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RÉGULATION DES RELATIONS DE TRAVAIL ET CULTURE SPORTIVE L'exemple des entreprises de la distribution d'articles de sport William Gasparini et Lilian Pichot L'Harmattan | L'Homme et la société 2007/1 - n° 163-164 pages 35 à 57

ISSN 0018-4306

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Pour citer cet article :

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Gasparini William et Pichot Lilian,« Régulation des relations de travail et culture sportive » L'exemple des entreprises de la distribution d'articles de sport, L'Homme et la société, 2007/1 n° 163-164, p. 35-57. DOI : 10.3917/lhs.163.0035

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Régulation des relations de travail et culture sportive L’exemple des entreprises de la distribution d’articles de sport

William GASPARINI et Lilian PICHOT

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Depuis une quinzaine d’années, le monde du travail a radicalement changé 1 : révolution des langages et des représentations à propos des fonctions et des tâches à accomplir, transformations des relations sociales au sein des entreprises, généralisation des techniques informatiques, nouvelles formes d’organisation de l’entreprise et du travail, montée en puissance des activités de service, recours de plus en plus systématique à des formes d’emploi atypiques. Mais, dans ce contexte changeant, l’organisation des entreprises contemporaines reste profondément marquée par la rationalisation taylorienne. Les analyses relatives aux organisations de travail 2 s’accordent pour mettre en évidence la simultanéité de deux dynamiques 3. D’une part, celle de l’augmentation des incertitudes dans la mesure où il est quasiment impossible de disposer de formes organisationnelles simplement et solidement rationalisées. Il existe en effet un risque pour l’entreprise, celui de fixer des formes d’organisation de travail durables dont leur modification engendrerait des coûts temporels, humains et financiers trop 1. Danièle LINHART , « L’individu au cœur de la modernisation des entreprises », in Amélie POUCHET (dir.), Sociologie du travail : quarante ans après, Paris, Éd. Elsevier, 2001. 2. Michel DE COSTER et François PICHAULT (éds.), Traité de sociologie du travail, Bruxelles, De Boek-Westmael, 1994 ; Sabine E RBES-SEGUIN, la sociologie du travail, Paris, La Découverte, coll. « Repères », 2004. 3. Michel LALLEMANT, Le travail. Une sociologie contemporaine, Paris, Gallimard, 2007.

L’homme et la société, no 163-164, janvier-juin 2007

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Introduction


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4. Philippe BERNOUX, Sociologie de l’entreprise, Paris, Seuil, 1995 et Sociologie du changement dans les entreprises et les organisations, Paris, Seuil, 2004 ; Konstantinos CHATZIS, « De l’autonomie par l’indépendance à l’autonomie dans l’interaction », in Konstantinos CHATZIS, Céline MOUNIER, Pierre VELTZ et Philippe ZARIFIAN (éds.), L’autonomie dans les organisations. Quoi de neuf ?, Paris, L’Harmattan, 1999 ; Pierre VELTZ, « Les organisations cellulaires en réseau : portée et limites d’une mutation », in Konstantinos CHATZIS, Céline MOUNIER, Pierre VELTZ et Philippe Z ARIFIAN (éds.), Ibidem. 5. Michel GOLLAC et Serge VOLKOFF, « Citius, altius, fortius. L’intensification du travail », Actes de la recherche en sciences sociales, 1996, n° 114 ; Luc BOLTANSKI et Ève CHIAPELLO, Le nouvel esprit du capitalisme, Paris, Gallimard, 1999 ; Stéphane BEAUD et Michel PIALOUX, Retour sur la condition ouvrière. Enquête aux usines Peugeot de Sochaux-Montbéliard, Paris, Fayard, 1999 ; Christophe B ROCHIER, « Des jeunes corvéables. L’organisation du travail et la gestion du personnel dans un fast-food », Actes de la recherche en sciences sociales, 2001, n° 138. 6. Notamment à travers les contrats à temps partiel imposé. 7. William GASPARINI, « La face cachée de l’industrie du loisir. Nouvelles formes de domination au travail dans le champ de l’offre sportive commerciale », Loisir et société/ Leisure & Society, 2004, vol. 27, n° 1.

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importants et déstabilisants. D’autre part, celle de l’hypertrophie de l’activité organisatrice menée par les entreprises, c’est-à-dire de la concentration des ressources pour tendre vers plus de stabilité. Dans ce contexte, pour certains sociologues, le travail évoluerait vers une plus grande autonomie des salariés, de nouvelles formes de coopération et une responsabilisation accrue 4. D’autres y voient au contraire une intensification du travail, une forme de re-taylorisation et une soumission à un contrôle plus strict mais plus discret 5.Tous s’accordent à dire que les contraintes, les exigences, les attentes à l’égard des salariés se sont intensifiées, mais la conception du travail salarié n’a pas fondamentalement changé. Univers en incessante recomposition, le secteur de la distribution spécialisée dans les articles de sport et de loisirs apparaît, aux yeux des consommateurs, et est souvent décrit comme un univers professionnel innovant et attrayant, composé de salariés proches des clients, autonomes, passionnés par le sport et leur travail. Mais ce secteur peut être analysé au contraire comme le laboratoire et le fer de lance d’une nouvelle forme de re-taylorisation et de contrôle des salariés souvent jeunes, novices, malléables et non syndiqués : en transmettant aux nouvelles recrues une culture d’entreprise spécifique faite d’un mélange de culture sportive et de culture de la précarité 6, les managers développent une forme de domination des jeunes vendeurs assortie d’une pseudo-participation « légitimante » 7. Au discours autoritaire et à la contrainte externe des entreprises traditionnelles, se substitue souvent, dans ces entreprises d’un nouveau type, un discours « moderniste » et des méthodes visant l’intériorisation des con-


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traintes et des normes, l’identification de chacun à l’image de l’entreprise performante et à celle du jeune salarié sportif et dynamique. Comme le souligne Danièle Linhart : « Ce qui est en jeu, dans la nouvelle entreprise, c’est la capacité de transformer des salariés imprégnés de valeurs contestataires, en salariés disposés à se mobiliser au service de leur entreprise, à laquelle ils soient en mesure de s’identifier, en épousant ses intérêts et en prenant sa défense. 8 »

Les magasins de sport constituent alors un terrain d’étude particulièrement fécond et adapté à l’analyse de nouvelles formes d’organisation du travail, de nouveaux modes de coopération entre les salariés et des dispositifs managériaux mis en œuvre par les cadres de l’entreprise. On remarque aussi que de nombreux directeurs de magasins sportifs, non seulement reprennent à leur compte le discours idéologique sur les vertus positives du sport de compétition (« la pratique sportive formerait le caractère battant et l’esprit d’équipe 9 »), mais ils associent aussi la jeunesse à la motivation et à l’adaptation dans le travail. Dans ce contexte et dans le secteur particulier de la distribution sportive, assiste-t-on à un affaiblissement des normes dans l’entreprise ou, au contraire, à un renforcement des procédures de contrôle, intégrées dans le système de production lui-même ? Comment les transformations de l’offre de services sportifs agissent sur l’organisation du travail dans les magasins ? Comment les salariés s’accommodent des nouveaux modes de régulation ? Selon le modèle sociologique convoqué, les réponses ne seront pas les mêmes. L’analyse des relations de travail suppose pourtant une combinaison et une complémentarité entre, d’une part, l’approche en termes d’effet de règles instituées et, d’autre part, celle en termes d’interprétation du sens des règles et de marges de liberté laissées aux salariés.

