Ultra Magazine n°3 - version intégrale

Page 1

L 17574 - 3 - F: 12,00 € - RD - Belgique : 12,90 €


© Simon Coste - Fotolia.com

# 3 • JAN-FÉV 2014

2


Par Philippe Billard

JE VŒUX PAS L’équipe Ultra Mag au grand complet se mobilise pour vous souhaiter une année 2014 exécrable. Nous espérons très sincèrement qu’aucun de vos vœux ne va se réaliser, qu’il s’agisse de souhaits professionnels, de votre avenir amoureux, de vos projets immobiliers ou de vos placements boursiers. Si vous avez des enfants, tout ce qu’on peut leur souhaiter, c’est que leurs résultats scolaires touchent le zéro et y restent collés. Au passage, dites leur aussi qu’aucun de leurs vœux ne se réalisera (y’a pas d’raison) et qu’ils profitent bien des cadeaux de 2013 parce que 2014 sera une opération zéro (oui, encore) déchets, et donc zéro emballage, et donc zéro cequ’il-y-a-dans-les-emballages. Mais revenons à vous… Vous voulez prendre de bonnes habitudes ? À quoi bon, vous n’arriverez pas à les tenir. Maigrir ? Vous allez tout reprendre et même en gagner un de plus au passage. Prendre soin de vous ? Sans blague… Vous mettre à la musique ? Mozart savait déjà jouer à quatre ans, vous voyez bien que c’est trop tard ! Essayer un triathlon ? Là oui : apéro – foot – troisième mi-temps tous les week-ends. Un ultra ? Un nu quoi ? Normalement, si vous avez lu jusqu’ici, vous commencez à être fin prêt pour une année bien pourrie. Vous en voulez encore ? Alors une spéciale pour tous ceux qui habitent dans les lieux (trop) ensoleillés : plein de pluie pour vous ! Et à la montagne ? Pas de neige de la saison ! Et dans le Nord : allez, on est gentils, vous pouvez garder le vent, le gris, le froid. Quant à ceux qui tirent toujours les « E » au scrabble, on leur donne des « X » et des « Q ». Bien fait. Et si ça ne suffit toujours pas, une bonne fuite d’eau, une augmentation des impôts locaux, la braguette qui craque juste avant d’aller au boulot, et une bonne crotte de chien juste devant votre porte. Une petite tempête tropicale pour terminer ou un tsunami. Voilà donc nos meilleurs vœux pour 2014. On a tout donné, rien que pour vous. Vous avez de la chance, les vœux, ça ne se réalise jamais.

3


ULTRA MAG : MODE D’EMPLOI

UNDERGROUND

CURIOSITÉ CULTURE, SOCIÉTÉ, MONDE, ART, ÉCONOMIE

ZÉRO

ÉQUILIBRE

102

L’objet que vous tenez entre les mains va vous surprendre. Pour en tirer la quintessence, lisez cette page qui vous permettra de comprendre en un coup d’œil comment s’articule le « MOOK ».

RESPECT SANTÉ, FORME, BIEN-ÊTRE, VIGUEUR

TOP-CHRONO

EXCELLENCE PERFORMANCE, AMÉLIORATION, PRÉPARATION, ACCOMPLISSEMENT

ABSOLU

AU-DELÀ ULTRA, EXTRÊME, RECORD, FRISSON, OBSESSION

SOMMAIRE TEMPS FORTS ET SOMMAIRE D’UNIVERS

108

# 3 • JAN-FÉV 2014

PLAISIR VOYAGE, ÉVASION, AILLEURS, PARTAGE

INFINI

GLOBE-TROTTER

104

4

LE « MOOK » Ultra Mag est un MAG Ultra Mag est aussi un BOOK Ultra Mag est un MOOK !

5 MAGAZINES EN 1 Parce que quand on est ultra, un magazine c’est trop peu, nous avons décidé de vous proposer 5 mags en 1 .

LE SPORT DE ZÉRO À L’INFINI

INDEX DES COURSES

Un sommaire des temps forts du mag en page 6 + un sommaire détaillé pour chacun des univers.

Retrouvez en page 240 le listing de toutes les épreuves dont nous parlons dans le mag, un moyen simple de retrouver la course que vous avez faite.

L’ARTICLE « GRAND ANGLE »

GLOSSAIRE

Une thématique traitée transversalement dans tout le magazine, selon l’angle approprié à chaque univers ; ce mois-ci, le Kilomètre lancé.

Une astérisque (*) dans un article ? Filez en page 244 pour retrouver l’explication du mot ou de l’acronyme.

LECTURE AUGMENTÉE

Téléchargez l’appli Ultramag sur l’Appstore. Lancez. Cadrez. Appréciez.

BONNE LECTURE !


Édité par la société Ultramag au capital de 5 000 € - 4 rue de Berri, 75008 Paris. Directeur de publication Philippe Billard (p.billard@ultramag.fr) | Rédacteur en chef Emmanuel Lamarle (e.lamarle@ultramag.fr) | Secrétaire de rédaction JeanMarie Gueye (jm.gueye@ultramag.fr) | Directrice artistique Anne-Emmanuelle Fizel (ae.fizel@ultramag.fr) | Dessinateur Régis Coquemont | Relecture Jean-Marie Gueye | Référent Underground Jean-Philippe Lefief Référent Équilibre Laurent Vercueil Référent Globe-trotter Nathalie Lamoureux Référent Top chrono Vincent Delebarre Référent Absolu François Castell | Contact redaction@ultramag.fr. Collaborateurs : Aïcha Bahcelioglu, Christophe Berg, Frédéric Brigaud, Guillaume Millet, Gildas Penverne, Mélanie Piau, Joe Gaulbaire, Cyril Bussat, Francesca Sacco, Anthony Berthou, Thomas Thiébaud.

EN COUVERTURE

IVAN ORIGONE (250,700 KM/H) EN TEST DE SOUFFLERIE À MILAN © Damiano Levati / Red Bull Content Pool

Contributeurs : Stéphane Marchand, Sandrine Bec, Tam Tam Photo, www.stilealpino.it, Steffendia, GoPro, Remi Gardet, Stefan Schurr, Dean Moriarty, www.sebmontaz.com, Maridav, Jocelyn Chavy, Fiedels, Richard CareyStefan Schurr, Ammentorp, WavebreakmediaMicro, william87, Aaron Amat, LEGOS7365, Pavel Losevsky, christine krahl, Vladimir Voronin, olesiabilkei, Erica Guilane-Nachez, Phot65, Warren Goldswain, 2013 Warner Bros. Entertainment Inc., Minerva Studio, Olivier Leblond, Fotolia, Red Bull Media House, NLshop, Trail Attitude, Cirque du Soleil, Stevanzz, Michael Darrigade, FdM, Pascal Penot, Somatuscani, www.grancanariamaraton.com, Mouss Production, www.transvulcania.com, Eduardo Castro, www.fuertecoast2coast.com, James Mitchell Lanzarote marathon, http-//utgc.es, Alexis Martin, http-//nyx.at/canary, www. challengefuerteventura.com, Red Bull Media House, María Curbelo, Manu Notedigo, commons.wikimedia.org, B. Longo OT Val Thorens, Olivier Leblond, Ruigsantos, Carlos Diaz, www. limoniumcanarias.com, www.anduturismoaventura.com, www.aventuraencanarias.com, www. cyclegrancanaria.com, www.aventuraencanarias.com, www.elsalobrehr.es, www.limoniumcanarias.com, aventuraencanarias.com, aventuraencanarias.com, www.golfcostaadeje.com, Turismo de Canarias, Zhu Difeng, Audrey Badurenko, Teracreonte, Anthony Chaumontel, Arnaud Chabanol, Shutterstock, Fabien Senet, Etienne Fert, WONG SZE FEI. Impression : Rotimpress S.A. – Plat de l’Estany S/N – 17181 Aiguaviva (GIRONA). Dépôt légal : 3e trimestre 2013. Commission paritaire : 1118 K 92061. ISSN : 2268-9869. Licence : Ultramag est sous licence Creative Commons : vous êtes libre de reproduire, distribuer et communiquer cette création au public à condition de 1/ citer la source 2/ pas d’utilisation commerciale 3/ pas de modification. Les documents reçus par la rédaction ne sont pas rendus et leur envoi implique l’accord de leur auteur pour leur libre publication sous licence CC. Internet : Ultramag, c’est aussi le site internet dédié à l’ultra sous toutes ses formes. Infos au quotidien, articles de fond, utilitaires pour le sportif, plate-forme communautaire : inscrivez-vous et partagez sur internet votre expérience avec une communauté qui comprend vos préoccupations.

ULTRA MAG SUR INTERNET C’EST WWW.ULTRAMAG.FR

ABONNEZ-VOUS !

PUBLIVORE ? La liste de tous nos annonceurs est faite pour vous.

BULLETIN PAGE 235 OU PAR INTERNET

6666 Occitane Andorra Ultra-Trail Ardennes Méga Trail Bonjour Trail Eco-Trail de Paris

215 239 241 237 245

FHM 209 Holiste 77 Ultra Mag 235, 252 WAA 129, 173, 251

5


SOMMAIRE

TEMPS FORTS

CULTURE

SANTÉ

underground

équilibre

8

52

10 |

54 |

L’INVENTION DU SKI

LES CONTRAINTES DE LA VITESSE

22

66

CAMERAMEN EMBARQUÉS

L’ÉQUILIBRE ACIDO-BASIQUE

34 LA TÊTE ET LES JAMBES YOHANN MÉTAY

78 COMPRENDRE NOTRE CORPS OBÉISSEZ À VOTRE CERVEAU

38 LA PAROLE À LUDOVIC COLLET

90 ITINÉRAIRE ANNETTE SERGENT

5 MAGAZINES EN 1


ÉVASION

PERFORMANCE

ULTRA

globe-trotter

top-chrono

absolu

102

144

186

104 |

146 |

188 |

LES PLUS BELLES PISTES

LA TECHNO POUR ALLER VITE

« POUR ALLER VITE IL FAUT ÊTRE LENT »

114

HIMALAYA, RÉVÉLATEUR D’ÂME

124 LE BAROUDEUR PASCAL PENOT

134 AUTOUR DU SPOT LES CANARIES

156

198

HOME-TRAINING

6 JOURS À PIED

166 AU CŒUR DU SYSTÈME LA SÉANCE DE VMA

210 PORTRAIT ON/OFF ETIENNE FERT

178 SUR LE BOUT DES DOIGTS ECO-TRAIL DE PARIS

216 PORTFOLIO SPARTAN RACE

RETROUVEZ VOTRE E-MAG SUR NOTRE SITE WWW.ULTRAMAG.FR

RETROUVEZ AUSSI ULTRAMAG SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX


UNDERGROUND

ÉLARGIR SON HORIZON

Je veux transformer ma vie en pièce de théâtre. Je veux devenir l’acteur de ma destinée. Je veux décider où je partirai, quand, et pour combien de temps. Je veux décider de mon moyen de locomotion, et je décide que mes muscles, et eux seuls, serviront à me bouger. Je veux rencontrer plein de gens, et je veux aussi qu’ils me rencontrent. Je veux sonder l’âme humaine et je veux montrer que moi aussi j’ai une belle âme. Je veux aller loin, très loin, et même encore plus loin, autant à l’intérieur de moi-même que sur notre jolie planète. Pour créer ma légende personnelle, pour la comprendre moi-même et la faire comprendre des autres, j’ai besoin d’un troisième œil. Un œil déformant la réalité pour lui donner l’aspect qu’elle prend dans mon cœur. Un œil qui rend tout beaucoup plus gros, plus grand, plus intense, plus magnifique. Je n’ai pas de scribe pour raconter mes exploits. Pas d’ami poète pour faire de moi un mythe. Mais les Dieux Youtube, GoPro, et Facebook sont de mon côté. Grâce à eux vous saurez tout de moi : les doutes, les joies, les accomplissements, les records, les bassesses contrôlées, et les humilités à peine surjouées. Celui que vous voyez à travers le FishEye, celui qui vous prête ses yeux en caméra subjective, c’est moi tel que je me veux, c’est mon « je » dans toute sa splendeur, mon jeu de comédien, d’acteur de sa vie. Je vous laisse cette surface made in Hollywood pour vous transporter ailleurs, pour vous aider à vivre vos rêves. Puis je m’en retourne dans la vraie vie, dont vous ne saurez jamais rien, à moins de vivre avec moi. Personne ne s’y risquerait.

FISH EYE

© Remi Gardet - Fotolia.com


SOMMAIRE

22

À FOND COMME LES CHERCHEURS D’OR

10

10 Grand Angle Kilomètre Lancé À fond comme les chercheurs d’or 16 Courrier des lecteurs 18 Actus

34

22 Dossier : Cameramen embarqués

38

44 Thema Cinéma : Gravity

48 34 Portfolio : La tête et les jambes : Zombie walk Paris Yohann Métay 38 La Parole à… Ludovic Collet

UNDERGROUND

9


Underground : L’invention du ski | 10 Equilibre : Les contraintes de la vitesse | 54 Globe-Trotter : Les plus belles pistes | 104 Top Chrono : La techno pour aller vite | 146 Absolu : « Pour aller vite il faut être lent » | 188

© Tam Tam Photo

R

D N LES D’O FOME RS À M EU CO CH ER

CH

# 3 • JAN-FÉV 2014

10

LE KILOMÈTRE LANCÉ

LE KILOMÈTRE LANCÉ


Le ski de vitesse est l’une des disciplines les plus anciennes du ski sportif. Il trouve ses racines en Norvège et dans les Rocheuses de Californie. Des chercheurs d’or au flamboyant Leo Gasperl, voici l’histoire du kilomètre lancé et des premiers KListes1. Par Philippe Billard

V

ous vous trouvez dans un saloon des montagnes Rocheuses, au temps des chercheurs d’or. L’année ? Disons, aux alentours de 1850. Les hommes qui se trouvent là sont particulièrement imbibés de whisky bon marché. Ils font du bruit, ils tuent le temps en jouant aux cartes, quand ils ne travaillent pas dans l’une des exploitations minières des environs. Au fil des verres, l’envie d’en découdre se fait de plus en plus forte. Vont-ils se battre ?

Non, ils vont chausser les planches et dévaler les pentes les plus abruptes. Des planches ? Disons plutôt des longboards mesurant facilement 3, 4, ou même plus de 6 mètres de long. Pas question de tourner, on s’arrête avec un bâton en bois qui sert de frein. Certains sont plus doués que d’autres pour s’envoyer en bas de la pente. La piste de La Porte, 400 m de long environ, se trouve en Californie (la Californie montagneuse, pas celle des plages). Elle est l’un des terrains de jeu favoris de ces acharnés qui s’y affrontent régulièrement. En 1867, Lotti Joy atteint presque les 80 km/h mais quatre ans plus tard, c’est un certain Tommy Todd qui franchit la barre des 140 km/h. Son record ne sera reconnu officiellement que par la fédération californienne de ski, pour les instances internationales, il n’existe pas.


LE KILOMÈTRE LANCÉ

# 3 • JAN-FÉV 2014

12

LES MONGOLS INVENTENT LE SKI Le ski vient de Norvège, et ce sont d’ailleurs les migrants Norvégiens qui introduisent les courses de vitesse chez les orpailleurs américains. Le milieu du 19e siècle est marqué par de fortes tensions avec la Suède, avec laquelle une union qui ne porte pas le nom d’annexion mais qui y ressemble a été proclamée, à la fin du 18e. Le ski, c’est un peu la fierté des Norvégiens, comme le rugby serait celle des Irlandais. Alors ils inventent, réinventent, créent et recréent le ski. Et ils dévalent à toute vitesse les pentes des montagnes de la région du Télémark2. La Norvège porte le ski dans son ADN mais tout porte à croire que le ski serait né voilà plusieurs milliers d’années dans l’Altaï, une zone montagneuse située à cheval sur la Russie, la Chine, la Mongolie et le Kazakhstan. Les skis les plus anciens sont conservés au musée de Stockholm et remonteraient à 3000 ans avant J.-C.. Deux planches de bois de longueurs inégales attachées sommairement aux pieds, une large et courte pour les appuis, l’autre étroite et longue pour la glisse. Il semblerait donc que la Mongolie soit le berceau du ski, qui aurait été diffusé lors de migrations en Scandinavie et en Amérique du Nord via le détroit de Bering. Si le philosophe grec Hérodote évoque le ski dans l’un de ses textes, on n’en trouve pas vraiment de trace dans la civilisation occidentale antique et moyenâgeuse. Des écrits et des légendes permettent de retrouver l’utilisation de planches de bois en Europe du Nord et en Chine. Point à la ligne.

LA NORVÈGE RÉINVENTE LE SKI La littérature scandinave fourmille quant à elle de références au ski. En Norvège, l’usage du ski est si répandu qu’il est fait mention en 1050 d’une course, « la saga du roi Harald ». En 1550, l’armée de Norvège possède des soldats skieurs. Ailleurs dans le monde, et particulièrement plus au sud de l’Europe, cette pratique est considérée comme profondément exotique.

EN 1550, L’ARMÉE DE NORVÈGE POSSÈDE DES SOLDATS SKIEURS

Il faudra attendre la fin du 19e siècle pour que les militaires introduisent l’usage du ski en France. Après la défaite française de 1871, l’armée des Alpes est créée pour surveiller les hautes vallées. L’état major préconise l’utilisation des skis et en 1904 est fondée la première école pour les militaires à Briançon, qui formera jusqu’en 1914 plus de 5000 skieurs militaires. Ces derniers contribueront fortement au développement de la pratique du ski en cédant gratuitement des « planches », dans les hautes vallées montagnardes et en devenant moniteurs bénévoles.

Si on est encore loin de l’utilisation du ski comme moyen de s’éclater, ou plus prosaïquement, de s’amuser, de faire du sport, la Norvège, une fois de plus, a depuis longtemps pris le virage. Un Norvégien du nom de Sondre Norheim, de la région de Télémark, raccourcit la longueur des skis, modifie les fixations,


donne aux skis en saule un profil en taille de guêpe et crée la première école de ski. Les premières compétitions de ski sont organisées dans les années 1840, dans les régions du centre et du nord de la Norvège. En 1868, la première compétition internationale consacre ce même Sondre Norheim, qui possède quelques belles prédispositions physiques.

500 KM À TRAVERS LE GROENLAND

LEO GASPERL, ARTISTE FUTURISTE

N

é en 1912, l’homme le plus rapide des années 30 et 40 a vingt ans lorsqu’il établit son record de 136,600 km/h. Malgré ses qualités et son style incroyable, il n’est pas tenté par la compétition. C’est un artiste, un touche à tout, un pédagogue dans l’âme, qui est appelé par l’Italie pour créer, puis entraîner, la première équipe nationale de ski transalpine. Il sillonne les Alpes italiennes pour trouver les futurs talents, et découvre un certain Zeno Colò, qui dépassera en 1947, de près de 23 km/h, son maître sur le kilomètre lancé, avec 159,292 km. On ne trouve donc pas trace de Leo Gasperl dans les fiches de la Fédération internationale de ski (FIS), puisque le kilomètre lancé, bien qu’étant l’une des disciplines les plus anciennes du ski alpin, n’a pas été reconnue comme sport olympique. Tout au plus si on a eu le droit à une démonstration aux JO d’hiver de 1992… Mais malgré cette absence des compétitions officielles, les plus grands skieurs admirent sa technique, douce et inspirée. Éclectique, Leo Gasperl joue dans les films de Riefenstahl et de Trenker, coache les VIP, riches bourgeois, stars, aristocrates en vue du moment. Il joue aussi les top models pour la mode ski, en devenant l’un des premiers à porter des vêtements de toutes les couleurs : rouge, vert, bleu ciel, jaune, rien ne lui fait peur et il devient un modèle de classe. C’est sa femme qui conçoit les modèles qu’il portera, et bientôt le couple Gasperl est ami des familles les plus riches du monde, de l’Aga Kahn aux têtes couronnées de la vieille Europe. Leo Gasperl photographie, Leo Gasperl écrit. Il est qualifié d’artiste futuriste par son biographe, Fulvio Ferrari. Enfant, il rêve de conduire des trains, ces trains autrichiens qui traversent les montagnes et exercent sur lui une irrésistible attraction. Son désir de tracer des courbes parfaites avec ses skis parfaitement joints et parallèles vient sans doute de là.Parmi ses idées iconoclastes, on trouve l’invention du « Schwebelauf », que l’on pourrait traduire de l’allemand par « ski volant ». Muni d’une sorte de cape préfigurant le wingsuit, il dévale les pentes et exécute des figures entre le saut et le vol plané. Artiste futuriste, donc, et aussi grâce à son élégance. On dira à son propos que son élégance résulte d’une somme de choses dont le résultat est un mouvement simple et harmonieux. Ce mouvement inclut le meilleur de ce qu’il est possible de faire dans la discipline.

© www.stilealpino.it

Il faut peut-être marquer les esprits pour montrer les formidables possibilités du ski. La première grande date ne glorifie pas la vitesse, ni les acrobaties, elle salue le courage d’une poignée d’explorateurs. En 1888, Fritjof Nansen et son équipe traversent le Groenland à ski, soit plus de 500 km. Tous les journaux reprennent l’information, le retentissement est mondial, l’explorateur écrit un livre, On skies over Greenland, sorti en 1890 et qui fait un tabac.


LE KILOMÈTRE LANCÉ

# 3 • JAN-FÉV 2014

14

Peu à peu, le ski ludique, le ski plaisir, s’introduit dans les Alpes, mais aussi à l’autre bout du monde, aux États-Unis. Le Club Alpin Français, créé en 1874, organise les premiers concours internationaux en 1907 à Montgenèvre et en 1908 à Chamonix. La pratique du ski devient un phénomène social. Les Scandinaves, très avares de « leur » sport, freinent des quatre carres pour empêcher la création de Jeux Internationaux en dehors de la Scandinavie. Ils organisent les jeux nordiques dès 1913 mais rien ne peut enrayer le phénomène et les premières compétitions de slalom et de descente débarquent dans les Alpes en 1924. C’est aussi l’année de la création de la Fédération Internationale de Ski, ainsi que des « Jeux internationaux de neige et de glace », à Chamonix, avec trois disciplines : fond, combiné nordique, tremplin. Les Norvégiens et les Finlandais raflent tout.

1930 PREMIER RECORD DE VITESSE 105 KM/H Le sport d’hiver nommé « ski » se développe, mais c’est le tourisme d’hiver qui va exploser littéralement pendant l’entre deux guerres. Réservé à une élite aristocratique, il voit pousser les premières stations de ski. Il s’agit en général de stations thermales telles que Saint-Moritz, Saint-Gervais, ou Aix-les-Bains. La Baronne de Rotschild choisit Megève en 1922 pour y installer sa station avec 5 hôtels et le premier téléphérique destiné aux seuls skieurs. On invente alors ce qui aujourd’hui paraît évident, fondu dans le paysage montagnard : remontées mécaniques, stations villages, domaines skiables, pistes balisées et surveillées. Si les Scandinaves ont inventé la forme initiale des skis, les Alpins revendiquent leur métamorphose vers la descente et la vitesse. Avec l’arrivée de la descente et du slalom en 1930 comme épreuves officielles du championnat du monde, de réelles recherches sont engagées. En 1932 on ajoute des carres métalliques sur les arrêtes inférieures des skis pour limiter leur usure. Les fixations à ressort arrivent. On utilise un bois venu d’Amérique du Nord, le hickory, très lourd et résistant. Il succède, ou plutôt donne une alternative, au frêne et au bouleau, bois plus légers et meilleurs marché, mais moins solides. Les techniques évoluant, la bouture ayant pris, on voit réapparaitre les fous volants, ou plutôt les fous glissants, dont le seul objectif sera de descendre le plus vite possible les pentes les plus abruptes. Il faut attendre 1930 pour trouver la trace d’un premier record de vitesse. Un premier nom qui apparaît sur les tablettes : Gustav Lantschner. L’Autrichien rouvre la brèche de ce qui deviendra plus tard le kilomètre lancé, et pulvérise à Saint-Moritz le mur supersonique des 100 km/h. La première marque officielle de l’histoire du ski de vitesse : 105,675 km/h.


LE SKI EMBALLE HOLLYWOOD Le premier film avec des scènes de ski à Hollywood est The hat check girl (1932, par Sidney Lanfield, avec Ginger Rogers). À cette époque, l’imaginaire collectif croit que le cinéma montre la vraie vie. L’influence de ce média est comparable, voire supérieur à celui de la télévision aujourd’hui. Avant ce film, l’Américain moyen imaginait le skieur comme lancé d’un canon, un boulet dont la trajectoire incontrôlable se terminait inexorablement contre un sapin. The hat check girl montre au contraire un sport accessible, lors duquel on reste en contact avec le sol (sic). Il fallait au moins ça pour participer à donner sa popularité au ski, et montrer que ce sport pouvait aussi être un loisir récréatif. Le film sort la même année qu’ont lieu les Jeux d’hiver de Lake Placid, aux États-Unis, avant que le comité olympique ne valide l’idée de Jeux Olympiques d’hiver officiels. Un peu plus tard, en 1936, The moon’s our home, porte à l’écran Margareth Sullavan et Henri Fonda. Là encore, des plans magnifiques montrent que le ski peut être une activité beaucoup plus plaisante qu’effrayante. Ils sont suivis de Thin Ice, ainsi que quelques autres, mais c’est Sun Valley Serenade qui marque son temps. Plus jamais après ce succès commercial, sorti juste avant l’entrée des États-Unis dans la seconde guerre mondiale, un film ne montrera le ski alpin sous cet angle, avec des scènes de glisse étonnantes.

LEO ET SA DESCENDANCE À l’époque on ne sait pas grand-chose sur les frontières franchissables ou pas. C’est véritablement Leo Gasperl, un Autrichien haut en couleurs (voir encadré) qui va reléguer son compatriote au statut de jeune conducteur en réalisant un excès de vitesse flashé à 136,600 km/h, toujours à Saint-Moritz, en 1932. Il s’agit du premier record homologué officiellement. Gustav Lantschner est définitivement jeté aux oubliettes, à tel point que son nom est régulièrement oublié des tablettes de record. Il faudra attendre 16 ans et l’après-guerre pour que l’Italien Zeno Colò, élève de Leo Gasperl, fasse à nouveau progresser le record en le portant à 159,292 km/h. C’est la grande époque du ski de vitesse. La station italienne de Cervinia devient le lieu de rendez-vous privilégié des meilleurs descendeurs du monde. Le kilomètre lancé s’appelle plutôt le « Kilometro Lanciato ». Les progrès techniques sont nombreux, les records peuvent tomber. Les nouveaux chercheurs d’or cherchent aujourd’hui leurs pépites à plus de 250 km/h. Sources : • Chronologie du record de vitesse à ski : www.sportquick.com/articles/ski-de-vitesse-000098/chronologie-du-record-de-vitesse-000618.html • Tourisme de Savoie : www.sabaudia.org/3164-les-sports-d-hiver-en-savoie.htm • Les débuts du ski 1900-1930 : www.amorzine.com//ski1900a1930.htm • Document de référence sur le ski alpin : www.olympic.org/Assets/OSC%20Section/pdf/QR_sports_winter/Sports_Olympiques_ski_ski_alpin_fre.pdf • Leo Gasperl, The elegance of the turn, part 1, 2 et 3 : www.youtube.com/ watch?v=k6fKN7epziM / www.youtube.com/watch?v=N3T7nm67RgQ / www. youtube.com/watch?v=Pw6By9EsH0A • Histoire du ski : http://skiinghistory.org/ • On skies over Greenland, Nansen, 1890 • Skiing Heritage Journal, 1996 • Longboarding en Californie : http://thestormking.com/tahoe_nuggets/Nugget_41/nugget_41.html

1 Le KListe est l’athlète qui pratique le Kilomètre Lancé. 2 Telemark : comté norvégien qui a donné son nom au Télémark, une manière de skier en descente avec le talon libre, permettant (obligeant !) de prendre élégamment les virages en fléchissant la jambe intérieure.


Envoyez vos questions, remarques, anecdotes, photos commentées par courrier à redaction@ultramag.fr

# 3 • JAN-FÉV 2014

16

RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE

PAS D’ACCORD AVEC LES CLIMATOSCEPTIQUES

© Steffendia - Fotolia.com

Les paroles de Yan Giezendanner à propos du réchauffement climatique dans notre article « La parole à… Yan Giezendanner » (Ultra Mag n°1 p. 38) ont provoqué quelques remous parmi nos lecteurs. Parmi eux, Emmanuel Courcier synthétise dans un message que nous publions dans sa quasi intégralité l’ensemble des observations.


Entre vous et nous...

« LES EXPERTS EN RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE NE SONT PAS D’ACCORD. » INCORRECT : L’immense majorité des experts sont d’accord. Le 5e rapport du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, Ndlr) publié fin septembre regroupe 9200 études de 40 pays différents et a été validé par un nombre impressionnant d’experts. Les quelques voix discordantes critiquent certains aspects de la méthodologie ou de la gouvernance, mais pas le constat général sur le réchauffement. « JE NE SUIS PAS CERTAIN DU TOUT QUE CELA SOIT DÛ À UNE RAISON HUMAINE ET À L’AUGMENTATION DU CO2. » FAUX : il y a multiplication des preuves de l’influence de l’homme et du CO2 (« cause principale » dans le rapport du GIEC avec une probabilité supérieure à

95%). Ce n’est peut-être pas la seule raison, mais l’augmentation du CO2 dans l’atmosphère cause avec certitude une augmentation de la température. « LES ÉTUDES SE CONTREDISENT, (SUR 30 ANS) CERTAINES PRÉVOIENT 5 À 7°C, D’AUTRES 2 À 3, D’AUTRES UN PETIT ÂGE GLACIAIRE. » FAUX : Sur 30 ans personne ne prévoit une diminution des températures (un âge glaciaire). Il y a bien sûr une incertitude sur la valeur de l’augmentation. Le GIEC parle de 0,3 à 4,8°C d’ici 2100, ce qui est énorme. Heureusement, personne ne prévoit 7°C sur 30 ans ce qui serait apocalyptique ! « VOUS SAVEZ SUR LES 2 DERNIERS MILLIONS D’ANNÉES, LA MER DE GLACE A AVANCÉ ET RECULÉ… » HORS SUJET : on parle de la planète sur les 30 ou 50 prochaines années, et pas de 2 millions d’années ! « IL EST PLUS IMPORTANT DE DONNER À MANGER AUX 800 MILLIONS D’HABITANTS QUI ONT FAIM. » INCORRECT : un habitant des iles Kiribati a demandé le mois dernier le statut de réfugié climatique. Certaines iles du pacifique vont disparaitre à moyen terme. Des régions, souvent pauvres, vont subir de graves inondations, le Bangladesh par exemple. Les experts de la FAO (Food and Agriculture Organization, Ndlr) expliquent que le réchauffement climatique va particulièrement affecter les régions du Tiersmonde et aggraver les problèmes d’approvisionnement alimentaire dans ces régions. Si on veut donner à manger aux 800 millions d’habitants qui ont faim, il faut aussi lutter contre le réchauffement climatique.

RETROUVEZ ULTRAMAG SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX :

17 UNDERGROUND

Tout d’abord, bravo pour le premier numéro d’Ultra Mag, un vrai plaisir, de vrais sujets traités en profondeur, de longues soirées de lectures passionnantes. Mais quelle déception à la lecture de l’article « la parole à Yan Giezendanner » sur la prévision météo. J’espère que la ligne éditoriale d’Ultra Mag sera sensible aux problématiques environnementales et au réchauffement climatique et ne véhiculera pas les âneries et mensonges des « climato-sceptiques ». Il est difficile de mobiliser contre le réchauffement climatique car les conséquences précises restent incertaines sur les prochaines années. Une partie de l’opinion publique prend prétexte de ces incertitudes pour ne rien changer à ses mauvaises habitudes. Ci-dessous quelques arguments sur certains extraits de l’article.


CONSEIL

Million dollar toilettes

, La télé pte ça com un commeement ? entraîn e du sport sans quitès-

# 3 • JAN-FÉV 2014

18

tr alienne uvoir fair -vous po Une étude austr utonomic z e ri e im A A ? canapé ntiers in ort ter votre ubliée dans Fro regardant du sp , re p n lè e ’e é s u c u c q e e ’a ri s sé e montr ité cardiaque c n … ie rt c s fo plus Neuro ision, l’activ v n respire , ça à la télé e davantage, o s étaient faibles e ir u é p q tr s t n is on tra ements enreg L’étude conclu é it g . v e n ti ll a c e h a v c u ne no Les auvaise tique d’u c’est la m remplace la pra e « rien n . » physique

Ouf !

Quand on vous dit de ne pas faire pipi dehors, c’est pas juste pour vous embêter. Une équipe de nettoyage a découvert 24 lingots d’or dans les toilettes d’un avion stationné dans un aéroport indien, pour une valeur supérieure à 1 million de dollars.

DANGER

Tomber comme une m…

Finalement… vous allez peut-être faire pipi dehors. Peu de chance qu’il y ait le moindre lingot dans ce petit coin placé au-dessus d’un ravin en Sibérie. Ces toilettes servant au personnel d’une station météo de l’Altai ont été désignées comme les plus dangereuses au monde (nous n’avons pas retrouvé trace du classement complet officiel). Ne disposant pas de système d’évacuation, les « inventeurs » de ces sanisettes ont trouvé ce moyen simple et effrayant pour envoyer leurs déchets tout droit dans le ravin. C’était en 1939 et le système perdure.

© Siberian Times

CANA

SPORT

RECHERCHE

SOLDAT COMIC Iron Man, c’est un(e) super balèze, mais c’est aussi ce super héros tout en fer qui vole, qui est super fort, et qui arrive assez facilement à sauver l’humanité des méchants. L’armée américaine, mélangeant sans doute réalité et Comics, s’est inspirée de l’armure d’acier de Tony Starck pour imaginer son soldat du futur. Les chercheurs tenteraient en effet de reproduire les prouesses technologiques d’Iron Man pour protéger leurs hommes.


PAC MAN SUR ÉCRAN TRÈS GÉANT

Qui n’a jamais entendu parler de Pac Man ? Vous y avez peut-être même joué involontairement en grappillant des places à la fin d’une course, ou alors en mangeant des petits pois. À l’occasion de la sortie de « Pac

Man and the Ghostly Adventures », le célèbre jeu s’est illuminé sur la façade d’un bâtiment à Londres. Un écran interactif de 2219 m2, ça valait le coup d’être mentionné.

DANGER

Soupe aux nouilles

MIRACLE

Mozart est-il tombé sur la tête ? Vous n’essaierez pas sur vous (ni sur vos enfants !) car ça ne MARCHERA PAS ! Un adolescent américain est devenu un génie musical après plusieurs traumatismes crâniens. Si Lachlan Connors a vu ses rêves sportifs brisés par ses accidents successifs, il maîtrise aujourd’hui 13 instruments à la perfection, sans savoir lire les partitions : piano, guitare, mandoline, ukulélé, etc. n’ont plus de secrets pour celui qui n’avait jamais eu d’appétence particulière pour la musique.

Si vous aimez les tatouages, vous avez certainement déjà pensé à marquer à même votre peau délicate quelque chose comme « Ultra Mag For Ever »… en idéogrammes japonais, pourquoi pas ? Ce tatoueur réputé du Brésil, d’origine thaïlandaise, a été arrêté pour avoir escroqué ses clients. Au lieu de « Tu es responsable de tes actes », il a mis « Soupe aux nouilles et au poulet » ; celui qui voulait le nom de sa maman a eu droit à « Je hais ma famille » ; et ainsi de suite. La peau des autres est un terrain d’expression incroyable non ?

JACKPOT

60 ans chez les Misérables

À soixante ans, il apprend que ses parents ne sont pas ses parents. Il apprend également qu’au lieu d’avoir une vie désolée, il aurait dû vivre dans l’opulence. Un Japonais tokyoïte a appris la (bonne ?) nouvelle et l’hôpital

victime de l’échange de berceaux a été condamné à lui verser la coquette somme de 281 000 euros. Né en 1953, alors que le nombre de naissances est très élevé au Japon, l’homme n’a jamais connu ses vrais parents.

19 UNDERGROUND

JEU VIDÉO


FOSSILES

UN BÉBÉ DE

QUARANTE ANS

FAST FOOD

Servi à 140 km/h En Nouvelle-Zélande, vous pouvez vous faire servir un hamburger à 140 km/h. Le fast-food C1 Expresso de Christchurch s’est en effet récemment équipé d’un système de tubes envoyant à la vitesse d’une balle de tennis son repas dans un boitier en aluminium.

Battre un record n’est jamais chose aisée. Alors certain(e)s s’amusent à trouver des trucs invraisemblables, sans doute juste pour faire les malin(e)s. Cette Colombienne de 84 ans s’est faite hospitaliser pour des maux de ventre et a eu la surprise d’apprendre qu’elle abritait depuis 40 ans un fœtus de 32 semaines dans son abdomen. Elle a été victime d’un cas rare appelé lithopedion, ou « bébé pierre », qui se produit dans le cas de grossesses extra-utérines. Le fœtus mort n’est pas expulsé par le corps mais se calcifie et se fossilise après plusieurs semaines.

# 3 • JAN-FÉV 2014

20 DÉCÈS

LE DOYEN DU TOUR S’EST ÉTEINT Il s’appelait Bourlon, Albert Bourlon. Le doyen des coureurs ayant participé au Tour de France s’est éteint le 16 octobre dernier à l’âge de 96 ans. Il emporte avec lui le record de la plus longue échappée jamais réalisée sur le Tour, avec 253 km parcourus entre Carcassonne et Luchon, le 11 juillet 1947, avec une victoire à la clé.

LITTÉRATURE

0

0

7

PERMIS DE SE SOÛLER

Si vous êtes fan de James Bond, vous êtes aussi fan d’un poivrot. Une étude publiée dans le British Medical Journal montre que la consommation d’alcool de l’agent secret de sa majesté est excessive. En analysant une douzaine de romans de Ian Fleming, les chercheurs en sont arrivé à la conclusion que Bond n’avait bu qu’une seule fois en dehors du service, qu’il consommait 736 g d’alcool par semaine. Il faut savoir que l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) place à 210 g par semaine la limite au-delà de laquelle la consommation est considérée comme excessive. Aux doses « bondesques », le risque est majeur de développer une belle cirrhose, de devenir impuissant, sans compter l’éventualité plus que probable de mourir ou se blesser pendant une mission. Les chercheurs britanniques conseillent donc à leur compatriote de consulter rapidement un médecin et de réduire sa consommation. Mais comment fait-il ?! Quand même…


DÉLINQUANCE

RUPTURES AMOUREUSES

SOURIS FILANTES

Où t’as mis mes fringues ?

21 UNDERGROUND

Si vous imaginez vous séparer de votre moitié, attendez-vous toujours à ce qu’il, ou elle, vous fasse courir. Mais ce n’est pas si grave, car vous avez l’esprit Ultra, non ? Une femme trompée par son compagnon a eu l’idée merveilleuse d’organiser rien que pour lui une chasse au trésor, et même « aux trésors ». Pas doué pour la vie de couple, il a dû faire travailler sa mémoire pour retrouver ses vêtements (« à l’endroit de notre première rencontre »), ses jeux vidéo (« lieu du premier baiser »), son ordinateur portable (« là où ils ont acheté ensemble leur premier jeu vidéo »), et ainsi de suite. Un petit mot écrit en rouge avec tout un tas de petits cœurs et le tour est joué.

Attention, la nouvelle est accablante. Trois souris ont été condamnées en Chine, et ligotées à un arbre. La photo circule sur internet et on ne sait pas très bien au juste s’il s’agit d’une sombre histoire de vol de légumes ou si c’est parce qu’elles ont semé la zizanie dans les locaux d’une agence de publicité. Nous on espère juste qu’elle vont rentrer en clandestinité, recommencer, et surtout apprendre à courir plus vite.

PREMIER DEGRÉ

À fond l’ultra-trail !

L

e site zeoutdoor.com nous prodigue plein de bons conseils sur la pratique de l’ultra-trail. Dans un article intitulé « Humour : vive l’ultra-trail », ils conseillent d’écouter le médecin quand il conseille de courir un peu, et de commencer par un 100 km. Et puis, admirez les beaux paysages, surtout la nuit avec une frontale haletante. Appréciez également la solitude au milieu de 2000 autres furieux qui ont eu la même idée que vous. Oui oui. Arrêtons de rigoler cinq minutes et appliquons tous ces conseils… à la lettre ! www.zeoutdoor.com/mag/humour-vive-l-ultra-trail.html


DOSSIER | L’ÉVOLUTION DES FILMS DE SPORT

# 3 • JAN-FÉV 2014

22

CAME RAMEN EMBAR QUES


VIVRE UNE AVENTURE NE SUFFIT PLUS.

IL FAUT LA PARTAGER AVEC LE MONDE ENTIER AU TRAVERS D’IMAGES. DES IMAGES CHOC BIEN SÛR. MAIS À UNE ÉPOQUE OÙ PRODUIRE DE L’IMAGE EST DEVENU À LA PORTÉE DE TOUS, RÉALISER UN FILM QUI ACCROCHE Par Jean-Philippe Lefief LE SPECTATEUR RESTE UN MÉTIER.

À

peine l’avalanche s’est-elle arrêtée qu’avant même de leur porter secours Cory Richards empoigne sa caméra pour filmer ses compagnons d’infortune, embarqués dans l’ascension du Gasherbrum II. Tous s’en tireront sains et saufs et la séquence sera l’une des plus marquantes de Cold, le film de cette première hivernale sur le treizième plus haut sommet du monde, réalisée avec Simone Moro et Denis Urubko1. Son geste témoigne d’une évolution radicale dans le monde de l’aventure et du sport : l’image est devenue au moins aussi importante que l’exploit et ce ne sont plus des réalisateurs professionnels qui les tournent, mais bien les acteurs eux-mêmes.

FAIS-LE TOI-MÊME L’arrivée de la GoPro, cette caméra haute définition à peine plus grosse qu’une boîte d’allumettes, a libéré toute une génération d’apprentis réalisateurs des contraintes techniques et logistiques. Plus besoin de matériel lourd, d’équipes de tournage, de budgets titanesques ni même de formation à la prise de vue. Tout est devenu beaucoup plus simple et plus direct.

UNDERGROUND

23


DOSSIER | L’ÉVOLUTION DES FILMS DE SPORT

CŒUR ET CAMÉRA BIEN ACCROCHÉS

© GoPro

# 3 • JAN-FÉV 2014

24


© GoPro

© GoPro

UNDERGROUND

25

© GoPro


DOSSIER | L’ÉVOLUTION DES FILMS DE SPORT

L’IMAGE EST POURRIE, SACCADÉE, PARFOIS FLOUE, MAIS L’IMMERSION EST TOTALE ET L’ÉMOTION IMMENSE

Sur les pentes du Gasherbrum II, on frissonne par – 50°C avec Cory, Denis et Simone, qui, au passage, comptent parmi les alpinistes les plus chevronnés au monde. On souffre avec eux dans des pentes gavées de neige, à faire la trace dans une atmosphère à peine respirable. On rit aussi des blagues à deux roubles de Denis, l’inoxydable Kazakh vainqueur des 14 « huit mille ». L’image est pourrie, saccadée, parfois floue, mais l’immersion est totale et l’émotion immense.

# 3 • JAN-FÉV 2014

26

Rien de tout cela n’aurait été possible sans la miniaturisation et l’évolution technique du matériel. Des millions de sportifs sont désormais munis de ces micro-caméras et l’aventure GoPro, entamée en 2001 au fond d’un garage de Californie (voir encadré), est une énorme success story. Abreuvée de téléréalité et connectée en permanence, la génération Y s’est ruée sur ce petit objet qui invite le quidam à jouer les héros, comme le clame le slogan de la marque (Be a Hero). Résultat : les images en POV (Point of View2) déferlent sur Youtube. De cette masse, combien sont vues en dehors des bêtisiers dont certaines chaînes sans le sou de la TNT ont fait leur fonds de commerce ? Très vite, la nausée menace. Aussi spectaculaires soient-elles, l’intérêt de ces images dépasse rarement le cercle de celui qui les tourne.

« UN FILM, ÇA S’ÉCRIT » « La miniaturisation des outils qui permettent de faire des images dans des conditions imposées par le terrain et l’arrivée de la HD3 sur du matériel miniature et de plus en plus rustique font que tout un chacun peut, avec un minimum d’application et de préparation en amont, ramener des images sensationnelles, qui demandaient autrefois une grosse logistique et beaucoup de précautions », observe Stéphane Frémond,

président du festival du film d’aventure de La Rochelle4 qui vient de fêter son dixième anniversaire. « Mais ce n’est pas parce qu’on ramène des images grâce à ce matériel, qu’on est capable de faire un film. Et ça, c’est peut être l’un des travers de ce matériel. Tout le monde pense pouvoir faire des images, mais ce n’est pas faire un film. Un film ça se réfléchit, ça s’écrit en amont », poursuit-il. L’idée que de belles images se suffisent à elles-mêmes reste pourtant bien ancrée. Elle remonte sans doute aux années 80, âge d’or de « l’extrême », du fluo et des Nuits de la glisse, qui abreuvaient un public en manque de plans à couper le souffle tournés à l‘aide de moyens colossaux. Mis bout à bout, projetées au ralenti et nappées de glam rock ou de métal, les séquences de surf, de ski, de snow ou de skate n’avaient d’autres prétentions que de produire des hectolitres d’adrénaline. Ride infini dans une poudreuse surnaturelle, tube parfait dans une eau turquoise… Le film de glisse était un peu aux sports qu’on disait « fun » ce que le porno est à la sexualité : une vision fantasmée qui n’a pas grand-chose de commun avec la réalité. Comme le porno, le film de glisse perdure, et comme lui, il a toujours ses adeptes, amoureux d’images et de gestes parfaits. Ceux-là trouvent toujours leur compte de sensations et de transgression dans les Skimovies à l’américaine de Matchstick Prod5 et autres héritiers de Glen Plake, iroquois le plus célèbre de la planète ski et « godfather » du Freeride, qui cosignait en 1988 The Blizzard of AAHHH’s6. Des adeptes inspirés tels que Sherpas Cinema ont même redynamisé le genre,


LA PERFECTION TECHNIQUE S’EST MISE AU SERVICE D’UNE NARRATION AUSSI SIMPLISTE QUE JOUISSIVE

LE MARTEAU ET L’ENCLUME D’autres se sont vite lassés de ses « skiporns » et ont choisi une autre voie. Avec Apocalypse Snow9, tourné en 1983, Didier Lafond a été l’un des premiers à s’appuyer sur un semblant de scénario, à raconter une histoire sans jamais se prendre au sérieux. La perfection technique, toujours aussi présente, est alors passée au second plan pour se mettre au service d’une narration certes aussi simpliste que jouissive.

À l’affût des progrès technologiques, Didier Lafond a immédiatement réalisé tout l’intérêt des caméras miniatures, sans jamais perdre de vue ce qui lui semble essentiel. « C’est quand même l’idée qui demeure la chose principale. Si on n’a pas la bonne, si on n’est pas capable de la réaliser, on peut bien s’entourer de toute la logistique qu’on veut, on ne fait rien. Il y a des millions d’images qui circulent. Peutêtre qu’on est un peu blasé, mais je ne vois pas grand-chose de bonne qualité technique. La technique a changé, les médias aussi, mais ce qui reste primordial c’est de pouvoir projeter un film sur un grand écran sans avoir à vomir toutes les deux secondes. »

SUCCESS-STORY

GOPRO : BE A HERO ! D’une frustration est née une fortune : Nick Woodman et ses potes surfent les côtes australiennes au début des années 2000, et rêvent de ramener sur la plage des images de leurs exploits prises de l’intérieur. Mais aucun matériel n’est satisfaisant : le mieux est d’emporter un appareil photo jetable qui finit toujours au fond de l’océan ou cassé. Nick réalise ses premiers prototypes de caméra miniature haute définition, étanche et résistante aux chocs en bricolant du matériel existant : ça marche du tonnerre chez les surfeurs. Il passe alors en phase 2, perfectionne son système, distribue gratuitement ses caméras à des sportifs qui se chargent de faire « buzzer » son produit. En 2013, avec l’élan donné à GoPro par les réseaux sociaux (près de 1000 vidéos issues d’une GoPro sont publiées sur le net par jour), Woodman est à la tête d’1,3 milliards de dollars. Nul doute qu’il a appliqué à la lettre le slogan de sa boite : « Be a hero ! »

27 UNDERGROUND

notamment à coup de POV et en mobilisant encore plus de moyens, en particulier à la post-production. Chaque seconde d’image fait l’objet d’un traitement méticuleux qui flatte l’œil et alimente le fantasme à un degré jamais atteint. All I Can7 a marqué les esprits en 2011 et son successeur Into the Mind8, sorti cet automne, reprend le flambeau avec la même verve visuelle.

« Avec Apocalypse, on a introduit une scénarisation, un peu de comique et, pour une fois, on ne valorisait pas vraiment le geste sportif, ce qui ne se faisait pas. On a presque mis l’action en retrait au bénéfice d’un petit scénario. C’était des skieurs et des snowboarders de haut niveau, mais on n’a mis en avant ni leur identité ni le sport qu’ils pratiquaient. On a préféré aborder le truc beaucoup plus légèrement et faire une fiction parce qu’on trouvait ça vachement plus sympa », explique le réalisateur, qui ne cesse de tourner depuis 25 ans.


DOSSIER | L’ÉVOLUTION DES FILMS DE SPORT

TA VIE AU BOUT D’UN BÂTON

© Akuna

# 3 • JAN-FÉV 2014

28


© Steffendia - Fotolia.com

© Michael Darrigade

UNDERGROUND

29

© GoPro


DOSSIER | L’ÉVOLUTION DES FILMS DE SPORT

Quant à la miniaturisation des moyens de tournage et leur tarif abordable, Didier ne cache pas son enthousiasme : « Je suis pour la GoPro. Je trouve ça juste génial. Ça donne des capacités de travail incroyables. Si tu veux réaliser des idées, tu as toujours besoin de technique, mais la technique n’est pas un palliatif. Les gens confondent tout. Ce n’est pas parce que tu prends une enclume et un marteau que tu vas devenir forgeron. Il faut avoir une vision, un feeling, des sentiments, bref, du talent », résume-t-il.

DES GENS QUI S’AIMAIENT

# 3 • JAN-FÉV 2014

30

« À l’époque où les films marchaient bien, des tandems réalisateur-sportif restaient ensemble 10 ou 15 ans, comme Jean-Paul Janssen et Patrick Edlinger », poursuit Didier, évoquant notamment La vie au bout des doigts10. Cette bombe lâchée en 1983 sur les écrans de télé qui a largement contribué à forger la légende Edlinger reste encore une référence, pas seulement dans l’univers du film sportif, mais dans celui du documentaire. À l’engagement extrême du grimpeur répondait l’extrême sensibilité du réalisateur, qui ne se contentait pas de faire découvrir une pratique, mais sondait l’esprit d’un homme et amenait les autres à s’interroger.

Didier. Reste que le réalisateur devait déployer des trésors de technique et d’ingéniosité, par exemple pour construire en pleine parois des échafaudages capables de supporter un matériel de tournage de plusieurs dizaines de kilos, en plus de son propre poids et de celui des assistants. Aujourd’hui, avec un minimum d’équipement, on est immédiatement au cœur de l’action, ce qui a tout chamboulé, y compris la narration. Désormais, le réalisateur accompagne le sportif, à moins que le sportif ne soit lui-même réalisateur ou inversement, ce qui immerge le spectateur dans l’aventure, mais aussi dans l’esprit des protagonistes. Comme Cory Richards, Sébastien Montaz-Rosset est aussi doué dans les deux rôles. Après l’énorme succès d’I Believe I Can Fly11, qui a révélé la highline et l’incontestable talent de son auteur au grand public, le guide de haute montagne de Saint-Gervais se dévoile un peu plus dans T’es pas bien là12, projeté fin 2013 à Montagnes en Scène. Dans ce film de ski de pente raide entre potes, il n’est plus seulement derrière la caméra, mais dans l’action, aux côtés des meilleurs. On le voit ainsi avec Vivian Bruchez descendre l’arête Kuffner, itinéraire très engagé et aérien du Mont Maudit ouvert à ski par la légende Jean-Marc Boivin, dont ils ont réalisé la première répétition… dans la plus totale décontraction.

AVEC UN MINIMUM D’ÉQUIPEMENT, ON EST IMMÉDIATEMENT AU CŒUR DE L’ACTION, CE QUI A TOUT CHAMBOULÉ, Y COMPRIS LA NARRATION « Il y avait une véritable affinité entre les gars en plus de la technique, l’un dans la réalisation, l’autre dans le sport. C’était des gens qui s’aimaient, qui s’appréciaient. Janssen n’était pas grimpeur, mais il a fait les plus beaux films d’escalade du monde. Il y avait un feeling à fleur de peau, c’était vraiment du talent à l’état pur », ajoute

« Je me dois d’être au mieux de ma forme quand les autres le sont avec moi. Je suis né et j’ai grandi en station et j’ai besoin de ça, au même titre que Kilian Jornet a besoin de courir tous les jours », expliquet-il, évoquant son étroite collaboration avec l’« ultraterrestre » catalan.


SÉBASTIEN MONTAZ-ROSSET

Sébastien est né et a grandi dans les Alpes, passant la majeure partie de son temps à « jouer » avec les montagnes. C’est en toute logique qu’il est devenu guide de haute montagne. Il a commencé par filmer ses clients lors de ses courses, puis s’est passionné pour les techniques de prise de vue. À force d’auto-formation (internet is your friend), Seb n’a cessé de monter en compétence et est devenu aujourd’hui un réalisateur reconnu du monde de l’outdoor, ceci ne l’empêchant pas de continuer à explorer ses limites : « la vie est ce que vous en faites » proclame-t-il en introduction de son site, www.sebmontaz.com.

CRÉATIVITÉ, INSPIRATION, RIGUEUR « Pour moi, il n’y a plus de limites, ou il n’y en aura bientôt plus dans un avenir très proche, entre un créateur de film et un athlète. Il y a quelques athlètes et quelques réalisateurs qui sont un peu les deux, surtout en Amérique du Nord. Mais bientôt, les meilleurs de leur discipline auront aussi de grands talents de story-telling et des bombes vont sortir. Moi, je suis un des premiers à mon petit niveau », poursuit Sébastien. Être pratiquant est effectivement un atout de taille dans le monde du film d’aventure et de sport, confirme Stéphane Frémond. À un certain niveau de pratique, quand il s’agit d’escalade, d’alpinisme, d’exploration polaire, d’expéditions en kayak de mer, l’engagement est tel qu’on ne peut pas toujours avoir un cadreur ou un réalisateur professionnels capables de faire partie de l’aventure. « De plus en plus de films sont construits de la manière suivante : le ou les protagonistes sont formés avant leur départ au cadrage, à la réalisation. On va donc avoir des images embarquées qui seront complétés en post-production par des interviews, des feedbacks, plein de choses comme ça. Par la force des choses et par plaisir - c’est tellement contraignant qu’on ne le fait pas par besoin -, des gens comme Evrad Wendenbaum, Damien Artero, Sebastien Montaz-Rosset deviennent eux-mêmes

cadreurs et réalisateurs. Ils font les images dans l’action puis construisent et montent leurs films », analyse Stéphane. « Créativité, inspiration et rigueur restent toutefois les clés d’un bon film », insiste-t-il. « Il y a deux ou trois ans, les belles images pouvaient suffire ; ça marchait encore parce qu’on était tellement époustouflé par leur qualité, leur densité, leur volume qu’on se laissait faire. Mais, aujourd’hui, on commence à s’habituer et on a de nouveau besoin d’émotions, de récits, de témoignages véhiculés par la parole à travers des interviews toute simple, face caméra, sinon on ne comprend pas. Ou plutôt, tout le monde ne comprend pas. » Traiter un film uniquement par l’action est risqué selon Stéphane : « Si le film n’est pas écrit, s’il n’y a pas d’interviews, pas de témoignages, pas de gens qui livrent leurs impressions, leurs émotions, leurs sensations, on peut tomber dans un traitement un peu trop clip et Seb Montaz tombe parfois dans ce piège-là ». L’intéressé ne le nie pas. Ses films ne sont effectivement pas écrits, mais il cherche moins à être compris qu’à émouvoir en misant tout sur une authenticité, une spontanéité qui se ne planifient pas. « Il n’y a pas de story board, pas de script… Il n’y a rien et il peut très bien ne pas y avoir de film du tout. Un jour je vais me planter… », reconnaît-il. « Mais cette absence de préparation donne un côté hyper-authentique. Je veux la prise

31 UNDERGROUND

© www.sebmontaz.com

« LA VIE EST CE QUE VOUS EN FAITES »


DOSSIER | L’ÉVOLUTION DES FILMS DE SPORT

DIDIER LAFOND

67 RÉCOMPENSES INTERNATIONALES À près de 60 ans, Didier Lafond peut se targuer d’avoir une carrière dense : 30 ans de tournage de films de sport extrême, sports que lui-même pratique depuis toujours. C’est au début des années 80 qu’il débute avec des films sur des sports sans visibilité à l’époque : chute libre, monoski… De 82 à 87 ses films remportent de beaux succès à La nuit de la glisse, l’incontournable soirée parisienne du film de glisse. En 83 il réalise un coup de génie avec Apocalypse Snow qui lancera réellement le snowboard, et sera récompensé de 7 prix. Didier Lafond a tourné avec nombre de sportifs emblématiques : Boivin, Profit, Mike Horn, Patrick De Gayardon… Il a également travaillé en sous-traitance de nombreux longs-métrages, notamment pour les scènes de cascades. Dans le monde du trail, il est connu pour ses films sur l’UltraTrail du Mont-Blanc, notamment le dernier, Ultra-Trail® : le livre et le film. http://www.hdaddict.com

# 3 • JAN-FÉV 2014

32

de décision quand elle se fait. Je ne vais jamais demander à un Base-jumper de ressauter parce que je n’ai pas fait le cadre. Comme rien n’est écrit, tout est bon à prendre. J’attends du naturel, des surprises, des pleurs, des rires… » « Avec I Believe I Can Fly, les gens ont l’impression d’être à côté de Tancrède (l’un des highliners, ndlr) ou de la fille qui se met à pleurer en le voyant sauter parce que ce n’est pas écrit. Le mec ne joue pas pour une caméra et heureusement parce que ce serait trop dangereux. C’est ça, la magie ! Ça a pu être décousu dans le passé, mais je veux garder cette inconnue. Je veux de la poésie. Je veux aussi que ça ne laisse pas indifférent. Quand le mec va sauter d’une highline, je veux que le spectateur s’accroche au canapé. C’est important. Il faut s’échapper. Il faut vibrer ! » Et faire vibrer requiert un minimum de technique.

