui du parent, puisque le niveau de diplôme de la mère explique bien mieux les différences entre les trajectoires culturelles des enfants que celui du père, ou encore que sa profession 20. Par ailleurs, le niveau de diplôme de la mère joue plus fortement sur les filles que sur les garçons : ainsi, si la mère est titulaire d’un baccalauréat ou plus, la probabilité pour son enfant de figurer parmi ceux qui présentent une trajectoire culturelle très favorable est deux fois plus importante si cet enfant est une fille (32 % pour une fille et de 15 % pour un garçon). De même, lorsque la mère est titu20. Ceci plaide pour une appréhension genrée de l’origine sociale, où soit intégrée autant la position du père que celle de la mère, sous le double angle de l’activité professionnelle et du niveau de diplôme.

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Le poids du féminin sur les trajectoires culturelles globales


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laire d’un diplôme inférieur au baccalauréat, la probabilité pour son enfant de figurer parmi ceux qui présentent une trajectoire très défavorable est moitié moindre pour les filles (14 % pour les garçons et 7 % pour les filles).

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Matthieu ou le travail de mobilité identitaire des garçons Présenter une trajectoire culturelle très favorable est donc statistiquement rare pour un garçon, car l’on voit combien les stéréotypes, les socialisations et catégorisations culturelles constituent tendanciellement la plupart des objets culturels comme relevant du « féminin » : féminin des profils sexués des pratiquants, féminin de la socialisation maternelle, juvénile ou scolaire, féminin de la catégorisation naturalisée des objets culturels… Le travail de mobilité identitaire des garçons présentant des trajectoires culturelles est complexe et mobilise un ensemble plus vaste et plus original de ressources : autrui significatifs autres que les parents, médias, etc. Que dire de ces garçons ayant une mère peu ou pas diplômée, placés dans un climat familial où la transmission culturelle fonctionne peu et ayant une socialisation culturelle scolaire faible ou très faible et qui ont néanmoins des trajectoires culturelles favorables ou très favorables ? Comment ces garçons négocient-ils avec l’ensemble des catégorisations de genre pour parvenir à développer des trajectoires culturelles favorables, auxquels statistiquement ils sont moins destinés que les filles ? Pour le comprendre et face à la rareté des cas, il faut quitter le niveau statistique et revenir au portrait individuel. Celui de Matthieu nous permet de saisir l’écheveau étroit des négociations, bifurcations, braconnages qui expliquent sa trajectoire culturelle favorable, alors qu’il ne dispose d’aucune des ressources statistiquement favorables.

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L’impact du diplôme de la mère est donc majeur et le jeu des combinaisons relativement simple dès lors qu’elle est diplômée (intervient seulement ensuite soit le diplôme du père soit sa catégorie socioprofessionnelle selon le sexe de l’enfant). Lorsqu’elle ne l’est pas, le jeu des facteurs devient plus complexe faisant intervenir socialisation des pairs, climat familial, socialisation scolaire et statut d’emploi du père dans des combinaisons variables selon le sexe de l’enfant. Dans tous les cas, les filles ont plus de chance de présenter des trajectoires plus favorables que les garçons tandis que les effets négatifs d’un faible niveau de diplôme de la mère sur les trajectoires culturelles des enfants ne sont pas totalement compensés par le jeu positif de certains autres facteurs : socialisation scolaire, socialisation juvénile, PCS du chef de famille ou diplôme du père…