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Deux modèles sociologiques permettent en général de saisir l’influence des règles et normes d’entreprise sur les comportements des salariés-vendeurs. En abordant l’entreprise comme un espace d’accords sur les règles 8. Danièle LINHART, op. cit. 9. De nombreux chefs d’entreprises, managers et consultants pensent qu’il existe « naturellement » un transfert de compétences entre l’activité sportive et l’activité professionnelle. Non prouvé scientifiquement, le « transfert de compétences » entre sport et travail reste pourtant le postulat de nombreux directeurs de ressources humaines à partir duquel ils recrutent souvent des salariés au profil sportif et organisent des séminaires sportifs d’entreprise.

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La construction sociale des relations de travail


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d’action soumises à des principes d’efficacité, le modèle de la sociologie de l’action 10 nous invite tout d’abord à saisir les vendeurs et les employeurs dans une relation d’équivalence leur permettant de conclure un contrat. En mettant en relation des acteurs guidés par un intérêt partagé pour le sport, l’entreprise sportive se présenterait ainsi comme une communauté d’individus avec lesquels elle pourrait établir des relations de confiance. L’efficacité technico-économique du modèle repose sur des comportements individuels et collectifs valorisant la loyauté, la passion, l’aptitude à dialoguer, la coopération dans l’action, vertus généralement mises en avant dans le modèle sportif. En reconnaissant l’importance de l’autonomie et de la réflexivité de l’acteur et en s’opposant aux modèles déterministes, ce modèle ne prend pas en compte la domination qui s’exerce sur le salarié. À l’opposé, pour Max Weber, Émile Durkheim et Talcott Parsons, nos conduites sont déterminées par des normes extérieures à nous, contraignantes et typiques. Le travail en entreprise supposerait ainsi l’existence d’un ensemble de principes intériorisés conformes aux normes dominantes admises par une société. Selon cette deuxième perspective, la contrainte au travail tire sa force de l’intériorisation des contraintes sociales qu’elle engendre, notamment des contraintes transmises par les institutions. En effet, selon Durkheim, « les institutions s’imposent à nous, elles nous obligent et nous les aimons ; elles nous contraignent et nous trouvons notre compte à leur fonctionnement et à cette contrainte même […] 11 ». Chez Durkheim, les contraintes paraissent acceptables aux personnes car elles ne remettent pas en question l’ordre moral acquis socialement. Weber complète l’approche durkheimienne en analysant les acteurs qui produisent la domination et en abordant les diverses formes de légitimité qui peuvent assurer la durabilité de l’obéissance des personnes : pour Weber, la domination est un principe d’obéissance, c’est-à-dire une croyance en la légitimité du dominant. La croyance wébérienne n’est pas une manipulation, une soumission passive ou une intériorisation (comme chez Durkheim) mais s’appuie sur une rationalité : les individus dominés légitiment leur domination à partir d’une opération de jugement de validité qui engage la capacité réflexive des personnes. Or, cette domination ne peut 10. Erhard FRIEDBERG, Le pouvoir et la règle. Dynamiques de l’action organisée, Paris, Seuil, 1993 ; Philippe BERNOUX, 1995, op. cit. et 2004, op. cit. ; Jean-Daniel REYNAUD, Les règles du jeu. Action collective et régulation sociale, Paris, Armand Colin, 1989 ; Denis SEGRESTIN, Sociologie de l’entreprise, Paris, Armand Colin, 1992 ; Renaud SAINSAULIEU (dir.), L’entreprise, une affaire de société, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1990. 11. Émile DURKHEIM, Les règles de la méthode sociologique, Paris, PUF, 1995 [1937], p. 20.

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fonctionner qu’à travers un « dispositif 12 » à caractère managérial qui influence les vendeurs dans leur rapport à l’entreprise et qui se diffuse par les décisions managériales des directeurs ou gérants de magasins, les structures organisationnelles et les instruments de gestion des ressources humaines. Par dispositif, il faut entendre l’ensemble des opérations qui rendent légitime l’exercice d’une autorité contribuant à la formation des individualités, dans un contexte de rhétorique managériale sur la coopération et l’esprit d’équipe dans l’entreprise. L’enquête de terrain nous montre qu’au-delà de la présence d’un dispositif commun aux magasins sportifs basé sur un modèle sportif et managérial, les normes d’entreprise et les formes de travail observées varient selon un certain nombre de facteurs : la taille du magasin, son degré d’autonomie et les caractéristiques du responsable de magasin, notamment sa proximité avec la culture sportive. Les politiques de gestion des vendeurs d’articles de sport résultent ainsi non seulement des normes imposées « par le haut » (maisons-mères du réseau succursaliste ou « réseau intégré » et magasins monomarques) mais aussi des normes produites dans l’espace propre de l’entreprise. Chaque magasin propose ainsi son propre dispositif managérial qui intègre la norme et la contrainte au travail selon des formes spécifiques mais toujours à partir d’une culture sportive d’entreprise partagée par les acteurs en présence. Les résultats de l’enquête dans le secteur du commerce sportif nous conduisent alors à analyser le travail des vendeurs comme une combinaison entre, d’une part, des conduites soumises à un dispositif managérial engendrant une forme de domination symbolique 13 et, d’autre part, des conduites réflexives d’interprétation des contraintes de l’action. Le travail de vente doit être ainsi compris dans le cadre de dispositifs managériaux mis en œuvre dans une organisation donnée 14. Celle-ci étant définie comme une structure de légitimité et une structure d’autorité. L’analyse doit repérer les légitimités à l’œuvre, dévoiler comment elles se construisent et comment l’autorité s’institue. Notre recherche vise à montrer que si les situations de travail dans la vente de biens sportifs tiennent aux caractéristiques du marché et de la structure (taille de l’entreprise appréciée principalement par le nombre de salariés, degré d’autonomie ou d’indépendance du magasin), elles relèvent 12. Michel FOUCAULT, Surveiller et punir. Naissance de la prison, Paris, Gallimard, 1975. 13. Pierre BOURDIEU, Théorie de l’action sociale, Paris, Seuil, 1994. 14. William GASPARINI, « Dispositif managérial et dispositions sociales au consentement », in Jean-Pierre DURAND et Marie-Christine LE FLOCH (dirs.), Le consentement au travail. Dominations et résistances, Paris, L’Harmattan, 2006.

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15. Renaud SAINSAULIEU, L’identité au travail, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1977. 16. Émile DURKHEIM, De la division du travail social, PUF, 1922, [1893]. 17. David COURPASSON, L’Action contrainte. Organisations libérales et domination. Paris, PUF, 2000 ; Pascal BAUGER, Olivier AUBEL, Claudine FABER et Lilian PICHOT, « Définir les compétences : un enjeu pour l’emploi sportif », Travail et Emploi, Revue de la DARES, ministère de l’Emploi, du Travail et de la Cohésion sociale, La Documentation Française, n° 99, 2004. 18. Luc BOLTANSKI et Ève CHIAPELLO, 1999, op. cit. 19. William GASPARINI, 2004, op. cit. 20. Jean-Daniel REYNAUD, 1989, op. cit.