NOT ANOTHER (BORING) SKIMOVIE « C’est un détail indispensable, mais qui peut s’acquérir facilement », dit-il, même s’il déploie des trésors d’imagination pour trouver le bon angle, le point de vue qui plongera le spectateur dans la peau du protagoniste, mais aussi dans sa tête. GoPro, drones, lunettes équipées de microcaméras HD, Steadycam13, voire hélicoptère quand c’est indispensable… Seb ne néglige aucun moyen s’il le juge indispensable, mais prône le même minimalisme que ses sujets, la même authenticité.

« L’essentiel de mon travail, explique-t-il, c’est de trouver les angles qui fonctionnent. En pente raide, si tu filmes sous le mec à deux mètres, tu as l’impression qu’il est plat. Il faut trouver des solutions pour rendre cette perspective qu’on ressent et qui nous noue l’estomac. À quoi ça sert de faire un film qui est moins bon que la réalité ? Il faut trouver les moyens. Une caméra en plan douche, à la verticale du skieur, rend ce qu’on ressent. Il ne s’agit pas de tricher avec la réalité, de badiner avec l’horizon, mais de rendre le truc. » Quand Vivian se lance sourire aux lèvres dans la pente à 60° sous le regard amusé de Kilian dans T’es pas bien là ?, le « truc » fait effectivement frissonner, mais l’essentiel n’est pas là. Comme I Believe I Can Fly ou Petit Bus rouge14, le dernier film de Seb Montaz, c’est d’abord une immersion poétique et foutraque au sein d’une bande de potes un peu dingues et très drôles, animés par les mêmes délires et le même désir de les partager. Comme un remake extrême de Mes meilleurs copains. Sa recette : « Être généreux, avoir de l’empathie pour les autres, un énorme sens de l’observation. C’est ça, la clé. J’espère que le film ne va pas plaire qu’aux skieurs. Si c’est le cas, c’est un échec. Pour moi c’est un film-portrait. On doit s’attacher aux skieurs, à la discipline. J’ai voulu casser les codes. Je ne veux pas que ce soit meilleur que les autres films de ski, je veux que ce soit différent ».


© Cold

UNDERGROUND

33 © GoPro

9- Apocalypse snow est une série de trois courts-métrages mettant en scène monoski, snowboard et ski, mais aussi toutes sortes d’engins pas forcément adaptés à une pente enneigée (catamaran !), dans une sorte de show à la Benny Hill. Un 4e opus verra le jour en 2008, plus moderne (base-jump…). Disponibles en intégralité sur Youtube (Chaîne Apocalypse Snow Officiel) à voir absolument. 10- La vie au bout des doigts : le film mythique du monde de l’escalade qui a fait connaître la discipline au grand public et a propulsé Patrick Edlinger au rang de star. 11- I believe I can fly nous emmène dans le monde de la slackline et de son équivalent en haute montagne, la highline, www.sebmontaz.com 12- T’es pas bien là ? est le dernier film de Seb Montaz, remettant au goût du jour la pratique « désuète » de la pente raide, Prix Spécial du jury du festival de Banff 2013, www.sebmontaz.com 13- Steadycam : système stabilisateur de prise de vue 14- Petit bus rouge : entre cirque, road-movie et sport extrême. Film choc. www.sebmontaz.com

© GoPro

© Michael Darrigade © GoPro

1- Cold a obtenu en 2011 le Grand Prix du festival de Banff ; pour télécharger Cold : www.senderfilms.com/dvds-downloads.php#cold 2- Point Of View : vidéo donnant l’impression de voir la scène par les yeux de la personne qui filme. En français : images en caméra subjective. 3- HD : haute définition 4- le site du festival de La Rochelle : www.festival-film-aventure.com 5- Matchstick Prod : maison de production de films de ski freestyle basée au Colorado 6- The Blizzard of AAHHH’s est considéré comme le meilleur film de freeride de son époque, téléchargeable sur http://blizzardsnowstore.com/theblizzard-of-aahhh-s.html 7- All I can : deux ans de prises de vue sur 6 continents, les meilleurs skieurs, et un parallèle avec le changement climatique - https://sherpascinema.com/project/all-i-can 8- Into the mind : dans la lignée de All I can, glissez-vous dans la peau d’un skieur à l’assaut de la montagne ultime - http://intothemindmovie.com


LA TÊTE ET LES JAMBES | YOHANN MÉTAY

YOHANN MÉTAY

# 3 • JAN-FÉV 2014

34

SUR SCÈNE, JE SUIS EN HYPERCONSCIENCE PROFIL ULTRA Métier : comédien depuis 11 ans Spectacle actuel : La tragédie du dossard 512 Sport : course à pied, trail Rêve : faire le tour du monde http://www.yohannmétay.com

LA TÊTE ET LES JAMBES Ils ne sont pas forcément sportifs, mais leur quotidien est « ultra ». Dans cette rubrique « La tête et les jambes » nous vous faisons découvrir des personnalités qui poussent tous les curseurs à fond, et nous tentons de décrypter un parcours de vie. Ils ont la tête, ou ils ont les jambes, et parfois les deux, mais quand ils l’ont, ils l’ont beaucoup. Par Jean-Marie Gueye


C’est un hyperactif : Yohann Métay ne tient pas en place, sur scène quand il travaille, sur un sentier quand il s’adonne à la course à pied… ou qu’il cherche l’inspiration. L’interprète du spectacle La tragédie du dossard 512, inspiré du monde du trail, se confie.

P

hysique de jeune premier, souriant, jovial, avenant : Yohann Métay inspire d’emblée confiance, et vous auriez presque envie de vous confier à lui, alors que c’est vous qui devez recueillir ses propos. En tous cas, prenez garde à ce que vous faites et dites, l’homme est doué d’un sens de l’observation poussé : « Je sais observer une situation, les comportements, le quotidien. Si l’on n’a pas les écoutilles ouvertes sur les gens, les effets de groupe, on peut louper des choses. » Mais pourquoi observer les gens ? Yohann est-il comportementaliste ? Non, bien pire : il est comédien.

RENCONTRE DU TROISIÈME TYPE En 2010, Yohann Métay se lance dans l’écriture de La tragédie du dossard 512, un oneman-show d’une heure et demie pendant lequel l’acteur transpire au moins autant qu’en courant. Le spectacle met en scène un homme qui sur un pari d’ivrogne décide de participer à l’Ultra-Trail du Mont-Blanc*, et qui découvre le monde étrange des hommes qui portent des collants et mettent leur libido de côté pour satisfaire leur soif de courir. Le spectacle est poilant, parfois grinçant, accessible aux coureurs comme aux indifférents

UNDERGROUND

35


LA TÊTE ET LES JAMBES | YOHANN MÉTAY

au sport. Il est né d’une rencontre entre deux passions, le théâtre et la course à pied : « Mon parcours théâtral a croisé mon parcours sportif au cours de l’écriture d’un spectacle sur la quête identitaire. C’est une amie qui m’a suggéré de l’ancrer dans le récit du tour du Mont-Blanc que j’avais fait 4 ans avant (2006, ndlr). La course s’est révélée comme support d’une quête de soi. » Si la pièce porte le nom de « tragédie », il ne s’agit pas moins d’une bouffonnerie : « C’est un titre décalé. Le spectacle est bien une farce, une comédie en forme de roadmovie. Ça me faisait rire de mettre ‘tragédie’ dans le titre car le coureur, lui, le vit un peu comme cela. Le personnage est dans une montée, sous la pluie, dans le froid, et il se la joue vraiment sur le mode du héros antique défiant les dieux. »

à imaginer l’environnement qu’inspire le jeu : « Les comédiens du théâtre du mouvement sont beaucoup en noir pour ne rien donner à voir et laisser libre cours à l’imaginaire. » Et ça marche : on sentirait presque le pin lorsque Yohann court en forêt, et on souffre avec lui lorsque ses jambes ne le portent plus dans une énième ascension de col.

ON NE S’IMPROVISE PAS IMPROVISATEUR Tout a l’air facile sur scène, tellement facile qu’on se dit que ça doit quand même être sympa, comme métier. Mais c’est un peu comme quand on voit un coureur bien entraîné passer : ça a l’air simple pour lui… mais il a fallu, et il faut toujours, bien des efforts pour en arriver là. Depuis une

# 3 • JAN-FÉV 2014

36

UN HÉROS À L’AIR DE MIME MARCEAU Sur scène, Yohann ne s’économise pas : il court, il saute, il hurle, il postillonne (c’est fait exprès !)… Son visage est un véritable outil dont il se sert à satiété, nous donnant tour à tour envie de lui taper dans le dos pour l’encourager, de le consoler, de le gronder. Yohann s’inspire à ce sujet bien évidemment de la tradition des mimes : « Quelques expressions sont travaillées, mais la plupart sont faites à l’énergie. C’est de la répétition mais tout n’est pas au millimètre car il faut laisser le corps vivre de la façon la plus juste possible le mouvement et la sensation qui va avec. » Comme les mimes, Yohann dispose d’une tenue minimaliste - collant, tee-shirt, bonnet et gants noir -, tout incite le spectateur à se concentrer sur les gestes et les mimiques, et

douzaine d’années, Yohann œuvre dans le monde de l’improvisation, du jeu d’acteur, de l’écriture, de la réalisation. De formation à l’écriture scénaristique en stage de réalisation théâtrale, notre trailer-acteur s’est construit une solide base sur laquelle travailler. Tant et si bien qu’il anime aujourd’hui des formations, et a été membre de l’équipe de France d’improvisation – si si, il existe une coupe du monde d’improvisation. Cette forte compétence lui permet d’adapter son jeu à la salle : « Je ralentis ou accélère, je prends du volume, je joue plus petit, ou bien je pousse plus l’effet ou pas. C’est de la modulation en permanence. Mais lorsque je demande au public son emploi pour le traduire en format course, c’est de la pure ‘impro’. Si je fais une erreur, si je ‘fourche’, s’il y a un incident, une lampe qui s’éteint, ça peut me donner une porte d’écriture. Tout se prête à l’intégration pour


en faire du jeu. C’est bâti sur du vivant, de la vérité, et le public le reçoit beaucoup plus fort. » C’est difficile de jouer ainsi avec les humeurs du public, mais aussi très gratifiant, et source de créativité.

COURIR N’EST PAS JOUER Lors du one man show, l’acteur et le coureur se fondent, le spectacle devient course, on a l’impression que Yohann vit des moments d’euphorie, des coups de barre… Mais l’ensemble est parfaitement maîtrisé : « Sur scène, ce sont des moments où je suis en hyper-conscience. Si je me laissais déborder, cela ne donnerait plus rien. » Lorsqu’on lui demande d’approfondir la notion d’hyperconscience, Yohann n’est pas avare : « C’est

légumes et de fruits. Et si je joue le soir, je ne cours pas le jour même sinon je risque d’entamer mon capital. »

À LA RECHERCHE DU YOHANN PERDU À tant observer les autres, n’est-ce pas soimême que l’on recherche ? Bien sûr, répond notre interprète : « On est la somme de ce qui nous a impacté, à savoir notre histoire, la famille, les amis, les fantasmes… L’identité ce sont des couches telles les pelures d’oignons au-dessus des besoins fondamentaux. On touche à la philosophie. En observant les autres, on se retrouve. Cela renvoie toujours à soi de regarder l’autre, et vice versa. »

UNDERGROUND

37

le courant que je travaille lors de mes formation d’impro de clown, et à la ligue d’impro à Lyon. L’acteur est hyper connecté avec ses sensations internes, à ses productions corporelles, sa gestuelle, avec les acteurs et le public autour de lui. Un mode large, intime et ouvert si l’on peut dire. » Comme lors d’un ultra-trail ? Pour autant le jeu est physique, on pourrait parler de « pièce marathon », et l’apport de l’expérience du sportif est indéniable : « Avant le spectacle je me sur-hydrate, car je bois peu pendant le show, je m’étire et je m’échauffe, encore plus pour le dossard 512 car celui-ci bouge pas mal. Je me fais vraiment une préparation physique type course. Sur une programmation un peu chargée comme à Lyon où je jouais tous les soirs du mois de juin, je faisais attention à mon sommeil, mon alimentation en mangeant plus de

En tous cas quand on regarde la pièce, on ne peut que retrouver de soi, de ces sentiments que l’on met ou que l’on retire de notre pratique sportive. Tous rient dans la salle, mais parfois naissent des idées plus sérieuses : « J’ai une amie comédienne pas du tout branchée trail qui m’a avoué avoir eu envie d’essayer la longue distance. Dans l’autre sens, je n’ai pas eu de menaces, mais on m’a fait remarquer ‘ça passe parce que vous êtes un trailer !’ Genre on ne pourrait pas faire d’humour sur le trail sans être soimême trailer… » Si vous avez ri devant La tragédie sans arrière-pensée, n’hésitez pas à suivre Yohann sur ses autres spectacles, Jeune homme cherche jeune femme, La frénésie du papillon et Les aventures du prince Azur : l’homme possède plusieurs cordes à son arc.


LA PAROLE À… LUDOVIC COLLET – SPEAKER D’ÉVÈNEMENTS SPORTIFS

LA PAROLE À… LUDOVIC COLLET SPEAKER D’ÉVÈNEMENTS SPORTIFS

© christine krahl - Fotolia.com

# 3 • JAN-FÉV 2014

38

J’AI FAIT DE MA GRANDE GUEULE MON FONDS DE COMMERCE Par Jean-Marie Gueye


Animateur vedette du The North Face UltraTrail du Mont-Blanc®, Ludovic Collet tient les foules en haleine grâce à son micro. Un métier plus difficile et profond qu’il n’y paraît.

UNDERGROUND

39

LUDOVIC COLLET

© Cyril Bussat - Photossport.com

Speaker d’évènements sportifs | 43 ans Trois garçons | Rêve de retrouver le corps de Marco Siffredi dans l’Everest (snowboarder de talent disparu en 2002 à 23 ans après une ascension de l’Everest sans oxygène et sans aide, et dont Ludovic était l’agent, Ndlr)


LA PAROLE À… LUDOVIC COLLET – SPEAKER D’ÉVÈNEMENTS SPORTIFS

As-tu manqué de quelque chose dans tes débuts, une formation ? On a la fibre animateur ou on ne l’a pas : on aime les gens, les rencontrer, on aime parler, on aime le sport. Et puis bien sûr il faut bénéficier d’une voix. J’ai la chance d’avoir tout cela en plus de deux brevets d’états dans le domaine sportif.

# 3 • JAN-FÉV 2014

40

Ludovic, peux-tu m’expliquer comment tu es devenu speaker, ou animateur en bon français, d’évènements sportifs ? LUDOVIC COLLET : Je suis devenu speaker pour aider une amie styliste, Valérie Pache, qui organisait un défilé de mode sur un thème décalé. En règle générale, les mannequins défilent en musique, et mon amie voulait faire le défilé en y associant de la parole sur un mode poétique. Ça a été ma première. De fil en aiguille, en multipliant les défilés, j’ai été remarqué par le Club des Sports de Chamonix. C’est ainsi qu’ils m’ont proposé d’animer le défilé de la coupe du monde du Kandahar. Les personnes ont tout de suite vu mon aisance au micro. Après tout s’est accéléré avec le cross et le marathon du Mont-Blanc. Finalement c’était vraiment un hasard total cette orientation ? Oui, à ce moment j’étais commerçant, je tenais une papeterie et une sandwicherie et ça me plaisait. Néanmoins, même si je rencontrais beaucoup de monde, être confiné à l’intérieur nourrissait mon manque d’art et de sport.

JE SAIS CE QU’IL FAUT FAIRE POUR LES GARDER, LES AMUSER

Travailles-tu ta voix, tes postures, pour t’améliorer ? Bien sûr au fil des années, ma voix se « fait ». Quand je regarde des vidéos de mes débuts, je n’animais pas, je criais… Pour moi c’était inaudible, et cela risquait de saouler les gens. Il a fallu que j’apprenne à poser mes mots, à parler plus avec mon ventre qu’avec ma gorge. Ta voix est ton outil de travail comme peuvent l’être les jambes d’un coureur ; l’échauffes-tu avant une compétition ? Oui, notamment sur les trails où l’on a tendance à donner très fort de la voix pour le départ à 3, 4 h du matin. Je fais des exercices de vocalise appris par le chanteur Pierre Lemarchal.Et comme pour un coureur, l’enchaînement des manifestations complique la récupération. Ce n’est vraiment pas agréable de finir un évènement avec les cordes vocales fatiguées, la gorge qui brûle. Te considères-tu un peu comme un acteur de théâtre ? Bien sûr c’est un show, je suis là pour transmettre de l’émotion aux sportifs et aux gens qui sont sur la ligne d’arrivée ou les stands. Pour moi c’est un spectacle, du début à la fin je regarde mon auditoire, je sais ce qu’il faut faire pour les garder, les amuser en faisant l’idiot parfois. Le ridicule ne tue pas. J’aime bien me « lâcher ». Il y a une partie importante dans l’animation qui est de jouer avec son corps, sa voix, avec les personnes présentes : c’est primordial. As-tu pris des cours d’improvisation ? Non, mais c’est une chose dont j’ai toujours rêvée. Cela m’intéresse d’aller vers le


INTERVIEW

Être speaker c’est aussi observer, sentir la foule pour lui servir ce qu’elle attend, ou au contraire la surprendre, comment t’y prends-tu ? Je suis en mode « freestyler », en improvisation totale. En fonction de mon intuition, de ce que je sens et vois, je dois pouvoir rebondir immédiatement. Il m’arrive aussi de faire des flops, mais je ne prépare pas à l’avance de réparties. J’ai suffisamment de travail en amont pour assimiler les nom des athlètes, les parcours, les partenaires. Peut-on parler de psychologie des foules ? C’est très important d’observer qui on a en face de soi. Chez les motards où il y a du freestyle, du « fmx », du « dirt », je sais qu’ils attendent de moi de chauffer l’ambiance en faisant lever les bras, etc. Alors que sur un défilé de mode, c’est évidemment beaucoup plus calme. Sur un trail, si je parle tout le temps les gens ne vont pas rester. Si le public est jeune c’est surtout la musique qui les branche, s’il est plus âgé, il faut discuter. Donc en fonction du public, il faut adapter sa puissance, son langage. Un speaker est-il obligé de se spécialiser sur un type d’évènement, ou peut-il être polyvalent ? C’est compliqué d’être très bon dans différent sports, il faut apprendre le jargon spécifique à la discipline. J’aime être éclectique au niveau sport, mais forcément on maîtrise moins la connaissance des athlètes. C’est impossible de retenir 1500 athlètes par cœur. Il y a un vrai travail de fond pour connaitre les trajectoires. Je travaille avec certains sports depuis longtemps et mon aisance vient de là. Mais c’est de plus en plus rare de trouver des animateurs capables de tout faire. À côté de ça il y a des speakers très spécialisés qui dominent

Je me souviens d’un descendeur, Alexandre, qui avait failli devenir champion du monde junior. Il galérait et n’arrivait pas à exprimer pleinement son potentiel. Puis d’un coup il a gagné sa première coupe d’Europe à domicile sur la verte de Kandahar. On attendait tellement cela qu’une fois la ligne franchie nous sommes tombés dans les bras l’un l’autre, incapables de retenir nos larmes pendant un long moment. C’était un moment fort où le silence et les corps disaient tout. J’utilise ce moment de grâce pour dire aux athlètes que la roue tourne tout le temps.

leur sujet au niveau des athlètes, mais ils ne parlent pas au public, aux partenaires, aux bénévoles a contrario des animateurs dits « ambianceurs ». Personnellement je cultive les deux aspects, faire le clown et la partie sérieuse, on n’est pas nombreux à savoir faire ça. À quel moment estimes-tu que le public réagit bien et que c’est gagné ? Déjà si le public reste sur la ligne d’arrivée, c’est une bonne chose (rires) ! Après il faut trouver l’élément déclencheur qui va les faire adhérer. Des fois je me loupe sur les premières « ola » mais il faut persévérer. Les personnes n’ont peut-être pas entendu, ou sont timides, donc il faut relancer. J’insiste sur le fait que cela reste du sport, ou un défilé de mode, et qu’il ne faut pas trop se prendre au sérieux. Le stress est déjà bien assez important pour les athlètes, ce n’est pas la peine d’en rajouter. N’y a-t-il pas un risque pour le speaker d’être trop présent et de s’accaparer l’événement ? Bien sûr, cela fait partie des difficultés de notre métier : durer sur une épreuve sans casser les pieds aux gens, sans prendre trop d’importance. J’ai fait de ma grande gueule mon fonds de commerce, sachant cela j’essaie de mettre en avant les sportifs, les bénévoles et organisateurs. Il est loin le temps où je débutais et que je croyais être payé au nombre de mots débités à l’heure. Ce n’est pas cela le métier, c’est plutôt la qualité du discours et l’impact que l’on va avoir sur l’évènement. J’arrive maintenant à laisser respirer le silence pendant 10 minutes.

41 UNDERGROUND

théâtre car je sens que j’ai cela en moi, mais je n’ai pas encore passé le cap. De même j’ai envie de faire progresser ma voix en prenant des cours de chant. Le temps me manque.

UN MOMENT DE GRÂCE


LA PAROLE À… LUDOVIC COLLET – SPEAKER D’ÉVÈNEMENTS SPORTIFS

UNE RELATION DE CONFIANCE S’INSTALLE, LES ATHLÈTES SAVENT QUE JE NE SUIS PAS LÀ POUR LES PIÉGER

© Cyril Bussat - Photossport.com

# 3 • JAN-FÉV 2014

42


AMBIANCE

LE MEILLEUR SOUVENIR C’était lors d’une saison avec le club de foot d’Evian Thonon Gaillard lorsque ce dernier est passé de National en Ligue 2, il y avait une vraie osmose dans le stade, des chants, des ola à l’unisson avec 5000 personnes, c’était très fort comme moment, exceptionnel.

Vois-tu les mentalités évoluer dans les sports que tu couvres ? Il y a une tendance générale à aller vers la performance, souvent au détriment du ludique. C’est vrai pour les sports matures comme le ski alpin, mais il reste quand même des sports comme le freeride qui essaye de garder un esprit fun. À la base le sport c’est fait pour se sentir bien, il y a un côté festif qu’il faut conserver. Quelle a été ta plus longue performance au micro ? C’était il y a deux ans lors de l’UTMB® , j’ai cumulé 50 h d’animation sur 4 jours, j’étais ultra cuit !

Cinquante heures ! Un véritable ultra ! Suis-tu une préparation physique particulière ? De plus en plus ! Je ne faisais pas trop attention à mon alimentation avant, mais je vais devoir gérer cela désormais car ma charge de travail s’accroit. J’en rigole avec les bénévoles sur des courses où ils passent trois jours deux fois par an, moi c’est tous les week-ends. Là c’est ma fin de saison estivale, je dois attaquer la saison hivernale et je n’ai plus de jus ! En 2014, il va falloir changer des aspects de l’alimentation, du physique, pour tenir une saison entière. L’idée de me prendre un coach fait son chemin, je n’ai plus la même patate car j’ai énormément donné ces dernières années. Tu souhaitais couvrir les prochains Jeux Olympiques à Sochi, mais ça ne se fera pas ; c’est si difficile d’entrer aux JO ? Pour les animateurs, c’est comme pour les athlètes : les JO restent un rêve. C’est difficile d’y entrer. L’opportunité s’est présentée avec le CIO, bien que j’aurais préféré y être pour une chaine de télé. Là c’était pour faire des annonces officielles, faire vivre la raquette d’arrivée. Pour des raisons budgétaires et un peu aussi mon blocage quant à la langue de Shakespeare, j’ai préféré décliner. Le CIO a aimé ma franchise, et se réserve le droit de me sélectionner pour les JO de Rio, où les moyens financiers seront au rendez-vous et le besoin de speaker en français plus important. Cela ne m’empêche pas de travailler mon anglais dès maintenant car c’est l’avenir.

43 UNDERGROUND

Comment parviens-tu à faire parler les premiers d’une course sur la ligne d’arrivée, à chaud, et surtout à leur faire exprimer des choses intéressantes, à les faire parler avec leur cœur ? Je tutoie facilement les gens sans que cela soit perçu comme vulgaire, du coup les athlètes sentent une proximité et que je ne triche pas. En ski ou en trail je côtoie les athlètes à l’entraînement, je les contacte dans les phases de doutes et pas seulement que lorsqu’ils brillent. Une relation de confiance s’installe, ils savent que je ne suis pas là pour les piéger. Je fais souvent des troisièmes mitemps avec les athlètes, cela révèle beaucoup d’une personne. J’ai aussi de l’attrait pour Facebook qui est un puits d’information. De nombreux athlètes communiquent par ce biais : entraînement, compétitions, mais aussi leur joie ou leur mal-être. J’envoie des messages d’encouragement et de soutien. Tout ça m’a aidé à développer un bon sens du pronostic. Sur une ligne de départ en voyant les visages des coureurs, j’ai déjà un avis sur ce qui va se passer.


THEMA | CINÉMA | GRAVITY LE ∞E ART, DU CINÉMA À L’ULTRA Le cinéma, et l’art en général, nourrissent notre créativité de sportifs, d’êtres humains avides de sensations nouvelles, et parlent du réel mieux que le réel lui-même, rendent possible l’impossible. L’ultra, ce n’est pas le 8e art, c’est le ∞e. Ce mois-ci, nous décortiquons Gravity pour vous. Avez-vous déjà rêvé d’apesanteur ?

# 3 • JAN-FÉV 2014

44

L’ODYSSÉE INTÉRIEURE FICHE TECHNIQUE

GRAVITY

Film sorti en France le 23 novembre 2013 Réalisation : Alfonso Cuarón Genre : Thriller spatial Avec Sandra Bullock (Ryan Stone), George Clooney (Matt Kowalski), Ed Harris (Centre de contrôle de la NASA) Synopsis : Après que leur navette spatiale ait été pulvérisée par les débris d’un satellite, Matt Kowalski, commandant de bord, Ryan Stone, astronaute scientifique, seuls survivants de la mission, tentent de retourner sur terre.


Par Aïcha Bahcelioglu. © 2013 Warner Bros. Entertainment Inc.

«I

l va falloir apprendre à lâcher prise. » Kowalski, l’astronaute expérimenté, donne une définition en creux du mode de fonctionnement figé, intensif et excessif du personnage de Ryan Stone, la scientifique novice de l’espace. Le bon côté c’est que, même endormie, engourdie par le froid, alors qu’elle semble dans le renoncement et qu’elle décide de se laisser mourir, la partie inconsciente de son cerveau, elle, travaille toujours à trouver une solution. Pourtant le lâcher-prise viendra, sous la forme de « l’allègement » et du dépouillement. Au fond elle ne fait que ça pendant tout le film : se détacher, couper un cordon, ou les lanières d’un parachute, et toujours avec beaucoup de difficulté. Enlever une combinaison pour

une autre, quitter un module après l’autre ; finalement terminer sa mue au fond de l’eau, après avoir enlevé une dernière fois sa combinaison, et renaître à la surface.

NAÎTRE, MOURIR, RENAÎTRE Très évidente, la thématique circulaire de la mort et de la renaissance prend une tournure intéressante lors du dialogue radio avec un inconnu sur terre, tandis que dans le fond on entend un chien aboyer et un bébé pleurer. L’humain, l’animal, le nouveau-né, c’est un dialogue avec trois de nos possibles qui lui seront bien utiles : la raison, l’instinct, et celle très symbolique pour Stone

45 UNDERGROUND

Leur navette pulvérisée par des débris de satellite, le Dr Ryan Stone, brillante experte en ingénierie médicale, et l’astronaute Matt Kowalski se retrouvent seuls, livrés à eux-mêmes dans l’espace.


THEMA | CINÉMA | GRAVITY

et dont elle n’est pas encore consciente, sa capacité à se renouveler, à renaître. Dans toute métamorphose, Il faut en revenir à la genèse, et dans les films c’est souvent une affaire de trauma. Il y a quelques années, Stone apprend la mort de sa petite fille alors qu’elle conduit sur l’autoroute, et depuis, son mental s’est cristallisé dans ce moment, prisonnier de ce mode automatique qui deviendra son mode de fonctionnement général. Avant l’expérience de l’espace et du vertige du vide, Stone était déjà prisonnière d’une abstraction toute aussi angoissante… Les débris de satellites vont l’obliger à sortir de ce mode automatique pour redevenir vivante. C’est intéressant comme ce schéma psychique résonne parfaitement avec le réel : combien d’entre nous,

# 3 • JAN-FÉV 2014

46

suite à de grandes ou petites blessures de l’existence, décidons de passer en « mode automatique » ? À cause de la course des débris, Stone est obligée de revenir à la vie, à son intensité douloureuse, chaotique et imprévisible.

VITESSE ET CHAOS On n’avait pas vu de film dans l’espace aussi réussi plastiquement depuis longtemps, et pour une fois l’utilisation de la 3D se justifie pleinement, l’immensité de l’espace, sa magie et le vertige sont presque palpables. Mais la très belle harmonie des tous premiers plans-séquences1 est illusoire. L’élégance, la fluidité presqu’irréelles de ces plans, faisant varier les échelles de plan et des corps dans un ballet harmonieux, sans heurt, cache en réalité un dérèglement plus profond, intérieur, et l’équilibre de façade sera défait par la vitesse, le chaos, dans le sillage des débris.

ESPACE EXTÉRIEUR/ ESPACE INTÉRIEUR La caméra s’approche de Stone qui dérive dans l’espace, sans attache. La caméra est proche du visage mais encore derrière la vitre du casque, puis sans qu’il n’y ait le


C’est le mouvement de l’intériorisation, le film montre ce moment charnière où Stone va devoir chercher les réponses et la force de survie en elle-même, dans son monde intérieur.

ÉPUISEMENT ET MÉTAMORPHOSE Dans le module, Stone, engourdie par le froid, est à son climax3 de fatigue, d’épuisement, et de désespoir. Elle décide de se laisser mourir, c’est à ce moment qu’une vision se déclenche, et avec elle, la solution. Très intéressante, cette idée que lorsqu’on se trouve à la limite de l’épuisement, en quittant l’espace du conscient, le cerveau va chercher des ressources dans les images mentales (rêves ou hallucinations, comme on voudra). Une fois réveillée et décidée à tout tenter, Stone n’est plus tout à fait la même, comme si une fusion s’était opéré pendant son sommeil, elle semble avoir intégré les qualités de Kowalski. Fini la peur et le désespoir, elle prend ses déci-

sions avec humour, détermination et calme. C’est le fameux « lâcher-prise » de Kowalski…

LES DÉBRIS POUR SE RECONSTRUIRE Le projet du film, c’est entre autres, de sortir Stone de son engourdissement et de son mode automatique. La difficulté c’est que pour rester en vie, dans tous les sens du terme, il faut accepter les épreuves et la douleur. D’où ce beau paradoxe présent dans le film : ma force de gravité, celle qui me maintient debout, vient de mes faiblesses et de mes épreuves. Dans le monde « rêvé » du cinéma, toujours doublure du réel, utiliser le chaos, les débris, pour se reconstruire, c’est souvent ce que font ces héros et héroïnes de l’existence, pas uniquement de la survie. Ce sont des alchimistes psychiques, émotionnels, parfois organiques, capables de grandes mutations intérieures. 1 Plan-séquence : scène filmée en un seul plan restituée telle quelle dans le film, sans montage. 2 Cut : passage sans transition d’un plan à un autre 3 Climax : point culminant, généralement la scène la plus importante du film.

LES MOTS CLÉS DE GRAVITY lâcher-prise renoncement inconscient solution mort renaissance raison instinct renaître métamorphose mental mode automatique vertige vide débris vivante schéma psychique blessures fluidité harmonieux équilibre intériorisation monde intérieur fatigue épuisement désespoir limite ressources images humour détermination calme épreuves douleur gravité alchimistes mutations intérieures

47 UNDERGROUND

moindre cut2 elle semble pénétrer la matière elle-même, jusqu’à ce que le point de vue cette fois devienne intérieur : on voit à présent à travers les yeux terrifiés de Stone, en caméra subjective.


SANG POUR SANG DÉCALÉ « HÉ, FAIS GAFFE, T’AS PERDU TON BRAS ! » LANCE UNE PARTICIPANTE DE LA ZOMBIE WALK PARISIENNE DU MOIS D’OCTOBRE À UN CHARMANT CYBER-ZOMBIE, MÉLANGE DE FRANKENSTEIN ET DE ROBOCOP. LE POINT COMMUN DE CES 1200 MARCHEURS : ILS ONT ÉTÉ FRAÎCHEMENT DÉTERRÉS DE LEUR CIMETIÈRE ET ILS DÉAMBULENT DANS PARIS, UNIS PAR UNE MÊME ENVIE DE SANG FRAIS… ET SURTOUT DE PASSER UN BON MOMENT EN TOTAL DÉCALAGE.

# 3 • JAN-FÉV 2014

48

ZOMBIE WALK PARIS, OCTOBRE 2013 © Joe Gaulbaire

Nés à Sacramento en 2001, ces carnavals d’un genre un peu spécial se multiplient comme la gangrène, contaminant Lyon en 2008, puis Paris, Grenoble… En novembre 2011, ils étaient 10000 zombies à envahir Mexico.



ZOMBIE WALK PARIS, OCTOBRE 2013 © Joe Gaulbaire

# 3 • JAN-FÉV 2014

50

Le phénomène « zombie » marche fort (romans, séries, films) ; il a gagné les réseaux sociaux, où les passionnés s’échangent les tutoriaux de création de costumes et maquillages.


DEVENIR ZOMBIE, ET NE RIEN REGRETTER...


ÉQUILIBRE

PRENDRE SOIN DE SOI

Nous demandons beaucoup. Parfois nous exigeons. On ne nous a pas habitués à être patients, et comme des enfants qu’un caprice soulève, nous aimerions être servis tout de suite. Et avec le plus gros morceau. Alors, allons-y pour la dépense : on court, on pédale, on nage, on monte et on descend, pendant longtemps, très longtemps. Et pourquoi pas. Après tout, c’est nous les plus forts. Mais voilà : il peut arriver que notre corps nous dise non. Il aimerait bien, mais non. Plouf. Les articulations, les muscles, les os, le cœur et les vaisseaux, les poumons et l’air qui circule dedans, tout ça… Ça dit ouf, et voilà tout. Badaboum. Alors, savoir s’écouter, savoir se respecter est une sagesse qui n’est pas immédiate et innée. Il ne s’agit pas de « connaitre ses limites » (qui les connait ?) mais de comprendre ce qui nous arrive, de reconnaître certains signes avant-coureurs, certaines alarmes, d’être attentif, simplement. Il y a une part d’introspection dans tout sport, toute activité physique, qui n’est pas qu’explosion. Descendre en soi-même, sonder le paysage intérieur, et remonter avec, entre les dents, une connaissance de soi qui rend plus fort. Beaucoup plus fort. Une force intérieure. PAR LAURENT VERCUEIL

C’EST NOUS LES PLUS FORTS

© Dudarev Mikhail - Fotolia.com


SOMMAIRE

66

L’ÉQUILIBRE ACIDO-BASIQUE

54

54 Grand Angle Kilomètre Lancé : Le cerveau se déconnecte, l’adrénaline coule à flot 60 Courrier des lecteurs 62 Actus 66 Dossier : L’équilibre acido-basique

78

78 Comprendre notre corps : L’homme qui prenait son cerveau pour une paire de runnings 82 Se respecter : Exprimez la fluidité qui est en vous 86 D+, Ultrat de labo

90

90 Itinéraire : Annette Sergent 94 Nutrition : Plantes de courses 98 Portfolio : Kooza

ÉQUILIBRE

53


Underground : L’invention du ski | 10 Equilibre : Les contraintes de la vitesse | 54 Globe-Trotter : Les plus belles pistes | 104 Top Chrono : La techno pour aller vite | 146 Absolu : « Pour aller vite il faut être lent » | 188

LE KILOMÈTRE LANCÉ

©

# 3 • JAN-FÉV 2014

54

LE CERVEAU SE DÉCONNECTE, L'ADRÉNALINE COULE À FLOT !


© Pierre-André DELANSAY

Le Kilomètre Lancé est le premier sport devant la chute libre où le corps humain est soumis à une telle vitesse sans protection extérieure. Tout élément parasite peut rompre l’équilibre. Jérôme Cantalupo, l’un des meilleurs Français de la discipline, répond à nos questions. Par Emmanuel Lamarle


JÉRÔME CANTAPULO : Lors d’un run, le KListe s’élance puis doit se mettre en position aérodynamique le plus rapidement possible. Il faut rester concentré, car tout va très vite à partir de là. Il faut être capable de skier à plat le plus longtemps possible, de maintenir sa position aérodynamique idéale, de suivre la trajectoire préalablement repérée, le tout en résistant à la pression de l’air qui devient très forte, en gérant les difficultés de la piste (aspérité, dévers, compression, etc.) et les conditions météo (vent, manque de visibilité par jour blanc, par exemple). Une fois les cellules passées, on se relève pour amorcer la décélération. À plus de 200 km/h, avec une pression de l’air 4 fois plus importante qu’à 100 km/h, on commence à faire attention quand on sort de la position aérodynamique, pour ne pas s’envoler…

COMBIEN DE TEMPS DURE UN RUN ? Cela dépend des pistes. La moyenne est de 15 secondes, du départ à la sortie de la zone de chronométrage. COMMENT MESURE-T-ON LA VITESSE ? La vitesse est prise sur 100 mètres : le skieur coupe une première ligne de cellules optiques, puis une deuxième 100 mètres plus loin. Le temps mis pour parcourir cette distance permet de calculer la vitesse (une moyenne sur 100 mètres donc).

© Nicolas GONNON

POUVEZ-VOUS NOUS DÉCRIRE LES SENSATIONS ÉPROUVÉES LORS D’UN RUN ? C’est magique ! Voir le sol et le décor défiler sous les skis à 200 km/h après seulement quelques secondes, c’est unique… Skier à 70 km/h sur une belle piste équivaut peut-être, niveau sensation, à rouler à 130 sur autoroute en voiture. Alors skier à 180 et plus…

©

LE KILOMÈTRE LANCÉ

# 3 • JAN-FÉV 2014

56

QUELLES SONT LES DIFFÉRENTES PHASES D’UN RUN1 ET LES ACTIONS QUE DOIT MENER LE KLISTE2 DURANT CHACUNE D’ELLES ?


CHAMP VISUEL

GRANDE VITESSE = VISION RÉDUITE L’être humain est capable de voir dans un rayon de 180°. Cependant, quand sa vitesse de déplacement augmente, les éléments visuels à analyser par le cerveau deviennent de plus en plus nombreux ; il shunte alors ceux qui sont le plus en bordure du champ de vision, et plus la vitesse augmente, plus le rayon analysable devient étroit. Si en voiture on peut tourner son regard de droite à gauche pour balayer la route, quand on descend une piste à très haute vitesse il est nécessaire de se focaliser sur les mètres qui suivent immédiatement : c’est pourquoi le champ de vision se réduit à un pinceau d’un mètre de large.

45°

30°

130 KM/H

100 KM/H

100°

40 KM/H

180°

0 KM/H

QUELLES DIFFICULTÉS SURVIENNENT AVEC L’AUGMENTATION DE LA VITESSE ? Plus la vitesse augmente, plus le champ de vision se réduit. À partir de 180-190 km/h, la concentration est telle que nous ne voyons plus qu’un couloir d’un mètre de large devant nous : la zone que l’on va skier dès la prochaine seconde. Le cerveau se déconnecte, l’adrénaline coule à flot ! On entre dans un autre monde… jusqu’au moment où l’on coupe la 2e ligne de chronométrage et où l’on se relève. Là, nous revenons à la réalité. Si le run s’est bien passé, on en ressort avec une sacrée banane ! C’est aussi le moment où l’on peut ressentir certaines choses, comme le bruit assourdissant de l’air que nous déchirons, au moment où nous sortons de notre bulle en nous relevant et où le casque aérodynamique se décolle du dos. VOUS PARLEZ DE MONTÉE D’ADRÉNALINE, LA PRISE DE RISQUE EST-ELLE IMPORTANTE ? La prise de risques augmente avec la vitesse. Être sur le fil du rasoir, en équilibre, n’est pas la même chose à plus de 200 qu’à 150. Une faute de carre3, une petite boule de neige, un peu de vent peuvent nous « mettre sur le toit ». Une petite bosse mal gérée peut nous faire « ouvrir » : le buste se soulève légèrement, l’air s’y engouffre et nous tire en arrière, il faut alors être suffisamment fort pour résister et être capable de se remettre en position. EST-CE QUE C’EST « PHYSIQUE » UNE DESCENTE À 200 KM/H ? La condition physique permet entre autres de résister à la phénoménale pression de l’air à haute vitesse, de contenir une erreur ou un ski qui part, mais aussi d’être plus solide en cas de chute en limitant les blessures. DOIT-ON « TENIR » LES SKIS, OU FAUT-IL AU CONTRAIRE LEUR LAISSER UNE CERTAINE LATITUDE ? Pour glisser, il faut garder les skis à plat le plus longtemps possible. Plus la vitesse augmente ou plus la piste est difficile à skier, plus on a tendance à se

250 KM/H


LE KILOMÈTRE LANCÉ

mettre sur les carres pour sécuriser le run (l’instinct de survie tente de prendre le dessus), tel un train sur ses rails. Celui qui laisse ses skis vivre et glisser le plus longtemps est souvent celui qui gagne.

# 3 • JAN-FÉV 2014

58

LE KLISTE A-T-IL PEUR ? Si la peur est présente, c’est que nous ne sommes pas prêts ! Pas prêt physiquement, techniquement ou mentalement. On le sait, ou on le ressent. Il y a toujours de l’appréhension : s’élancer dans ces pentes à ces vitesses, c’est contre nature. L’esprit et l’instinct de survie nous dictent de ne pas y aller… Mais la peur ne doit pas être là. Si nous avons peur, c’est de la chute, des potentielles blessures ou fractures, mais aussi des inévitables brûlures occasionnées par la neige qui est très abrasive. QUELS SONT LES CARACTÉRISTIQUES PHYSIQUES QUI VONT INFLUENCER LE RUN ? Il faut être le plus aérodynamique possible tout en étant lourd. En fait, il ne suffit pas d’être lourd : il faut que la masse volumique soit importante. Un physique lourd et fin (donc typé bien musclé) est une bonne base pour avoir une position efficace face à l’air. ET QUELLE IMPORTANCE REVÊT LA POSITION DU DESCENDEUR ? La position, propre à chacun, peut-être travaillée et améliorée en soufflerie pour trouver la plus optimale, qu’il faut tenter de reproduire en conditions réelles. S’en écarter réduit très rapidement la performance. Les fesses un peu trop hautes ou trop basses, les bras mal positionnés, font partie des nombreux détails à maîtriser pour que l’air s’écoule au mieux tout autour de nous. RETROUVE-T-ON DES SENSATIONS PROCHES DE LA CHUTE LIBRE ? Pratiquement : au-dessus de 220 km/h, l’air devient tellement dense et présent qu’il faut se diriger en jouant avec, en s’appuyant dessus pour tenir ou changer de direction. Par contre, en chute libre, aucun élément de décor n’est proche, alors qu’en KL, la piste défile sous les skis, le visage est à 50-60 cm du sol. Les spectateurs en bord de piste, les fanions qui délimitent la piste et les lignes de chrono que nous coupons passent en un éclair. L’impression de vitesse est décuplée.

© Red Bull Media House

PHYSIQUEMENT, COMMENT EST-CE QU’ON S’ENTRAÎNE POUR CE SPORT ? Comme nous l’avons vu plus haut, il faut se muscler pour augmenter la masse volumique. Il faut donc travailler les sports développant la masse musculaire.


Musculation, natation, gainage, etc. On peut aussi travailler le cardio : ski de rando, course à pied, cyclisme. À côté de ça, l’équilibre est également à bosser et affiner. Ensuite, il faut skier (alpin, freeride, etc.) pour le feeling de la glisse et développer les réflexes liés à ces sports. Occasionnellement, nous nous entraînons sur les rares pistes de KL préparées en dehors des compétitions. À Vars par exemple. POUR RÉSUMER, QUELLES SONT LES QUALITÉS D’UN BON KLISTE ? Un bon KListe doit être physiquement affuté, mentalement solide et un très bon skieur et équilibriste. LES MEILLEURS COMPÉTITEURS SE RESSEMBLENT-ILS TOUS ? Parmi les nombreux compétiteurs des différentes nations, de nombreux KListes sont de très bons skieurs. L’actuelle recordwoman, Sanna Tidstrand (Suède), a remporté les X-Games 2005 en Skicross. L’actuel recordman, Simone Origone (Italie) est guide de haute montagne. Un Russe, Nikolay Pimkin, a descendu un des 8 000 mètres de l’Everest en freeride. Et j’en passe. EST-CE UN SPORT DANGEREUX, RISQUÉ ? C’est paradoxal : le KL est bien entendu un sport extrême. Il peut être dangereux, je ne peux pas dire le contraire. Mais je connais dans mon entourage plus de footballeurs amateurs blessés (fractures, ligaments, etc.) que de KListes ayant subi ce genre de blessures. Je pense que ça résume bien la situation. POURRAIT-ON ALLER PLUS VITE QUE LES RECORDS ACTUELS ? Si nous avons la chance de pouvoir reskier dessus, la piste des Arcs a encore 10 à 20 km/h de potentiel. À Vars, en avril dernier, après plusieurs années de mauvaises conditions météo ou d’enneigement, et après des travaux réalisés en bas de piste, une nouvelle tentative a eu lieu. Le record de la piste, tenu depuis 1997 à 243 km/h a été battu de 5 km/h, soit à 3 km/h du record mondial masculin actuel. À côté de ça, la R&D avance. Le matériel et les farts4 sont de plus en plus efficaces. Alors oui, les records vont continuer d’être battus.

1 Run : descente 2 KListe : athlète qui pratique le Kilomètre Lancé 3 Carres : c’est la baguette de métal qui se trouve sur chaque bord d’un ski 4 Fart : enduit appliqué sur le dessous des skis pour améliorer la glisse

ACCÉLÉRATION

PLUS RAPIDE QU’UNE F1 ?

Un descendeur à ski n’est pas capable d’aller plus rapidement qu’une Formule 1, toutefois sa capacité d’accélération est phénoménale, et peut rivaliser avec celle de certaines voitures de course. Le KListe atteint en effet les 200 km/h en un poil moins de 6 secondes, soit dans le même temps qu’une McLaren MP4-4 de 1988. Quelques voitures de course descendent toutefois plus bas, le prototype Red Bull Racing X1 avalant même le 0 à 200 km/h en… trois petites secondes.


Envoyez vos questions, remarques, anecdotes, photos commentées par courrier à redaction@ultramag.fr

L’IMC NE DIT PAS TOUT

# 3 • JAN-FÉV 2014

60

JE VIENS DE LIRE VOTRE ARTICLE « MOINS DE GRAS, PLUS DE VITESSE ». LA DÉMONSTRATION EST IMPARABLE : PERDRE DU POIDS PERMET D’AMÉLIORER SES PERFORMANCES. MAIS PRENDRE L’IMC COMME UNIQUE INDICATEUR ME LAISSE PERPLEXE. J’AURAI AIMÉ LIRE DES NOTIONS COMME LE TAUX DE MASSE GRASSE OU ENCORE LE POIDS DE FORME. PAR LE PASSÉ J’AI CHERCHÉ À RÉDUIRE MON IMC : DE 26,3 JE SUIS PASSÉ À 23,8 GRÂCE À QUELQUES EFFORTS MAIS EN GARDANT UNE ALIMENTATION ÉQUILIBRÉE. AU BOUT D’UN MOMENT, J’ÉTAIS FATIGUÉ, SANS FORCE, MES PERFORMANCES ÉTAIENT MITIGÉES ET SURTOUT JE N’AVAIS PAS DE BONNES SENSATIONS EN COURSE. À LA FIN DE LA SAISON, JE N’AVAIS QU’UNE ENVIE : GROSSIR. LA SAISON SUIVANTE, JE SUIS REMONTÉ À 24,5. MON CORPS ENCAISSAIT MIEUX LES CHARGES D'ENTRAÎNEMENT, JE RÉCUPÉRAIS MIEUX, J’AVAIS PLUS DE FORCE ET J’AI FAIT LES MEILLEURES PLACES DE MA VIE AVEC DES SENSATIONS ÉNORMES. À MON SENS, C’EST LE POIDS DE FORME QUI FAIT LA PERFORMANCE D’UN INDIVIDU, L’IMC N’EST QU’ACCESSOIRE. STÉPHANE B.

Vous avez raison : l’IMC est une valeur statistique qui ne prend pas en compte les spécificités d’un sportif entraîné (masse musculaire potentiellement importante). Nous utilisions ce tableau bien connu de tous pour permettre à tout un chacun de se situer un minimum. Attention donc à ne pas prendre les valeurs de l’IMC au pied de la lettre. Perdre du poids peut vous aider à améliorer vos performances… mais dans une certaine limite : perdre trop de poids sera à coup sûr néfaste, comme vous l’avez-vousmême constaté. La limite basse étant ce fameux « poids de forme » que vous évoquez, le poids le plus bas correspondant à votre forme la plus élevée, en adéquation avec votre pratique sportive. Nous reviendrons sur cette notion dans un prochain article. J’AI CONSTATÉ QU’EN HIVER DÈS QU’IL FAIT FROID MES CAPACITÉS RESPIRATOIRES SONT BEAUCOUP PLUS LIMITÉES, JE M’ESSOUFFLE PLUS VITE, ET J’AIMERAIS SAVOIR D’OÙ ÇA PEUT VENIR ? JE SUIS CYCLISTE. YOHAN

L’air que nous inspirons descend dans nos poumons pour oxygéner notre sang. Un air très froid va refroidir le système pulmonaire et potentiellement l’irriter. Ça peut même être douloureux s’il fait vraiment très froid. En respirant par le nez plutôt que par la bouche, vous allez davantage réchauffer l’air : c’est une première piste. Vous pouvez aussi vous coller un textile devant la bouche pour de la même manière créer un « sas ». Enfin ralentissez l’allure lorsqu’il fait vraiment froid, afin d’avoir une respiration moins rapide, et donc d’insuffler un air plus chaud dans vos poumons. Et n’oubliez pas de vous échauffer !


QUESTION D’ÉQUILIBRE

DORMIR, OUI MAIS COMBIEN ?

VOUS INDIQUEZ DANS LE N°2 QUE LE MANQUE DE SOMMEIL ENTRAÎNE DES TAS D’EFFETS NÉGATIFS SUR LE CORPS, JE SUIS BIEN D’ACCORD. MAIS COMMENT SAVOIR DE QUELLE QUANTITÉ DE SOMMEIL ON A BESOIN ? FRANÇOISE

La quantité de sommeil idéale est différente pour chaque individu ; hors jeunes enfants et cas exceptionnels, elle s’échelonne de 4 à 10 heures. De manière simple, sans consultation et hors outils spécifiques, pour savoir si vous dormez suffisamment, vous devez vous retrouver dans les affirmations suivantes : je ne subis pas de fatigue chronique ; je réussis à être attentif, à me concentrer toute la journée ; je ne connais pas de période de somnolence. À l’inverse, vous manquez sans doute de sommeil si : vous avez toujours faim ; vous vous sentez anormalement émotif ; vous oubliez des tas de choses anodines ; vous êtes sujet à attraper tous les petits rhumes qui traînent ; vous vous sentez plus maladroit que d’habitude.

RETROUVEZ ULTRAMAG SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX :

61 ÉQUILIBRE

Le diabète dont souffre Marc (type 1) est dit « insulino-dépendant », alors que le diabète de type 2 est dit « insulino-résistant ». Ce dernier se révèle généralement après 40 ans, et est principalement d’origine génétique. La production d’insuline par le pancréas est défaillante, entraînant une irrégularité de la glycémie (taux de sucre dans le sang). Le surpoids et l’absence d’activité physique sont des facteurs aggravants : le sportif est donc plutôt un bon élève dans la lutte contre le diabète. Pour le diabétique sportif, il faut veiller à se prémunir des hypoglycémies, et toujours avoir du sucre sur soi au cas où. Les heures suivant l’effort sont particulièrement sensibles.

© Ruigsantos - Fotolia.com

J’AI BIEN AIMÉ LE PORTRAIT DE MARC ETIEMBLE, QUI EST DIABÉTIQUE DE TYPE 1. QUELLE EST L’AUTRE FORME DE DIABÈTE, ET EST-ELLE AUSSI GÊNANTE POUR LES SPORTIFS ? NICOLAS, 78


ARRÊTEZ DE RÉFLÉCHIR POUR MAIGRIR

62

Voilà une étude méga intéressante. En fait, il s’agit d’une méta étude sur les ressorts psychologiques de la nutrition, qui en rassemble cinquante autres. On vous dit tout de suite la conclusion : pour maigrir, il ne faut pas trop réfléchir. Jessie De Witt Hubert, psychologue à l’université d’Utrecht décrit ainsi ses patients comme de vrais génies lorsqu’il s’agit de justifier une alimentation mauvaise ou excessive. Stress au travail, repas d’affaire, écart exceptionnel, on trouve toujours une bonne raison de ne pas suivre un régime ou simplement de bonnes habitudes. Ces justifications que l’on se fait à soi-même expliquent l’échec de l’autorégulation. Prendre conscience de ces justifications permet de mieux tenir ses objectifs. Et cela reste valable pour des tas d’autres sujets.

# 3 • JAN-FÉV 2014

Source : Personality and Social Psychology Review November 8, 2013 « Because I Am Worth It' A Theoretical Framework and Empirical Review of a Justification-Based Account of Self-Regulation Failure » (www.santelog.com)

SOMMEIL

Debout là d’dans ! On savait que dormir peu pouvait entraîner des problèmes de santé chroniques, mais dormir trop ! Une étude d’envergure menée sur 54 269 Américains âgés de 45 ans et plus, et publiée dans la revue « Sleep », révèle que dormir moins de 6 heures, ou plus de 10 heures par nuit augmenterait le risque de maladies chroniques. Au menu : détresse psychologique, problèmes cardiaques, diabète et même obésité. Dormir longtemps ne serait pas synonyme de dormir mieux.

TABAGISME

L’ÉLECTRONIQUE

C’EST FANTASTIQUE ? Vous fumez ? Non bien sûr ? Ou alors peut-être que vous vous êtes mis à la cigarette électronique. Conserver le « bon » goût de la cigarette, sans les effets néfastes ? Sans effets néfastes ? Réellement ? L’Union Internationale contre la Tuberculose et les Maladies respiratoires appelle à la régulation du marché de ce produit. Selon cet organisme aucune étude n’a été menée montrant son absence de nocivité, on ne connaît pas non plus les substances chimiques contenues, ni les substances libérées. D’ici à ce qu’on s’aperçoive dans quelques années que le « remède » est pire que le mal…

© Picture-Factory - Fotolia.com

PSYCHO-NUTRITION


LIVRE

Un ouvrage détaillé qui dit tout sur les relations entre votre cœur et le reste de votre corps à l’effort. Éditions De Boeck, collectif d’auteurs, 280 pages, 52 €.

SANTÉ

VERS LA FIN DE LA VISITE MÉDICALE ANNUELLE ? Il se pourrait fort qu’à partir de 2014 un sportif n’ait plus l’obligation de se rendre chaque année chez son médecin pour se faire établir un certificat de « non contre-indication à la pratique du sport XXXX en compétition ». La validité serait portée à 2 ou 5 ans selon l’âge. Affaire à suivre de très près.

HYGIÈNE ALIMENTAIRE

Le lait… quel lait ? D’un côté : les lobbys laitiers qui nous affirment depuis des décennies que « le lait c’est frais le lait c’est gai », et qu’en plus, c’est plein de calcium, de protéines, et tout ça. De l’autre, les nutritionnistes qui pour la plupart rejettent le lait en bloc, car source d’intolérances alimentaires, d’allergies, et autres gênes gastriques. La Food and Agriculture Organization (FAO) suggère dans une récente communication que les gouvernements devraient davantage investir dans les programmes permettant aux familles pauvres de produire du lait, et d’accéder au lait et produits laitiers. Calories, protéines, matières grasses, oligo-éléments, rendent le lait intéressant pour les populations sous alimentées. Outre le lait de vache, le lait de nombreuses espèces est consommé dans le monde : bufflonnes, chèvres, brebis, mais aussi rennes, élans, alpagas, lamas, chamelles, yaks…

ÉTUDE

© Sergey Nivens - Fotolia.com

LES BOISSONS ÉNERGISANTES (ENCORE) DANS LE COLLIMATEUR Les études sur les effets des boissons énergisantes se suivent et se ressemblent (voir nos actus Equilibre du n°2). Il paraîtrait que ce n’est… pas très bon. La dernière en date, un test sur 18 volontaires en bonne santé, a été présentée lors d’un congrès annuel de radiologie, aux États-Unis. Les sujets ont passé un IRM avant et après avoir bu une boisson composée de taurine et de caféine. Les contractions cardiaques sont plus vigoureuses après, signe d’une excitation anormale. Jonas Dörner, chercheur à l’université de Bonn (Allemagne) estime qu’il faut mener d’autres études pour déterminer les effets de ces boissons sur le long terme.

63 ÉQUILIBRE

CARDIOLOGIE DU SPORT


CERVEAU

Homme/femme : nos cerveaux ne fonctionnent pas pareil

DÉCÈS

MARATHON DE LA ROCHELLE Un homme de 51 ans a été pris d’un malaise sur la ligne d’arrivée du marathon de La Rochelle le 24 novembre dernier. Il a été pris en charge par les secouristes, mais il est décédé le soir même à l’hôpital. Chaque année une quinzaine de personnes décèdent dans le cadre de la pratique de la course à pied.