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Matthieu fait partie des enfants présentant des trajectoires culturelles très favorables : exception faite de la lecture, domaine dans lequel Matthieu reconduit la distance parentale, Matthieu est investi dans les loisirs culturels domestiques et de sorties car il tire partie d’un ensemble d’incitations sur diverses scènes sociales, en donnant des gages par ailleurs de son « bon » ancrage de genre via le sport : il fréquente les musées et les concerts, tout en étant familier des parcs d’attraction, il est fortement investi dans les consommations audiovisuelles (notamment musique et radio) tout en développant un intérêt croissant pour le multimédia, et il est durablement investi dans une pratique amateur et dans le sport. Pourtant, il est issu d’un environnement familial qui ne le prépare pas à un investissement dans le loisir polymorphe. Le capital culturel de ses parents est faible – son père est ouvrier sans diplôme, et sa mère, employée et titulaire d’un diplôme inférieur au Bac. Par ailleurs, les pratiques culturelles familiales sont rares et le rapport aux loisirs des parents est placé sous le signe du sport. Le profil familial est peu connaisseur des équipements culturels (exception faite du cinéma) et ce modèle de faible investissement est transgénérationnel : les grands-parents passaient eux-mêmes peu de temps avec leurs enfants durant leurs loisirs (pas de lecture, de sorties, d’ordinateur, etc.) sauf pour le sport. La socialisation transgénérationnelle opère une mutation de ses formes mais c’est le sport qui constitue sa ligne de force. Ainsi, les grands-parents de Matthieu, autrefois peu investis auprès de leurs propres enfants, sont très présents dans sa socialisation aux loisirs, d’abord parce qu’ils sont les premiers pourvoyeurs d’argent de poche, que Matthieu affecte principalement à l’achat de supports musicaux, et parce qu’ils sont également des accompagnants de certaines pratiques sportives : le rugby est ainsi « passé » par le grand-père maternel de Matthieu. C’est bien le sport qui domine, en termes de représentations et de pratiques : si le registre de l’épanouissement personnel est le registre mobilisé par les parents dans la vision des loisirs pour leur enfant, qu’il s’agisse de sport, de lecture ou de pratiques artistiques seul le premier trouve sa place dans leur agenda de loisirs, sous des formes multiples : judo, escalade, etc. Et ce sont les activités sportives de Matthieu qui sont soutenues par les parents, notamment le père, et ceux-ci formulent même de nouveaux projets en la matière : que Matthieu fasse des sports mécaniques. Le sport est donc l’élément moteur de la vie culturelle de cette famille et de son projet de transmission. Néanmoins, ce modèle présente une originalité : le modèle parental est placé sous le signe d’une inversion des stéréotypes de genre. Si la mère de Matthieu endosse le rôle traditionnel dévolu aux mères dans la socialisation culturelle, incluse dans l’éducation domestique, elle présente par ailleurs un profil sportif très investi. Elle fait du tennis, activité qu’elle pratique de longue date, en club, avec des amis, sans son conjoint. Elle a par ailleurs pratiqué auparavant le football pendant de nombreuses années et déclare que c’était très important pour elle. Un autre déplacement de genre s’observe : c’est le père qui gardait Matthieu le mercredi lorsqu’il était en primaire.

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Matthieu se situe dans une logique de filiation et de réinvention par rapport à ce modèle sportif : il a durablement un fort investissement dans le sport qui traduit également les mutations et les réinterprétations des influences dont il a bénéficié. À 11 ans, le judo et le rugby sont ses passions. Son enseignant de judo, un homme, occupe une place particulière puisqu’il lui a fait découvrir cette activité, mais également le rugby et que ses conseils sont également mobilisés en matière de… lectures ! À 13 ans, il se passionne pour le football, héritage maternel autant que sport « masculin », et pour le rugby ; et à 17 ans, pour le football et la danse électro. Les passions sportives de Matthieu illustrent ainsi le mouvement de filiation et d’investissement masculin, tout autant que de réinvention : le judo et le professeur de judo ont un temps fait écran à l’héritage maternel, celui-ci est transformé quand le football devient rugby, enfin, l’invention apparaît via la danse, rendue possible par le caractère masculin de l’électro et peut-être aussi par les gages donnés à la virilité dans le rugby. Matthieu tire en outre parti de la socialisation scolaire aux équipements culturels pour se construire un goût pour ces lieux, qu’il continue de fréquenter au-delà des situations de publics captifs. Élève médiocre (il était en difficulté dès le CP, a redoublé), Matthieu entretient un rapport néanmoins positif à l’institution scolaire du fait de son orientation en filière professionnelle en spécialité mécanique, puisque celle-ci le rapproche de son père, passionné d’automobile : la filiation paternelle est donc ainsi renouée… L’institution scolaire peut donc jouer dans ce contexte un rôle positif dans la socialisation de Matthieu aux équipements culturels, alors que la socialisation familiale se concentre sur le cinéma, le zoo et le cirque. Par ailleurs, l’importance de la sociabilité juvénile est précoce chez Matthieu. Dès 11 ans, il passe beaucoup de temps avec ses copains et bénéficie d’une diversification des modèles culturels auxquels il est confronté, d’autant que nombre de prises en charge d’aller-retour pour les activités extrascolaires sont faites par les parents des copains. Cette importance de l’affiliation juvénile se lit également dans la présence d’un look, même si celui-ci change : à 11 ans, Matthieu déclare avoir un look « cité » ; à 17 ans, « fashion ». Si Matthieu a une sociabilité mixte à 11 ans – il a des réseaux de copains et de copines de mêmes tailles respectives, et deux meilleurs amis, un garçon et une fille, avec laquelle il discute… musique ! et il dissocie peu les sujets dont il parle avec les filles (école, sentiments, goûts, désirs et projets d’avenir) et avec les garçons (sentiments, goûts) – le repli homolatique domine ensuite : dès 13 ans, Matthieu entre dans « la maison des garçons » et en sort à 17 ans, quand il se (re)met à discuter de sujets personnels avec les filles, et notamment de danse ! Matthieu joue de ces diverses scènes sociales pour maximiser son investissement culturel, qu’il s’agisse de sorties ou de consommations culturelles ou encore de pratiques artistiques. Avec l’avancée en âge, Matthieu spécialise de manière croissante ses divers réseaux pour ses sorties : à partir de 15 ans, il mobilise sa famille pour le cinéma

