SITAN (2013)

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UNICEF Brazzaville Adresse : UNICEF Boîte postale 2110 Brazzaville République du Congo Tél.: +242 22 281 22 40 brazzaville@unicef.org Internet : http://www.unicef.org/congo/french/ Cette étude a été réalisée par le Bureau de l’UNICEF à Brazzaville sur la base des données nationales et internationales disponibles, avec l’appui des consultants nationaux Dr Antoine Loussambou et Bernard Kabikissa, et de la consultante internationale Sophie Boukhari. Les opinions exprimées dans ce rapport sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement les positions de l’UNICEF. © Tous Droits Réservés

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Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité


Graphiques, tableaux et cartes........................................................................................7 Acronymes et abréviations............................................................................................11 Introduction..................................................................................................................13 Chapitre 1. Contexte national.......................................................................................15 1.1. Contexte géographique et démographique.......................................................................................17 1.2. Crises et situations d’urgence............................................................................................................23 1.3. Cadre législatif et institutionnel.........................................................................................................25 1.4. Situation et gestion macroéconomique.............................................................................................31 1.5. Pauvreté et privations multiples des enfants.....................................................................................35 1.6. Investissements publics en faveur des enfants..................................................................................39

TABLE DES MATIERES

Résumé exécutif..............................................................................................................5

Chapitre 2. Droit à la survie de la mère et de l’enfant.....................................................45

2.1. Principaux engagements du Congo....................................................................................................47 2.2. Politiques et stratégies.......................................................................................................................49 2.3. Organisation du système de santé.....................................................................................................53 2.4. Etat des lieux et analyse des disparités..............................................................................................57 2.5. Principal problème : des niveaux encore trop élevés de mortalité maternelle et infanto-juvénile............93

Chapitre 3. Droit à l’éducation de l’enfant....................................................................109

3.1. Principaux engagements du Congo..................................................................................................111 3.2. Cadre stratégique et institutionnel...................................................................................................113 3.3. Etat des lieux et analyse des disparités............................................................................................117 3.4. Principaux problèmes : le manque d’équité et de qualité du système éducatif...............................133

Chapitre 4. Droit à la protection des enfants et des femmes........................................139

4.1. Principaux engagements du Congo..................................................................................................141 4.2. Cadre stratégique et institutionnel...................................................................................................143 4.3. Etat des lieux et analyse des disparités............................................................................................147 4.4. Principal problème : persistance de la discrimination, de l’exploitation et des violences à l’égard des enfants, des femmes/filles et de certains groupes particulièrement vulnérables.............161

Conclusion et orientations pour le futur.......................................................................163 Bibliographie ...............................................................................................................169

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RÉSUMÉ ÉXÉCUTIF

La République du Congo est un pays à revenu intermédiaire disposant de nombreux atouts, dont des ressources naturelles abondantes, une population jeune et urbanisée, une forte croissance économique et une certaine stabilité politique. Toutefois, de nombreux défis restent à relever en vue de diversifier l’économie, créer des emplois, traiter les problèmes de gouvernance et résorber la pauvreté, qui touche encore près de la moitié des Congolais. Dans ce contexte, les disparités concernant les droits de l’enfant restent fortes, avec des niveaux de vulnérabilité élevés en milieu rural, dans les familles monoparentales ou peu éduquées et, surtout, au sein des populations autochtones, qui accèdent difficilement aux services sociaux de base. Avec l’augmentation des investissements publics en vue d’accélérer la marche vers les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), des progrès ont été constatés au cours des dernières années, en particulier dans le domaine de la survie. La mortalité maternelle a reculé, entre 2005 et 2011, de 781 à 426 pour 100 000 naissances vivantes, notamment grâce au suivi de la grossesse et à la prise en charge de l’accouchement. Mais de gros efforts restent à fournir d’ici à 2015 en vue d’atteindre la cible de 223 pour 100 000 naissances vivantes. De même, la mortalité des enfants de moins de cinq ans a baissé de 117‰ à 68‰ entre 2005 et 2011, mais reste éloignée de la cible de 35‰ en 2015. Les principales causes de décès sont la mortalité néonatale - élevée alors que la plupart des accouchements ont lieu en milieu hospitalier -, la malaria, la diarrhée et les infections respiratoires aiguës (IRA). Tandis que le quart des enfants continuent à présenter un retard de croissance, la malnutrition reste une importante cause sous-jacente de mortalité. De type généralisé, l’épidémie de VIH/sida touche deux fois plus les femmes que les hommes. Elle paraît en recul, avec un taux de séroprévalence passé de 4,2% à 3,2% entre 2003 et 2009. Toutefois, seule une minorité

de femmes enceintes ont accès aux ARV tandis que la prise en charge pédiatrique progresse à petits pas. Seulement un tiers des hommes et un quart des femmes ont une connaissance complète du VIH/sida. Concernant l’accès à l’eau et à l’hygiène, les disparités sont très grandes entre le milieu urbain, où presque tous les ménages boivent de l’eau potable et les zones rurales, où près de 60% des familles n’y ont pas accès. La situation en matière d’assainissement et d’hygiène est encore plus préoccupante, comme l’attestent la forte prévalence des diarrhées et la récurrence des épidémies depuis 2008. Dans le domaine de l’éducation, le Congo a atteint un niveau d’accès quasi-universel au cycle primaire mais enregistre de forts taux d’échec et d’abandon. Au-delà du primaire, la transition vers le secondaire (66%) constitue un goulot d’étranglement, du fait du sous-dimensionnement de l’offre de collèges et de la précocité des grossesses. De plus, la qualité et l’équité de l’éducation ne sont pas assurées, comme en témoignent la faible rétention des apprentissages et les nombreux exclus de l’éducation au sein des populations autochtones et des enfants en situation de handicap. Malgré certaines avancées législatives, la réalisation des droits de l’enfant à la protection est limitée, notamment du fait de la faiblesse des services sociaux. Les enfants des minorités autochtones subissent de graves abus et violations de leurs droits fondamentaux tandis que d’autres requièrent des mesures spéciales de protection, comme les enfants victimes de traite et d’exploitation sexuelle, les enfants de la rue et les enfants en situation de handicap. Cette analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo, basée sur l’équité, constitue un outil de programmation et de plaidoyer pour renforcer le dialogue politique en faveur de la réalisation des droits des enfants et des femmes et pour développer des politiques sociales avec des budgets adéquats qui ciblent les populations les plus vulnérables et marginalisées en vue de lutter efficacement contre la pauvreté, en particulier la pauvreté des enfants et des femmes.

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GRAPHIQUES, TABLEAUX ET CARTES

LISTE DES GRAPHIQUES Graphique 1 : Répartition de la population autochtone en 2007 selon le RGPH Graphique 2 : Pourcentage des ménages selon le milieu de résidence Graphique 3 : Pourcentage des ménages selon le département de résidence en 2011 Graphique 4 : Répartition par sexe et par groupe d’âges des enfants en 2007 Graphique 5 : Poids démographique des enfants par département en 2007 (%) Graphique 6 : Indices de pauvreté par département en 2011 (%) Graphique 7 : Rapport de mortalité maternelle avec intervalles de confiance pour la période 0-6 ans avant, selon l'EDS-II 2011-2012 et l'EDS-I 2005 Graphique 8 : Evolution de la mortalité maternelle entre 1990 et 2011-2012 et cible OMD Graphique 9 : Evolution de l’utilisation de la contraception moderne des femmes en union (15-49 ans) entre 2005 et 2011 Graphique 10 : Variation par groupe d’âges de l’utilisation de la contraception moderne de toutes les femmes (15-49 ans), en 2005 et 2011-2012 Graphique 11 : Utilisation de la contraception moderne des femmes en union (15-49 ans) selon le milieu de résidence et le département en 2011-2012 Graphique 12 : Utilisation de la contraception moderne des femmes en union (15-49 ans) selon le niveau d’instruction et le quintile de bien-être économique du ménage en 2011-2012 Graphique 13 : Proportion d'adolescentes de 15-19 ans ayant commencé leur vie féconde en 2011-2012 Graphique 14 : Proportion de femmes enceintes de 15-49 ans ayant dormi sous une MIILDA par niveau d’instruction et quintile de bien-être en 2011-2012 Graphique 15 : Evolution de la mortalité infanto-juvénile entre 1990 et 2011-2012 et cible OMD Graphique 16 : Evolution du taux de mortalité infantile de 1974 à 2011-2012 Graphique 17 : Quotients de mortalité néonatale, post-néonatale, infantile, juvénile et infanto-juvénile (‰) pour la période des cinq années (2007-2011) ayant précédé l’EDSC-II Graphique 18 : Quotients de mortalité néonatale, infantile et infanto-juvénile pour la période des dix années ayant précédé l’EDSC-II, selon le milieu de résidence et le département (‰) Graphique 19 : Quotients de mortalité infantile et infanto-juvénile pour la période des dix années ayant précédé l’EDSC II, selon le niveau d’instruction de la mère et le quintile de bien-être économique du ménage (‰) Graphique 20 : Quotients de mortalité infantile et infanto-juvénile pour la période des dix années ayant précédé l’EDSC II, selon le sexe de l’enfant, l’âge de la mère à la naissance, le rang de naissance de l’enfant et l’intervalle avec la naissance précédente (‰) Graphique 21 : Couverture vaccinale des enfants de 12-23 mois par type de vaccin selon L’EDSC-I et l’EDSC-II Graphique 22 : Couverture vaccinale des enfants de 12-23 mois selon le milieu de résidence et le département en 2011-2012 Graphique 23 : Couverture vaccinale des enfants de 12-23 mois selon le niveau d’instruction de la mère et le quintile de bien-être économique du ménage en 2011-2012 Graphique 24 : Prévalence des IRA, de la fièvre et de la diarrhée chez les enfants de moins de cinq ans selon l’âge en 2011-2012 (%) Graphique 25 : Prévalence présumée de la fièvre, de la diarrhée et des IRA chez les enfants de moins de 5 ans en 2005 et 2011-2012 (%) Graphique 26 : Prévalence présumée du paludisme, de la diarrhée et des IRA chez les enfants de moins de 5 ans, selon le milieu de résidence et le département (%) Graphique 27 : Prévalence présumée du paludisme, de la diarrhée et des IRA chez les enfants de moins de 5 ans, selon l’âge et le sexe de l’enfant (%) Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité

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Graphique 28 : Pourcentage d’enfants de moins de 5 ans atteints de malnutrition (%) en 2011-2012 Graphique 29 : Enfants de moins de 5 ans atteints de malnutrition selon l’âge et le sexe (%) en 2011-2012 Graphique 30 : Evolution de la prévalence de l’état nutritionnel avec l’âge (mois) en 2011-2012 Graphique 31 : Pourcentage d’enfants de moins de 5 ans atteints de malnutrition selon le département (%) en 2011-2012 Graphique 32 : Enfants de moins de 5 ans atteints de malnutrition selon le niveau d’instruction de la mère et le quintile de bien-être économique du ménage (%) Graphique 33 : Naissances vivantes survenues au cours des 5 années précédant l’EDSC-II dont le poids à la naissance est inférieur à 2,5 kg, selon l’âge de la mère à la naissance et le rang de naissance de l’enfant (%) en 2011-2012 Graphique 34 : Naissances vivantes survenues au cours des 5 années avant l’EDSC-II dont le poids à la naissance est inférieur à 2,5 kg, selon le milieu de résidence et le département (%) Graphique 35 : Prévalence de l’anémie chez les enfants de 6-59 mois selon l’âge et le sexe de l’enfant (%) en 2011-2012 Graphique 36 : Prévalence de l’anémie chez les enfants de 6-59 mois par niveau d’hémoglobine, selon le département et le milieu de résidence (%) en 2011-2012 Graphique 37 : Prévalence de l’anémie chez les enfants de 6-59 mois selon le niveau d’instruction de la mère et quintile de bien-être économique du ménage (%) en 2011-2012 Graphique 38 : Taux de séroprévalence selon l’âge et le sexe au Congo en 2009 (%) Graphique 39 : Proportion des femmes enceintes ayant bénéficié de test de dépistage (%) Graphique 40 : Distribution des femmes qui n’ont pas fait le dépistage par département en 2010 Graphique 41 : Evolution du nombre d’enfants séropositifs suivis entre 2008 et 2012 Graphique 42 : Utilisation d’installations sanitaires améliorées (non partagées) par les ménages et populations par milieu de résidence (%) en 2011-2012 Graphique 43 : Répartition des ménages selon le mode de lavage des mains (%) en 2011-2012 Graphique 44 : Taux de couverture d’une sélection d’interventions parmi les ménages les plus riches et les plus pauvres (%) en 2011-2012 Graphique 45 : Répartition des causes de mortalité chez les enfants de moins de 5 ans Graphique 46 : Offre de soins curatifs dans les CSI et mise en œuvre des stratégies de prise en charge Graphique 47 : Proportion de CSI disposant des examens standards Graphique 48 : Matériel et fournitures disponibles en maternité Graphique 49 : Accès de la population à un service de santé selon le département (%) Graphique 50 : Répartition des populations autochtones par département en 2007 Graphique 51 : Répartition de la subvention aux prestataires de soins et services de santé (2009-2010) Graphique 52 : Répartition du nombre d’établissements préscolaires publics et privés selon le milieu de résidence Graphique 53 : Tendance du taux brut d’admission au primaire de 2005 à 2011 Graphique 54 : Tendance du taux brut de scolarisation au primaire de 2005 à 2011 Graphique 55 : Indice de parité au primaire en 2011 Graphique 56 : Taux net de scolarisation au primaire selon le département en 2011 Graphique 57 : Tendance du taux brut de scolarisation au collège selon le genre entre 2005 et 2011 Graphique 58 : Tendance du taux brut de scolarisation au lycée selon le genre entre 2005 et 2011 Graphique 59 : Alphabétisation de la population selon le milieu de résidence en 2011 (%) Graphique 60 : Alphabétisation de la population selon le département de résidence en 2011 (%) Graphique 61 : Taux de satisfaction au primaire par département de résidence en 2011 Graphique 62 : Taux de satisfaction au secondaire par département de résidence en 2011 Graphique 63 : Enfants de moins de 5 ans enregistrés à l’état civil et n’ayant pas d’acte de naissance, selon le milieu de résidence et le département (%) Graphique 64 : Enfants de moins de 5 ans enregistrés à l’état civil et n’ayant pas d’acte de naissance, selon le quintile de bien-être économique du ménage (%) Graphique 65 : Pourcentage d'enfants de 5-14 ans qui ont subi des sanctions disciplinaires, selon le milieu de résidence, le groupe d’âges de l’enfant et son sexe Graphique 66 : Enfants de 2-14 ans ayant subi des sanctions disciplinaires, selon le niveau d'instruction de la mère, sa présence dans le ménage et le quintile de bien-être économique du ménage Graphique 67 : Enfants de 2-14 ans ayant subi des sanctions disciplinaires selon le département Graphique 68 : Enfants de 5-14 ans impliqués dans un travail par sexe selon le groupe d’âges Graphique 69 : Enfants de 5-14 ans impliqués dans un travail, selon le département et le milieu de résidence Graphique 70 : Enfants de 5-14 ans impliqués dans un travail, selon le quintile de bien-être économique du ménage Graphique 71 : Pourcentage d’enfants de 5-14 ans qui fréquentent l’école, et de ceux qui travaillent parmi ceux qui fréquentent l’école, selon le département et le milieu de résidence

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Graphique 72 : Femmes âgées de 15 à 49 ans qui estiment qu’un mari a le droit de frapper son épouse dans certaines circonstances, par milieu de résidence et par département Graphique 73 : Femmes âgées de 15 à 49 ans qui estiment qu’un mari a le droit de frapper son épouse dans certaines circonstances, selon le niveau d’instruction de la femme et le quintile de bien-être économique du ménage Graphique 74 : Age d’entrée en union des femmes âgées de 20-24 ans

TABLEAUX Tableau 1 : Indicateurs démographiques de base selon les derniers recensements Tableau 2 : Pourcentage des chefs de ménage par état matrimonial selon le sexe en 2011 Tableau 3 : Taux de croissance du PIB réel entre 2004 et 2013 (%) Tableau 4 : Indices de pauvreté selon la localisation géographique en 2005 et 2011 Tableau 5: Incidence de la pauvreté dans différents domaines (%) Tableau 6 : Budget des principaux ministères sociaux (en milliards de FCFA) Tableau 7 : Budget des secteurs sociaux en pourcentage des dépenses totales hors dette (%) Tableau 8 : Evolution des dépenses des secteurs sociaux par rapport au PIB (%) Tableau 9 : Part des dépenses publiques consacré au développement social (prévisions) Tableau 10 : Taux d’exécution budgétaire dans les secteurs sociaux entre 2008 et 2011 (%) Tableau 11 : Taux d’accès direct par département rural au 31 décembre 2012 (%) Tableau 12 : Classification des départements selon 26 indicateurs de performance fournis par l’EDSC-II 2011-2012 Tableau 13: Personnel de santé par qualification professionnelle en 2006 Tableau 14 : Taux de réalisation des activités de la CPN Tableau 15 : Disponibilité de certaines molécules dans les CSI (%) Tableau 16 : Répartition des subventions aux prestataires de soins de santé Tableau 17 : Evolution du nombre d’établissements par cycle entre 22004 et 2011 Tableau 18 : Taux de redoublement dans le primaire entre 2005 et 2010 Tableau 19 : Taux de rétention dans le primaire selon les départements en 2011 Tableau 20 : Taux d’alphabétisation des 15-24 ans selon l’âge, le sexe et le milieu de résidence Tableau 21 : Répartition des élèves non satisfaits de l’école selon le milieu et département de résidence et la raison du mécontentement en 2011 (%) Tableau 22 : Enfants orphelins simples et doubles en 2011-2012 (%)

CARTES Carte 1 : Répartition de la population des enfants par département en 2007 Carte 2 : Séroprévalence par département chez les 15-49 ans en 2009 Carte 3 : Répartition des formations sanitaires offrant le test chez les femmes enceintes par département

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ACRONYMES

ATPC CAP CAS CDE CEC CEG CEDEF CEMAC CNSEE CPN COMEG CSI DDS DGB DSCERP ECOM EDSC FMI IRA IST LIST MASAHS MEFPPPI MEPSA MIILDA OMD ORA PCIME PEV PMH PND PNDS PPTE PTF RGPH RDC RESEN SRO SONU TBS TNS UNHCR UNICEF