© Pavel Losevsky - Fotolia.com

# 3 • JAN-FÉV 2014

64

En haut en bleu sont représentées les connexions dans le cerveau observées chez 428 hommes, en bas en orange celles observées chez 521 femmes. Il semble évident que les connexions sont principalement internes aux hémisphères cérébraux chez les hommes, alors qu’elles relient les deux hémisphères chez les femmes. En clair, les hommes traitent plus vite les informations et sont plus prompts à l’action, alors que les femmes sont plus douées du côté des émotions, de l’interaction et des langues. Ceci est bien évidemment pressenti depuis longtemps, mais cette fois des images obtenues par un nouveau procédé (imagerie par tenseur de diffusion) montrent concrètement que nos cerveaux fonctionnement différemment. La grande question est bien évidemment « pourquoi » ? Est-ce que nos cerveaux fonctionnent ainsi dès notre naissance, ou est-ce que c’est notre petite enfance qui détermine ce fonctionnement ? Source : Charles Gross, Princeton University, Princeton, NJ, and approved November 1, 2013 (received for review September 9, 2013)

SPORT & SANTÉ

30 flexions pour voyager gratos C’est rigolo et ça promeut la santé physique par le sport : à Moscou, à l’approche des Jeux Olympiques de Sochi, il est possible d’obtenir un ticket de métro gratuit en réalisant 30 flexions d’affilée devant une machine avant de franchir les portillons. À quand un déploiement en France ?


C’ÉTAIT MOINS UNE Le triathlète élite Marino Vanhoenacker a frôlé la mort à l’Ironman de Cozumel (Mexique) le 1er décembre : sa température corporelle est descendue à 34°C. À 37 ans, avec 15 ans de triathlon à haut niveau derrière lui, l’athlète estime qu’il doit cette alerte à un problème d’alimentation.

SOMMEIL

Dormir plus le week-end ne permet pas de récupérer Des chercheurs de l’université Penn State ont étudié le sommeil de 30 volontaires : ils ont été placés en restriction de sommeil la semaine, puis ont bénéficié d’un week-end de récupération. Du point de vue de la somnolence, le week-end est réellement réparateur ; par contre l’attention et la performance ne reviennent pas à leur niveau normal.

Source : Effects of recovery sleep after one work week of mild sleep restriction on interleukin-6 and cortisol secretion and daytime sleepiness and performance. Slobodanka Pejovic , Maria Basta , Alexandros N. Vgontzas , Ilia Kritikou , Michele L. Shaffer , Marina Tsaoussoglou , David Stiffler , Zacharias Stefanakis , Edward O. Bixler , George P. Chrousos. American Journal of Physiology.

ESPÉRANCE DE VIE

Le Français très optimiste Une enquête Ifop pour CAUDALIE montre que 24% des Français estiment avoir une chance de vivre jusqu’à l’âge de 100 ans. Cette proportion augmente, puisqu’en 2005 ils étaient 18%. En réalité, les projections indiquent qu’il pourrait y avoir seulement 0,3% de la population centenaire en 2060, soit beaucoup moins, même si ce chiffre tend lui aussi à augmenter.

SANTÉ

Un quart des Français bien portants D’après le « baromètre de la santé des Français » réalisé par TNS Sofres pour le compte d’AXA, 9 Français sur 10 se déclarent « en bonne santé ». Cependant en analysant les données, il s’avère que la réalité serait plutôt de 24% de Français en bonne santé, c’està-dire n’ayant pas de maladie grave ou chronique, n’étant pas en surpoids, stressé, en dépression ou mauvais dormeur.

65 ÉQUILIBRE

TRIATHLON


© Erica Guilane-Nachez - Fotolia.com

# 3 • JAN-FÉV 2014 DOSSIER | L’ÉQUILIBRE ACIDO-BASIQUE

66


ÉQUILIBRE ACIDOBASIQUE :

CRO MAGNON AVAIT RAISON

L’être humain ne s’alimente pas, il consomme. Sédentarisation, révolution industrielle et la « transition nutritionnelle » de la seconde moitié du XXe siècle ont créé des conditions défavorables à une bonne santé, notamment un déséquilibre de la balance acido-basique. Fort heureusement, quelques modifications alimentaires peuvent y Par Anthony Berthou remédier !

ÉQUILIBRE

67


DOSSIER | L’ÉQUILIBRE ACIDO-BASIQUE

BOUH ! Commençons par cette question toute simple : que risque-t-on à présenter un excès durable d’acidité tissulaire ? La déminéralisation avant tout. En effet, une telle situation oblige l’organisme à puiser dans ses réserves alcalines, notamment osseuses. S’ensuit alors une perte possible de minéraux essentiels tels que le calcium, le magnésium, le potassium, et donc un risque accru d’ostéoporose précoce. L’ostéoporose est une diminution de la densité osseuse. Elle touche en France environ 4 millions de femmes et 1,5 millions d’hommes, qui sont soumis, à mesure que les symptômes progressent, à des risques croissants de fractures. Entre autres.

# 3 • JAN-FÉV 2014

68

S

ommes-nous tous… acides ? Sans doute. Depuis l’époque où nos lointains ancêtres chassaient et cueillaient, tout a changé, sauf notre patrimoine génétique. Nous soumettons, souvent sans en être conscients, nos organismes à des stress physiologiques importants, pour la plupart issus de nos nouveaux modes de vie. Le résultat : fatigue chronique, inflammations, tendinites, ostéoporose… Des maux de société qui pourraient être évités avec une meilleure alimentation, respectueuse de notre équilibre acido-basique. À la fin de cet article, vous déciderez de moins consommer de produits industriels, de moins saler vos plats, de boire moins de sodas et d’alcool… Et de manger plus de fruits et de légumes. On parie ?

L’excès d’acidité tissulaire peut par ailleurs augmenter les risques de tendinites et générer une fatigue chronique à long terme favorisant le stress, qui lui-même contribue lui-même à augmenter l’acidité tissulaire. C’est le cercle vicieux, on n’en sort pas. Sans une réforme alimentaire…

LAISSEZ-MOI UN MILLION D’ANNÉES Pour y arriver, jetons un œil dans le rétroviseur. Retrouvons nos ancêtres du paléolithique. Depuis l’apparition de l’homme il y a trois millions d’années, jusqu’au néolithique (environ 8000 ans av. J.-C.), ils ont chassé, cueilli, pêché, pour survivre. La sédentarisation les a conduits à entamer un autre voyage, celui du progrès. On voit

L’AUTEUR

ANTHONY BERTHOU Nutritionniste spécialiste de micronutrition et de nutrition sportive, Anthony Berthou considère la nutrition sous l’angle de la santé. Parfois critique vis-àvis de certaines idées reçues sur la nutrition, il met en évidence les liens entre l’alimentation, les maladies dites « de société » et les altérations de la qualité de vie. Ancien membre de l’équipe de France junior de triathlon, il intervient dans le suivi nutritionnel de nombreuses équipes de France. Retrouvez-le sur son blog, extrêmement riche d’informations : www.sante-et-nutrition.com.


Vous me direz que depuis une dizaine de milliers d’années, on a eu le temps d’évoluer, que l’Homme moderne n’a plus rien à voir avec ses ancêtres à l’allure simiesque et dénués de bonnes manières. Vous avez raison à 0,01%. Et 0,01%, c’est l’évolution de notre capital génétique depuis 10 000 ans. Autrement dit, quasiment rien. Et dans le même temps, nous avons soumis l’organisme à des aliments non adaptés à ses mécanismes d’absorption de digestion et d’assimilation.

dénomination un brin pompeuse, est un paramètre simple sur lequel il est très facile d’influer. Pour bien comprendre ce qu’est l’équilibre acido-basique, remémorons-nous un principe fondamental de chimie appris sur les bancs du collège : les réactions acido-basiques et le pH. Le pH permet de mesurer le niveau d’acidité d’une solution. Lorsqu’il est inférieur à 7, il est dit acide, lorsqu’il est supérieur à cette valeur, il est dit basique. Jusque là rien de compliqué. Dans le cas du sang, ce pH doit rester à une valeur stric-

© Erica Guilane-Nachez - Fotolia.com

Dans l’optique de retrouver une alimentation respectueuse de notre organisme, il est donc urgent, non pas de redevenir chasseur-cueilleur bien entendu, mais simplement de redonner une place de choix aux aliments bruts et non transformés dans vos assiettes.

ACIDE-BASE : UN ÉQUILIBRE VITAL L’une des principales règles en matière de biologie, et aussi l’une des plus formidables, est la notion d’homéostasie : la nature tend toujours à revenir à son équilibre. Et l’équilibre acido-basique n’échappe pas à cette règle. L’importance de cet équilibre est malheureusement souvent sousestimée alors que sa perturbation peut être à l’origine de nombreux maux de notre société moderne. L’équilibre acido-basique, sous sa

69 ÉQUILIBRE

alors l’apparition des céréales, la sélection végétale par croisement, la domestication des animaux, l’apparition de la cuisson, et bien d’autres usages non adaptés à un organisme qui digère depuis trois millions d’années des aliments non transformés (lire l’encadré « Du paléolithique à l’ère industrielle : révolution dans les assiettes »).

0,01%, C’EST L’ÉVOLUTION DE NOTRE CAPITAL GÉNÉTIQUE DEPUIS 10 000 ANS


© Erica Guilane-Nachez - Fotolia.com

DOSSIER | L’ÉQUILIBRE ACIDO-BASIQUE

Le chasseur de phoque n’avait ni allergies, ni tendinites, ni lombalgies

# 3 • JAN-FÉV 2014

70

tement comprise entre 7,38 et 7,42, au risque de mettre en péril le maintien même de la vie. La marge de manœuvre est donc étroite ! Heureusement, l’organisme dispose de moyens efficaces et va habilement jouer d’échanges entre les différents milieux qui le constituent pour maintenir le pH sanguin dans cet intervalle. Et à tout prix. Quitte à puiser dans ses précieuses réserves tissulaires. L’organisme va devoir, pour maintenir un pH constant, neutraliser les charges acides libérées en continu par nos cellules grâce à des systèmes tampons1. Les muscles captent ainsi environ 60% des charges acides. L’étape suivante, c’est l’élimination par les poumons et les reins. Les premiers participent à l’élimination des acides dits « volatils » à travers la production de CO2. Les seconds participent quant à eux à l’élimination des acides dits « non volatils ». Le foie intervient après coup dans le recyclage de certaines molécules impliquées dans ce cycle, notamment l’acide lactique, l’urée et la glutamine. Retenez simplement qu’il est essentiel de limiter l’accumulation de toxiques (xénobiotiques) grâce à une hygiène de vie adaptée pour permettre au foie d’assurer pleinement ses fonctions.

Y’A UN OS… Lorsque l’organisme est confronté à une quantité trop importante et durable de charges acides, il va tout simplement saturer les systèmes tampons immédiatement disponibles et devoir trouver des solutions complémentaires pour maintenir le pH constant, notamment en puisant dans ses réserves alcalines pour recruter de nouvelles bases. Là où le bât blesse, c’est que l’une des principales réserves alcalines sollicitées est l’os. En cas d’excès d’acidité chronique, de dysfonctionnement métabolique ou hormonal, l’os peut alors se décomposer au lieu de se constituer. L’organisme utilise alors les réserves alcalines de l’os, présentes sous forme de sels de calcium, pour tamponner les charges acides en excès et élimine ainsi le calcium par… les urines ! Commence alors la déminéralisation, voire l’ostéoporose si cet état d’acidité marquée dure. En parallèle, les charges acides non éliminées peuvent se stocker dans les tissus conjonctifs mous au fil du temps et être à l’origine d’une altération de l’oxygénation des tissus, source de nombreuses pathologies ostéo-tendineuses telles que les tendinites ou autres inflammations tissulaires chroniques, et d’un moindre rendement énergétique au niveau cellulaire pouvant affecter la vitalité.


SYNTHÈSE

RETROUVER LA VITALITÉ EN 9 POINTS Une alimentation saine passe par un équilibre acido-basique optimal. Avec cet objectif en vue, vous vous donnerez toutes les chances de retrouver votre vitalité et de diminuer, voire supprimer les symptômes d’une trop grande acidité tissulaire.

RÉDUISEZ

AUGMENTEZ

votre consommation de fruits et légumes, riches en potassium

PRIVILÉGIEZ

la cuisson des légumes à la vapeur au détriment de la cuisson à l’ébullition (cuisson à l’anglaise) et des produits en conserve

BUVEZ

au minimum 1,5 litres d’eau par jour en privilégiant les eaux minérales et les eaux gazeuses riches en bicarbonates mais pauvres en sodium (Salvetat par exemple). Bannissez le cola (light ou non) !

71 ÉQUILIBRE

votre consommation de chlorure de sodium : sel de table, pain, fromage, charcuterie, plats industriels

PROTÉGEZ

votre foie en limitant les pesticides, tabac, alcool, polluants, etc.

ÉQUILIBREZ

votre flore intestinale en ayant recours si besoin à une complémentation de qualité en probiotiques et en favorisant la consommation d’aliments lacto-fermentés (choucroute, kéfir, pain au levain)

PRATIQUEZ

APPRENEZ

à gérer le stress

En cas d’excès d’acidité chronique, faites une cure de minéraux sous forme alcalinisante (citrates, bicarbonates de potassium, calcium et magnésium) en quantité suffisante (5 à 10 g par jour)

© Warren Goldswain - Fotolia.com

une activité physique régulière


DOSSIER | L’ÉQUILIBRE ACIDO-BASIQUE

UNE QUESTION DE VOCABULAIRE Histoire de ne pas décrocher notre Cro Manon en cours de route, une petite mise à jour de vos cours de SVT (biologie pour les anciens) sera la bienvenue. ACIDE GRAS POLY-INSATURÉ : ce sont aussi des constituants des lipides. La plupart des acides gras poly-insaturés peuvent être synthétisés par l’organisme, à l’exception des oméga 3 et 6 qui doivent être obligatoirement apportés par l’alimentation. ACIDE GRAS SATURÉ : ce sont des constituants des lipides. Ils sont surtout apportés par les graisses animales

# 3 • JAN-FÉV 2014

72

ALCALIN : en chimie, synonyme de basique ALIMENT NON TRANSFORMÉ : aliments non issus de process industriels tels la mise en conserve, la congélation, la réfrigération, la déshydratation, le traitement aseptique GLUTAMINE : l’un des 22 acides aminés qui entrent dans la composition des protéines HOMÉOSTASIE : processus de régulation permettant de maintenir les constantes du milieu intérieur entre des valeurs normales ION : un ion est un atome, ou un groupe d’atomes, ayant perdu ou gagné un ou plusieurs électrons ION SULFATE : le sulfate est le sel de l’acide sulfurique URÉE : déchet azoté présent dans les urines et le sang XÉNOBIOTIQUE : substance d’origine étrangère présente dans l’organisme, cela peut être une molécule chimique tel un médicament, un pesticide…

HISTOIRE

DU PALÉOLITHIQUE À L’ÈRE INDUSTRIELLE : RÉVOLUTION DANS LES ASSIETTES De son apparition trois millions d’années en arrière, à l’ère néolithique qui commence il y a 10 000 ans, l’homme a dû s’adapter pour survivre. Durant toute cette période, appelée le paléolithique, il a chassé, pêché, cueilli, c’est-à-dire prélevé directement dans la nature ce qu’elle fournissait spontanément. Il y a 9 000 ans, en Asie Mineure, l’agriculture et l’élevage ont introduit un nouveau mode d’acquisition et de sélection de la nourriture. Elles ont rendu l’homme moins dépendant des conditions environnementales. Il s’est sédentarisé, et cela s’est accompagné de nouveaux modes de préparation et de cuisson des aliments. Les évolutions du néolithique permettent une production plus intensive de nourriture, moins aléatoire. Les populations, jusqu’alors peu nombreuses et clairsemées, se sont regroupées et développées. Un nouveau mode de vie a alors été mis en place : • Consommation de céréales • Sélection végétale par croisements • Domestication et sélection des animaux, dont la viande, plus grasse, que celle des animaux sauvages, est majoritairement constituée d’acides gras saturés et moins riches en acides gras poly-insaturés • Diminution de la consommation de viande, remplacée par la consommation de céréales • Consommation de lait et produits laitiers, ajoutant un apport de graisses saturées • Cuisson des aliments, le feu n’ayant été utilisé pour la cuisson qu’après le paléolithique


D’abord lente, cette évolution s’est accélérée avec les temps modernes. La révolution industrielle du XIXe siècle, et surtout la deuxième moitié du XXe siècle, installeront la « transition nutritionnelle » qui verra l’avènement de nouveaux modes de consommation : • Agriculture industrielle, fertilisants, pesticides, conservateurs • Systématisation de la sélection des espèces • Nouveaux modes de cuisson : autocuiseurs, micro-ondes • Conservation par le froid : réfrigérateur, congélateur • Plats préparés, colorants, conservateurs, exhausteurs de goût • Nouveaux modes de production des ingrédients de base : raffinage des huiles, farines, sucres • Introduction massive dans l’alimentation du sucre et du sel • Abondance alimentaire : la consommation remplace l’alimentation

PALÉOLITHIQUE de -3 millions d’années à -9000 ans avant J.-C.

73

NÉOLITHIQUE 9 000 ans avant J.-C.

XXE SIÈCLE

© Fiedels - Fotolia.com

ÉQUILIBRE

• Diversification des modes de cuisson • Conservation des aliments : salage, séchage, saumure… • Ajout de sel dans l’alimentation pour la conservation, puis pour le goût • Invention de l’alcool


DOSSIER | L’ÉQUILIBRE ACIDO-BASIQUE

# 3 • JAN-FÉV 2014

74

ON FAIT TOUT À L’ENVERS, NON ?

ÉQUILIBRER LES PROTÉINES

Une des différences majeures entre l’alimentation paléolithique (période au cours de laquelle l’ostéoporose était absente) et l’alimentation moderne est l’inversion du rapport sodium (Na) / potassium (K). L’alimentation de nos ancêtres était très pauvre en sodium, surtout en chlorure de sodium. Le chlorure de sodium correspond au sel de table. Il donne davantage de saveur à des produits insipides, riches en graisses et en sucres. Par ailleurs, le chlorure associé au sodium possède un effet acidifiant, son métabolisme2 produisant un acide fort.

Le chlorure n’est pas le seul ion à posséder un effet acidifiant : il en est de même pour le souffre et le phosphore. Or les protéines animales sont particulièrement riches en acides aminés soufrés, donc en soufre. Loin de vouloir les bannir, il s’agit d’éviter toute consommation excessive afin d’éviter une production trop importante d’ions sulfates par l’organisme, notamment dans le cadre de régimes hyperprotéinés (perte de poids, prise de masse musculaire) non encadrés par un professionnel de santé et/ou non complémentés en sels alcalinisants.

À l’inverse, nos ancêtres consommaient une grande quantité de fruits, de légumes et de graines riches en potassium, un minéral essentiel au bon fonctionnement de l’organisme. Ces sels de potassium forment du bicarbonate de potassium dans l’organisme, le bicarbonate permettant de neutraliser les charges acides. De la même manière, les végétaux apportent du magnésium et du calcium sous cette même forme, favorisant ainsi leur bonne assimilation.

Les légumineuses et les céréales contiennent également des protéines végétales riches en acides aminés soufrés, donc acidifiantes, mais elles sont également riches en sels organiques : elles sont donc globalement moins acidifiantes que les protéines animales. D’une manière générale, veillez à maintenir un rapport entre protéines animales et protéines végétales de « un » (50% de protéines animales et 50% de protéines végétales) dans l’alimentation quotidienne, en limitant tout excès de viande rouge particulièrement riche en acides aminés soufrés. Ce qui sous-entend d’offrir une place fréquente aux légumineuses, quinoa et soja dans votre assiette.

Ainsi, le rapport sodium / potassium est un précieux et fidèle reflet des apports en sels acidifiants et alcalinisants de l’alimentation : celle de nos ancêtres présentait un rapport Na/K de 0,003 à 0,1 (consommation quotidienne de potassium d’environ 9 à 12g/j et de sodium d’environ 0,02 à 0,8g/j), synonyme d’une alimentation alcalinisante. Dans les pays industrialisés, l’alimentation moderne présente aujourd’hui un rapport Na/K de 1,8 à 4,3 (consommation quotidienne de potassium d’environ 2 à 3 g/j et de sodium d’environ 3 à 5 g/j). Ce rapport a donc non seulement été inversé, mais a par ailleurs été multiplié par 10 à 1 000 selon les cas !

BOIRE (DE L’EAU !) L’hydratation est essentielle au bon fonctionnement de l’organisme : la consommation quotidienne d’un volume d’1,5 litres d’eau est un minimum, auquel doivent se rajouter en moyenne 500 ml par heure de pratique sportive. L’ h y d r a t a t i o n favorise en effet l’élimination des charges acides en permettant une diurèse optimale. Ce point est particulièrement important pour les sportifs.

LE SEL DONNE DE LA SAVEUR AUX PRODUITS INSIPIDES, RICHES EN GRAISSES ET EN SUCRES


© Phot65 - Fotolia.com

LE SPORTIF, UNE POPULATION À RISQUE ?

75 ÉQUILIBRE

CAS D’ÉCOLE

ANALYSE En effet, les habitudes alimentaires des sportifs orientés vers le choix des féculents au détriment des végétaux les amènent à une forte propension à l’acidité chronique. Ce à quoi se rajoutent la fragilisation des tendons par l’effort intensif et répété, la déshydratation, le dénivelé parfois important (dans le cas du trail) et à l’activité physique intense saturant les mécanismes de métabolisation de l’acide lactique. Vous obtenez là un cocktail « acide » détonant. Donc, si l’activité physique régulière est bénéfique, une activité physique intense associée à d’autres facteurs de déséquilibres de la balance acido-basique prédispose à l’excès d’acidité tissulaire chronique, se traduisant en premier lieu par une fragilité ostéo-tendineuse et une difficulté de récupération chez le sportif.

© Vladimir Voronin - Fotolia.com

TABLEAU CLINIQUE Damien, sportif régulier d’endurance (trail, triathlon), est sujet à des problèmes de tendinite chronique, de crampes à l’effort à répétition associées à une difficulté de récupération et à une asthénie (fatigue) chronique. Il a par ailleurs tendance à transpirer de manière importante la nuit. Au niveau alimentaire, il consomme beaucoup d’aliments salés (puisque toutes ses lectures l’ont amené à conclure qu’un sportif a besoin de sodium pour compenser les effets de la transpiration). Il boit du soda en abondance, des produits sucrés dont une boisson de l’effort riche en sels acidifiants et des féculents en grande quantité, persuadé qu’il doit s’en gaver (pardon du terme) pour recharger ses réserves en glycogène. Les fruits et légumes ne font pas vraiment partie de ses menus quotidiens, soit par manque de temps pour les préparer puisqu’il s’entraîne sur l’heure du déjeuner ou simplement par manque d’intérêt. Tableau caricatural me direz-vous ? Et bien, pas tant que ça…


DOSSIER | L’ÉQUILIBRE ACIDO-BASIQUE

Enfin, privilégiez des eaux gazeuses riches en minéraux (magnésium, calcium, potassium) sous forme alcalinisante comme les bicarbonates, mais pauvres en sodium et en chlorure : on peut ainsi citer les eaux Arvie (indice PRAL3 de -23,5), Quezac (PRAL de -14, 73) et surtout Salvetat (PRAL de -3,57 mais à la teneur très faible teneur en sodium). Les eaux bicarbonatés richement sodées telles que Vichy, St Yorre, etc. sont à privilégier après un effort physique mais à éviter dans l’alimentation quotidienne du fait de leur forte teneur en sodium.

© olesiabilkei - Fotolia.com

# 3 • JAN-FÉV 2014

76

CHANGER SES HABITUDES Le plus difficile en matière d’alimentation, ce n’est pas de comprendre. Je suis d’ailleurs certain que vous êtes désormais convaincu(e) qu’il sera bénéfique de changer certaines habitudes alimentaires, ou tout au moins les faire évoluer. Non, le plus difficile maintenant consiste à passer à l’action, pour de vrai et durablement. La façon dont nous nous alimentons revêt bien souvent une explication inconsciente. L’alimentation n’est pas juste un ensemble de nutriments à avaler, elle touche à une grande part psychologique. Le chemin le plus long, le vôtre, sera par exemple d’arriver à analyser un refus, un blocage inconscient, vous empêchant de mieux vous nour-

rir. Sur ce chemin, il y aura aussi peut-être à agir sur le stress, qui pour le coup agit directement sur l’acidité tissulaire : méditation ? Auto-hypnose ? Quelques minutes de détente par jour peuvent s’avérer bien plus efficaces que la prise d’anxiolytiques. Efficace également, la pratique d’une activité physique régulière. Vous en tirerez des bénéfices sur la gestion du stress et du poids, mais aussi, dans le cas d’une pratique modérée, sur la ventilation pulmonaire, donc l’élimination des charges acides par l’intermédiaire du gaz carbonique (CO2). Une pratique sportive intense favorise à l’inverse le déséquilibre de la balance acido-basique, en saturant notamment les systèmes tampon. La réforme alimentaire peut parfois paraître rude en comparaison de nos habitudes de consommation moderne. Toutefois, au regard de l’évolution de notre capital génétique depuis la période paléolithique, nos besoins sont comparables à ceux de nos ancêtres. Vous avez donc tout à gagner à privilégier une alimentation respectueuse de votre santé et source de plaisir gustatif. Il est donc de bon ton de rappeler une fois de plus tout l’intérêt à réintégrer une alimentation brute, non transformée et riche en végétaux pour prendre soin de votre santé.

1 Systèmes tampons : systèmes constitués de molécules capables d’échanger entre elles des ions H+ en fonction du pH, pour jouer le rôle d’un acide ou d’une base. Les ions phosphates, l’hémoglobine et les bicarbonates couplés au CO2 sont des systèmes tampons. 2 Métabolisme : il définit les réactions se produisant dans les cellules de l’organisme. Il est constitué de deux mécanismes opposés : le catabolisme (extraction de l’énergie des nutriments) et l’anabolisme (synthèses des constituants nécessaires au bon fonctionnement des cellules). 3 PRAL : l’indice PRAL (Potential Renal Acid Load) est un bon indicateur pour déterminer le pouvoir acidifiant ou alcalinisant des aliments. S’il est négatif, l’aliment est alcalinisant. S’il est positif, il est acidifiant. Voir ce lien pour avoir les indices PRAL de plus de 4000 aliments : http://tinyurl.com/lanutrition-fr-compoaliments.


Une approche novatrice de l’oxygénation du sportif

• Gérer le stress de la compétition • Gagner en endurance • Améliorer vos performances • Optimiser votre récupération • Lutter contre le stress oxydatif

Pour donner le meilleur de soi-même…

www.holiste.com

77 ÉQUILIBRE

Fabien Antolinos, vainqueur de l’Endurance Ultra-Trail et vice-champion de France de Trail Long

• Préparer votre entraînement


COMPRENDRE NOTRE CORPS | POURQUOI FAISONS-NOUS LES CHOIX QUE NOUS FAISONS ?

COMPRENDRE NOTRE CORPS

L’HOMME QUI PRENAIT SON CERVEAU POUR UNE PAIRE DE RUNNING

© NLshop - Fotolia.com

# 3 • JAN-FÉV 2014

78

Vous êtes un coureur à pied, ou un cycliste, ou un nageur, bref, un sportif. Pourquoi ? Parce que c’est votre cerveau qui vous dit d’aller courir, ou pédaler, ou nager… ou de ne rien faire. Il vous reste juste à obéir. Par Laurent Vercueil


« - Cher Monsieur, vous savez certainement que je suis plus à l’aise pour aborder les troubles neurologiques ‘classiques’ (je mets les guillemets en agitant en l’air et symétriquement, deux doigts de chaque main). Après tout, le travail d’élucidation qui est le mien porte sur les ‘dysfonctionnements’ (nouveaux guillemets gestuels) du cerveau, et ne s’adresse pas à un fonctionnement qui, bien qu’étrange, je vous le concède, ne me semble pas appartenir, de près ou de loin, au domaine de la pathologie. » L’homme fit mine de vouloir m’interrompre, mais je poursuivis, imperturbable, en dessinant un premier schéma (voir figure 1).

figure 1

« - Pour rappel, notre cerveau est constitué de deux moitiés ou hémisphères, reliées par un pont de substance blanche, majeur, qui est le corps calleux, et de deux passerelles plus fines, que l’on appelle les commissures. Chaque hémisphère est couvert d’une écorce de matière grise, le cortex, où siègent les neurones, dont on a compté un peu moins de 100 milliards d’unité. En profondeur, des amas collectés, appelés noyaux, qui rassemblent des populations de neurones affectés aux basses œuvres. Typiquement, de celles dont on préfère ne rien savoir. - Je ne vois pas bien le rapport… commença l’homme. - Vous allez comprendre. Faites preuve de patience ! Vous devriez être expert dans ce domaine, avec les épreuves auxquelles vous participez, non ? Des heures à courir ! Alors maintenant : écoutez ! Et regardez. »

PHINÉAS GAGE A VU LA BARRE À MINE LUI TRAVERSER LE CERVEAU

À la partie antérieure de mon premier croquis, je superpose un cylindre vertical qui vient oblitérer, de bas en haut, la région frontale (voir figure 2). « - Ici, un certain Phinéas Gage a vu une barre à mine lui traverser accidentellement le cerveau. De façon miraculeuse, il a survécu. On était au milieu du XIXe siècle, et une telle blessure, à une époque où les

figure 2

79 ÉQUILIBRE

L

a perplexité dut se lire sur mon visage. L’homme réitéra sa question puis se renfonça dans le fauteuil, avec l’air de pouvoir attendre le temps qu’il serait nécessaire pour obtenir une réponse qui le satisfasse. Un homme d’une quarantaine d’années, mince et musclé, visiblement très sportif, qui braquait sur moi un regard inquisiteur. C’était le quatrième consultant de la matinée, ce qu’on appelait « une première fois ». Un nouveau client donc, et je réalisai qu’à la suite de l’annulation inopinée du patient suivant, j’avais une heure entière devant moi pour tenter de traiter le problème qu’il me soumettait. Je me levai et me dirigeai, muni d’un feutre effaçable, vers le tableau blanc qui me permet d’appuyer mes explications, lorsque je sens qu’elles virent au complexe, d’illustrations plus ou moins adroites. Un bon dessin vaut parfois mieux qu’un long discours, me dis-je souvent.


COMPRENDRE NOTRE CORPS | POURQUOI FAISONS-NOUS LES CHOIX QUE NOUS FAISONS ?

figure 3

# 3 • JAN-FÉV 2014

80

antibiotiques n’existaient pas encore, aurait été fatale à tout un chacun. Mais lui, Gage, il survécut sans séquelle aucune. Sans séquelle ? Pas tout à fait, car voici quelque chose d’étrange : son caractère s’est modifié profondément. Lui, auparavant si respectueux, si soucieux des convenances, homme attentif à la qualité de son travail, de ses relations avec ses collègues et amis, s’est mué en un personnage grossier, vindicatif, négligent, ne parvenant à s’établir dans une existence stable, menant une vie déréglée. Tout se passait alors, ainsi que l’a souligné, un siècle plus tard, le neurologue Antonio Damasio1, comme si toutes ses décisions étaient les mauvaises. Comme si la lésion précise de cette petite zone du cerveau, située juste au-dessus des orbites, dans le lobe frontal, pouvait avoir changé quelque chose qui est au cœur de ce qui fait ce qu’on est : nos orientations, nos préférences, nos choix. » Le visage de l’homme paru s’éclairer.

TOUT SE PASSAIT COMME SI TOUTES SES DÉCISIONS ÉTAIENT LES MAUVAISES « - Vous voyez bien que nous y arrivons ! Mais je n’ai pas fini - je marquai un temps stratégique, de sorte que je vis l’homme se renfrogner. Parce que vous allez croire que l’explication se trouve dans cette petite région de votre cerveau. Ce qui est bien évidemment faux. C’est à la fois plus simple, et bien plus compliqué. » J’effaçai cette fois la totalité de mon dessin et esquissai le croquis suivant (voir figure 3).

« - Il existe donc une structure du cerveau, que je représente maintenant vu par en dessous - on va l’appeler la région frontale ventromédiane - qui, selon les travaux de Damasio et de ses collègues, joue un rôle majeur dans l’orientation de nos préférences. De sorte qu’on pourrait dire, naïvement, qu’on préfère telle activité à telle autre, parce que cette région, qui abriterait ce que Damasio appelle les « marqueurs somatiques », c’est-à-dire les traces laissées par les expériences affectives et physiques du sujet, cette région, disais-je, lui donnerait la préférence en fonction d’une évaluation objective. En somme, nous serions les instruments passifs d’une accumulation d’expériences dont nous aurions plus ou moins conscience. Ce serait une vue très partielle des choses, qui laisserait de côté un aspect majeur, que l’étude de McClure et collaborateurs a bien mis en évidence, en faisant intervenir une autre région du cerveau, ou plutôt, un ensemble d’autres régions. » Je rayai l’hypothèse damasienne sur le tableau, et je figurai, de façon assez schématique mais non sans un certain talent, deux bouteilles d’un soda très connu (voir figure 4). « - Voici une bouteille de Coca et une bouteille de Pepsi. Laquelle préférez-vous ? - Le Coca. - Je vois, vous rejoignez la cohorte majoritaire des Américains qui sont 80% à dire préférer le Coca au Pepsi, selon la distribution du marché aux US. Pourquoi ? That is the question, si je puis dire (avec un accent pitoyable). McClure et collaborateurs2 ont testé une soixantaine de volontaires dans une machine d’imagerie fonctionnelle par


figure 5

RMN3 (IRMf4). Ces machines produisent des images du cerveau en fonctionnement, en colorant les régions en fonction des activations dépendantes des tâches réalisées. Installés dans la machine, on leur donne à boire du Pepsi ou du Coca, sans leur dire ce que c’est, mais en observant le fonctionnement de leur cerveau : que se passe-t-il ? Ignorant la nature du breuvage, les volontaires font travailler leur cortex préfrontal ventral (la fameuse aire dont on a parlé à propos de Phinéas Gage) : alors, j’aime ou j’aime pas ? Qu’est-ce que je préfère, celuilà ou l’autre ? Résultat des courses : c’est du 50/50. Étonnant, non ? Les mêmes qui disent préférer le Coca à 80% ! Autrement dit, en aveugle, la répartition des préférences par le cerveau des intéressés se distribue équitablement entre les deux marques. Mais ce n’est pas tout. »

de la récompense, c’est à dire, in fine, ce qui nous inscrit dans une histoire personnelle, biographique, identitaire. En fait, ce que montre cette étude, c’est que nos choix, nos préférences vont vers ce qui nous permet de nous raconter toujours la même histoire, la seule qui nous intéresse, la nôtre.

Je sens l’homme intéressé, et, retournant vers mon tableau, appose le nom des marques sur chacune des bouteilles (voir figure 5).

- Mais je n’ai aucun modèle, moi, qui me dicte mon envie d’aller courir !

« - Les chercheurs vont à présent renouveler l’expérience, mais en levant l’aveugle, comme je le fais sur ce dessin. C’est à dire que les cobayes sauront désormais si ce qu’ils boivent dans la machine est du Coca ou du Pepsi, puis ils seront interrogés à nouveau sur leurs préférences. Cette fois, le résultat est sans surprise, le Coca l’emporte à 80% et on retombe sur les tendances du marché. En revanche, ce que montre l’IRM, c’est que le fait de savoir que c’est du Coca (ou du Pepsi, pour ceux dont c’est le choix) va orienter l’évaluation subjective vers un tout autre circuit cérébral. Nommément, les deux hippocampes, le cortex préfrontal dorsolatéral et le mésencéphale, soit des structures du cerveau qui sont impliquées dans le souvenir, les émotions et le circuit

- Mais quel rapport avec la course à pied ? - Vos choix, vos préférences ne sont pas indépendantes de l’histoire que vous vous racontez à propos de vous-même. Les marques ont bien compris ça, qui ont investi des modèles, les personnages charismatiques, les sportifs, parce qu’à nos yeux, il s’agit de s’identifier à leurs parcours, leurs réussites. C’est un peu la logique de ce qu’on appelle pompeusement le « storytelling ».

- Certainement. Mais quand vous m’interrogez sur la raison pour laquelle vous allez courir plutôt que de rester sur le canapé devant la télévision, puisque telle est votre question, je suis en mesure de vous répondre ceci : votre cerveau vous dit que c’est à votre propre histoire que vous participez lorsque vous allez courir. Vous allez courir, parce que c’est bien vous. Tout autre choix ne vous donnerait pas le sentiment de vous appartenir…» 1 Dans son livre « L’erreur de Descartes », Éditions Odile Jacob, disponible en poche. 2 McClure SM et al. Neural correlates of behavioral preference for culturally familiar drinks Neuron. 2004 Oct 14;44(2):379-87. 3 Résonnance Magnétique Nucléaire 4 Imagerie par Résonnance Magnétique fonctionnelle.

81 ÉQUILIBRE

figure 4


SE RESPECTER

SE RESPECTER | LA FLUIDITÉ DE MOUVEMENT

EXPRIMEZ LA FLUIDITÉ QUI EST EN VOUS

# 3 • JAN-FÉV 2014

82

Nos mouvements sont contraints par nos articulations. Plutôt que de les contraindre elles-mêmes par des mouvements anatomiquement anormaux, ne devrions-nous pas essayer de donner libre cours à notre nature ?

Par Frédéric Brigaud

FRÉDÉRIC BRIGAUD, CONSULTANT EN BIOMÉCANIQUE Frédéric Brigaud est consultant en biomécanique et ostéopathe auprès de sportifs de haut niveau depuis 1994. Il est le concepteur et développeur des principes biomécaniques posturo-dynamiques EAD (Empilement Articulaire Dynamique) enseignés en kinésithérapie du sport et auprès des BE Sport (ski alpin, tennis, golf, surf…). Il a notamment mis en évidence la fonction d’interface neutralisatrice de l’avant-pied. www.eadconcept.com


© Trail Attitude

ÉQUILIBRE

83

D

e la connaissance de l’anatomie et de la biomécanique, des termes au premier abord abscons et pourtant très accessibles, nait la fluidité, l’aisance, l’efficience du geste technique sportif. Nos jambes répondent à une mécanique particulière. Disons plutôt que nos pièces osseuses nous imposent un mode de fonctionnement particulier en raison de leur forme. Et la forme détermine alors le mouvement. Sommesnous capables de modeler la forme de nos articulations pour créer de nouveaux mouvements ? Non, ou alors en les détériorant. Par contre, la combinaison des différents mouvements qu’autorisent l’ensemble des articulations composant nos jambes nous permet un panel de gestes assez conséquent. Encore faut-il savoir comment les orchestrer - nous en parlerons ultérieurement. Recentrons notre sujet et posons-nous la question des différences biomécaniques entre la prise d’appui talon et la prise d’appui avant-pied...

PRISE DE TÊTE Lors d’une prise d’appui avant-pied, le contact avec le sol se fait au niveau de la tête des métatarsiens. Lors d’une prise d’appui talon, le contact s’effectue au niveau du calcanéum (talon). Lapalissade, me direzvous, et pourtant c’est essentiel. Placez-vous debout, les pieds presque joints et parallèles, les genoux légèrement déverrouillés. À partir de cette position décollez légèrement les avant-pieds afin de vous retrouver en appui talon. Pour plus de facilité vous pouvez réaliser l’exercice les mains en appui contre un mur. Les muscles que vous contractez dans cette position pour vous tenir érigé et maintenir les avant-pieds décollés sont les mêmes que vous sollicitez lorsque vous prenez appui par les talons. Maintenant passez à une prise d’appui avant-pied en décollant légèrement les talons. Dans les deux cas, pour ce test, votre centre de gravité est à l’aplomb de vos appuis. Passez de l’une à l’autre afin de percevoir les muscles mis en jeu selon le type d’appui réalisé.


SE RESPECTER | LA FLUIDITÉ DE MOUVEMENT

Maintenant essayez de tenir l’une puis l’autre position durant une minute… Ce n’est pas long une minute, pourtant lorsque vous êtes en appui talon, les avant-pieds légèrement décollés, vous ressentez très rapidement une tension musculaire apparaitre devant les tibias. Ce sont vos muscles jambiers antérieurs qui tétanisent… Par contre, en appui avant-pied, les talons légèrement décollés, la posture est plutôt aisée car vous sollicitez dans ce cas un muscle volumineux, le mollet, ou plus exactement un groupe musculaire composé de trois muscles (soléaire et jumeaux). Le mollet est un muscle puissant, à l’inverse du jambier antérieur : il suffit de comparer leur forme, leur volume et leur structure, qui diffèrent totalement.

# 3 • JAN-FÉV 2014

84

L’AVANT-PIED LES DOIGTS DANS LE NEZ Il vous reste encore un peu de force ? Alors recommencez l’exercice mais cette fois-ci concentrez-vous sur la contraction des cuisses (quadriceps). Si vous affinez votre perception, vous ressentirez alors que

l’effort à produire est moins contraignant, moins fatiguant, en appui avant-pied qu’en appui talon. Lors d’une prise d’appui avant-pied le mollet maintient le tibia, l’empêchant de s’incliner, allégeant le travail du quadriceps. À l’inverse, en appui talon, la contraction du jambier incline le tibia vers l’avant, et donc par conséquent, fléchit le genou. Le quadriceps doit alors produire un effort supplémentaire pour contrecarrer la traction du muscle jambier antérieur. Dans ce cas de figure les différents muscles ne travaillent pas en synergie puisque l’un deux, le jambier antérieur, favorise la flexion et non l’extension de la cheville et par conséquent du genou. Alors qu’avec un appui avant-pied il se forme une chaîne musculaire d’extension complète partant du grand fessier, passant par le quadriceps puis les mollets pour finir par le tendon d’Achille qui s’insère sur le talon (calcanéum), pièce osseuse qui n’est autre qu’un relais osseux permettant à cette chaîne de se prolonger par l’aponévrose plantaire. La prise d’appui avant-pied est musculairement synergique (même si cela ne sonne pas très bien à l’oreille).

Grand fessier Le travail du quadriceps est accru

ABSENCE DE SYNERGIE MUSCULAIRE

Le travail du quadriceps est allégé

Contrainte d’extension Contrainte d’extension

Le pied maintenu par le muscle jambier antérieur produit une contrainte d’inclinaison du tibia et par conséquence, de flexion du genou

Appui talon

Mollet

SYNERGIE MUSCULAIRE CHAINE MUSCULAIRE D’EXTENSION L’extension de la cheville maintenue par le mollet produit une contrainte d’extension du genou Appui avant-pied

© 2013 Fred Brigaud


TU SAIS CE QU’IL TE DIT MON MÉDIO-PIED ? Il est nécessaire de préciser quelques points d’anatomie pour mieux comprendre la prise d’appui et trancher entre la prise d’appui « médio-pied » et la prise d’appui « avantpied ». Le médio-pied ne touche pas à proprement parler le sol. Pied à plat, les parties en contact direct avec le sol sont le talon, les métatarsiens et plus précisément la tête des métatarsiens, et les orteils. Dès que vous décollez légèrement le talon, vous prenez appui essentiellement sur la tête des métatarsiens, l’avant-pied donc (les orteils sont également en contact). À l’inverse, lorsque vous décollez légèrement l’avantpied, vous prenez appui essentiellement sur le talon. Il n’y a pas de passage par le médio-pied ou alors votre pied a une forme de banane dont la partie convexe serait en contact avec le sol.

LA PRESSION MALHEUREUX, LA PRESSION ! Dès lors, le seul paramètre à prendre en ligne de compte est l’inclinaison du pied par rapport au sol car, en fonction de cet angle, la surface en contact sera plus ou moins

importante et de ce fait influencera la répartition de la pression par centimètre-carré à ce niveau. Anatomiquement, il n’y a donc pas de prise d’appui médio-pied mais une prise d’appui avant-pied dont la surface de contact augmente au fur et à mesure que le talon se rapproche du sol. Amusez-vous à percevoir cette surface et son évolution, pieds nus, sur une surface plane et dure en fonction de l’angle que forme le pied avec le sol, puis reproduisez l’exercice avec des chaussures. On comprend donc tout l’intérêt du travail pieds nus lorsque l’on souhaite développer une gestuelle efficiente. Vous développez alors une finesse de prise d’appui qui n’aura pas d’égale. Cependant cela ne s’acquière pas en claquant des doigts ou en cliquant « Like » sur Facebook. Cela demande de la précision, du temps et de la répétition jusqu’à ce que le geste s’automatise. « Temps, précision, répétition » un axiome qui ne plait pas trop aujourd’hui et qui pourtant replace le corps et ses capacités d’adaptation à leur juste place/mesure/valeur. On ne peut tricher avec le corps ou alors qu’un temps.

QUE NOUS APPREND CET ARTICLE ? La prise d’appui avant-pied permet d’enclencher une succession de muscles dont les actions sont synergiques, synonymes d’économie, d’efficience. La foulée médio-pied n’existe pas, il s’agit d’une prise d’appui avant-pied dont la surface de contact évolue au fur et à mesure que le talon se rapproche du sol. La prise d’appui talon provoque une contraction du jambier antérieur, favorisant une flexion de la cheville et non une extension. DANS NOTRE PROCHAIN NUMÉRO La biomécanique de l’effet papillon, ou comment un élément externe de prime abord insignifiant impacte notre gestuelle.

85 ÉQUILIBRE

Ainsi diffère la biomécanique mise en jeu selon la prise d’appui ; après, libre à vous de choisir celle que vous emploierez en connaissance de cause. Je ne me lasserai jamais de citer à ce sujet Henri Laborit, ce neurobiologiste et chirurgien ô combien méritant qui dérange toujours autant et que les biens pensants n’hésitent pas à nommer l’enfant terrible de la recherche scientifique française : « Tant que l’on a ignoré les lois de la gravitation, l’homme a cru qu’il pouvait être libre de voler. Mais comme Icare, il s’est écrasé au sol. Ou bien encore ignorant qu’il avait la possibilité de voler, il ne savait être privé d’une liberté qui n’existait pas pour lui. Lorsque les lois de la gravitation ont été connues, l’homme a pu aller sur la lune. Ce faisant, il ne s’est pas libéré des lois de la gravitation mais il a pu les utiliser à son avantage. » Je vous invite à lire l’un de ses ouvrages : La légende des comportements.


D+ | UNE VIE D’ULTRAT DE LABO

Rubrique proposée par Guillaume Millet, gmillet@ucalgary.ca

D+

ULTRAT DE LABO

# 3 • JAN-FÉV 2014

86

Le sport, en particulier dans sa forme « ultra », représente un formidable terrain d’expérimentation pour les chercheurs qui n’hésitent pas à transformer de placides sportifs en ultra-rats de laboratoire. Grandes évidences ou découvertes pointues émaillent ces pages.

1.

GRANDE ENQUÊTE SUR LES COUREURS D’ULTRA : LA SUITE

C

omme promis au dernier numéro, voici la suite du questionnaire XXL qu’ont passé plus de 1200 coureurs d’ultra américains qui devaient, pour valider leur participation à l’étude, avoir parcouru au moins un

ultramarathon dans l’année précédente. Il s’agissait de mieux cerner les caractéristiques sociodémographiques de ces coureurs et de les corréler avec des données morphologiques telles que l’indice de masse corporelle (IMC). Pour mémoire, l’IMC (ou BMI en anglais) est un indice simple permettant de cerner le niveau de maigreur ou de surpoids d’un individu et se calcule simplement en divisant la masse par la taille au carré. Le deuxième but de l’étude ne nous apprend pas grand-chose, et même si quelques corrélations sont bien significatives d’un point de vue statistique (par exemple avec l’âge, le nombre d’heures par semaine au travail ou à regarder la télévision, la distance courue l’année d’avant à l’entraînement), on partagera l’avis des auteurs qui caractérisent eux-mêmes leurs résultats de négligeables tant les coefficients de corrélation sont faibles.


Intéressantes aussi sont les données diverses et variées qui permettent de mieux cibler le profil des coureurs d’ultra, dont la majorité pratiquent l’ultra-trail. Commençons par la répartition homme-femme : on ne trouvait « que » 68% de coureurs. Presque 1/3 de femmes, sans doute n’aurions-nous pas cela en Europe. Sur une course comparable à l’UTMB®* en termes de popularité et de distance mais courue aux USA (la Western States Endurance Run ou WS100*), le taux de participation féminine est stable à 20-22% depuis les années 2000. Plus précisément, ce pourcentage est passé de 10-12% dans les années 1986-1988 à plus de 20% de nos jours. On retrouve cette valeur d’environ 20% de femmes si l’on considère l’ensemble des 100 miles en Amérique du Nord, donc il existe réellement une différence entre l’Europe et l’Amérique. Peut-être doit-on y voir une raison d’espérer une augmentation de ce chiffre à l’UTMB (à ce jour proche de 10%) dans les prochaines années. Mais revenons à l’enquête : au niveau ethnique, les Blancs (non hispaniques) représentaient 93,5% des coureurs contre seulement 2,5% de type asiatique ou originaires des iles du Pacifique, 1,6% d’Hispaniques et 0,2% de Noirs. Pas sûr que le tableau soit beaucoup plus coloré en Europe. Ceci mériterait une petite analyse sociologique. Avis aux spécialistes qui cherchent un sujet d’étude ! Très intéressant également les deux tableaux suivants qui représentent respectivement le niveau d’éducation et le type d’emploi occupé par les coureurs. En moyenne, les coureurs d’ultra font très largement partie de ce que l’on nomme les cols blancs et ont un niveau de formation nettement supérieur à la moyenne de la population. Par exemple, aux USA seul 30% de la population a au moins un niveau licence contre 85% des coureurs d’ultra. La différence est énorme.

LYCÉE 6,0 % AUCUN DIPLÔME 0,9 %

LICENCE 38,9 % MASTER 29,3 % BTS /BAC+2 8,1 %

D O C T O R AT 1 6 , 8 %

DOMAINE DE LA SANTÉ OU TECHNICIENS 14,2 % MANAGEMENT 11,2 %

ENSEIGNEMENT BIBLIOTHÉCAIRE 10 % COMMERCE ET FINANCE 9,7 %

INFORMATIQUE 9,3 %

87

SCIENTIFIQUES 5,3 %

ÉQUILIBRE

Ce qui nous a davantage intéressés, ce sont les valeurs absolues d’IMC des coureurs en comparaison à la population américaine. Bien évidemment le pourcentage de personnes classées comme en surpoids et obèses est bien moindre que la moyenne (respectivement 34% et 28% aux USA) mais il ne faut pas croire que le chiffre est nul parmi les coureurs d’ultra puisque tout de même 25% des ultramarathoniens (6% chez les femmes) sont en surpoids et on trouve même 1,7% d’obèses ! On y apprend aussi que le taux de coureurs (en l’occurrence souvent des coureuses) maigres – c’est-à-dire en dessous de l’IMC normal – est deux fois plus élevé en ultramarathon que dans le reste de la population.

ARCHITECTES INGÉNIEURS 6,5 %

AUTRES (LES ÉTUDIANTS ONT ÉTÉ EXCLUS) 33,9 % Plus anecdotique, plus d’1/4 des coureurs a fumé (défini ici comme ayant fumé plus de 100 cigarettes), 5% n’a jamais bu d’alcool (mais 80% en ont bu dans l’année précédant le sondage) et près des 3/4 prennent des vitamines ou des compléments alimentaires. Ils regardent en moyenne la télévision 7 heures par semaine soit presque 5 fois moins qu’un américain moyen. Ce qui est assez logique compte tenu de la relation inverse qui existe entre le niveau d’éducation et le temps passé devant le petit écran. Au final, cette enquête permet de mieux connaître les coureurs d’ultra. On se souviendra que la grande majorité des répondants est américaine et la même chose est sans doute à faire chez nous. Les auteurs de cette étude prennent aussi le soin de relativiser la pratique de l’ultra en nous rappelant que s’il y a eu 63 530 finishers toutes distances d’ultra confondues aux USA en 2012, il y avait la même année 487 000 finishers sur marathon. Voilà qui laisse une certaine marge de progression. Référence : Hoffman MD et al. Body Mass Index and its Correlates in 1,212 Ultramarathon Runners: Baseline Findings from the ULTRA Study. J Phys Act Health 2013.


D+ | UNE VIE D’ULTRAT DE LABO

2. S’ENTRAÎNER EN ENDURANCE ET ULTRA-ENDURANCE PENDANT 35 ANS NE RUINE PAS NÉCESSAIREMENT LES CARTILAGES

L

Dans un article dit « case study » ou en bon français de France « étude de cas », c’est-à-dire que l’on ne s’intéresse pas à une moyenne de coureurs mais à un seul cobaye, des chercheurs ont voulu savoir si de nombreuses années de pratique des sports

© Stefan Schurr - Fotolia.com

# 3 • JAN-FÉV 2014

88

’article précédent nous a permis de confirmer ce que l’on suspectait instinctivement, c’est-à-dire que les coureurs d’ultra prenaient moins de poids avec l’âge que la population moyenne. Les conséquences sur la santé sont évidentes. Mais les Pandores de l’ultramarathon auront tôt fait de pointer d’autres risques supposés pour la santé que ne manqueraient pas d’entraîner la pratique de l’ultra. Bien souvent, ils ne s’embarrassent pas de nuancer leurs propos selon le type de pratique, le niveau de performance ou le nombre de courses réalisées chaque année.

d’endurance à haute dose endommageaient nécessairement les cartilages. Il ne s’agit pas d’un ultramarathonien mais d’un ultra-triathlète de 49 ans qui a commencé à nager de façon intensive à l’âge de 8 ans, à courir à 14 ans et à pédaler à 18 ans. Cet athlète a tenu à jour un carnet d’entraînement ces 18 dernières années et son entraînement moyen annuel se composait comme suit : 25 000 km de vélo, 4 000 km de course à pied et environ 275 km en natation. Ce qu’il a fait en compétition n’est pas mal non plus. Voyez plutôt : au total, sur la même période de 18 ans, il a terminé 20 double-, 24 triple-, 3 quintuple- et 4 deca-Ironman auxquels on doit ajouter 12 épreuves de 6 ou 12 h de course à pied, 5 épreuves de 24 h en vélo, 12 ultra-distances en natation et une vingtaine d’autres épreuves d’ultraendurance variées. On doit pouvoir le classer dans les athlètes ultra-endurants sans prendre beaucoup de risques. Et bien malgré tout cela, l’imagerie par résonance magnétique réalisée au niveau des hanches, des genoux et des chevilles et analysée par 4 radiologistes différents n’a montré aucun signe de dommage des cartilages. Dans une expérimentation plus ancienne conduite sur une course de 200 km, il a été conclu à la dangerosité des courses d’ultrafond pour les cartilages sur la base de témoins sanguins. À tel point que les auteurs terminaient leur article en suggérant que l’ultramarathon pourrait hypothéquer l’intégrité des structures cartilagineuses dans la vie post-sportive. La présente étude montre que ce n’est pas nécessairement le cas malgré une carrière assez exceptionnelle. Certes il s’agissait de triathlon et pas de course à pied pure mais tout de même. Ce n’est pas tant l’âge qui est impressionnant ici (certains coureurs font plus au même âge) que le fait qu’il ait réussi à durer toutes ces années sans presque aucun trou dans sa carrière, ni aucune blessure des membres inférieurs. Gageons qu’ils ne doivent pas être beaucoup dans ce cas. Il convient cependant de rester prudent. On ne sait pas ce que les heures de pratique de la course ou du vélo pourrait induire comme conséquences si le cartilage venait à être endommagé par un choc quelconque. Pour les connaisseurs, des clichés IRM sont disponibles sur le site internet de la revue, l’article est en consultation libre et gratuite : http://www.biomedcentral.com/content/pdf/1471-2474-14-343.pdf Référence : Zingg MA, Pazahr S, Morsbach F, Gutzeit A, Wiesner W, Lutz B, Knechtle B, Rosemann T, Mundinger PM, Rüst CA. No damage of joint cartilage of the lower limbs in an ultra-endurance athlete -- an MRI-study. BMC Musculoskelet Disord 14(1): in press, 2013


3. FATIGUE CÉRÉBRALE ET ULTRA-TRAIL

P

eu après la naissance de la course, les organisateurs de l’UTMB® ont non seulement souhaité ouvrir leur épreuve à la recherche scientifique mais ils ont même créé une commission médicale pour soutenir cette recherche. On se souvient que l’édition 2012 a été raccourcie à un peu plus de 105 km en raison de conditions météo abominables. Si certains coureurs avaient peut-être souhaité son annulation, ce n’est pas le

accès libre et gratuit), les auteurs ont confirmé que le système nerveux central était sévèrement touché par un effort de course à pied de plusieurs heures. Mais en 2012, grâce à un gros aimant posé sur la tête (voir photo) relié à un stimulateur magnétique et induisant une réponse motrice directe du cortex moteur, les chercheurs ont pu localiser un peu mieux l’origine de cette fatigue dite centrale ou nerveuse. En effet, cette technique innovante a permis de montrer qu’en état de fatigue extrême le cerveau a les ressources neurophysiologiques pour contracter les muscles davantage mais que toute la volonté du sujet ne suffit pas pour mobiliser ces réserves. Un peu comme si le cerveau se mettait en mode ralenti pour préserver l’organisme. Enfin ça, c’est une interprétation un peu simpliste. Mais le fait demeure : le pourcentage d’activation, ou en termes plus simples la capacité à solliciter l’ensemble des fibres musculaires, diminue après l’UTMB par rapport à avant la course (Figure 1).

ÉQUILIBRE

89

Figure 1 POURCENTAGE D’ACTIVATION

92,5% AVANT LA COURSE

cas d’une équipe de chercheurs conduite par l’université de Saint-Etienne qui comptaient bien réaliser le 2e volet d’une large étude sur les conséquences physiologiques de la fatigue extrême. Un des buts était de mieux comprendre l’origine de la fatigue centrale, c’est-à-dire l’incapacité des sujets fatigués à contracter leurs muscles au maximum. L’article sur ce sujet vient de sortir dans la revue américaine Medicine and Science in Sports and Exercise. Que nous apprend-il ? Par rapport à une étude précédente conduite par la même équipe en 2009 déjà sur l’UTMB (Millet et al. PLoS One 6 (2) : e17059,

®

77,6% APRÈS LA COURSE

Cet article est le premier d’une série d’autres papiers publiés ou en cours de publication sur l’UTMB® 2012 avec les mêmes cobayes. On saisit d’ailleurs l’occasion pour les remercier de nouveau s’ils lisent Ultra Mag. Dans les prochains numéros, nous vous présenterons l’impact de l’ultra-trail sur la biomécanique de la course (pose du pied), sur la fatigue des muscles respiratoires et sur les différences hommes-femmes de fatigue neuromusculaire. À suivre donc. Référence : Temesi J, Rupp T, Martin V, Arnal PJ, Féasson L, Verges S, Millet GY. Central Fatigue Assessed by Transcranial Magnetic Stimulation in Ultratrail Running. Med Sci Sports Exerc. in press, 2013


ITINÉRAIRE | ANNETTE SERGENT

# 3 • JAN-FÉV 2014

90

MON MOT CLÉ EST LE VERBE ‘AGIR’

Annette Sergent


1989 Championne du Monde de cross-country

1983 Championne de France du 3000 m 1981 Championne de France de cross-country

1979 Rejoint l’ASUL (club lyonnais) et s’entraîne 5 fois par semaine

1986 Record de France du 2000 m (5’39’’), record qui tient toujours 1988 2e sélection 1984 aux JO 1e sélection aux JO

1990 : record de France du 5000 et 10000 m (15’16’’44 et 31’51’68)

1992 3e sélection aux JO

Naissance le 17/11/1962 à Chambéry

1985 Record de France du mile (4’39’’35)

1997 Arrêt de sa carrière de sportive de haut niveau

2001 Diplôme de sophrologie

1995 Championne de France de cross-country pour la 15e fois d’affilée

Leader de l’équipe féminine française de crosscountry dans les années 80 avec trente-deux sélections et deux titres de championne du Monde en individuel, toujours détentrice du record de France du 2000 mètres en 5 mn 39 s, Annette Sergent a tourné la page d’un palmarès long comme un jour sans pain… Par Francesca Sacco

A

nnette Sergent naît dans le chaudron de l’athlétisme en 1962, à Chambéry – son père, son frère et ses deux sœurs pratiquent l’athlétisme avec bonheur. Entraînée dans un premier temps par Marcel Martinet et Jean-Claude Bringuier, c’est avec Bernard Pelletier, qui devient son coach en 1979, qu’elle récolte les fruits de son travail et de son talent.