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indissociablement de l’implication subjective des salariés 15 et des croyances des responsables de magasins. La division du travail décrite par Durkheim 16 n’est pas seulement le produit des règles formelles et des procédures instituées par la direction de l’entreprise, mais elle s’enracine, et ce d’autant plus à mesure que l’on a affaire à de très petites entreprises, dans des rapports au travail, des relations interpersonnelles où les jugements sociaux dépendent fortement de l’appréciation subjective des compétences de l’individu 17. Dans une première partie, nous verrons que les transformations de la structure du marché du commerce sportif tendent à engendrer des formes particulières d’organisation du travail et un discours néo-managérial 18 mêlant travail et passion sportive 19. Dans une deuxième partie, nous montrerons que les effets se différencient selon le type de magasin et les acteurs en présence. Des variations des modes d’organisation et des équipes de travail s’observent en fonction de la taille du magasin et du profil du responsable de la structure. En outre, nous tenterons d’expliquer les mécanismes par lesquels les entreprises maintiennent légitimement la « régulation de contrôle » et les « grands » magasins du secteur édifient et dissimulent une forme de bureaucratie libérale. Enfin, nous verrons comment s’établissent les modes de coopération et le travail d’équipe et comment, au nom de la régulation conjointe 20, des pratiques d’arrangements autonomes s’articulent avec des formes de contrôle officiel. En ce sens, l’article met aussi en évidence le rôle des croyances et des jugements sociaux relatifs à la nature du travail de vente et aux compétences requises. Tendant vers la constitution d’une communauté autour du projet de la qualité du service (des consommateurs servis par des experts du sport), ces croyances entretiennent la permanence du système organisationnel dans le temps, la logique de compétence répondant tout à la fois aux intérêts de destinées individuelles et collectives.


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Cadre méthodologique de la recherche

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21. William GASPARINI et Lilian PICHOT (dirs.), Le métier de vendeur d’articles de sport et de loisirs en Alsace. Activités, emplois-types et compétences dans le commerce du sport, Rapport d’étude non publié, Groupe d’étude sur l’observation et la prospective des métiers du sport en Alsace, Strasbourg, Mars 2005. Les organismes suivants sont impliqués et représentés au sein de cette « cellule » d’observation : la Direction régionale et départementale de la jeunesse et des sports Alsace (DRDJS), le Centre régional d’éducation physique et sportif d’Alsace (CREPS), le Comité régional olympique sportif d’Alsace (CROSA), l’Unité de formation et de recherche en sciences et techniques des activités physiques et sportives (UFR STAPS) de Strasbourg, l’Observatoire régional emploi formation (OREF) de la Région Alsace. 22. Enquête spécifique réalisée sous la direction de Julien PIERRE, doctorant en STAPS, EA 1342, Strasbourg II. 23. Sur la base d’un échantillon de 120 magasins ciblés et après de nombreuses relances, 61 questionnaires ont été retournés et ont pu être exploités. 24. 4 TPE et 4 PME : 20 entretiens semi-directifs auprès de vendeurs, responsables de rayons et gérants/directeurs.

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Les données utilisées dans cet article proviennent d’une enquête réalisée en 2004 dans le cadre d’une étude sur le métier de vendeur d’articles de sport et de loisirs conduite pour le Groupe d’étude sur l’observation et la prospective des métiers du sport en Alsace 21. Ciblant les métiers de la vente d’articles de sport en Alsace, ce travail a pour but de constituer un outil d’aide à la décision politique pour les partenaires institutionnels dans la mise en place d’une plateforme de formations professionnelles. Avec pour objectif de comprendre comment s’articulent les dispositifs managériaux et les situations réelles de travail et prenant acte de la sociologie wébérienne, nous avons tenté de relever les intentions des auteurs de l’action managériale (directeurs de magasins, responsables de rayons sportifs) et d’enregistrer les conséquences de leur action. Afin de caractériser les entreprises, le repérage le plus fin possible des cadres de travail, des règles de fonctionnement, de l’articulation hiérarchique entre les salariés, des postes de travail, nous paraît être un préalable indispensable à l’objectivation. Plusieurs techniques de recueil de données ont été utilisées : le recensement dans la presse quotidienne nationale et régionale généraliste des offres d’emploi de vendeur, d’animateur ou de responsable de rayon dans les magasins d’articles de sport 22, l’examen des fiches de poste ou des emplois-types produits par les magasins, le relevé de la structure formelle (l’organigramme), une enquête par questionnaire auprès des responsables de tous les magasins de sport d’Alsace 23 et une enquête qualitative par entretien réalisée dans 8 magasins de sport alsaciens de tailles différentes 24. Le traitement des données s’appuie sur l’analyse textuelle des offres d’emplois appréciant principalement la définition des activités de travail, les compétences et le niveau de qualification requis pour occuper l’emploi. L’exploitation des informations contenues dans les questionnaires s’est réalisée à partir d’un logiciel de traitement de données statistiques (SPADN). De plus, nous avons eu recours à l’analyse comparative des discours et donc des points de vue de l’employeur et du salarié à propos de l’activité de travail et des compétences exigées pour la fonction considérée.


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L’effet de la transformation du commerce sportif sur les univers de travail

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Il y a 30 ans, le petit commerce indépendant généraliste spécialisé dans le sport détenait en France la presque totalité du marché de la vente des articles de sport et de loisir. Aujourd’hui, de multiples formes de distribution se partagent l’activité : grandes surfaces spécialisées de périphérie (Décathlon, Intersport, Go Sport, Sport 2000), grandes surfaces alimentaires (Auchan, Cora), grands-magasins (Courir, Made in Sport), vente à distance (CAMIF), petites et moyennes surfaces spécialisées (Technicien du sport, Quai 34, Véloland, Athlete’s foot) ou magasins monomarques (Lacoste, Adidas, Puma, Aigle). Parce qu’elle a participé à la massification de l’accès aux biens sportifs (vêtements, chaussures, petits équipements sportifs, bicyclettes), la grande distribution spécialisée dans le sport constitue, pour la plupart des sportifs (et souvent des non-sportifs), une composante importante de leur quotidien. Depuis quelques années, ce secteur a connu une nouvelle « révolution commerciale » et nous sommes tous concernés par ces mutations, non seulement en tant que consommateurs sportifs, mais aussi comme salariés et citoyens. Le développement sans précédent du marché des biens sportifs et le renouvellement en profondeur des normes de consommation sportive conduisent les distributeurs à adapter leur mode de distribution et leur offre à la demande. Tout en restant attachés au modèle des origines fondé sur le « discount » (vente à faible marge pour offrir les prix les plus bas aux clients), les grands distributeurs français comme Décathlon, Intersport, Sport 2000, Go Sport ou Courir expérimentent de nouvelles manières de répondre à la demande des consommateurs en mettant en place de nouvelles pratiques organisationnelles, de nouveaux concepts de fun shopping (« les courses en s’éclatant ») dans de vastes complexes sportivocommerciaux et en étendant leur activité vers de nouveaux horizons. Ces grandes surfaces de sport apparaissent alors comme des univers enchanteurs, où la « passion partagée du sport » entre les clients et les vendeurs, mais aussi entre les managers et les salariés gommerait les conflits que l’on rencontre dans d’autres types d’entreprise. Au discours autoritaire et à la contrainte externe des entreprises traditionnelles, se substitue souvent dans ces entreprises d’un nouveau type un discours « moderniste » utilisant les modèles et les techniques du sport de compétition. Elles opèrent ainsi des stratégies de détournement des valeurs sportives. En créant un climat de convivialité propre au club ou à la communauté sportive et en valorisant la rhétorique sportive, les managers

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De nouveaux univers de consommation sportive


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cherchent à susciter chez les clients et les employés un sentiment d’appartenance et à faire ainsi oublier l’objet marchand de leur entreprise. Cette stratégie est présente dans de nombreuses entreprises de services sportifs (clubs professionnels, salles de fitness et clubs de vacances notamment) : dans ces univers marchands, le client se transforme en Gentil Membre, supporter ou adhérent et est invité à entretenir des relations « amicales » à base de connivences sportives avec les employés de l’entreprise. Ambiance de travail dans le magasin, valorisation de l’aspect convivial du travail d’équipe (le tutoiement est de rigueur), prise de responsabilité et gestion autonome des rayons du domaine sportif couvert, qualité de la formation interne, richesse des relations avec les clients, vendeurs habillés aux couleurs de l’enseigne, culture d’entreprise de « style sport » (ambiance « jeans-baskets »), primes basées sur la progression du chiffre d’affaires, etc. : les entreprises de la distribution sportive redoublent d’ingéniosité dans la gestion du personnel pour assurer leur domination au travail et faire oublier la déqualification qui se généralise dans ce secteur.