: Assainissement total piloté par la communauté : Connaissances, attitudes et pratiques : Circonscription d’action sociale : Convention internationale relative aux droits de l’enfant : Centre d’éveil communautaire : Collège d’enseignement général : Convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes : Communauté économique et monétaire de l'afrique centrale : Centre national de la statistique et des études économiques : Consultation prénatale : Congolaise des médicaments essentiels génériques : Centre de santé intégré : Direction départementale de la santé : Direction générale du budget : Document de stratégie pour la croissance, l'emploi et la réduction de la pauvreté : Enquête congolaise auprès des ménages : Enquête démographique et de santé du Congo : Fonds monétaire international : Infections respiratoires aiguës : Infections sexuellement transmissibles : Lives Saved Tool : Ministère des Affaires sociales, de l’Action humanitaire et de la Solidarité : Ministère de l’Économie, des Finances, du Plan, du Portefeuille public et de l’Intégration : Ministère de l’Enseignement primaire, secondaire et de l’Alphabétisation : Moustiquaire imprégnée d’insecticide à longue durée d’action : Objectif du Millénaire pour le développement : Observation – Réfléchir –Agir : Prise en charge intégrée des maladies de l’enfant : Programme élargi de vaccination : Pompe à motricité humaine : Plan national de développement : Plan national de développement sanitaire : Pays pauvres très endettés : Partenaires techniques et financiers : Recensement général de la population et de l’habitat : République démocratique du Congo : Rapport d’état d’un système éducatif national : Sels de réhydratation orale : Soins obstétricaux et néonatals d’urgence : Taux brut de scolarisation : Taux net de scolarisation : Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés : Fonds des Nations Unies pour l’enfance Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité

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INTRODUCTION Le Congo a réalisé une Enquête démographique de santé (EDSC 2011) et une Enquête congolaise auprès des ménages (ECOM 2011) qui ont permis de mesurer les progrès sociaux accomplis par le pays depuis 2005. Ces données offrent à l’UNICEF l’opportunité de mettre à jour l’analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo, et permet de ce fait de fournir au gouvernement et aux partenaires au développement un état des lieux sur la réalisation des droits de la femme et de l’enfant au Congo en vue d’informer la planification nationale et d’alimenter le dialogue politique en faveur de la réalisation des droits des enfants et des femmes au Congo. • Objet et méthodologie. Cette analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo s’appuie sur une approche fondée sur les droits humains : il s’agit de confronter les droits des enfants et des femmes avec leur situation réelle afin d’évaluer les écarts à combler et les grands défis à relever, d’analyser les causes des déficits constatés et les principaux goulots d’étranglement limitant la réalisation des droits des enfants et des femmes. L’approche fondée sur les droits humains articule l’analyse du développement national autour des normes contenues dans le corps d’instruments internationaux relatifs aux droits humains. Elle accorde un intérêt particulier aux déficits relevés et aux groupes sociaux exclus ou marginalisés pour opérer les ajustements nécessaires au niveau des politiques et des programmes. L’approche genre fait partie de l’approche fondée sur les droits humains. Elle requiert l’intégration systématique des questions de genre, la réorganisation, l’amélioration et l’évaluation des processus politiques afin que l’égalité hommes/femmes soit incorporée à toutes les politiques et à tous les niveaux. Conformément aux orientations de l’UNICEF concernant l’approche basée sur l’équité, un accent particulier a été mis sur l’analyse de la situation des groupes d’enfants et de femmes les plus vulnérables, en vue d’orienter l’action future des partenaires du développement vers ces cibles prioritaires. La grille d’analyse de l’étude inclut différents textes de droit international qui engagent le Congo dont la Convention internationale relative aux droits de l’enfant (CDE), la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF) et la Déclaration du Millénaire.

• Sources d’information. Le cadre d’analyse de l’étude s’est appuyé sur une démarche confrontant des informations et constats issus principalement d’une vaste revue documentaire, notamment des enquêtes démographiques et de santé du Congo (EDSC), des enquêtes congolaises auprès des ménages (ECOM) et des statistiques nationales livrées par les organes gouvernementaux concernant la pauvreté, la santé de l’enfant et de la mère, l’éducation et le développement de l’enfant et la protection des enfants et des femmes. La présente analyse a été réalisée en deux temps. Une première version a été produite à la fin de l’année 2012 sur la base des données disponibles, dont certaines étaient provisoires, puis a été revue et complétée fin 2013 suite à la consolidation des résultats des enquêtes nationales. La conduite de cette étude a rencontré certaines limites notamment liées à : 1. des insuffisances de l’appareil statistique national : fiabilité incertaine de certaines données et caractère parcellaire des données concernant les groupes vulnérables (autochtones, enfants en situation difficile, etc.) ; 2. l’insuffisance de données qualitatives qui a, entre autres, limité les possibilités d’analyse de la demande de services sociaux de base et des causes des disparités ; 3. la mise en œuvre insuffisante de la gestion axée sur les résultats par les acteurs nationaux et internationaux et la rareté des rapports de suivi et évaluation permettant d’apprécier l’impact des programmes. • Structure du rapport Ce rapport contient quatre chapitres. Après l’introduction, le chapitre 1 présente un aperçu du contexte et de l’environnement national qui est analysé sous plusieurs angles : le contexte géographique et démographique ; les crises et situations d’urgence ; le cadre législatif et institutionnel ; la situation et la gestion macroéconomique ; la pauvreté et les privations multiples des enfants ; et les investissements publics en faveur des enfants. Les trois chapitres suivants traitent respectivement du droit à la survie de la mère et de l’enfant, du droit à l’éducation de l’enfant et du droit à la protection des enfants et des femmes. Pour chacune des thématiques, il fait une revue des principaux engagements du Congo, une revue du cadre stratégique et institutionnel, un état des lieux et une analyse des disparités, puis une analyse causale des problèmes prioritaires.

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La partie « Conclusion et orientations pour le futur » met en exergue les principaux constats de l’analyse et présente les principales recommandations permettant de développer et mettre en œuvre des politiques et stratégies nationales en faveur des enfants et des femmes au Congo.

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La bibliographie à la fin de ce rapport répertorie les livres, articles, rapports, documents officiels et autres sources d’information utilisés dans la recherche.

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Chapitre I CONTEXTE NATIONAL

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Selon le découpage administratif, le Congo compte 12 départements : Kouilou, Niari, Bouenza, Lékoumou, Pool, Plateaux, Cuvette, Cuvette-Ouest, Sangha, Likouala, Brazzaville et Pointe-Noire. Il compte six communes

qui sont les principales villes du pays : Brazzaville (capitale politique), Pointe-Noire (capitale économique), Dolisie, Nkayi, Mossendjo et Ouesso1 .

Enquête démographique et de santé du Congo (EDSC-II) 2011-2012, Centre national de la statistique et des études économiques (CNSEE) et ICF International, 2013.

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1.1. Contexte géographique et démographique

1.1.1. Un pays riche en ressources naturelles Située en Afrique centrale, la République du Congo s’étend de part et d’autre de l’Equateur, sur une superficie de 342 000 km2. Le pays est pourvu d’une façade maritime de 170 kilomètres sur l’océan Atlantique et partage ses frontières avec cinq autres pays : le Cameroun, la République centrafricaine, la République démocratique du Congo (RDC), l’Angola (enclave du Cabinda) et le Gabon (voir carte).

ressources renouvelables sont utilisées et le manque d’accès à l’eau potable reste l’une des principales causes de mortalité et de morbidité de l’enfant, surtout en milieu rural4.

Le Congo est situé dans la zone des climats chauds et humides. La partie nord du pays se caractérise par un climat de type équatorial avec des pluies étalées quasiment tout au long de l’année. Le sud-ouest a un climat tropical humide caractérisé par une saison sèche de trois mois (juin à août) tandis que la partie centrale du pays a une position intermédiaire avec un climat subéquatorial.

Les réserves pétrolières prouvées sont estimées à environ deux milliards de barils. En 2012, la production pétrolière a atteint 100 millions de barils, la quatrième production la plus importante en Afrique subsaharienne et a généré près de 4,5 milliards de dollars de recettes pétrolières pour l’Etat. En outre, le Congo dispose d’importants gisements de minerai de fer et a un vaste potentiel agricole5.

Le Congo est couvert par deux types de végétation : (i) la forêt, sur près des deux tiers du territoire national (65%), est localisée au sud (massifs du Chaillu et du Mayombe), au nord-est (forêt inondée) et au nordouest (forêt exondée) et (ii) la savane, qui occupe le tiers du territoire national et s’étend de la vallée du Niari au Plateau central. Ces deux types d’écosystème sont propices à l’éclosion de nombreuses pathologies tropicales. Le pays est doté de richesses naturelles abondantes.

Le pays possède par ailleurs près de 22,2 millions d’hectares de forêt dont l’exploitation constitue la deuxième source de revenu du pays6. De fortes pressions sont exercées sur la ressource du fait de l’exploitation forestière mal contrôlée en milieu rural et des prélèvements des populations en quête de combustibles solides dans les zones périurbaines.

Il dispose d’un réseau hydrographique considérable grâce au fleuve Congo2 et à ses affluents3, dont les crues et les décrues conditionnent l’accessibilité aux zones riveraines. Les ressources en eau sont estimées à 832 milliards de m3 dont 268 387 m3 de ressources renouvelables et 30 millions de m3 d’eau souterraine. Pourtant, seuls 4% des

Le Congo est un pays peu peuplé, où la densité moyenne de population est parmi les plus faibles d’Afrique. Selon le dernier Recensement général de la population et de l’habitat (RGPH) de 2007, le pays comptait 3 697 490 habitants à cette date.

1.1.2. Une population très urbanisée

Le fleuve Congo, deuxième fleuve du monde par le débit moyen (40 000 m3) après l’Amazone, forme une partie de la frontière entre la République du Congo et la RDC. 3 L’Oubangui, la Sangha, la Likouala-Mossaka, l’Alima et la Nkéni dans la partie septentrionale ; la Léfini, le Djoué, la Loufoulakari et le Niari/ Kouilou dans la partie méridionale ; source : Enquête démographique et de santé du Congo, (EDSC-II), 2011-2012. 4 Rapport national de progrès vers l’atteinte des OMD, République du Congo, avril 2010. 5 Rapport du FMI n°13/282, République du Congo, Consultations de 2013 au titre de l’article IV, août 2013. 6 La pauvreté multidimensionnelle des enfants et des femmes en République du Congo, UNICEF-Ministère du Plan et de l’aménagement du territoire, 2008. 2

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Tableau 1 : Indicateurs démographiques de base selon les derniers recensements Indicateurs

RGPH 1974

Population totale Taux brut de natalité (‰) Indice Synthétique de Fécondité Taux brut de mortalité (‰) Taux de mortalité infantile (‰) Espérance de vie (années)

RGPH 1984

1 319 790 41,0 7,0 17,9 100,6 46,7

1 909 248 45,2 6,3 11,7 71,5 50,9

RGPH 2007 3 697 490 41,7 4,9 13,0 76,4 51,6

Source : EDSC-II.

La récente publication de la deuxième Enquête congolaise auprès des ménages (ECOM)7 a permis d’actualiser les données, pour estimer le nombre d’habitants à 4 085 422 personnes en 2011. La population croît de 2,7% en moyenne annuelle. L’indice synthétique de fécondité a régressé entre 1984 et 2007 de 6,3 à 4,9 mais semble légèrement repartir à la hausse : selon l’EDSC II, il s’élève aujourd’hui à 5,1. D’après l’ECOM, on note en revanche une baisse de la taille moyenne des ménages, passée de 5,1 en 2005 à 4,3 en 2011. La population de nationalité congolaise est majoritaire (97%) et principalement composée de Bantous. Une soixantaine d’ethnies sont représentées dont les plus nombreuses sont les Kongos (52%), les Tékés (17%) et les Mboshis (12%).

La population congolaise compte aussi des minorités autochtones, Baaka ou Mbendjele au nord, Twa au centre et Babongo au sud. Elles sont officiellement estimées à quelque 50 000 individus, soit un peu plus de 1% de la population totale, selon le RGPH (2007). Toutefois, il est probable que le recensement ait sous-estimé leur importance, notamment du fait de la difficulté de décompter des populations semi-nomades, résidant parfois dans des forêts profondes. Ainsi, une étude datée de 20088 suggère une estimation beaucoup plus large du poids démographique des autochtones, allant jusqu’à 10%. Selon les différentes sources disponibles, ces populations sont parmi les plus pauvres et les plus marginalisées du pays. Pour la plupart concentrés dans la Likouala, la Lékoumou et la Sangha, les autochtones souffrent de l’extrême pauvreté, de privations multiples, d’exploitation et de discrimination9.

Graphique 1 : Répartition de la population autochtone en 2007 selon le RGPH

Source : RGPH 2007.

Le français est la langue officielle du pays et deux langues véhiculaires - le kikongo et le lingala - permettent de toucher toute la population. Le Congo compte parmi les pays les plus urbanisés

d’Afrique et la tendance continue de s’accentuer. En 2011, les deux tiers des habitants vivaient en milieu urbain ou semi-urbain, contre un tiers en milieu rural. En 2005, ces taux étaient respectivement de 58% et 42%10.

Deuxième Enquête congolaise auprès des ménages (ECOM 2011), Rapport d’analyse du volet QUIBB, octobre 2011. Analyse de la situation des enfants et des femmes autochtones, UNICEF 2008. 9 Voir notamment : Volume, répartition spatiale et structure par sexe et âge des populations autochtones du Congo, CNSEE, 2011 ; Enquête sur les connaissances attitudes et pratiques des peuples autochtones en matière de prévention du VIH/sida et de leur accès aux services sociaux de base, MASSAHF/UNICEF/CNLS, 2007 ; Rapport d’analyse diagnostique sur les normes et pratiques sociales vis-à-vis des populations autochtones en République du Congo, Unicef 2009, Amélioration des dépenses publiques des secteurs sociaux pour les enfants et les femmes en République du Congo, Anthony Hodges, Clare O’Brien et Bethuel Makosso, UNICEF-Oxford Policy Management, avril 2011. 10 Deuxième Enquête congolaise auprès des ménages (ECOM 2011), Rapport d’analyse du volet QUIBB, octobre 2011. 7 8

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Graphique 2 : Pourcentage des ménages selon le milieu de résidence

Source : ECOM 2 (2011).

Selon le département de résidence, près de six habitants sur dix (56%) sont concentrés dans les deux grandes métropoles du pays, Brazzaville et Pointe-Noire. A l’inverse,

certains départements comme la Cuvette-Ouest et la Sangha sont peu peuplés.

Graphique 3 : Pourcentage des ménages selon le département de résidence en 2011

Source : ECOM 2 (2011).

1.1.3. Une majorité de femmes et d’enfants Le Congo est un pays jeune : en moyenne, 44% de ses habitants ont moins de 15 ans. Le phénomène est plus marqué en milieu rural (48%) qu’en milieu urbain (41%)11. L’EDSC II ne livre pas de données permettant d’évaluer le

11

poids des enfants de moins de 18 ans. On se bornera donc à rappeler les informations issues du RGPH : en 2007, le Congo comptait 3 697 490 habitants, dont 1 659 184 de moins de 18 ans, soit 45% de la population totale. Plus de la moitié des moins de 18 ans (53%) étaient concentrés dans les deux grandes villes du pays.

Enquête démographique et de santé du Congo (EDSC II) 2011-2012, Centre national de la statistique et des études économiques (CNSEE) et ICF International, 2013. Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité

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Carte 1 : Répartition de la population des enfants Les filles représentent la moitié des enfants de moins de 18 ans. Parmi ces enfants, 34% sont âgés de 0-4 ans,28% par département en 2007 de 5-9 ans et 39% de 10-17 ans.

Source : CNSEE, RGPH 2007.

Graphique 4 : Répartition par sexe et par groupe d’âges des enfants en 2007

Source : CNSEE, RGPH 2007.

Le RPGH de 2007 montre des disparités importantes entre les départements en ce qui concerne le poids des enfants dans la population. C’est dans les départements

de la Likouala (52%) et de la Bouenza (50%) que les enfants ont le poids démographique le plus élevé alors qu’ils ne représentent que 42% des habitants de Brazzaville.

Graphique 5 : Poids démographique des enfants par département (%) en 2007

Source : CNSEE, RGPH 2007.

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Par ailleurs, la population congolaise compte plus de femmes que d’hommes : le taux de féminité est de 52% en 2011, soit le même qu’en 2005. C’est dans la Cuvette et la Lékoumou qu’il est le plus élevé, et dans la tranche d’âge des 20-29 ans12. Les femmes sont de plus en plus nombreuses à assumer la fonction de chef de ménage : 25% en 2011 contre 23% en 2005, aussi bien en milieu rural qu’urbain.

La tendance est plus marquée dans les départements de la Lékoumou (31%) et de la Bouenza (31%) et au contraire moins forte dans les départements de la Sangha (18%), du Kouilou (20%) et de la Likouala (21%). Les femmes chefs de ménage sont dans une situation de plus grande vulnérabilité que les hommes puisque 70% d’entre elles sont veuves, divorcées ou séparées et 19% célibataires.

Tableau 2 : Pourcentage des chefs de ménage par état matrimonial selon le sexe en 2011 Etat matrimonial

Masculin

Féminin

Ensemble

Ensemble

100,0

100,0

100,0

Célibataire

10,2

18,6

12,3

Monogame

41,0

2,5

31,3

Polygame

3,9

3,5

3,8

Union libre

38,5

5,1

30,1

6,4

70,3

22,5

Veuf/divorcé/séparé Source : ECOM 2 (2011).

La précarité des femmes chefs de ménage est renforcée par d’autres facteurs dont : • Leur faible niveau d’instruction : 38% d’entre elles n’ont aucun niveau, contre 15% chez les hommes chefs de ménage ;

• Leur faible accès à un emploi salarié : seulement 14% des femmes chefs de ménage occupent un emploi salarié du secteur public ou privé, contre 38% des hommes chefs de ménage. A l’inverse, les femmes chefs de ménage sont plus nombreuses à travailler dans le secteur informel (63%) que leurs homologues masculins (44%).

Deuxième Enquête congolaise auprès des ménages (ECOM 2011), Rapport d’analyse du volet QUIBB, octobre 2011.