Certains se souviendront en particulier de sa victoire aux championnats du Monde de cross-country de 1987, à Varsovie. Elle a 25 ans et n’est pas donnée favorite de cette épreuve que l’on croit devoir logiquement revenir à Kristiansen, Lynch, Jennings, Welch ou Buerki. Mais la jeune Lyonnaise réalise une course magnifique, surprenant ses adversaires dans les derniers mètres. Après cet exploit, on la regarde différem-

2011 Entre à la commission cross-country de l’IAAF

2006 Débute ses activités d’indépendante

91 ÉQUILIBRE

1987 Championne du Monde de cross- country


ITINÉRAIRE | ANNETTE SERGENT

J’ai pris du recul avec le sport de haut niveau pour repartir en tant que coureuse loisir ment. L’année suivante, elle confirme son statut de leader du cross-country français aux championnats du Monde qui ont lieu à Auckland, en Australie, avec une troisième place. En 1989, en Norvège, elle remporte son second titre mondial et, dans la foulée, permet à l’équipe de France de ravir la médaille d’argent à l’URSS pour deux points !

# 3 • JAN-FÉV 2014

92

Parallèlement à sa carrière d’athlète, Annette Sergent étudie la psychologie à l’ASU Lyon (devenu ASU Bron). Et c’est tout naturellement vers l’accompagnement des sportifs qu’elle s’est tournée, une fois venu le moment de prendre une retraite sportive bien méritée. Vous avez plusieurs casquettes : préparatrice physique et mentale, coach, sophrologue, commentatrice sportive… en quoi cette polyvalence est-elle un « plus » ? N’est-ce pas aussi un facteur de dispersion ? Les trois premières casquettes sont pour moi une seule et même chose. En résumé, cela me permet d’apprendre aux personnes, quel que soit le domaine de leur vie qui les préoccupe (sport, profession, privé, etc.), à découvrir leur potentiel, à l’optimiser et à le développer. Intervenir à différents niveaux me permet d’enrichir mon expérience et de créer des liens ; je pense vraiment que c’est un « plus », même si, effectivement, la gestion devient parfois plus compliquée – mais finalement c’est comme pour tout, il faut trouver le juste équilibre… Intervenez-vous différemment selon qu’on s’adresse à vous en tant que préparatrice, coach ou sophrologue ? Les formats peuvent être très différents – par exemple, rendez-vous individuel avec une demande particulière, atelier en entreprise ou séance de sophrologie… mais l’objectif est toujours le même. Ma « philosophie » est d’être à l’écoute, d’utiliser les techniques les mieux appropriées et d’accompagner les personnes vers leur autonomie.

Avez-vous reçu comme clients beaucoup de personnes qui vous ont connue et côtoyée en tant que sportive de haut niveau ou vos clients viennent-ils plutôt d’ailleurs ? Beaucoup de personnes viennent effectivement parce qu’elles ont connaissance de ma notoriété sportive et de mes interventions professionnelles plus récentes. C’est pour eux un gage de sérieux et une clef d’entrée vers des techniques qu’elles n’auraient pas approchées autrement. Comment êtes-vous passée du sport d’élite aux rôles de coach/sophrologue/préparatrice ? Était-ce un choix mûrement réfléchi et patiemment préparé, une décision subite qui s’est imposée d’elle-même, une vocation, une idée inspirée par quelqu’un ou quelque chose ? Mon orientation professionnelle s’est dessinée au cours de ma carrière sportive comme une suite logique, d’après mon expérience personnelle d’athlète de haut niveau et ce que j’ai pu observer autour de moi : nos ressources, les besoins, les manques… Cette transition a-t-elle nécessité des étapes, des passerelles ? J’ai arrêté ma carrière au printemps 1997. Ensuite j’ai intégré la mairie de Bron, avec laquelle j’avais signé une convention d’insertion professionnelle. J’ai occupé des fonctions au service DRH, sport et éducation, comme coordinatrice pour des contrats d’animation avec des jeunes de 6 à 16 ans. J’ai suivi des formations et passé des diplômes, par exemple une licence de psychologie, un titre de sophrologue, un brevet d’état d’entraîneur 2e degré. Et en 2006, j’ai débuté mes activités d’indépendante. En quoi votre rapport au sport at-il évolué pendant cette période ? J’ai pris du recul avec le sport de haut niveau pour repartir en tant que coureuse loisir.


L’ANECDOTE DE VOTRE VIE SPORTIVE ?

Le départ de la finale du 10000 m des Championnats du Monde 1991 à Tokyo : il a eu lieu en même temps que le concours de saut en longueur avec Mike Powell, qui a battu Carl Lewis, et le record du monde mythique de Bob Beamon ! Nous étions sur la ligne, et le départ a été retardé car il y avait une ambiance de folie. Mike Powell faisait des sauts de cabri sur la piste juste devant nous. Je n’étais plus vraiment dans ma course…

VOTRE MEILLEUR SOUVENIR ?

Mon premier titre de championne du monde de cross : préparation sans encombres, sérénité avant la course, présence de Michel Jazy sur le parcours à un instant-clé, ma médaille et celle de l’équipe filles, le gâteau polonais offert sur le podium et partagé avec l’équipe de France à l’hôtel, la perf fabuleuse de Paul Arpin (3e), le retour au pays en fanfare et en folie…

VOTRE MOINS BON SOUVENIR ?

Une grosse déception aux Championnats du Monde de cross en France à Aixles-Bains : contre-performance devant mon propre public, 17e rang, alors que j’étais première l’année précédente. Mal toute la saison car trop voulu en faire.

UNE PATHOLOGIE CHRONIQUE ?

Le travail sur la piste plusieurs fois par semaine a entraîné un déséquilibre assorti d’un manque de force du côté gauche (à toujours tourner dans le même sens). J’ai souvent été blessée à gauche – métatarse, voûte plantaire, atrophie du soléaire, hanche, etc. D’où l’intérêt à mon avis de faire des contrôles réguliers et des exercices adaptés. Ce que je ne faisais pas assez…

Qu’est-ce qui revient le plus souvent dans les motivations des gens à venir vous consulter ? Le stress, le malêtre, la maladie, l’envie de progresser en éliminant les freins. Quelles sont les méthodes que vous utilisez plus spécifiquement pour les personnes qui vous demandent de les entraîner ? J’oriente le travail en fonction des capacités et des objectifs des individus ; j’insiste sur les bases la façon dont le travail est fait – qualité de la foulée, posture, respiration et relâchement… Vous arrive-t-il de renvoyer certains clients vers des spécialistes ? Cela m’arrive régulièrement lorsque ce n’est pas de mon domaine de compétences et qu’il y a une pathologie identifiée ou un problème énergétique, de posture, de comportement, etc. On peut travailler en complémentarité. Je renvoie également vers des collègues lorsque la contrainte de la distance est importante ou lorsque les personnes sont des proches. Donnez-vous des « recettes de bien-être » ? Je donne des recettes, mais à chacun d’aller chercher dans ses propres tiroirs. C’est par l’apprentissage et la répétition que l’on acquière ce « savoir-faire ». Un des mots clé est pour moi le verbe « agir », et ne pas subir, râler tout le temps… J’aime dégager les aspects positifs de la journée passée et celle qui va venir.

93 ÉQUILIBRE

Souvenirs

Utilisiez-vous déjà, en tant qu’athlète de haut niveau, les méthodes dont vous vous servez aujourd’hui ? Je ne connaissais pas la sophrologie ou d’autres techniques. J’ai utilisé, de façon intuitive, la visualisation avant les compétitions pour me stimuler, augmenter ma confiance, me programmer en répétant mentalement des situations. Cela marchait très bien quand j’étais forte mais je n’avais pas de ressources quand j’étais dans le doute suite à une blessure, un coup de fatigue, un objectif mal défini, etc. Les tensions s’accumulaient et mon potentiel diminuait fortement. J’aurais donc vraiment apprécié de bénéficier de techniques, de soins, pour m’aider à réguler tout ça.


NUTRITION MAISON | PLANTES DE COURSE

Par Christophe Berg

NUTRITION MAISON

94

# 3 • JAN-FÉV 2014

PLANTES

DE COURSE Ou comment de simples végétaux peuvent se transformer en petit-dej, quatre heures et apéro adaptés aux sportifs.

U

ne alimentation adaptée à la pratique sportive n’a nullement besoin d’être compliquée. Pour une cuisine 100% végétale adaptée aux sports d’endurance, nous privilégions les produits bio, complets, et à forte densité nutritionnelle. Nos recettes sont une invitation à prendre quelques minutes pour cuisiner, retrouver le plaisir gourmand du fait-maison et faire de la diversité votre meilleur allié pour un bon équilibre alimentaire. Toutes les recettes présentées sont tout naturellement sans lactose, ni cholestérol, ni gluten, ni ajout de produits raffinés (sucre blanc ou farine blanche). Les ingrédients sélectionnés, de préférence bio, ont un bon profil nutritionnel et apportent des glucides et des fibres (pour une diffusion lente de l’énergie), des protéines complètes, des acides gras essentiels, ainsi que de précieux micronutriments et vitamines. Ils se trouvent aisément en vrac, en boutique bio, chez les maraîchers ou sur les marchés. Enfin pour découvrir un peu de « raw superfood1 », des produits naturels à la densité nutritionnelle exceptionnelle, nous proposons des smoothies2 faciles à préparer. 1- Raw Superfood est une expression pour désigner les aliments bruts, non raffinés (raw) et bon pour la santé (superfood) 2- Boisson épaisse formée de fruits ou légumes mixés


PLANTES DE COURSES

POP-CHIC Un apéro protéiné et un plaisir gourmand à grignoter pour une récupération active après une sortie longue ! Cette recette montre qu’il n’y a pas besoin de cuisiner pendant des heures pour profiter des bienfaits de protéines végétales.

Préparation : 5 mn Cuisson : 30 mn Quantité : pour 1 bol INGRÉDIENTS

• 1 conserve de pois chiches (bio) • 1 c. à c. d’huile d’olive • Trois mélanges d’épices au choix, n’hésitez pas à adapter votre mélange d’épices de prédilection, plus ou moyen relevé selon vos goûts. Mélange d’épices 1 : 1 c. à c. de curcuma en poudre - poivre noir - 1 pincée de sel Mélange d’épices 2 : 1 c. à c. de paprika 1 c. à c. de romarin - 1 pincée de sel Mélange d’épices 3 : 1 c. à c. de fenugrec - 1 c. à c. de graines de moutarde moulues

PRÉPARATION

• Préchauffer le four à 180 °C. • Rincer les pois chiches. Les sécher avec un papier absorbant ou un torchon propre. Verser dans un saladier. Ajouter l’huile. Mélanger. Saupoudrer du mélange d’épices choisi. Mélanger. • Disposer une feuille de papier cuisson sur la plaque du four. Verser les pois épicés. Répartir de façon homogène. Enfourner et faire cuire 20 minutes. • Sortir la plaque du four et brasser. Enfourner de nouveau et faire cuire 10 minutes. Servir dans un bol.

ORANGE CORAIL Ces cookies de lentilles corail à l’orange et aux dattes se dégustent à l’heure du thé ou café, après une belle sortie en nature. Les lentilles corail toastées ont un étonnant goût de noisette, biscuité. Le zeste d’orange apporte son parfum et du peps, les dattes une note délicieusement sucrée et enfin, les graines de lin blond donnent un cœur moelleux à ces cookies croquants à l’extérieur. Les graines de lin sont l’une des plus importantes sources végétales d’oméga-3.

Préparation : 20mn Cuisson : 20 mn Quantité : pour une douzaine de cookies INGRÉDIENTS

• 6 dattes dénoyautées (ou 50 g d’abricots secs) • 2 c. à s. de graines de lin blond • 1 orange bio (jus, pulpe et zeste) • 200 g de lentilles corail • 2 c. à s. de graines de tournesol

PRÉPARATION

• Préchauffer le four à 180°C. Découper les dattes en petits morceaux. Les faire tremper, avec les graines de lin, dans le jus et la pulpe de l’orange. Réserver. • Torréfier les lentilles corail et les graines de tournesol dans une poêle, à sec, afin de les colorer. Les moudre finement. Verser la farine obtenue dans un saladier. Ajouter le zeste de l’orange. • Mixer les dattes et les graines de lin avec leur jus de trempage. Ajouter la préparation obtenue à la farine fraîchement moulue, cuillerée par cuillerée, et mélanger pour obtenir une boule de pâte. • Placer une feuille de papier de cuisson sur la plaque du four. Y déposer des petites balles de pâte (de la taille d’une balle de golf). Les aplatir en faisant légèrement pression avec une fourchette, pour obtenir des palets striés. Enfourner et faire cuire 20 minutes.

95 ÉQUILIBRE

DES PROTÉINES VERTES : POUR UN GRIGNOTAGE SANTÉ, PROTÉINÉ ET GOURMAND


NUTRITION MAISON | PLANTES DE COURSE

DES SMOOTHIES SANTÉ : POUR UN PETIT DÉJEUNER SPORTIF ET EXPRESS SMOOTHIE CLAIRVOYANCE

# 3 • JAN-FÉV 2014

96

Ce blend original, notre version du café crémeux, vous réveille en associant une dose de caféine, la rondeur de la purée d’amande et un mélange d’épices. La cannelle a un fort pouvoir antioxydant et surprend par sa richesse en fibres alimentaires. Le cacao, raw ou non, n’est pas juste bon pour le moral, il regorge d’antioxydants (dont des flavonoïdes) et contient un type d’acides gras ayant certains effets bénéfiques pour la santé, ainsi que des vitamines et des minéraux (dont du phosphore, du magnésium et du fer).

INGRÉDIENTS

• 2 c. à c. de cacao en poudre • 1 c. à c. de cannelle en poudre • 1 c. à c. de purée d’amande • 1 dose de café lungo (110 ml) ou coldpressed coffee

PRÉPARATION

• Mettre le cacao, la cannelle et la purée d’amande dans le blender. • Préparer l’expresso allongé dans une tasse, verser. Mixer.

SMOOTHIE GÉNÉROSITÉ Ce smoothie est une occasion gourmande de découvrir des « raw superfood ». Vous pouvez utiliser du raw cacao, de la caroube ou du mesquite voire une combinaison. La caroube, proche du cacao, a un fort pouvoir sucrant et est une bonne source de minéraux. Le mesquite, protéiné et riche en micro-nutriments, est également une superfood épicée subtilement sucrée.

INGRÉDIENTS

Base : • 50 ml de lait d’amande • 1 c. à s. de purée d’amande Fruits : • 1 banane + 1 poire (ou 2 bananes) Superfood/épices : • 1 c. à s. raw cacao, mesquite ou caroube en poudre (ou la combinaison de votre choix).

PRÉPARATION

• Verser le lait d’amande, la purée d’amande, le cacao et la caroube. • Éplucher la banane, la découper en morceaux et les ajouter. Laver, épépiner et découper la poire en morceaux, les placer. Mixer.

SMOOTHIE FORTIFIANT Ce smoothie vert à la spiruline peut être préparé la veille. Le kiwi et le melon sont épluchés et découpés à l’avance, conservés au réfrigérateur et mixés à la toute dernière minute. Il se transporte dans une boîte hermétique pour être bu une fois à destination. La spiruline, une superfood populaire chez les sportifs, est une algue microscopique de couleur bleu-vert. Antioxydante et protéinée, elle est un vrai concentré de micro-nutriments.

INGRÉDIENTS • • • • • •

2 kiwis ½ citron vert 1 c. à c. de sirop d’agave ¼ de melon 1 c. à c. de spiruline en poudre 30 g de pousses d’épinards

PRÉPARATION

• Mettre les morceaux de kiwi dans le blender. Zester et presser le citron vert. Verser le sirop d’agave. • Ajouter les morceaux de melon, la spiruline et enfin les épinards. Mixer.


ÉQUILIBRE

97

Ces recettes de cuisine végétale sportive sont extraites de Protéines vertes et Smoothies à votre santé par Cécile et Christophe Berg, aux éditions La Plage (laplage.fr), disponible dans toutes les bonnes librairies

Cuillère à café = c. à c. et cuillère à soupe : c. à s.


KOOZA

LA FORCE AU SERVICE DE LA GRÂCE L’ARTISTE DE CIRQUE EST UN ATHLÈTE COMME LES AUTRES : IL S’ENTRAÎNE À RÉPÉTER LE MÊME GESTE JUSQU’À ATTEINDRE LA PERFECTION. LES NUMÉROS ÉQUILIBRE SUR CHAISES, DUO UNICYLE ET SOLO TRAPÈZE DU DERNIER SPECTACLE DU CIRQUE DU SOLEIL, KOOZA, LE DÉMONTRENT DE MANIÈRE FLAGRANTE : LA PERFORMANCE AU SERVICE DU SPECTACLE, LA FORCE AU SERVICE DE LA GRÂCE.

LE CIRQUE DU SOLEIL - KOOZA © Cirque du Soleil

# 3 • JAN-FÉV 2014

98

UNE NOUVELLE FAÇON D’UTILISER LES CHAISES DU SALON


L’artiste fait preuve d’une maîtrise inouïe dans ce numéro d’équilibre sur chaises, empilant jusqu’à 8 chaises pour créer une tour de 7 mètres de haut. Bluffant.


LE CIRQUE DU SOLEIL - KOOZA © Cirque du Soleil

# 3 • JAN-FÉV 2014

100

C’EST L’ANNÉE DES RAYURES AU CIRQUE DU SOLEIL


Classique le trapèze ? Certes, mais superbement mis en scène, révélant l’agilité surprenante de l’athlète ; tout comme le pas de deux sur unicyle, parfait condensé d’équilibre, contrôle, force et complicité.


GLOBE-TROTTER

S’ÉVADER

Il faut voyager loin, parfois, pour se retrouver soi-même. Alors, voyager ne formerait pas seulement la jeunesse, mais aussi l’esprit ? Sommes-nous condamnés à voir d’autres lieux, d’autres cultures, à entendre d’autres sons, à goûter d’autres mets, pour nous défaire de nos mauvaises habitudes, pour nous approcher un peu plus de celle, ou celui, que nous aimerions être ? Ne doutez pas que la découverte commence au pas de votre porte, et même au pas de votre cerveau, simplement à partir du moment où vous décidez de vous échapper. Mais ne doutez pas non plus, si vous avez la possibilité de partir loin, très loin, et même encore plus loin, que le choc sera électro. Les plus somptueuses images des chaînes himalayennes, de ces enfants jouant dans la boue et de leurs parents regardant l’objectif avec un sourire pur, toutes ces cartes postales ne rendront jamais compte de ce que l’âme ressent lorsqu’on fait partie du paysage. Si par hasard vous n’êtes jamais sorti de votre département, si vous avez cette impression réconfortante de maîtriser parfaitement votre environnement géographique, si les gens et les terrains ne vous surprennent plus, comment vous faire comprendre ? Rencontrer quelqu’un qui ne parle pas la même langue que vous et pourtant échanger des heures avec lui. Découvrir de nouvelles couleurs. Devoir regarder à la verticale au-dessus de soi pour distinguer le haut de la montagne. Et plus que tout, ressentir un truc, un truc différent qui peut vous faire un peu peur, mais qui rapidement vous réchauffe de l’intérieur. Vous aurez l’impression de vous transformer. Vous redeviendrez simplement vous-même. Et c’est pas si mal.

TRANSFORME-TOI EN TOI

© petarpaunchev - Fotolia.com


SOMMAIRE

114

HIMALAYA, RÉVÉLATEUR D’ÂME

104

124

104 Grand Angle Kilomètre Lancé : Les pistes astrales

114 Dossier : Himalaya, révélateur d’âme

108 Courrier des lecteurs

122 La gribouille de Redge

110 Actus

124 Le baroudeur : Pascal Penot

134

130 Off Course : Les Calanques 134 Autour du spot : Les Canaries 140 Portfolio : Les Canaries comme au cinéma

GLOBE-TROTTER

103


© Olivier Leblond

# 3 • JAN-FÉV 2014

104

LE KILOMÈTRE LANCÉ

Underground : L’invention du ski | 10 Equilibre : Les contraintes de la vitesse | 54 Globe-Trotter : Les plus belles pistes | 104 Top Chrono : La techno pour aller vite | 146 Absolu : « Pour aller vite il faut être lent » | 188


LES

PISTES

ASTRALES Partout dans le monde, des pistes toutes droites ont été tracées pour aller le plus vite possible. La plus rapide, celle qui conduit les KListes vers des records astronomiques, c’est la piste de Vars. Il en existe d’autres. Par Emmanuel Lamarle


LE KILOMÈTRE LANCÉ

# 3 • JAN-FÉV 2014

106

A

vec ses 98% d’inclinaison maximale, la piste de ski de vitesse de Chabrières, à Vars, joue sur le sensationnel : on pense de suite à un véritable mur vertical. Oui, sauf que 98% équivalent peu ou prou à 45°, ce qui est déjà nettement moins vertical, mais néanmoins très impressionnant. Pour vous faire une idée de ce que ça représente, une piste de ski bleue en France n’excède pas en général les 25%, et une rouge les 35%, même si d’autres facteurs entrent en compte dans la classification (longueur, largeur, échappatoires, damage, orientation, forme…).

POUR SE FAIRE PEUR Le circuit international de kilomètre lancé se déroule sur une trentaine de pistes d’une dizaine de pays, principalement situées dans l’arc alpin, mais aussi dans d’autres massifs, avec des pays comme Andorre, Finlande, Canada, Russie, Suède. Même si l’enchaînement est le même pour toutes les pistes (zone d’élan, chronométrage sur 100 m, zone de décélération), la physionomie de chacune diffère largement, les rendant plus ou moins rapides, plus ou moins impressionnantes, plus ou moins dangereuses. Ainsi si le record de la piste des Arcs dépasse les 250 km/h, d’autres peinent à atteindre les 180, comme Sun Peaks (Canada), Idre (Suède) ou Grandvalira (Andorre). La raison : un dénivelé beaucoup trop faible pour avoir le temps de prendre de la vitesse - autour de 200 mètres de dénivelé pour chacune de ces trois pistes contre plus de 550 pour Vars. Il faut dire que tous les massifs ne permettent pas d’accueillir la piste de vitesse idéale : en altitude, raide, droite, sans ressauts, évasée et plus douce vers le bas pour décélérer efficacement.

ALTITUDE DE DÉPART 2710 M

La piste des Arcs à Vars : taillée pour la vitesse en toute sécurité

800 M 100 M

ZONE D'ÉLAN ZONE DE CHRONOMÉTRAGE ZONE DE DÉCÉLÉRATION DISTANCE TOTALE 1740 M

840 M

%

ON

ALTITUDE D’ARRIVÉE 2145 M

76

AIS

IN

CL

IN

AX

M

DÉNIVELÉ

565 M

INITIATION

JÉRÔME CANTALUPO, RECORD À 210,896 KM/H EN 2010 Est-il possible pour le quidam moyen de s’essayer à la grande vitesse à ski ? Il est possible de s’initier en toute sécurité au Kilomètre Lancé. Organisées et encadrées par des pros, souvent par de grands champions de notre sport, les initiations se font à vitesse réduite, adaptée au niveau du skieur, puis progressivement on découvre par paliers les sensations procurées à plus haute vitesse. Il est possible de s’y essayer lors du Xspeed Ski tour de Xavier Cousseau (multiple recordman du monde de vitesse sur monoski) durant ses étapes dans les nombreuses stations de ski qui l’accueillent chaque année, des Alpes aux Pyrénées (http://xspeedskitour.com). Il est également possible de découvrir le KL à Vars, encadré par les trois champions de la famille Billy (http://www.vars.com) ! Nous travaillons actuellement avec une station des Alpes pour proposer une autre piste d’initiation, mais je ne peux pas en dire plus pour l’instant. À suivre sur mon site perso (http://jerome.cantalupo.fr).


On pourrait aussi songer, comme Pascal Budin en 1995, à se lancer dans un couloir en dehors de toute station, un couloir forcément très raide : c’était le projet Amok (terme qui désigne la charge d’un éléphant !) de Pascal, qui souhaitait alors dépasser les 250 km/h dans un couloir du massif du Mont-Blanc, sis entre 3856 et 2775 m d’altitude. Pure folie : il fallait bien entendu préparer ce couloir à 48° d’inclinaison, qu’il avait déjà descendu 8 fois en effectuant des virages, pour cette fois le dévaler en ligne droite. Le budget était colossal : des guides de haute montagne, des cordes à poser, une dameuse à héliporter en pièces détachées, une crevasse à boucher… Impossible sans de très généreux sponsors.

ESQUISSE

QUI EST LE KLISTE ? Les athlètes pratiquant le Kilomètre Lancé sont peu nombreux : un Championnat du Monde réunit 15 à 20 nations pour un maximum de 150 compétiteurs. Parfois ils sont juste quelques dizaines : les déplacements coûtent cher, et certains athlètes – notamment les Japonais et Néo-Zélandais - ne peuvent se rendre à l’autre bout du monde. Le nombre de courses a également tendance à se réduire, d’une part à cause de l’enneigement et de la météo, d’autre part à cause du désengagement de sponsors. Ce dernier point est critique : sur une saison, le circuit regroupe une dizaine de courses, et l’athlète doit se constituer un budget de 20 à 50000 euros selon ses ambitions. Un constat bien amer, surtout en regard du potentiel du sport : « Le KL fit la 2e audience TV des JO de 1992 derrière la descente homme, ce qui montre un intérêt certain des spectateurs pour notre sport. » rappelle Jérôme Cantalupo.

POUR SE FAIRE PLAISIR

Val Thorens

© commons.wikimedia.org

© B. Longo OT Val Thorens

Ne craignez rien : on ne va pas vous envoyer dans un couloir verglacé ni sur une pente à 45°, mais juste sur la piste du record du monde (lire l’encadré « Initiation »). Allez-y, vous ne craignez rien. Ou presque ! Et si la vitesse n’est pas votre dada, mais que tout ce qui vous intéresse c’est de glisser dans un cadre enchanteur, sur des centaines de kilomètres de pistes, direction la station de Val Thorens : elle vient d’être élue « Meilleure station de ski au monde » pour la saison 2013-2014.

Nosawa Onsen

Pour plus d’exotisme : Aspen (Colorado) accueille les X-Games depuis 2002 et se retrouve dans tous les bons romans américains dans lesquels des nantis partent en vacances l’hiver ; Avoriaz, avec ses 650 km de pistes, devrait combler tous les boulimiques de la descente ; Chamonix propose un domaine hors-piste balisé incomparable (la Vallée Blanche notamment) ; Cortina d’Ampezzo a été rendue célèbre par James Bond (Rien que pour vos yeux), attention station assez technique ; et plus exotique, Nosawa Onsen au Japon offre un très bon enneigement, il faut dire que ce pays, le saviez-vous, bat des records de cumul de neige, avec régulièrement plus de 5 mètres. Ça fait rêver hein ?


GLOBE-TROTTER | XX

Envoyez vos questions, remarques, anecdotes, photos commentées par courrier à redaction@ultramag.fr

LIGNE DROITE EN FRANCE ?

Mieux vaut se pencher sur les Routes Départementales pour ne pas risquer gros à côté de la circulation automobile, et dans cette catégorie la D940 entre Aubigny-sur-Nère et Saint-Georges-sur-Moulon (au nord de Bourges, dans le Cher) est parfaite : 33 km de ligne droite parfaitement rectiligne, avec juste trois petits ronds-points. En aller-retour, c’est idéal pour occuper une journée de la vie d’un coureur à pied. Triplez la dose si vous êtes cycliste ! Attention, droite ne veut pas dire plate…

ITINÉRANCE

RA UETTES DANS L’IDÉE DES RANDONNÉES UN PEU ULTRA, J’AI ENVIE DE TRAVERSER CET HIVER UN MASSIF MONTAGNEUX EN RAQUETTES, SUR UNE SEMAINE VOIRE UNE DIZAINE DE JOURS. QUE ME CONSEILLERIEZ-VOUS ? ERIC, RENNES

De Rennes, direction le grand est, et le Jura : l’itinéraire de la Grande Traversée du Jura relie Mouthe (Doubs) à Giron (Ain) en traversant le Parc naturel régional du Haut-Jura, soit plus de 90 km à parcourir à une vitesse évaluée à 3 km/h (suivant enneigement), soit sur une semaine 4-5 heures de randonnée quotidienne. Des gîtes émaillent le parcours, à réserver à l’avance bien entendu. Tout est sur www.gtj.asso.fr.

© FdM - Fotolia.com

© Stevanzz - Fotolia.com

# 3 • JAN-FÉV 2014

108

L’ARTICLE « EN LIGNE DROITE VERS NULLE PART » M’A DONNÉ ENVIE DE FAIRE LA MÊME CHOSE, MAIS SANS ALLER EN AUSTRALIE. AVEZ-VOUS UNE IDÉE DE LA LIGNE DROITE LA PLUS LONGUE QU’IL EST POSSIBLE DE TROUVER, EN FRANCE (ET QUI SOIT COURABLE, PAS UNE AUTOROUTE !) ? JEAN-FRANÇOIS, LILLE


Allons voir ailleurs si nous y sommes

ET MAURICE ALORS ? J’AI APPRÉCIÉ LE ZOOM QUE VOUS AVEZ FAIT SUR L’ÎLE DE LA RÉUNION DANS LE DERNIER NUMÉRO, MAIS VOUS N’AVEZ PAS DU TOUT PARLÉ DE L’ÎLE MAURICE, JUSTE À CÔTÉ, DOMMAGE CAR IL Y A AUSSI DES ÉPREUVES SYMPAS (DODO TRAIL PAR EXEMPLE) ! HERVÉ, MARSEILLE

OFF DANS LE NORD

TRAILER NORDISTE, JE M’ENNUIE UN PEU L’HIVER : PAS TROP D’ÉPREUVES, JE NE SUIS PAS EN CLUB, JE N’AI PAS VRAIMENT DE CAMARADES DE COURSE RÉGULIERS. Y A-T-IL DES GROUPES DE TRAILERS QUE JE POURRAIS REJOINDRE POUR FAIRE DES OFFS* ?

Une solution à la morosité hivernale : la Confrérie des Horizons ! La devise de ce groupement de coureurs d’ultra : persévérance, union, connaissance (découverte de nouveaux sites et de soi). Plus qu’un long discours, un résumé de leur part : « L’idée de la Confrérie des Horizons nous est venue en réalisant tout le plaisir que nous avions à nous revoir entre camarades de course sur, mais surtout, en dehors des compétitions. En effet à force de se croiser avec un dossard, un esprit de camaraderie a commencé à naître, nous donnant ainsi l’envie de ne pas attendre la prochaine épreuve chronométrée pour nous revoir. Nous avions également le souhait de découvrir et de faire découvrir nos terrains de jeu respectifs, du coup se sont mis en place des Offs où la joie des retrouvailles et d’une bonne balade est très souvent prolongée par un tout aussi jovial ravitaillement final. http://laconfreriedeshorizons.blogspot.fr

RETROUVEZ ULTRAMAG SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX :

109 GLOBE-TROTTER

Nous nous sommes concentrés sur La Réunion, car il y a énormément à faire sur place, mais il est vrai que l’île Maurice est également bien pourvue, notamment avec le Dodo Trail, surnommé « Une traversée d’enfer vers le paradis ». Prochaine édition : 13 juillet pour 50 km et 3500 m D+ en passant par le point culminant de l’île, le Piton de la Rivière Noire (828 m d’altitude). Renseignements sur www.dodo-trail.com


SOUTIEN

Un trailer disparu en Martinique # 3 • JAN-FÉV 2014

110

Benoit Lagrée a disparu le 30 novembre 2013 en forêt d’Absalon, alors qu’il reconnaissait en solo le raid se déroulant quelques jours plus tard. Le trailer, expérimenté, n’a pas été revu depuis et à l’heure où nous bouclons sa famille, ses collègues et ses amis restent mobilisés pour continuer les recherches. Le terrain est très difficile et chaque jour qui passe rend plus difficile la mise en place des secours et la mobilisation. Un comité de soutien a été mis en place, avec possibilité de faire un don afin de financer les recherches. www.facebook.com/SoutienBenoitLagree

NOUVEAU CLUB

ÇA VOUS DIRAIT

UN TOUR DU MONDE À PIED ? L’un des clubs les plus selects au monde est sans doute un club Ultra. Le « World Runners Club » a été fondé le 1er décembre 2013 et réunira… sûrement pas vous… ni nous… les coureurs qui ont bouclé un tour du monde en courant. Les deux membres fondateurs sont Jesper Olsen et Tom Denniss. Le premier, un Danois, a bouclé deux tours du monde de respectivement 26 232 km et 37 000 km. Le second, Australien, en a réussi « un seul » de 26 232 km également. Le but principal de ce club consiste à créer un standard clair sur ce que peut être un tour du monde à pied. Parmi les règles en question : commencer et finir au même endroit, couvrir au moins 26 000 km à pied, traverser au moins quatre continents côte à côte avec un minimum de 1000 km sur chaque, les continents traversés doivent être contigus, etc. Si vous ne saviez pas quoi faire les deux ou trois prochaines années, voilà une belle idée de pèlerinage. www.worldrun.org

DÉFI

1200 km en 40 jours dans l’Himalaya Philippe Gatta a échoué, mais peut-on parler d’échec ? Le coureur avait fait le pari de parcourir le « Grand Chemin de l’Himalaya » (Great Himalaya Trail), soit 1700 km, en 40 jours, assisté de sa compagne Anna, également coureuse. Des chutes de neige massives ont eu raison de son enthousiasme et après 1200 km d’effort, 62 200 m de dénivelé positif, et une moyenne de 41 km quotidiens, il a dû s’arrêter. Anna Gatta a quant à elle couvert 615 km en 16 jours de course. À noter que le GHT sera au programme d’une course en 2017 (voir notre dossier Globe-trotter). www.philippegatta.fr


BD

DES BONS DESSINS BIDONNANTS

Des Bosses et Des Bulles : 1. Premières foulées. Éditions René Charles. 248 pages couleur.

TENDANCE

FOOTINGS OPERATORS En voyage professionnel ou en vacances, quelle meilleure façon de découvrir une ville, ou un pays, qu’en marchant ou en courant. De plus en plus d’agences de voyage proposent des packs incluant des visites touristiques par le jogging. Elles s’appelles Go! Running, Royal Carribbean (circuits sur les paquebots de croisière), et des hôtels proposent également des paires de chaussures et des vêtements de sport pour leurs clients. On ne sait pas encore si c’est un marché florissant et on ne vous dira pas quoi choisir entre la visite guidée et la découverte en solo. À vous de choisir. Mais

ENVOYEZ-NOUS DES PHOTOS !

CRÉATION

PREMIER GR EN THAÏLANDE Il est amoureux de la Thaïlande et décide début 2013 de relier par la montagne les deux principales villes du Nord : Chiang Mai et Chiang Rai. Pendant quatre mois, il est parti à la recherche d’anciens sentiers, utilisés autrefois par les autochtones et aujourd’hui délaissés au profits de chemins de terre plus praticables. Sébastien Bertrand peut se targuer d’avoir créé le premier sentier de randonnée de Thaïlande, qu’il a estimé long de 330 km et 16 000 m de dénivelé positif. Il projetait en décembre d’inaugurer ce sentier avec un petit groupe de coureurs européens, en six étapes. www.chiangmai-chiangrai.net

111 GLOBE-TROTTER

DBDB, Des Bosses et Des Bulles, sous le coup de crayon de Matthieu Forichon, nous fait voyager en plein cœur du monde du trail. En 248 pages, il croque, égratigne, se moque, et s’attendrit sur les traileurs, traileuses, organisateurs, et autres supporters. C’est souvent désopilant, et pour peu qu’on ait été un jour ou l’autre l’un de ses personnages, on se dit qu’on est quand même un peu ravagés parfois.


BEAU LIVRE

Montagnes extrêmes Voici un livre d’images qui ne vous laissera pas de marbre : dans des environnements grandioses, Alexandre Bruisse nous plonge au cœur de l’action avec des photos de pratiques « extrêmes » en montagne.

# 3 • JAN-FÉV 2014

112

Ton livre s’intitule Montagnes extrêmes, pourquoi extrêmes ? Les montagnes sont ici extrêmes parce qu’elles sont vues à travers le filtre non du paysagiste, qui se place à l’extérieur, mais du pratiquant des sports d’aventure (ski, BASE, escalade, alpinisme ou parapente), qui fait de cet environnement hostile son terrain de jeu. Qu’est-ce que tu aimerais transmettre au lecteur au travers de cet ouvrage ? C’est une des principales raisons pour laquelle je me suis lancé dans la photo : je veux faire partager mon amour de la montagne, et l’éventail complet des émotions qui peuvent y être ressenties. Ce n’est pas seulement la beauté du milieu, mais aussi sa dangerosité, et la souffrance, la peur et la joie qu’on peut y rencontrer, parfois en quelques minutes. Faut-il être soi-même alpiniste pour photographier des alpinistes ? J’en suis persuadé. Il y a bien sûr les raisons logistiques, puisqu’à l’exception de quelques lieux comme l’Aiguille du Midi, il est quasi impossible de simplement voir des alpinistes en action. Mais surtout, pour comprendre l’alpinisme, pour saisir le moment au vol, il faut être là et partager toutes les émotions de la course avec ses partenaires-modèles. Disponible en librairie et en ligne, www.alexandrebuisse.org, 204 pages, 29,50 €

DÉFI

DU SEL, DE L’EAU, DES AMPOULES C’est l’hiver… chez nous ! Pendant ce temps, l’aventurier Louis-Philippe Loncke a tenté une traversée en autonomie complète (sac de près de 60 kg contenant plus de 30 l d’eau) des salars boliviens, deux déserts de sel s’étendant sur 250 km à plus de 3500 m d’altitude. Ralenti par d’énormes ampoules, Louis-Philippe a dû se résoudre à s’interrompre, sa vitesse ne lui permettant plus de terminer son périple avec le peu d’eau qu’il lui restait.

GUIDE

L’ESCALADE AUTOUR DU MONDE Les plus beaux sites d’escalade au monde présentés de manière claire… et très jolie ! PLANÈTE VERTICALE / Julien Charrié www.chemindescretes.fr/Planeteverticale.html


© Camellia Menard

GUIDE TRIPCONNEXION : SELF-VOYAGE

FREERIDE

Fin novembre, Vincent Beauvarlet a laissé Yvan Bourgnon poursuivre seul le « Défi SMA » (lire notre dossier Globe-trotter du n°2) ; le principal partenaire financier du défi a également largué les amarres. Depuis, Yvan progresse dans ce défi renommé « En avant toute », mais il en bave : il essuie un gros grain sur la route de la Guadeloupe le 30 novembre, son catamaran se retourne, et Yvan ne doit sa survie qu’à sa « ligne de vie ». Dans la tempête il finit par redresser son bateau et à trouver un peu de repos, toutes voiles affalées. Le matériel a souffert – le mat est fissuré – mais Yvan parvient tout de même à rallier la Martinique au lieu de la Guadeloupe le 10 décembre. Dans une interview réalisée par La Dépêche du Midi, Yvan relate cette grosse frayeur : « J’en ai rarement bavé comme ça. C’était un truc de psychopathe. J’ai eu tous les types de temps : alizés, dépressions, pétole, orages… Des vents de plus de 60 nœuds ! Dans un orage, je me suis retourné comme une crêpe et le bateau m’a remorqué au bout de ma ligne de vie. J’ai paniqué, je n’arrivais pas à rejoindre le catamaran. J’ai lutté comme un fou, comme un féroce, et je suis quand même arrivé à le rattraper, à le redresser. » www.en-avant-toute.ch/yvan-bourgnon/

113 GLOBE-TROTTER

Bourgnon poursuit SEUL

© Maridav - Fotolia.com

LIVRE

Cinquante marathons et quelques bêtises C’est l’histoire d’une passion que Runnindoum, l’auteur de cet ouvrage, nous offre, une passion qui pourtant n’était pas écrite à l’avance : « J'ai toujours détesté la course à pied… jusqu’à ce que je m'y mette, à la suite d’un pari du dimanche avec un ami. » révèle-t-il. Plus de cinquante marathons en quinze ans de pratique, et aussi quelques « bêtises » comme il le dit, à savoir des aventures au-delà de la distance reine. Récits de course, émotions, rencontres… Chaque coureur peut y retrouver un peu de lui-même. Boutiques en ligne, 20,30 €

UN ITINÉRAIRE DÉMENTIEL DANS LES PYRÉNÉES

Le Pic du Midi sera le troisième grand sommet accessible au freeride en France, après l’Aiguille du Midi et la Grave : cet hiver, les freeriders aguerris pourront s’élancer à 2877 mètres d’altitude pour deux itinéraires, côté La Mongie (1700 m de dénivelé pour 10 km de descente) ou Barèges (jusqu’au télésiège du Tourmalet). Itinéraires non surveillés, non balisés, non aménagés. Freeride, quoi.

© LEGOS7365 - Fotolia.com

VOILE

TripConnexion propose aux voyageurs de se mettre directement en contact avec un réseau d'acteurs locaux du tourisme dans 30 pays différents : agences locales, guides indépendants, associations, centres d'activité, etc. Guillaume Jorand, le co-créateur de ce concept, explique : « Le besoin d'expériences personnalisées et sur mesure est grandissant, le voyageur tend à s'émarger des circuits formatés des catalogues. 60% des voyageurs veulent personnaliser leur voyage. Grâce à TripConnexion, ils peuvent désormais créer leur séjour sur-mesure, plus proche des cultures locales et pour un budget moindre puisqu'ils ne paient pas de commissions. » www.tripconnexion.com


DOSSIER | COURIR EN HIMALAYA

# 3 • JAN-FÉV 2014

114


RÉVÉLATEUR

L’Himalaya, c’est la destination où aller au moins une fois dans sa vie. Et si vous y allez, vous ne rêverez que d’une chose : y retourner. Par Emmanuel Lamarle, avec Jean-Luc Cadenel et Virginie Duterme

GLOBE-TROTTER

ÂME

D’

115


DOSSIER | COURIR EN HIMALAYA

# 3 • JAN-FÉV 2014

116


dossé plein soleil contre le mur du lodge1, je digère l’assiette consistante d’alus2 que je viens d’engloutir. Mes yeux sont plongés dans les montagnes enneigées dont les silhouettes se découpent à l’horizon. Le ciel est d’un bleu métallique insolent. » Jean-Luc Cadenel vient de parcourir 11 km entre Gokyo et Dragnag, ce mercredi 13 novembre, en bordure de moraines glaciaires. Au milieu de l’aprèsmidi, il se repose, à 4700 m d’altitude ; il se repose car demain il devra passer le col du Chola Pass à 5300 m… soit 500 m plus haut que le Mont-Blanc, point culminant de l’Europe occidentale. En Himalaya, 4810 m, c’est le niveau de la mer.

LE CONTINENTMONTAGNE L’Himalaya, ou « Royaume des Neiges » en Sanskrit, est la chaîne de montagnes3 la plus jeune, la plus haute, la plus vaste à la surface de la terre. Elle couvre une surface équivalente à six fois les Alpes, s’étend sur 2 500 km de long et 200 à 400 km de large. L’Himalaya, c’est bien sûr l’Everest et les Annapurnas, les victoires et les tragédies qui s’y sont déroulées et s’y déroulent encore. C’est une région de roche et de

glace, inapte à la vie humaine. On y passe quand on est obligé, on n’y séjourne pas, on y habite encore moins. Mais l’Himalaya c’est aussi une région de verdure et d’eau lorsque l’on descend vers les vallées, comme en témoigne Virginie Duterme, de retour de l’Himal Race 2013, sans doute la course pédestre la plus engagée au monde : « Deux couleurs omniprésentes résument ce voyage, le vert de la flore et le bleu de l’eau. Nous avons couru une épreuve au cœur de la nature entre une végétation exacerbée (fleurs, cultures en terrasse, forêts primaires, bambous, racines, etc.) et de l’eau sous toutes ses formes (rivières, cascades, pluies, plafond nuageux souvent très bas, neige sur les hauts cols). » Au sein de ce continent vit un peuple, ou plutôt une multitude de peuples, partagés entre six pays et des centaines de vallées et plateaux distincts. Il existe bien quelques villes, quelques axes routiers, quelques liaisons aériennes, mais dans un tel environnement le meilleur moyen de se déplacer reste sa paire de jambes et la compagnie d’un yak, comme l’illustre Jean-Luc Cadenel, qui lui a participé au Solukhumbu Trail, une autre course pédestre à étapes népalaise : « Depuis plus d’une semaine nous évoluons sur des territoires où aucun véhicule motorisé ne circule, et pour cause il n’y a aucune

BRUNO POIRIER

« LE NIVEAU SPORTIF BAISSE, LE NIVEAU SPIRITUEL AUGMENTE » Je suis allé dans l’Himalaya pour la première fois en 1987. C’était un voyage comme un autre. Et depuis, je ne suis retourné que là-bas. J’y suis allé 25 fois, j’y ai parcouru 12 000 km et environ 400 000 mètres de dénivelé. L’Himalaya, tu y vas pour les paysages, puis tu découvres les gens, et enfin tu y retournes pour l’esprit, la spiritualité. Quand tu côtoies les gens qui vivent dans ces montagnes, que tu te rends compte de leur manière de concevoir la vie, tu reçois une vraie leçon. Il existe une communion entre ces gens, entre les gens et leur pays, et avec leur philosophie bouddhiste. Même le jeune qui vient à la ville, qui s’habille en jean et en blouson de cuir, tous les matins à 6 h il fait son offrande à sa divinité. Sur les courses que j’organise, les Européens viennent aussi pour une certaine forme de méditation, d’ailleurs le niveau sportif baisse, mais le niveau spirituel augmente. Dans des épreuves de ce genre, tu as un engagement physique important, puis après pour tenir il faut glisser sur le mental, et après on touche à l’âme. Quand tu vois un coureur à l’arrivée d’une étape qui s’assied sans enlever son sac et se met à pleurer un quart d’heure, tu te dis que tu as touché le mec. Pour en arriver là, il faut que les gens se mettent à nu, il faut être volontaire, ne pas être dans la retenue, et arrive un moment où il n’y a plus qu’à avancer, tout le reste n’existe plus.

117 GLOBE-TROTTER

A

«


DOSSIER | COURIR EN HIMALAYA

# 3 • JAN-FÉV 2014

118

CALENDRIER

LES COURSES À ÉTAPES EN HIMALAYA TRAIL DES 3 VALLÉES : 353 km, 18780 m D+, passage de 3 vallées - Langtang, Ganesh-Himal et Manaslu - en 13 étapes et 1 jour de repos, du 18 avril au 7 mai 2014, www.dawasherpa-races.com ANNAPURNA MANDALA TRAIL : 10 jours, 300 km et 11400 m D+ en 8 étapes, passage par la Thorong Pass (5420 m) et le Tilicho Lake (5020 m), www.basecamptrek.com SOLUKHUMBU TRAIL : 300 km, 20000 m D+, un itinéraire sur les terres natales de Dawa, sur la route historique du camp de base de l'Everest, du 31 octobre au 23 novembre 2014, www.dawasherpa-races.com EVEREST SKY RACE : la course passera par les camps de base du Makalu, de l’Ama Dablam et de l’Everest, avant de rejoindre les lacs Gokyo, par le Cho La, pour se finir à Namche octobre 2015, www.basecamptrek.com GREAT HIMALAYAN RACE : la course empruntera les sentiers du Great Himalayan Trail pour traverser l’Himalaya népalais d’est en ouest, avril et mai 2017, www.basecamptrek.com


PAUVRETÉ, RUSTICITÉ, SIMPLICITÉ Les gens qui peuplent ces montagnes sont pauvres et vivent souvent dans le dénuement le plus total. Là encore, Jean-Luc rapporte : « La demeure d’un Sherpa4 est modeste. Elle est composée d’une grande pièce simplement agencée. On y trouve des bancs, des coffres servant de tables, quelques étagères pour la vaisselle quotidienne, quelques cadres accrochés aux murs avec des photos de famille et l’incontournable portrait du Dalaï Lama, quelques bougies et coupes pleines d’eau comme l’exige la tradition bouddhiste. Pas d’électricité, pas d’eau courante. Bien sûr, pas de réfrigérateur, encore moins de télévision. Toute la famille mange et dort là. Dans une pièce attenante, on trouve une petite cuisine, c’est-à-dire un feu de bois qui brûle entre quatre gros cailloux, propageant son épaisse fumée dans toute la maison… » Cette pauvreté n’empêche cependant pas les Népalais d’avoir le sens de l’hospitalité et du partage. Partir au Népal pour un trek ou une course, ce n’est pas pour les « chochottes » : vous allez forcément devoir composer avec la rusticité du pays, et du coup redécouvrir

la simplicité des choses. Pas d’hôtels « x » étoiles mais des lodges parfois très rustiques ou des nuits sous tente ; l’hygiène telle que nous la connaissons chez nous n’est pas de mise ; les repas se ressemblent. Ce retour à la simplicité permet du coup de se rapprocher des habitants, ce que Virginie a apprécié lors de ses deux voyages au Népal : « L’Himal Race c’est une course au cœur des villages népalais, des sentiers et de la vie quotidienne. Chacun vaque à ses occupations - écoliers sur les sentiers, personnes travaillant aux champs, les animaux de bassecour dehors, les nombreuses caravanes de mules ou de yaks… » Jean-Luc confirme : « Dawa Sherpa5 nous a ouvert les portes d’un Népal authentique. Que de moments forts vécus, comme ces pujas6 célébrées dans des monastères ou ces longues allocutions empreintes d’une profonde philosophie d’un vieux lama octogénaire à l’esprit vif et au rire communicatif… Je me souviens aussi de ce moment irréel où, à 3 heures du matin, nous aidions la maîtresse des lieux à confectionner des chapatis7 pour le petit-déjeuner du matin, pendant que le bilalou8 dormait à même les cendres encore tièdes… »

COURIR MAIS EN PRENANT SON TEMPS La course ? Deux options : en autonomie complète comme pour l’Himal Race,

JEAN-LUC CADENEL

« L’HIMALAYA EST UNE ÉCOLE DE VIE » Sans savoir vraiment pourquoi, je supposais que le Népal m’enchanterait. Mais c’est en venant ici que j’ai enfin compris pourquoi je voulais y venir depuis longtemps… L’Himalaya n’est pas un simple terrain de jeu pour montagnard en mal d’aventures, l’Himalaya est une véritable philosophie à lui tout seul. C’est une école de vie, c’est un maître à penser. L’Himalaya vous saisit, vous enveloppe, vous façonne, vous transforme… L’Himalaya fait de vous un autre Homme, il vous apprend à voir les choses différemment, à raisonner différemment. L’Himalaya vous montre le chemin de la simplicité, de la sagesse et du bonheur ; chemin qu’il vous faudra vous efforcer de suivre quand vous serez de retour chez vous…

119 GLOBE-TROTTER

route… Tout doit se faire à pied. Cette absence de bruit, de pollution et de stress participe grandement au dépaysement et rend les lieux d’autant plus surnaturels. »


DOSSIER | COURIR EN HIMALAYA

# 3 • JAN-FÉV 2014

120


DAWA SHERPA

« L’ÉDUCATION EST TRÈS IMPORTANTE » Dans les villages, les gens nous attendent impatiemment, ils partagent notre joie, et bien sûr pour eux ça représente un business. Quand 30 à 40 personnes arrivent pour manger, dormir, c’est un apport d’argent et ça fait du bien. Le tourisme se développe beaucoup au Népal, et il permet aux gens de vivre mieux. Mon but c’est que tout le monde ait un minimum d’éducation. Les Népalais qui sont un peu plus vieux que moi ne savent même pas lire ou écrire leur nom. Moi j’ai choisi d’aller dans un monastère bouddhique, j’y suis resté 7 ans, ça m’a beaucoup servi. On y apprend principalement à respecter les autres. L’éducation est très importante, et je souhaite remercier tous les Européens qui parrainent des enfants népalais.

CORPS, TÊTE, ÂME La conjugaison de l’effort, de l’altitude, et du plongeon dans la rusticité et la simplicité de la vie népalaise désarment le voyageur pédestre occidental : « En ces lieux, l’émerveillement est tel qu’on en oublie la fatigue, le froid, les tracas de l’altitude. Nous évoluons ensemble, animés par un esprit de solidarité hors du commun. » Jean-Luc signale là le rapprochement entre les marcheurs, les coureurs, leurs accompagnateurs et même les gens croisés au hasard des rencontres.

Et alors l’esprit des Occidentaux se transforme petit à petit, conquis par la sagesse millénaire quasi ostentatoire sur les sentiers où l’on ne cesse de croiser des édifices bouddhistes tels les chortens. Lorsque les corps sont fatigués, c’est la tête qui prend le relais, nous en avons tous fait l’expérience. Mais lorsque la tête elle aussi est fatiguée ? « C’est l’esprit, l’âme du coureur qui se met à nu », nous dit Bruno Poirier (lire l’encadré). L’expérience va alors bien au-delà du contexte sportif : « Une fois franchies les deux barrières physique et mentale on dépasse le cadre du sport. Ce n’est pas un hasard si en latin ultra veut dire ‘au-delà’. » 1 Lodge : auberge népalaise. 2 Alus : pommes de terre. 3 En fait l’Himalaya est constitué de trois chaînes de montagnes parallèles : sub-himalayenne, du Bas Himalaya, et le Grand Himalaya. 4 Les Sherpas sont l’une des cinquante ethnies que compte le Népal ; ils sont connus pour leurs services aux expéditions occidentales, notamment en haute montagne. 5 Dawa Sherpa est l’organisateur du Solokhumbu Trail, mais aussi un coureur et un fondeur de très bon niveau. 6 Puja : cérémonie traditionnelle de bénédiction avant les ascensions. 7 Chapatis : espèce de crêpes. 8 Bilalou : le chat.

121 GLOBE-TROTTER

ou en semi-autonomie comme pour le Solokhumbu Trail. L’une comme l’autre option trouvent leurs adeptes, qui peuvent d’ailleurs apprécier les deux. Dans le premier cas, on couvre plus de distance, dans le second, on prend plus le temps de vivre : « Ici, tout invite à progresser lentement (Bistaré, disent les Népalais), tout invite à repousser l’échéance de la ligne d’arrivée, tout invite ‘à courir et à vivre l’instant présent’. Les pauses ne ralentissent pas le coureur, elles l’enrichissent » affirme Jean-Luc. Dawa Sherpa, qui organise le Solokhumbu Trail, confirme : « Moins de temps de course, ça ne veut pas dire que les gens n’ont pas le niveau, ça veut dire qu’on profite du temps à côté pour découvrir, récupérer, discuter. »


# 3 • JAN-FÉV 2014

122


GLOBE-TROTTER

123


LE BAROUDEUR | PASCAL PENOT

LE BAROUDEUR

PASCAL PENOT # 3 • JAN-FÉV 2014

124

J’AI TROUVÉ LE PARADIS, MON PARADIS

Par Jean-Marie Gueye Photos : Pascal Penot et Pierre Fauroux


Dès son travail terminé, tête enfoncée dans son chapeau de paille, machette en main, sac sur le dos, Pascal Penot file vers les sentiers réunionnais. Son bonheur : s’immerger dans la nature.

Le baroudeur Ils sont passionnés de randonnée, savent allumer un feu sous une pluie battante avec 80 km/h de vent en rafales, ont fait du nomadisme leur mode de vie : place aux baroudeurs.

compétitions intenses axées sur l’ultra-trail. J’ai un peu levé le pied il y a un ou deux ans car d’une part je prends de l’âge, et d’autre part la médiatisation du Grand Raid Pascal Penot - tiboug' chapô la paille a entraîné une surpopuPassion : explorer les cirques de La Réunion lation peu à mon goût. 48 ans • Vit à : Saint-Denis (La Réunion) Je suis donc revenu à Club Raideurs 2000 (La Réunion), Pascal Penot : Avant mes premiers amours : Marseille Trail Club (métropole) de courir, j’ai pratiqué la randonnée que je prala randonnée plus de tique de façon « ultra ». 20-25 ans au Canada Désormais je me consiet ailleurs. J’ai comme beaucoup dère plus comme un ultra-trekkeur. Te voici donc devenu trailer voulu me mettre au sport pour Mais je fais toujours deux à trois après avoir été randonneur ? perdre du poids. Mon passé de ultras par an en privilégiant la randonneur m’a naturellement nouveauté et les épreuves à taille J’ai fait le Grand Raid 2005 pour porté vers les sentiers. C’était en humaine. apprendre et en 2006 en mode 2003, j’ai commencé par des petits compétiteur avec mes moyens de trails dans le sud de la France tels randonneur. J’ai constaté que je ne la Sainte Victoire, la Belette. Puis je Tu es très actif sur ton blog1 sur tournais pas trop mal. Je me suis suis arrivé à La Réunion, une terre lequel tu postes de nombreuses décidé à apprendre à courir. J’ai de trail, la patrie du Grand Raid*. photos de tes randonnées de plupris l’option club de trail, avec apLe métropolitain ne peut se rendre sieurs jours dans les cirques. Quel prentissage de la VMA et de l’encompte de l’impact ici du Grand bénéfice d’un point de vue sportif traînement sous tous ses aspects, Raid, bien plus important que le en retires-tu ? comme les « pros » de l’époque, tour de France cycliste. J’ai trouvé pour atteindre le maximum de le paradis, mon paradis. Le raccourL’apport c’est surtout la marche : mes capacités. Ça a payé en 2007 ci a été vite fait, j’ai plongé dans les muscles ne travaillent pas paoù j’ai fait une bonne place (22e). l’ultra et me suis spécialisé dans reil lorsqu’ils courent ou marchent. cette discipline. Bien souvent quand on m’interAprès cela j’ai fait deux ans de Pascal, tu vis aujourd’hui à La Réunion, où tu pratiques la course et la randonnée d’une manière assez poussée. Peux-tu nous dire comment tu y as atterri ?