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et les parcs d’attraction, ses copains pour les discothèques et surtout les spectacles et les concerts, le collège puis le lycée ne jouant plus aucun rôle, sauf pour les visites de musées. Il articule initiations familiales et socialisation par les médias en matière de consommations médiatiques : ainsi, il est initié à l’écoute quotidienne de radio par sa mère dès 11 ans, puis il construit une audience solitaire, notamment autour des libres antennes à 15 ans (à cet âge, son animateur préféré est Difool), qui fournissent des réponses aux questions qu’il ne peut aborder avec ses parents ou avec ses copains. De même, en matière de goûts musicaux, il métisse les influences. En fin de primaire, sa chanson préférée est Tous les cris, les SOS de Daniel Balavoine, qu’il a découverte grâce à une institutrice. L’entrée dans l’adolescence s’accompagne d’une autonomisation des écoutes, et d’un passage par le rap (avec Eminem comme chanteur favori) avant de désigner, à 17 ans, le hard rock et l’électro comme genres de prédilection, genres découverts grâce à des copains et caractérisés « masculins » sur l’échiquier des goûts. Dans son cas, la validation des pairs passe également par la danse, associée à l’électro, qui devient à 17 ans une de ses activités favorites, et à laquelle il s’adonne avec ses copains. Enfin, la pratique de l’ordinateur, encadrée par les parents à 13 ans, et motivée, au moins partiellement, par des usages scolaires, se déplace vers l’univers juvénile : à 17 ans, les usages communicationnels, culturels (téléchargement de contenus musicaux et de films) et créatifs (images) dominent, et sont fortement imbriqués avec son cercle d’amis, puisque l’activité favorite de Matthieu est la consultation des blogs de ses copains et de ses copines. L’ordinateur lui permet donc une sociabilité mixte, plus mixte que sa sociabilité physique. Les activités amateurs de Matthieu portent également la trace des diverses influences : son goût pour la musique l’amène à la danse électro, qu’il pratique avec ses copains, dans un entre-soi masculin à 17 ans, après s’être essayé au dessin à 15 ans sous l’influence d’un enseignant du collège. Ces pratiques sont étrangères à son environnement familial. Matthieu a donc une trajectoire globale très favorable car il parvient à cumuler les modèles de diverses instances : modèle sportif de ses parents, modèle légitime de l’école (qui lui donne accès aux équipements culturels), mais également d’autrui significatifs étrangers à l’univers familial (le professeur de judo qui donne des conseils de lecture et l’institutrice qui fait découvrir Balavoine, les parents des copains qui font les allers-retours pour certains accompagnements d’activité), et enfin les copains. Plus encore, il est confronté à une inversion du modèle de genre parental (la présence du père le mercredi versus l’investissement sportif fort de la mère) qui lui permet sans doute de construire des images du féminin et du masculin moins stéréotypées que les enfants de même âge, et l’autorise d’une part à une sociabilité juvénile mixte en début et en fin de période, ainsi qu’à une validation moins limitée de sa propre identité de genre (il est investi dans la danse, activité plutôt féminine, même si c’est dans un de ses versants les plus masculins, l’électro).