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1.2 CRISES ET SITUATIONS D’URGENCE 1.2.1. Conflits et insécurité internes L’histoire du Congo est ponctuée par une succession d’épisodes de violences et de crises socio-politiques qui ont engendré plusieurs changements de régime. Les années qui ont suivi l’instauration du multipartisme et les premières élections présidentielles de 1992 ont été marquées par des troubles et un conflit armé qui ont occasionné la perte de milliers de vies humaines et d’importants préjudices pour la population. Le bilan de ces années de guerre civile et d’insécurité est lourd. Suite à l’accord de cessez-le-feu du 29 décembre 1999, près de 810 000 déplacés internes ont regagné Brazzaville dans un état sanitaire, nutritionnel et psychologique précaire. Certains d’entre eux avaient participé aux violences ou en avaient été victimes, la plupart avaient perdu tous leurs biens et beaucoup ne pouvaient plus prendre en charge leurs enfants. Les ruptures familiales se sont multipliées, occasionnant l’émergence de multiples catégories d’enfants vulnérables13: orphelins, enfants traumatisés, enfants dits « sorciers », enfants abandonnés, enfants de la rue, enfants victimes d’exploitation, etc. Durant cette période, la malnutrition est devenue un problème majeur de santé publique et les maladies infantiles se sont répandues. Dans les deux premières villes du pays, un lit d’hôpital sur trois était occupé par un malade du sida à la fin des années 1990. La fréquentation scolaire a fortement reculé entre 1990 et 1998. Dans le sud du pays, près de quatre enfants sur dix avaient été exposés à des scènes de violence extrême et 25% d’entre eux en étaient ressortis traumatisés14. Même si le gouvernement et la communauté internationale se sont mobilisés pour faire face à cette crise humanitaire et rétablir des conditions de vie meilleures pour les populations, les séquelles de cette période noire sont encore palpables dans la société congolaise et continuent de peser lourdement sur la situation des enfants et des femmes. 1.2.2.Crise humanitaire et situations d’urgence En dehors des épisodes de conflit politique interne, d’autres facteurs occasionnent l’émergence de crises humanitaires et de situations d’urgence au Congo, notamment l’afflux de réfugiés, l’apparition d’épidémies et les catastrophes naturelles.

La présence de réfugiés de la RDC constitue un grand défi sur le plan humanitaire. Selon l’UNHCR, quelques 170 000 personnes, dont de nombreux enfants, étaient stationnées au nord du pays en 2011, pour la plupart dans la Likouala. On estime qu’environ 100 000 d’entre eux sont depuis lors retournés en RDC. La majorité des familles et des enfants réfugiés vivent dans des camps d'urgence et ont besoin de services de base, de soins et de protection. Les filles et les femmes sont particulièrement vulnérables à la violence et aux abus sexuels. Par ailleurs, des épidémies provoquent régulièrement des situations d’urgence. En ce qui concerne les maladies évitables par la vaccination, la poliomyélite est réapparue en 2010 après dix années d’absence : 583 cas ont été répertoriés, dont 203 décès15. Plusieurs épidémies de rougeole successives ont aussi touché la capitale Brazzaville et les départements environnants au cours des dernières années, dont la dernière en 2012 (230 cas confirmés et 28 décès déplorés16). En ce qui concerne les maladies non évitables par la vaccination, des épidémies de choléra sont apparues, en particulier dans la Likouala, à Brazzaville et dans les départements situés le long du fleuve Congo. En 2012, la maladie a fait plusieurs dizaines de victimes. De plus, la trypanosomiase ou le pian, qui touche de nombreux autochtones, apparaissent de façon récurrente. D’autres situations d’urgence émergent du fait des catastrophes naturelles et des accidents, comme les tornades, l’érosion, les inondations, les déraillements de trains, les crashs d’avions ou encore la récente catastrophe de Mpila du 4 mars 201217. Même si ces désastres n’ont généralement pas d’impact humanitaire à grande échelle, ils provoquent des dégâts matériels comme la destruction d’habitations ou la perte de biens et peuvent avoir des conséquences sur la santé physique et psychologique. Ils affectent en particulier le développement des enfants du fait des risques d’épidémies et de l’interruption des activités scolaires.

Rapport d’analyse sur l’enfance vulnérable en milieu urbain et semi-urbain, UNICEF/Ministère des affaires sociales, de la solidarité, de l’action humanitaire, des mutilés de guerre et de la famille, 2003. 14 Rapport sur l’application de la CDE au Congo, période 2000-2010, République du Congo, septembre 2010. 15 Plan pluriannuel complet du Programme élargi de vaccination 2012-2016, République du Congo, novembre 2012. 16 Ibid. 17 L’explosion d’un dépôt de munitions a détruit le quartier Mpila de Brazzaville, occasionnant la mort de centaines de personnes et faisant des milliers de sans-abris. 13

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1.3. CADRE LEGISLATIF ET INSTITUTIONNEL

1.3.1. De forts engagements internationaux Le Congo est partie aux principaux instruments juridiques internationaux en matière de droits humains, dont la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE) en 1993 et la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF) en 198218. Il est également partie aux instruments juridiques internationaux suivants : • La Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948 ; • les Conventions n°138 sur l’âge minimum d’admission à l’emploi (2006) et la Convention n°182 sur les pires formes du travail des enfants (2002) ; • les Conventions de Genève sur le statut des réfugiés (1970) et leurs protocoles 1 et 2 (1996) ; • la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (2003) ; • la Convention relative aux droits des personnes handicapées ainsi que le protocole facultatif se rapportant à cette convention (14 février 2014) ; • la Convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale (14 février 2014) ; • le Statut de Rome portant création de la Cour pénale internationale (2004) ; • le Protocole additionnel à la Convention contre la criminalité transnationale organisée et son protocole additionnel visant à prévenir, punir et réprimer la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (2012) ; • le Protocole facultatif à la CDE sur la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (2006) ; • le Protocole facultatif à la CDE concernant l’implication des enfants dans les conflits armés (2006) ;

• le Protocole facultatif se rapportant à la CEDEF (2008). Au niveau régional, la République du Congo est partie : • à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (1981); • à la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant (2006) ; • au Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits de la femme (2007). Depuis 1993, le Congo a présenté deux rapports sur l’application de la CDE, un rapport initial en 2005 et un deuxième rapport périodique groupé (deuxième, troisième et quatrième) en 201019. Il a également présenté son rapport initial et deuxième, troisième, quatrième et cinquième rapports périodiques à la CEDEF en 2002 et son sixième rapport périodique en 201020. D’autres rapports ont été complétés en 2013, notamment l’examen périodique universel et le rapport initial sur la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant. 1.3.2. Une dynamique de réforme du cadre législatif national Le cadre législatif national concernant les droits des enfants et des femmes s’est renforcé au cours de la dernière décennie. Grâce à un processus de réforme législative, des progrès importants ont été accomplis en vue d’harmoniser la législation nationale avec les engagements internationaux du pays, même si le chantier est encore inachevé, en particulier en ce qui concerne les droits des femmes. Selon un document récemment publié par l’UNICEF au

Rapport sur l’application de la CDE au Congo, période 2000-2010, République du Congo, septembre 2010. www.cnudhd.org 20 Idem. 18 19

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Congo21, la Constitution de 2002 a représenté un tournant important et constitue aujourd’hui l’élément fondamental du cadre législatif concernant les droits des enfants et des femmes. Dans son préambule, le texte qualifie en effet de « partie intégrante » de la Constitution les principes fondamentaux proclamés par les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. De plus, dans son article 184, la Constitution reconnaît la primauté des normes universelles sur le droit national. La Constitution du Congo consacre son second chapitre à la reconnaissance des droits fondamentaux des citoyens. Selon l’article 8, « tous les citoyens sont égaux devant la loi. Est interdite toute discrimination fondée sur l’origine, la situation sociale ou matérielle, l’appartenance raciale, ethnique ou départementale, le sexe, l’instruction, la langue, la religion, la philosophie ou le lieu de résidence ».

coutumes contraires cessent d’avoir force de loi (article 808). Toutefois, de par certaines dispositions, il institutionnalise l’inégalité de genre et la soumission de la femme à l’homme. Ainsi, le Code de la famille reconnaît la polygamie et consacre le mari comme chef de la famille. La femme lui doit obéissance et soumission (art. 168). Le domicile conjugal est choisi par les deux époux. Toutefois, en cas de désaccord, le choix de l’époux prédominera (art. 171). La femme peut exercer librement l’activité de son choix. Cependant, l’époux peut lorsque « l’intérêt du ménage » l’exige, obtenir du juge l’interdiction d’exercer une activité. Dans sa version la plus récente (Loi n°6/96 du 6 mars 1996), le Code du travail proscrit le travail des enfants, stipulant que « les enfants ne peuvent être employés dans aucune entreprise même comme apprentis avant l’âge de 16 ans » (article 116).

Elle garantit également l’égalité de genre en énonçant : « La femme a les mêmes droits que l’homme. La loi garantit et assure sa promotion et sa représentativité à toutes les fonctions politiques, électives et administratives. »

Quant au Code pénal, il comporte aussi des articles visant la protection des enfants, surtout contre les crimes sexuels : les « attentats à la pudeur » des enfants de moins de 13 ans (article 331) et le viol (article 332).

La Constitution garantit par ailleurs « les droits de la mère et de l’enfant », « le droit des handicapés à des mesures de protection en rapport avec leurs besoins physiques, moraux ou autres, en vue de leur plein épanouissement ». L’article 33 affirme que « tout enfant, sans discrimination de quelque forme que ce soit, a droit, de la part de sa famille, de la société et de l’Etat, aux mesures de protection qu’exige sa condition ». L’article 34 ajoute : « L’Etat doit protéger les enfants et les adolescents contre l’exploitation économique ou sociale. Le travail des enfants de moins de seize ans est interdit ».

Toutefois, le code pénal contient certaines dispositions contraires à la CDE, dont l’application de lourdes peines à des personnes âgées de moins de 18 ans au moment des faits23. En effet, s’il fixe l’âge de la majorité pénale à 18 ans, le code prévoit que dans certaines circonstances, un enfant âgé de 13 ans ou plus peut faire l’objet d’une condamnation pénale. Par exemple, pour les mineurs dont la peine encourue pour le crime commis peut être la peine de mort, la déportation ou les travaux forcés à perpétuité, la peine sera plutôt commuée en 10 à 20 ans d’emprisonnement.

Ces dispositions fondamentales de la Constitution sont complétées par d’autres, plus détaillées, dans les anciennes et nouvelles lois22. Le Code de la famille adopté en 1984 (loi n°07/84), est généralement compatible avec la CDE en ce qui concerne l’égalité de droits entre un enfant né dans le mariage et un enfant né hors mariage (alinéas 6 et 7 du préambule) et l’assistance éducative aux enfants dont la santé, la sécurité, la moralité et l’éducation sont compromises ou insuffisamment sauvegardées (art.328 et suivants). S’agissant des femmes, le Code de la famille garantit l’égalité en droit de tous les citoyens et affirme que toutes les

Pour ce qui est des femmes24, le code pénal établit une forme de discrimination au sujet de l’adultère, en traitant différemment l’adultère de l’époux et celui de l’épouse. La femme est considérée comme adultère dès lors qu’elle entretient des relations extraconjugales alors que l’homme ne l’est que s’il entretient une concubine au domicile conjugal (art. 336). De même, le code pénal libère l’époux de sa responsabilité en cas de meurtre commis sur l’épouse adultère et sur son amant dans l’hypothèse d’un flagrant délit survenu au domicile conjugal (art. 334) alors que l’épouse qui réalise un tel acte est responsable d’homicide.

Rapport consolidé de l’analyse de la situation de l’enfant et de la femme et de la revue des performances du programme, Bureau de l’UNICEF en République du Congo, juillet 2011. 22 Amélioration des dépenses publiques des secteurs sociaux pour les enfants et les femmes en République du Congo, Anthony Hodges, Clare O’Brien et Bethuel Makosso, UNICEF-Oxford Policy Management, avril 2011. 23 Rapport sur l’application de la CDE au Congo, période 2000-2010, République du Congo, septembre 2010 ; Profil des droits de l’enfant de la République du Congo : http://65.39.174.116/editor/assets/Congo.pdf 24 Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 18 de la Convention sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, Rapport initial et deuxième, troisième, quatrième et cinquième rapports périodiques à la CEDEF, 2002. 21

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Le code de procédure pénale au titre IX et la loi n°1999 du 15 août 1999 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°022-92 du 20 août 1992 portant organisation du pouvoir judiciaire, en son article 75, prévoient au sein de chaque tribunal de grande instance l’instauration d’un tribunal pour enfants, seul compétent pour juger des crimes et délits imputables aux mineurs, ainsi que des situations où la santé, la moralité et l’éducation des enfants sont en danger. Par ailleurs, le cadre législatif visant à protéger les femmes et à encourager leur participation au processus de décision demeure faible. Le projet de Loi sur l’égal accès des femmes aux fonctions politiques, électives et administratives est en instance d’adoption au Parlement depuis des années. De plus, aucune loi ne protège les femmes contre les violences conjugales et le harcèlement. En dehors des textes de portée générale évoqués ci-dessus, le Congo dispose de lois spécifiques, plus récentes, qui protègent les droits de certaines catégories vulnérables de la population dont les enfants, les handicapés et les populations autochtones. La loi n°009/92 du 22 avril 1992 portant statut, promotion et protection de la personne handicapée définit les notions de personne handicapée, de déficience et d’incapacité et décrit les actions sous-tendant la prévention, le dépistage et la solidarité. Elle fixe des avantages divers devant assurer une meilleure égalité des chances à travers les aides, les abattements sur certains produits essentiels, les exonérations, les aménagements spéciaux, le recul de la limite d’âge pour la scolarité obligatoire, les mécanismes d’intégration scolaire, d’insertion et de prise en charge, et l’institution d’une carte d’invalidité donnant droit à de multiples avantages. La loi n°4-2010 du 14 juin 2010 portant protection de l’enfant a été fortement influencée par la CDE. S’appliquant à toute personne de moins de 18 ans, la loi se base sur les principes de « l’intérêt supérieur de l’enfant » (article 3), son maintien dans la cellule familiale sauf lorsque celui-ci est contraire à son intérêt (article 4), l’égalité de tous les enfants en droits et devoirs (article 5) et l’attention spéciale à l’enfant particulièrement vulnérable (article 6), entre autres. A la suite des dispositions générales et de l’articulation des droits et devoirs de l’enfant, la loi se focalise sur la protection contre la violence, la négligence et l’exploitation. Elle interdit (art.68) et réprime (art.112) le travail précoce et les pires formes de travail des enfants. Elle interdit (art.60) et réprime également la traite des enfants (art.115). En ce qui concerne la protection de l’enfant dans le système d’administration de la justice, la garde à vue n’est possible qu’à partir de l’âge de 15 ans (article 74) et ne peut pas dépasser 24 heures. La décision de la garde à vue et sa prolongation pour une durée n’excédant pas 24 heures sont de la compétence exclusive du procureur de la République. En matière criminelle, la détention préventive des enfants de plus de 15 ans ne doit pas excéder 6 mois. Et sa prolongation n’est ordonnée qu’une

fois pour une durée n’excédant pas quatre mois. En matière correctionnelle, la détention préventive ne peut excéder un mois. Exceptionnellement, ce délai peut être prolongé pour une durée n’excédant pas 15 jours. Enfin, trois autres avancées majeures ont été réalisées par cette loi :(i) l’instauration de la procédure extrajudiciaire dans toutes les étapes de la procédure concernant tout délinquant juvénile (art.75) ; (ii) le droit de demander réparation peut également être exercé, en dehors des père et mère, tuteur ou toute autre personne ayant la garde, par toute association dûment habilitée et qui œuvre dans le domaine de la protection de l’enfant (art.90,al.5) ; (iii) la prescription applicable aux infractions, à l’exception des crimes imprescriptibles, est de dix ans. Elle court à compter de la majorité de l’enfant (art.129). Cinq textes d’application élaborés, validés et consolidés sont en cours de signature et publication. La loi n°5-2011 du 25 février 2011 portant promotion et protection des populations autochtones vise à protéger leurs droits fondamentaux, tout en accordant une attention particulière à la préservation de leur culture et en leur garantissant un statut de citoyen à part entière. Ainsi, elle interdit toute forme de discrimination à l’égard des populations autochtones et assure qu’elles soient consultées avant toute considération, formulation ou mise en œuvre de mesures, programmes ou projets susceptibles de les affecter directement ou indirectement. Les décrets d’application de cette loi ont fait l’objet d’un atelier national de validation participatif en juillet 2012. Ils concernent les mécanismes de reconnaissance de la citoyenneté des populations autochtones, la création, l’organisation et le fonctionnement du comité interministériel de suivi et d’évaluation de la promotion et de la protection des populations autochtones, les modalités de protection des biens culturels et sites sacrés ou spirituels, les modalités d’accès au partage des bénéfices résultant de l’utilisation et de l’exploitation des savoirs traditionnels, les mesures spéciales visant à faciliter l’accès des populations autochtones aux services sociaux de santé et à protéger leur pharmacopée, les procédures de participation autochtone dans la mise en œuvre des programmes de développement socioéconomique et les mesures spéciales facilitant l’accès des enfants autochtones à l’éducation. A ce jour, ces décrets d’application, pourtant finalisés, n’ont toutefois pas été signés ni publiés. La loi n° 30-2011 du 3 juin 2011 portant lutte contre le VIH et le SIDA et protection des droits des personnes vivant avec le VIH consacre le caractère volontaire du dépistage du VIH (art. 17 et 18), interdit (art.23 à 37) et réprime (art.51) toute stigmatisation ou toute discrimination fondées sur le motif de sa séropositivité réelle ou supposée à l’égard d’une personne vivant avec le VIH ou de ses proches (enfants). Cependant, les textes d’application tardent à être pris. La loi n° 10-2012 du 4 juillet 2012 portant institution du régime de la famille et de l’enfance en difficulté