GLOBE-TROTTER

125


LE BAROUDEUR | PASCAL PENOT

roge sur la première règle pour finir un ultra : c’est de savoir marcher. Combien de fois ai-je vu des coureurs tout sourire au départ de leur premier Grand Raid, débouler comme s’ils faisaient un 40 km, et être scotchés à Mare à Boue (km 52) ou à Cilaos (km 72) parce qu’ils n’ont pas appris à marcher vite et longtemps. Ces treks, c’est ma PPG2.

# 3 • JAN-FÉV 2014

126

La zistoir chapôlapaille « Je l’ai trouvé en 2006 dans un sentier de l’Ilet à Bourse. Exemplaire unique, fait par un boug sûrement devant son kaz avec du raffia. J’ai voyagé avec sur des milliers de kilomètres. Le surnom vient du Grand Raid 2007 quand ça bataillait dur pour le top 20. Il y avait 4 coureurs devant moi dont 2 sans dossard. L’un d’entre eux est devenu un ami et m’a raconté que lorsque je recollais à leurs basques, ils se disaient ‘attention il y a ti boug chapôlapaille qui arrive’. Le surnom est resté.

Invites-tu des amis lors de tes escapades de plusieurs jours dans les cirques ? Ça dépend : si c’est en terrain balisé, j’invite du monde à partager ma passion. Je passe parfois pour un gentil organisateur qui sait faire un feu, bivouaquer près d’une source d’eau… des choses évidentes pour un trekkeur mais qui le sont moins pour quelqu’un habitué à tourner un robinet. Ensuite le tour des crêtes qui dure 4 à 5 jours, c’est plus compliqué. Il n’y a pas d’eau naturellement, il faut en cacher avant. Je marche à mon rythme et à mon envie : il m’arrive de marcher 15 heures par jour. Il y a une certaine volonté de liberté, de me retrouver seul face à la nature, de trouver une connexion avec les sentiers. Je n’ai pas envie forcément d’entendre des discussions qui immanquablement me ramèneraient « en bas3 ». Je préfère rester en haut, être en la présence de la montagne, partager avec la montagne.


Non, pas du tout ! C’est plutôt une immersion dans le cœur de l’ile. La beauté des lieux te déconnecte naturellement du monde d’en bas, tu es dedans, perfusé de ça, tu fais partie de ça. Quand on revient à notre vie du quotidien, on a vraiment le sentiment qu’il faut se reconnecter à quelque chose. Il n’y a donc pas de notion de solitude là-dedans. Y a-t-il une notion de se fondre dans la nature ? Je raisonne un peu à l’inverse : je ne dis pas que je vais me ressourcer dans la nature, je dis que je retrouve l’endroit d’où l’on vient, je reviens chez moi. Les treks dans les cirques pour moi, c’est l’endroit naturel où je suis supposé être.

voir quelque chose de neuf, j’ai le sentiment d’un retour à la fois à l’endroit de mon bien-être et à ma place naturelle.

le clapotis de l’eau, les zones de ravitaillement, je sais estimer le temps qu’il me faut pour aller d’un endroit à un autre.

Pour préparer tes escapades, tu dois quand même étudier particulièrement les conditions météo, le parcours, le ravitaillement, le bivouac, c’est très accaparant ?

Tu es célèbre sur les sentiers, grâce à ton chapeau de paille qui ne te quitte jamais, on t’a même surnommé « tiboug’ chapô la paille ». Es-tu souvent abordé ?

Je ne m’ennuie jamais, il n’y a pas de solitude, encore moins de notion de tristesse. Il y a toute la symbolique du paradis, tu nages dans ton bonheur ! Je ne me pose

Oui, je le dis souvent, ce n’est pas moi qui suis célèbre c’est mon chapeau. Je l’ai toujours avec moi pendant et après les épreuves. C’est un signe de ralliement unique pour discuter avec les personnes croisées lors d’ultra-trail, notamment de nuit. Je croise souvent des personnes venant de métropole et tentant la traversée de l’île m’interpeller. Grâce à mon blog et mon Facebook, ils ont pu préparer leur randonnée. On m’écrit aussi des lettres pour me demander conseil sur des lieux de bivouac, etc.

Les treks dans les cirques, c’est l’endroit naturel où je suis supposé être

Ce sentiment d’appartenance à la nature ne va pas de soi pour tout le monde. L’as-tu développé au fur et à mesure de tes randonnées ? Effectivement, cela ne va pas de soi, c’est pour cela que dans ce type de trek, je vis l’expérience seul. La plupart des gens sont dans l’émerveillement, il y a parfois dans leur esprit la vision d’une nature, non plus sauvage, mais qui se visite comme un cocon qui, du coup, tient plus d’un parc d’attraction. Ils sont dans ce paradis comme un enfant est dans un manège. Ils ont l’impression d’être devant quelque chose de neuf. Dans les grands treks, je n’ai pas l’impression de

pas de questions, c’est inné. Des fois lorsque je partais de chez moi (le sentier est au pied de ma porte), je savais uniquement que je devais être rentré au bureau dans cinq jours à telle heure. Ce qui se passe entre, je n’en sais foutrement rien, où vais-je aller ? Je n’en sais foutrement rien (sic). Je sais juste que je serai heureux pendant cinq jours ! Je veux être là où j’ai envie d’être : dans un état naturel, voilà. Tu dois avoir de sacrés acquis tout de même pour te permettre cette liberté ? Évidemment je connais La Réunion, ses moindres cailloux, c’est une question d’habitude. Je connais les dangers de la montagne, ses bruits,

La publication de ton expérience en ligne a-t-elle pour but de mettre en avant ta vision ? Non pas du tout ! C’est vraiment un cadeau dans un pur esprit de partage, c’est faire la promotion d’une île et non pas la mienne. C’est dire que dans un département français, il existe un parc national où il y a encore une vraie liberté (bivouac autorisé sur les sentiers) que l’on ne trouve ni en Corse ni dans le Verdon entre autres. As-tu découvert de nouveaux sentiers ? Non, je n’ai pas aménagé de nouveaux sentiers, car la nature

127 GLOBE-TROTTER

C’est une plongée dans la montagne, mais aussi peut-être dans la solitude ?


LE BAROUDEUR | PASCAL PENOT

pousse tellement vite, c’est compliqué. Par contre j’ai retrouvé des vieux sentiers chargés d’histoire. J’ai obtenu toutes les cartes IGN de La Réunion depuis la première qui date de 1952. Il m’arrive de partir à l’aventure avec mon GPS et mon coupecoupe dans des endroits où il n’y a pas de sentiers. Il y a un sentiment jouissif mêlé de peur. Je fais cela tout seul bien entendu, avec un sac de vivres permettant de tenir plusieurs jours au cas où… Il y a aussi des sentiers non officiels dits « marron » que recense le site randopitons4.

# 3 • JAN-FÉV 2014

128

Tu fais particulièrement attention à ton alimentation, comment arrives tu à concilier la théorie à la pratique lors de tes bivouacs dans les cirques ? Lors de ma phase compétiteur dans les années 2006 à 2010, j’ai beaucoup étudié la nutrition sportive. Auparavant je mangeais assez vite et mal, et sur un ultra le paramètre de la nutrition au-delà de 100 km est primordial. Cette connaissance a changé mon équilibre alimentaire au quotidien. Je mange beaucoup de fruits et légumes, très peu de viande, beaucoup de poisson. En mode bivouac, on est amené à raisonner plus en poids qu’en qualité nutritive. Un billet de 20 ou 50 € est beaucoup plus léger qu’une boite de nourriture aussi équilibrée qu’elle soit. On se nourrit à l’envi aux points de ravitaillement, il faut savoir qu’au bout de 3-4 jours en trek, il y a une sorte d’instinct animal qui revient. On pense de plus en plus à la bouffe, on rêve du goût !

Qu’est ce qui différentie le matériel de l’ultra-trailer de celui de l’ultra-trekkeur ? Au niveau de la tenue du bonhomme rien, ce qui différencie c’est le lit. Le trekkeur porte sa maison et sa cuisine sur le dos. Le poids de la tente, du matelas est le paramètre principal. L’expérience du trail m’a permis d’avoir un sac de 8-9 kg en mode trekking et pouvoir durer plusieurs jours en autonomie pour la traversé de l’ile. Quels sont les principaux dangers rencontrés lors de tes treks ? La Réunion est une île jeune, et les éboulements près de falaises sont fréquents, il y a aussi les rivières en crue mais en consultant la météo cela peut être anticipé. Il n’y a pas d’animaux dangereux. Le danger viendrait plutôt de l’homme. Je conseille de bivouaquer assez loin des zones d’habitations. Quels seraient les treks que tu aimerais faire en dehors de ton île ? J’aimerais bien faire des treks mondialement connus au Pérou, le Kilimandjaro aussi, mais j’ai été un peu refroidi par la sur-fréquentation des sentiers au Népal. J’aimerais retrouver le sentiment de liberté que je trouve dans mon île. Je pense au film Le dernier trappeur de Nicolas Vanier. J’aimerais pouvoir arpenter des treks dans ces conditions-là. 1 http://pascalpenot.kikourou.net 2 Préparation physique généralisée 3 En bas signifie sur la côte, à La Réunion 4 Les « Marrons » étaient les esclaves en fuite qui se cachaient dans les cirques (XVII et XVIIIe siècles), ils ont laissé leur surnom aux sentiers qu’ils empruntaient - http://www.randopitons.re


GLOBE-TROTTER

129

exergue


OFF COURSE | LES CALANQUES MARSEILLAISES

OFF COURSE

LES CALANQUES, LOIN DES CARTES POSTALES

# 3 • JAN-FÉV 2014

130

Marseille fait plus parler d’elle pour ses quartiers nord que pour ses calanques. Dommage pour nous, tant mieux pour elles et les quelques privilégiés qui s’y régalent les jambes et les yeux. Par Thomas Thiébaud


FALAISES ET EAU TURQUOISE Les Calanques s’inscrivent aussi dans cet automatisme. Prononcez le mot, et vous verrez apparaître pêle-mêle l’eau turquoise de la Méditerranée qui s’engouffre entre des falaises de calcaire éblouissantes, ponctuées de quelques pins rabougris, vous entendrez le chant des cigales, ressentirez l’ardeur du soleil. Les Calanques, réduites à la cathédrale naturelle de Saména, aux cabanons pittoresques de Morgiou et Sormiou. Photos de cartes postales, succès assuré, appâts pour touristes estivaux adeptes des balades en palanquées. Ne serait-ce que ça finalement, les calanques ? Non, heureusement. Ces clichés ne sont qu’une petite partie des Calanques, prise à quelques en-

droits restreints, à des époques bien circonscrites. Du reste, je n’ai pas la prétention de savoir mieux qu’un autre ce qu’elles sont, de les connaître comme ma poche, ces Calanques. Cela ne fait qu’à peine deux ans que je les arpente, en long, en large et en chemins de traverses, guidé notamment par des éclaireurs infatigables. Premier point auquel je tiens : ce sont les calanques de Marseille. L’OPA cassidaine visant à accoler ce terme de « calanques » avec ce toponyme de « Cassis » est une OPA inamicale ! Toutes les calanques entre Marseille et Cassis, à l’exception de celle de Port Miou, se situent sur le territoire de la commune de Marseille. Qu’on se le dise ! Marseille la populaire, Marseille la sulfureuse, Marseille la mauvaise réputation a aussi sa part d’ange, de blanc immaculé, de sérénité et de silence : ses calanques, contrepoids nécessaire de ses démons.

PAR ICI L’ENTRÉE En venant de Marseille, il existe mille façons d’entrer dans les Calanques. Celle que j’aime le moins consiste à s’engouffrer dans le goulet qui mène aux Goudes. Le village d’arrivée est charmant ; la route qui y mène

GÉOGRAPHIE

LES CALANQUES

131 GLOBE-TROTTER

I

l est des lieux en France dont la seule évocation fait naître des images de cartes postales. Prenez le Mont SaintMichel par exemple. Même pour ceux qui n’y ont jamais mis les pieds, des images glanées çà et là au détour d’un vieux Géo, d’un reportage à la télé, surgissent et s’imposent. Des bancs de sable, une mer et un ciel métalliques, une île surgie de ces deux infinis, hérissée de murs de granit, de toits qui s’élancent vers le ciel.

S’étendent entre le village des Goudes et la commune de Cassis Une grosse quinzaine de calanques Représentent la zone côtière des massifs de Marseilleveyre et de Puget. 1 million de visiteurs annuel Calanque provient du provençal et désigne une vallée creusée par une rivière et récupérée par la mer Roche : calcaire Parc National des Calanques créé en 2012 Activités principales : randonnée, escalade, plongée AVIGNON

MARSEILLE

LES CALANQUES

NICE

CASSIS


OFF COURSE | LES CALANQUES MARSEILLAISES

# 3 • JAN-FÉV 2014

132

est un enfer quatre mois par an. À l’inverse, mes préférées sont toutes celles où on y entre sans forcément le savoir, sans toujours s’en rendre compte, incidemment, en quittant une rue de Marseille, en prolongeant une de ses ruelles qui se poursuivent en chemin, puis en sentier. De la ville animée, vibrionnante, aux lacets qui s’élèvent, rejoignent une crête, et basculent finalement, nous offrant un paysage grandiose sur les îles du Riou, sur ce morceau que l’on pourrait croire rapporté directement de Grèce par les premiers occupants du site. Pour ces raisons, j’aime bien entrer dans les Calanques par le parc Pastré. Est-ce un parc urbain collé aux Calanques ou une excroissance de celles-ci en pleine ville ? Peu importe. Ville végétalisée ou nature en ville, on y joue, on s’y promène, on y pique-nique en famille. Sitôt après le foot, ou après le repas, on peut s’y balader tranquillement en balcon, en effleurant le massif de Marseilleveyre. C’est comme ça que ça a commencé pour moi. Une simple promenade. Le doigt dans le pot de confiture de figues, avec un irrésistible goût de reviens-y. Auquel je n’ai pas résisté, évidemment. Première sortie par le Pas de la Cabre, qui, à vingt minutes de la ville, donne déjà une image réaliste des Calanques. J’ai encore à l’esprit l’impression de verticalité qui se dégage de la cheminée sous le Col des Chèvres. Éboulis de

pierres blanches, passages où il faut poser les mains, pentes qui peuvent forcir sans crier gare, mais récompense, encore et toujours, au moment de la bascule entre la ville et les Calanques. Difficile d’échapper à la métaphore. D’un côté : la ville, exubérante, bruyante ; de l’autre, les Calanques, austères, taiseuses.

QUAND LA MER N’EST PLUS BLEUE La chaleur écrasante des mois d’été, les odeurs de thym, de pin, l’éblouissement de la lumière crue sur les falaises blanches, le bleu intense de la mer… les Calanques sont un spectacle qui mobilise tous les sens. Pourtant, l’hiver leur offre un décor qui vaut le détour aussi. Quand personne n’y est, que la bise souffle, que la mer n’est plus ni bleue, ni turquoise, mais métallique, piquée d’écume. Dans ces sentiers coincés entre mer et falaises, les pins tordus par le vent, aux formes torturées, déracinés parfois, offrent un spectacle plus fantastique que féérique, un décor pour légendes à la Sleepy Hollow. Ces pins contorsionnés me rappellent à chaque fois, en plus chétifs, les tamarins des hauts de La Réunion, dont les troncs multiples, les branches convulsées illustrent une danse qui se serait figée suite à un maléfice.

Les hauteurs des Calanques ne sont pas himalayennes, ni même alpines. Et pourtant. Que de grands noms y ont fait leurs premières armes, et sont revenus leur donner ces titres de noblesse qu’elles conservent à ce jour dans le monde de l’alpinisme. Gaston Rebuffat, Georges Livanos : tous deux Marseillais, enfants des calanques, excusez du peu ! La connexion avec Chamonix ne passe pas que par ces deux glorieux passionnés. Les spots d’escalade rivalisent aussi en densité avec le Verdon ou les Alpes. Les lapiaz piégeux des Calanques, ponctués d’avens sont un cauchemar permanent pour les chevilles en même temps qu’une école exigeante et rigoureuse. Paysages rêches, rugueux, austères, mais qui découvrent, au détour d’un sentier, un pan de mer, bleu de Grèce ou argenté ; blanchi par l’écume ou turquoise. Les paysages des sentiers de la Glacière, au-dessus du Maïdo en direction du grand Bénare, mais qui seraient au bord du lagon de Saint-Leu, en quelque sorte. Car c’est bien là que réside finalement mon goût des calanques : dans ces clins d’œil, furtifs mais multiples, qu’elles adressent sans cessent à mon amour de La Réunion.


ÇA A COMMENCÉ PAR UNE SIMPLE PROMENADE. LE DOIGT DANS LE POT DE FIGUE AVEC UN GOÛT DE REVIENS-Y.

GLOBE-TROTTER

133


AUTOUR DU SPOT | LES CANARIES

AUTOUR DU SPOT

ENTRE CHIENS ET PHOQUES

# 3 • JAN-FÉV 2014

134

Voilà un beau décor de carte postale : températures parfaites, ensoleillement idéal, et les plages... les plages ! Et en vrai ? Si vous y allez, la seule différence c’est que vous êtes « dans » la carte postale. PRINTEMPS ÉTERNEL

« Le meilleur climat du monde ». L’Office de Tourisme des Canaries n’a pas choisi de faire dans l’humilité. Nous sommes à 150 km à l’ouest des côtes marocaines et ici, la température moyenne annuelle avoisine les 22°C, avec 4800 heures d’ensoleillement par an. Ne cherchez pas : c’est énorme ! Discutez avec un Canarien (qui n’est ni un Canari, ni un Canadien) et il vous promettra un printemps éternel : du ciel bleu, des températures stables, une petite bise alizée. Le secret est là : les alizées, quelques courants marins, et l’anticyclone des Açores, dont vous avez certainement déjà entendu parler. Le secret de jouvence est peut-être là : rester dans un printemps sans fin.

QUATRE ÎLES FANTASTIQUES

L’archipel compte sept îles, les quatre principales sont Lanzarote, Fuerteventura, Gran Canaria, et Tenerife. Lanzarote, « l’île en noir et blanc » est principalement connue pour ses paysages volcaniques spectaculaires et par contraste ses plages de sable blanc. Fuerteventura

Par Emmanuel Lamarle

est plate et aride, mais également bordée d’interminables plages baignées d’une eau turquoise ; Gran Canaria est résolument montagnarde, et offre des paysages et climats incroyablement variés sur une si petite superficie ; Tenerife possède le plus haut sommet d’Espagne, son volcan central, le Teide, qui culmine à 3718 m.

SPORTS EN PAGAILLE

Vous ferez bien un peu de sport, non ? Ça serait dommage de ne pas en profiter ! Ici, c’est simple, on peut tout faire, même de la spéléo. Pour tout savoir, lisez attentivement les pages suivantes.

TITI ET GROS MINET ?

Tout faux. Titi n’a rien à voir avec les Canaries, et vice-versa. Pas de poulet non plus, et encore moins des canards. Non. Canaries vient de Canariae Insulae, soit « l’île aux chiens », en référence soit aux grands chiens sauvages présents sur l’île lorsque les premiers humains y ont mis le pied, soit aux phoques, également dénommés « chiens de mer ». Ouaf ouaf donc, et pas cui cui.


GLOBE-TROTTER

135

LES CANARIES PRATIQUES \ STATUT \ Communauté autonome d’Espagne

\ LANGUE \ Castillan (espagnol) \ FORMALITÉS \ Carte d’identité

de 30 €/jour

© Somatuscani - Fotolia.com

ou passeport en cours de validité

\ MONNAIE \ Euro \ TEMPS DE VOL DEPUIS PARIS \ 4 h \ PRIX HABITUEL BILLET AR \ 250 € \ HÉBERGEMENT \ Prix moyen 60 € \ REPAS \ Prix moyen 25 € \ LOCATION VOITURE \ À partir


AUTOUR DU SPOT | LES CANARIES

2

4

COURSE À PIED 1

GRAN CANARIA MARATHON

Le marathon de l’île de Gran Canaria, complètement décalé par rapport aux évènements de l’Europe centrale (26 janvier). www.grancanariamaraton.com 2

TRANSGRANCANARIA

Le grand évènement trail de l’archipel, sur l’île de Gran Canaria, avec 5 parcours au choix de 15 à 125 km mêlant portions roulantes et très techniques, de 0 à 1670 m d’altitude (1-2 mars). www.transgrancanaria.net 3

TRANSVULCANIA

Une épreuve médiatisée à l’international par Salomon, parcours réputé technique et magnifique de 83 km et 4400 m D+ (10 mai). www.transvulcania.com 4

GOMERA PARADISE

Avec un nom comme ça, difficile de passer à côté : trail de 58 km sur la petite île de

5

6

Gomera, particulièrement préservée du tourisme (28 juin). 5

COAST TO COAST FUERTEVENTURA

Un trail de 90 km de côte à côte, en allerretour, sur l’île de Fuerteventura, désertique à souhait (27 septembre). www.fuertecoast2coast.com 6

MARATHON DE LANZAROTE

Pour aller chercher un chrono en fin de saison, direction Lanzarote (début décembre) ! www.lanzaroteinternationalmarathon.com 7

ULTRA TRAIL GRAN CHALLENGE

Mi-décembre, une belle occasion de courir dans une douce tiédeur pour ceux qui ont encore la forme. Au choix de 11 à 90 km. http://utgc.es

© http-//utgc.es

© Eduardo Castro

3

© www.fuertecoast2coast.com

© www.transvulcania.com

© Mouss Production

1

© James Mitchell Lanzarote marathon

# 3 • JAN-FÉV 2014

136

© www.grancanariamaraton.com

LES COMPÉT ITIONS


9

10

VTT 8

BIKE MARATHON LA PALMA

Sur l’île de La Palma, au programme routes, pistes forestières et sentiers, 80 km, 2100 m D+, également un 40 et un 20 km (17 mars). www.bikelapalma.com 9

BIKE FESTIVAL

Direction Gran Canaria, avec une boucle de 85 km au départ de Maspalomas, également un 65 et un 35 km (4 au 6 avril). http://nyx.at/canary

TRIATHLON 10 CHALLENGE

FUERTEVENTURA

Outre l’inévitable Ironman de Lanzarote, l’île de Fuerteventura propose aussi son tri, version « semi » : 1,9 + 90 + 21 ; un triathlon au cœur du désert, c’est possible (26 avril). www.challengefuerteventura.com 11 IRONMAN

LANZAROTE

Lanzarote est une destination très prisée

© María Curbelo © Manu Notedigo

11 12

pour les Européens « du nord » qui veulent s’essayer au triathlon exotique : deux tours avec sortie à l’Australienne pour la natation, un parcours vélo qui sillonne l’île avec de superbes paysages mais aussi des vents qui pimentent les 2551 mètres d’ascension, et enfin le marathon en trois boucles au bord de l’océan (17 mai). www.ironmanlanzarote.com

NATATION 12 TRAVESIA

MASPALOMAS

13 TRAVESIA

A LOBOS

Épreuve de natation de 7400 mètres se déroulant dans l’océan, devant la ville de Maspalomas, également un 2 km (fin septembre). http://travesiamaspalomas.com Une traversée d’île à île de 3400 m (mioctobre). http://herbania.com/actividades/xvtravesia-a-lobos

13

GLOBE-TROTTER

8

© www.challengefuerteventura.com © Red Bull Media House

© Alexis Martin © http-//nyx.at/canary

7

137


AUTOUR DU SPOT | LES CANARIES

# 3 • JAN-FÉV 2014

16 17

18

ESCALADE

CYCLISME

14 L’archipel des Canaries réserve de belles surprises aux grimpeurs, avec des configurations de rochers très variées due à l’origine volcanique. Voies pour tous niveaux, avec ou sans encadrement. http://aventuraencanarias.com/escalada.html

17 Quoi de mieux pour un « training camp » hivernal qu’une destination tempérée et ensoleillée dotée de routes agréables et présentant tous les types de profil ? L’île de Gran Canaria vous attend. Possibilité également de « moutain camp » pour les vététistes. www.cyclegrancanaria.com

RANDONNÉE SOUTERRAINE 15 Perdu dans un labyrinthe sous terre, il faut avoir le cœur (et la frontale) bien accroché pour ne pas s’enfuir en hurlant. www.anduturismoaventura.com

PLONGÉE SOUS-MARINE 16 Possibilité de plongées toute l’année, sur récifs, épaves, grottes… www.aventuraencanarias.com/ submarinismo.html

OBSERVATION ASTRONOMIQUE 18 L’archipel des Canaries offre un ciel particulièrement pur, et quand vous êtes encadré par une équipe de pros, l’observation des étoiles devient magique. http://aventuraencanarias.com/astro.html

© www.aventuraencanarias.com

© www.cyclegrancanaria.com

© www.aventuraencanarias.com

14 15

© www.anduturismoaventura.com

138

© www.limoniumcanarias.com

© Carlos Diaz

LES SPORTS DÉCOUVERTE


22 23

ÉQUITATION

VIA FERRATA

19 Appréciez un voyage à cheval au travers de paysages volcaniques, d’énormes dunes, avec vue sur l’océan, sur l’île de Gran Canaria. Randonnées et chevaux adaptés à tous niveaux. www.elsalobrehr.es

22 Nul besoin d’être un grand alpiniste pour s’envoyer en l’air sur des faces verticales : les via ferrata canariennes ont été créées pour le loisir, et sont par conséquent très intéressantes sportivement parlant, accessibles à tous niveaux. http://aventuraencanarias.com/ferrataEs. html

PLONGÉE APNÉE 20 Pour tout apprendre sur les fonds marins puis aller voir par soi-même, en apnée, direction la Playa de las Canteras (Gran Canaria). www.limoniumcanarias.com

SURF 21 Des vagues toute l’année, le rêve de tout surfeur, mais en plus elles sont bonnes ! Débutant ou pro, c’est open bar. http://aventuraencanarias.com/surfEspa. html

GOLF 23 Des dizaines de golfs émaillent l’archipel des Canaries, l’île de Tenerife étant particulièrement bien pourvue, avec par exemple le Costa Adeje Golf Club et ses vues sur l’île de La Gomera. www.golfcostaadeje.com

GLOBE-TROTTER

20 21

© www.golfcostaadeje.com

© aventuraencanarias.com

© aventuraencanarias.com

© www.limoniumcanarias.com

© www.elsalobrehr.es

19

139


LES CANARIES STUDIO DE CINÉMA À CIEL OUVERT QUE VOULEZ-VOUS TOURNER ? UN WESTERN ? UN ROAD-MOVIE STYLE MÉHARÉE ? LE REMAKE DE LA PLAGE, KING KONG OU VOLCANO ? SERVEZ-VOUS : AUX CANARIES, VOUS AVEZ ACCÈS À TOUS LES DÉCORS DE CINÉMA IMAGINABLES.

# 3 • JAN-FÉV 2014

140

© Turismo de Canarias

LES CANARIES, STUDIO DE CINÉMA À CIEL OUVERT © Carlos Diaz

Sable blanc ou noir, selon l’île choisie.


COMME UN AIR DE MONUMENT VALLEY


LES CANARIES, STUDIO DE CINÉMA À CIEL OUVERT © Turismo de Canarias

# 3 • JAN-FÉV 2014

142

Indiana Jones aurait pu traîner ses guêtres ici…


POTOMANE S’ABSTENIR


TOP CHRONO

S’AMÉLIORER

L’homme est une merveilleuse machine. Pour finaliser l’action sportive la plus parfaite et le mouvement idéal, cette machine « naturelle », construite par qui l’on voudra, s’améliore, progresse, augmente son efficacité. Elle est véritablement l’engin planétaire le plus sophistiqué au monde ! Si si, vous le verrez encore ce mois-ci avec, à tout seigneur tout honneur, la tour de contrôle, c’est à dire notre cher et indispensable cerveau qui vous fera visualiser l’action impeccable, celle à mettre en place pour son objectif. Parallèlement l’animal-machine commutera automatiquement sur tel ou tel type de combustion et pourra même mixer les carburations selon le positionnement du curseur de la puissance maximale aérobie, en-deçà, à 100%, ou même au-delà. Il ne fera pas de mal de se pencher à nouveau sur ces fameuses PMA et VMA. Pourquoi, quand, comment pousser la machine ? Parfois, la machine carnée a même besoin de machines. Elles sont très perfectionnées mais plus fragiles car elles craignent l’eau contrairement à nous autres. Elles sont donc à installer à l’intérieur, et le home-trainer permet alors à l’homme de se « trainer » et lui rend de bien bons services pour entretenir tous ses micro-mécanismes ! Facilement, sur place, de façon complémentaire. Même le skieur de Kilomètre Lancé s’entraîne avec un simulateur, la soufflerie, ultra-puissant moulin à vent qui stimule et corrige l’athlète des vitesses extrêmes. Une chose (un machin ?) est sûre : une fois la lecture commencée, impossible de faire machine arrière ! PAR VINCENT DELEBARRE

EH ! MACHINE, TU DESCENDS ?!

© Zhu Difeng - Fotolia.com


SOMMAIRE

156

HOMETRAINING

146

146 Grand Angle Kilomètre Lancé : A la couture près 150 Courrier des lecteurs 152 Actus

166

156 Dossier : Home-Training 166 Au cœur du système : la séance de VMA 174 Tout dans la tête : Visualisation mentale

174

178 Sur le bout des doigts : Eco-Trail de Paris 182 Portfolio : Best of Bike 2013

TOP CHRONO

145


Underground : L’invention du ski | 10 Equilibre : Les contraintes de la vitesse | 54 Globe-Trotter : Les plus belles pistes | 104 Top Chrono : La techno pour aller vite | 146 Absolu : « Pour aller vite il faut être lent » | 188

LE KILOMÈTRE LANCÉ

# 3 • JAN-FÉV 2014

146

À LA

COUTURE PRÈS

Pour performer en ski de vitesse, il ne suffit pas d’être très bon et parfaitement adapté : les conditions et le matériel comptent pour beaucoup dans le résultat final.

© Red Bull Media House

Par Emmanuel Lamarle

Le ski, c’est bien sûr une affaire de compétence, mais c’est aussi une activité très dépendante des conditions et du matériel : une météo clémente est primordiale – on ne compte plus le nombre de compétitions annulées, surtout en ski de vitesse -, une piste bien préparée est essentielle, et un matériel réglé au millimètre fera toute la différence.


TENUES

COMBI / PAS COMBI, LE DÉBAT Les compétiteurs en ski de vitesse cherchent à abaisser leur Cx pour gagner de la vitesse ; ils ne sont pas les seuls : souvenez-vous de la polémique née de l’utilisation des combinaisons en polyuréthane en natation. En quelques mois, des nageurs « modestes » se retrouvaient à battre les records des champions de la discipline, grâce à ces combis magiques. La Fédération internationale de natation les a interdites en 2010. À l’inverse, en Ski Cross, le règlement a toujours interdit de porter des combinaisons aérodynamiques : il est écrit noir sur blanc que les compétiteurs doivent porter une tenue « composée de deux pièces – pantalon et haut séparés. Les combinaisons portées lors des épreuves de ski alpin (Descente, Super-G, Slalom Géant, Slalom) et de ski de vitesse ne sont pas autorisées. La matière de base d’une combinaison devra être en textile en excluant le caoutchouc, le plastique, le néoprène, le cuir ou le vinyle. » Et effectivement, une ligne de départ en Ski Cross ou en Border Cross ressemble davantage à un catalogue de marques de sport fashion qu’à celui d’un slalom géant…

SI TU VOIS RIEN ÇA CRAINT L’anticipation est essentielle en ski, comme d’ailleurs dans de nombreux autres sports. Le skieur – pas le débutant sur sa piste bleue hein ! – ne regarde pas immédiatement devant lui, il a au contraire plusieurs coups d’avance : un skieur de bosses par exemple anticipe toujours les deux ou trois prochaines bosses ; regarder la bosse qui suit immédiatement lui ferait casser le buste et perdre en efficacité. Idem pour un descendeur, un slalomeur… Le principal problème de ces athlètes dans le cadre de cette anticipation, c’est le fameux « jour blanc » : le ciel est gris clair, le plafond bas, la lumière rasante, et tout semble enveloppé d’une lueur blanche uniforme dans laquelle les contrastes n’existent

RECORDS

JUSQU’OÙ IRONT-ILS ? 136 km/h : 1932 - Leo Gasperl (Autriche) 200,222 km/h : 1978 - Steve Mc Kinney (États-Unis) 223,471 km/h : 1988 - Michael Prüfer (France) 233,610 km/h : 1993 - Philippe Goitschel (France) 241,448 km/h : 1995 - Jeffrey Hamilton (États-Unis) 250,70 km/h : 2002 - Philippe Goitschel (France) 251,40 km/h : 2006 - Simone Origone (Italie) 330 km/h est la vitesse théorique limite qu’un skieur

peut atteindre compte tenu du bilan des forces en présence (poids, frottements du ski et du skieur)


# 3 • JAN-FÉV 2014

148

LE KILOMÈTRE LANCÉ

plus. Il n’est plus possible de distinguer les ombres, l’horizon, les nuages : le sens de la profondeur disparaît en même temps que celui de l’orientation. Dans ces conditions, il devient impossible de distinguer le relief de la piste, et les accidents de parcours. Et dans ces conditions, chercher à aller vite, voire très vite, devient une loterie. Jour blanc : annulation ou ski en aveugle… Neige : annulation fréquente. Froid : avec des températures ressenties qui peuvent descendre à -30°C, il n’est pas rare que la compétition soit retardée. Vent : selon Jérôme Cantalupo (voir interview en page 54), « c’est l’un des éléments les plus difficiles à gérer. Il peut nous déporter de 10, 15 voire 20 mètres en dehors de la trajectoire initialement choisie. » Vous aurez compris que pour se lancer dans la danse, il faut que les conditions soient optimales.

DE LA CHIMIE POUR ALLER VITE

Cette fois il fait beau, la piste s’offre à vous. Bien ! Mais savez-vous pourquoi on glisse sur la neige ? Question idiote ? Pas tant que ça : il faut en effet savoir que le ski ne glisse pas directement sur la neige, mais sur une mince pellicule d’eau qui se forme entre le ski et la neige, sous la pression du ski. La qualité de la neige est primordiale : en fonction de sa température et de la forme de ses cristaux, la couche d’eau qui se forme sous le ski peut être trop fine – il se produit alors un givrage des skis – ou trop épaisse – et dans ce cas c’est l’effet venLE VENT PEUT touse. La température idéale pour une glisse au top est située NOUS DÉPORTER DE entre -9°C et -5°C, et la période 10, 15 VOIRE 20 MÈTRES idéale est au printemps, lorsque la neige se « transforme » (sous [JÉRÔME CANTALUPO] l’effet des rayons solaires). Cette couche d’eau est la raison d’être du « fartage » des skis : on leur applique un enduit qui va favoriser la glisse, enduit dans lequel on pratique des microrainures afin de favoriser la circulation des gouttelettes d’eau sous le ski. C‘est particulièrement important en ski de vitesse, car l’athlète doit conserver ses skis le plus à plat possible pour aller vite.


De la même manière, le damage (l’action de tasser la neige et lisser sa surface) est un élément très important : si vous êtes un skieur moyen, vous avez probablement du mal à gérer les bosses, les creux… À très haute vitesse, un damage parfait devient pratiquement vital : les irrégularités de la piste se répercutent puissance mille dans les skis et provoquent des déséquilibres difficiles à rattraper, d’où l’importance de la condition physique du descendeur. C’est un travail énorme qui est réalisé par les équipes d’entretien des pistes, souvent dans des conditions difficiles (nuit, neige…), et sur des pentes, ne l’oublions pas, extrêmes.

LE PLASTIQUE C’EST FANTASTIQUE C’est le printemps, il fait beau, la piste est parfaitement damée : on y va ? Ah ben non, il reste un élément incontournable : la combinaison ! Parce qu’il ne s’agit pas uniquement de glisser sur la neige, ou plutôt sur l’eau comme nous venons de le voir, mais aussi de glisser dans l’air : à haute vitesse, la résistance de l’air à votre avancement augmente, et l’idée est alors de le fendre en lui offrant le moins de prise possible. C’est là qu’entre en jeu le Cx, ou coefficient de trainée : si vous observez le schéma « Coefficient de trainée », vous allez vous apercevoir qu’il est important pour offrir le moins possible de résistance à l’air d’avoir une forme profilée. Cette forme ne vous dit rien ? C’est ça : c’est exactement la forme du casque que porte un skieur de vitesse. Et c’est aussi la forme qu’ont les tibias du skieur grâce à l’adjonction de deux ailerons, et c’est enfin la forme globale qu’a le skieur lorsqu’il prend sa position ramassée de descendeur. La combinaison, étanche à l’air, est là pour s’assurer qu’aucun vêtement ne va parasiter l’écoulement de l’air sur le skieur.

SPHÈRE Cx = 0,47

© Red Bull Media House

DEMI-SPHÈRE Cx = 0,42 CUBE Cx = 1,05 CORPS PROFILÉ Cx = 0,04 SEMI-CORPS PROFILÉ Cx = 0,09

Mesures de coefficient de trainée

Casque, ailerons, combinaison, position : tous ces éléments sont étudiés en soufflerie, comme lors de la conception de carrosseries de voitures (plus une voiture est profilée, moins elle va consommer). Une couture mal placée sur une combinaison, et c’est une potentielle perturbation ; un casque non adapté au skieur (chacun adopte une position différente) et l’aérodynamisme en prend un coup. L’essai en soufflerie a de plus le mérite de durer longtemps, contrairement à la descente qui ne dure que quelques secondes : l’athlète peut alors s’entraîner à s’appuyer sur l’air, projeté entre 170 et 260 km/h, pour trouver sa position idéale. Cette fois nous avons fait le tour : vous avez toutes les cartes en mains pour tenter, vous aussi, de dépasser les… 70 km/h ! Ce sera déjà bien.

© Olivier Leblond


Envoyez vos questions, remarques, anecdotes, photos commentées par courrier à redaction@ultramag.fr

SKI-MARATHON

150

© Carlos Diaz

LE SKI DE PISTE A-T-IL UN INTÉRÊT POUR LA COURSE À PIED ? J’AI EN EFFET PRÉVU DE COURIR LE MARATHON DE PARIS, ET JE PARS UNE SEMAINE AU SKI MI-MARS. ÇA CHAMBOULE UN PEU MON PLAN D’ENTRAÎNEMENT… MARIE, RENNES

Rien n’est chamboulé, au contraire ! Par définition un plan d’entraînement est sans cesse à adapter. Cela est d’autant plus facile quand le « chamboulement » est prévu 3 mois à l’avance. Je skie moi-même tous les jours du fait de mon métier et j’ai des échéances de course à pied en avril. Il faut le prendre comme un plus. Ici c’est à prendre comme de la PPG bien qu’elle survient un peu proche de l’échéance. Le tout est d’agencer son planning de sorte de considérer cette semaine comme une ON ME DIT SOUVENT QUE POUR semaine « basse » en volume de course BIEN DESCENDRE EN TRAIL, IL NE à pied et donc d’en faire plus en aval FAUT PAS BLOQUER LE PIED, IL FAUT et en amont. Le profit de cette ACCEPTER LA GLISSADE… C’EST BIEN semaine sera l’altitude, l’oxygéGENTIL, MAIS JE N’Y ARRIVE PAS, DÈS nation, la détente et donc la QUE ÇA GLISSE JE SUIS CRISPÉE. COMMENT préparation physique globale. AMÉLIORER ÇA, ET D'ABORD EST-CE VRAI ? Cependant : allez trottiner SANDRINE, CENTRE tous les jours 30 mn en Qu’il est bien normal de se crisper lorsqu’on relaxation, le soir sur les ne gère pas l’équilibre ! Et puis c’est encore pire chemins « raquettes » puisqu’on est crispé ! Tout est affaire d’équilibre donc. ou les sentiers stabiLe plus important n’est pas de bloquer le pied mais de se lisés intra-station. trouver sur le pied. Trop souvent, par réflexe (appréhension) Bonnes le haut du corps part vers l’arrière. Le pied étant toujours au sol (à un moment donné c’est sûr) alors il continue son chevacances min… mais pas nous et c’est la chute assurée ! En guise d’acsurtout. cepter la glissade c’est plus précisément accepter la pente et faire en sorte de conserver son centre de gravité (son nombril) au-dessus du pied d’appui (le pied de devant) ou en tout cas entre les deux pieds. Et alors si glissade il y a nous pouvons réagir et rester debout tel le skieur en attendant de retrouver de l’adhérence. En même temps que de prêter attention à ce positionnement plus à l’aplomb dorénavant, pensez aussi à faire de tous petits pas très réactifs et en fréquence lors de ces passages visiblement ou soudainement glissants. Bonnes glissades… contrôlées !

© Audrey Badurenko - Fotolia.com

# 3 • JAN-FÉV 2014

FAUT QUE ÇA GLISSE !


Questions pour des champions QUESTIONS / RÉPONSES PAR VINCENT DELEBARRE, MONITEUR DE SPORT, GUIDE DE HAUTE MONTAGNE, VAINQUEUR DES TEMPLIERS, DE LA DIAGONALE DES FOUS ET DE L’UTMB®

LE DOSSIER « ET ÇA TE DIRAIT D’ARRÊTER DE FAIRE LE CON » ÉTAIT SUPER INTÉRESSANT, MAIS JE TROUVE… CON, JUSTEMENT, QUE LE GARS AIT EU BESOIN D’UN COACH POUR SE RENDRE COMPTE QU’IL EN FAISAIT TROP. D’AILLEURS JE TROUVE QU’IL Y A BEAUCOUP TROP DE COUREURS QUI EN FONT TROP SANS S’EN RENDRE COMPTE. C’EST POURTANT ÉVIDENT QU’ENCHAÎNER DES ULTRAS APRÈS UN OU DEUX ANS DE COURSE À PIED C’EST DANGEREUX, NON ?

Trop manger, trop boire… c’est comme trop courir ou courir trop vite, c’est trop ! Ce peut être aussi trop augmenter son volume d’entraînement, trop « pas assez » récupérer, trop vouloir de suite, en fait ! Les maître-mots de sa gestion sportive, de l’entraînement sont à se marteler en tête : Progressivité ; Adaptation ; Régularité. Une fois PARé on peut se demander « mais pourquoi tant de monde met la charrue avant les bœufs ? » À cause de l’esprit guerrier et battant de l’être humain, bien sûr. Mais ce qui marche dans le monde du travail, de l’entreprise ou du combat où la réussite peut être due à force d’en ajouter ne marche pas en sport où le plus ou le trop est l’ennemi du bien. D’autre part c’est souvent une réaction « maladive » à la peur de ne pas assez en faire et aussi à la volonté de montrer à son entourage (ou à la société) ce que l’on est capable de faire… connement. Pas toujours facile de s’en rendre compte tout seul et faire appel à une aide ou un coach est déjà une prise de conscience et donc pas si bête car, comme disait Audiard, les cons ça ose tout… et j’ajouterais que si on les reconnait à ça c’est parce qu’ils osent tout seuls.

GESTION SPORTIVE PROGRES SIVITÉADAP TATIONRÉ GULARITÉ

RETROUVEZ ULTRAMAG SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX :

151 TOP CHRONO

TROP C’EST TROP !


12 HEURES SUR TAPIS

BOCHONS FAIT

SAUTER LE BOUCHON

# 3 • JAN-FÉV 2014

152

Jusqu’à présent, le record « Guinness Book » des 12 heures sur tapis de course était de 101,4 km. Autant dire qu’Eusébio Bochons, coureur d’ultra émérite suisse, n’en a fait qu’une bouchée. Il s’est en effet attaqué à cette marque début décembre, avec pour objectif de franchir le palier en 9 heures. Parti à 12,5 km/h, il a pu bénéficier des trois dernières heures pour creuser l’écart et rendre le plus difficile possible les tentatives qui ne manqueront pas d’avoir lieu dans les mois et les années qui arrivent. Au bout du compte, il termine avec une distance parcourue de 123,4 km. Précisons, sans rien enlever à la performance d’Eusébio Bochons, que Robert Wimmer a couru 145,55 km sur tapis en 2009 (source : Book of Alternative Records) et que le record absolu des 12 heures est détenu par Yiannis Kouros, avec un poil plus de 162 km.

TIRAGE AU SORT

Jornet à la Hardrock Le tirage de la Hardrock 100 mile* vient d’être effectué. Cette course se déroulant dans les Rocheuses (États-Unis) en juillet trouvera donc derrière sa ligne de départ un certain Kilian Jornet, multiple vainqueur de l’Ultra-Trail du Mont-Blanc*, du Grand Raid de La Réunion*, et d’un peu toutes les courses dont il prend le départ. Autres favoris présents : Julien Chorier, Dakota Jones, Timothy Olson…

TRICHE

DEUX MÉTHODES, UN RÉSULTAT

La méthode n’est pas la même mais le résultat est identique : le vainqueur dans la catégorie « coureurs locaux » du marathon de Singapour, un certain Tam Chua Puh, 43 ans, et la vainqueure du Two Oceans Marathon*, Natalia Volgina, ont tous deux été destitués. Si la Russe Natalia n’a pas été très originale (stéroïdes anabolisants), le marathonien s’est contenté de courir 6 des 42,195 km, coupant la ligne d’arrivée avec un short baggy et une casquette de base-ball. Il a avoué que c’était la troisième fois qu’il trichait sur ce marathon…


UNE CHAMBRE CLIMATIQUE POUR LES TRIATHLÈTES L’institut National du Sport, de l’Expertise et de la Performance (INSEP) a inauguré en novembre une « chambre climatique » dans ses locaux à Paris, en présence du directeur technique national de la fédération française de triathlon. Une pièce de 12 m2 et 3 m de hauteur sous plafond, dans laquelle sont placés des appareils de musculation et des ergomètres, et chauffée entre 30 et 37°C, avec un maximum de 45°C. Elle permettra d’étudier les réponses physiologiques des athlètes et de mieux y répondre, d’identifier leurs temps d’adaptation, et de proposer des périodes d’acclimatation régulières. Une acclimatation type pourrait par exemple se composer de deux séances de 45 mn par jour pendant une semaine. En ligne de mire : Rio 2016.

BILAN 100 KM 2013 LE RUSSE ET LA SUÉDOISE Depuis plusieurs années, le niveau des top athlètes sur 100 km a tendance à s’améliorer. Ou tout au moins la meilleure performance mondiale, qui est tombée à nouveau en 2013 sous les 6 h 20 mn, ce qui n’était pas arrivé depuis 2004. Le grand gagnant au jeu du bilan est un jeune Russe de 22 ans, Vasily Larkin, qui a exécuté toute concurrence lors des 100 km de Saint Petersbourg en septembre, en réalisant un temps de 6 h 18 mn 26 s. On en entendra peut-être reparler. Le premier Français, Michael Boch, se place en 7e position avec son chrono de 6 h 46 mn à Winschoten (Pays-Bas). Pour les dames, c’est Kajsa Berg qui réussit à placer deux meilleures performances mondiales en tête de classement, dont la meilleure à 7 h 38 mn 52 mn (très loin des 6 h 33 mn de Tomoe Abe en 2000). La première Française, Cécile Moynot-Mantel, pointe en 18e position avec un temps de 8 h 21 mn.

ENCHAÎNEMENT

Deux marathons sous les trois heures dans la journée Michael Wardian possède un record personnel sur marathon à 2 h 17 mn. Il est ce qu’on pourrait appeler un athlète de haut niveau non conventionnel. Sa dernière frasque : courir deux marathons dans la même journée. Le premier, il le gagne en 2 h 31 mn à San Antonio. Le second, il le termine à la 10e place en 2 h 57 mn à Las Vegas. En janvier 2012, il avait de la même manière couru un marathon en 2 h 21 mn et un autre en 2 h 31 mn dans la même journée, dans des conditions certes plus favorables.

153 TOP CHRONO

ADAPTATION


BILANS 24 HEURES 2013

Les Japonais en tête de file Les bilans des 24 heures se suivent et se ressemblent. On retrouve beaucoup de Japonais en tête du classement mondial de l’année d’une part, et d’autre part, personne n’arrive vraiment à approcher l’Everest placé par Yiannis Kouros à 303 km. Ni même les 285 km à vrai dire. Le meilleur homme cette année aura donc été le Japonais Yoshikazu Hara avec 273,650 km (Taipei, le 8 décembre 2013). Le premier Français, Lionel Ozanne, pointe en 12e

position avec 255,872 km réalisés à Grenoble en octobre. Chez les dames, la Japonaise Mami Kudo grimpe à 3 km de son record du monde avec 252,205 km lors des 24 heures de Steenbergen (Pays-Bas) en mai. La première Française, Anne-Marie Vernet arrive à se placer en 8e position des meilleures marques féminines de l’année avec ses 229,393 km réalisés aux Pays-Bas également.

24h

# 3 • JAN-FÉV 2014

154

Yoshikazu Hara 273,650 km

Toutes les performances ultra sur le site www.statistik.d-u-v.org

RECORD

NATATION

LE PREMIER MARATHON EN 2 H !

LE GUIDE DU CRAWL MODERNE

C’est le marathon du Mont-Blanc qui le premier passe sous les deux heures ! Non ? Bon, ok, ce sont juste les 2000 places pour le marathon du Mont-Blanc 2014 qui sont parties en deux heures à peine. Si l’on y ajoute le cross, le 10 km, le 80 km et le Kilomètre Vertical, ce sont 20235 internautes qui ont tenté d’obtenir une des 6000 places disponibles. Du 27 au 29 juin 2014.

Pour progresser en natation, quel que soit votre niveau, procurez-vous ce guide écrit par l’auteur du blog « leplaisirdenager » de toute urgence. L’auteur vous donne les clés d’un crawl vraiment efficace : horizontalité, roulis, placement de l’épaule, trajet sous-marin, retour aérien du bras, gainage, respiration, battement... Tous les aspects de la nage sont abordés clairement et précisément. 160 pages, Thierry Soucar Éditions, 22 €


Première douloureuse pour BOB TAHRI Le Français Bob Tahri, spécialiste du 3000 m steeple, s’est essayé au marathon à New York. Résultat : une belle explosion, mais malgré cela une 15e place en 2 h 18 mn 16 s : « Je suis déçu et frustré car j'étais vraiment dans un bon jour et je respectais scrupuleusement les consignes de mon coach mais à partir de la mi-course, j'ai été victime de crampes au mollet et aux ischios et j'ai dû m'étirer. Malgré ça j'étais sur les bases de 2 h 10 jusqu'au 33 km. J'ai fini comme j'ai pu, et cela me servira pour la suite, car il y aura une suite c'est certain. J'ai 34 ans et pas mal d'années d'athlé derrière moi mais aujourd'hui j'ai beaucoup appris. » écrit-il sur son mur Facebook.

DESERT SOLSTICE 24 HOUR

Record

12 heures Zach Bitter a battu le 15 décembre le record mondial de 12 heure sur piste, détenu par Yiannis Kouros, avec 163,6 km (au lieu de 162,2), lors du Desert Solstice 24 Hour. Pam Smith breaks en a profité pour battre Edit Berces sur 100 miles sur piste avec 14 h 11 mn 26 s.

155 TOP CHRONO

MARATHON

MONDIAUX TRAIL 2015

LA MAXI RACE (LAC D’ANNECY) S’EST DÉCLARÉE CANDIDATE POUR L’ORGANISATION DES CHAMPIONNATS DU MONDE DE TRAIL 2015

SKI-ALPINISME

La Patrouille des Glaciers est l’une des épreuves de ski-alpinisme les plus réputées. Elle se court à guichets fermés, et refuse même de très nombreuses équipes. Si bien que certaines passent par la tricherie pour tenter de s’inscrire en détournant le règlement ou en inventant des pièces justificatives fictives. Des irrégularités ont été constatées le jour où devait avoir lieu le tirage au sort pour sélectionner les participants, repoussant celui-ci.

www.pdgnews.ch

Inscriptions frauduleuses


© Red Bull House Media

# 3 • JAN-FÉV 2014 DOSSIER | HOME-TRAINING

156


On est bien chez soi non ? Alors pourquoi

sortir et risquer une angine, ou pire, se faire écraser dans la nuit noire sur une route de campagne, loin de tout ? Le home-training, entraînement à la maison, se développe et séduit de plus en plus d’adeptes, qui en font parfois une pratique à part entière.

S’ENTRAÎNER

SANS METTRE UN ORTEIL DEHORS Par Philippe Billard

156

COMME À LA MAISON

160

7 BONNES RAISONS : POUR CÉDER AU HOME-TRAINING & POUR NE SURTOUT PAS « HOME-TRAINER »

161

LE TOUR DE FRANCE DANS SON SALON

161

L’INNOVATION AU SERVICE DE LA MOTIVATION

162

SÉQUENCE RÉÉQUILIBRAGE

163

DES ENTRAÎNEMENTS TRÈS SOLLICITANTS

163

TROIS TYPES D’ENTRAÎNEMENTS HOMETRAINING

TOP CHRONO

157


DOSSIER | HOME-TRAINING

S’ENTRAÎNER SANS METTRE UN ORTEIL DEHORS DOSSIER

COMME À LA MAISON À SUIVRE : 7 BONNES RAISONS POUR CÉDER AU HOME-TRAINING | 7 BONNES RAISONS POUR NE SURTOUT PAS « HOME-TRAINER » | LE TOUR DE FRANCE DANS SON SALON | L’INNOVATION AU SERVICE DE LA MOTIVATION | SÉQUENCE RÉÉQUILIBRAGE | DES ENTRAÎNEMENTS TRÈS SOLLICITANTS | TROIS TYPES D’ENTRAÎNEMENTS HOME-TRAINING

158

COMME À LA MAISON

L

© Andres rodriguez - Fotolia.com

# 3 • JAN-FÉV 2014

a première chose qu’un coureur, un vrai, vous dira, c’est qu’il est bon, tellement bon, de courir dans la nature. C’est tellement grisant de sentir le vent frais sur son visage alors qu’on déferle comme une vague le long d’une pente de montagne. Certains vous parleront de cette émotion toute particulière de sentir à travers sa semelle mille et une textures, mille et un sols, de la terre aux rochers, du bitume à la boue, en passant par la rocaille, la lave séchée, l’humus des sous-bois, l’herbe verte des alpages. Et les panoramas ! Quel bonheur incomparable que celui de passer un col et de culminer le monde qui s’étend sous vos pieds dans toutes les dimensions. Sensations réelles. Inutile de vous dire que si vous vous entraînez chez vous, ou à l’intérieur (on dit parfois indoor pour paraître plus branché), vous allez devoir chercher ailleurs ce déluge d’émotions. Pas d’odeurs au programme, pas de paysage à couper le souffle, pas d’arbres et de roches à sauter, le « home-training » (ça aussi c’est branché) réduit votre sport préféré à sa plus simple expression. Enfin, quand même… de moins en moins.


Car malgré tout, les fabricants de matériels d’intérieur rivalisent d’ingéniosité pour simuler cette réalité qui leur échappera toujours. Toujours ? Pas si sûr. Vous pouvez aujourd’hui courir le Tour de France intégralement sur un vélo d’appartement, tracer des parcours sur Google Maps et vous laisser entraîner par votre tapis de course qui va recréer les dénivelés et même faire défiler les paysages sur votre iPad grâce à Google Street View1. Branchez un ventilateur et vous aurez le vent. Une pointe d’huile essentielle et vous aurez la forêt de pin. Connectez-vous à la communauté et vous pourrez courir le marathon de New York en compagnie d’amis, ou contre eux. Des amis faisant comme vous du surplace, mais à l’autre bout du monde. Le tour du monde chez vous. La simulation de la réalité, ou disons « la réalité virtuelle » répond à un besoin psychologique plus que physique. Pas de quoi balayer d’un revers de main son utilité puisqu’on sait très bien que le cerveau conditionne une large part des résultats de l’entraînement. Se mettre en situation, c’est donc un premier pas vers une bonne efficacité de vos séances.

la visualisation de parcours. Il est ainsi possible de rouler, ou courir, et de voir en même temps le parcours défiler sous ses yeux. Cela ne fonctionne que pour la route (utilisation de Google Street View) mais l’intérêt pour la visualisation est énorme. Imaginez par exemple que vous puissiez courir chez vous le tracé du marathon de Paris, New York ou celui de La Rochelle, ou les 100 km de Millau, ou, soyons fous, Paris-Brest-Paris en vélo… C’est possible aujourd’hui. Visualisation mentale. La simulation est visuelle, donc, mais elle va aussi bien plus loin que cela, puisque le parcours programmé va inclure les montées (et pour certains modèles de tapis ou de vélos, les descentes). Si vous voulez aller plus loin dans la finesse, vous pourrez aller jusqu’à programmer votre tapis de course avec les allures ciblées. Au final, vous allez programmer votre course de la manière exacte dont vous voudriez qu’elle se déroule.

159 TOP CHRONO

MIEUX QU’EN VRAI

Hier, les techniques de visualisation mentale nécessitaient beaucoup d’introspection (voir notre article « Tout dans la tête » dans

Si vous avez les moyens de vous acheter l’un de ces petits bijoux de technologie, encore un peu dispendieux, c’est vrai, vous pourrez par exemple visualiser vos parcours. Icon Health and Fitness, via ses marques Proform et Nordictrack, est le spécialiste de

DÉFINITION

Courir à 18 km/h sans bouger d’un poil, c’est déstabilisant… mais grisant !

Littéralement, « home-training » signifie « s’entraîner à la maison ». Donc tout matériel destiné à améliorer votre condition physique, capable de rentrer chez vous, d’y trouver sa place, et ne nécessitant pas trop de déplacements rentre dans le cadre du home-training. Le matériel de base pour l’endurance, ce sera le vélo d’intérieur (et ses déclinaisons), le tapis de course, et pourquoi pas le rameur. Les vélos elliptiques4 entrent également de plus en plus chez les particuliers.

© Minerva Studio - Fotolia.com

LE HOME-TRAINING, C’EST QUOI ?