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Présentée comme « provisoire » et nécessaire pour « connaître le terrain », la déqualification s’est généralisée dans le secteur du commerce d’articles de sport, notamment dans la grande distribution spécialisée qui emploie de nombreux jeunes diplômés. Dans ce secteur, de plus en plus de vendeurs ont un niveau d’études qui varie entre bac+2 et bac+4. Or, si l’on prend l’exemple de Décathlon, seuls 3 à 5 % d’entre eux accéderont à un poste à responsabilité (de rayon, d’univers ou de magasin) 25. En suggérant des possibilités de promotion interne lors du recrutement ou au cours de la carrière du vendeur, la déqualification constitue un effet pervers des techniques de gestion et traduit surtout une situation de domination du personnel 26. Tout se passe comme si la déqualification était un processus accepté par le personnel, en quelque sorte la contrepartie (négative) d’une rétribution symbolique (positive) construite sur le statut d’expert du vendeur : « On est sous-payé en France pour ce type de poste, je pense qu’on en est tous assez conscients, c’est un poste de cadre assimilé […] mais bon c’est plutôt intéressant parce que tu as un budget à la base et c’est toi qui es responsable de

25. Selon le DRH de Décathlon Région Est. 26. Gérard FORGEOT et Jérôme GAUTHIÉ, « Insertion professionnelle des jeunes et processus de déclassement », Économie et statistique, 1997, n° 304-305.

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Les salariés pris en étau : de la déqualification à la mise en scène de l’offre sportive


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William GASPARINI et Lilian PICHOT ton budget […] tu as quand même une certaine responsabilité. » (Responsable de rayon chez Sport 2000).

Force est de reconnaître que les magasins de la grande distribution spécialisée dans le sport abordent de plus en plus l’organisation du point de vente dans la perspective d’une théâtralisation de l’offre et d’une mise en situation des produits (le merchandising) dans un aménagement visant à reproduire les univers de consommation fonctionnels ou symboliques auxquels ils se rattachent. À travers les opérations de communication (interne et externe), les grandes surfaces de sport se dressent comme des univers sportifs séduisants aussi bien pour le client-sportif que pour le vendeursportif 27 et tendent à faire oublier la face cachée, à savoir les contraintes au travail 28. Formes de contrôle et de regulation au travail. Vers une « bureaucratie libérale » L’organisation du travail est généralement, de prime abord, justifiée par la rationalité fondée sur les finalités de l’activité de l’entreprise : être une structure pérenne et dégager des bénéfices profitant aux salariés et à l’employeur. Mais la proclamation d’une fin ultime par le sommet de l’entreprise ne suffit pas à créer l’élan mobilisateur des salariés. L’entreprise doit recourir à d’autres moyens de légitimité.

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Les discours et la rhétorique managériale conspirent à élaborer des menaces crédibles, notamment à véhiculer la croyance du credo de la pression économique par le marché. Les contraintes sont en effet fixées par un état du marché souvent présenté, à raison, comme intransigeant. La direction de l’entreprise s’emploie simultanément à imposer une rationalité organisationnelle générée par la pression du service au client. En somme, tout est orchestré en amont comme en aval, à travers les outils de gestion, pour faire en sorte que les situations et les contraintes de travail résultent de forces exogènes (l’état du marché et les besoins des consommateurs). Face aux menaces qui « s’abattent » sur elle, l’entreprise est dé-responsabilisée, les salariés sont amenés à admettre le fatalisme de la politique d’entreprise.

27. Cf., par exemple, les « Parcs Décathlon la Forme » qui visent à « rendre les clients acteurs ». 28. William GASPARINI, 2004, op. cit.

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Les ressources de légitimité mises en œuvre par la direction


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Par ailleurs, la formation d’une élite managériale, diffusant l’attitude de respect de l’ordre et de la subordination, travaille insidieusement à l’imposition de la hiérarchie et à la mobilisation du personnel. L’usage systématique du jargon indigène — « il est expert dans cette gamme de produits, c’est notre meilleur vendeur » — participe à ce processus. Enfin, le renouvellement des produits sportifs dont les composants, le design sont sans cesse redéfinis exige une formation permanente. Les centres ou écoles de formation assurent une fonction de modelage culturel à l’image de l’entreprise et de la culture « maison ». Tout salarié, lorsqu’il vient d’être recruté, par exemple chez Décathlon, suit un parcours de formation initiatique 29 ayant pour objectif de le former aux méthodes de gestion des rayons et de l’imprégner des manières de faire et d’être en vigueur.

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Depuis 1985, Décathlon organise sa propre formation aux métiers. Selon l’emploi occupé, celle-ci peut se dérouler en magasin, en site régional (dans l’un des Campus Décathlon) ou au siège social de Villeneuve d’Ascq. La formation en magasin pour les nouvelles recrues (dénommée « Formathlon ») se réalise généralement en deux temps. Tout d’abord, la formation « théorique » en salle se déroule sur une demi-journée pour un vendeur et une à deux journées pour le responsable de rayon. À titre d’exemple, les formations disponibles en 2002 dans un magasin Décathlon implanté à Strasbourg étaient les suivantes : « valeurs et volontés d’entreprise », « sécurité », « linéaire » (présentation des produits sur les meubles de tête de rayon — « gondoles » — et les rayons selon une stratégie commerciale), « vente », « accueil », « caisse », « informatique ». Ensuite, un système de parrainage est mis en place où le « supérieur hiérarchique » direct (responsable de rayon ou directeur de magasin) explique « sur le terrain » les tâches à accomplir. Mais au cours de la séance dite de « formation », les nouveaux employés découvrent quelquefois que ce qui leur est appris suffit à peine à fournir la base à des reproches ultérieurs. En fait, la formation se fait essentiellement sur le tas. S’attendant à un apprentissage progressif par une pratique encadrée et conseillée, ils constatent aussi que le premier jour de travail ne prévoit aucune étape de transition, même dans les cas d’affluence des clients (samedi, par exemple). L’encadrement justifie cette méthode en expliquant que « c’est en y allant qu’on apprend ! ». La méthode par essais-erreurs semble prédominée, mais les erreurs doivent rapidement disparaître dans un souci d’efficacité maximale. Comme dans d’autres secteurs d’emploi (restauration rapide, grande distribution généraliste), le nouvel embauché est prié de s’adapter vite, dans un contexte où l’erreur lui est présentée comme un manque d’effort de sa part 30.

29. Le salarié recruté est d’abord formé sur place dans le magasin par ses supérieurs hiérarchiques, puis en stage dans sa direction régionale. 30. Christophe BROCHIER, 2001, op. cit.