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qui comprend, entre autres, la branche maternité, la branche des prestations familiales et la branche d’insertion sociale (art.2). Les prestations de la branche maternité sont constituées de l’allocation prénatale, de la prime à la naissance et de l’indemnité journalière de maternité. La branche des prestations familiales comprend l’allocation de soutien familial, l’allocation de rentrée scolaire et l’allocation familiale. Les actions d’insertion sociale des mineurs comprennent l’hébergement, l’insertion ou la réinsertion, l’apprentissage d’un métier et la prise en charge en cas de maladie. Sont assujettis à ce régime (art.3), les travailleurs relevant du code du travail, les agents de l’Etat, les travailleurs indépendants et les Congolais résidant au Congo, n’exerçant aucune activité salariée ou génératrice de revenus et ayant la charge effective d’un ou de plusieurs enfants. Le financement du régime est assuré par les cotisations des employeurs pour les salariés, les cotisations de l’Etat employeur, pour les agents de l’Etat, les cotisations des travailleurs indépendants, la dotation de l’Etat, le produit des majorations de retard, le produit de placement de fonds, les dons et legs. Comme déjà constaté pour d’autres lois, les textes d’application ne sont pas encore pris. La loi n° 12-2014 du 13 juin 2014 portant création de la caisse de la famille et de l’enfance en difficulté. Cette caisse est chargée de la mise en œuvre de la loi n°102012 du 4 juillet 2012 portant institution du régime de la famille et de l’enfance en difficulté. Suite au processus de réforme juridique entamé il y a une dizaine d’années, l’ensemble du dispositif législatif peut être qualifié de globalement favorable à la protection des enfants et des femmes, y compris les couches les plus vulnérables de la population. Il n’en demeure pas moins que la révision de certains textes, comme le Code de la famille, le Code pénal et le Code de procédure pénale, apparaît nécessaire pour renforcer la cohérence de la législation nationale et la rendre compatible avec les conventions internationales ratifiées par le Congo. Grâce à l’appui de l’Union européenne au travers du projet d’Appui de l’Etat de droit et les associations (PAREDA), la révision des différents codes va démarrer en 2015 par le biais des consultants qui seront sélectionnés, après appel à manifestation de candidatures. Le financement est disponible. 1.3.3. Des lois souvent méconnues, pas ou peu appliquées De nombreuses analyses soulignent que le problème ne réside pas tant dans les failles des textes, soientelles réelles, que dans l’insuffisance de leur applica-

tion. Comme l’expliquent les acteurs de la protection des populations vulnérables, les lois congolaises demeurent souvent des « vœux pieux ». Plusieurs facteurs concourent à cet état de fait. Le manque de ressources humaines et financières des institutions de l’Etat et de la société, les lourdeurs administratives, la centralisation des dispositifs existants, le manque de communication autour des lois existantes, entre autres, empêchent les citoyens de connaître les lois et d’en bénéficier. Ces difficultés entraînent également des frais et des déplacements souvent insurmontables pour les personnes désirant faire valoir leurs droits. De plus, comme dans de nombreux pays du continent, les populations restent soumises à deux régimes juridiques distincts et souvent contradictoires, l’un écrit et moderne, l’autre oral ou coutumier. Or, le système moderne ne parvient pas encore à encadrer le droit coutumier, plus familier et facile d’accès pour les populations. La question de la traduction des lois en langues vernaculaires et du pouvoir d’accès aux textes impose des barrières supplémentaires. Pour les femmes et les filles par exemple, des coutumes défavorables continuent de s’appliquer en dépit de leur abrogation formelle et de l’existence d’un système juridique moderne. A cela s’ajoute le poids des préjugés et d’une culture patriarcale basée sur l’inégalité entre les sexes et sur la supériorité des hommes sur les femmes. Ces pratiques illégales sont néfastes, elles ne contribuent pas à la promotion et à l’émancipation des femmes. On peut notamment citer : - les tabous et interdits alimentaires ; - les rites de veuvage abusifs ; - l’assujettissement de la femme en matière sexuelle et en matière de santé de la reproduction ; - les difficultés d’accès à la succession ; - le lévirat ; - le sororat ; - les violences ; - les difficultés d’accès au crédit25. Enfin, l’autre grande défaillance identifiée en matière législative est l’absence de cadre juridique régissant l’action sociale. Les programmes existants évoluent dans un vide juridique et même les services déconcentrés du ministère des Affaires sociales, de l’action humanitaire et de la solidarité (MASAHS), notamment les circonscriptions d’action sociale (CAS), ne sont pas institutionnalisés. Elles restent ainsi privées des capacités de recevoir des crédits budgétaires, contribuant ainsi à la forte centralisation du secteur26 et à la faible accessibilité des services en direction des enfants et des femmes les plus vulnérables et marginalisés.

Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 18 de la Convention sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, Rapport initial et deuxième, troisième, quatrième et cinquième rapports périodiques à la CEDEF, 2002. 26 Amélioration des dépenses publiques des secteurs sociaux pour les enfants et les femmes en République du Congo, Anthony Hodges, Clare O’Brien et Bethuel Makosso, UNICEF-Oxford Policy Management, avril 2011. 25

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1.3.4. Un cadre institutionnel et stratégique faiblement coordonné La politique de l’enfance du gouvernement est pilotée par le MASAHS tandis que les politiques sectorielles (santé, éducation, justice,…) ressortent de leurs ministères respectifs. Comme déjà évoqué, le ministère des Affaires sociales souffre de défaillances multiples sur le plan du financement et de la gouvernance, notamment une forte centralisation et la faiblesse des unités opérationnelles que sont les CAS. De plus, le Comité des droits de l’enfant a souligné dans son dernier rapport que les politiques de l’enfance souffraient d’un important déficit de coordination. La Commission nationale de l’enfance mise en place dans les années 1970 a disparu il y a une quinzaine d’années du fait de la reprise des conflits civils. Cette commission était réglementée par des textes organiques et disposait d’une ligne budgétaire annuelle. Placée sous la tutelle de la présidence de la République, elle avait assez d’autorité pour réunir toutes les parties nationales concernées. Elle constituait un espace privilégié de concertation, de communication, de diffusion et de vulgarisation des instruments nationaux et internationaux de protection de l’enfance et pouvait servir d’organe de soutien et de suivi des programmes de coopération Congo-UNICEF ainsi que de plate-forme de mobilisation des ressources nationales et internationales. Le ministère en charge de l’enfance vulnérable envisage la relance et la redynamisation de cette commission mais rien n’a encore été fait27. Aujourd’hui, le seul espace de coordination des politiques

et des programmes de l’enfance est le Comité interministériel des directeurs généraux de suivi et de coordination des programmes de coopération Congo-UNICEF, institué par décret présidentiel. Ce comité regroupe les directeurs généraux des institutions suivantes : Plan, Santé, Affaires sociales, Jeunesse, Promotion de la femme, Administration du territoire (Etat-civil), Enseignement primaire et secondaire et le secrétaire général de la Justice. Il bénéficie d’une ligne budgétaire et de fonds de l’UNICEF qui lui permettent d’assurer l’organisation de réunions de concertation mais manque de capacités en matière de production de données et de suivi-évaluation28. De même, le Congo ne dispose pas d’un cadre stratégique global ni d’un plan d’action national pour la mise en œuvre concertée et l’évaluation des différents programmes concernant l’enfance. En ce qui concerne les femmes, les politiques et les programmes sont pilotés par le ministère de la promotion de la femme et de l’intégration de la femme au développement, qui dispose de très faibles capacités financières et opérationnelles. Une politique nationale « genre » a été adoptée en 2008 et assortie d’un plan d’action 2009-2013. Toutefois, les avancées concrètes dans la mise en œuvre de cette politique restent très faibles. Dans le cadre de la lutte contre les violences sexuelles, une stratégie de mobilisation sociale a également été élaborée, y compris la réalisation de supports de plaidoyer et de communication mais des difficultés techniques récurrentes freinent sa mise en œuvre et son développement29.

Rapport sur l’application de la CDE au Congo, période 2000-2010, République du Congo, septembre 2010. Rapport sur l’application de la CDE au Congo, période 2000-2010, République du Congo, septembre 2010. 29 Rapport au Comité des droits économiques, sociaux et culturels du Conseil économique et social des Nations unies, UNICEF Congo, octobre 2012. 27 28

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1.4.SITUATION ET GESTION MACROECONOMIQUE

Du fait de la bonne tenue des cours internationaux du pétrole et de l’annulation de dette dans le cadre de l’initiative PPTE, les grands équilibres intérieurs et extérieurs du Congo continuent à se consolider. 1.4.1. Des perspectives économiques favorables Malgré un environnement économique international volatil et incertain, la reprise de l’économie congolaise entamée après 2008 se poursuit. Etayés par l’amélioration de la situation politique, les résultats macroéconomiques se sont nettement améliorés juste avant

et après l’atteinte du point d’achèvement de l’initiative PPTE en 2010.Ces performances ont été réalisées dans un contexte d’inflation maîtrisée, avec un taux limité à 2,5% malgré la hausse des prix mondiaux de l’alimentation et de l’énergie30.

Tableau 3 : Taux de croissance du PIB réel entre 2004 et 2013 (%) Année %

2004 3,7

2005 7,6

2006 6,2

2007 -1,6

2008 5,6

2009 7,5

2010 8,7

2011 3,4

2012 3,8

2013 5,6

Source : Perspectives économiques en Afrique 2012, BAfD/OCDE/PNUD/CEA/CNSEE et Indicateurs du développement dans le monde, Banque mondiale 2014.

Selon de récentes analyses, les perspectives à moyen terme du Congo demeurent favorables. D’après le FMI, la croissance du PIB réel devrait atteindre la moyenne de 6,5% en 2014-2016 dans le scénario de référence, même si la volatilité de la production pétrolière s’accroît à cause de la transition de gisements pétroliers arrivés à maturité vers de nouveaux gisements. Les principaux moteurs de l’activité économique sont l’investissement, la forte activité dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, les télécommunications et l’agriculture, de même qu’un démarrage timide de la production de minerai de fer. L’inflation devrait rester conforme à l’objectif régional de la CEMAC à moyen terme, à savoir 3%31.

Selon la dernière enquête Emploi33, le taux d’inactivité en milieu urbain est estimé à 47% et atteint 68% dans la tranche d’âge des 20-24 ans. Les emplois créés par l’économie sont majoritairement précaires et localisés dans des secteurs informels à faible productivité et peu rémunérés. Parmi les causes attribuables à cette situation, on peut noter la faible diversification de l’économie et la faiblesse du secteur privé, pénalisé par un climat des affaires très peu favorable. Face à ces défis, le gouvernement a prévu dans le DSCERP 2012-2018 d’accorder une place de choix aux politiques de facilitation du marché du travail et d’éducation de la force de travail, en particulier les plus jeunes34.

Toutefois, les avantages de la croissance ne sont pas équitablement répartis et le principal défi du Congo consiste à rendre la croissance plus solidaire, tout en préservant la stabilité macroéconomique face à la volatilité et à l’épuisement des recettes pétrolières32.

1.4.2. Le défi des réformes et de la gouvernance

L’économie congolaise demeure largement tributaire du pétrole et la croissance relativement forte enregistrée ces dernières années n’a guère été inclusive, ni pourvoyeuse d’emplois en quantité suffisante, notamment au profit des jeunes. En effet, les taux de chômage et d’inactivité restent élevés, frappant particulièrement les jeunes.

Le principal défi pour les autorités est de maintenir le rythme global des réformes pour diversifier l’économie, résoudre le problème de l’emploi et améliorer l’efficacité de la dépense publique. Sa grande dépendance au pétrole rend l’économie vulnérable aux chocs exogènes et constitue une entrave sérieuse à une croissance durable et créatrice d’emplois. Elle explique en grande partie le faible impact de la croissance sur l’emploi et la pauvreté, et la lenteur des progrès dans la réalisation des OMD.

Perspectives économiques en Afrique 2012, Note de pays République du Congo, BAfD/OCDE/PNUD/CEA. Rapport du FMI n°13/282, République du Congo, Consultations de 2013 au titre de l’article IV, août 2013. 32 Rapport du FMI n°13/282, République du Congo, Consultations de 2013 au titre de l’article IV, août 2013. 33 Tableaux Emploi et Chômage en milieu urbain, novembre-décembre 2011, Institut national de la statistique. 34 Plan Cadre des Nations Unies pour l’aide au développement 2014-2018, Coopération République du Congo-Représentation résidente du système des Nations Unies. 30 31

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A l’avenir, plusieurs conditions devront être réunies pour développer le secteur non pétrolier. Il faudra tout d’abord résorber le déficit en infrastructures, notamment dans le secteur de l’énergie et des transports, qui constitue un sérieux goulot d’étranglement pour le développement économique et social du pays. L’accélération de la mise en œuvre du nouveau plan d’action pour l’amélioration du climat des affaires sera également cruciale, alors que selon le rapport Doing Business 2012 de la Banque mondiale, le Congo fait encore partie des économies les plus mal classées du monde (181ème sur 183 pays). Concernant la gouvernance du secteur public, des mécanismes inadéquats de gouvernance et le manque de transparence dans les aspects-clefs de la gestion du

secteur public, y compris la gestion des investissements publics, la passation des marchés publics, la gestion des ressources naturelles et la gestion du secteur social, ainsi qu’un niveau élevé d’allégation de corruption, sont généralement considérés comme étant les obstacles majeurs au développement du Congo35.Avec un indice de perception de la corruption de 2.2, le Congo reste classé 154ème sur 183 pays selon le rapport 2011 de Transparency International. Les autorités poursuivent la mise en œuvre des réformes institutionnelles en vue d’assainir la gestion des finances et de la fonction publiques et de relever les défis de taille qui demeurent malgré la bonne tenue des indicateurs macroéconomiques.

Données d’analyses complémentaires au DSRP de la République du Congo, Coordination du SNU, octobre 2007.

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1.5. PAUVRETE ET PRIVATIONS MULTIPLESDES ENFANTS

Un fort contraste existe entre le statut du Congo, pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure et producteur de pétrole, et les niveaux de pauvreté et d’inégalités élevés constatés dans la population. Sur la période 2005-2011, l’économie congolaise a enregistré un taux de croissance solide de l’ordre de 6% en moyenne annuelle. Dans le même temps, et confirmant les estimations antérieures, la population a cru de 2,7%. Le revenu annuel par tête a donc connu une croissance substantielle de 4,4% en moyenne annuelle, ce qui situe le Congo parmi les pays les plus performants d’Afrique subsaharienne en termes de croissance. 1.5.1. Faible recul de la pauvreté et creusement des disparités Mais alors que les conditions macroéconomiques se sont grandement améliorées au cours des dernières années, les niveaux de pauvreté monétaire ont faiblement reculé, comme le montrent les résultats des enquêtes ECOM36. Ainsi, la pauvreté monétaire n’a reculé que de quatre points entre 2005 et 2011, passant de 51% à 47%.Le seuil de pauvreté était établi à 839 FCFA par jour en 2005 (ECOM 1). En 2011, il se situait à 956 FCFA par jour (ECOM 2), soit environ 1,9 dollar.

Noire, où le rythme du recul de la pauvreté est moins élevé (- 8 points), même si la capitale économique reste la ville la moins pauvre du pays en 2011 (26%). Entre 2005 et 2011, on note également un fort recul de la pauvreté monétaire en milieu semi-urbain (-10 points). En revanche, les villes secondaires n’ont connu que des progrès limités. Illustrant le fossé grandissant entre les milieux rural et urbain, les disparités interdépartementales sont criantes. Ainsi, tous les départements affichent des taux supérieurs à 65%, avec des pics dans la Cuvette-Ouest (79%) et la Lékoumou (79%), où près de quatre habitants sur cinq sont pauvres du point de vue monétaire.

Graphique 6 : Indices de pauvreté par département en2011 (%)

Tableau 4: Indices de pauvreté selon la localisation géographique en 2005 et 2011 Lieu et milieu de résidence Brazzaville Pointe-Noire Autres communes Milieu semi-urbain Milieu rural Total

Taux de pauvreté (%) 2005 42,3 33,5 58,4 67,4 64,8 50,7

2011 29,4 25,5 55,0 57,8 74,8 46,5

Source : ECOM 2005, ECOM 2011.On constate une concentration de plus en plus grande de la pauvreté monétaire en milieu rural, où le taux a progressé de 10 points, passant de 65% en 2005 à 75% en 2011.

En milieu urbain, l’indice de pauvreté s’est au contraire fortement amélioré, surtout à Brazzaville où il a reculé de 13 points entre 2005 et 2011 pour passer sous la barre des 30%. L’écart se resserre entre Brazzaville et Pointe36

Source : ECOM 2011.

L’incidence de la pauvreté monétaire reste fortement corrélée au niveau d’instruction du chef de ménage : en 2011, elle est de 53% si le chef de ménage n’a aucune instruction, 50% s’il a un niveau primaire, 34% s’il a un niveau secondaire et 15% s’il a fait des études supérieures. Les ménages dont le chef n’a aucune instruction représentent 21% de la population et 29% des personnes pauvres alors que les ménages dont le chef a un niveau d’éducation supérieure représentent 14% de la population mais seulement 6% des pauvres. Par ailleurs, selon les résultats de l’ECOM 2011, les ten-

Première Enquête congolaise auprès des ménages (2005) et Deuxième Enquête congolaise auprès des ménages (ECOM 2011), Rapport d’analyse du volet QUIBB, octobre 2011. Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité

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dances observées en 2005 se confirment concernant le genre et la taille des ménages. Ainsi, le niveau de pauvreté est plus important lorsque le chef de ménage est une femme et lorsque la taille du ménage est importante. La forte incidence de la pauvreté au Congo alors que le RNB par habitant a atteint 2 550 dollars en 2012 selon la Banque mondiale signale de fortes inégalités de revenus, illustrées par un indice de Gini élevé, à 0,45737. Le creusement des disparités et la concentration des richesses aux mains d’une minorité se traduisent par un taux de perception de la pauvreté très élevé. Selon l’ECOM 2011, la majorité de la population congolaise se perçoit comme pauvre dans un pays considéré comme riche. Ainsi, les ménages s’estiment plus pauvres que ne le traduisent les indicateurs réels. Seulement 17% d’entre eux affirment que leur situation économique s’est améliorée alors que 49% trouvent qu’elle s’est dégradée. Le sentiment que la situation s’est dégradée est particulièrement fort en milieu rural. Les principales causes perçues de la pauvreté sont le manque de travail (92%), la mauvaise gestion publique (63%), l’insuffisance de revenu (59%) et la corruption (52%). 1.5.2.Les enfants premières victimes des privations et de la pauvreté multidimensionnelle Il est désormais admis que la mesure conventionnelle de la pauvreté basée sur le niveau de richesse monétaire des ménages, qui a longtemps prévalu, ne permet

pas de capter les privations et les disparités multiples dont souffrent plus spécifiquement les enfants et les femmes. Ainsi, la mesure de la pauvreté ne doit pas se limiter au bien-être économique du ménage vu comme un tout homogène mais intégrer aussi la réalisation des droits sociaux, et ce, au niveau des différents catégories d’individus composant le ménage. L’analyse multidimensionnelle de la pauvreté des enfants et des femmes au Congo, publiée en 200838, s’est articulée autour de 8 domaines dans lesquels ont été analysées les privations dont souffrent les individus : (i) monétaire ; (ii) éducation ; (iii) nutrition ; (iv) santé ; (v) travail ; (vi) eau et assainissement ; (vii) habitation et (viii) enclavement/ intégration. Les privations ont été évaluées sur la base d’indicateurs composites intégrant plusieurs dimensions : par exemple, la mesure de la privation dans le domaine de l’éducation ne s’est pas basée que sur la fréquentation scolaire mais a aussi pris en compte le redoublement. Les résultats de cette étude ont montré que les enfants sont plus privés que les adultes dans tous les domaines sauf le travail. Les disparités sont particulièrement importantes dans les domaines de la pauvreté monétaire et de l’éducation. Dans le domaine monétaire, l’étude a montré que le taux de pauvreté des enfants (54%)était largement supérieur à celui des adultes (47%), notamment du fait de la plus grande vulnérabilité des ménages comptant beaucoup d’enfants. En ce qui concerne l’éducation, 37% des Congolais en sont privés mais ce taux atteint 52% chez les enfants.