DOSSIER | HOME-TRAINING

S’ENTRAÎNER SANS METTRE UN ORTEIL DEHORS DOSSIER

# 3 • JAN-FÉV 2014

160

COMME À LA MAISON À SUIVRE : 7 BONNES RAISONS POUR CÉDER AU HOME-TRAINING | 7 BONNES RAISONS POUR NE SURTOUT PAS « HOME-TRAINER » | LE TOUR DE FRANCE DANS SON SALON | L’INNOVATION AU SERVICE DE LA MOTIVATION | SÉQUENCE RÉÉQUILIBRAGE | DES ENTRAÎNEMENTS TRÈS SOLLICITANTS | TROIS TYPES D’ENTRAÎNEMENTS HOME-TRAINING

le n°2). Il fallait fermer les yeux, imaginer, avec forcément beaucoup d’imprécision, ce qui allait vous arriver le jour J. Aujourd’hui, il est possible non seulement de voir, mais de sentir sportivement ce qui vous attend, sans limite de temps ni d’espace.

S’ENTRAÎNER COMME UN CHAMPION Qu’on le veuille ou non, faire du sport suppose de chercher à s’améliorer. S’améliorer pour devenir de plus en plus compétitif. S’améliorer pour obtenir de meilleurs chronos. S’améliorer pour une meilleure condition physique. S’améliorer pour avoir une meilleure estime de soi. Vous trouverez toujours une bonne raison. Depuis quelques décennies, les fabricants, et notamment les fabricants de montres, ont ouvert des fenêtres panoramiques sur nos organismes. Pulsations cardiaques, vitesse, position, trajet, plus rien ne nous échappe, y compris sur le terrain. Alors comment se distinguer quand on propose des équipements d’intérieur ? Tableau de bord. Les sportifs professionnels disposent de matériels d’entraînement défiant l’entendement, relevant

MATÉRIEL

LISTE NON EXHAUSTIVE À L’USAGE DES AGORAPHOBES Dans un espace de quelques mètres carrés, on peut pratiquer des tas de sports : - Tapis de course à pied - Vélo d’appartement (home-trainer5, rouleaux5, vélo de biking/spinning5, vélo semi-couché, etc.) - Rameur - Vélo elliptique - Plate-forme vibrante - Corde à sauter - Système de musculation par suspension - Élastiques - Steppers - Haltères, haltères poignets ou chevilles - Balance board (plate-forme instable) - Fitball (grosse balle de fitness)

des dizaines de paramètres utiles ensuite pour optimiser leur progression. Ces matériels autrefois hors de portée du commun des mortels sont désormais accessibles aux particuliers. Ici, on ne parle plus de simulation mais de réalité. Les informations qui vous sont transmises par votre tapis de course ou votre « vélo de biking2 » correspondent fidèlement à ce que votre corps vit. L’avantage d’être statique réside dans la possibilité qui vous est offerte d’installer un véritable cockpit d’avion de ligne devant votre vélo. Moniteur intégré, mais aussi connexion directe à un logiciel qui peut transformer votre ordinateur en tableau de bord. Sous les yeux, vous avez en permanence votre vitesse, vos pulsations, votre cadence, la durée de course, la puissance, mais aussi la qualité de votre pédalage, la répartition des forces d’appui sur vos pédales, les angles de poussée maximale, etc. Vous méritez le meilleur. Trop d’informations pour un simple sportif qui ne demande qu’un peu de plaisir ? Non ! S’équiper comme un athlète de haut niveau ne signifie pas que vous allez en devenir un. Cela signifie simplement que vous avez pris conscience de l’intérêt de progresser dans votre sport. Par


REDEVENIR DÉRAISONNABLE Et maintenant que vous avez succombé aux joies du home-training, vous souhaitez mettre en marche votre puissante machine de guerre. Cette machine de guerre, c’est votre cerveau ultra, ce truc que vous avez entre les deux oreilles et qui ne vous laisse jamais tranquille. Défis. Peut-être avez-vous déjà couru quelques dizaines de kilomètres… 100 ? Bravo ! Vous avez sans doute randonné au moins une fois un jour entier, ou fait 200 km à vélo d’une traite. Passer beaucoup de temps à pratiquer votre sport favori ne vous fait pas peur et avoir pu vous entraîner dans une autre discipline à l’abri des regards moqueurs vous a donné une certaine assurance. Alors pourquoi ne pas tenter la grande aventure intérieure ? Les spécialistes du marketing l’ont bien compris, nous avons besoin de défis. Tout est

parti il y a quelques années de cela de communautés de coureurs à pied se classant en fonction du kilométrage qu’ils avaient réalisé à l’entraînement. Avant eux, les cyclistes, qui par exemple se donnaient – et se donnent encore – le défi de gravir 100 cols. Tous ensemble. Aujourd’hui, vous pouvez participer à un défi 100 km ou 24 heures sur un rameur, enregistrer votre performance sur un logiciel dédié qui la valide, et ensuite la transmettre pour obtenir un classement mondial3. Vous pouvez aussi, sur un tapis, vous concocter des séances « rupteur ». Le rupteur est l’arrêt automatique de la plupart des tapis au bout d’un certain temps d’utilisation, en général 1 h 40 mn. Et la séance multi-rupteurs alors, vous y avez pensé ? D’ailleurs, en poussant le vice encore plus loin, vous allez peut-être vous apercevoir que votre tapis préféré ne mesure les distances que jusqu’à 80 km et revient à zéro, ou que sa garantie n’est valable que pour une pratique de… une heure par semaine. Autant de petites victoires de l’Homme (vous) sur la Machine. 1 Google Street View : fonction disponible sur Google Maps qui permet de voir en trois dimensions l’environnement de la plupart des routes carrossables, dans le monde entier. Essayez avec les petites routes près de chez vous. 2 Vélo de biking : vélo d’appartement simulant au plus près le vélo de course, avec notamment réglages de selle et de guidon avancés, des pédales automatiques, et des braquets reproduisant fidèlement les sensations de la route. 3 Voir par exemple les défis de la marque de rameurs Concept2 sur http://www.concept2.fr/challenges-competitions. 4 Le vélo elliptique n’a rien d’un vélo : vos pieds reposent sur des « pédales » suivant un mouvement elliptique alors que vos bras tirent des leviers d’avant en arrière. Appareil complet sollicitant l’ensemble du corps. 5 Un home-trainer est un appareil sur lequel on fixe son propre vélo par le moyeu arrière ; les rouleaux permettent également d‘utiliser son propre vélo mais cette fois sans le fixer ; les vélos de biking ou spinning sont eux dédiés, ils vous évitent de maltraiter votre propre vélo.

161 TOP CHRONO

exemple, travailler la qualité de pédalage avec des systèmes de mesure précis et fiables peut vous permettre de diagnostiquer un décalage entre les jambes gauche et droite (voir encadré « Rééquilibrage »). Après le diagnostic, il ne reste « plus » qu’à s’entraîner à appliquer les mêmes forces à gauche et à droite. Ce type d’exercice sert évidemment à mieux pédaler, mais aussi à mieux courir et à mieux marcher, puisqu’il vous remet « dans l’axe ».


DOSSIER | HOME-TRAINING

S’ENTRAÎNER SANS METTRE UN ORTEIL DEHORS DOSSIER

# 3 • JAN-FÉV 2014

162

PRÉCÉDEMMENT : COMME À LA MAISON 7 BONNES RAISONS POUR CÉDER AU HOME-TRAINING | 7 BONNES RAISONS POUR NE SURTOUT PAS « HOME-TRAINER » | LE TOUR DE FRANCE DANS SON SALON | L’INNOVATION AU SERVICE DE LA MOTIVATION À SUIVRE : SÉQUENCE RÉÉQUILIBRAGE | DES ENTRAÎNEMENTS TRÈS SOLLICITANTS | TROIS TYPES D’ENTRAÎNEMENTS HOME-TRAINING

MOTIVATION

7

BONNES RAISONS

POUR CÉDER AU HOME-TRAINING 1 Parce que vous n’aimez sans doute pas ça : il est toujours bon d’abattre des croyances limitantes absurdes. 2 Parce que vous ne souhaitez pas vous faire écraser par une voiture en pleine nuit à même pas 18 h 30. 3 Parce que les séances de fractionnés à vélo sont plus faciles à réaliser à l’intérieur. 4 Pour vous échauffer avant de partir dans le froid. 5 Parce que le home-training est parfait pour entraîner votre force et votre puissance. 6 Pour faire des séances plus régulières, mieux calibrées, qui peuvent vous faire progresser plus vite et différemment. 7 Pour travailler d’autres filières énergétiques, d’autres qualités sportives, d’autres modes d’endurance.

POUR NE SURTOUT PAS « HOME-TRAINER » 1 Vous habitez dans un lieu paradisiaque et en plus il fait beau. 2 Vous n’arrivez pas à consacrer suffisamment de temps à votre sport principal, dans les conditions qui vous plaisent. 3 Vous avez des soucis de santé et vous avez peur de faire n’importe quoi, il vous faut un « coach ». 4 Vous suez beaucoup trop et ne savez pas vous hydrater correctement. 5 Malgré tous vos efforts, vous vous em…bêtez profondément et ça menace jusqu’à votre intérêt pour le sport. 6 Vous n’avez pas de place pour pratiquer chez vous (de la mauvaise volonté ça non ?). 7 Vous n’avez pas de budget à consacrer à l’achat de matériel supplémentaire.


SIMULATION

LE TOUR DE FRANCE DANS SON SALON Le concept de ce vélo de biking de chez Proform : participer au Tour de France dans votre salon. Il intègre en effet les étapes du Tour et vous n’avez plus qu’à pédaler. Vous voyez votre parcours sur une carte et vous n’avez plus qu’à faire « comme si » vous étiez le maillot jaune. Véritable simulateur « de vol », il s’incline en avant et en arrière de plus ou moins 20% pour simuler les montées et les descentes, possède deux ou trois plateaux et dix pignons. Et si vous souhaitez rouler dans les rues bien pentues de San Francisco, de Tokyo, de Sydney, sans vous faire écraser, ou alors traverser la vallée de la mort, filer sur la plus longue ligne droite du monde, sans mourir de soif, il suffit de tracer votre parcours sur Google Maps et de vous laisser entraîner.

STRATÉGIE

L’INNOVATION AU SERVICE DE LA MOTIVATION Pour Kettler, marque de fitness allemande bien implantée sur le marché européen, l’innovation est le maître-mot de la stratégie commerciale. Les produits sont connectés et couplés à des applications mobiles. Avec l’application S-Fit, votre smartphone devient une console de pilotage, comme le souligne Olivier Pantel, Directeur Général : « L’idée c’est de travailler sur la motivation des clients. La principale difficulté est le maintien de la motivation après l’acte d’achat. Nous avons travaillé sur trois types de motivations, l’une ludique qui permet de se connecter et de choisir un repas que l’on a pris à midi par exemple et au fur et à mesure que l’on pédale on voit le plat disparaître. L’effacement total du plat correspond au nombre de calories ingérées puis brulées durant l’exercice physique. Après il y a plus classiquement les challenges où l’on fait un chrono sur une étape du tour de France, d’Espagne ou d’Italie, puis ensuite on se compare entre copains sur Twitter ou Facebook. Enfin il y a des programmes d’entraînement traditionnels pour cyclistes exigeants. »

TOP CHRONO

163


DOSSIER | HOME-TRAINING

S’ENTRAÎNER SANS METTRE UN ORTEIL DEHORS DOSSIER

# 3 • JAN-FÉV 2014

SÉQUENCE RÉÉQUILIBRAGE

V

ous vous sentez parfaitement à l’aise dans votre geste technique, jusqu’au jour où vous croisez un vélo qui vous dit le contraire : vous voilà assis sur sa selle, face à son moniteur qui vous indique tout d’abord que votre jambe gauche pousse plus fort que la droite (52% à gauche et 48% à droite). Vous croyiez être un pur droitier, c’est raté. Vous restez malgré tout sur la selle et vous attachez ensuite à regarder le graphe polaire, qui dessine un « 8 », indiquant nettement un temps mort dans votre SÉQUENCE RÉÉQUILIBRAGE | DES ENTRAÎNEMENTS TRÈS tour de pédale. Comprenez : vos ischios ne travaillent pas, vous ne péSOLLICITANTS | TROIS TYPES dalez pas « rond ». Vous vous apercevez ensuite que l’angle de poussée D’ENTRAÎNEMENTS HOMETRAINING maximum de votre jambe est à environ 110° (90° correspondant à une pédale à l’horizontale), alors que votre jambe droite s’obstine à pousser à 90°, voire en dessous. Les données réalisées auprès de larges populations de cyclistes montrent que cet angle doit être compris entre 105 et 115 (poussée maxi légèrement avant l’horizontale), et que la différence gauche-droite doit être au maximum de 5%. Diagnostic : peut-être une vieille blessure vous empêche-t-elle de dérouler comme il faut la jambe droite. Remède : utiliser ces données pour vous améliorer. Et vous rééquilibrer non seulement en vélo, mais pour tous les sports qui nécessitent l’usage de vos jambes.

PRÉCÉDEMMENT : COMME À LA MAISON | 7 BONNES RAISONS POUR CÉDER AU HOME-TRAINING | 7 BONNES RAISONS POUR NE SURTOUT PAS « HOME-TRAINER » | LE TOUR DE FRANCE DANS SON SALON | L’INNOVATION AU SERVICE DE LA MOTIVATION

164

CORRECTION

Ce graphe en forme de cacahuète est typique de la plupart des cyclistes : la transition entre jambe gauche (à gauche sur le graphe) et droite montre une perte de puissance peu marquée. Un cycliste au coup de pédale parfait aurait un graphe parfaitement ovale. Un débutant aurait un graphe en forme de huit bien marqué. L’angle de poussée maximum est indiqué par la partie verte.


PRÉCAUTIONS

DES ENTRAÎNEMENTS TRÈS SOLLICITANTS Un entraînement à l’intérieur est très sollicitant pour l’organisme, notamment à cause de la chaleur. Quel que soit le matériel utilisé, suivez le protocole suivant pour les séances courtes (moins de deux heures) et les séances intenses :

SÉANCES

TROIS TYPES D’ENTRAÎNEMENTS HOME-TRAINING Si vous pratiquez un sport d’endurance, quel qu’il soit, vous allez chercher à développer vos capacités cardio-respiratoires, et la capacité de vos muscles à tenir un effort long et régulier, mais aussi votre puissance, votre gainage. Le triptyque de base sera le tapis de course, le vélo, et le rameur, à choisir en fonction de votre sport, s’il sollicite plutôt le haut ou le bas du corps. Dans tous les cas, vous pouvez avec ces appareils reproduire l’intégralité de vos séances d’extérieur : fractionnés, séances au seuil, séances longues, et même séances de côtes. Le gros avantage du home-training réside dans la possibilité de faire des séances très précises, et très régulières. Le contenu de votre séance peut alors être de trois types :

1 - FRACTIONNÉ OU CADENCÉ Vous faites des séries en alternant accélérations plus ou moins longues et récupération. Ou alors des séances en résistance, en tenant une allure régulière soutenue. Attention, ça risque de beaucoup mouiller autour de vous ! 2 - CROSS-TRAINING Vous alternez plusieurs exercices intenses, enchainés rapidement et sans temps de pause. Par exemple, vous pouvez imaginer 300 m de tapis très rapide, puis 20 pompes, puis 40 abdos, puis 20 flexions sur les jambes. Récupérez une ou deux minutes, et recommencez 3 ou 4 fois. 3 - LONG ET TRÈS LONG Pour ce type d’entraînement, pas besoin d’échauffement ni de retour au calme… Déconnectez le cerveau, calez-vous sur une vitesse très confortable, entre 60 et 70% de votre fréquence cardiaque maximale, et tenez le plus longtemps possible. Le défi est multiple : il faut résister à l’envie d’accélérer, résister à l’ennui, trouver en vous les ressources pour vous motiver, profiter de la lenteur pour réaliser un geste parfait, et aller chercher ce point où la facilité du début se transforme en difficulté mentale et physique. Bienvenue dans l’ultra.

165 TOP CHRONO

- Hydratez-vous environ une demi-heure avant le début de la séance. - Munissez-vous d’une serviette, à garder à portée de main, et de quoi vous hydrater. - Échauffez-vous entre 15 et 20 mn, par exemple de la façon suivante : 2 mn très tranquille, puis augmentation par 5 paliers de 2 mn jusqu’à atteindre votre vitesse de croisière, puis 2 mn très tranquille à nouveau, 3 accélérations de 10 secondes entrecoupées d’une minute de récupération, 3 ou 4 mn très tranquilles. - Faites votre séance en n’oubliant pas de boire régulièrement une gorgée d’eau ou de boisson minéralisée. - 10 mn de retour au calme. - Hydratez-vous dans les heures qui suivent (eau ou boisson minéralisée de préférence).


AU CŒUR DU SYSTÈME | LA SÉANCE VMA

AU CŒUR DU SYSTÈME

LE BUT D’UNE SÉANCE DE VMA N’A JAMAIS ÉTÉ DE DÉVELOPPER LA VMA

© Ammentorp - Fotolia.com

# 3 • JAN-FÉV 2014

166

Dans « au cœur du système » nous entrons dans les détails du fonctionnement de notre corps lors de la pratique sportive.

La séance de fractionnés en course à pied : personne1 n’aime, la plupart en font, mais qui la fait bien et en sachant à quoi elle sert ? Explication et évaluation de la VMA, construction d’une séance de fractionnés : la vérité sur la Vitesse Maximale Aérobie. Par Gildas Penverne


S

i l’on veut gagner en vitesse dans sa spécialité de course à pied hors stade, il est bon d’introduire des séances de VMA (Vitesse Maximale Aérobie) : tout le monde vous le dira. Tout le monde vous dira aussi que ces séances se présentent sous forme d’effort fractionné, avec des fractions courues proches de sa VMA et des fractions courues plus lentement histoire de récupérer. Exemple : 20 fois 30 secondes à 100% de sa VMA avec 30 secondes de récupération en trottant (abrégé de la sorte : 20x30’’ à 100% VMA r : 30’’ trot). Et tout le monde y va de sa petite méthode pour que les fractions d’effort soient courues le plus vite possible : récupération en marchant, rallongement des fractions de récupération, dernières fractions courues plus vite, etc. Oui mais voilà : au travers d’une séance de VMA, on ne cherche pas à développer une vitesse ; autrement dit, le but d’une séance de VMA n’a jamais été de développer la VMA !

LA VMA C’EST QUOI AU JUSTE ? Si vous feuilletez la plupart des livres de théorie, on vous expliquera que la VMA est la vitesse que l’on a lorsque notre consommation d’oxygène est à son maximum : vous avez beau inspirer davantage d’air, votre corps n’utilisera pas plus d’oxygène. C’est le VO2 Max, le volume maximum d’oxygène utilisé.

LE BUT D’UNE SÉANCE DE VMA

Il faut donc comprendre que pour optimiser une séance de VMA, il ne faut pas chercher à courir le plus vite possible, mais il faut que votre consommation d’oxygène soit intensive et cumulée. Pour ça on va d’abord courir une fraction d’effort pendant laquelle on va créer une dette d’oxygène2, pour ensuite durant la phase de récupération stimuler le processus aérobie pour éliminer cette dette. D’où l’importance de fractions de récupération courtes et actives (en courant à 60% VMA c’est très bien). En outre, ces fractions de récupération vous permettant justement de… récupérer, vous allez pouvoir rester à votre VO2 Max bien plus de temps que si vous couriez d’un trait à votre VMA.

© Stefan Schurr - Fotolia.com

Dans la définition précédente, je vous parle du VO2 Max, et c’est bien ce volume maximum d’oxygène qu’il s’agit d’augmenter au travers d’une séance de VMA. On va me dire que je chipote, que la VMA est juste la traduction du VO2 Max (exprimée en ml/min/kg) en vitesse (exprimée en km/h) pour le rendre concrète et applicable sur le terrain, mais ce n’est pas entièrement vrai. En effet, le VO2 Max n’est pas le seul paramètre qui entre en compte dans la vitesse, a fortiori dans la VMA : il y a aussi la force, la capacité lactique, l’efficacité de la foulée, le mental, et d’autres paramètres à moindre mesure.

167 TOP CHRONO

Même si ça peut paraître clair, le problème avec cette définition est qu’elle est trop simplifiée : en effet, si je cours un certain temps à 95% VMA, j’arriverai quand même à VO2 Max, si je cours à 105% aussi, et même à la fin d’un 400 mètres couru le plus vite possible. Disons que la VMA est la vitesse la plus rapide faisant encore intervenir l’oxygène de manière prioritaire dans la production d’énergie (dans la synthèse de l’Adénosine Triphosphate pour les spécialistes de la physiologie).


AU CŒUR DU SYSTÈME | LA SÉANCE VMA

COMMENT CONSTRUIRE UNE SÉANCE DE VMA ? Il faut bien retenir que la consommation d’oxygène durant la séance doit être intensive et cumulée ; il faut donc que les fractions d’effort soient courues suffisamment rapidement pour progressivement monter et rester à VO2 Max, et que les fractions de récupération soient suffisamment courtes pour que cette consommation reste cumulée, mais suffisamment longues pour permettre de récupérer partiellement et pour rester à VO2 Max le plus longtemps possible. La première chose à faire est de connaître sa VMA. Pour ça il existe une multitude de tests d’évaluation, certains fiables comme le VAMEVAL3, d’autres approximatifs comme le demicooper4, et d’autres enfin complètement gadgets. Cette variété dans l’efficacité des tests peut donner des résultats pouvant varier de 2 km/h. Pour faciliter les choses je vais vous donner la méthode que j’ai mise au point, parce qu’elle est fiable et facile à mettre en place. L’inconvénient de cette évaluation est que l’athlète doit déjà savoir « instinctivement » à quelle allure courir les fractions d’effort et s’adresse donc à des athlètes ayant déjà l’habitude de faire des séances de VMA. Pour les autres ça va venir.

# 3 • JAN-FÉV 2014

168

LA CONSOMMATION D’OXYGÈNE DURANT LA SÉANCE DOIT ÊTRE INTENSIVE ET CUMULÉE Le process à mettre en place est le suivant : il faut courir dix fois 60 s entrecoupées de 40 s de récupération (10x60’’ r 40’’). L’allure sur les 60 s doit être régulière et vous mener à finir la séance « sur les genoux ». L’allure de récupération est de 60% de l’allure rapide (footing lent). Votre VMA est la vitesse moyenne à laquelle vous avez couru les 60 s d’effort. Bien entendu, vous n’allez pas courir 60 s et mesurer la distance parcourue, mais plutôt prendre la distance la plus proche que vous parcourriez en 60 s (ex : 300 m), puis faire une moyenne des temps obtenus. Voir l’encadré « Déterminer sa VMA ».

LE VOLUME ET L’INTENSITÉ DE LA SÉANCE Le volume de votre séance de VMA va dépendre de l’intensité des fractions d’effort. On peut diviser les séances en deux groupes : la VMA courte et la VMA longue. La VMA courte Son but est vraiment de développer la VO2 Max. Elle se court à une intensité comprise entre 100 et 105% VMA, sur des fractions ne dépassant pas les 70 s d’effort, et doit être d’un volume de 600 s en une série (ex : 20x30’’/30), de 700 s en deux séries (ex : 2x7x50’’ r :40’’ R :1’20’’)5 ou de 800 s en trois séries (ex : 3x6x40’’ r :30’’ R :1’). Pour plus de précision et d’efficacité, les fractions d’effort de 50 à 60 s doivent être courues à 100% VMA, de 40 à 50 s à 101% VMA, et de 30 à 40 s à 102-103% VMA. La VMA longue Son but est surtout de travailler le temps de soutien de son VO2 Max. Elle se court à 97 ou 95% VMA sur des fractions allant de 70 à 120 s. Son volume pour une vitesse de 97% VMA doit être de 800 s en une série (ex : 10x80’’ r :55’’), de 1000 s en deux séries (ex : 2x5x1’40 r :60’’ R :2’) ou de 1200 s en trois séries (ex : 3x5x80’’ r :50’’ R :1’40). Pour une vitesse de 95% VMA, compter 1000 s en une série (ex : 12x80’’ r :50’’), 1200 s en deux séries (ex : 8x80’’ r :50’’ R :1’40 + 7x80’’ r :50’’) ou 1400 s en trois séries (ex : 3x5x90’’ r :55’’ R :1’50).


PRATIQUE

DÉTERMINER SA VMA Vous estimez que vous pouvez parcourir 280 m en 60 s, et vous décidez donc que vos fractions rapides seront de 10 fois 280 m. Votre récupération sera de 40 s (60-20). Vous pouvez faire cette récupération sur la piste, 200m mais aussi couper le terrain (schéma 1), ou même changer de sens (schéma 2), c’est le temps et l’allure qui comptent. Note : il vaut mieux faire vos fractions en 55 s qu’en 65 s. Une fois le test fait, la moyenne des 280 m donne 58 secondes (donc vous 300m aurez couru vos récups en 38 s 100m de moyenne), votre VMA est de 58 s aux 280 m donc de 17,4 km/h (3600x280 divisé par 58). Respectez bien l’intensité de course de la récup sinon vous allez être surévalué. 400m

© WavebreakmediaMicro - Fotolia.com

300m

200m

Dans la mesure du possible, terminez votre fraction d’effort en ligne droite

280m 58s 100m 300m

400m

200m

Schéma 2

Oui, courir à l’envers sur un stade est autorisé, faites juste attention aux autres !

100m

400m

169

200m

Jouez avec la piste du stade : autorisez-vous à traverser le terrain ou à courir à l’envers !

300m

100m

400m

LA DURÉE DES RÉCUPÉRATIONS Là, ça se complique un peu parce que tout le monde ne récupère pas de la même façon. Il va falloir analyser la séance avec un cardio-fréquencemètre pour voir à quel moment vous êtes à VO2 Max. Dans le meilleur des cas, la fréquence cardiaque à la fin des fractions d’effort augmente progressivement pour arriver à un seuil et se stabiliser : il s’agira de votre fréquence cardiaque maximale (FCMax). Notez bien que lors d’une séance de 30/30, quel que soit le nombre de fractions courues, vous ne monterez jamais à votre FCMax car les fractions sont trop courtes. Malheureusement l’augmentation progressive de la fréquence cardiaque est loin d’être une généralité, et la plupart des athlètes n’ont pas un cœur aussi régulier. Néanmoins si vous analysez votre séance vous pourrez remarquer qu’arrivé aux trois-quarts environ de la séance, il se passe quelque chose : soit le corps va chercher à se défendre, comme pour dire « halte », et vous allez courir soudainement une fraction plus lentement (sur 10 fois 400 m, les gens habitués disent fréquemment que la plus dure est la 7e) ; ou alors votre FC va brusquement augmenter pour, sur les fractions suivantes, redescendre brutalement sur une fraction, pour remonter sur les suivantes et se stabiliser ; soit au contraire l’organisme va s’emballer et vous allez soudainement courir une fraction plus vite ou votre FC va brusquement augmenter pour sur les fractions suivantes redescendre et se stabiliser. Bref, il faut un minimum d’analyse pour déterminer votre FCMax. Une fois ceci fait, il va falloir déterminer le temps des fractions de récupération de telle sorte que votre FC soit à la fin de celle-ci de…

TOP CHRONO

Schéma 1


AU CŒUR DU SYSTÈME | LA SÉANCE VMA

Pour la VMA longue votre FCMax moins 15 % : Exemple : votre FCMax est de 190 : votre FC à la fin de cette fraction de récupération devra être de 190 – 15% (donc – 28 ), soit 161. En moyenne, les récupérations, suivant l’athlète et la durée des fractions d’effort, sera comprise entre 45 et 70 s. Pour la VMA courte pour les fractions courues à 100% VMA sur des fractions d’effort de 50 à 60 s : votre FCMax moins 10% (en moyenne votre temps de course moins 20 s). pour les fractions courues à 101% VMA sur des fractions d’effort de 40 à 50 s : votre FCMax moins 7% (en moyenne votre temps de course moins 10 s). pour les fractions courues à 102-103% VMA sur des fractions d’effort de 30 à 40 s : votre FCMax moins 5% (en moyenne votre temps de course moins 3 s).

LA VMA ET L’ULTRA MARATHON Il existe peu de corrélation entre la performance en ultra-marathon et la VMA, néanmoins les courses d’ultra sont quand même des efforts aérobies et il est indispensable durant la préparation générale de chercher à développer le processus aérobie. Pour cela, parce que c’est plus efficace et que ça limite le risque de blessure (à condition que la progressivité et le volume des séances soit adaptés à l’athlète), il faut chercher à le développer en intensité et en endurance. Attention toutefois à ne pas travailler la VMA comme si on préparait un dix kilomètres !

# 3 • JAN-FÉV 2014

170

Tableau 1 : Une semaine de préparation générale donnée à Benjamin David (10e de la TDS* en 2012)

LUNDI

MARDI

MERC.

JEUDI

Échauffement + 1x300m en 54’’ r:36’’ + 18x200m en 36’’ r:34’’ FR:10’

Stepper 30’ R3 + Pompesabdos-gainage + Rameur : 30’ R1 à R3 suivant sensations

Footing 45’ à 5’05 le km + PPS légère + 5x100m 100% VMA r:15 à 20’’ + 5x2000 en 3’46 le km r:1’ trot FR:5’

REPOS

VEND.

SAMEDI

DIMAN.

Échauffement + en côtes à 110%VMA 2x90’’ r:3’ 7x30’’ r:1’ FR:10’

Montagne Ski de rando

REPOS

En phase de préparation spécifique l’intérêt de la séance VMA est plus relatif : autant pour un coureur de 100 km de bon niveau il est indispensable de continuer les séances d’entretien de la VMA, autant pour un coureur de 24 heures, un coureur âgé, ou selon la motivation et les objectifs futurs du coureur, et surtout selon l’approche que l’on a de l’endurance aérobie, on pourra s’en passer. Néanmoins, on n’est pas en train de parler de développer la VO2 Max, mais de développer le processus aérobie, ce à quoi peut largement contribuer une séance de VMA.

FR : footing de récupération /

Footing /

Footing nature /

Vélo /

Sortie longue /


Tableau 2 : Préparation spécifique 100 km donné à Julie Chaboud, championne de France 2012 de 100 km

LUNDI

MARDI

MERC.

JEUDI

VEND.

SAMEDI

DIMAN.

Footing 50’ à 5’15 le km + PPS lègère, étirements + 5x100m à 100% VMA + 1x4000m en 4’10 le km r:1’30 + 5x1000m en 4’10 R:1’ FR:5’

Stepper R1:15’ R2:10’ R3:20’ + Pompesabdos-gainage + Rameur : 30’ R1 à R3 suivant sensations

ALLURE VARIÉE 45’ à 5’15 le km +30’ à 5’/5’05 le km +15’ a 4’45’ le km +PPS Lègère +5x100m à 100% VMA r:100m trot

Terrain vallonné 75’ à 5’15 le km + PPS Lègère + 5x100m à 100% VMA r:100m trot

Échauffement + 4x450m en 1’39 r:57’’ + 7x400 en 88’’ r:55’’ FR:10’

3h00’ à 5’15 le km (allure spécifique)

REPOS

MARDI

MARDI

MATIN

REPOS

MERC.

JEUDI

MATIN

60 à 65% PMA

REPOS

VEND.

Footing 30’ à 4’55 le km + travail d’appui léger + 10x100m toniques + 5X1000m en 3’30 r:1’ r:2’ FR 5’ à 11 km/h

ALLURE SPÉCIFIQUE Footing 1 h10 à 11-11,5 km/h

DIMAN.

2h30 allure lente (65% VMA)

Allure spécifique Footing 3h à 11-11,5 km/h

APRÈS-MIDI

APRÈS-MIDI

MATIN

60 à 65% PMA

REPOS

APRÈS-MIDI

REPOS

SAMEDI

FARTLECK Footing 50’ à 4’55 le km + 5x2’ à 3’58 le km r:2’30» + 5’ à 12 km/h

ALLURE SPÉCIFIQUE Footing 3h à 11-11,5 km/h

REPOS

REPOS

Vous remarquerez dans cet exemple que durant l’échauffement des séances d’endurance aérobie, j’invite l’athlète à faire 10 lignes droites, ce qui peut paraître beaucoup pour juste faire monter la FC en début de séance, mais en l’absence de séance de VMA cela va permettre de garder de la tonicité musculaire.

Renforcement musculaire /

Aérobie /

VMA courte /

VMA longue

TOP CHRONO

171 Tableau 3 : Préparation spécifique 24 heures donnée à Fabien Hobléa (vice-champion du monde de 24 heures à Séoul)


AU CŒUR DU SYSTÈME | LA SÉANCE VMA

Pour l’ultra-trail, au hasard un 100 miles, on pourrait se calquer sur la logique du 24 heures, mais ce serait dommage car une séance de VMA peut avoir d’autres avantages. Une simple séance de VMA courte d’entretien (d’un volume de 400 à 450 s) en côtes avec pour consigne de se grandir et d’être plante de pied, sera un excellent exercice de renforcement musculaire, de travail d’appui, de tonicité musculaire, et la différence se fera surtout sentir lors de relances. Tableau 4 : Plan donné à Julien Chorier pour la Hardrock* (100 miles ) en 2011

LUNDI

MARDI

MERC.

JEUDI

VEND.

SAMEDI

DIMAN.

40’ à 4’30 le km + PPS Lègère + 5x100m à 100% VMA r:15 a 20’’ + 5x1000m en 3’20 r:1’ FR:5’

Terrain vallonné 1h20 à 65/70% PMA

Footing 20’ + PPS légère, étirements + 14x30’’ à100% VMA r:30’’ + 45’ sur terrain vallonné à 65/70% VMA

Terrain vallonné 4h30 à 65/70% PMA

Terrain vallonné 2h à 65/70% VMA avec une montée continue d’au moins 30’

Terrain vallonné 2h à 65/70% PMA

REPOS

© william87 - Fotolia.com

# 3 • JAN-FÉV 2014

172

Je pense que le principal est dit. Si certaines personnes mal à l’aise avec les chiffres ont trouvé la construction d’une séance de VMA un peu difficile à suivre, ou si vous avez du mal à analyser vos séances de VMA, je vous invite à aller sur le mur Facebook du « Team Savoie Endurance » et de m’exposer votre problème, je me ferai un plaisir de vous aider à construire vos séances de VMA. 1 Si toutefois vous aimez les séances de fractionnés, merci de nous écrire à redaction@ultramag.fr, nous nous ferons un plaisir de vous interroger sur votre petite enfance. 2 La dette d’oxygène est la différence qu’il y a entre la consommation d’oxygène avant un effort et après un effort, à condition qu’il y ait eu manque d’oxygène durant l’effort. Si à la fin d’un footing je suis essoufflé, c’est juste pour éliminer le surplus de CO2, il n’y a pas de dette d’oxygène. 3 VAMEVAL : à réaliser avec un encadrement, sur un stade dont la piste est équipée de plots espacés de 20 m chacun, le coureur devant atteindre le plot suivant dans une durée qui se réduit au fur et à mesure du test (la vitesse augmente donc). La distance parcourue divisée par 100 correspond à la VMA. 4 Demi-cooper : parcourir la plus longue distance possible à allure régulière en 6 mn ; la VMA est la distance obtenue en mètres divisée par 100. C’est un bon indicateur de progression, mais sachant que le temps de soutien de la VMA est situé entre 4 et 8 mn, voire 9 mn pour les meilleurs athlètes, il n’est pas parfaitement fiable. 5 Le R majuscule indique le temps de récupération entre les séries de fraction.


TOP CHRONO

173

EVENT


TOUT DANS LA TÊTE | LE DIALOGUE INTERNE

TOUT DANS LA TÊTE

# 3 • JAN-FÉV 2014

174

C’EST TA VOIX QUI TE PARLE

L’AUTEUR

MÉLANIE PIAU

© Red Bull House Media

POSITIVE ATTITUDE INSIDE Forte de son expérience dans le monde du secours d’urgence et passionnée par l’être humain, Mélanie s’est formée à l’Institut International de Coaching pour accompagner chaque personne, sportive ou non, vers l’atteinte de son objectif. De nature très optimiste, elle a pour habitude de s’appuyer sur ce qui va plutôt que de souligner ce qui ne va pas… Dans le domaine du sport, Mélanie accompagne des coureurs de tous niveaux en recherche de performance pure ou d’une meilleure approche de leur activité. http://alabonheur.wordpress.com/


A

llez sois courageux ! Je vais tous les rattraper… Encore un effort… Je suis vraiment trop nul pourquoi j’ai mangé ce truc au ravito ? » Mais au fait, suis-je le seul à être habité par toutes ces petites voix ? Suis-je fou ?

«

CROIS EN TOI Rassurez-vous : vous êtes normal. Tout sportif (ou non d’ailleurs) a déjà eu ce genre de dialogue interne, qu’on appelle, dans le cadre de la préparation mentale, le dialogue interne, comme quoi les choses sont bien faites ! Nous avons tous en effet un processus de pensées, qu’il soit positif ou négatif, à tout moment de la journée, et parfois nous le mettons en scène sous forme de conversation, dans notre petite tête. Nous allons ici nous intéresser au dialogue lié à l’effort. Avant tout, il faut prendre conscience que ces petites voix sont extrêmement puissantes : elles peuvent nous encourager, mais aussi nous juger et nous condamner. Dans le premier cas vous imaginez sans peine les bénéfices dans le cadre de votre pratique sportive, dans les deux suivants c’est bien évidemment l’inverse. L’exemple typique est celui du cycliste bien au chaud dans un peloton qui se répète juste avant le sprint final « Je suis cramé je n’en peux plus les autres sont plus frais que moi »

SI T’ES FOUTU, T’ES FOUTU

Nous savons en effet que notre corps, notre mental et notre émotionnel fonctionnent ensemble. Il suffit de se visualiser à l’arrivée pour que le mental tracte le physique jusqu’au bout (voir l’article du numéro précédent), et a contrario, si une petite voix tourne en boucle « et voilà, je me fais rattraper et doubler… je suis foutu ! », celle-ci va jouer sur votre état émotionnel, puis mental, puis sur votre physique. Ainsi côté négatif, vous avez vite fait de vous déconcentrer en vous coupant de vos sens et en altérant la réalité : une côte devient bien plus raide dans votre tête que sur le terrain, et vous ne cessez de vous répéter « qu’est-ce qu’elle est dure ! » L’énergie que vous devriez placer dans votre concentration est alors absorbée par cet échange interne qui vous obnubile. Le dialogue interne peut également vous dévaloriser, comme dans le cas de notre cycliste chez qui ce petit doute débarque, ou cette perte de confiance dans notre capacité à réussir.

TECHNIQUE

DIALOGUE INTERNE À HAUTE VOIX ?

Dire tout haut ce que vous pensez tout bas… cela vous est-il déjà arrivé ? En pensant à des affirmations positives d’encouragement par exemple, il est intéressant d’utiliser un porte-voix (sa voix) pour augmenter la puissance du dialogue interne. Pensez à la pub « je suis une super maman » ou « c’est moi le patron » et voyez comme la maman et le patron sont soulagés ! Dans le cas de pensées négatives, les extérioriser peut donner l’occasion à votre compagnon de course de vous encourager, ou si vous êtes seul, c’est le meilleur moment pour faire de l’autodérision…

175 TOP CHRONO

Est-ce normal de se parler à soi-même, de s’encourager ? Bien sûr ! Et c’est même très utile lorsqu’on sait faire passer le positif au-dessus du négatif. Écoutez vos voix…

et qui ne va effectivement pas gagner le sprint… Non pas parce qu’il est à bout, mais parce qu’il s’en est persuadé. Les autres ne sont peut-être pas en meilleur état que lui, mais ils croient en leurs capacités, en leur chance.


TOUT DANS LA TÊTE | LE DIALOGUE INTERNE

ADAPTATION

PERSONNALISER SES PENSÉES Vous êtes plutôt ange ou démon ? Pour vous booster pendant la course il vous faut plutôt des pensées corsées du genre « bouge-toi les fesses fainéant !» ou douces comme « j’ai confiance en moi je suis capable de griller la prochaine » ? Notre dialogue interne est puissant alors n’hésitez pas à le personnaliser à votre avantage et suivant la situation. Au passage prévenez vos proches ou compagnon de course de ce dont vous avez besoin… cela évitera bien des agacements !

bouge-toi les fesses fainéant !

Comme le dit Lewis Carroll, « S’il est impossible de ne pas penser à quelque chose, il reste encore possible de penser à autre chose. » En clair, si vous êtes face à un souci qui obnubile vos pensées, ce n’est pas en essayant de ne plus y penser que vous vous en détacherez, mais plutôt en remplaçant ces pensées négatives par d’autres, positives, que vous parviendrez à peut-être trouver une solution. Ainsi, si lors d’une épreuve vous souffrez d’ampoules, tâchez de vous concentrer sur vos jambes qui sont en bon état, ou toute autre chose positive, qui vous évitera de tenir un dialogue interne négatif centré sur les ampoules (« Qu’est-ce que ça fait mal ! ») qui vous mènerait à l’abandon au prochain ravitaillement.

LA VOIX DU DIALOGUE

OUBLIEZ TOUS VOS SOUCIS

De la même manière que chacun d’entre nous est doté d’une personnalité propre, nos dialogues internes diffèrent tous les uns des autres. Certains ont tendance à positiver, pour d’autres c’est l’inverse (voir l’encadré « Personnaliser ses pensées »). La bonne nouvelle, c’est que quelle que soit sa tendance de base, on peut faire en sorte de l’entraîner pour l’utiliser à bon escient. Comment utiliser ces petites voix pour améliorer notre performance ? Au menu : un peu de persévérance, un brin de courage et un seau de motivation, cela en vaut largement la peine quand vous verrez les résultats immédiats qui découlent de ces pensées positives. Bien sûr, ceci est valable pour le sport, mais il serait dommage de s’en priver dans les autres domaines !

Côté positif, les petites voix peuvent vous aider à acquérir confiance en vous - « je sais que j’en suis capable » - mais aussi provoquer un changement d’état interne et ainsi vous aider à positiver et à voir les choses sous un meilleur angle. Par exemple si vous vous sentez stressé à l’approche d’un évènement, concentrez votre dialogue interne sur les ressources dont vous disposez pour affronter cet évènement : MATÉRIEL il n’en faut pas plus pour retrouver confiance en vous. Cet échange interne va également vous aider à avoir une meilleure concentration, cette fameuse « bulle » dans laquelle on se sent bien et où résonnent des voix positives et entraînantes : « je suis concentré, rien ne me perturbe, je vais gérer mon effort, j’ai un bon entraînement et le soutien moral dont j’ai besoin, je sais que ça va bien se passer ».

MUSIQUE… OU PAS ?

Dans les courses, surtout en ultra, on observe de plus en plus de coureurs avec des écouteurs sur les oreilles. Cette « bulle » musicale peut avoir des avantages, comme des inconvénients, à chacun de s’y retrouver. En effet pour les uns la musique sera un catalyseur, pour d’autres elle coupera complètement leur dialogue interne. Attention à utiliser la musique à bon escient !

© Teracreonte - Fotolia.com

# 3 • JAN-FÉV 2014

176

Ces petites voix jouent aussi un rôle important en cas de douleur ou de mal-être : votre attention va se mobiliser dessus, et accentuer la gêne en répétant sans cesse le problème.


TROMPEZ VOTRE ESPRIT Dans un second temps, il va falloir remplacer le négatif par du positif. Ça ne demande pas forcément un gros effort, juste un peu d’attention. Par exemple, remplacez « c’est trop dur je n’en peux plus » par « je peux le faire, j’ai les ressources nécessaires pour y arriver ». Concrètement, cette substitution peut se produire pendant une séance de fractionnés. Une petite astuce : pour ne pas partir dans un dialogue interne destructeur, surtout si vous en avez l’habitude, ou tout simplement pour reposer votre cerveau, vous pouvez essayer de « tromper » votre esprit en le distrayant. Vous pouvez par exemple compter vos foulées ou caler votre respiration sur vos foulées (lire l’encadré sur la marche

VOCABULAIRE

LES TERMES À ÉVITER EN DIALOGUE INTERNE

Attention lors de vos dialogues internes à ne pas utiliser de termes ou expressions vous incitant au fatalisme, à la passivité, car ceci ne vous conduirait à rien de bon. Voici quelques expression à éviter :

Je n’ai pas de chance / C’est comme ça… / De toute façon… / Je suis comme ça / J’espère que… / Je vais essayer… Soyez plutôt constructif, actif : n’espérez pas que quelque chose va vous sauver, AGISSEZ !

afghane), ou faire comme Serge Girard des exercices mentaux. Ce dernier a traversé tous les continents en courant, cumulant des milliers de kilomètres à raison de 75 km environ par jour sans jour de repos ; il a l’habitude de faire du calcul mental afin de passer le temps et ainsi lutter contre la fatigue physique et surtout morale. Nous n’allons pas vous obliger à devenir un pro des maths, mais juste vous encourager à trouver votre propre voie : celle qui vous permettra de tirer parti de toutes ces voix qui se bousculent dans votre tête.

TECHNIQUE

MARCHE AFGHANE Applicable à la course à pied, cette technique a été inventée par les chameliers pour économiser de l’énergie dans la traversée des déserts et des montagnes afghanes. Elle consiste à caler sa respiration sur sa foulée dans le but de régénérer/harmoniser le souffle et ainsi reposer le cœur. Chaque fouINSPIRATION

MAINTIEN

lée correspond à un temps d’inspiration ou d’expiration. Le rythme classique (qui peut être adapté à chacun) est : Inspiration sur trois pas ; Maintien des poumons pleins lors du 4e pas ; Expiration sur trois pas ; Maintien des poumons vides lors du 4e pas. EXPIRATION

MAINTIEN

177 TOP CHRONO

Dans un premier temps, il est nécessaire de prendre conscience de son dialogue interne. Faites deux colonnes sur une feuille, à gauche vous inscrirez les voix négatives, à droite les positives. Observez lors d’un entraînement, d’une course, ou même dans le cadre de votre boulot ou de votre vie quotidienne votre dialogue interne, et reportez tout ceci sur votre feuille. Vous obtiendrez alors au bout de quelques jours ou semaines un état assez précis de votre dialogue interne : avez-vous plutôt tendance à vous encourager ou à vous décourager ?


SUR LE BOUT DES DOIGTS | ECO-TRAIL DE PARIS

# 3 • JAN-FÉV 2014

178

SUR LE BOUT DES DOIGTS

ECO-TRAIL DE PARIS : FEU VERT POUR L’ULTRA

© Anthony Chaumontel

L’Eco-Trail de Paris a tout misé depuis sa création sur l’éco-responsabilité. Un pari réussi, alors que la 7e édition approche. Mais cet événement a également réussi à rassembler des populations très diverses, du randonneur au coureur d’ultra, en passant par le jogger du dimanche. Par Philippe Billard


A

nnée après année, l’Eco-Trail de Paris creuse son trou, patiemment. De tours de force en nouveautés, les créateurs ont réussi à, tenez vous bien : monter l’arrivée du 80 km au premier étage de la Tour Eiffel (en travaux en 2013 et 2014), faire partir le 50 km du Château de Versailles, dessiner des parcours en proche banlieue avec plus de 90% de sentiers et, à l’aube de cette septième édition, rassembler près de 10 000 coureurs sur quatorze départs d’épreuves, du trail à la marche nordique, en passant par la rando.

ALLER SIMPLE VERS LA CAPITALE

Et maintenant, vous êtes au départ d’une course de 80 km, un aller simple pour la capitale… Vous ne nous croyez pas ? Imaginez simplement, et ensuite on verra si finalement ça ne vous tente pas un peu…

DÉTAIL

© Arnaud Chabanol

• • • • • •

Distance : 80 km Dénivelé positif : 1500 m Type : course à 90% sur chemins Lieu : St-Quentin-en-Yvelines - Paris Édition : 7e en 2014 Date : 29 mars 2014

• Temps limite : 13 heures • Autres formats : 50 km, 30 km, Twin Santé 18 km, plusieurs randonnées et marches nordiques • Site internet : www.traildeparis.com

179 TOP CHRONO

Si nous allons détailler ici essentiellement la « grande course », c’est-à-dire le 80 km, il ne faut pas oublier le « éco » de « Eco-Trail ». Ce « éco » fait écho à un ensemble de mesures prises par l’événement pour sensibiliser et agir sur le front de l’éco-responsabilité. Concrètement ? 18 000 euros versés en 2013 aux différents partenaires à dimension écologique, humanitaire ou culturelle. Et puis ? De nombreuses actions telles que la suppression quasi totale des gobelets jetables, des petites bouteilles d’eau, l’utilisation de rampes à eau, le tri sélectif, l’incitation à l’utilisation de transports « doux », la réalisation d’un bilan carbone et la compensation carbone avec « Love The World ».


SUR LE BOUT DES DOIGTS | ECO-TRAIL DE PARIS

PARCOURS

VERT LA TOUR EIFFEL Même s’il y a de bonnes petites côtes sur le parcours de l’Eco-Trail de Paris, ce ne sera sans doute pas votre principal souci. Le souci, c’est que 80 km, ça commence à faire long, surtout quand on part à midi et qu’il faut arriver avant une heure du matin. L’autre souci, c’est qu’il n’y a pas tant de ravitaillements que cela…

KM 0 Départ de la base de loisirs de Saint-Quentin en Yvelines. C’est tout plat pendant environ 13 km. Profitez-en pour grappiller un peu de temps sur votre moyenne horaire mais pas trop fort ou vous risquez de grosses déconvenues dès les premières côtes.

©

© Anthony Chaumontel

Bois de Boulogne CHAMP DE MARS

SAINT-CLOUD

Bois des fonds maréchaux

BOULOGNE BILLANCOURT

VILLE D’AVRAY

VERSAILLES

Forêt Domaniale de Versailles

LE TRAIL 80KM

VÉLIZY VILLACOUBLAY

LE TRAIL 50KM

BUC

140 M

50 KM

60 KM

.......

40 KM

.......

30 KM

.......

20 KM

.......

10 KM

.......

0 KM

.......

0M

.......

70 M

70 KM

.......

................. OBSERVATOIRE DE MEUDON

...................... SÈVRES

LE TRAIL 30KM

.................. MEUDON

................... BUC

.................... GUYANCOURT

GUYANCOURT

210 M

Bois de Clamart CLAMART

VIROFLAY Forêt Domaniale de Meudon

Étang de Saint-Quentin

TRAPPES

MEUDON

CHAVILLE

.......................................... PARIS

Golf Régional de Saint-Quentin

Îles Saint-Germain ISSY-LES-MOULINEAUX

SÈVRES

Forêt Domaniale de Fausses Reposes

.......

# 3 • JAN-FÉV 2014

180

80 KM


KM 11 On rentre dans les premiers petits bois, c’est toujours assez plat. KM 12 Bientôt la première côte à l’entrée des étangs de la Minière. Vous voilà dans une jolie forêt typique de l’Îlede-France. Les 10 prochains kilomètres commencent un peu à jouer les montagnes russes. KM 22 Ravitaillement complet à Buc. Jusqu’à maintenant, c’était assez tranquille. Mais là, ça commence à secouer. Si vous n’en avez pas gardé un peu sous la semelle, vous risquez de souffrir un peu. Ne zappez pas le ravitaillement, rechargez vous bien en eau, surtout s’il fait chaud. KM 32 Vous entrez dans la forêt de Meudon et si vous avez été prudent, vous serez d’attaque pour vous diriger vers le marathon. Vous êtes au cœur de la section la plus difficile en termes de dénivelé. Ça monte, ça descend, ça n’en finit plus. Mais les côtes ne sont pas trop longues, il n’y a qu’à les avaler gentiment une à une. KM 45 Ravitaillement en eau à

Meudon, et quelques kilomètres plus loin, l’observatoire de Meudon. Pour la première fois vous voyez la capitale, la Tour Eiffel qui vous attend. Prenez quelques instants. C’est beau, c’est encourageant, mais n’oubliez pas qu’il vous reste plus de 30 km. KM 55 Ravitaillement complet à Chaville. Il faut serrer un peu les dents, une dernière côte d’environ 100 m de dénivelé (énorme !), puis quelques ondulations jusqu’au km 65 et vous voilà… KM 67 … au ravitaillement complet

de Saint-Cloud. Pendant 5 km vous allez

Se préparer à l’Eco-Trail de Paris, c’est un peu comme se préparer aux 100 km de Millau. Ça ne vous avance pas ? Pour résumer : c’est relativement plat, roulant, et vous y passerez à peu près autant de temps que sur un 100 km sur route un peu vallonné. Dites-vous en premier lieu que vous allez devoir COURIR EN DESSOUS DE VOTRE VITESSE DE FOOTING HABITUELLE. Donc votre allure de course sera assez faible et très confortable. Il vous faut la travailler lors de séances allant d’une à trois heures, une fois par semaine, si possible en terrain vallonné, et éventuellement deux ou trois grosses rando-courses de 5 à 6 heures maxi. Apprenez à ALTERNER MONTÉES ET DESCENTES SANS VOUS FATIGUER, à faible allure, sans vous essouffler. C ‘est une éducation musculaire à mettre en place, de façon à alterner sans coup de pompe un effort excentrique (résistance des muscles aux chocs) et concentrique (puissance des muscles). Enfin, ne négligez pas les ENTRAINEMENTS EN INTENSITÉ. L’idéal consiste à faire des accélérations en côte. Choisissez en une si possible assez raide, à monter en une ou deux minutes, et que vous pouvez descendre en récupérant dans le même temps ou plus rapidement. Répétez entre 5 et 10 fois, sentez vous progresser, poussez fort !

descendre. Ne vous enflammez pas, la descente jusqu’à la Seine est assez cassepattes et peut compromettre votre fin de parcours. KM 72 Vous arrivez sur les quais de Seine et pour de nombreux coureurs, c’est la partie la plus difficile : plate, parfois monotone voire glauque par endroits. Une dizaine de kilomètres à enquiller, sur des petits sentiers de terre, mais aussi sur des trottoirs, le contraste peut se révéler saisissant. Si vous avez du mal, ne regardez que la Dame de Fer. C’est votre seul et unique objectif. Vous y êtes presque et vous pouvez même choisir d’accélérer, pour vous faire plaisir, ou de profiter de votre arrivée en marchant… pour vous faire plaisir aussi. KM 80 Vous voilà arrivé. En 2014, pas de Tour Eiffel, elle est en travaux, mais le Trocadéro à la place.

181 TOP CHRONO

KM 8 Quelques kilomètres dans la ville nouvelle, plutôt agréable, bien aménagée avec de jolis espaces verts.

S’ENTRAÎNER À L’ECO-TRAIL : 3 POINTS CLÉS


BEST OF BIKE 2013 POUR VOUS LE VÉLO SE PRATIQUE SUR DEUX ROUES ET IL S’AGIT D’AVANCER PLUS OU MOINS VITE POUR VOUS AMUSER, ENTRETENIR VOTRE FORME OU ALLER AU BOULOT. POUR D’AUTRES, LE VÉLO SE PRATIQUE SENS DESSUS-DESSOUS, LES PÉDALES NE SERVENT QU’À FAIRE TOURNER LE VÉLO SUR LUI-MÊME, ET VOTRE CASQUE VOUS PROTÈGE EN CAS DE CHUTE DE DIX MÈTRES DE HAUT. LE MONDE DU FREESTYLE À VÉLO A EXPLOSÉ, ET EST AUJOURD’HUI INCROYABLE DE PERFORMANCE. BEST OF 2013 DES FIGURES ET DES CONTEXTES LES PLUS INVRAISEMBLABLES.

# 3 • JAN-FÉV 2014

182

BEST OF BIKE 2013 © Red Bull Media House

Le Polonais Dawid Godziek anticipe l’ouverture d’une nouvelle ligne de métro à Varsovie en mode BMX : juste impressionnant.



BEST OF BIKE 2013 © Red Bull Media House

# 3 • JAN-FÉV 2014

184


Pour Mike ‘Hucker’ Clark, pro en BMX Dirt, « l’important c’est d’être rapide et de faire de beaux jumps.


ABSOLU

DÉPASSER LES BORNES

« Votre mode de vie : entraînez-vous comme s’il n’y avait pas de ligne d’arrivée. » ; « Si ça ne vous met pas au défi, ça ne vous change pas » ; « Chutez sept fois, relevez-vous huit »… Inspirant, n’est-ce pas ? Nous sommes bombardés en continu de proverbes, conseils, avis, sentences, citations de sages et de philosophes. Mais qu’est-ce qu’on en fait ? On essaie de tout appliquer ? Vous pensiez bien prendre une ou deux bonnes décisions en ce début d’année et vlan, vous vous retrouvez obligé de devenir un surhomme, un mythe pour vos voisins au moins jusqu’au bout de la rue, le modèle de vos enfants. Et puis tiens ! Encore une : « Le corps accomplit ce en quoi l’esprit croit ». Waouuuh, c’est bon ça non ? Bien. Maintenant que vous avez au moins 257 manières de devenir « vous-même », ou « meilleur », ou « plus fort », ou « tout rempli d’amour et de sagesse », qu’est-ce que vous en faites ? Hé ben vous prenez tout ! Vous vous remplissez jusqu’aux dents du fond, vous vous bourrez le crâne jusqu’à ce qu’il dégouline, vous absorbez, digérez, et vous essayez de tout garder. Car dans ce déluge d’information, votre cerveau va trier, il va écarter ce qui ne vous servira pas, il fera le ménage, et même la poussière, sans que vous interveniez. Notre magazine « Absolu » fonctionne un peu de cette manière. Prenez ce qui vient à vous, prenez les 6 jours, prenez l’Atlas Marocain et le mal des montagnes, suivez les fondus d’Ultra jusqu’à l’épuisement, vibrez avec Corinne Favre qui gagne devant tout le monde, et terminez… à plat ventre dans la boue, mort de rire. Maintenant levez-vous de votre fauteuil et rappelez-vous : « Entraînez-vous comme un athlète professionnel ».

SUIVEZ CE CONSEIL

© Aaron Amat - Fotolia.com


SOMMAIRE

198

6 JOURS À PIED

188

188 Grand Angle Kilomètre Lancé : Vite et lent

210

216

198 Dossier : 6 jours à pied

214 Pur moment : Corinne Favre

192 Courrier des lecteurs

206 Un nageur découvre l’Atlas

216 Portfolio : Spartan Race

194 Actus

210 Portrait On/Off : Etienne Fert

ABSOLU

187


# 3 • JAN-FÉV 2014

188

LE KILOMÈTRE LANCÉ

Underground : L’invention du ski | 10 Equilibre : Les contraintes de la vitesse | 54 Globe-Trotter : Les plus belles pistes | 104 Top Chrono : La techno pour aller vite | 146 Absolu : « Pour aller vite il faut être lent » | 188

POUR ALLER

VITE,

IL FAUT SAVOIR ÊTRE

LENT

Par Philippe Billard

Flashé à 240 km/h aux Arcs en 1999, Pascal Budin peut être considéré comme l’un des pionniers du Kilomètre Lancé. Capable de dompter les pentes les plus raides tout schuss, qu’elles soient damées ou hors piste, il s’est rêvé un jour skier à plus de 300 km/h. En 2014, à 56 ans, il repartira en quête du record.