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La formation initiatique chez Décathlon


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Dans les grandes surfaces spécialisées, à l’instar des magasins Décathlon, l’organisation du travail, en particulier la hiérarchie des postes, se réalise en prenant appui sur les niveaux de qualification ou de diplôme. L’intégration de la structure hiérarchique fait partie de la régulation de contrôle, plus exactement d’une forme de contrôle officiel et explicite. À un emploi-type correspond un niveau de qualification. Par exemple, l’animateur de rayon chez Intersport est recruté à un niveau bac+2 ; chez Décathlon, les responsables univers sont recrutés à des niveaux de qualification bac+4 ou bac+5, les vendeurs ou les hôtesses d’accueil à des niveaux de qualification bac à bac+2. Les outils de gestion mis en place permettent la recherche de cohérence à travers notamment l’homogénéisation des critères de décision, la réduction de l’incertitude des décisions et de l’arbitraire de ces dernières. Les règles officielles instituées permettent de créer une contrainte qui, du même coup, réduit l’incertitude des réponses individualisées. « Ici, tu travailles comme on t’a appris », tel est le credo de ce type d’organisation. Si les vendeurs ne le comprennent pas par eux-mêmes, « on leur demande de se mettre dans le moule Décathlon », précise l’un des directeurs de magasin. Ces pratiques tendent vers la forme de bureaucratie libérale décrite par David Courpasson 31. Celle-ci vise à organiser le pouvoir en réduisant l’hétérogénéité des conduites individuelles par un système instrumenté de contraintes. Cette organisation politique repose sur plusieurs exigences et/ ou actions : le respect des règles et des procédures, la conformité des salariés aux pratiques instituées, l’objectivation des relations de travail (circuit de circulation de l’information) par la formalisation des outils de gestion, la dépersonnalisation des rapports de travail et des rapports hiérarchiques qui entretient les formes de subordination plus ou moins strictes, la standardisation des modes de rémunération. Sur ce dernier élément, l’évaluation mensuelle et trimestrielle des résultats financiers réalisés pour chaque rayon ou pour chaque univers de produits confirme ou sanctionne la réputation du salarié au travail. Différemment, la division globale du travail au sein des TPE du commerce d’articles de sport est singulière ; elle ne se pose pas en termes de qualification, autrement dit en termes de ce que l’individu possède (des titres, des diplômes), mais en termes de ce qu’il est 32, comme le suggère la formule archétypique suivante : « Ici tu travailles comme tu es, comme 31. David COURPASSON, 2000, op. cit. 32. Marcelle STROOBANTS, Savoir-faire et compétences au travail. Une sociologie de la fabrication des aptitudes, Bruxelles, Éditions de l’université de Bruxelles, 1993.

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L’ordre entrepreneurial : de la qualification à la compétence


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tu le sens ». Reposant sur la personnalisation des relations, la division du travail s’appuie ainsi sur la compétence, et plus précisément sur le jugement et la valeur des compétences observées. Le classement de celles-ci fait office de repère dans la construction des modèles normatifs auxquels les membres de l’entreprise doivent se référer. Les compétences recherchées renvoient à des intentionnalités précises, celles des dirigeants, au service de leur contrôle. En effet, les compétences sont censées faire écho aux normes acceptées de performance. La compétence, dès lors qu’elle est un signe visible, constitue une valeur personnelle et un droit d’accès à une forme de pouvoir dans l’entreprise. C’est pourquoi le classement par les compétences collégialement acceptées participe de la domination, d’autant plus qu’elles imposent chez les salariés un exercice permanent de renouvellement et de preuve de leur compétence. Dans des petites structures indépendantes, la rémunération peut être très personnalisée : « Les vendeurs sont payés en fonction de leurs capacités, ils n’ont pas tous le même salaire. Ils sont payés en fonction de l’âge et de beaucoup d’autres critères, c’est difficile à dire… » (Propos d’un directeur de magasin).

Dans ce type de structure, si la relation de travail est très individualisée, c’est aussi un effet de la démobilisation politique. Le secteur des très petites entreprises ne favorise pas l’établissement de syndicats d’employés revendicateurs sur leurs conditions de travail.

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L’économie marchande au centre de laquelle sont positionnés les commerces d’articles de sport et de loisirs conduit à nous interroger sur la conciliation entre le singulier et le collectif, entre les préoccupations personnelles et le projet entrepreneurial. Quelles sont les conditions de réalisation du travail en équipe permettant l’accomplissement individuel et n’anéantissant pas pour autant l’objectif vital de l’entreprise ? Ce questionnement impose de repérer les arcanes de la coopération au travail. Les conditions de la coopération au travail Comment concilier les impératifs entrepreneuriaux (la rentabilité de l’activité de l’entreprise) et les exigences et les espoirs individuels ? Par quels moyens le travail du salarié peut avoir comme ligne d’horizon un projet personnel compatible avec l’objectif économique de l’employeur ? L’équilibre du travail dans les équipes se fonde sur la reconnaissance des outils de gestion, sur leur légitimité. À celle-ci s’ajoute la légitimité

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Arrangements autonomes : les croyances relatives aux compétences comme ressort de l’élan communautaire


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morale des décisions des responsables hiérarchiques dont les salariés attendent un traitement équitable. Les dirigeants œuvrent en permanence à l’édifice d’une communauté de travail, c’est-à-dire à l’existence d’un groupe de salariés solidaires et réunis autour de valeurs partagées. « Quand on parle d’équipe, la personne doit avoir un esprit d’équipe et s’intégrer facilement », nous a répété un responsable de magasin Intersport. Il est ainsi de bon aloi de convoquer l’idée de l’esprit sportif au nom d’un idéal communautaire. Dans la sphère associative — « de toute façon dans le domaine sportif, tout le monde se connaît » (propos d’un directeur de magasin), les travaux de Jean-Paul Callède 33 ont montré la force de constitution de groupements de personnes par la cristallisation des relations sportives — « on est tous les deux, le patron et moi-même, coureurs à pied », précise un vendeur. Les foyers de sociabilité s’élaborent autour d’un ensemble de valeurs fédératrices telles que la culture de l’effort, la « gagne », la solidarité, l’esprit d’équipe, le don de soi, la gratuité traduite par une rétribution inférieure à l’investissement consenti. Les discours sont instructifs des stratagèmes qui ont pour objectif de rendre semblables les salariés, de les cimenter à partir de caractères et/ou de qualités communes (psychologiques, sportives, de gestion, de vente, etc.). « Le travail ici, c’est du terrain, aider tes collaborateurs un maximum sur le terrain », affirme un vendeur. La valorisation de leurs dispositions personnelles fait croire aux salariés à des lieux de travail émancipateurs, libérateurs de pesanteurs institutionnelles. C’est un des leviers de l’autorité de l’entreprise. La justesse des décisions est appréciée à l’aune du respect de la singularité de chaque salarié. L’activité rationnelle en valeurs est la clef de voûte du système. Elle se traduit par la normalisation de l’activité salariale reposant sur la transparence des formes de coordination — le directeur donne des consignes connues aux responsables de rayons qui les font appliquer par les vendeurs — et sur celle des contrats d’objectifs explicitement définis — recevoir un supplément de rétribution financière en cas d’objectif commercial atteint, augmenter le volume de ventes, fidéliser le client et faire en sorte qu’il achète d’autres produits, etc. Cette adhésion tacite induit aussi des compétences de type organisationnel selon lesquelles les salariés sont naturellement disposés à s’engager dans le projet d’activité de l’entreprise et à s’identifier aux objectifs entrepreneuriaux. C’est ce que Denis Segrestin appelle « l’enrôlement cogni-

33. Jean-Paul CALLEDE, « La sociabilité sportive. Intégration sociale et expression identitaire », Ethnologie française, n° 4, 1985, p. 66-75.