Tableau 5: Incidence de la pauvreté dans différents domaines (%) Domaines

Population

Enfants

Femmes adultes

Hommes adultes

Monétaire

50,7

53,71

47,8

46,2

Education

37,9

52,52

36,7

21,9

Nutrition

42,9

43,7

43,6

40,8

Santé

60,23

60,9

58,5

60,5

Travail

21,0

5,64

28,3

24,5

Eau et assainissement

67,5

69,9

66,1

64,9

Habitation

58,7

61,6

57,4

54,8

Enclavement

32,1

33,8

34,6

26,4

Part de la population

100

46,2

28,6

25,2

Source : Etude sur la pauvreté multidimensionnelle à partir des résultats de l’ECOM 2005, UNICEF 2008.

Quant aux femmes, elles sont davantage privées que les hommes sur tous les plans, à l’exception de la santé. C’est dans les domaines de l’éducation, de l’enclavement et de l’accès à l’emploi que les disparités hommesfemmes sont les plus grandes.

37 38

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Selon l’étude, les enfants qui ont les plus grands risques d’être privés dans de multiples domaines vivent en milieu rural. De même, les familles monoparentales, élargies, dirigées par des femmes ou par une personne âgée sont les plus exposées à la pauvreté multidimensionnelle.

Les politiques sociales et le financement des secteurs sociaux dans le nouveau contexte économique du Congo, UNICEF, 2010. La pauvreté multidimensionnelle des enfants et des femmes en République du Congo, Ministère du Plan et de l’aménagement du territoire/UNICEF, 2008.

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1.6. INVESTISSEMENTS PUBLICS EN FAVEUR DES ENFANTS

Comme expliqué plus haut, le contexte économique apparaît favorable au financement et à la mise en œuvre de politiques et de programmes susceptibles d’améliorer la situation des enfants. Le Congo dispose d’un espace fiscal suffisant pour accroître les investissements en faveur des enfants et les transferts sociaux en direction des catégories vulnérables. Le solde global excédentaire des finances publiques s’élevait à 23% du PIB en 2008 selon le FMI39 et à16,7% du PIB en 2011, selon le ministère des Finances, du budget et du portefeuille public. 1.6.1. Insuffisance du financement des secteurs sociaux La nomenclature budgétaire au Congo ne permet pas toujours de disposer des données qui permettraient d’analyser l’évolution de tous les types de dépenses ayant un impact sur la situation des enfants et de femmes. Notamment, l’évolution du financement du secteur de l’eau et de l’assainissement, qui influence grandement la santé et la mortalité de l’enfant, n’est pas facile à évaluer. Ces problèmes constituent en soi un goulot d’étranglement qui limite l’analyse et les investissements en faveur des enfants.

39

Sur la base des données disponibles, on présentera dans les tableaux suivants l’évolution globale des secteurs suivants : éducation, santé, affaires sociales, sports et culture, promotion de la femme et intégration de la femme au développement. Les données proviennent du ministère des finances et du ministère du plan. Elles concernent les dépenses effectuées, sur la base des ordonnancements. En termes absolus, des efforts budgétaires ont été consentis par le gouvernement au cours des quatre dernières années et les dépenses des secteurs sociaux ont augmenté. La croissance des dépenses entre 2008 et 2012 a concerné tous les secteurs. Elle est régulière et particulièrement significative dans le secteur de l’éducation et des affaires sociales. Dans les autres secteurs, elle est marquée par de fortes oscillations.

Amélioration des dépenses publiques des secteurs sociaux pour les enfants et les femmes en République du Congo, Anthony Hodges, Clare O’Brien et Bethuel Makosso, UNICEF-Oxford Policy Management, avril 2011. Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité

39


Tableau 6 : Budget des principaux ministères sociaux (en milliards de FCFA) Secteurs

Rubriques

2008

Fonctionnement

Education*

81,6

104,9

116,8

50,0

51,6

52,1

61,6

Biens et services

25,1

7,4

28,3

26,1

Transferts

23,2

22,6

24,5

29,1

Investissement

10,6

29,3

20,5

41,0

108,9

110,9

125,5

157,8

68,4

42,3

62,2

61,3

Salaires et traitements

16,8

15,5

15,7

14,6

Biens et services

29,8

9,2

25,5

22,6

Transferts

21,8

17,6

21,0

24,1

Investissement

30,8

20,5

24,7

42,5

Total

99,2

62,8

86,9

103,7

0,0

4,6

6,4

10,8

Salaires et traitements

ND

2,9

3,1

7,2

Biens et services

ND

0,6

2,2

2,0

Transferts

ND

1,0

1,2

1,6

Investissement

0,3

1,5

3,3

4,8

Total

0,3

6,0

9,7

15,6

Fonctionnement

7,3

14,6

12,7

22,3

Salaires et traitements

1,1

5,5

5,4

6,6

Biens et services

1,3

0,6

1,9

1,6

Transferts

5,0

8,4

5,3

14,1

Investissement

11,2

12,4

9,3

5,6

Total

18,5

27,0

21,9

27,9

1,1

1,2

1,8

1,1

Salaires et traitements

0,2

0,5

0,5

ND

Biens et services

0,7

0,5

1,1

0,8

Transferts

0,2

0,2

0,2

0,3

Investissement

0,3

0,6

0,6

0,8

Total

1,4

1,8

2,5

1,9

Fonctionnement

Sports et culture

Fonctionnement Promotion de la femme et intégration de la femme au développement

2011

98,3

Fonctionnement

Affaires sociales

2010

Salaires et traitements

Total

Santé

2009

Source : DGB* Les données de l’éducation regroupent celles de trois départements: (i) le ministère de l’enseignement primaire, secondaire et de l’alphabétisation, (ii) le ministère de l’enseignement supérieur et (iii) le ministère de l’enseignement technique, professionnel, de la formation qualifiante et de l’emploi.

Tableau 7 : Budget des secteurs sociaux en pourcentage des dépenses totales hors dette (%) Année

Education*

2008

12,15

2009 2010

Santé

Affaires Sports et Promotion sociales culture de la femme

9,23

0,65

1,42

0,14

12,97

8,9

0,65

1,83

0,16

12,43

7,97

1,04

1,63

0,21

2011

11,68

7,34

1,0

2,01

0,12

Moyenne 2008-2011

12,31

8,36

0,84

1,72

0,16

Source : DGB*Les données de l’éducation regroupent celles de trois départements: (i) le ministère de l’enseignement primaire, secondaire et de l’alphabétisation, (ii) le ministère de l’enseignement supérieur et (iii) le ministère de l’enseignement technique, professionnel, de la formation qualifiante et de l’emploi.

40

Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité


Tableau 8 : Evolution des dépenses des secteurs sociaux par rapport au PIB (%) Année

Education*

Santé

Affaires sociales

Sports et culture

Promotion de la femme

2008

2,39

2,18

0,01

0,41

0,03

2009

2,52

1,42

0,14

0,61

0,04

2010

2,06

1,43

0,16

0,36

0,04

2011

2,26

1,49

0,22

0,40

0,03

Moyenne 2008-2011

2,31

1,63

0,13

0,45

0,04

Source : CPCMB. *Les données de l’éducation regroupent celles de trois départements: (i) le ministère de l’enseignement primaire, secondaire et de l’alphabétisation, (ii) le ministère de l’enseignement supérieur et (iii) le ministère de l’enseignement technique, professionnel, de la formation qualifiante et de l’emploi.

Près de la moitié des dépenses ont été consacrées au secteur de l’éducation, qui a absorbé en moyenne 12,3% du budget de l’Etat sur la période 2008-2011. Cette part est largement inférieure à l’allocation de 20% préconisée par la Conférence de Dakar sur l’éducation pour tous (2000) en vue d’assurer aux enfants un enseignement primaire universel de qualité. En pourcentage du PIB, la part de l’éducation n’a représenté que 2,3% sur la même période.

1.6.2. Des prévisions budgétaires en déphasage par rapport aux engagements

Les crédits alloués à la santé ont représenté en moyenne 8,4% du budget au cours de la période 2008-2011, soit un taux très inférieur à la cible de 15% inscrite par l’Union africaine dans la déclaration d’Abuja. Au total, la part des dépenses allouées à la santé a même baissé entre 2008 et 2011, de 9,2% à 7,3%. On notera cependant une reprise des dépenses d’investissement dans la santé en 2011 après le fléchissement observé en 2009 et 2010. En pourcentage du PIB, la part de la santé s’est limitée à 1,6% en moyenne entre 2008 et 2011.

Au niveau de l’éducation, le gouvernement s’engage à renforcer la construction des écoles, des collèges, des lycées et des centres de formation professionnelle. Parallèlement, il entend « renforcer la couverture sanitaire nationale en soins de santé de base par la construction, la réhabilitation des infrastructures sanitaires et l’équipement des formations sanitaires en unités cliniques modernes. En outre, la stratégie gouvernementale en matière de santé consistera également à mettre en œuvre une série de mesures visant à promouvoir la lutte contre les grandes endémies et pandémies ainsi que les maladies invalidantes ».

Quant aux trois autres secteurs sociaux documentés, ils n’ont absorbé que de très faibles parts des dépenses du gouvernement. Le budget des affaires sociales est resté très modique représentant en moyenne 0,8% des dépenses publiques durant la période 2008-2011. Enfin, les deux autres secteurs sociaux – sports et culture et promotion de la femme - sont eux aussi très faiblement financés. Ils ont représenté respectivement 1,7% et 0,2% du budget national entre 2008 et 2011. Dans tous les secteurs sociaux, la plus grande part des dépenses est consacrée au fonctionnement, notamment à la composante « salaires et traitements ». Durant la période 2008-2011, la part du fonctionnement a représenté en moyenne 80% pour l’éducation, 67% pour la santé, 53% pour les affaires sociales, 60% pour les sports et culture et 68% pour la promotion de la femme.

40

Selon le PND 2012-201640, « un accent devrait être mis sur le développement du capital humain avec le renforcement du système éducatif et l’amélioration du système de santé, qui constituent un objectif spécifique mais également un moyen efficace et indispensable en vue d’améliorer le développement des autres secteurs ».

En valeur absolue, le PND prévoit une augmentation significative des montants affectés au financement des secteurs sociaux. Toutefois, au regard des engagements de l’Etat, le cadre des dépenses à moyen terme 2012-2016 apparaît en retrait et il semble que l’arbitrage en faveur d’un investissement redoublé dans les secteurs sociaux au détriment d’autres secteurs, comme la défense par exemple, attende toujours sa concrétisation. En effet, dans les années à venir, le financement des secteurs sociaux ne devrait guère évoluer. En moyenne, si l’on considère les cinq secteurs pour lesquels les données sont disponibles, la part des dépenses publiques retrouve les mêmes proportions en 2016 qu’en 2008 après une baisse conséquente en 2012, notamment liée au recul des dépenses d’investissement dans le secteur de l’éducation.

Plan national de développement, Livre 1, Document de stratégie pour la croissance, l’emploi et la réduction de la pauvreté (DSCERP 2012-2016), Projet. Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité

41


Tableau 9 : Part des dépenses publiques consacrée au développement social (prévisions) Année

Education DC*

DI**

2012

19,08

4,10

2013

Santé T

Affaires sociales

Sports et culture

Promotion de la femme

DC

DI

T

DC

DI

T

DC

DI

T

DC

DI

8,16

13,4

5,04

7,30

1,18

0,41

0,62

2,42

2,15

2,22

0,20

19,70

9,89 12,52 13,41

5,38

7,53

1,18

0,43

0,63

2,42

2,37

2,38

2014

20,31

7,95 11,14 13,40

5,73

7,71

1,17

0,45

0,63

2,41

2,58

2015

20,91

8,04 11,31 13,40

6,08

7,93

1,17

0,46

0,64

2,40

2016

21,51

8,17 11,67 13,40

6,42

8,26

1,16

0,48

0,66

2,39

Total

T

DC

DI

T

0,11

0,14

36,09

11,72

18,42

0,20

0,12

0,14

36,71

18,10

23,23

2,54

0,20

0,15

0,16

37,29

16,75

22,06

2,80

2,70

0,20

0,15

0,16

37,88

17,40

22,62

3,01

2,85

0,20

0,17

0,18

38,46

18,11

23,48

Source : PND 2012-2016, Cadre macroéconomique et budgétaire 2012-2016 (Projet). *Dépenses courantes ; **Dépenses d’investissement.

Par secteur, la part relative du budget consacré à l’éducation dans les dépenses totales de l’Etat devrait osciller entre un faible niveau en 2012 (8%) et des niveaux compris entre 11% et 12,5% selon les années jusqu’en 2016, donc toujours en deçà des engagements pris à Dakar. Quant à la santé, sa part devrait rester très modeste en 2012 (7,3%) pour se rapprocher des 8% à partir de 2014. Ces allocations budgétaires semblent d’autant plus insuffisantes que les taux de mortalité maternelle et infantile restent élevés et que l’atteinte des OMD 4 et 5 apparaît hors de portée si des efforts importants ne sont pas consentis d’ici 2015. L’investissement dans le secteur de la santé semble en particulier sous-financé : il équivaut seulement, selon les années, à 5% à 6,5% des dépenses publiques d’investissement totales. De même, la part des affaires sociales dans les dépenses paraît largement sous-dimensionnée si l’on considère l’engagement à «restructurer la protection sociale pour l’étendre, dans ses aspects de base, à l’ensemble de la population» selon la vision du « Chemin d’avenir » du président de la République. Cet engagement a pourtant été réaffirmé en décembre 2011 dans la Lettre de politique nationale d’action sociale, qui envisage les mesures à prendre en vue de construire un système de protection sociale non contributive à large échelle pour remplacer le système actuel « qui protège de manière limitée et ponctuelle un nombre très réduit de bénéficiaires ». Or, comme le souligne une étude datée de 201141 , sans une large augmentation de la part de la protection sociale dans les dépenses publiques, ce projet risque de demeurer au stade de la déclaration d’intention. Un grand espoir est toutefois placé dans la mise en œuvre du projet pilote de mise en place de transferts monétaires financé conjointement par le gouvernement congolais (15 millions de dollars) et la Banque mondiale (2 millions de dollars). En effet, pour améliorer l'accès aux services de santé et d'éducation des familles les plus pauvres au Congo, le gouvernement va lancer, en 41 42

42

2014, la phase expérimentale du projet « Lisungi »de transferts sociaux conditionnels en faveur de 5 000 ménages incluant des femmes enceintes, des enfants de 0 à 14 ans et de 1000 personnes âgées de 60 ans et plus. L’objectif final est d’étendre ces mesures de protection sociale à l’ensemble de la population d’ici 2017. Outre ce grand projet, d’autres programmes sont destinés à réduire progressivement la dépendance aux transferts sociaux directs : (i) des travaux publics à haute intensité de main-d’œuvre pour fournir un revenu aux ménages tout en créant des opportunités d’amélioration des compétences grâce à la formation sur le terrain; (ii) un fonds de réintégration sociale pour donner aux pauvres la possibilité de créer leur propre activité économique et faciliter l’accès au financement par le microcrédit ; (iii) un programme de développement communautaire pour faciliter l’accès aux services sociaux de base tout en appuyant les activités économiques basées sur la communauté. Pour 2013-2016, le coût des programmes de filets de protection sociale est estimé à 218 milliards de FCFA (environ 436 millions de dollars, soit 3% du PIB de 2012)42. En ce qui concerne le secteur de la promotion de la femme et de l’intégration de la femme au développement, sa part relative des allocations budgétaires évolue faiblement sur la période 2012-2016 - de 0,14% en 2012 à 0,16% en 2016 – et reste quasiment insignifiante. Le seul secteur qui connaisse un accroissement notoire de sa part relative des dépenses publiques est celui des sports et de la culture, soit un doublement entre 2008 et 2016. 1.6.3. Une faible exécution des dépenses L’insuffisance de l’effort financier en faveur des investissements profitables aux enfants est d’autant plus préoccupante que le taux d’exécution des budgets programmés est resté faible dans certains secteurs sociaux comme la santé ou l’éducation.

Développement de la politique nationale d’action sociale, Orientations stratégiques de la protection sociale non contributive au Congo, octobre 2011. Rapport du FMI n°13/282, République du Congo, Consultations de 2013 au titre de l’article IV, août 2013.

Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité


Comme le soulignent les analyses43, les problèmes de gestion des finances publiques ont abouti à des divergences entre les dépenses budgétisées et les dépenses exécutées. Sur la période 2008-2011, d’importantes surexécutions ou sous-exécutions ont ainsi été observées. Globalement, les budgets des secteurs sociaux ont été sous-exécutés, sauf en ce qui concerne la rubrique « Salaires et traitements » de trois ministères (affaires so-

ciales, sports et culture et promotion de la femme) qui a au contraire enregistré des dépassements. Sur l’ensemble de la période 2008-2011, la sous-exécution des budgets apparaît préoccupante pour la rubrique « Investissement » dans tous les secteurs sauf sports et culture.

Tableau 10: Taux d’exécution budgétaire dans les secteurs sociaux entre 2008 et 2011 (%) Secteur

Education*

Santé

Rubriques

Promotion de la femme

2010

2011

Moyenne 2008-2011

102

99

94

95

98

Biens et services

115

31

117

100

73

Transferts

108

95

100

111

98

Investissement

39

84

59

97

61

Salaires et traitements

91

78

84

71

78

Biens et services

103

36

116

100

77

Transferts

101

78

95

100

92

85

80

35

113

81

102

93

84

175

106

Salaires et traitements

Sports et culture

2009

Salaires et traitements

Investissement

Affaires sociales

2008

Biens et services

99

43

121

100

73

Transferts

99

65

72

98

88

Investissement

39

0

56

98

50

Salaires et traitements

85

278

225

224

203

Biens et services

119

40

118

100

94

Transferts

105

95

101

109

103

Investissement

141

100

136

62

107

Salaires et traitements

123

265

267

0

164

Biens et services

112

47

115

100

94

Transferts

126

85

82

100

98

32

50

49

48

38

Investissement

Source : Banque mondiale 2009 et DGB.*Les données de l’éducation regroupent celles de trois départements: (i) le ministère de l’enseignement primaire, secondaire et de l’alphabétisation, (ii) le ministère de l’enseignement supérieur et (iii) le ministère de l’enseignement technique, professionnel, de la formation qualifiante et de l’emploi.