O

n l’appelait Hulk. On pourrait utiliser le présent, tant l’imparfait sied mal à Pascal Budin, 55 ans et pionnier du Kilomètre Lancé (KL). Certaines légendes cessent d’être et d’exister quand elles quittent l’action. Lui ne donne pas cette impression. Avare de mots et de vanités, il est pourtant l’un de ceux qui ont contribué à développer, à lancer, le kilomètre… lancé. Son record : 240,00 km tout rond, aux Arcs, 1999. Pas de domination mondiale insolente, peu de titres internationaux, nombreuses places d’honneur. Lui, il fait partie des défricheurs, de ceux qui sont capables de penser très grand et tracter derrière eux toute une génération de jeunes prodiges. Quand tout le monde est bloqué à 250 km/h, lui pense déjà à 300.

AMOK OU LA RAGE INCONTRÔLABLE Sa passion pour le ski commence pourtant par une contrariété. Né en 1958, c’est un élève moyen, comme on dit. Son père gendarme essaie de le remettre dans le droit chemin en lui interdisant l’accès à la montagne, qu’il regarde rêveur de la fenêtre de sa chambre. Le droit chemin passe par le ski de fond, mais il veut de la vitesse. Il se met au ski Alpin à 21 ans. Le temps perdu est vite rattrapé. À 22 ans, il participe à une épreuve de coupe du monde de Kilomètre Lancé aux Arcs. Il dira plus tard qu’après son élimination immédiate, il s’est demandé s’il allait continuer : « Du bord de la piste, je trouvais ça dingue. »


LE KILOMÈTRE LANCÉ

# 3 • JAN-FÉV 2014

190

Il persévère et à partir de 1987, il commence à écumer les courses et championnats de KL. Il accrochera un joli record de France à son tableau de chasse et continuera à rêver de vitesse, de lignes droites, de montagnes soumises à ses pieds. En 1991, il est au sommet mondial avec un vice-record du monde de ski de vitesse à 222 km/h. Sa notoriété augmente, il peut délaisser les chantiers acrobatiques grâce au sponsoring de la station de Vars, qui crée une piste de KL presque rien que pour lui, qu’il sera en tout cas le premier à descendre. Mais un autre projet fou a déjà commencé à germer dans sa tête. Son domaine préféré se trouve dans le massif du Mont-Blanc, sur la face NordNord-Est des Courtes. Dans ces couloirs de haute-montagne où la pente est proche de 50°, aucun skieur n’a jamais osé s’élancer en position de recherche de vitesse. Son projet déraisonnable s’appelle Amok, un terme désignant la charge incontrôlable d’un éléphant. Hulk est comme l’éléphant, il déploie une énergie formidable pour rassembler les 1,5 millions de francs nécessaires à la confection d’une piste en haute-montagne. Il y croit et il s’imagine déjà dévaler tout schuss à 250 km/h, et même beaucoup plus. La glissade du siècle est prévue pour mars 1996. Amok.

ACCIDENT DE TÉLÉSIÈGE Du sommet de sa piste hallucinante, Pascal Budin explique : « Sur ces pentes, on ne peut évoluer qu’en utilisant des techniques d’escalade, avec crampons et piolets, ou alors en technique de ski extrême, en enchaînant les virages les uns après les autres, ce qui représente environ 20 mn de descente. En position de recherche de vitesse, ça durera à peu près 20 s. » Quand il est au sommet, la Terre est à ses pieds. La peur, il la connaît : « Oui, il m’arrive d’avoir peur, mais je sais pourquoi : dans le ski que je pratique, la peur, c’est toujours le signe d’une faille, le signe qu’il reste ‘un boulon à serrer’. Si j’ai peur, c’est que je ne suis pas prêt. En ce sens, la peur me protège. Elle est littéralement mon garde-fou. »

PASCAL BUDIN EN QUELQUES CHIFFRES VICE RECORDMAN DU MONDE DE SKI DE VITESSE EN 1991 : 222 KM/H RECORD PERSONNEL EN 1999 : 240 KM/H RECORD DU MONDE DE DÉNIVELÉ À SKI : 1000 M EN 35 S RECORD DU MONDE DE VITESSE EN MONOSKI DANS UN COULOIR DE HAUTE MONTAGNE NON PRÉPARÉ : 200 KM/H Mais le KL fait peur… aux autres. Délaissé par les instances nationales et internationales, le ski de vitesse a servi d’amuse-gueule lors des JO d’Albertville. Une démonstration qui selon les KListes était en complet décalage avec les besoins de la discipline. Considéré comme trop dangereux, Philippe Goitschel, détenteur de la deuxième meilleure marque de tous les temps, rétorquera au sujet du KL qu’il possède certainement un taux de blessure inférieur à celui du Bridge. Y compris chez les amateurs.


Les mois de coma de Pascal Budin en 1988 ne sont pas une conséquence de son sport. Un télésiège mal chargé, un ski trop long qui se bloque sur un pylône, puis la chute de plusieurs mètres, et la tête qui heurte les rochers. Lui ne se souvient de rien, il a même oublié un peu de ce qu’il était avant. Depuis il s’estime moins instinctif, et plus soucieux du moindre détail dans ses préparations.

ENTRAÎNEMENT 100% BIO Malgré toute l’énergie déployée, Amok ne verra jamais le jour, butant sur l’ignorance de quelques élus locaux. Il reste tout de même cette puissante énergie qui le mènera à la vitesse de 240 km/h tout rond lors du championnat du monde pro de ski de vitesse, aux Arcs, le 2 mai 1999. Pascal Budin arrive alors à la fin de sa carrière, avec un dernier coup d’éclat à la Red Rock Cup des Arcs en 2003. 233,160 km/h, 18e place, il est temps de faire une pause au terme de ces 16 ans de compétition. Durant toutes ces années, Pascal « Hulk » Budin a développé un style bien personnel. Dans les champs de bosses, son ski est tonique, puissant voire heurté, presque violent. Et c’est quasiment une figure christique qui descend la Turia avec élégance. Pente maximale, poudreuse qui fume sous son monoski, il se tient droit comme un i, les bras en croix, mais « avec un maximum de souplesse, 100% de vivacité, d’énergie, d’existence ». Sa concentration lorsqu’il passe les bosses entre 100 et 140 km/h est la même que celle d’un maître en arts martiaux. Le moindre écart et la chute peut devenir mortelle. Sa préparation est atypique. Il s’entraîne par exemple à contenir la fougue de ses 7 chiens de traineau en descente. Il enchaîne jusqu’à 300 pompes : « Parce que c’est à partir de là que l’entrainement commence, quand le corps ne veut plus. C’est l’enfer musculairement, mais il faut encore déployer de l’énergie pour continuer, sinon tu meurs. » Sprints en côte, descentes à fond avec des bonds de plusieurs mètres, courses rapides sur les cailloux instables des torrents asséchés, travail des bras suspendu sous un pont en bois, il utilise la nature comme un terrain de jeu, un terrain d’entraînement, pour se forger un corps et un mental de champion, un corps et un mental de Hulk. Il parle aujourd’hui de sa discipline comme s’il ne l’avait jamais quittée. Et quand on lui demande s’il y a un secret pour aller aussi vite, il vous regarde l’œil pétillant et vous glisse : « Pour aller vite, il faut savoir être lent. ». Ces dix dernières années, il s’est donné le temps d’être lent. À 56 ans, il se prépare à rechausser les skis. 2014 pourrait devenir l’année de tous les records pour Pascal Budin. Il va à nouveau aller vite. Très vite. Sources : • www.kl-france.com - www.speedski-info.com • « Turia, la rage de skier », documentaire réalisé par Michel Torend • « Skieur », court métrage réalisé par Didier Lafond


Envoyez vos questions, remarques, anecdotes, photos commentées par courrier à redaction@ultramag.fr

SKI DE RANDO JE VAIS TOUS LES HIVERS FAIRE DU SKI EN STATION, MAIS J’AVOUE QUE JE SUIS DE PLUS EN PLUS TENTÉE PAR LE SKI DE RANDO. QUE ME CONSEILLERIEZVOUS POUR DÉBUTER ? ISABELLE, PARIS

© Jocelyn Chavy

# 3 • JAN-FÉV 2014

192

Se lancer dans le ski de rando, c’est un peu comme se lancer dans le trail après avoir couru sur piste. C’est une bonne idée, toutefois il faut s’entourer de précautions, car chaque année la montagne emporte à jamais son lot de skieurs. Pour débuter, le plus important est d’être accompagnée de personnes expérimentées connaissant le massif dans lequel vous comptez skier, les courses envisagées, les mesures de sécurité (le triptyque pellesonde-ARVA* et leur utilisation), ayant des connaissances en nivologie, et sachant où obtenir des informations météo fiables. En effet, si on peut skier par tout temps et toutes conditions en station, sur des itinéraires libres les risques, y compris mortels, sont fréquents.


Parlez-nous d’infini !

24 HEURES COURSE À PIED

J’AI BIEN RIGOLÉ AVEC L’ARTICLE SUR L’ÉQUIPE DE SIX COUREURS QUI S’ATTAQUE AU RECORD DU MONDE DE LA PLUS LONGUE DISTANCE COURUE EN 24 HEURES EN INDIVIDUEL. MAIS QUELLE EST LA MEILLEURE PERF SUR 24 HEURES EN ÉQUIPE ?

CHRISTOPHE VISSANT A-T-ON DES NOUVELLES DE CHRISTOPHE VISSANT SUITE À L’ARRÊT DE SON PÉRIPLE MARSEILLESYDNEY EN OCTOBRE DERNIER ? FRANCIS, PARIS

À l’heure où nous vous répondons, Christophe se prépare pour les 24 heures de la No Finish Line, qui se déroulent les 23 et 24 novembre, avec comme objectif quatre marathons à la suite. Stopper son défi par manque d’argent a été un réel coup dur pour lui, mais il revient de ses 7000 km (sur 28 000) avec beaucoup de force et de hargne.

GRANDE BRETAGNE

1994,

JARROW

487,343 KM

ALLEMAGNE 1982, MÖRLENBACH

378,55 KM

SPONSORING BONJOUR, J’AI DE GROS PROJETS SPORTIFS POUR 2014, ET JE CHERCHE DES PARTENAIRES POUR M’ACCOMPAGNER. J’AIMERAIS SAVOIR SI VOUS SPONSORISEZ DES COUREURS ? ALAIN, ANTILLES

Ultra Mag ne pratique pas de sponsoring : nous n’avons pas vocation à faire tourner des sportifs ou des équipes de par le monde pour représenter le magazine. Toutefois, la plupart du temps, nous répondons positivement aux personnes sollicitant une exposition médiatique, que ce soit sur notre site web ou dans le magazine.

RETROUVEZ ULTRAMAG SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX :

193 ABSOLU

Très bonne question ! Difficile de trouver une réponse fiable toutefois, tant le 24 heures couru en relais est officieux. Les règles diffèrent largement selon les épreuves, même si au niveau international il est établi qu’une équipe doit comprendre 2 à 10 relayeurs. Il semblerait que la meilleure performance mondiale ait été établie en 1994 à Jarrow par une équipe de 10 coureurs de Grande-Bretagne, qui ont totalisé 487,343 km. L’équivalent féminin revient à des Allemandes avec 378,55 km (1982, Mörlenbach). Bien mieux que les 305,9 km de l’équipe Ultra Mag, mais avec quatre coureurs de moins.


COURSE ET RAME

NOUVEAU DÉFI SERGE GIRARD

# 3 • JAN-FÉV 2014

194

Après son tour d’Europe en courant pendant 365 jours non-stop, Serge Girard avait prévu de faire le tour du monde durant l’année 2013. Projet reporté pour un plus énorme encore : un tour du monde en courant et en ramant. Entre 2014 et 2016, celui qui a déjà traversé tous les continents en courant va effectuer 45 000 km, en 660 jours avec trois continents et trois océans à traverser. Il prévoit de passer 14 mois en mer pour 30 000 km et 8 mois en course, pour 15 000 km. Lui qui ne faisait aucune préparation physique particulière en dehors de la course à pied et quelques étirements a investi dans un rameur d’intérieur pour préparer ce nouveau défi. Il s’est fait préparer pour l’occasion un bateau essentiellement constitué de carbone et de kevlar, disposant d’une cabine et des dernières technologies GPS pour la navigation. Les traversées maritimes, contrairement à celles se déroulant sur la terre ferme, se feront sans assistance.

ATTRACTION

110 km/h sur un toboggan Vous aimiez le toboggan dans le jardin de vos grandsparents ? Vous aimerez certainement celui-là, alors. Le « Verrückt » (« fou » en allemand), à Kansas City (États-Unis) va devenir le toboggan le plus haut du monde. Une fois sa construction terminée, les amateurs pourront s’élancer du haut de ses 42 m et probablement atteindre une vitesse de 110, voire 120 km/h.

WINGSUIT

VOL SOUS PASSERELLE C’est le genre d’exploit qu’on regarde les mains devant les yeux, avec les doigts juste un peu écartés pour avoir moins peur. Jokke Sommer, Espen Fadnes et Ludovic Woerth ont réussi à passer en wingsuit sous la passerelle de l’Aiguille du Midi. Pour y parvenir, ils ont été largués d’un hélicoptère, et ont filé à plus de 200 km/h à travers les airs pour finalement franchir l’entaille de 20 m de large entre les pitons nord et central de l’Aiguille, à 3800 m d’altitude. Deux d’entre eux sont passés dessous, le troisième a filmé du dessus.


TRAVERSÉE DE LA MANCHE RECORD CYCLISTE

UN KILOMÈTRE

À FOND !

Cela nous avait échappé dans le numéro précédent mais c’est suffisamment fou pour mériter quelques lignes. Le 23 septembre dernier, Sylvain Estadieu a traversé la Manche en 16 h 42 mn. C’est beaucoup plus de temps qu’il n’en faut à un nageur confirmé pour relier l’Angleterre à la France, mais en papillon, c’est une autre histoire. Si la distance à vol d’oiseau est d’environ 40 km, les traversées à la nage doivent tenir compte des courants et des marées : « C’est comme si une grosse rivière changeait de sens trois fois par jour », expliquera Sylvain Estadieu après son exploit. La trajectoire finale, c’est une sorte de sinusoïde de 65 km environ, dont, selon l’estimation du nageur, entre 35 et 40 km de nage. Malgré une précédente traversée de La Manche, l’impression de difficulté est impressionnante : « Je ne me rappelais pas que c’était dur comme ça (…). J’ai été très proche de céder à plusieurs reprises. » Source : www.nageurs.com

195 ABSOLU

Sylvain Estadieu papillonne

« J’ai une force de malade en ce moment ». Le samedi 7 décembre, sur le Vélodrome d’Aguascalientes au Mexique, François Pervis a battu le record du monde du kilomètre sur piste départ arrêté avec un temps de 56 secondes et 303 centièmes. Il pulvérise, on peut le dire, le record détenu depuis 2001 par un autre Français, Arnaud Tournant (58 secondes et 875 millièmes). Même si le kilomètre arrêté n’est plus une discipline olympique, il demeure très populaire chez les meilleurs sprinters cyclistes, qui rêvent d’accrocher ce record à leur palmarès. L’Ecossais Chris Hoy, quadruple champion du monde du kilomètre arrêté, n’y est jamais parvenu.

RÊVE D’ICARE

JETMAN S’OFFRE LE MONT-FUJI S’il y a une constante dans les conquêtes de l’homme, c’est bien le vol. Voler le plus librement possible, avec le minimum d’attirail, suivre les oiseaux, faire partie des leurs. Entre le wingsuit et l’avion, l’aviateur suisse Yves Rossy, dit « Jetman » a récemment sauté d’un hélicoptère équipé d’ailes de 60 kg en carbone-kevlar et de réacteurs. Il a ainsi fait le tour du Mont-Fuji avec des pointes à 300 km/h. Cet ancien pilote de chasse et pilote de ligne vole avec son aile depuis 2006.


NATATION

LE FEU AU C..

BAIN GLACÉ À 6000 M D’ALTITUDE

On va dire du record de « la plus longue durée d’un corps entièrement en feu sans apport d’oxygène » qu’il a le mérite d’exister, mais bon… L’autrichien Joe Tödtling a passé 5 minutes et 41 secondes le corps complètement enflammé. Oui vous avez bien compris : il avait le feu au c.. et pas que là. On applaudit ?

# 3 • JAN-FÉV 2014

196

© Dean Moriarty - Fotolia.com

RECORD

PLONGÉE

AUSTRALIE

EN NOMBRE POUR UNE RELANCE

TRAVERSÉE PÉDESTRE RECORD

Le secteur de la plongée à La Réunion est fortement en baisse ces derniers temps, à cause notamment de l’activité des requins autour de l’île. Une tentative médiatique de record du monde de plongée a donc été montée pour redorer le blason des fonds réunionnais : il s’agissait du record de la plus grande plongée collective. Pari réussi le 1e décembre, avec 110 plongeurs formant une chaîne humaine de 76,20 mètres par 18 mètres de profondeur, pendant 5 minutes et 12 secondes.

© Richard Carey - Fotolia.com

Le nageur tunisien de l’extrême Nejib Belhedi tentera en août 2014 de nager durant 30 mn dans le lac glaciaire Tarn, au pied du mont Everest, à 6000 m d’altitude. L’eau est à 1°C et l’oxygène est bien sûr raréfié.

Ce n’est pas un coup d’essai pour Patrick Malandain, qui a déjà roulé sa bosse en courant un peu partout dans le monde, sur des épreuves organisées ou tout seul dans son coin. Cette fois il tentait la traversée de l’Australie en courant, de Sydney à Perth, soit 3861 km. Pari réussi : il bat le record précédent en 38 jours, 12 heures et 58 minutes. Trente-huit jours à 100 km de moyenne, c’est très fort. Récit sur http://patrickmalandain-ultrarun.com.


KILIAN JORNET

ULTRA-TRIATHLON

La frontière invisible

Pascal Pich, ultra-triathlète titré dans sa discipline, se livre dans son ouvrage « Terminator – Champion du monde anonyme » ; il y évoque la difficulté de vivre pleinement sa passion de l’ultra-triathlon. En vente sur http://www.tri-shopping.fr

SAUT PENDULAIRE

L’Espagne au plus haut Le saut pendulaire, c’est l’activité qui consiste à s’élancer d’une base fixe (une mon-

tagne par exemple), attaché par une corde (et non un élastique), cette corde étant ellemême reliée à d’autres cordes ancrées sur des points fixes, qui vont servir d’amortisseur. Les Pyrénéens de Pyrénaline ont battu le record d’Espagne du saut le plus haut : 200 m. www.pyrenaline.fr

Énorme.

BOULOT

Payés pour

cloper

Il y a des boulots plus extrêmes que d’autres… En Chine, des fumeurs sont payés pour fumer : ils évaluent l’arôme des cigarettes, leur âcreté, leurs effets irritants. Il faut dire que la Chine comprend 350 millions de fumeurs, soit le tiers de la population mondiale de fumeurs… Un marché fumeux !

Après Courir ou mourir, Kilian Jornet sort un deuxième livre : La frontière invisible. Le Catalan s’y livre encore une fois sans détour, évoquant le lien qui l’unit à la montagne. Si l’on y lit son bonheur de parcourir un milieu pour lequel il se sent fait, il ne s’épargne pas les sujets difficiles, notamment la perte de son compagnon de cordée Stéphane Brosse : « Stéphane, l’idole, le mentor, l’ami, Dieu, se précipite dans le vide quand la corniche cède sous ses pieds. […] Ce qui me met le plus en colère, c’est qu’à ce moment-là, alors que je marche à côté de lui, tout à coup, tout ce qui se trouve à 20 centimètres à droite de mes pieds disparaît. J’ai fait un pas en arrière, un instant seulement, avant de courir pour voir ce qui s’était passé, mais la première réaction de mon corps va être celle de la peur et de la protection, mettre tout mon poids sur mes talons. Pourquoi ne me suis-je pas jeté à droite en tendant la main ? » En vente sur www.outdoor-editions, et en librairie

197 ABSOLU

Champion du monde anonyme


DOSSIER | LES 6 JOURS NON-STOP

# 3 • JAN-FÉV 2014

198

SE REPOSENT-ILS


LE

E

JOUR ?

Ce qu’ils font touche les profondeurs de leurs êtres. Courir 6 jours emmène le physique et le mental dans des contrées inexplorées, seul avec soi-même, et malgré cela dans de vrais moments de partage avec ses pairs. Qui sont-ils ? D’où viennent-ils ? À quoi pensent-ils ? Par Philippe Billard

ABSOLU

199


DOSSIER | LES 6 JOURS NON-STOP

D

’abord on vous a dit que courir deux ou trois kilomètres était à votre portée… Et puis vous avez pensé à cinq. Vous y pensez peutêtre toujours. Ensuite, dix, un semi-marathon, et enfin la distance mythique par excellence, 42,195 km, le marathon. Là où tout bascule, là où tout commence. Chaque étape vous dépouille un peu plus de vos doutes, de ces croyances qui vous brident et vous empêchent de vous rêver exceptionnel. En ultra, il n’y a pas de limite supérieure, il y a juste des caps à franchir, certains plus difficiles que d’autres. Cent kilomètres, vingt-quatre heures, quarantehuit heures, soixante-douze. Six jours. Voulez-vous courir six jours avec nous, au moins le temps d’un article ?

# 3 • JAN-FÉV 2014

200

JAMAIS LE DIMANCHE Qu’ont-ils dans la tête, les coureurs de six jours ? Comment se dit-on un matin, entre le café et la tartine de confiture « Tiens, je vais courir un 6 jours ! » ? La première réponse, c’est sans doute un brin d’inconscience. Rien ne prépare à sauter d’une falaise en wingsuit, rien ne prépare à plonger 30 m sous la surface de l’eau sans bouteilles, rien ne prépare à aller escalader l’Everest, ni à traverser l’Atlantique à la rame. Mais un jour, on s’en croit capable, alors on réfléchit. D’abord on se rassure en se disant que d’autres l’ont fait avant. Non, vous n’êtes pas anormal, et vous trouverez toujours dans votre quotidien de quoi vous comparer vous-même à ces athlètes qui durant 144 heures ne s’accordent que quelques heures de sommeil. Un projet stratégique dans votre entreprise qui ne vous laisse pas de répit, une semaine de nouba à Ibiza, une passion chronophage qui vous prend vos nuits et votre temps libre ? Les premiers à se dire que finalement ils pourraient essayer de couvrir le maximum de distance en 6 jours, juste pour s’amuser ou gagner un peu d’argent, se retrouvent au milieu du 18e siècle. À cette époque, on ne parle pas de boucle à répéter inlassablement. Un britannique du nom de Foster Powell devient célèbre


6 JOURS, C’EST QUOI ? Une fenêtre s’ouvre à vous. Un peu comme des vacances, une petite semaine de 6 jours, 24 heures sur 24, durant lesquelles on vous invite à couvrir le maximum de distance à pied. Pas de règle particulière, si ce n’est d’avancer au rythme que vous aurez choisi. En fonction de votre entraînement, de vos envies, de votre détermination, vous pourrez au choix en profiter pour faire une grosse semaine de sport ou tenter de découvrir vos limites. Ne vous inquiétez pas, vous les trouverez assez rapidement.

en reliant Londres et York, villes distantes de 637 km, en moins de 6 jours. D’autres tenteront et réussiront le même genre de bêtise pour grands enfants joueurs, avec plus ou moins de réussite, et c’est à la fin du 19e siècle que les épreuves en boucle connaissent leur véritable essor. À l’époque, on estime impossible d’atteindre les 500 miles (environ 800 km) dans ce temps de 6 jours (période maximale continue entre deux dimanches victoriens).

LE JEU DES 1000 BORNES C’est un Irlandais, Daniel O’Leary, qui y parviendra, avec une marque de 503,3 miles, lors d’un duel arrangé à Chicago contre un certain Adward Payson Weston. Ce dernier, un Américain, est un showman, et c’est exactement ce dont les promoteurs des épreuves de 6 jours ont besoin pour rassembler les foules. Et quand on parle de foule, ce sont jusqu’à 70 000 personnes qui viennent en 1877 voir en direct un autre duel organisé, en Angleterre cette fois. Marcheurs et coureurs sont conviés, et « même » les femmes, dont on peut rappeler qu’elles n’ont été admises sur le marathon qu’à partir de 1972. C’est l’époque des professionnels, il y a un circuit mondial, mais c’est juste la partie émergée de l’iceberg. Un peu partout en effet, des variations des courses de 6 jours poussent comme des champignons : 6 fois 12 heures, 6 fois 10 heures. La popularité de ces épreuves ne tarit pas, principalement en Angleterre, aux États-Unis, et un peu en Australie.

OLIVIER CHAIGNE 34 ANS, 881 KM SUR 6 JOURS

« Pas besoin d’être costaud » Il y a une part d’anticipation importante sur un 6 jours. Pas forcément besoin d’être très costaud, mais il faut savoir se prémunir contre les coups durs, et conserver une motivation intacte pendant toute l’épreuve. Les envies et les motivations sont différentes selon les coureurs, mais c’est cette quête de dépassement de soi et de réalisation personnelle qui nous pousse tous à passer une semaine aussi spéciale.

201 ABSOLU

ÉPREUVES


DOSSIER | LES 6 JOURS NON-STOP

PHILIPPE DIEUMEGARD 57 ANS, SPÉCIALISTE MULTI-IRONMAN, 665 KM « COOL » SUR 6 JOURS

« C’est le voyage qui m’intéresse » Mes meilleurs souvenirs ? Toutes ces heures à ne plus toucher terre. Évasion, extase, apnée, voyage supra galactique. Je décroche souvent, il n’y a que le voyage qui m’intéresse. J’aime aussi tous ces moments forts, quand la fatigue remplit les corps et nos retenues. Les sourires, une main sur l’épaule, une larme, une étreinte… Le 6 jours est un énorme jeu de stratégie avec son moi intégral, un terrain de « je », de « jeu », magnifique.

# 3 • JAN-FÉV 2014

202

Et les records tombent, avec des distances qui semblent aujourd’hui quasi inaccessibles. George Hazael couvre 600 miles (965 km) en 1882. En 1888, une nouvelle star américaine, James Albert, est le premier à franchir les 1000 km. Mais l’âge d’or des 6 jours, avec ses prize-money colossaux, touche déjà à sa fin, bientôt relayé par des épreuves cyclistes plus « énergiques ».

ENTRAÎNEMENT FÉROCE Si l’on peut aujourd’hui courir à nouveau des épreuves de 48 heures ou de 6 jours, c’est peut-être grâce à un Sino-Américain du nom de Don Choi. Il aura fallu attendre jusqu’en 1979 ce nouveau pionnier des « multidays », qui redonne naissance à ces épreuves en Californie. Les performances demeurent loin des 1000 km et seule l’arrivée d’un Grec nommé Yiannis Kouros va donner un nouveau peps à l’épreuve. En 1984, celui qui deviendra la légende absolue des courses d’ultra, de 12 heures à 6 jours en passant par le Spartathlon ou les grandes classiques telles que SydneyMelbourne, touche la grâce avec un premier record de 1022 km à New-York. Il aura fallu attendre près d’un siècle… Les années 80 sont celles de la renaissance. On retrouve des personnalités fortes, des coureurs au-delà des 1000 km (Kouros, Boussiquet, Mainix), et des coureuses hors normes, comme par exemple la NéoZélandaise Sandra Barwick, détentrice du record du monde depuis 1990 (883 km, Australie, 1990). Cette nouvelle génération naît en plein boum du marathon et réussit


pourtant à se forger une solide réputation. Ce sont des guerriers, des stakhanovistes, des inspirés qui transpirent l’ultra et les épreuves de très grand fond par tous les pores de leur peau.

ÊTRES PRESQUE HUMAINS La deuxième grande époque des 6 jours semble vouloir disparaître définitivement dans les années 90. Qui va relancer la machine ? Les 6 jours d’Antibes, la No Finish

MARC ETIEMBLE 42 ANS, 838 KM SUR 6 JOURS

« Tout le monde peut courir un 6 jours » Le 6 jours demande beaucoup de temps d’entraînement. Il ne faut pas avoir peur d’inclure un 24 heures comme sortie longue. Cette épreuve n’est pas une montagne impossible à franchir, tout le monde peut prétendre à la faire.

203 ABSOLU

Capables de courir plus de 150 km par jour, plusieurs jours consécutifs, jusqu’à 170 pour les meilleurs, sans quasiment dormir, leur motivation semble sans limite. Mis à part Yiannis Kouros, qui parvient à articuler sa vie autour de sa préparation, avec un statut quasi professionnel (voir l’encadré : « Kouros, maître des grands fonds »), tous sont amateurs et volent du temps à des heures indues. Une semaine type de Sandra Barwick, c’était : lever à 4 h 30 tous les matins, une séance de 25 à 40 km, séance de préparation physique à midi, une courte sortie le soir, et le dimanche une sortie longue pouvant aller jusqu’à 60 km. Atteindre 200, voire 250 km par semaine, ne semblait pas anormal à la Néo-Zélandaise. Elle ne fait pas exception. Tous les grands coureurs de l’époque s’entraînent comme des féroces pour percer le secret du 6 jours, pour trouver la « vitesse ultra », pour imprimer dans leurs muscles, dans leur cerveau, dans leur ADN, un mouvement qu’ils voudraient pouvoir tenir sans jamais flancher.


DOSSIER | LES 6 JOURS NON-STOP

LÉGENDE

KOUROS , MAÎTRE DES GRANDS FONDS

# 3 • JAN-FÉV 2014

204

L

orsqu’il se présente en 2005 sur la ligne de départ des 6 jours de Colac, on peut croire que toute sa carrière est derrière lui. Il détient les records et la plupart des meilleures performances mondiales de 12 heures à 6 jours… Non, justement, pas 6 jours. Un petit Français du nom de Jean-Gilles Boussiquet le lui a repris il y a une vingtaine d’années et Kouros n’a pas avalé la couleuvre. Il est ici pour effacer l’affront, lui le seul homme à avoir dépassé les 300 km sur 24 heures. Il apparaît sur la piste avec un scénario parfaitement préparé, tout à sa gloire. Bâti comme un lutteur plus que comme un coureur d’ultra, il ressemble à une machine de guerre, une machine à courir, qui parviendra à gagner son pari, 2 km à peine au-dessus du Français : 1036 km. C’est un maître en Ultra Endurance qui se présente sur la ligne de départ du 6 jours australien. Il sait qu’il faut un corps capable de résister à tous les assauts, un corps forgé de bas en haut pour tenir 144 heures en quasi non-stop. Son entraînement intègre beaucoup de musculation, sans doute du rameur, pour muscler le tronc et le dos, de manière à maintenir jusqu’au bout le corps bien droit, et donc un geste de course efficace. Pour les jambes, il s’entraîne dur en piscine soumettant ses jambes à des charges importantes sans risquer de se blesser, en se concentrant particulièrement sur les tibias, un point faible chez le coureur d’ultra. Le résultat, c’est une gestuelle de course parfaitement efficace, et parfaitement adaptée à son gabarit. Ajoutez-y une vitesse de base importante (record personnel à 2 h 24 mn sur marathon) et une capacité à se mettre dans la « zone » grâce à la musique qu’il écoute en boucle en courant, et vous parviendrez à comprendre « un peu » mieux comment le nom d’un homme peut devenir synonyme avec celui de la discipline qu’il pratique.

PIERRE-MICHAEL MICALETTI 46 ANS, 822 KM SUR 6 JOURS TAPIS

« Acquérir l’esprit de l’eau » Pour moi cette épreuve représente un absolu, j’en suis fan. Je m’y suis découvert et je lui dois beaucoup. Le principal a été pour moi d’apprendre du quotidien une certaine forme d’acceptation de ce que je pouvais vivre comme des contraintes. Le gros du boulot est mental et j’essaie d’acquérir l’esprit de l’eau, m’adapter en permanence.


Line de Monaco, ou encore les 6 jours d’Athènes, entre autres, permettent aux génies potentiels de s’exprimer à nouveau. Est-ce une surprise de se dire qu’on trouve toujours de généreux fêlés pour croire qu’une gageure est faite pour eux ? Les nouveaux héros du 6 jours s’appellent Wolfgang Schwerk, qui en 2007 a réussi l’exploit de franchir la barre des 1000 km, 1010 exactement. Mais pour flirter avec les 900 km, il n’y a pas grand monde. Il faut descendre à la 26e place des meilleures per-

FRANCK DERRIEN 28 ANS, 660 KM SUR 6 JOURS

« Dormez pour courir plus loin »

formances mondiales « nouvelle époque » pour retrouver, derrière les scores de Schwerk, le Français Claude Hardel (923 km en 2005), puis le talentueux Olivier Chaigne, qui a 33 ans se révèle comme l’un des grands espoirs du 6 jours. En 2012, il établit pour sa deuxième tentative une marque exceptionnelle de 881 km qui lui donne faim. La majorité des coureurs élite d’aujourd’hui se situe entre 800 et 850 km. Sont-ils moins talentueux ? Moins inspirés ? Moins investis ? Moins quoi ? Certainement pas. Andy Milroy, historien spécialiste de l’ultra-endurance, estime que l’absence de médiatisation, de circuit, et de prix en argent, empêche de faire émerger de nouveaux talents. L’histoire se répète, quel que soit le sport, mais le force du 6 jours perdure. Une force qui a à voir avec la vie, le temps, la quête du mouvement perpétuel, l’infini, l’absolu. Un truc d’être humain, quoi. Sources et références • www.ultralegends.com • Training for Ultrarunning, Andy Miroy, 2013, JMD Media, 264 pages, anglais

205 ABSOLU

Un conseil que je voudrais donner à ceux qui souhaitent se lancer : n’essayez pas de résister à la fatigue en dormant le minimum. Des nuits complètes permettent d’être en forme pendant la journée et de courir plus efficacement. Lors de mon meilleur 6 jours, je dormais 6 à 7 heures chaque nuit.


DÉFIS | UN NAGEUR GIRONDIN DÉCOUVRE L’ATLAS

défis

UN NAGEUR GIRONDIN DÉCOUVRE L’ATLAS

# 3 • JAN-FÉV 2014

206

Par Jean-Marie Gueye

BIO EXPRESS

FABIEN SENET 40 ans | Infirmier chez les sapeurs-pompiers | Pratique la natation, le surf, et le jogging | Ancien sauveteur nautique Infirmier au poste de secours du col Oumchichka, km50, dans le cadre de l’Ultra-Trail Atlas Toubkal

© Fabien Senet

Gravir des montagnes peut paraître bête comme chou, même si un peu fatigant, pour le sportif d’endurance orienté rando ou trail. Mais faites gravir un col à 3700 m d’altitude en plein Atlas marocain à un nageur de Gironde : ça, c’est de l’ultra !


FABIEN SENET : Je n’étais pas un très grand sportif étant jeune, néanmoins étant grand et fin lors de l’adolescence on m’a conseillé de nager pour éviter les problèmes de dos éventuels. À 17 ans, on m’a proposé de passer le BNSSA (brevet national de sécurité et de sauvetage aquatique, Ndlr) pour être surveillant de baignade. Je me suis retrouvé à faire énormément de sport car en sus du diplôme, il y a tous les ans un stage mer qui consiste à se mettre à l’eau durant les vacances dans des conditions de mer ardues : eau froide, gros coefficient de marée, mer agitée… Par la suite j’ai continué à faire du sport de par mon métier d’infirmier sapeur-pompier, mais pas du tout côté montagne ! Le département de la Gironde c’est plat, très très très plat (rires) ! J’ai bien fait quelques descentes de ski, mais jamais randonné car l’opportunité ne s’est pas présentée.

Initialement, tu devais rester au camp de base (à 2700 m tout de même), mais tu as dû remplacer au pied levé un collègue malade pour aller au CP6, et faire 20 km, franchir des cols. Comment as-tu pris ceci ? On m’a dit qu’il fallait marcher lentement pour éviter le mal des montagnes (MAM). J’ai donc marché tranquillement, à mon rythme pour pouvoir m’adapter, quitte à mettre beaucoup plus de temps que le groupe. T’es-tu senti en difficulté à un moment ou un autre ? Peu après le déjeuner, je n’ai absolument pas digéré le sandwich de l’organisation, je n’étais pas bien au niveau de l’estomac. Ça m’a un peu plombé. Le début de la grande montée à 3700 m (Tizi n’Likemt alt. 3650 m, Ndlr) a commencé à me coûter. Au niveau de l’effort, ça n’était pas simple, néanmoins je n’avais mal nulle part, je mangeais régulièrement donc il n’y avait pas de raison que je n’y arrive pas. Là où c’est devenu compliqué c’est lorsqu’il y a eu cet enchaînement de lacets à flanc de montagne. J’avais les jambes coupées !

Alors comment t’es-tu retrouvé en Quelle stratégie as-tu adopté à ce plein Atlas marocain, un environnement moment ? assez différent il est vrai des côtes de la Je ne voulais pas avoir d’hypoglycémie, Gironde ? donc j’ai mangé tout le temps pour toujours En fait une collègue m’a proposé d’aller dans garder de l’énergie. Le guide berbère à mes l’Atlas pour être bénévole sur une course, côtés tout au long m’encourageait, me rasL’Ultra-Trail Atlas Toubkal. Je lui ai dit que surait, « ne t’inquiète pas, le tout c’est de ça pourrait être sympa, tout en précisant continuer à marcher, on va arriver en haut ». que moi, la montagne, je n’y connaissais Il me donnait des étapes intermédiaires pas grand-chose. Un bénévole m’a expliqué avec des pauses à la clé et en effet cela que l’an dernier il était à un poste situé à fonctionnait. Jusqu’au 200 derniers mètres 20 km du camp de base, et que « tu verras où je me suis senti mal ! J’ai dû m’assoir et il ne s’agit que d’une petite randonnée de cela n’a pas suffi à dissiper mon malaise au quelques heures ; tu passes 24 heures sur le niveau cardio-respiratoire. Je me suis allonposte et puis tu reviens le lendemain ». Je lui ai fait SYNDROME part de mes inquiétudes et il m’a rassuré : « c’est encadré par des guides berbères, si tu mets une demiLe syndrome du mal aigu des montagnes (MAM) atteint les personnes montant en heure de plus ce n’est pas altitude. Le MAM se traduit par des maux de tête et des céphalées, et dans les cas plus avancés de la fatigue, de l’insomnie, des vomissements, vertiges et des œdèmes grave ». J’ai discuté avec (cérébral, pulmonaire). N’importe qui peut être atteint, y compris quelqu’un en parfaite mes amis randonneurs qui santé, habitué à séjourner en montagne. Il peut survenir à partir de 2000 m, et devient m’ont dit que du moment fréquent à partir de 4000 m. Pour éviter au maximum le MAM, l’acclimatation est que tu marches doucepréconisée. Pour le traiter, un retour à basse altitude est primordial ; si pas possible, antalgiques et forte hydratation peuvent suffire. ment, même si c’est très haut, c’est bon.

LE MAL AIGU DES MONTAGNES

207 ABSOLU

Fabien, tu t’es embarqué dans une drôle d’aventure en pleine montagne cet automne, alors que tu ne connais absolument pas ce milieu. Peux-tu retracer ton parcours sportif avant cet épisode en haute altitude ?


DÉFIS | UN NAGEUR GIRONDIN DÉCOUVRE L’ATLAS

On peut dire que ton métier d’infirmier t’a aidé à ne pas paniquer ? Effectivement je n’avais pas de douleur cardio thoracique, pas de signes qui indiquaient que j’avais une souffrance cardiaque menant à un infarctus, ou un déficit organique. Mon cœur simplement s’accélérait pour avoir plus d’oxygène à cause de l’altitude.

# 3 • JAN-FÉV 2014

208

Quelle lucidité de ta part à ce moment précis ! J’ai pris mon temps pour analyser ce qui m’arrivait, j’ai pris mes pulsations car je croyais impossible de battre à 160 en marchant alors que ma fréquence au repos est de 42 battements par minute. Je me suis dit de me calmer. Au bout de 20 minutes ma fréquence cardiaque avait bien baissé. Le fait d’avoir pris une vraie pause m’a permis de faire ces 200 – 300 derniers mètres pour franchir le col. Et dès que j’ai commencé à redescendre de l’autre côté, j’ai récupéré extrêmement vite. Ma fatigue était bien due à l’hypoxie et à un début de mal des montagnes.

J’AI PRIS MES PULSATIONS CAR JE CROYAIS IMPOSSIBLE DE BATTRE À 160 EN MARCHANT ÉPREUVE

ULTRA-TRAIL ATLAS TOUBKAL • 5e édition du 3 au 5 octobre 2013 • Haut-Atlas marocain • Ultra-trail de 105 km et 6500 m D+ • Trail de 42 km et 2600 m D+ • Trail de 26 km et 1400 m D+ • 9 cols sur l’ultra • Passage à 3665 m d’altitude

Malgré ces péripéties, as-tu pu profiter de cette « balade » ? Quand j’ai vu que ça allait mieux, j’ai voulu profiter du truc. Les couleurs commençaient à changer, la lumière rasante du coucher de soleil, c’est une chose qui n’arrivera peut-être pas deux fois dans ma vie. J’ai pris le temps de me dire que j’étais passé à 3700 m. JeanMichel le responsable du groupe a envoyé une mule à notre rencontre à tout hasard, mais j’ai mis un point d’honneur à finir à pied ! Ton expérience de l’endurance en natation a-t-elle pu t’aider à gérer ton effort ? Oui, je pense qu’une personne non sportive aurait pu faire un bon stress. Si tu pars avec une fréquence cardiaque haute et une dette d’oxygène tu peux te faire peur effectivement. Pour mon cas être capable de faire de l’apnée ou tout autre sport permettant de t’habituer à travailler en dette d’oxygène, c’était un plus pour gérer cette situation nouvelle. Comment s’est passée la suite, pas de séquelles ? Au CP6 j’ai de suite passé un électrocardiogramme qui a révélé que tout était revenu à la normale, ensuite j’ai repris un rythme de vie banal. Cette première expérience t’incite-telle à retourner en montagne ? Oui, oui, mais cette fois je me prépare un peu mieux sur ma condition physique, pour être sûr de ne pas refaire le MAM et d’avoir un rythme de marche plus soutenu. Fabien a bouclé les 20 km jusqu’au CP6 en plus de 10 heures.

© Akuna

gé 20 minutes histoire de faire descendre le cœur. Je savais que ce n’était pas grave et que c’était lié à l’hypoxie.


ABSOLU

209


PORTRAIT ON/OFF | ETIENNE FERT

L’ULTRA :

POUR VIVRE DES SENSATIONS

FORTES !» PORTRAIT ON/OFF

# 3 • JAN-FÉV 2014

210

ETIENNE FERT 47 ans | 1,73 m | 72 kg | Habite à La Salle en Beaumont en Isère | Manager R&D | Quelques ultras : UTMB®*, Tor des Géants*, Grand Raid de La Réunion*, Petite Trotte à Léon*, HardRock*, 333*, Annapurna Mandala Trail* Propos recueillis par Jean-Marie Gueye Photos : Etienne Fert

FONDU(E)S D’ULTRA : Chaque mois, à travers ce questionnaire de Proust revisité, nous vous présentons des hommes, des femmes, des jeunes, des moins jeunes, des coureurs, des cyclistes, des montagnards, des marins, des débutants, des confirmés, des poireaux, des élites… Tout le peloton des amateurs d’effort de longue durée y passe et vous éclaire sur des questions régulièrement posées : « Qui se cache derrière les coureurs de longue distance ? Comment vivent-ils leur passion ? Quelles sont leurs motivations ? » Retrouvez 23 questions « on » qui définissent la pratique de l’ultra, et 17 questions « off » évoquant davantage la vie de tous les jours.


6- LES COURSES QUI T’ONT MARQUÉ

L’UTMB® que j’ai fini en 30 h alors que mon objectif était de… 30 h. Le simple plaisir de faire une course où tout fonctionne bien et de réaliser pile son objectif en ayant donné son maximum. Ensuite, pour les paysages et les très fortes émotions que j’y ai vécues, le Tor des Géants. Et enfin, pour le plaisir de la course en équipe, la Petite Trotte à Léon avec mes potes Arnaud et Stéphane. 7- TA PLUS GROSSE DÉCEPTION DE COUREUR

1- TON PREMIER ULTRA

8- TON PARCOURS D’ENTRAÎNEMENT PRÉFÉRÉ

2- TON PASSÉ SPORTIF

9- COMBIEN DE COURSES PAR AN ?

3- POURQUOI L’ULTRA ?

10- TES CHAUSSURES

En 2000, le trail des Biaous de Glaise (43 km et 2000 m D+), petit trail sympa et familial dans le Dévoluy, qui a malheureusement disparu du calendrier. Chute dans la première descente mais j’ai tout de suite aimé le trail pour le plaisir de la course sur les chemins de montagne. Dans ma jeunesse, foot et marche sportive. Ensuite, du vélo en cyclotouriste dans les montagnes. Et puis, suite à un pari, j’ai fait le Marathon de Paris alors que je pensais ne pas aimer la course à pied. J’ai continué avec d’autres marathons puis le trail. Avant tout pour me faire plaisir en mode sportif dans les montagnes. Ensuite, pour vivre des sensations fortes et explorer mes limites. 4- PLUTÔT TRAIL OU ROUTE ?

Trail. Le bitume, je ne cours dessus que quelques fois par an quand les chemins autour de chez moi sont trop enneigés. 5- TA SEMAINE TYPE

Je n’ai pas de semaine type, mon entraînement est très variable, en fonction de l’objectif, de mes envies, de mon état de fatigue, de la météo et de la saison. En moyenne sur une année, je fais par semaine une sortie courte pour travailler ma vitesse en montée, une sortie de rando-course de 4-5 h dans les montagnes, une sortie vélo de 2 à 4 h et enfin éventuellement une quatrième sortie de ski de fond, natation si je prépare un triathlon, vélo ou rando-course.

Pas de parcours précis mais mon entraînement préféré, c’est une sortie de rando-course de 4-5 h en montagne sur un parcours nouveau pour moi, hors des sentiers battus, en altitude, avec des sections hors sentiers et éventuellement techniques. Dans mes premières années de trail, je faisais jusqu’à 7-8 trails longs par an. Depuis quelques années, je ne fais plus que 1 ou 2 ultra-trails par an. Ma motivation s’étant émoussée, je viens de décider de faire un break sur les ultras mais j’espère y revenir un jour. Pour des sorties courtes, des chaussures de trail sans préférence particulière de marque ou de modèle. Pour les sorties de rando-course et les ultras, je prends des chaussures de randonnée taille basse (souvent modèles Salomon ou Lafuma). Je trouve que la perte au niveau poids est compensée par le confort, en particulier dans les passages très caillouteux. 11- BOISSON ET NOURRITURE EN COURSE

Coca coupé à l’eau pour la boisson. Barres chocolatées pour le moyennement long et un peu tout et n’importe quoi et avant tout ce qui me fait envie pour du long. J’évite les boissons énergétiques, gels ou coups de fouet. 12- PLUTÔT BIDON OU POCHE À EAU ?

Poche à eau. Les bidons sont plus pratiques mais je n’aime pas le bruit de floc-floc que fait l’eau dans les bidons quand je cours.

211 ABSOLU

LES QUESTIONS « ON »

Mon deuxième abandon à la Fort’iche* en 2002. Après avoir arrêté au km 80, j’ai été rapatrié sur la ligne d’arrivée où j’ai vu arriver le premier dans une belle ambiance. Forte émotion parce que je me suis dit à ce moment-là que j’aurais pu éventuellement continuer la course en faisant une longue pause. Aujourd’hui, la déception est toujours forte de ne pas avoir pu finir cette course pionnière dans l’ultra-trail, et qui a disparu elle aussi du calendrier.


PORTRAIT ON/OFF | ETIENNE FERT

13- CHRONO ? CARDIO ? ALTIMÈTRE? GPS ?

Altimètre/cardio en règle générale. Parfois le GPS Forerunner pour sécuriser l’orientation quand je pars en montagne, en particulier dans des zones sauvages à l’étranger. 14- TU AS DES MODÈLES EN COURSE À PIED ?

Non, juste quelques traileurs ou traileuses que je respecte beaucoup pour leurs performances et leur état d’esprit mais que je ne prends pas comme modèle. Par exemple, je note que certains très bons traileurs n’utilisent pas de bâtons en course et ça ne m’empêche pas de penser qu’ils sont très utiles pour mon profil de rando-coureur. 15- UN POINT FORT

Ma gestion du rythme, je sais imprimer un tempo très régulier correspondant à mon objectif, et à ma forme du moment. 16- UN POINT FAIBLE

# 3 • JAN-FÉV 2014

212

Je supporte assez mal les fortes chaleurs et j’ai tendance à me déshydrater. Sinon, je ne serais pas contre la perte de quelques kilos. 17- TES PROJETS EN COURSE À PIED POUR LES MOIS À VENIR

L’hiver arrive et c’est une période où je prends d’abord le temps de me reposer. Ensuite je reprends tranquillement avec du ski de fond et du vélo. Côté ultra, j’ai décidé de faire un break au moins en 2014 mais je devrais faire d’autres courses genre CO, vélo, triathlon ou raid multi mais sans programme défini pour l’instant. En revanche, côté rando-course, j’ai la tête pleine d’envies de trekkings sportifs à l’étranger et j’ai bien du mal à arbitrer entre mes contraintes pros et mes envies. J’ai aussi un compte Openrunner* rempli de tracés de nouvelles randos et je sais que la prochaine saison sera encore très chargée sur ce point. 18- UNE COURSE QUI TE FAIT RÊVER

J’aimerais retourner un jour sur une longue course dans le désert comme la 555* mais les plus belles régions du Sahara ne sont guère fréquentables en ce moment … Côté raid, je rêverais de participer à la Patagonian Expedition Race, un raid multi long qui a une forte composante d’aventure. 19- UNE COURSE QUE TU NE FERAS JAMAIS

Une course de 24 h ou plus sur circuit court. Pour moi, la composante balade, découverte est indissociable de la course/compétition. 20- UN TRUC QUE TU EMMÈNES TOUJOURS AVEC TOI EN COURSE

Mon altimètre/cardio et, quand je pars en rando-course seul, le matos de base de sécurité avec en particulier

une balise de détresse satellite au cas où je me planterais dans un endroit sans couverture GSM. 21- TU PENSES À QUOI QUAND TU SOUFFRES SUR UNE COURSE ?

À ce qu’il faudrait que je fasse pour diminuer la souffrance. Même si je peux accepter un peu de douleur, j’essaie avant tout de trouver une solution pour ne pas me gâcher le plaisir de la course et je pense aussi que se maintenir dans la douleur à long terme sur une course pour avancer coûte que coûte est contre-productif pour faire le meilleur temps possible. 22- T’ES-TU FIXÉ DES LIMITES DANS L’ULTRA? UN ÂGE? UNE DISTANCE ?

Ma seule limite est de toujours trouver du plaisir à ce que je fais. En dehors des courses, je me fixe aussi des limites en terme de sécurité, ce qui m’amène parfois à faire demi-tour sur une rando-course quand je juge qu’un passage est trop difficile par rapport à mes compétences. 23- SI TU DEVAIS ORGANISER UNE ÉPREUVE QUI TE RESSEMBLE ?

Une course comme la PTL avec une vraie composante d’orientation et avec un classement final officiel.


24- OÙ VIS-TU ? (MAISON ? APPARTEMENT ? VILLE ? CAMPAGNE ? …)

Maison dans la campagne avec une superbe vue sur l’Obiou, sommet du Dévoluy, à mi-chemin entre Grenoble et Gap. 25- UN RÉGIME ALIMENTAIRE PARTICULIER À LA MAISON ?

Non. Comme je suis gourmand, je fais juste attention à ne pas me laisser aller sur certaines choses, en particulier quand je suis au repos. Par goût, je mange pas mal de légumes et j’aime déguster un bon verre de vin. 26- UN DISQUE

Wish you were here des Pink Floyd. 27- UN LIVRE

Les racines du ciel de Romain Gary. 28- UN FILM

Rio Bravo de Howard Hawks. 29- TU PRATIQUES D’AUTRES SPORTS ?

34- UN TRUC DINGUE QUE TU AS FAIT

Il y a quelques années, j’ai fait avec des amis quelques virées qu’on appelait tour de France gastronomique. En gros, on partait sur 3-4 jours avec voyage dans la journée et chaque soir un grand resto 3 étoiles Michelin. Une folie pour nos finances mais des expériences gustatives exceptionnelles, décuplées par le fait de les partager avec de très bons amis. 35- UNE CITATION OU UNE DEVISE QUE TU AIMES

Qui avale une noix de coco fait confiance dans son anus. Proverbe africain. 36- 5 TRUCS QUE TU AIMES

Arriver à pied sur un sommet et admirer la vue à 360° ; partir à l’aventure sac au dos en autonomie ; un bon repas avec un bon vin partagé avec des amis ; la liberté ; finir un très bon livre en me disant qu’il faudra le relire une autre fois. 37- 5 TRUCS QUE TU N’AIMES PAS

Les chiens et en particulier les patous ; les gens qui se prennent au sérieux ; les premières chutes de neige importantes en novembre qui marquent la fin de la saison de rando ; Le stress ; l’intolérance.

Vélo, course d’orientation, un peu d’alpinisme, du ski de fond en hiver, j’ai fait quelques raids multi et 2-3 triathlons distance Ironman*.

38- UNE QUESTION À LAQUELLE TU N’AURAIS PAS RÉPONDU

30- COMMENT TA FAMILLE VIT-ELLE AVEC TA PASSION ?

39- UNE QUESTION QUE TU AURAIS VOULU QUE JE TE POSE ? LA RÉPONSE ?

Mes proches ont du mal à comprendre qu’on puisse aimer faire des efforts sur des durées aussi longues et j’ai du mal à leur faire comprendre que ce n’est pas du masochisme mais du plaisir. Ayant visité l’île de La Réunion, mes parents ont été très impressionnés par ma participation au Grand Raid de La Réunion. Récemment ma mère m’a dit qu’à mon âge, il faudrait peut-être que je commence à me calmer. Ça m’a un peu énervé et puis j’ai rigolé. 31- D’AUTRES LOISIRS/PASSIONS DANS LA FAMILLE ?

Mes frères sont aussi des amateurs de sports (foot, tennis, golf). 32- TU AS DES HÉROS RÉELS OU IMAGINAIRES ?

Non, juste beaucoup de respect en général pour les personnes qui risquent volontairement leur vie pour une juste cause. 33- UN ENDROIT OÙ TU VOUDRAIS VIVRE

Je suis très bien où je suis. Dans un monde imaginaire, j’aimerais que Paris ne soit pas trop loin de chez moi parce qu’après y avoir vécu longtemps, j’y ai des amis que je ne vois pas souvent. Et puis, si l’Himalaya ou les Andes étaient à quelques centaines de kilomètres de chez moi, ce serait génial.

À quelle question ne souhaites-tu pas répondre ?

Où aimerais-tu te faire inhumer ? J’aimerais me faire incinérer et ensuite disperser mes cendres sur le plateau du Turc, un endroit superbe à 2700 m dans la Vanoise à l’écart des grands chemins. J’aurais une vue divine pour l’éternité et mes cendres seraient utiles pour les magnifiques fleurs d’altitude. 40- POUR FINIR, UN TRUC QUE TU AS ENVIE DE DIRE ?

Même si la France vit des difficultés importantes, en particulier pour certaines personnes, n’oublions pas que nous avons la chance de vivre dans un très beau pays, globalement riche, qui a traversé il n’y a pas si longtemps des périodes bien plus difficiles. Beaucoup d’autres personnes, dans d’autres contrées, sont confrontées à des situations beaucoup plus critiques, de l’ordre de la lutte pour la vie ou la liberté.

MA MÈRE M’A DIT QU’À MON ÂGE IL FAUDRAIT PEUT-ÊTRE QUE JE COMMENCE À ME CALMER

213 ABSOLU

LES QUESTIONS « OFF »


PUR MOMENT | CCC 2006

HISTOIRE | LÉGENDE

PUR MOMENT

AUTHENTIQUE | ULTRA

par Laurent Vercueil Sources COURMAYEUR-CHAMPEX-CHAMONIX 2006, CORINNE FAVRE GAGNE DEVANT TOUT LE MONDE

CORINNE DEVANT

V

ingt-deux heures quarante, Chamonix, place du Triangle de l’Amitié. Alizée a 6 ans, elle devrait être couchée à c’t’heure, mais c’est la fin des vacances. Les longues vacances d’été. Elle sait qu’elle va devoir quitter la montagne et retourner à Paris pour la rentrée, dans quelques jours, la rentrée à la grande école. Alors, ce soir, c’est un peu distraitement qu’elle tient la main de son papa. Elle est un peu ailleurs.

# 3 • JAN-FÉV 2014

214

Une fille devant tous les garçons ?

Une rumeur qui bruisse et enfle rapidement dans la foule la ramène sur terre : elle se rapproche de la barrière et tente de distinguer la forme qui s’annonce au bout de la place. Elle entend : « C’est le premier qui arrive ! » Au bout de la ligne droite, des mains, des fanions s’agitent soudainement, toute une animation qui secoue comme une vague la foule amassée contre les rambardes. Les haut-parleurs grésillent, puis une voix éclate d’enthousiasme : « Et c’est l’arrivée ! Un grand bravo ! » Alors Alizée se penche encore un peu plus en avant pour essayer d’apercevoir le champion qui se présente. Le vainqueur de la course CourmayeurChampex-Chamonix® (CCC®) déroule une élégante foulée sur les derniers mètres en saluant le public en liesse. Le ARRIVÉE

ALIZEE LE VOIT BIEN, ET ELLE VOIT QUE C’EST UNE FILLE dossard 6304 arrive. Alizée le voit bien, à présent, le 6304. Et elle voit bien que c’est une fille. C’est Corinne. Corinne Favre arrive, première au classement général, en 10 heures et 35 minutes. Elle devance un coureur anglais de près de 20 minutes et à plus d’une demiheure, un Réunionnais rompu aux pentes ardues de son île. François D’Haene, parti en tête, a été rejoint et doublé entre Praz de Fort et Champex, il va terminer quatrième. À la moitié du parcours, Corinne s’est retrouvée en tête, et plus personne ne l’a revue. Cinq heures et demie devant, seule, imprimant l’allure de la course, et à ses trousses, près de 1000 humains, hommes et femmes confondus dans une même poursuite vaine : ce jour-là, pourquoi distinguer les genres ? Un homme ou une femme, peu importe, juste une personne qui allonge une belle foulée, prompte à avaler les montagnes sans fatigue. Alizée ne manifesta aucune surprise lorsque Corinne franchit à 22 h 43 mn la ligne d’arrivée en première position. Quoi de plus naturel qu’une femme puisse gagner ? Après tout, dans la cour de l’école, c’est bien Alizée la plus rapide. Et devant tous les garçons.