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tif 34 », en d’autres termes, ces prédispositions à être ajusté tacitement aux objectifs de l’entreprise, sous-entendu que l’action profite à chaque acteur du système. Tout laisse à penser que la communauté de travail reconstituée par l’enrôlement cognitif, qui favorise l’imposition implicite et l’émancipation sous contrainte, occupe un espace où l’intérêt général et l’intérêt individuel sont confondus. L’imprégnation de la logique de service est révélatrice de ce processus : « Le conseil, dans la vente, c’est le plus important, t’as ton client qui arrive, t’essaies de savoir exactement ce qu’il veut, de le conseiller au mieux et puis surtout de le fidéliser. » (Responsable de rayon chez Sport 2000)

Ou encore : « La première mission, c’est de servir le client, le conseiller au mieux selon ses besoins […] Il doit être aidé s’il a besoin de quoi que ce soit, on doit être présent. » (Conseiller de vente chez Intersport)

Ce sont les attentes mutuelles des personnes qui vont permettre de valider les règles de coopération et les règles d’autorité. Ces attentes sont à rechercher autant à l’extérieur qu’à l’intérieur de l’entreprise, à travers, notamment, tous les actes et les attitudes indicibles qui consacrent l’expertise sportive du vendeur. L’inscription des compétences dans des réseaux de jugements et de croyances qui célèbrent l’histoire sportive individuelle

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Offre d’emploi – Animateur de rayon matériel chez Intersport Leader mondial et n° 2 sur le marché français avec près de 500 magasins, nous sommes les spécialistes de la distribution des articles de sport. Esprit d’équipe, réactivité, innovation… nous avons toujours une longueur d’avance pour marquer des points dans notre métier. Nous recherchons pour notre magasin :

34. Denis SEGRESTIN, « La normalisation de la qualité et l’évolution de la relation de production », Revue d’économie industrielle, n° 75, 1-1996, p. 291-307.

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À l’examen des offres d’emplois parues dans la presse, il nous paraît tout à fait fondé que celles consacrées aux moyennes structures du type Intersport ou Sport 2000 insistent nettement plus sur les compétences requises en termes de savoir-être particulièrement que sur l’activité de travail proprement dite. L’offre d’emploi ci-dessous révèle l’importance des qualités personnelles et relationnelles dans une activité de service.


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William GASPARINI et Lilian PICHOT Un animateur de rayon matériel h/f (CDI) Passionné par la vente et le service client, vous animerez votre rayon et vous contribuerez à la réussite des objectifs de l’équipe de vente. Disponible et enthousiaste, vous justifiez d’une expérience réussie dans la distribution et vous connaissez parfaitement les univers techniques du sport (Montagne Eté-Hiver). Une polyvalence sur les rayons roller, cycles, musculation serait un plus. Rigoureux et organisé, vous avez des compétences dans le domaine du merchandising et de l’animation commerciale. De niveau bac+2, vous savez travailler en équipe et possédez un bon contact clientèle.

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35. Selon le concept « d’identité pour autrui » (Claude DUBAR, « Formes identitaires et socialisation professionnelle », Revue Française de Sociologie, 1992, n° XXXIII-2), la reconnaissance de soi est subordonnée à l’estime des autres, en particulier à la reconnaissance par les autres des compétences personnelles. 36. À travers, notamment, l’élaboration des grilles d’évaluation établies par les supérieurs hiérarchiques responsables des magasins. 37. Selon le concept « d’identité pour soi » (Claude DUBAR, 1992, op. cit.), un compromis biographique s’opère entre l’identité héritée (l’identité biographique pour soi caractérisée par les trajectoires sociale, scolaire et professionnelle antérieures), l’identité professionnelle investie actuellement et l’identité visée. 38. Marcelle STROOBANTS, Savoir-faire et compétences au travail. Une sociologie de la fabrication des aptitudes, Bruxelles, Éditions de l’université de Bruxelles, 1993.

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Ces exemples nous montrent que l’évaluation des compétences suit une double finalité ambivalente : une finalité d’uniformisation des critères de jugement pour comparer les salariés entre eux et une finalité d’individualisation du jugement dans une visée de différenciation des contributions 35. Dans l’appréciation des performances, il est possible de relever la thèse de la contingence des situations de travail selon laquelle chaque cas est spécifique et simultanément une volonté de standardiser les outils d’évaluation pour respecter l’équité 36. Cette situation s’inscrit dans la logique de compétence qui contribue nécessairement à une volonté de singulariser les trajectoires professionnelles individuelles 37. En cela, la définition de la compétence 38 selon laquelle elle est indissociable des représentations des acteurs sociaux sur la compétence ellemême (comprise en un sens premier de savoirs, de savoir-faire, de savoirêtre), montre qu’elle s’inscrit dans des réseaux de croyances et de jugements sociaux qui fondent une norme acceptable de compétence servant de jalon.


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« Le vendeur est quelqu’un qui a le contact facile, qui sait écouter le client, qui sait rapidement cerner les attentes, qui sait mettre en avant un produit qu’il a envie de vendre. » (Responsable de rayon Intersport)

La cohésion recherchée en permanence par les décideurs doit articuler les compétences de gestion (financière, humaine, stratégique) et la légitimation de ces compétences et de leur autorité. La justification des compétences exigées se fonde sur l’expérience au travail : « Un vendeur doit vendre avec la technique et l’expérience acquises lors de sa présence en magasin […] on apprend sur place avec l’expérience. » (Gérant d’un petit magasin de sport)

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« Moi, je fais énormément de vélo dans la région, des courses, on me connaît […] on me fait confiance. Le jour où je m’en vais, il faut trouver quelqu’un qui a à peu près le même statut. » (Vendeur chez Véloland)

Ces marges de liberté consacrent des attributs personnels qui relèvent de qualités psychologiques ou d’aptitudes appartenant à la culture du commerce et à la culture sportive possédée, c’est-à-dire à cet ensemble de savoirs, de savoir-faire, de savoir-être propres aux activités sportives et surtout acquis à l’extérieur de l’entreprise.

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Même si l’entreprise a intérêt à rendre importantes et incontournables les légitimités impersonnelles produites par l’instauration de règles formelles et de procédures de travail — la chaîne de tâches successives : approvisionnement du rayon, merchandising, gestion des stocks, réassort, etc. —, elle ne saurait effacer le poids des relations interpersonnelles nécessairement affectives entre les salariés de l’entreprise qui fondent en partie l’efficacité des situations au travail. Cet arbitraire d’ordre affectif, relationnel que les dirigeants de l’entreprise peuvent difficilement maîtriser, traduit des zones d’autonomie et surtout l’acception d’une subordination relative supportable. Ces zones d’autonomie laissent s’exprimer des initiatives personnelles, des réponses à des questions et des besoins imprévisibles, bref, fécondent des satisfactions nées du service rendu aux clients conformément à leurs desiderata : « Aujourd’hui, les clients viennent pour voir Bruno, Laurent ou Brigitte [des vendeurs], parce qu’ils ont un contact privilégié avec l’un d’eux », révèle un gérant de magasin indépendant. La proximité instituée dans la relation au client est un gage de consolidation du salarié dans son poste. Et ces interstices de liberté au travail permettent aux salariés, en quelque sorte, de s’auto-attribuer la réussite professionnelle indépendamment des injonctions managériales descendantes, d’un ordre organisationnel endogène :