43

Les politiques sociales et le financement des secteurs sociaux dans le nouveau contexte économique du Congo, UNICEF, mars 2010. Amélioration des dépenses publiques des secteurs sociaux pour les enfants et les femmes en République du Congo, Anthony Hodges, Clare O’Brien et Bethuel Makosso, UNICEF-Oxford Policy Management, avril 2011. Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité

43



Chapitre II DROIT A LA SURVIE DE LA MERE ET DE L’ENFANT

Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité

45



2.1. PRINCIPAUX ENGAGEMENTS DU CONGO

Le droit à la survie de l’enfant et de la mère est reconnu par un ensemble de conventions internationales ratifiées par le Congo : CDE (art. 6 et 24), CEDEF (art. 11, 12, 14), Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (art. 10 et 12), Pacte international relatif aux droits civils et politiques (art. 6). De plus, en tant que signataire de la Déclaration du Millénaire, le Congo ans s’est engagé à :

• Réaliser l’accès universel à la santé de la reproduction d’ici 2015.

OMD 1 • réduire de moitié entre 1990 et 2015, les proportions de personnes qui souffrent de la faim, et notamment de réduire la prévalence de l’insuffisance pondérale chez les enfants de moins de 5 ans de 15,6% en 1990 à 7,8% en 2015.

OMD 6 • Stopper la propagation du VIH/Sida et commencer à inverser la tendance actuelle.

OMD 4 • réduire des deux tiers la mortalité des enfants de moins de cinq ans entre 1990 et 2015, soit à 39‰ en 2015 .

• D’ici à 2015, avoir maîtrisé le paludisme et d’autres grandes maladies et avoir commencé à inverser la tendance actuelle.

OMD 5 • réduire des trois quarts la mortalité maternelle entre 1990 et 2015 - soit à 223 décès pour 100 000 naissances vivantes en 2015.

• D’ici à 2010, assurer à tous ceux qui en ont besoin l’accès aux traitements contre le VIH/sida.

OMD 7 • Réduire de moitié, d’ici à 2015, le pourcentage de la population qui n’a pas accès de façon durable à un approvisionnement en eau potable salubre.

Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité

47



2.2. POLITIQUES ET STRATEGIES

Le droit à la vie (art. 7) et la responsabilité de l’Etat en tant que « garant de la santé publique » (art.30) sont reconnus par la Constitution. Jusqu’en 2013, et en l’absence d’un nouveau document de stratégie pour la santé, le Plan national de développement sanitaire 2007-2011 (PNDS), adopté en juin 2007, faisait encore figure de cadre stratégique de référence pour le développement de la politique de santé au Congo. Les principaux axes stratégiques de ce PNDS étaient : - le renforcement des capacités de gestion du système de santé à tous les niveaux ; - l’accroissement de la couverture sanitaire nationale en centres de santé intégrés (CSI) et en hôpitaux de référence (HR) rationalisés offrant respectivement un paquet minimum d’activités (PMA) comprenant des soins préventifs curatifs promotionnels et un paquet complémentaire d’activités (PCA) complets ; - le renforcement de la qualité des soins et des services dans les centres de santé intégrés et les hôpitaux y compris dans les formations sanitaires des Forces armées congolaises; - l’intégration des composantes opérationnelles des programmes spécifiques de santé dans le PMA des CSI et le PCA des hôpitaux ; - la réduction des exclusions et des inégalités à l’accès aux soins et services de santé de bonne qualité en rapport avec le genre, la pauvreté et autres facteurs ; - la redynamisation des populations à la gestion de leur propre santé et au fonctionnement du système de santé ; - le renforcement du partenariat par la coopération multilatérale et par la collaboration intersectorielle et associative. Un nouveau document de PNDS 2014-201844 a été élaboré, a reçu une validation technique et attend son adoption formelle par le Conseil des ministres. Les résultats stratégiques attendus du PNDS 2014-2018 sont : 44

D’ici fin 2015, (i) Les taux de mortalité maternelle et infanto-juvénile sont passés respectivement : • pour la mortalité maternelle, de 426 à 223 décès pour 100 000 naissances vivantes ; • pour la mortalité néonatale, de 22 à 10 décès pour 1000 naissances vivantes ; • pour la mortalité infanto-juvénile, de 68 à 35 décès pour 1000 naissances vivantes ; (ii) Les prévalences du VIH/SIDA, du paludisme, et de la tuberculose ont baissé. D’ici fin 2018, (iii) Les prévalences des autres maladies prioritaires sont réduites d’au moins 10%. A cet effet, pour les prévalences indéterminées, des études seront réalisées dès la première année. Pour parvenir à ces résultats, six objectifs spécifiques sont visés : 1. Améliorer la gouvernance du système de santé, 2. Accroître l’offre quantitative et qualitative des soins et des services de santé, 3. Renforcer les capacités des structures à tous les niveaux du système dans l’élaboration, la mise en œuvre et le suivi-évaluation des plans, 4. Améliorer la gestion des ressources humaines, 5. Accroître l’utilisation des services de santé, 6. Améliorer la disponibilité et la qualité des données. D’autres documents stratégiques plus sectoriels encadrent l’action publique dans le domaine de la santé. En ce qui concerne la santé de la mère, une Feuille de route nationale pour accélérer la réduction de la mortalité maternelle, néonatale et infantile a été adoptée en 2008. Des normes et procédures sont établies pour la fourniture des soins prénataux, de l’assistance à l’accouchement et du suivi du post-partum (période qui débute après l'accouchement et se termine au retour de couches, avec l'apparition des règles), y compris en matière de communication et de conseil. Une directive

Plan national de développement sanitaire 2014-2018 (draft), République du Congo, août 2013. Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité

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nationale autorise l’accès gratuit à la césarienne et à d’autres interventions obstétricales majeures. En matière de vaccination, il existe un plan pluriannuel complet (ppac) 2013-2017, qui fait office de plan stratégique, ainsi qu’une stratégie nationale de communication. En matière de diagnostic et de prise en charge des maladies de l’enfant, la stratégie nationale s’appuie sur l’approche de la prise en charge intégrée des maladies de l'enfant (PCIME) qui est mise en œuvre depuis 2009. Des directives nationales encadrent la prise en charge de la tuberculose et du paludisme. La prévention et la prise en charge du paludisme chez la femme enceinte et l’enfant font également l’objet de directives de gratuité. La riposte nationale au VIH/SIDA est coordonnée dans le cadre du deuxième cadre stratégique national 20092013 du programme national de lutte contre le sida (PNLS). Un plan d’élimination de la transmission du VIH de la mère à l’enfant (eTME) 2012-2016 a été élaboré et validé. En 2008, la gratuité du dépistage, du bilan biologique et du traitement aux ARV a été instituée par décret. En matière de nutrition, un premier document de politique nationale pour la nutrition a été élaboré et validé avec l’appui des partenaires internationaux dont l’UNICEF. En 2013, le cadre stratégique de lutte contre la malnutrition 2014-2018 a été élaboré et validé lors d’une réunion de haut niveau regroupant 4 ministres autour du secrétaire général de la présidence de la République. Ce document tient lieu de cadre multisectoriel de lutte contre la malnutrition. De même, un ensemble de mesures et de programmes institutionnels ont été développés pour appuyer la fortification des aliments en micronutriments. En 2006, un décret a instauré la consommation du sel iodé. En 2012, suite à la signature d’un décret présidentiel, une commission nationale pour la fortification des aliments a été créée et des normes et standards de fortification en fer ont été élaborés notamment pour la farine.

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En matière d’eau, assainissement et hygiène, plusieurs documents stratégiques constituent le cadre d’action du gouvernement et de ses partenaires : la politique nationale de l’eau et le code de l’eau, la stratégie nationale d’accès à l’assainissement en milieu rural et urbain, la stratégie de promotion de l’hygiène dans les écoles, les centres de santé et la communauté. en vue de mieux coordonner les politiques et les programmes dans le domaine de l’eau et assainissement, deux décrets ont été adoptés : le décret n°2010-123 du 19 février 2010 qui confie la politique de l’assainissement au ministre en charge de l’eau et le décret n°2010-24 du 16 mars 2010 portant organisation du ministère de l’énergie et de l’hydraulique qui crée la direction générale de l’assainissement au sein dudit ministère. En ce qui concerne la réponse aux urgences, le Congo s’est récemment doté d’un cadre logique et plan stratégique de préparation et de réponse sanitaires aux catastrophes et autres urgences de santé publique 2012-2016. Enfin, une politique nationale de promotion de la santé a été adoptée en 2011 afin de compléter le PNDS 2007-2011, qui n’accordait pas une place suffisante à l’approche communautaire. Les principaux déficits à combler sur le plan législatif et stratégique pour renforcer le droit des enfants et des femmes à la santé sont, entre autres : • l’interdiction de l’avortement par la loi ; • l’absence des textes organisant la PCIME-C ; • l’absence de code de l’hygiène ; • l’absence de politique nationale sur l’assainissement ; • l’absence de stratégie nationale de prévention du VIH chez les jeunes ; • l’absence de stratégie nationale de prise en charge des adolescents et des jeunes vivant avec le VIH.

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2.3 ORGANISATION DU SYSTEME DE SANTE

L’opérationnalisation des politiques et stratégies en matière de santé et nutrition s’appuie sur un réseau d’infrastructures sanitaires publiques, complété par l’offre du secteur privé et non gouvernemental et certains appuis fournis par les partenaires de la coopération internationale. 2.3.1 Organisation administrative du système de santé En décembre 2013, le président de la République a signé différents décrets organisant le système de santé congolais en trois niveaux hiérarchiques : central, intermédiaire et périphérique. Le niveau central a un rôle stratégique et normatif. Il est représenté par : • Le cabinet du ministre en charge de la santé, qui comprend (i) le directeur de cabinet, (ii) la direction des études et de la planification, (ii) la direction de la coopération et (iii) la direction de l’information et de la communication, (iv) la direction des affaires générales et (v) la direction de l’informatique. • Six directions générales et une inspection générale qui a rang de direction générale : - la direction générale des hôpitaux et de l’organisation des soins, qui comprend trois directions : la direction des urgences et secours, la direction des hôpitaux et la direction des soins ambulatoires ; - La direction générale du médicament, de la pharmacie et des laboratoires, qui comprend deux directions : la direction des laboratoires et la direction du médicament et de la pharmacie ; - la direction générale de l’administration, de la réglementation et des ressources financières, qui supervise deux directions : la direction des ressources financières et la direction des ressources humaines ; - la direction générale de la population qui s’occupe des politiques liées à la population et comprend trois directions : la direction de la planification familiale, la direction de la santé scolaire et universitaire et la direction de la santé maternelle et infantile ; - la direction générale des infrastructures, des 45

équipements et de la maintenance. C’est l’organe technique qui assiste le ministre de la santé en matière d’infrastructures, d’équipements et de maintenance. elle comprend trois directions : la direction des infrastructures, la direction de la maintenance et la direction des équipements biomédicaux et du matériel ; - la direction générale de l’épidémiologie et de la lutte contre les maladies, qui comprend trois directions : la direction de l’hygiène publique, la direction des maladies non transmissibles et la direction des maladies transmissibles et VIH/SIDA. • L’Inspection générale de la santé, qui est l’organe veillant à la régularité de l’action sanitaire du système mais qui ne dispose pas de relais dans les départements sanitaires. Le niveau intermédiaire est représenté par les 12 directions départementales de la santé (DDS) qui jouent un rôle d’appui technique aux districts sanitaires dans la transmission des informations, l’adaptation spécifique des normes nationales aux conditions locales, le contrôle de leur application et la supervision des équipes cadres des districts sanitaires. Les hôpitaux départementaux sont gérés par des directions placées sous la tutelle administrative et technique des DDS. Le niveau périphérique et opérationnel du système de santé est représenté par les districts sanitaires correspondant aux districts administratifs. Ils sont au nombre de 10245 mais l’opérationnalisation de tous ces districts sanitaires prendra un peu de temps car il faudrait les doter en infrastructures et en ressources humaines. Les districts sanitaires sont subdivisés en aires de santé dans lesquelles se trouvent les formations sanitaires appelées centres de santé intégrés (CSI), cabinets médicaux, centres médico-sociaux et postes de santé. Toutes ces structures, gravitent autour d’un hôpital de district (hôpital de base ou hôpital de référence). Chaque district sanitaire est dirigé par une équipe cadre chargée de planifier, mettre en œuvre les activités et gérer les ressources.

Avant les réformes du système de santé engagées en décembre 2013, les districts sanitaires étaient plus communément appelés circons criptions socio-sanitaires (CSS) et étaient au nombre de 41. Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité

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2.3.2. Organisation opérationnelle du système de santé 46 L’offre de soins et services de santé est assurée à travers trois types de structures opérationnelles47. Ce sont les formations sanitaires pour les soins ambulatoires, les formations sanitaires d’hospitalisation et les établissements spécialisés. Deux sous-secteurs assurent l’offre des soins et services de santé : le sous-secteur public et le sous-secteur privé. • Le réseau des formations sanitaires du sous-secteur public est composé de : • 486 structures de premier contact, composées de centres de santé, postes de santé et dispensaires. Ces structures assurent les soins de santé primaires (préventifs et curatifs) ; • 171 centres de santé intégrés à paquet minimum d’activités standard (CSI/PMAS). Ces structures assurent l’offre de soins préventifs, curatifs et promotionnels ainsi que la référence à l’hôpital de base des cas graves dont les solutions ne sont pas prévues au CSI/PMAS ; • 73 centres de santé intégrés à paquet minimum d’activités élargi (CSI/PMAE). Ces centres constituent les structures de base du système de santé qui réalisent des accouchements normaux en plus des PMAS. Tous les CSI à PMAE offrent les soins obstétricaux et néonatals d’urgence de base (SONUB) ; • 36 hôpitaux de base (HB) et un hôpital régional militaire assurant le premier niveau de référence du système de santé. Ces HB assurent des soins spécialisés ainsi que les soins obstétricaux et néonatals d’urgence complets (SONUC) ; • 6 hôpitaux généraux dont un centre hospitalier universitaire (CHU, Brazzaville) et un hôpital central des armées : ces hôpitaux représentent le troisième niveau de référence du système de santé. Ils assurent tous les SONUC ; • 9 établissements spécialisés : - Le laboratoire national de santé publique (LNSP) ; - Le centre national de transfusion sanguine (CNTS) ; - La Congolaise des médicaments essentiels génériques (COMEG),

- Deux centres de traitement ambulatoire du sida ; - Deux centres antituberculeux ; - Deux centres de traitement des lépreux. • et enfin les formations sanitaires des forces armées congolaises qui comprennent : 1 hôpital général (hôpital central des armées Pierre Mobengo de Brazzaville), deux hôpitaux départementaux (Pointe-Noire et Dolisie), une clinique chirurgicale à Pointe-Noire (clinique Océan) et 10 infirmeries, avec une capacité globale de 540 lits dont 300 pour l’hôpital central des armées. Toutes ces formations sanitaires reçoivent également des malades civils sans distinction. Tous les districts sanitaires sont censés se ravitailler à la Congolaise des médicaments essentiels et génériques (COMEG), qui est une association à but non lucratif et un outil de mise en œuvre de la politique pharmaceutique et du médicament du Congo. Progressivement, ses activités se sont élargies à la gestion des médicaments des programmes et projets spécifiques. Mais l’énormité des besoins et des demandes est confrontée à une faiblesse organisationnelle et structurelle de l’offre. La COMEG bénéficie pour ses investissements et son fonctionnement des appuis du gouvernement, des partenaires techniques et financiers et de la coopération bi ou multilatérale. • Le réseau des formations sanitaires du sous-secteur privé. Une récente étude48 a mis en lumière les spécificités du secteur privé de la santé. L’analyse de la demande a montré que les prestataires privés, tous types confondus, prennent en charge 56% de la demande totale de services de santé : les prestataires de soins privés à but lucratif prennent en charge 31% de la demande de soins, la pharmacie 10%, les tradithérapeutes 9%, le secteur à but non lucratif 4% et les autres 2%. En ce qui concerne le recours à la médecine moderne, le secteur privé représente entre un tiers et la moitié de la demande générale de services de santé et cette proportion pourrait augmenter si la qualité des soins offerts s’améliorait, selon l’étude. Par ailleurs, le secteur privé est davantage axé sur les soins ambulatoires que sur l’hospitalisation et joue donc un rôle important en matière de prise en charge des soins de santé primaires. Les services de santé privés ne captent qu’une faible partie de la demande de santé maternelle et infantile

Cadre logique et plan stratégique de préparation et de riposte sanitaire aux catastrophes et autres urgences de santé publique 2012-2016. Décret n° 96/525 du 31 décembre 1996, portant définition, classification et mode de gestion des formations sanitaires publiques en République du Congo. 48 Etude sur le secteur privé de la santé en République du Congo, Banque mondiale, 2012. 46 47

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Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité


(moins de 10%). En revanche, l’automédication occupe une place importante comme recours en cas de maladie de l’enfant (25% à 32% selon le type de maladie). En ce qui concerne l’offre, elle compte 1 712 structures de santé au total en 2005, dont 59% sont privées. La plupart (88%) sont à but lucratif et situées dans les zones urbaines et semi-urbaines. D’après les données du MSP de 2005, on dénombrait sur l’ensemble du territoire 2 849 agents de santé travaillant exclusivement dans le secteur privé de la santé (26% de l’ensemble des agents de santé au Congo, toutes catégories confondues). Il est reconnu que de nombreux agents du secteur public travaillent également à temps partiel dans le privé, mais cet état de fait n’a pas pu être quantifié. Les tarifs des soins varient (parfois beaucoup) selon les types de structures, et même au sein d’un même type de structure. La variation de prix est plus forte pour les soins peu coûteux que pour les soins plus chers. Alors que les populations les plus pauvres sont confrontées à des problèmes d’accessibilité financière des services de santé, et en l’absence de financement de la demande et d’assurance maladie nationale, les prestataires privés prennent souvent en charge les personnes les plus pauvres en offrant par exemple des modalités et des délais de paiement plus souples, voire des services gratuits (ce qui nuit parfois à leur équilibre financier). Les charges administratives et financières lourdes exigées par plusieurs ministères (du commerce, des finances, du

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travail) risquent de renchérir les prix de vente des services et produits de santé privés. Les faibles capacités de gestion financière des acteurs du secteur entravent le fonctionnement efficace des structures et leurs possibilités de mobiliser des financements pour étendre leurs activités. Mal organisé, le secteur privé de la santé est peu ou pas appuyé par le secteur public et n’a jusqu’ici pas (ou peu) été utilisé aux fins de la réalisation des objectifs nationaux de santé. L’étude déplore qu’il n’existe ni contrats ni accords stratégiques entre le secteur public et les prestataires de soins privés, à quelques exceptions près, et qu’il n’existe pas non plus de politiques des pouvoirs publics visant à solliciter le secteur privé pour la prise en charge des populations pauvres, par l’intermédiaire de stratégies de financement ou de subventions49. Toutefois, une alliance du secteur privé a récemment été mise en place dans l’optique de l’instauration d’une plateforme « public-privé ». De son côté, le PNDS 20142018 prévoit d’intégrer le secteur privé de la santé dans le système de soins en (i) harmonisant les outils de gestion et les procédures des établissements privés avec le public ; (ii) mettant en place le cadre de partenariat entre le secteur privé et le secteur public sur une base contractuelle et (iii) prenant en compte les formations sanitaires privées dans les formations et les supervisions organisées dans les districts sanitaires et les DDS50.