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On voit comment Matthieu doit en permanence avoir une stratégie plurielle de conciliation des éléments de filiation, de « bonne » adhésion au genre, d’invention voire de transgression de genre au travers de ses comportements de loisirs, notamment culturels. Matthieu négocie avec un modèle maternel original car très sportif, un modèle paternel qui prend en charge certaines fonctions maternantes (le mercredi notamment), mais qui tisse un lien « masculin » via le goût des sports mécaniques, combine les influences d’autrui significatifs extérieurs (grand-père et professeur de judo pour les transmissions masculines qui font peut-être contrepoids au modèle « féminisé » du père), opère des (ré) inventions (la danse, issue de son goût pour la musique), investit son rapport positif avec l’école (dans des incitations et découvertes différentes de celles portées par son milieu d’origine), tout cela en donnant des gages à la « maison des garçons », notamment via le repli homolatique du collège et l’entresoi masculin de l’électro. Ces mobilités identitaires de genre lui permettent d’avoir une trajectoire culturelle très favorable sans risquer de perdre sa filiation (jusqu’à 17 ans, il déclare avoir de très bons rapports avec ses parents), alors qu’il a des pratiques culturelles très différentes des leurs, ni de mettre en péril sa « bonne » inscription de genre. Conclusion Dès l’enfance, l’élaboration de la féminité et de la masculinité s’opère à travers les activités (Dafflon-Novelle, 2006), mais également les objets qui en sont le support, vecteurs de ces « savoirs minuscules » primordiaux dans l’exploration des identités de genre (Pasquier, 2002), manières d’en apprendre les règles élémentaires et d’en expérimenter les conjugaisons. Les loisirs culturels, parce qu’ils ont de manière croissante une fonction expressive dans une société de l’invention de soi, sont des objets privilégiés de cette construction de genre, notamment durant l’enfance. La force du lien entre la mère et les enfants en matière de construction de trajectoires culturelles, et notamment entre la mère et la fille est avérée et renforce les analyses sur le rôle des femmes dans l’éducation au sens large, tout en interrogeant les mécanismes de construction des publics culturels, voire des contenus culturels qui leur sont proposés. Les résultats présentés dans ce texte suggèrent par ailleurs plusieurs pistes de réflexion. Ils convainquent – s’il le fallait encore – de la nécessité de considérer parallèlement les mondes des filles et ceux des garçons, non comme des isolats mais comme des univers discursifs, où chacun parle de son genre

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en parlant à l’autre genre. Ainsi, les trajectoires culturelles et leur mode de construction dans les diverses scènes sociales (famille, copains, école) dessinent des rapports sociaux de sexe tant relationnels qu’en oppositions, même mouvantes. Cette posture incite à un déplacement : reconsidérer la question de la domination, inscrite dans le concept de genre. Dans un champ où le féminin semble gagner de plus en plus d’espace, tant en termes de profil sexué, que de représentation ou de catégorisation, de socialisation de genre ou de trajectoires, peut-on penser la domination masculine de manière globale, la différenciation des objets consommés ou des modes de consommations semblant dans certains cas faible (ordinateur), dans d’autres forte (lecture) ? Quels sens revêt ce terme alors que l’on observe un mouvement de féminisation de pans de plus en plus nombreux de la vie culturelle (Donnat, 2008) ? Ce mouvement est-il propre au champ culturel ou bien certaines des questions peuvent-elles être déportées dans d’autres champs ? Dans quelle mesure est-il générationnel et s’accélère-t-il chez les jeunes ? Outre les outils conceptuels du genre, ce sont aussi les outils statistiques qui peuvent être revisités : la force explicative du diplôme de la mère plaide pour une prise en compte plus complexe et plus complète des facteurs déterminants l’origine sociale en combinant descripteurs de la mère et du père (PCS, niveau de diplôme) plutôt que de recourir seulement à la PCS du père, sur le modèle de la classification socioprofessionnelle croisée des conjoints, malheureusement fort peu utilisée. Enfin, ce ne sont pas seulement les outils conceptuels du genre qui sont questionnés, mais également ceux qui permettent de saisir les âges de la vie : l’importance du travail du genre aux âges considérés (entre 11 ans et 17 ans) confirme l’intérêt de recherches sur les plus jeunes âges de la vie non pas seulement comme « laboratoire » du genre en devenir (sous-entendu adulte) mais comme catégorie à part entière où s’élabore le social.

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