FAITS MARQUANTS DE PURS MOMENTS D’ULTRAFOND Retrouvez dans nos pages ces moments qui ont marqué l’histoire du sport : retranscrits par des spectateurs, des officiels, des compétiteurs ou de simples passants, ils provoquent des résonnances encore aujourd’hui dans notre manière de vivre l’ultra.


ABSOLU

215


LA BATAILLE DE SPARTE AURA BIEN LIEU AROO AROO ! LE CRI DE DEUX CENT PERSONNES RÉSONNE AU DÉPART D’UN PARCOURS DE 13 KM AUX OBSTACLES ENCORE INCONNUS. TOUT CE QU’ILS SAVENT C’EST QU’AU BOUT ILS SERONT FINISHERS ET COUVERTS DE BOUE, ET ÉVENTUELLEMENT DE BLEUS. DURANT L’ÉPREUVE ILS ARBORERONT LE MASQUE DE L’EFFORT, DU COMBATTANT DÉTERMINÉ, ET À LA FIN, ILS AURONT LE REGARD PERDU DANS L’INSTANT PASSÉ, CE MOMENT OÙ, OUI, ILS ONT DÉPASSÉ LEURS LIMITES.

SPARTAN RACE | CIRCUIT PAUL RICARD © Akuna

# 3 • JAN-FÉV 2014

216


La Spartan est certes un évènement festif, mais c’est avant tout une épreuve physique : 5 ou 13 km comportant 15 ou 21 obstacles.


SPARTAN RACE | CIRCUIT PAUL RICARD © Pierre Alessandri (Photossports)

# 3 • JAN-FÉV 2014

218

ELLE VA MOINS BIEN FILMER LA CAMÉRA MAINTENANT


En 2013, 60 Spartan Race ont repeint en marron des coureurs dans le monde ; ils sont déjà plus de 500000 à avoir mangé de la terre sur un circuit Spartan


ZONE

220

# 3 • JAN-FÉV 2014

HOME-TRAINER

SPEEDBIKE KETTLER RACER S La société allemande Kettler a été récompensée par l’ISPO award 2013 pour le dernier-né de la gamme S-line : le racer S dispose de réglages complets et d’un écran tactile, néanmoins l’innovation est invisible à l’oeil nu. Par bluetooth le racer S et toute la gamme S-Line (crosstrainer, ergocyle, tapis roulant) se connectent avec tout périphérique (mobile, tablette…) muni de l’application S-Fit (Appstore, googleplay). Dès lors vous pouvez partager vos parcours, vos données biométriques, défier vos amis connectés sur des parcours prédéfinis, et même brûler l’exacte somme de calories d’un repas. Prix 1999 €. http://tinyurl.com/ultra03-sfit

GPS RÉALITÉ AUGMENTÉE

UN PINGOUIN COMME GUIDE « Le Sunshine aquarium de Tokyo a su allier la technologie GPS et la réalité augmentée pour aider les promeneurs à trouver leur chemin en suivant des… pingouins. Le quartier très dense de l’aquarium de Tokyo est constellé de QR code : à travers l’oeil de la caméra, le piéton suit, avec un amusement certain, des pingouins se dodelinant vers l’aquarium. Qui peut encore dire que la technologie est barbante ? http://tinyurl.com/ultra03-pingouins

SURCHAUSSURE ANTI DÉRAPANTE

LA GLISSE A HORREUR D’EZYSHOES X-TREME Ezy Shoes® est une solution innovante issue de la recherche sur chaînes à neige. Le modèle X-Treme est utilisable pour les trails blancs. C’est typiquement le genre d’équipement qui manque à l’instant t où l’on sent le pied qui dérape… Alors mieux vaut être prévoyant et jouer la sécurité. À partir de 26,90 €


BRASSIÈRE

ZSPORT SOFT TOUCH, UNE DOUCEUR ULTRA Les ingénieurs de Zsport relookent leur modèle phare de brassière en dévoilant un nouveau toucher soyeux et un zeste coquin avec ces mini ajouts en résille noir. Le socle d’attributs qui a fait le succès de la marque est toujours présent : • Coupe enveloppante pour une parfaite limitation du rebond mammaire • Coutures lisses, plates et extérieures anti-irritations • Dos nageur pour une parfaite liberté des mouvements • Bretelles larges doublées pour un maintien optimum • Bande élastique large sous poitrine soutenant le poids des seins • Passants de fixation pour cardiofréquencemètre Prix 49.90 €. www.zsport.fr/home/

GRAPHÈNE

RASOIR/TONDEUSE

LA FIN DES BATTERIES EN MODE CHARGEMENT Une puce hyper dopée au graphène, cela vous parle ? Après les promesses des nanotubes carbone, les scientifiques de l’université VanderBild (Tennessee) exploitent les qualités incroyables de ce cristal bidimensionnel. Étalé sur une puce silicium, le graphène est capable d’assembler les ions accumulés à sa surface a contrario d’autres matériaux. Résultat, le chargement des ions se ferait en quelques secondes, cette charge pouvant durer plusieurs semaines. Ce n’est pas tout, la durée de vie du dispositif annoncée par les chercheurs atteint les 5000 cycles (contre 1200 pour les systèmes actuels). L’attente douloureuse du rechargement de mobile sera-telle bientôt un vestige du passé ? http://tinyurl.com/ultra03-graphene

LE RASAGE AU RAYON LASER Vous retrouverez-vous plutôt en Obi-Wan Kenobi ou Luke Skywalker, lorsque vous aurez dégainé le dernier né de la gamme de rasoir/tondeuse high-tech Philips, le BT9290 ? Une fois son ergot relevé, le rayon rouge du laser se projette sur votre visage, laissant tout loisir de se dessiner un look précis et symétrique. De quoi se dire « Le Philips BT9290 il te faudra ». Prix 105 €. http://tinyurl.com/ultra03-BT9290

TEXTILE

LE SAVOIR-FAIRE NORVÉGIEN VOUS TIENT À TEMPÉRATURE IDÉALE

Un haut élégant avec une technicité à l’unisson, c’est le pari tenu par les ingénieurs et stylistes de la marque Helly Hansen. Le Dry Charger windblock combine un multicouche coupe-vent avec isolation LIFA®, respirabilité et légèreté avec la couche HH® Dry pour vous accompagner dans tous vos entrainements ou sortie de ski intenses. Prix 69,95 € http://shop.hellyhansen.com/fr-fr/

221


ALIMENTATION

MINI SPECTROMÈTRE POUR MAXI ANALYSE

CASQUE

TROIS SPORTS : UN CASQUE !

# 3 • JAN-FÉV 2014

222

Conçu de façon modulaire, ce casque Cébé intègre une protection latérale amovible en polycarbonate dédiée à la pratique du free ride. En configuration alpinisme, il suffit d’enlever les inserts polycarbonates pour libérer les ventilations nécessaires à la pratique de l’escalade. Cébé a bien sûr prévu des clips pour accueillir une lampe frontale dans le cas d’une activité nocturne. Pour le VTT, une visière amovible s’intègre au casque.. À partir de 129 €. http://tinyurl.com/ultra03-cebe

SMARTPHONE

TÉLÉPHONEZ ÉQUITABLE Le commerce équitable s’immisce dans les nouvelles technologies : le Fairphone smartphone respectant les valeurs du commerce équitable et laissant une empreinte écologique la plus minime possible a séduit près de 25000 clients lors d’un crowfounding. Il est situé en milieu de gamme : processeur quadricœur cadencé à 1,2 GHz, écran tactile de 4,3 pouces, appareil photo de 8 mégapixels au verso et 1,3 mégapixel au recto, espace de stockage de 16 Go et mémoire vive de 1 Go. Il fonctionne avec Android 4.2 sur les réseaux 2G et 3G. Prix : 325€. http://tinyurl. com/ultra03fairphone

Quand sa fille tomba malade à cause de l’Aspergillus Penicillium (moisissure) après son déménagement des États-Unis vers l’Europe, Isabel Hoffmann mit ses talents d’entrepreneur pour créer un outil facile à prendre en main, rapide et utile pour analyser en direct tout ce que l’on consomme. Tellspec s’appuie sur trois éléments : un spectromètre, un algorithme dédié, une application mobile. Il fonctionne comme un scanner : visez la nourriture quelques secondes, l’algorithme interprète les données et les envoie vers votre mobile équipé de l’application Tellspec. Cet appareil vous donne accès aux calories pour les personnes désirant maitriser leur poids. Il indique avant tout les ingrédients contenus dans les plats au grand bonheur des personnes allergiques. Tellspec est actuellement en phase de développement sur la plateforme collaborative Indiegogo. Le projet a déjà récolté plus de 380 000 $ de fonds alors que 100 000$ suffisaient. La sortie de ce petit bijou est prévue pour fin 2014. http://tinyurl.com/ultra03-tellspec

LUNETTES CONNECTÉES

LES GOOGLE GLASS S’ADAPTENT À VOTRE VUE La célèbre firme californienne de Mountain View pense enfin aux porteurs de lunettes, une promesse attendue par de nombreux afficionados de la première version des Google Glass. D’autres améliorations notables apparaissent comme une oreillette détachable, une batterie à la hausse et un style « branché » plus discret. La sortie de cette nouvelle version est prévue pour 2014 avec un prix encore secret mais il avoisinerait sans doute plusieurs centaines d’euros. C’est le prix à payer pour voir le monde selon Google.

MODULARITÉ

CONSTRUIS TOI-MÊME TON SMARTPHONE Le designer néerlandais de 25 ans Dave Hakkens, a dû beaucoup jouer aux Legos étant jeune ; les cadres de Google aussi. En a découlé l’idée d’assembler des modules interchangeables pour augmenter la durée de vie d’un smartphone. Motorola va fournir un squelette matériel sur lequel des développeurs pourront ajouter un module (clavier, appareil photo, reconnaissance d’empreintes digitales, etc.). Le smartphone modulaire est en marche. http://tinyurl.com/ultra03phonebloks


FRONTALE

LA TIKKA SE DOTE DU « REACTIVE LIGHTING »

La gamme Tikka r+ et Tikka rxp, un an après sa grande sœur la NAO, embarque la technologie intelligente « reactive lighting » basée sur les informations d’un capteur de luminosité additionnel. Ce dernier analyse les conditions de lumière environnantes, les besoins de l’utilisateur en terme d’autonomie, et adapte l’intensité du faisceau. L’utilisateur, que ce soit en trail, en alpinisme ou en expédition, bénéficie à tout instant d’une bulle de lumière optimale sans avoir à toucher sa lampe. En sus les Tikka sont équipées d’une led rouge pour préserver la vision nocturne, d’un témoin de décharge et de trois niveaux d’éclairage. A partir de 64,90 € pour la Tikka r+, à partir de 79,90 € pour la Tikka rxp. http://tinyurl.com/ultra03-tikkar

CHAUSSURES

SKORA RESPECTE VOS PIEDS

MOTIVATION

NIKE FUELBAND SE : OBTENIR SA DOSE ET LE DIRE ! Nike sort une seconde mouture de son bracelet connecté à l’Ipod ou Iphone. S’il ne change pas d’apparence extérieure sauf à prendre des couleurs variées, le Fuelband SE se dote de tous nouveaux algorithmes prenant en compte même des sports tels le yoga. Les concepteurs misent tout sur l’effet de motivation entre pairs, tant ludique est l’accumulation de points fuelband. Le bracelet passe de rouge à vert au fur et à mesure de la journée et si vous battez votre record ce dernier peut se charger de le faire savoir à vos amis. Alors, attention au lendemain car il y aura du défi dans l’air, les points fuelband qui vous feront rester en tête vont coûter cher. Prix 139 €. http://tinyurl.com/ultra03-nikefuelband

Skora, une nouvelle marque de running minimaliste débarque en France avec ses trois gammes : Form, Core et Phase. La philosophie de cette entreprise basée à Portland en Oregon est de privilégier la biomécanique du pied, de ne point contraindre son anatomie et de bâtir sa technologie autour. Zéro drop, faible amorti, avant pied large, système asymétrique de laçage, 11 mm de hauteur totale pour la gamme Core et Phase, design, autant d’attributs qui font de cette marque née en 2007 une alternative convaincante pour les fans de chaussures minimalistes. Les Skora sont faites pour être portées pieds nus grâce à l’intégration de fils d’argent dans la semelle de propreté, leur construction sans couture, et à une tige en cuir de chèvre réputée pour sa respirabilité et longévité. À partir de 115 € pour la gamme Phase, et 129 € pour la Core, jusqu’à 179 € pour la très trendy gamme Form. http://skorarunning.com/

SMARTPHONE

HTC, C’EST DU SOLIDE !

Ce n’est pas au sens figuré qu’un employé d’une petite station-service de l’état de Floride emploie cette phrase. Un braqueur un peu énervé de n’avoir pu dérober le contenu du coffre, tire deux coups de feu en direction des caissiers. Un employé tombe touché à la poitrine, et se relève… indemne. La balle s’est logée dans son smartphone Desire HTC ! Pour une fois qu’une personne ne va pas se plaindre que son téléphone soit tombé en panne… http://tinyurl.com/ultra03-bullet

223


DRONE

AMAZON S’ENVOIE EN L’AIR

TEXTILE

# 3 • JAN-FÉV 2014

224

VERTICAL CONSERVE AU CHAUD « LE MADE IN FRANCE » La marque Vertical appartenant au groupe Raidlight se lance dans le pari du « made in France ». Face aux grandes multinationales, la marque française se différentie en mettant en avant son engagement pour l’emploi dans l’hexagone. Le maillot Altus et le collant Altair répondent présent aux critères de légèreté, encombrement minimal nécessaires aux sports hivernaux tels alpinisme, ski, randonnée. Ces premières couches offrent un excellent confort grâce à leur matière alvéolée, respirante et avec coutures plates. Prix 59,90€. w w w. r a i d l i g h t . c o m / f r /

Un nouveau pari de Jeff Bezos, le PDG emblématique de l’entreprise de commerce électronique basée à Seattle, va faire couler beaucoup d’encre. Vous venez juste de cliquer sur le bouton commande du cyber marchand américain et déjà toute la chaine de logistique s’agite pour vous livrer le plus tôt possible. Et le dernier maillon avant vous, client final, n’est pas humain, il a des yeux, des ailes, un cerveau électronique, et telle une cigogne délivrant un bébé, le drone posera sur le pas de votre porte votre achat. Entre les autorisations de vol, les levées de boucliers concernant la vie privée, l’autonomie des drones, Jeff Bezos, l’optimiste, est formel : le système sera opérationnel dans 4 ou 5 ans. Qui va être le premier à oser se faire livrer un oiseau pour sa volière par ce moyen ? http://tinyurl.com/ ultra03-drone

SKI

UNE TOUCHE ROCK’N’ROLL ET SEXY SUR APO & ELECTRIC PAR BIZMUT

Les marques APO (ski et snowboard) et Electric (masques) se rencontrent sur le terrain de l’artiste Bizmut : sur un thème dichotomique dark et light, Bizmut appose sa vision d’univers antagonistes. La sensibilité de Bizmut aura de quoi ravir un public adepte de belles « lignes » pleines d’ambiguïté dans la poudreuse. Prix ski sans fixations 379,95 €. Prix masque Electric 132 €.

SANDALES

LA NORTHRIDGE DE TEVA VOUS FAIT RETOMBER EN ENFANCE

Souvenez-vous quand vous n’étiez qu’un gamin courant pieds nus tout l’été, jouant au funambule sur les rochers ou au pistolet à eau sur la plage sans penser à vos pieds. Cette liberté, Teva s’efforce de vous la rendre avec quelques protections supplémentaires. Dans et hors de l’élément liquide, la sandale est conçue pour évacuer l’eau, la construction minimaliste épouse les aspérités du sol procurant une sensation d’accroche rassurante. La Northridge Teva se plie, s’enroule aisément pour pouvoir s’emporter au fond d’un sac. Prix 85 €. http://tinyurl.com/ultra03-teva


WRISTIFY

GANTS

LE BRACELET QUI VOUS RÉCHAUFFE

DIGIGLOVE : LA TOUCHE DIGITALE DE VOTRE GANT

Un bracelet pour avoir plus chaud ? C’est l’incroyable promesse que font les inventeurs du wristify. Ces derniers ont astucieusement profité de nos capteurs de température situés sur des endroits sensibles comme la nuque ou le poignet. En augmentant de 0,1 °C la température du bracelet, la température ressentie par notre cerveau peut être augmentée, elle, de plusieurs degrés. Fini les discussions sans fin sur la régulation du chauffage d’une salle de réunion, il suffira de à wristify de vous envoyer, à votre demande, un peu de chaleur très localement pour vous réchauffer entièrement. Enfin c’est ce que votre corps croira ! Le projet wristify est au stade de projet avancé au MIT (Massachusset Institute of Technology), les investisseurs s’intéressent très fortement au potentiel d’économie en énergie que suscite cette technologie révolutionnaire.

Qui n’a pas hésité par grand froid à enlever ses gants pour taper un SMS ? Digiglove vous évitera ce dilemme. La start-up marseillaise Wantalis a attendu cet hiver pour lancer le premier liquide qui permet de transformer tous les gants en gants tactiles. Le Digiglove est le premier liquide digi-conducteur, quelques gouttes suffisent pour une durée de plusieurs semaines avec la majorité des matériaux (synthétique, polaire, laine, gore-tex…). Le Digiglove est incolore et sans risque pour la santé. Il s’élimine au lavage. Voilà encore une occasion d’utilisation de plus pour les férus de smartphones. Prix 14,90 €.

POCHE SÉCURISÉE

SPIBAND SERT BIEN Une poche additionnelle, discrète, sans fermeture à glissière et qui ne ballotte pas pendant l’effort ? SPIband offre une solution astucieuse, en utilisant une conception à trois plis. Il suffit de soulever le premier pli et placer vos effets personnels dans le deux i è m e pli. Ajusté à la cheville ou au poignet, c’est l’endroit idéal pour vos clés, argent ou carte de membre. À partir de 10 €.

VESTE

TERREX NDOSPHERE Cascade de glace ou ski de rando, Adidas sort une veste bourrée de technologies innovantes permettant une mobilité et une régulation thermique à toute épreuve. La Terrex Ndosphere intègre à sa surface une finition Cocona® à base de fibre de noix de coco. Elle adopte aussi le tissu Primaloft® 80g réputé pour son isolation même trempé et sa respirabilité. Associé à des panneaux de Primaloft® extensibles, le tout forme une solution de mobilité thermique idéale pour des conditions hivernales difficiles. Prix 200 €.

225


ULTRA-TRAIL WORLD TOUR

LE CIRCUIT INTERNATIONAL DE TRAIL

# 3 • JAN-FÉV 2014

226

L’Ultra-Trail World Tour (UTWT) est le circuit compétitif international de trail lancé à l’initiative des huit épreuves les plus emblématiques au monde. L’ambition de l’UTWT est de faciliter l’accès à ces épreuves réputées à l’élite de la course à pied, mais aussi pour le plus grand nombre du peloton. Ce circuit verra les meilleurs coureurs de la planète s’affronter sur les plus belles épreuves, sans autre critère de sélection que leur valeur sportive. www.ultratrailworldtour.com

CALENDRIER

Ultra-Trail World Tour 2014

1 | 18 ET 19 JANVIER | 2 | 1 ET 2 MARS | 3 | 15 MARS | 4 | 4 AU 14 AVRIL | 5 | 24 AU 27 AVRIL | 6 | 17 ET 18 MAI | 7 | 27 ET 28 JUIN | 8 | 28 ET 29 JUIN | 9 | 25 AU 31 AOÛT | 10 | 23 AU 26 OCTOBRE |

Vibram® Hong Kong 100 - Hong Kong, Chine The North Face® Transgrancanaria - Espagne Vibram® Tarawera Ultramarathon - Nouvelle-Zélande Marathon des Sables - Maroc Ultra-Trail Mt.Fuji® - Japon The North Face® 100 Australia - Australie The North Face® Lavaredo Ultra Trail - Italie The Western States 100 Mile Endurance Run - Etats-Unis The North Face® Ultra-Trail du Mont-Blanc® - France, Italie, Suisse La Diagonale des Fous - Ile de La Réunion, France


L’ÉPREUVE DU MOIS

VIBRAM® HONG KONG 100

Avec 3 éditions derrière elle, la Vibram Hong Kong 100 a déjà fait visiter les alentours de Hong Kong à plus de 1500 coureurs. L’épreuve est née en 2011, en réaction à la demande croissante de la communauté de coureurs hongkongaise. Janet Ng et Steve Brammar ont relevé le challenge de créer cette course, avec le résultat que l’on connaît aujourd’hui.

Type : Ultra-trail non-stop Lieu : Hong Kong, Chine Date : 18 et 19 janvier Environnement : forêts, plages, collines Première édition : 2011 Distance : 100 km Dénivelé : 4500 m D+ Temps limite : 32 heures Résultats 2013 : 854 finishers, dont 16 Français, 3 Belges, 4 Suisses, 225 non-finishers Vainqueurs 2012 : Ryan Sandes (Afrique du Sud – 9 h 54) et Nora Senn (Chine – 12 h 34) Site web : www.hk100-ultra.com

POURQUOI L’UTWT DANS ULTRA MAG ? Nous avons choisi de consacrer deux pages dans chaque numéro à l’Ultra Trail World Tour car il rassemble dix des plus belles épreuves au monde. Il en existe bien entendu d’autres, mais ce sont celles-ci qui font rêver le plus de coureurs.

227


PLEIN CADRE

TRANSOMANIA 1ÈRE ÉDITION

# 3 • JAN-FÉV 2014

228

TRANSOMANIA 1E ÉDITION Un non-stop de 270 km (ou au choix 195 et 130 km). Des montagnes (sur 96 km), des canyons (sur 49 km), des dunes (sur 130 km). Un parcours déjà testé par le Desert Oman Raid.


229

Un tracé varié et exigeant. Un peloton international. Un niveau relevé. À suivre à partir du 25 janvier 2014 sur les pages Facebook de la TransOmania et de PhotosSports. Infos sur www.raidsahara.net/TransOmania/fr/ - Crédit photo : Cyril Bussat.


CAHIER COURSES Toute l’actualité des ultra-épreuves, passées et à venir

# 3 • JAN-FÉV 2014

230

SAINTÉLYON 8 DÉCEMBRE

© Gilles Reboisson

Des sols enneigés et verglacés, une nuit noire étoilée, et 12 180 coureurs pour fêter la 60e édition de ce raid nocturne qui s’est doté pour l’occasion d’un parcours de 75 km et 1800 m D+.


231


© NFL

# 3 • JAN-FÉV 2014 CAHIER COURSES

232


233

NO FINISH LINE 16 AU 24 NOVEMBRE Monaco a accueilli la 14e édition de la No Finish Line, cette course non-stop de 8 jours sur circuit, chacun pouvant venir courir quand ça lui chante, chaque kilomètre parcouru donnant lieu au reversement d’un euro au profit de Mécénat Chirurgie Cardiaque. Cette année 8825 personnes ont participé, le premier, Didier Sessegolo dépassant tout juste les 900 km.


CAHIER COURSES

OMAN DESERT MARATHON

10 AU 14 NOVEMBRE 25 privilégiés ont testé le Desert Oman Raid, 165 km en 5 étapes en auto-suffisance alimentaire, dans le désert de Bediyah.

# 3 • JAN-FÉV 2014

234

TRANSMARTINIQUE 7 DÉCEMBRE Quoi de mieux qu’une course aux Antilles pour terminer l’année ? Le Normand Erik Clavery l’a bien compris, lui qui empoche la victoire sur le 130 km devant Antoine Guillon.


235


CAHIER COURSES

ÉVÈNEMENTS À VENIR

Ö TILL Ö THE SWIM RUN RACE RAID TRAIL-NAGE C’est notre coup de cœur à la rédaction : téléportez-vous en Suède au cœur d’un chapelet d’îlots, prenez un point de départ, un point d’arrivée, 5 check-points entre les deux, et vogue la galère ! S’il y a de la terre sous vos pieds, courez, si vous êtes dans l’eau, nagez. Par équipe de deux, environ 65 km de trail + 10 km de natation, en Suède.www.otillo.se

236

L’ETAPE DU TOUR 2014

# 3 • JAN-FÉV 2014

CYCLOSPORTIVE Direction les Pyrénées pour l’Etape du Tour l’année prochaine : Pau Hautacam, le 20 juillet. Une étape courte cette année (148 km) mais proposant deux ascensions réputées : le Tourmalet et Hautacam. www.letapedutour.com/ET1/fr/homepage.html

LA HAUTE ROUTE DOLOMITES CYCLO À ÉTAPES Après la Haute Route version Alpes, puis version Pyrénées, l’épreuve cycliste ouverte à tous et en étape se duplique dans les Dolomites. Du 16 au 22 août 2014. www.hauteroute.org


237


CAHIER COURSES

# 3 • JAN-FÉV 2014

238

WINGS FOR LIFE WOLRD RUN

LA MYTHIQUE

ULTRA INTERNATIONAL

ULTRA NON-STOP

Le 4 mai prochain démarrera en même temps dans le monde entier une course dont les frais d’inscription seront reversés à l’association Wings for Life (recherche sur les lésions sur la moelle épinière). À 12 heures (heure française) pour la France, le départ sera donné en Bretagne, à Hennebont, pour un parcours allant jusqu’à 100 km ; au départ, personne ne saura combien de kilomètres il courra : chacun partira à son rythme et sera éliminé de la course lorsque la « catcher car » le dépassera en détectant la puce contenue dans chaque dossard. Les vainqueurs nationaux seront l’homme et la femme qui auront parcouru la plus grande distance dans leur pays. L’homme et la femme qui seront les derniers à courir dans le monde deviendront quant à eux les grands gagnants internationaux de l’épreuve et remporteront chacun un magnifique voyage autour du monde !

Réservez les 4 et 5 juin 2015 car reviendra sur le devant de la scène une épreuve mythique : Belvès-Millau, 250 km non-stop. Pour vous inscrire, c’est un peu tard : les 80 places dispos sont déjà prises. www.lamythique.com

www.wingsforlifeworldrun.com/fr

OBJECTIF SURE TRAIL LONG Retour en 2015 d’une épreuve qui a enchanté les coureurs isérois : le Roc de Chartreuse. Un parcours plus long (60 km) et plus montagneux est en cours de préparation. La date : le 7 juin.

GRAND RAID DES PYRÉNÉES ULTRA-TRAIL Nouvelle épreuve du côté de Vielle Aure : Le Tour des Cirques, 120 km, distance intermédiaire donc entre l’ultra (160) et le grand (80). Balade de cirque en cirque en passant par le célèbre Cirque de Gavarnie. À noter que le Grand Raid des Pyrénées se met aussi aux inscriptions par tirage au sort en raison du nombre de demandes bien supérieur au nombre de places disponibles. Du 22 au 24 août. www.grandraidpyrenees.com


239


© A. Chaumontel

# 3 • JAN-FÉV 2014

240

RETROUVEZ EN UN COUP D’ŒIL LA PAGE OÙ NOUS PARLONS DE LA COURSE QUI VOUS FAIT ENVIE, OU DONT VOUS AVEZ DISPUTÉ LA DERNIÈRE ÉDITION. 24 HEURES DE TAÏPEI Course horaire 154 6 JOURS D’ANTIBES Course horaire 203 ANNAPURNA MANDALA TRAIL Raid à étapes 118, 210 BIKE FESTIVAL VTT 137 BIKE MARATHON LA PALMA VTT 137 CHALLENGE FUERTEVENTURA Triathlon 137 COAST TO COAST FUERTEVENTURA Ultra-trail 136 COURMAYEUR CHAMPEX CHAMONIX Ultra-trail 214 DODO TRAIL Ultra-trail 109 ECO-TRAIL DE PARIS Ultra-trail 178 EVEREST SKY RACE Raid à étapes 118 FORTICH’ Ultra-trail 211 GOMERA PARADISE Trail long 136 GRAN CANARIA MARATHON Course à pied 136

GRAND RAID DE LA RÉUNION Ultra-trail 125, 210 GRAND RAID DES PYRÉNÉES Ultra-trail 238 GREAT HIMAL RACE Raid à étapes 118 HARDROCK 100 MILE Ultra-trail 152, 210 HIMAL RACE Raid à étapes 117 HONG KONG 100 Ultra-trail 226 IRONMAN LANZAROTE Triathlon 137 LA 555 Raid désertique 212 LA HAUTE ROUTE DOLOMITES Cyclosportive 236 LA MYTHIQUE Ultramarathon 238 L’ÉTAPE DU TOUR Cyclosportive 236 MARATHON DE LANZAROTE Course à pied 136 MARATHON DE NEW YORK Course à pied 155 MARATHON DE PARIS Course à pied 211


MAXI RACE DU LAC D’ANNECY Ultra-trail 155 NO FINISH LINE Course horaire 232 NOCTI’RAID Raid multi 242 Ö TILL Ö THE SWIM RUN RACE Raid course-nage 236 OBJECTIF SURE Trail long 238 OMAN DESERT MARATHON Raid à étapes 234 PATROUILLE DES GLACIERS Ski-alpinisme 155 PETITE TROTTE À LÉON Ultra-trail 210 RAID HIVERNAL LA FÉCLAZ Raid multi hivernal 242 ROC DE CHARTREUSE Raid pédestre 238 SAINTÉLYON Trail long 230 SIDNEY-MELBOURNE Ultramarathon 202 SOLUKHUMBU TRAIL Raid à étapes 117 SPARTAN RACE Course à obstacles 216 SPARTATHLON Ultramarathon 202 THE CAPE ROULEUR Cyclosportive 243 THE NORTH FACE® ULTRA-TRAIL DU MONT-BLANC® Ultra-trail 35, 39, 87, 89, 210 THE SPINE RACE Raid à étapes 242 TOR DES GÉANTS Ultra-trail 210 TOUR DE FRANCE Cyclisme 20 TRAIL DES 3 VALLÉES Raid à étapes 118 TRAIL DES BIAOUS DE GLAISE Trail 211 TRANSGRANCANARIA Ultra-trail 136, 243 TRANSMARTINIQUE Ultra-trail 234 TRANSOMANIA Raid désertique 228, 243

TRANSVOLCANO Trail 242 TRANSVULCANIA Ultra-trail 136 TRAVESIA A LOBOS Natation 137 TRAVESIA MASPALOMAS Natation 137 TREG Raid désertique 243 ULTRA TRAIL GRAN CHALLENGE Ultra-trail 136 ULTRA-TRAIL ATLAS TOUBKAL Ultra-trail 206 VULCAIN Trail long 243 WINGS FOR LIFE WORLD RUN Course à pied 238

241


20 JANVIER Un raid multisport hivernal, c’est original : ski de fond, course d’orientation raquettes et tir à la carabine par binôme à la Féclaz (73), c’est le RAID HIVERNAL DE LA FÉCLAZ tout simplement.

© Solveig Rist

# 3 • JAN-FÉV 2014

242

11 JANVIER Attention, voilà une course avec laquelle on ne plaisante pas : THE SPINE RACE, « Britain’s most brutal race » comme le disent les organisateurs. 268 miles (430 km) en moins de 7 jours.

AGE NDA

©

18 JANVIER La troisième dimension de la course à pied vous attend pour le RAID 28, le trail d’orientation francilien par équipe.

19 JANVIER Si l’Océan Indien vous convient mieux que l’Île de France, la TRANSVOLCANO est faite pour vous : 47 km sur le Piton de la Fournaise à La Réunion.

11 18 19 JAN

JAN

10 16 FÉV

10 FÉVRIER Raid multi nocturne glacial en Vallée de Chevreuse avec course d’orientation, run & bike, parcours aventure, VTT, paintball, kayak et trail, rien que ça ! C’est le NOCTI’RAID.

20

JAN

FÉV

JAN

19 20-24 FÉV

16 FÉVRIER Une classique de début de saison : le GRUISSAN PHOEBUS TRAIL, 50 km dans l’Aude. © Michel Picard-Leonarduzzi

FÉV

20 AU 24 FÉVRIER Championnats du monde de cyclisme sur piste à Minsk (Biélorussie).

19 FÉVRIER LA GRANDE AVENTURE LEGO Un revival de Matrix dans le monde des Légos avec Batman et les Tortues Ninja entre autres Guest Stars, à ne pas louper.


© 2013 USA Cycling Cyclo-cross National Championships

26 JANVIER LA TRANSOMANIA : de 130 à 285 km en non-stop au Sultanat d’Oman.

6 FÉVRIER Rendez-vous Porte de Versailles à Paris pour le SALON DU BIEN-ÊTRE, médecine douce et thalasso. Détendez-vous, ça va bien se passer.

24 JANVIER Vars accueille les championnats du monde de ski de vitesse, ça va décoiffer !

22 JAN

1

MARS

24 26 2 JAN

JAN

2

FÉV

3 5

MARS

MARS

2 MARS Neige, boue ou beau temps ? On n’est jamais sûr du temps qu’il fera au VULCAIN au cœur de l’Auvergne (80 ou 42 km).

© Mouss Productions

2 FÉVRIER Championnats du monde de CYCLOCROSS à Louisville (USA).

MARS

7 FÉVRIER Première édition du TREG, dans la région de l'Ennedi au Tchad, 170 km non-stop.

© Treg 2014

22 JANVIER MATCH RETOUR Stallone de retour sur un ring, face à De Niro : immanquable, non ? En plus ça a l’air rigolo.

6 7

FÉV

FÉV

12

MARS

12 MARS N°4 ULTRAMAG

3 MARS Deuxième édition d’une cyclosportive ultra : 525 km en Afrique du Sud pour THE CAPE ROULEUR.

1 MARS La TRANSGRANCANARIA est l’un des tous premiers ultra-trails de la saison (123 km), et fait désormais partie de l’Ultra-Trail World Tour.

5 MARS 300 : LA NAISSANCE D’UN EMPIRE 490 avant JC, les Athéniens se préparent à contrer les Perses à Marathon, l’un des derniers remparts protégeant Athènes.

243


Un peu perdu dans les acronymes ? Un terme difficile à appréhender ? Pas de souci, notre traducteur ultra > langage courant est là pour ça !

# 3 • JAN-FÉV 2014

244

24 heures

épreuve de course à pied sur circuit d’une durée de 24 heures, le but étant de parcourir la plus grande distance possible pendant cette durée.

333, 555

épreuves de course à pied non-stop dans le désert de 333 et 555 km (à l’origine, avec l’inflation ça a « un peu » augmenté)

6 jours

épreuve de course à pied sur circuit durant 6 jours (144 heures) pendant lesquels il faut faire le plus de kilomètres possible

Annapurna Mandala Trail

épreuve de course à pied à étapes au Népal

ARVA

Appareil de Recherche de Victimes d’Avalanche

Courmayeur Champex Chamonix (CCC)

ultra-trail au départ de Courmayeur et ralliant Chamonix sur 101 km et 6100 m D+

Corinne Favre

skieuse française de niveau international dans les années 2000, aujourd’hui traileuse de bon niveau, notamment quand il s’agit de grimper des pentes raides.

Course horaire

DNF

did not finish (abandon).

DNS

did not start (non-partant).

FFA

Fédération française d’athlétisme.

Finisher

athlète ayant terminé une épreuve en particulier.

Fortich’ : ultra-trail disparu qui se déroulait en Maurienne Grand Raid de La Réunion voir Diagonale des Fous.

GRP

Grand raid des Pyrénées, l’ultra-trail de fin août se déroulant dans les Pyrénées, plus de 160 km et 10 000 m de dénivelé positif. 6e édition en 2013.

Hardrock

ultra-trail sauvage de 100 miles se déroulant dans les Rocheuses au États-Unis

Ironman

un Ironman est un triathlon labellisé (circuit mondial officiel) qui offre d’enchaîner 3,8 km de natation, 180 km de vélo, et un marathon à pied.

Marathon

course à pied dont le but est de parcourir le plus de kilomètres possibles sur un circuit à répéter inlassablement.

épreuve de course à pied sur route d’une distance de 42,195 km.

D+

raid pédestre d’environ 225 km en 6 étapes se courant dans le désert marocain. L’épreuve se déroule en auto-suffisance alimentaire. Elle a inspiré de nombreuses autres épreuves qui ont porté ce format dans d’autres régions du globe.

dénivelé positif, voir dénivelé.

D-

dénivelé négatif, voir dénivelé.

Dénivelé

différence d’altitude entre un point haut et un point bas. Dans une épreuve, le dénivelé représente le cumul de toutes ces différences d’altitude. On différencie le dénivelé positif (que l’on doit monter) du dénivelé négatif (que l’on doit descendre).

Diagonale des Fous

l’épreuve-reine de l’île de La Réunion, dans l’Océan Indien, qui a lieu en octobre de chaque année, sur plus de 160 km et 10 000 mètres de dénivelé positif.

Marathon des Sables

Openrunner

logiciel en ligne permettant de créer et échanger ses parcours pédestres et cyclistes

Petite Trotte à Léon

raid pédestre par équipe de 2 ou 3 se déroulant sur plus de 250 km dans le massif du Mont-Blanc

Roc de Chartreuse

épreuve disparue mi-route mi-sentiers se


7ème édition

29-30 Mars 2014

déroulant en Isère, en bordure et dans le massif de la Chartreuse

Saintélyon

raid nocturne hivernal de 68 km entre SaintEtienne et Lyon, 66e édition en 2013.

Scratch

classement mêlant toutes les catégories et les deux sexes

Tor des Géants

l’ultra-trail le plus costaud à l’heure actuelle : 330 km et 23000 m de dénivelé positif pour faire le tour du Val d’Aoste, en Italie, en septembre.

TTN

A PARIS

'

,

LE TRAIL C EST CAPITAL TRAIL IS ESSENTIAL IN PARIS

80KM / 50KM / 30KM / 18KM

Trail tour national, le challenge annuel de trail organisé par la FFA.

245

Ultra-Marathon

toute épreuve de course à pied d’une distance supérieure à celle du marathon.

Ultra-Trail

épreuve de course à pied de longue distance (généralement plus de 80 km) se déroulant principalement sur des sentiers, avec une notion de semi-autonomie (alimentation, équipement), se déroulant souvent en montagne, mais aussi en campagne, forêt, sur le littoral, dans le désert…

UTMB®

Ultra-Trail du Mont-Blanc. L’épreuve emblématique de l’ultra-trail, se déroulant chaque année fin août au départ de Chamonix, et traversant France, Italie et Suisse, dans un tour du MontBlanc de plus de 160 km et 8 000 mètres de dénivelé positif.

Trail

course à pied sur sentiers.

VMA

Vitesse maximale aérobie.

VMAa

Vitesse maximale aérobie ascensionnelle.

VO2Max

consommation maximale d’oxygène pour un individu, exprimé en ml/min/kg. Ce débit est l’indicateur de la « cylindrée » d’un sportif.

Yiannis Kouros

ET AUSSI !

Le 14 septembre 2013 de Bruxelles /van Brussel

la légende de l’ultra-marathon, détenteur de quasi tous les records de 24 heures à 6 jours. Yiannis est né Grec et s’est fait naturaliser Australien. Devenez Fan/Follower


| NOUVELLE |

EMMANUEL LAMARLE

REQUINS, BASKETS & ESCARPINS

© WONG SZE FEI - Fotolia.com

# 3 • JAN-FÉV 2014

246

UNE PAIRE DE BASKETS PEUT-ELLE COHABITER AVEC UNE PAIRE D’ESCARPINS ? CERTAINEMENT ! UN CERTAIN TEMPS…


A

rrivés au bout du sentier, nous enjambons la balustrade pour gagner l’abri d’un rocher, nous asseyant l’un contre l’autre, les pieds dans le vide. Quelques étoiles scintillent là-haut, alors que trente ou quarante mètres plus bas les vagues se brisent avec fracas sur le chaos basaltique. Bercée par la quiétude de l’instant, je ferme les yeux et remonte le fil…

Je n’ai jamais vraiment compris pourquoi nous nous étions mis ensemble, Christian et moi. Et pourtant nous sommes mariés – mariés ! – depuis sept ans. D’accord, au début, il m’a séduite, sans même le vouloir d’ailleurs… En fait, nous nous sommes vus pour la première fois au Parc Montsouris, ce joli parc boisé du sud parisien. J’étais assise sur un banc, en plein soleil, juste en face du lac au bord duquel cancanaient cinq oies sauvages, et je lisais pour la dixième fois, au moins, l’un de mes livres préférés : L’Écume des jours, de Boris Vian. Chloé était malade, un nénuphar poussait dans son cœur, et Nicolas n’allait pas tarder à aller travailler à la fabrique d’armes pour tenter de la sauver. Je savais bien entendu que son terrible effort était vain, et j’en avais d’avance le cœur retourné, mais je poursuivais quand même ma lecture, espérant sans doute que par un incroyable revirement, l’amour vaincrait la mort. C’est idiot : c’est toujours la mort qui gagne. Alors que je relevais les yeux vers les oies pour m’aérer quelques secondes l’esprit et me préparer au pire, j’ai aperçu un jogger arriver en courant – forcément, un jogger ça jogge – par l’allée principale, passer devant moi, et escalader la côte qui passe sous la ligne de RER pour monter jusqu’en haut du parc. Moi, le jogging, je n’aime pas ça. Pis encore : je ne comprends même pas qu’on puisse aimer ça. Le chocolat au lait et aux amandes caramélisées, un Bloody Mary ou un film de Tarentino, d’accord, mais courir, ou même faire du vélo, du fitness ou je ne sais quelle autre horreur, non. De cause à effet, les joggeurs non plus ne m’attirent pas : je préfère côtoyer des gens sains d’esprit, qui ont autre chose à faire à six heures du matin, pendant midi ou après le boulot, que de se taper dix bornes et de revenir chez eux ou même au bureau tout dégouli-

nant de sueur, avec des fringues qui puent le pipi de chat et une coupe de cheveux à souhaiter être chauve. Mais Christian – qui n’était alors qu’un anonyme parmi d’autres anonymes – m’a immédiatement tapé dans l’œil. Je ne sais pas pourquoi. Ses baskets datant de Mathusalem ? Ses jambes poilues ? Son mini-short bleu marine et vert fluo – sans rire, comment peut-on acheter de telles fringues ? – moulant ses fesses et ses parties intimes ? Son tee-shirt de même couleur laissant deviner des pectoraux solides et un ventre plat ? Ou son visage anguleux et transpirant, exprimant au-delà de l’effort une concentration presqu’enfantine, un désir de bien faire, et un plaisir, oui, un réel plaisir, presque une extase, comme si l’idée de s’enfiler la côte à venir provoquait en lui une jouissance simple, exposée aux yeux de tous, et surtout aux miens. Christian s’éloignait déjà que je n’avais pas encore compris ce qui m’arrivait ; je l’ai suivi des yeux, suivi des yeux, et bien entendu il a disparu, plus haut, masqué par la pile du pont du RER et les arbres. Je suis restée hébétée au moins vingt secondes avant de me reprendre : ok, je venais de me séparer de cet imbécile de Ricardo – un mécano auto qui trimbalait toujours avec lui une odeur d’huile de vidange – et je n’avais rien en vue dans l’immédiat, mais quand même, un sportif ? J’ai réfléchi quelques instants encore, regardé les oies qui s’étiraient les ailes au soleil, puis j’allais replonger dans mon livre lorsque je l’ai vu redescendre, à grande vitesse, au milieu de l’allée. Le soleil tapait en plein et m’éblouissait à demi, mais je n’ai pu m’empêcher d’admirer sa silhouette élancée, et de le suivre des yeux jusqu’à ce qu’il me dépasse et se dirige vers la sortie du parc. « Il rentre chez lui, zut » me suisje dit en me levant de mon banc, poussée par je ne sais quel ressort inconscient. Le temps de me baisser pour ramasser mon sac et de me redresser pour m’élancer à sa poursuite, je ne l’ai pas vu faire demitour pour enchaîner d’autres montées-descentes de cette côte, et nous nous sommes violemment percutés, nous retrouvant tous les deux par terre, lui au-dessus de moi. J’ai gardé les yeux fermés, un peu sonnée par l’impact, mais surtout pour apprécier le poids de son corps brûlant, son odeur âcre, sa respiration hachée. Pas plus que moi il

247


| NOUVELLE |

n’avait compris ce qui lui arrivait. Et puis j’ai entendu sa voix : chaude elle aussi, inquiète, coupable aussi. Il n’avait pas l’intention de m’engueuler parce que j’avais foncé sans regarder, comme n’importe qui l’aurait fait : c’était un gentil. Je crois que c’est à ce moment que j’ai le plus aimé Christian de ma vie. Il faut dire que je suis plutôt la nana qui n’est jamais vraiment à sa place, qui a tendance à gaffer un peu, et qu’on finit toujours par rabrouer. Alors qu’on soit gentil avec moi, surtout après un accident de parc, c’était surprenant et touchant.

# 3 • JAN-FÉV 2014

248

Les premières semaines ont été vraiment agréables : il était prévenant, foncièrement gentil, positif et humaniste. Un vrai bon gars. Il m’a comblée : des petits cadeaux, des fleurs, des mots doux, des surprises. Puis nous avons commencé à nous voir avec nos amis respectifs ; tout le monde me disait que j’avais de la chance, que c’était un chic type, que c’était exactement la personne qu’il me fallait. Ses amis à lui semblaient également ravis de le savoir en ma compagnie : nous formions le couple parfait disaient-ils. Au bout de trois mois, nous avons emménagé ensemble. Ou plus exactement je suis allée habiter chez lui, puisque son appartement, à deux pas du parc où nous nous étions percutés, était bien plus vaste que le mien. La vie quotidienne s’est mise en place, sans que ni l’un ni l’autre n’ayons de trop gros effort à faire : nous mangions tous les deux sainement, nous couchions assez tôt, sortions à intervalles réguliers, et nous entendions bien au lit. Bref, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Enfin presque. Les mois passant et la normalité de notre relation s’établissant après les élans fougueux des débuts, nous sommes entrés dans une espèce de ménage à trois : lui, moi, et la course à pied. Rien n’avait changé dans le comportement de Christian : toujours aussi prévenant, toujours amoureux fou, mais toujours aussi sportif. Lorsque nous partions en week-end, pas une fois il n’a manqué de s’escamoter une heure pour aller courir. Lorsque nous parlions vacances, il choisissait systématiquement des hôtels avec salle de fitness où il pourrait trouver un tapis de course. Et ainsi de suite. Et à côté de ça, mes amis qui me félicitaient, qui

me disaient en rigolant – enfin pas toujours – « alors c’est pour quand le mariage ? Et les enfants ? » Il n’y a pas eu d’enfants, mais nous nous sommes mariés après un peu plus d’un an de vie commune. Je n’avais pas vraiment d’arguments valables pour ne pas l’épouser : un garçon gentil, prévenant, drôle, amoureux, avec un bon boulot, plutôt beau, que mes amis et ma famille aimaient bien. Que demander de plus ? Les années ont passé, nous avons déménagé pour une petite maison en proche banlieue, j’ai monté ma boite de vente d’objets d’art par internet, Christian a pris du galon, et s’est mis au trail, au vélo, aux raids extrêmes, au triathlon. Il a fait l’acquisition d’une balise GPS qui me permettait grâce à un site internet de le suivre à dix mètres près où qu’il se trouve, pour me rassurer quand il partait en montagne, disait-il. Il faut dire qu’il partait toujours seul, détestant la compagnie de ses semblables. Même en course, il me disait ne jamais courir avec d’autres personnes, toujours chercher l’isolement, propice d’après ses dires à se recentrer, se retrouver, se découvrir même. Qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre… Chaque année, il se donnait deux objectifs majeurs, comme si le sport pouvait être majeur dans une vie ? Encore, il aurait été sportif de haut niveau, et il aurait gagné des millions comme les footballeurs de l’équipe de France, je ne dis pas, mais là, franchement, pour finir deuxcentième sur deux mille, un objectif majeur ? Je le raillais de temps en temps sur le sujet, mais il évacuait mes propos d’un revers de la main, sans même prendre la mouche, toujours très gentil. Tellement gentil. J’ai rencontré Daniel lors d’un vernissage, un vendredi soir. Nous avons terminé la soirée chez lui, et je ne suis rentrée que le lendemain à la maison. Christian était parti pour trois jours en montagne, comme me l’indiquait sa balise, en prévision de son deuxième objectif majeur de l’année, fin août, du côté de Chamonix. Après Daniel, il y en a eu d’autres, pour une soirée, quelques semaines, jamais plus. Après tout, Christian me trompait avec le sport, j’avais bien le droit, moi aussi, de prendre du bon temps, non ?


Quand il revenait de ses raids, de ses expéditions, de ses épreuves, Christian reprenait son rôle de mari modèle, et moi d’épouse fidèle. Parfois il me demandait de l’accompagner : « ça te ferait du bien le bon air de la montagne » ou encore « pourquoi on ne se ferait pas un petit Paris-Londres en vélo cet été ? » Sans blague, à croire qu’il ne me connaissait pas ? Mais à côté de ça, toujours aussi prévenant, aussi gentil. Je crois que c’est au bout d’un peu plus de cinq ans que je n’ai plus pu le supporter. Tout en lui hérissait le peu de poils que Claudie, mon esthéticienne, me laissait sur la peau tous les quinze jours. Un an de ce régime plus tard, j’ai pris une décision : il fallait que ça cesse. Mais que devais-je faire ? Demander le divorce ? Jamais ! Ç’aurait été avouer un échec, perdre la face devant mes amis et me passer d’une situation plutôt agréable, sachant que mes affaires ne marchaient pas du tonnerre, et que c’était surtout lui qui amenait de quoi faire tourner notre foyer. Surtout que j’avais un certain nombre d’aventures extra-conjugales au compteur, et que si jamais quelqu’un venait à fourrer son nez là-dedans, ça ne m’arrangerait pas vraiment. Nous séparer à l’amiable ? Même topo. Que faire alors ? L’idée m’est venue d’un coup, un soir d’octobre, l’année dernière, alors que nous dînions : Christian semblait tout retourné, et quand je lui ai demandé, pas vraiment intéressée, pourquoi, il m’a fait part du décès d’un concurrent sur une épreuve appelée La diagonale des fous et se déroulant sur l’île de La Réunion. La diagonale des fous, non mais vous avez l’impression de rêver quand on vous parle de ça ! Les gars doivent traverser l’île en escaladant des montagnes, le jour et la nuit, sans dormir, et ils paient pour ça. Ils arrivent complètement fracassés, quand ils arrivent car la moitié abandonne en route, ils sont malades, épuisés, ils ont des hallucinations, les pieds déchirés d’ampoules éclatées, les genoux explosés par les descentes, les chevilles tordues, ils tiennent à peine debout, et on leur donne un tee-shirt avec marqué dessus « J’ai survécu ! » En l’occurrence, l’année dernière, il y en avait un qui n’avait pas survécu. Christian m’a raconté les circonstances, et pour une fois j’ai été attentive : ça s’était passé de nuit, à flanc de montagne, le gars devait être épuisé,

il a trébuché, il est tombé en dehors du sentier et a dévalé un à-pic de plusieurs centaines de mètres. Aucune chance de survie. On n’a retrouvé que de la bouillie. C’était exactement ce qu’il me fallait. Le jour de l’inscription à « La Diag », comme il l’appelait, Christian était fébrile : une course d’une telle ampleur, serait-il à la hauteur ? « Mais oui », le rassurai-je, « depuis le temps que tu t’entraînes, tu peux largement la boucler, ce sera le point d’orgue de ta carrière sportive. » Et surtout le premier jour du reste de ma vie. Pour une fois, j’accompagnerais Christian dans son voyage, et je lui avais assuré que j’essaierais même d’aller le voir sur le parcours de la course. Il ne se tenait plus de joie : « tu verras, l’ambiance de la course, la fête, ça va te plaire. » Pour la première fois de ma vie, j’ai acheté des cartes de randonnée, et j’ai étudié le parcours de cette foutue course. J’ai repéré l’endroit où le gars était tombé l’année précédente, et il m’a semblé évident que ça serait à cet endroit-là que j’agirais. Encore fallait-il que je puisse m’y rendre, et pour ça il fallait être prête à escalader moi aussi une montagne, et sans me faire voir. J’ai donc repéré des itinéraires secondaires susceptibles de m’amener au point crucial, et j’ai commencé à me préparer physiquement dans la salle de fitness proche de notre domicile, prétextant quelques kilos à perdre. Christian a vu ceci d’un très bon œil, il espérait ainsi que nous pourrions randonner un peu sur l’île avant sa course. Il ne croyait pas si bien dire : j’avais bien l’intention de repérer in situ l’endroit où j’allais dire adieu à mon cher mari. Nous sommes arrivés à Saint-Denis au milieu d’autres personnes venues à l’évidence elles aussi pour la course. J’avais l’impression d’être au milieu d’une bande de scouts sur le point de partir en camp de vacances. Des gamins. Leurs épouses semblaient soumises, voire participaient à cette étrange mascarade. Plus que quelques jours à supporter tout ça. La course devait démarrer le jeudi soir de la semaine suivante à minuit – non mais sans rire, à minuit ! En attendant, nous avons profité des plages, en prenant bien soin de nous baigner à l’intérieur du lagon, à cause des

249


| NOUVELLE |

requins : ç’aurait été dommage que Christian se fasse croquer par un de ces squales, quand même… Tant d’efforts pour rien !

# 3 • JAN-FÉV 2014

250

Après ce dîner plantureux, Christian m’a proposé d’aller marcher un peu pour aller regarder la mer. Ça m’arrangeait : un peu pompette, je me suis dit que de marcher me dégriserait un peu, et que, peut-être, nous pourrions nous laisser aller à une dernière petite partie de jambes en l’air, perchés au sommet de cette falaise, entre ciel, roche et océan. L’air était tiède, mais le vent frais, et je frissonnais un peu, accrochée à Christian alors que nous marchions sur des dalles irrégulières, dans l’obscurité presque complète, seuls sur ce cap pourtant très romantique.

Une semaine pile avant la course, nous sommes allés randonner dans le fameux cirque de Cilaos, avec comme objectif de monter jusqu’à la Caverne Dufour, un gîte sur la route du sommet de l’île, le Piton des Neiges. Sur le chemin menant à cette caverne – qui est en fait un bâtiment miteux –, nous devions passer par le lieu tragique de la disparition du coureur l’année passée, un lieu qui deviendrait bientôt doublement tragique. Tout s’est parfaitement déroulé, hormis que j’ai eu un terrible mal aux jambes alors que mon imbécile de mari semblait aussi frais qu’un gardon sorti de l’eau. J’ai observé avec attention le passage critique : le sentier longeait le vide sur une vingtaine de mètres, et était bordé côté falaise par une végétation très dense. Il semblait difficile de pouvoir s’y frayer un chemin, mais j’ai repéré un léger renfoncement où je pourrais me cacher en attendant mon époux. J’avais pris soin avant la course de vérifier que le réseau téléphonique passait ici, ce qui me permettrait de suivre sa progression très précisément grâce à son inséparable balise GPS. Il me suffirait de grimper suffisamment tôt pour être présente avant son passage, de me cacher dans le renfoncement dans les fourrés, et lorsqu’il approcherait, seul comme à son habitude, hop ! Épuisé comme il le serait après une journée de course, ce ne serait pas bien compliqué de l’envoyer valdinguer. Il me suffirait juste de repartir comme une petite souris, ni vue, ni connue.

Ma tête et mon corps s’emplissent immédiatement d’un froid glacial, et je n’arrive même pas à esquisser le moindre geste ni à crier lorsque Christian me pousse violemment dans le vide. Dans les deux secondes qui me séparent des rochers, je ne me sens même pas en colère, juste étonnée : peut-être qu’il n’était pas si gentil que ça, après tout ?

De retour dans notre petite maison de location, j’étais plus enjouée que je ne l’avais été depuis plusieurs années. De le savoir en sursis, et de me savoir en presque liberté m’excitait terriblement : j’avais envie de lui accorder une belle soirée, un pré-enterrement de vie de garçon marié, si je puis dire. Je me suis faite la plus belle possible, et nous sommes allés dîner tardivement dans un joli restaurant à quelques kilomètres de notre location, en bordure de falaise. Nous nous sommes un peu laissés aller sur l’alcool, il faut dire que leurs rhums arrangés sont terribles, et puis je me sentais l’humeur légère, guillerette. J’ai même ri plusieurs fois aux blagues de mon gentil époux, très prévenant comme à son habitude.

Un éclair transperce tout mon corps lorsque j’atterris sur la lave figée depuis des millénaires, puis plus rien. Puis la sensation d’être dans une machine à laver, tout n’est que fracas, je suis ballotée, je coule, je retrouve la surface, je coule. Mes jambes ne répondent plus, mais j’arrive à bouger mes bras. Une lame de fond m’entraîne, je quitte le maelstrom. La surface de nouveau, après une éternité sous l’eau. Mes poumons me brûlent. Un instant de calme, je vais peut-être m’en sortir. Je serre les dents : il faut que je m’en sorte, Christian doit payer. Puis un frôlement : quelque chose de gros vient de passer juste à côté. Une vague de désespoir déferle en moi : « oh non, pitié, pas les requins… »

Et voilà le fil rembobiné. Je sors de mes trois minutes de rêverie, et constate que Christian n’est plus assis à mon côté. Je tourne la tête en arrière et aperçois mon mari accroupi derrière moi, avec à ses côtés une femme que je n’ai jamais vue. Tous deux arborent un drôle d’air, complice et mutin à la fois. Un sentiment de malaise m’envahit alors qu’un frisson parcourt mon corps, de la pointe des orteils au sommet de mon crâne. « - Chéri ? Mais… Qui est-ce ? - Nathalie, je te présente Émilie. Ma future femme. »


T

2014

G E

A G

E

S

A

E

251

R


L 17574 - 3 - F: 12,00 € - RD - Belgique : 12,90 €


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.