Ibid. Plan national de développement sanitaire 2014-2018 (draft), République du Congo, août 2013.

Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité

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2.4. ETAT DES LIEUX ET PRINCIPALES DISPARITES

Les principales sources des données utilisées dans le domaine de la survie sont : • les enquêtes démographiques et de santé du Congo : EDSC-I 2005 et EDSC-II 2011-2012 ; • les Enquêtes congolaises auprès des ménages : ECOM 1 (2005) et ECOM 2 (2011) ; • une palette d’études, évaluations, enquêtes et rapports nationaux ; • une série de publications produites par les organisations de la coopération internationale dont l’UNICEF ; • les sites web childmortality.org et Countdown to 2015. 2.4.1. Droit à la santé de la mère 2.4.1.1. Mortalité maternelle Selon l’EDSC, la mortalité maternelle a fortement reculé entre 2005 et 2011-2012, passant de 781 à 426 décès pour 100 000 naissances vivantes (NV). Le rythme du recul de la mortalité maternelle dépasse les prévisions des organisations des Nations Unies, qui escomptaient un taux de 560 pour 100 000 NV en 201051, et la cible visée par le PNDS 2007-2011. L’analyse de 165 décès maternels colligés par l’observatoire national des décès maternels en 2012 indique que 50% de ces décès concernent des patientes référées et 23% des patientes référées par les formations sanitaires du secteur privé. Le retard de la prise en charge dans la formation sanitaire (troisième retard) est incriminé dans 70% des décès observés52.

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L’observatoire a également établi les causes des décès maternels : (i) Causes directes : l’hémorragie reste la principale cause mais il apparaît que l’éclampsie est la deuxième, dépassant désormais les infections, citées au second rang en 2008 par la Feuille de route pour l’accélération de la réduction de la mortalité maternelle, néonatale et infantile. Ainsi, les tendances actuelles se présentent comme suit : - l’hémorragie (50%) avec prédominance des hémorragies du postpartum (32%), - l’éclampsie (22%), - les infections (16%) avec une prédominance des infections du postpartum (12%), - l’embolie amniotique (3%), - les complications anesthésiques (6%). (ii) Causes indirectes : au-delà des causes directes, la mortalité maternelle observée au Congo est également associée aux avortements et aux grossesses précoces. Selon l’EDSC-II, 23% des femmes ont déclaré avoir recouru à l’avortement au moins une fois dans leur vie, contre 11% en 2005, et 33% des adolescentes ont commencé leur vie féconde, contre 27% en 2005.

Count-down to 2015, Fiche Congo 2012. Plan national de développement sanitaire 2014-2018 (draft), République du Congo, août 2013. Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité

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Graphique 7 : Rapport de mortalité maternelle avec intervalles de confiance pour la période 0-6 ans avant, selon l'EDSC-II 2011-2012 et l'EDSC-I 2005

Source : EDSC-II 2011-201253 .

Une analyse d’impact des données de couverture de différentes interventions sur la santé de la mère et de l’enfant54, effectuée au moyen de l’outil Lives Saved Tool (LiST)55, a permis de mesurer les principaux facteurs de l’important recul de la mortalité maternelle depuis 2005.

la prise en charge du travail et de l’accouchement (82%), les pratiques d’accouchement propre (9%), la gestion active de la troisième période de l'accouchement (4%), la prise en charge de l’éclampsie par MgSO4 (3%) et les antibiotiques pour RPM avant terme (2%).

En effet, si la réduction de la mortalité maternelle entre 2005 et 2011-2012 est de 45%, celle attribuable aux interventions en faveur de la mère durant la même période est de 40%, selon LiST : on peut donc en déduire que la quasi-totalité des progrès réalisés est attribuable aux interventions renseignées analysées par LiST. Celles qui ont le plus contribué à éviter des décès maternels sont :

Pourtant, même s’il se maintenait au cours des prochaines années, le rythme actuel de baisse de la mortalité maternelle ne suffirait pas à atteindre la cible de 223 pour 100 000 NV en 2015 établie dans le cadre des OMD. Ainsi, de gros efforts seront nécessaires à l’avenir pour diminuer de moitié le taux de mortalité rapporté en 2011-2012.

Graphique 8 : Evolution de la mortalité maternelle entre 1990 et 2011-2012 et cible OMD

Source : EDSC-II 2011-2012. Enquête démographique et de santé du Congo (EDSC-II) 2011-2012 Centre national de la statistique et des études économiques (CNSEE, Congo] et ICF International, 2013. 54 Analyse secondaire des données de l’EDSC-II, Rapport de l’atelier de restitution des résultats, Ministère de la Santé, août 2013. 55 Ces interventions qui concernent la période péri conceptuelle, la grossesse, la naissance et le développement de l’enfant, portent aussi bien sur les actions préventives que curatives et incluent les actions concernant l’eau, l’hygiène et l’assainissement. Ne sont pas pris en compte par cet outil, le revenu des ménages, le niveau d’éducation des mères, les conditions de logement, le mode de prestation de service communautaire, clinique ou en stratégie avancée et la qualité des soins. Enfin, n’ont pas encore été inclus dans cet outil, le déparasitage, le traitement intermittent contre le paludisme chez l’enfant, l’initiation précoce de l’allaitement maternel, le bénéfice de l’espérance de naissance, le traitement de l’eau à domicile, la supplémentation en fer et la pollution à l’intérieur des maisons. 53

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Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité


2.4.1.2. Santé de la reproduction Accès à la contraception Connaissance et utilisation de la contraception La proportion de femmes de 15 à 49 ans en union connaissant une méthode contraceptive quelconque n’a pas varié entre les deux enquêtes EDSC : 99% en 2005 et en 2011-2012. Bien que connues, les méthodes contraceptives sont encore relativement peu utilisées. En 2011-2012, la majorité des femmes (56%) n’utilisent aucune

méthode contraceptive, y compris si elles sont en union. Les femmes sexuellement actives mais qui ne sont pas en union sont les seules à recourir massivement à la contraception (70%). Près de 45% des femmes en union utilisent une méthode de contraception : 20% une méthode moderne et 25% une méthode traditionnelle. Connaissance et utilisation de la contraception moderne La proportion de femmes en union connaissant une méthode contraceptive moderne a augmenté entre 2005 et 2011-2012, passant de 96% à 99%.

Graphique 9 : Evolution de l’utilisation de la contraception moderne des femmes en union (15-49 ans) entre 2005 et 2011

Source : EDSC-I et EDSC-II.

En 2011-2012, 20% des femmes en union utilisent une méthode moderne. Même s’il est encore limité, ce taux progresse à un rythme rapide, puisqu’il se situait à 13% en 2005. Le préservatif masculin (12%) est de loin la méthode moderne la plus utilisée, suivi de la pilule (3%) et des injectables (3%). Les sources d’approvisionnement des femmes en contraceptifs modernes sont variées. Le secteur public de la santé domine pour la pilule (45%) et les injectables (78%). En revanche, les vendeurs ambulants, les marchés

et les amis sont la principale source d’approvisionnement en condoms masculins (59%). L’amélioration de la pratique contraceptive moderne est observée chez l’ensemble des femmes de 15-49 ans, quel que soit le groupe d’âge, mais elle est la plus marquée chez les jeunes femmes, en particulier de la tranche d’âge 20-24 ans. L’EDSC-II signale également que le taux de femmes utilisant une méthode moderne atteint son maximum (61%) chez les femmes en union qui ont déjà trois enfants.

Graphique 10 : Variation par groupe d’âges de l’utilisation de la contraception moderne de toutes les femmes (15-49 ans), en 2005 et 2011-2012

Source : EDSC-II 2011-2012.

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En 2011-2012, les disparités les plus fortes dans l’utilisation d’une méthode moderne de contraception sont liées aux déterminants suivants, par ordre d’importance : • le département de résidence: les plus fortes propor-

tions d’utilisatrices de contraceptifs modernes vivent à Pointe-Noire (27%), dans la Lékoumou (24%) et à Brazzaville (22%) et les plus faibles dans la Cuvette Ouest (6%), les Plateaux (9%) et le Kouilou (10%) ;

Graphique 11 : Utilisation de la contraception moderne des femmes en union (15-49 ans) selon le milieu de résidence et le département en 2011-2012

Source : EDSC-II 2011-2012.

• le niveau de bien-être économique : la proportion de femmes utilisant des méthodes contraceptives modernes triple quand on passe des plus pauvres (10%) aux plus riches (29%) ; • le niveau d’éducation : 29% des femmes ayant un niveau secondaire 2ème cycle ou plus utilisent des

contraceptifs modernes, contre 11% des femmes sans éducation ; • le milieu de résidence : la proportion de femmes utilisant des méthodes contraceptives modernes double quand on passe du milieu rural (12%) à l’urbain (25%).

Graphique 12 : Utilisation de la contraception moderne des femmes en union (15-49 ans) selon le niveau d’instruction et le quintile de bien-être économique du ménage en 2011-2012

Source : EDSC-II 2011-2012

Avortement Les femmes sont de plus en plus nombreuses à recourir à l’avortement au Congo. En 2011-2012, 23% des femmes déclarent avoir eu recours à l’avortement au moins une fois dans leur vie, soit une proportion qui a doublé par rapport à 2005, où elle se limitait à 11%. Près de 13% des femmes déclarent avoir eu recours à

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l’avortement une seule fois,6% deux fois et 4% trois fois ou plus. La pratique de l’avortement croît avec l’âge de la femme : environ 7% des femmes y ont eu recours entre 15 et 19 ans puis le taux augmente jusqu’à atteindre un pic de 31% chez les femmes de 25 à 29 ans. Il redescend ensuite légèrement jusqu’à 26% entre 45 et 49 ans.

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De même, la proportion de femmes ayant eu recours à l’avortement varie selon le nombre d’enfants qu’elles ont déjà. Elle augmente régulièrement jusqu’à 3 enfants (de 10% chez les femmes sans enfant à 30% chez les femmes ayant déjà 3 enfants). Chez les femmes qui ont 4 enfants, le taux commence à fléchir (26%) et retombe à 18% chez celles qui ont 6 enfants et plus. On constate d’importantes disparités dans le recours à l’avortement : • Selon le département : la proportion de femmes ayant eu recours au moins une fois à l’avortement est la plus faible dans le Pool (7%) et atteint son maximum dans le Kouilou (34%). Pour les deux grandes villes du pays, Brazzaville et Pointe-Noire, les taux sont respectivement de 22% et 31% ; • Selon le niveau d’instruction : 10% des femmes sans instruction ont déclaré avoir avorté contre 27% des femmes ayant un niveau secondaire 2ème cycle ou plus ; • Selon le quintile de bien-être économique du ménage : 12% des femmes appartenant aux ménages les plus pauvres ont eu recours à l’avortement, contre 27% de celles vivant dans les ménages les plus riches ;

tement est plus élevée en milieu urbain (26%) qu’en milieu rural (16%). Grossesses précoces Les enfants nés de mères très jeunes courent des risques plus élevés de morbidité et de mortalité et les mères adolescentes sont plus exposées aux complications de la grossesse et de l'accouchement tout en étant moins aptes à les gérer. Elles sont particulièrement vulnérables à la fistule obstétricale, qui provoque une incontinence chronique et se traduit souvent par l’abandon et la stigmatisation de la personne atteinte. Malgré les risques, le phénomène des grossesses précoces est en expansion au Congo : en moyenne, 33% des adolescentes de 15 à 19 ans ont commencé leur vie féconde, contre 27% en 2005. Selon l’EDSC-II 2011-2012, 13% des filles de 15 ans ont commencé leur vie féconde, soit une nette progression par rapport à 2005 (7%). Cette proportion augmente régulièrement et rapidement avec l’âge. Ainsi, près de la moitié des jeunes filles de moins de 18 ans sont enceintes ou déjà mères. A 19 ans, cette proportion concerne 60% des jeunes filles, dont la plupart ont déjà au moins un enfant (55%).

• Selon le milieu de résidence : la fréquence de l’avor-

Graphique 13 : Proportion d'adolescentes de 15-19 ans ayant commencé leur vie féconde en 2011-2012

Source : EDSC-II 2011-2012.

Les principales disparités de la fécondité des adolescentes sont liées aux déterminants suivants, par ordre d’importance : • le niveau d’instruction : la proportion d’adolescentes ayant commencé leur vie féconde diminue régulièrement et rapidement avec l’augmentation du niveau d’instruction, passant de 65% chez les jeunes filles sans instruction à 13% chez celles qui ont un niveau secondaire 2ème cycle ou plus. Il y a donc une interaction forte entre l’âge à la première naissance et la

poursuite ou non de la scolarisation des filles au-delà du collège ; • le département de résidence : les proportions de jeunes filles de 15 à 19 ans ayant commencé leur vie féconde varient de 27% dans la Bouenza et à Brazzaville et de 28% à Pointe-Noire, à un maximum de 60% dans le Kouilou et 56% dans les Plateaux, qui se détachent assez nettement du reste du milieu rural ; • le milieu de résidence : la proportion de jeunes femmes

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de 15 à 19 ans ayant commencé leur vie féconde est beaucoup plus élevée en milieu rural qu’urbain (46% contre 28%) ; • le niveau de bien-être économique : plus les jeunes filles sont pauvres, plus leur vie féconde est précoce. La proportion varie du simple au triple quand on passe du quintile le plus riche (17%) au quintile le plus pauvre (51%). Soins pendant la grossesse et l’accouchement Accès à la CPN Selon l’EDSC-II, 93% des femmes de 15 à 49 ans ont reçu des soins prénatals par un personnel formé en 2011-2012, contre 88% en 2005, soit une augmentation de 5 points. Ce taux recouvre d’importantes disparités liées aux déterminants suivants, par ordre d’importance : • le département de résidence : les femmes résidant dans les départements de la Lékoumou (80%), la Bouenza (81%), la Sangha (84%) et du Kouilou (84%) sont les plus défavorisées en matière d’accès à des soins prénatals par un personnel formé, alors que les femmes de Pointe-Noire et Brazzaville sont celles qui accèdent le plus facilement aux soins prénatals ; • le niveau d’instruction : 97% des femmes avec un niveau secondaire 2ème cycle ou plus reçoivent des soins prénatals, contre 73% pour celles n’ayant aucun niveau ; • le niveau de bien-être économique : 99% des femmes vivant dans les ménages les plus riches reçoivent des soins prénatals par un personnel formé contre 84% des femmes vivant dans les ménages les plus pauvres ;

• le rang de naissance de l’enfant à naître : plus les femmes ont d’enfants, moins elles reçoivent de soins prénatals par un personnel formé. En effet, la proportion est de 10 points plus élevée chez les femmes primipares (95%) que chez celles qui ont déjà 6 enfants et plus (85%) ; • le milieu de résidence : la proportion de femmes qui reçoivent des soins prénatals par un personnel formé est plus élevée en milieu urbain qu’en milieu rural (96% contre 87%). De plus, par rapport à l’enquête précédente réalisée en 2005, on constate que la proportion de femmes ayant effectué au moins les quatre visites prénatales recommandées a légèrement augmenté, passant de 75% à 79% en 2011-2012. Prévention du paludisme au cours de la grossesse. Il est recommandé que, pendant la grossesse, les femmes enceintes exposées au risque de contracter le paludisme non seulement dorment sous une moustiquaire imprégnée d’insecticide à longue durée d’action (MIILDA) mais aussi prennent, à titre préventif, des antipaludiques au cours de la grossesse et, plus particulièrement, un traitement préventif intermittent de deux doses de Sulfadoxine Pyriméthamine (SP/Fansidar). L’EDSC-II indique qu’en moyenne, 84% des ménages possèdent au moins une moustiquaire et 27% au moins une MIILDA. Le nombre moyen de moustiquaires par ménage est estimé à 1,6 et celui des MIILDA à 0,4. Selon l’EDSC-II, en moyenne, 78% des femmes enceintes dorment sous une moustiquaire pendant la nuit mais seulement 21% sous une MIILDA. L’utilisation des MIILDA a été plus fréquente en milieu rural (32%) qu’en milieu urbain (14%).

Graphique 14 : Proportion de femmes enceintes de 15-49 ans ayant dormi sous une MIILDA par niveau d’instruction et quintile de bien-être en 2011-2012

Source : EDSC-II 2011-2012.

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En ce qui concerne l’accès à un traitement préventif, l’EDSC-II indique que 80% des femmes enceintes ont pris un antipaludique pendant la grossesse mais 47% de la SP/ Fansidar. Et parmi celles qui ont pris de la SP/Fansidar, seulement 53% ont pris au moins les deux doses. Globalement, 22% des femmes ont reçu un traitement préventif intermittent au cours d’une visite prénatale. Accès à l’accouchement assisté Selon l’EDSC, 94% des femmes de 15 à 49 ans ont accès à un accouchement assisté par du personnel formé en 2011-2012, contre 86% en 2005. Ce taux moyen cache néanmoins des disparités liées aux déterminants suivants: • le lieu de l’accouchement : seulement 29% des femmes accouchant en dehors d’un établissement sanitaire se font assister par un personnel formé ; • le niveau d’instruction : plus de 99% des femmes ayant atteint le niveau secondaire 2ème cycle se font assister, contre seulement 77% des femmes sans aucun niveau ; • le département de résidence : les femmes résidant dans les départements de Brazzaville (99%), PointeNoire (98%), Pool (95%) sont beaucoup mieux loties que celles habitant la Lékoumou (77%), la Sangha (81%), le Niari ou le Kouilou (85%) ; • le niveau de bien-être économique : quasiment toutes les femmes vivant dans les ménages les plus riches se font assister à l’accouchement, contre 81% de celles qui vivent dans les ménages les plus pauvres ; • le milieu de résidence : la proportion de femmes qui se font assister lors de l’accouchement est plus élevée en milieu urbain (98%) qu’en milieu rural (86%). • le rang de naissance : plus les femmes ont d’enfants, moins elles se font assister durant l’accouchement. La proportion passe de 97% chez les primipares à 87% chez les femmes qui ont 6 enfants et plus ; • l’âge : les femmes les plus âgées (35 à 49 ans) ont un peu moins recours à un personnel formé pour leur accouchement (92%) que les autres (94%) ; Accès aux soins postnatals Selon l’EDSC-II 2011-2012, 64% des femmes ont reçu des soins postnatals dans les deux premiers jours après la naissance56.