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An nom de leur expertise, les salariés ont ainsi l’occasion de faire la démonstration de leur présence indispensable pour l’entreprise. Cette croyance qui place le salarié au centre du réseau d’acteurs — parmi lesquels d’autres décideurs d’entreprises et des consommateurs de biens sportifs avertis ou prescripteurs — qu’il a contribué à édifier constitue un instrument au service de la gouvernance de l’entreprise. Le responsable y tient des informations sur la motivation et les intentions de son personnel. Si l’organisation peut se définir par une rationalité politique centrale, celle de la recherche de l’obéissance (au sens de la soumission consentie) ou de l’adhésion, elle n’évacue pas pour autant les règles autonomes dont se dotent les salariés qui n’existent certes qu’en référence aux règles de contrôle. Selon le processus de la régulation conjointe, les pratiques d’arrangements autonomes et les formes de contrôle officiel peuvent être combinées. En effet, les vendeurs peuvent se remplacer « au pied levé », de manière parfois improvisée, dans les petites structures, sans en avoir à informer leur supérieur hiérarchique. Si le salaire est déterminé et fixe dès l’embauche du vendeur, « par contre, on a la liberté de travail, on travaille quand on veut, on part en vacances quand on veut, il suffit qu’on s’arrange, c’est très élastique. » (Responsable d’un petit magasin spécialisé dans les produits tennistiques). Les dirigeants d’entreprises ont intérêt à infiltrer le sentiment que l’horizon personnel de tout salarié est indissociablement mêlé à l’action collective dans l’entreprise, de telle sorte que le salarié se sente lié durablement à son employeur. L’enjeu consiste alors à imposer la croyance d’un espace de constitution du lien social autour des centres d’intérêt du personnel. Les relations de travail seraient ainsi dépendantes des motivations personnelles en partie communes et centrées sur la quête d’identité des salariés, et sur la reconnaissance sociale de leur place et de leurs réalisations. Les conduites au travail peuvent être le résultat de l’importance que prend la construction d’un lien social dans l’entreprise 39. Ce dernier est construit autour d’une culture commune éprouvée, une culture sportive au premier rang de laquelle être ou avoir été sportif constitue un rite de passage et d’adhésion à la communauté de travail. 39. Renaud SAINSAULIEU (dir.), L’entreprise, une affaire de société, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1990 ; Claude DUBAR, La socialisation. Construction des identités sociales et professionnelles, Paris, Armand Colin, 1991 ; Christian THUDEROZ , « Du lien social dans l’entreprise : travail et individualisme coopératif », Revue française de sociologie, 1995, vol. 35, 2.

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« Qui dit sport dit objectifs, entraînement, objectifs à atteindre, volontarisme, ça va de pair souvent. Quand on fait un sport, à la limite, on est plus sensible au côté dynamique, au côté challenge. » (Gérant de Véloland)


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La culture sportive comme compétence et la rhétorique de la passion partagée du sport Les magasins d’articles de sport emploient des salariés qui détiennent, en très grande majorité, une compétence sportive qui semble fonctionner comme un « capital » au sens de Bourdieu 40 : une compétence qui s’accumule au travers d’opérations d’investissement dans le sport (expériences de pratiquant sportif, participation à des compétitions), qui se transmet par le biais d’un héritage familial 41 et qui permet de dégager des profits selon l’opportunité qu’a son détenteur d’opérer des placements les plus rentables. L’enquête nous montre, en effet, que la majorité des vendeurs d’articles de sport sont recrutés non seulement parce qu’ils possèdent une qualification dans le secteur de la vente ou du commerce au sens large, mais surtout parce qu’ils sont pratiquants sportifs et qu’ils maîtrisent les savoirs et savoir-faire d’un espace sportif particulier (sports de plein air, sports de raquette, cyclisme, sports collectifs, etc.) : « Pour moi, il faut d’abord être passionné et très bien connaître le monde de la glisse. » (Directeur d’un magasin Quai 34)

Ou bien encore :

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En ce sens, la compétence sportive ne se présente pas comme une seule compétence technique. Elle est aussi une compétence sociale qui rend compte des relations dont dispose le vendeur dans un milieu sportif particulier. Ces relations vont permettre de conquérir la confiance du client : « Le client sent la différence entre un vendeur qui connaît le produit, l’a utilisé et un vendeur qui ne l’a pas testé, à sa manière d’en parler, d’expliquer son produit, il est plus crédible », affirme le directeur d’un magasin Intersport. De plus, la maîtrise de l’actualité sportive constitue un faire-valoir aux yeux des clients, un gage de compétence : « C’est aussi important de connaître l’actualité sportive car on est de plus en plus confronté au client qui est hyper-informé, il ne faut pas être trop en décalage avec les clients », insiste le directeur du magasin Véloland à Mulhouse. Ces univers de consommation sportive reposent sur le principe de la passion partagée du sport, entre les clients, vendeurs et managers, formant 40. Pierre BOURDIEU, « Espace social et genèse des classes », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 52-53, 1984, p. 3-14. 41. L’enquête nous révèle que la majorité des parents des vendeurs d’articles de sport sont pratiquants sportifs ou d’anciens sportifs, ce qui suppose aussi une familiarisation précoce avec les objets et les équipements sportifs nécessaires à la pratique.

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« Ah oui, il faut qu’il touche la neige. » (Directeur d’un magasin d’articles de sports d’hiver)


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ainsi une communauté de sportifs défenseurs des mêmes valeurs et adoptant le même style de vie. Cette culture sportive commune est au fondement d’une sorte de connivence entre patron et salariés mais crée, dans le même temps, une relation paternaliste confortant l’autorité du supérieur hiérarchique (tout comme les athlètes ou les joueurs acceptent l’autorité de l’entraîneur ou du coach). Cette notion de passion du sport est très souvent évoquée par les responsables de magasins et les recruteurs. D’après les résultats de l’enquête par questionnaire, 90 % des répondants estiment que la pratique d’un ou plusieurs sports est souhaitable ou importante pour exercer la vente d’articles de sport. Dans les TPE, plus de 80 % des gérants sont d’anciens sportifs et recrutent prioritairement des vendeurs sportifs. Selon le gérant de Véloland, ancien cycliste devenu directeur d’une PME spécialisée dans le cycle, « le client et le vendeur partagent la même passion. Nous, on a une clientèle de passionnés, le client connaît le cyclisme. En face, il faut des réponses crédibles ». Le directeur d’un magasin Sport 2000 nous affirme que « c’est plutôt la passion qui va faire un bon vendeur, à partir du moment où on est passionné par une chose, après, avec une connaissance du produit, on peut y arriver ». Pour le directeur d’un magasin Décathlon aussi, « le lien, c’est la passion […] si l’on discute une demi-heure avec le client, on ne peut pas dire que la vente est faite mais le client adore raconter ce qu’il a fait… ». Cette passion partagée entre le vendeur et le client permettrait selon lui de fidéliser le client.

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Les directeurs estiment qu’un bon vendeur doit avant tout être « motivé » et « passionné de sport ». Au-delà de la qualification, la compétence première serait non seulement de vendre mais surtout de réussir à fidéliser le client, d’où l’insistance sur les « capacités relationnelles » des jeunes recrues. Selon le directeur de Sport 2000 à Illkirch 42, « un bon vendeur, c’est un vendeur qui sait tout simplement faire revenir son client ». La majorité pense aussi, qu’à travers son attitude, le vendeur doit refléter l’image dynamique du magasin. Comme la plupart des grandes surfaces spécialisées, les magasins Décathlon, Sport 2000 ou Intersport pratiquent aussi la vente assistée : il s’agit d’une forme de vente en libre-service donnant la possibilité au consommateur de s’informer auprès de conseillers. La proximité avec le client 42. Commune de 23 000 habitants située au sud de Strasbourg.

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Le profil idéal du bon vendeur : être ou avoir été sportif pour mieux servir le client


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et la demande est d’autant plus « naturelle » que ces vendeurs sont généralement considérés comme des spécialistes des produits mais aussi comme des sportifs accomplis. Portrait du « vendeur idéal » selon les directeurs de grands magasins

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L’adhésion au discours managérial semble aussi se renforcer par la sélection au recrutement orientée sur des critères de motivation et de proximité avec la culture sportive. Excluant des candidats non sportifs (ou non compétents dans le domaine sportif recherché), le recrutement se transforme ainsi en élection, engendrant le sentiment d’appartenir à une sorte d’élite et à une communauté partageant la même culture sportive (du vendeur au directeur). Un des effets de la violence symbolique est bien la transfiguration des relations de domination et de soumission en relations affectives, la transformation du pouvoir en charisme (au sens de Max Weber) propre à susciter un enchantement affectif. La majorité des directeurs partagent l’avis que le sportif ou le « passionné » de sport serait plus apte à vendre des produits sportifs. Pour le gérant de Véloland :

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« Il n’existe pas. Il vous suffit de reprendre tout ce que je vous ai dit, notamment sur l’aspect sportif, le dynamisme, l’esprit d’équipe, un peu d’expérience dans la vente. Et c’est l’entretien qui fera la différence. Mais nous, Décathlon, on recherche des valeurs, c’est humain. » (Décathlon) « Le premier point c’est sa motivation, il faut qu’il ait un minimum de formation. Mais vraiment, le point le plus important c’est la motivation […] il faut que le vendeur ait un esprit d’équipe, que la personne s’intègre facilement, on ne va pas créer des problèmes dans une équipe pour une personne, si on a une équipe de 11 personnes qui travaillent bien et qui s’entendent bien ensemble. » (Intersport) « C’est quelqu’un qui a une sensibilité produit, connaît bien le produit, qui est pratiquant avant tout, qui doit aimer ça, qui veut mettre sa passion, sa discipline au service du commerce. » (Véloland) « Un bon vendeur, c’est un vendeur qui sait tout simplement faire revenir son client, ça passe par la convivialité, ça passe par l’accueil, je dirais toutes les prises déjà de confiance au niveau d’un client, l’écoute, et puis de finaliser sa vente surtout. Ce qu’il y a de plus important, c’est le relationnel, et bien sûr finaliser, mais s’il y a un bon relationnel, la finalité elle se produit […] Après, c’est quelque chose qu’on a en soi ou pas. Il y a des gens qui sont prédisposés à la vente, d’autres non. […] Aujourd’hui, il y a une nécessité en magasin, on vient acheter du rêve, quoi, on ne vient pas acheter une nécessité produit. » (Sport 2000)


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William GASPARINI et Lilian PICHOT « c’est préférable d’être sportif quand on est vendeur ou directeur de magasin sportif. Oui, être sportif au départ, c’est important […] S’il est totalement étranger au monde du vélo, bon ça nous est arrivé, ça peut être de bonnes recrues mais en général, il vaut mieux connaître le cyclisme, s’il ou elle est en concurrence avec d’autres personnes, ça fait la différence. On en tient quand même compte. »

De même, le directeur d’un magasin Décathlon affirme : « Vous ne verrez jamais, sauf cas très rares, un non sportif embauché chez nous. On veut des gens dynamiques, sportifs. Après, cela ne veut pas dire que quelqu’un de sportif est forcément dynamique, on peut se tromper. Mais la base est que l’on veut des sportifs. L’intérêt aussi est de créer la possibilité d’un échange courtois avec le client : “ Tenez, la dernière fois, j’étais en montagne ”… »

Le directeur d’un magasin Sport 2000 estime aussi qu’il vaut mieux recruter un vendeur sportif : « Un vendeur, on va essayer de recruter une personne qui est quand même sportif, quoi. C’est lui qui pourra le mieux en parler, c’est obligé, je ne vois pas, je vois pas comment on pourrait faire différemment […] C’est au vendeur après de s’intéresser au produit, quoi. C’est, à mon avis, l’incontournable, quoi. Si le vendeur n’est pas intéressé par ce qu’il vend, ben très rapidement, son rayon ne tourne pas ou ne va pas exploser les chiffres, ça c’est clair. On n’est pas vendeur ski si on pratique pas du ski. On n’est pas vendeur foot si on pratique pas du foot, quoi. »

Selon lui, « Un ski, il y a sa structure, une explication par rapport à son utilisation. On va pas prendre un ski spécifique slalom pour quelqu’un qui démarre dans le ski, quoi, c’est inconcevable, c’est pas possible, quoi. Avant tout, le client il est en attente d’un conseil, ce conseil-là on ne va que pouvoir lui apporter si on connaît le produit, quoi. Si on ne connaît pas le produit, ça va être difficile. Si vous rentrez pour du foie gras dans une grande surface ou dans un magasin, vous n’allez pas ressortir avec une boite de pâté. »

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Produite de constructions historiques et quotidiennes des acteurs individuels et collectifs, l’entreprise est une formation sociale grâce à laquelle on peut comprendre les subjectivités, en rapport avec un projet de concentration du pouvoir, c’est-à-dire un projet de domination 43. La bureaucratie est libérale parce qu’il y existe une mesure commune — la passion pour l’univers sportif nous fait y adhérer — et une individualisation de la gestion des personnes — les valeurs de la sphère sportive nous conduisent à l’accepter et à ne pas la remettre en cause. 43. David COURPASSON, L’Action contrainte. Organisations libérales et domination. Paris, Presses Universitaires de France, 2000.

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Conclusion : un univers circonscrit par des valeurs de référence


Régulation des relations de travail et culture sportive

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Les instruments de gestion peuvent servir à « personnifier les collectifs » et à en faire des « sujets responsables d’actions historiques » 44. L’ensemble des contraintes sur lesquelles s’appuie la domination libérale (non absolue, donc crédible et durable) ne s’exercent pas seulement par des mécanismes d’intériorisation. Selon David Courpasson, l’ordre organisationnel se construit en dehors des volontés et des pratiques des acteurs 45. Des systèmes normatifs exogènes s’imposent à eux — les coutumes du champ de la pratique sportive par exemple — tant et si bien qu’il n’y a pas de place pour le libre arbitre. La régulation conjointe est un équilibre des tensions entre la régulation de contrôle — les règles de fonctionnement que les salariés ne peuvent pas transgresser — et la régulation autonome, c’est-à-dire les arrangements quotidiens entre salariés fondés sur des liens affectifs. Le projet commun du groupe de travail assure cette régulation. Ce projet comprend une finalité (penser la relation au client à partir d’une logique de service de qualité), une intention (viser le « zéro défaut » ou l’excellence et obtenir le statut d’expert aux yeux des clients comme de la direction), une orientation d’actes (la satisfaction du client et, partant, sa fidélisation obtenue par la preuve de l’honnêteté du vendeur), les conditions de ce projet s’enracinent dans la « fibre du commerce » et la possession d’un capital sportif partagé :

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Ces deux sources sont, de manière indéfectible, partagées par les directeurs de magasins qui recrutent leurs semblables. Contraints de s’accommoder à l’équipe de travail en place, les salariés s’acculturent aux règles de l’entreprise. Les recruteurs y valorisent l’équilibre collectif de l’équipe de travail qui est présenté comme condition de la performance individuelle dans un contexte de société où prédominent justement la performance individuelle et l’individualisme. Le rapport à la norme, à la contrainte et les formes de coopération au travail, la division du travail se définissent et se comprennent en regard des histoires particulières des individus et des communautés constituées. Université Marc Bloch – Strasbourg II Équipe de recherche en sciences sociales du sport (EA 1342)

44. Pierre BOURDIEU, Le sens pratique, Paris, Éditions de Minuit, 1980, p. 64. 45. David COURPASSON, op. cit.

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« Un vendeur a une sensibilité produit, il connaît bien le produit, il est pratiquant avant tout, il doit aimer ça, il veut mettre sa passion, sa discipline au service du commerce. » (Directeur de magasin Véloland)


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