Ce taux national recouvre des disparités liées aux déterminants suivants : • le lieu de l’accouchement : seulement 24% des femmes accouchant en dehors d’un établissement sanitaire reçoivent des soins postnatals dans les deux premiers jours après la naissance contre 67% de celles accouchant dans un établissement sanitaire ; • le niveau de bien-être économique : 70% des femmes vivant dans les ménages les plus riches reçoivent des soins postnatals dans les deux premiers jours après la naissance, contre 56% des femmes vivant dans les ménages les plus pauvres ; • le niveau d’instruction : 66% des femmes ayant un niveau secondaire 2ème cycle ou plus reçoivent des soins postnatals dans les deux premiers jours après la naissance, contre 54% des femmes n’ayant aucun niveau ; • le rang de naissance : plus les femmes ont d’enfants, moins elles reçoivent de soins postnatals dans les deux premiers jours après la naissance. La proportion de femmes bénéficiant de soins postnatals est la moins élevée chez les femmes ayant 6 enfants et plus (57%) ; • le département de résidence : les femmes résidant dans les départements du Niari (44%), de la Sangha (50%) et de la Lékoumou (51%) sont défavorisées en matière des soins postnatals alors que les femmes du Pool (84%), du Kouilou (83%) et de Pointe-Noire (71%) sont celles qui accèdent le plus facilement aux soins postnatals ; • le milieu de résidence : la proportion de femmes qui reçoivent des soins postnatals dans les deux premiers jours après la naissance est plus élevée en milieu urbain qu’en milieu rural (66% contre 61%). 2.4.2. Droit à la santé de l’enfant 2.4.2.1. Mortalité de l’enfant Selon les résultats de l’EDSC57, la mortalité infanto-juvénile (enfants de moins de cinq ans) a été réduite de près de moitié entre 2005 et 2011-2012, de 117‰ à 68‰. L’ampleur des progrès a dépassé les prévisions des institutions des Nations Unies, qui escomptaient pour 2011 un taux compris entre 84‰ et 107‰58.

Cet indicateur n’est pas disponible dans l’EDSC-I 2005. La seule information fournie dans cette étude était que 24% des femmes qui n’avaient pas accouché dans un établissement de santé avait quand même effectué une visite postnatale dans les deux jours après leur accouchement. 57 Enquête démographique et de santé du Congo (EDSC-I) 2005, Centre national de la statistique et des études économiques (CNSEE, Congo) et ORC Macro, 2006 ; Enquête démographique et de santé du Congo (EDSC-II) 2011-2012, Centre national de la statistique et des études économiques (CNSEE, Congo) et ICF International, 2013. 58 Count-down to 2015, Fiche Congo 2012 ; childmortality.org, consulté le 14 novembre 2012. 56

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Graphique 15 : Evolution de la mortalité infanto-juvénile entre 1990 et 2011-2012 et cible OMD

Graphique 16 : Evolution du taux de mortalité infantile de 1974 à 2011-2012

Source: CNSEE, RGPH (1974, 1984), EDSC (2005, 2011-2012).

Plus de la moitié des décès d’enfants de moins d’un an (56%) interviennent durant la période néonatale (un mois après la naissance) de même qu’un tiers des décès

d’enfants de moins de cinq ans. Les quotients de mortalité néonatale et post-néonatale s’établissent, respectivement, à 22‰ et 18‰.

Graphique 17 : Quotients de mortalité néonatale, post-néonatale, infantile, juvénile et infanto-juvénile (‰) pour la période des cinq années (2007-2011) ayant précédé l'EDSC II

Source : EDSC-II 2011-2012.

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Comment expliquer la baisse importante des taux de mortalité de l’enfant au cours des six dernières années? Plusieurs éléments d’analyse sont mentionnés dans la littérature. L’EDSC-II évoque une « possible sous-estimation » de la mortalité infantile par l’enquête, tout en ajoutant qu’elle n’est pas de nature à remettre en cause la « baisse significative de la mortalité infantile au cours des 15 à 20 dernières années et, en particulier, au cours de la période la plus récente ». Pour expliquer ce phénomène, l’étude évoque « l’amélioration des soins de santé maternelle, la meilleure prise en charge des maladies des enfants et surtout l’amélioration des mesures de prévention du paludisme, en particulier l’augmentation importante d’enfants qui dorment sous une moustiquaire59» . Une analyse plus poussée des données au moyen de l’outil LiST60 a été réalisée sur la base des taux de couverture des interventions renseignées et potentiellement favorables à la réduction de la mortalité de l’enfant. Elle fait apparaître« une variabilité de la réduction de la mortalité néonatale et infanto-juvénile attribuable aux interventions menées entre 2005 et 2011 ».L’écart est seulement de 5 points concernant la mortalité néonatale, dont la réduction est donc fortement liée aux interventions renseignées, mais s’élève à 19 points concernant la mortalité infanto-juvénile. Ainsi, « la réduction de la mortalité infanto-juvénile n’est liée que pour moitié au changement de taux de couverture des interventions renseignées. Selon l’analyse, d’autres facteurs peuvent être évoqués, comme la croissance économique soutenue, la réduction de l’incidence de la pauvreté monétaire et le niveau d’éducation des mères. Selon LiST, les interventions qui ont le plus contribué à

la réduction de la mortalité infanto-juvénile sont celles visant la prévention et le traitement du paludisme, une meilleure prise en charge des causes des décès néonatals (prématurité, infection, asphyxie) et la réduction des décès liés aux diarrhées et aux IRA. Pour accélérer les progrès vers l’atteinte des OMD, LiST recommande (i) concernant la réduction de la mortalité néonatale : d’intensifier les efforts portant sur la qualité des CPN et la surveillance du travail pendant l’accouchement en usant du partogramme et sur la prise en charge des infections néonatales et la réanimation néonatale efficace ; (ii) concernant la réduction de la mortalité infanto-juvénile liée à d’autres facteurs que la mortalité néonatale : l’utilisation des moustiquaires imprégnées et le traitement par les ACT, la SRO, l’assainissement et l’utilisation des latrines améliorées, la supplémentation en vitamine A, la vaccination par Hib et la prise en charge de la malnutrition chronique et aigüe. Les interventions suivantes qui ont un faible taux de couverture comportent un fort potentiel pour réduire la mortalité infanto-juvénile : promotion de l’allaitement maternel, lavage des mains avec du savon, raccordement d’eau dans la maison, vaccination contre les rotavirus. Selon l’analyse, il apparaît également urgent de mettre en œuvre la PCIME communautaire et de rendre disponible la SRO en la remettant aux ménages dès la sortie de la maternité. NB : La présentation des données nationales et des données désagrégées n’ayant pas respecté la même approche méthodologique61, il n’y a pas d’alignement possible entre les deux types de données.

Enquête démographique et de santé du Congo (EDSC-II) 2011-2012, Centre national de la statistique et des études économiques (CNSEE, Congo) et ICF International, 2013. 60 Analyse secondaire des données de l’EDSC-II, Rapport de l’atelier de restitution des résultats, ministère de la Santé, août 2013. 61 Les quotients de mortalité nationaux sont calculés pour la période de cinq ans ayant précédé l’enquête alors que les données désagrégées sont calculées pour la période de 10 ans ayant précédé l’enquête. 59

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Graphique 18 : Quotients de mortalité néonatale, infantile et infanto-juvénile pour la période des dix années ayant précédé l'EDSC II, selon le milieu de résidence et le département (‰)

Source : EDSC-II 2011-2012.

Les données désagrégées, qui portent sur la période de dix ans précédant l’enquête (2002-2011), permettent cependant de saisir les facteurs qui influencent la mortalité des enfants.

• l’intervalle intergénésique : le taux de mortalité des moins de cinq ans est deux fois moins élevé si l’intervalle intergénésique est supérieur à 4 ans que s’il est inférieur à deux ans ;

Selon l’EDSC-II, ces déterminants sont les suivants, par ordre d’importance :

• le niveau de bien-être économique : la mortalité infanto-juvénile diminue progressivement avec l’amélioration du bien-être du ménage à partir du quintile moyen ; la mortalité infantile quant à elle diminue de façon plus irrégulière.

• le département de résidence : les disparités sont très grandes et un enfant de moins de cinq ans résidant dans la Sangha a presque deux fois moins de chances de survivre que s’il habite à Pointe-Noire, quel que soit l’indicateur de mortalité considéré ; • le niveau d’instruction de la mère : la mortalité des enfants diminue au fur et à mesure que le niveau d’instruction de la mère augmente, quel que soit l’indicateur de mortalité considéré. Un enfant dont la mère n’a aucune instruction a pratiquement deux fois moins de chances de survivre qu’un enfant dont la mère a un niveau secondaire 2ème cycle ou plus ; • le rang de naissance : le taux de mortalité d’un enfant de moins de 5 ans né au 7e rang est le double de celui d’un premier-né ;

Bien que moins décisifs que les autres déterminants, le milieu de résidence, l’âge de la mère et le sexe de l’enfant influent également sur la mortalité des jeunes enfants. On remarque que le poids de la mortalité néonatale dans la mortalité infantile varie considérablement selon le milieu de résidence et d’un département à l’autre. Il est beaucoup plus élevé en milieu urbain (58%) que rural (41%). C’est dans le département de Brazzaville que le poids de la mortalité néonatale dans la mortalité infantile est le plus élevé (63%), ce qui pourrait indiquer un fort taux intra-hospitalier de décès de nouveau-nés dans la capitale du pays.

Graphique 19 : Quotients de mortalité infantile et infanto-juvénile pour la période des dix années ayant précédé l'EDSC II, selon le niveau d’instruction de la mère et le quintile de bien-être économique du ménage (‰)

Source : EDSC-II 2011-2012.

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Graphique 20 : Quotients de mortalité infantile et infanto-juvénile pour la période des dix années ayant précédé l'EDSC II, selon le sexe de l’enfant, l’âge de la mère à la naissance, le rang de naissance de l’enfant et l’intervalle avec la naissance précédente (‰)

Source : EDSC-II 2011-2012.

2.4.2.2. Vaccination D’après le Programme élargi de vaccination (PEV), tous les enfants devraient recevoir, avant leur premier anniversaire, une dose de vaccin BCG, trois doses de vaccin contre la poliomyélite, trois doses de Pentavalent (contre la diphtérie, le tétanos, la coqueluche, l’hépatite et l’hémophilus influenza B), une dose de vaccin contre la rougeole et une dose de vaccin contre la fièvre jaune.

Entre 2005 et 2011-2012, la couverture vaccinale a augmenté pour tous les antigènes sauf pour Polio 3. Globalement, il y a un peu moins d’enfants qui n’ont reçu aucun vaccin en 2011-2012 qu’en 2005. En revanche, la proportion d’enfants complètement vaccinés en 20112012 (46%) a baissé par rapport à 2005 (52%). Dans 42% des cas en 2011-2012, les enfants ont été complètement vaccinés selon le calendrier recommandé, c’est-àdire avant l’âge de 12 mois.

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Graphique 21 : Couverture vaccinale des enfants de 12-23 mois par type de vaccin selon L’EDSC-I et l’EDSC-II

Source : EDSC-I 2005 et EDSC-II 2011-2012.

A noter que : - La vaccination contre le BCG approche de la couverture universelle avec seulement 6% des enfants non vaccinés en 2011-2012 ; - Malgré les nombreuses campagnes de vaccination mises en œuvre suite à la réapparition de la polio en 2010, la vaccination complète contre la polio a reculé de 12 points depuis 2005, pour se limiter à 57% en 2011-2012 ; le taux de déperdition entre la première et la troisième dose est important (35%) ; - L’immunisation par les trois doses de Pentavalent/ DTC a progressé entre les deux enquêtes mais 28% des enfants n’en bénéficient toujours pas ; la vaccination contre la rougeole a également progressé mais un enfant sur quatre n'y a toujours pas accès ; - La vaccination contre la fièvre jaune concerne environ la moitié des enfants en 2011-2012. Les disparités d’accès à la vaccination dans le cadre du PEV sont relativement importantes et liées aux déterminants suivants, par ordre d’importance : • le département de résidence : le Niari, Pointe-Noire et le Pool enregistrent les niveaux les plus élevés de

couverture vaccinale avec au moins 60% d’enfants ayant reçu la totalité des vaccins du PEV. A contrario, le plus faible niveau de couverture est enregistré dans les Plateaux (14%) et la Cuvette-Ouest (26%). Quant à la capitale Brazzaville, elle affiche une performance médiocre avec seulement 38% d’enfants complètement vaccinés. • le niveau d’instruction de la mère : la couverture vaccinale est la plus faible chez les enfants dont la mère a un niveau d’instruction primaire ou moins (autour de 40%) alors qu’elle atteint 52% chez les mères de niveau secondaire deuxième cycle ou plus. En outre, la proportion d’enfants n’ayant reçu aucun vaccin est dix fois plus élevée lorsque la mère est sans instruction que lorsqu’elle a un niveau secondaire 2eme cycle ou plus. • le milieu de résidence : la couverture vaccinale est plus forte en milieu urbain qu’en milieu rural (49% contre 40%). • le niveau de bien-être économique : la couverture vaccinale enregistre un minimum de 38% chez les enfants des ménages les plus pauvres et un maximum de 55% chez ceux du quatrième quintile pour retomber à 49% dans les familles les plus riches.

Graphique 22 : Couverture vaccinale des enfants de 12-23 mois selon le milieu de résidence et le département en 2011-2012

Source : EDSC-II 2011-2012.

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Graphique 23 : Couverture vaccinale des enfants de 12-23 mois selon le niveau d’instruction de la mère et le quintile de bien-être économique du ménage en 2011-2012

Source : EDSC-II 2011-2012.

2.4.2.3. Morbidité de l’enfant Le paludisme, les infections respiratoires aiguës (IRA) et la diarrhée constituent la « triade » morbide et mortelle pour les enfants de moins de 5 ans. Prévalence présumée des maladies de l’enfant Selon l’EDSC-II, 25% des enfants de moins de 5 ans ont

été touchés par le paludisme, 19% par la diarrhée et 5% présentaient des symptômes d’IRA au cours des deux semaines précédant l’enquête. A noter que chez les enfants de 12-23 mois, la diarrhée constitue la première cause de morbidité, avant le paludisme.

Graphique 24 : Prévalence des IRA, de la fièvre et de la diarrhée chez les enfants de moins de cinq ans selon l’âge en 2011-2012 (%)

Source : EDSC-II 2011-2012.

La prévalence du paludisme et de la diarrhée apparaissent en augmentation depuis 2005 alors que les IRA reculent.

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Graphique 25 : Prévalence présumée de la fièvre, de la diarrhée et des IRA chez les enfants de moins de 5 ans en 2005 et 2011-2012 (%)

Source : EDSC-I 2005 et EDSC-II 2011-2012.

Les niveaux de prévalence des trois principales maladies tueuses des enfants sont variables selon les départements.

Graphique 26 : Prévalence présumée du paludisme, de la diarrhée et des IRA chez les enfants de moins de 5 ans, selon le milieu de résidence et le département (%)

Source : EDSC-II 2011-2012.

Graphique 27 : Prévalence présumée du paludisme, de la diarrhée et des IRA chez les enfants de moins de 5 ans, selon l’âge et le sexe de l’enfant (%)

Source : EDSC-II 2011-2012.

Fièvre et paludisme Un quart des enfants congolais ont eu de la fièvre au cours des deux semaines ayant précédé l’EDSC-II 2011-2012 mais seulement 47% d’entre eux ont été conduits dans un établissement de santé ou chez un prestataire de soins.

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Au total, 47% seulement des enfants ayant eu de la fièvre ont bénéficié de médicaments antipaludiques. Cette faiblesse dans le recours aux soins et dans l’administration des médicaments s’explique, entre autres, par le fait que la PCIME-C n’est pas encore mise en œuvre au Congo.

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Le recours à un établissement ou à un prestataire de santé ainsi que l’administration d’antipaludique dépendent d’une série de facteurs dont : • l’âge de l’enfant : moins touchés par la fièvre (19%) que la moyenne, les enfants de moins de 6 mois sont les plus nombreux à être emmenés chez un prestataire de santé (60%), mais les moins nombreux à recevoir des antipaludiques (15%). A l’inverse, les enfants de 6-11 mois, qui sont les plus touchés par la fièvre (33%), sont moins souvent montrés à un prestataire de santé mais plus souvent soignés avec des antipaludiques. • le sexe : les filles présentent plus de cas de fièvre que les garçons (26% contre 24%) alors qu’elles sont moins souvent conduites auprès d’un personnel de santé. En effet, 45% des filles ayant de la fièvre y sont conduites, contre 49% des garçons. Pour les deux sexes, seulement près d’un quart des enfants bénéficient d’un traitement antipaludique ; • le milieu et le département de résidence : • un enfant vivant en milieu urbain est beaucoup plus exposé à la fièvre qu’un enfant du milieu rural. Mais l’enfant du milieu urbain a plus facilement accès à un prestataire formé (48%) que celui du milieu rural (45%). Dans 29% des cas, il bénéfice d’un traitement antipaludique, contre seulement 18% des enfants malades du milieu rural ; • les enfants des départements du Kouilou (39%), de la Likouala (35%) et des Plateaux (34%) sont les plus exposés à la fièvre. Or, les enfants de ces deux derniers départements sont les plus défavorisés en matière d’accès à un traitement antipaludique (7% dans les Plateaux et 9% dans la Likouala) ; les enfants du Kouilou en revanche sont ceux qui sont le plus souvent traités par antipaludiques (44%). • le niveau d’instruction de la mère : les enfants de mères ayant un niveau secondaire 2ème cycle ou plus sont les plus exposés à la fièvre (28% contre 19% pour les enfants nés de mères sans instruction), sont davantage conduits auprès d’un personnel formé et ont le meilleur accès aux antipaludiques ; • le niveau de bien-être économique du ménage : ce facteur n’influe pas de manière significative sur la survenue de la fièvre mais les enfants les plus pauvres ont moins de chances que les autres d’être conduits auprès d’un personnel formé (40%, contre 61% chez les plus riches) et d’accéder aux antipaludéens (16% contre 39% chez les plus riches).

Dans le cadre de la lutte contre le paludisme, le Congo promeut la distribution universelle et l’utilisation de moustiquaires imprégnées d’insecticide (MIILDA) par les ménages. L’EDSC II indique que plus de quatre enfants sur cinq (81%) avaient dormi sous une moustiquaire la nuit précédant l’enquête mais seulement 26% sous une MIILDA. Par rapport à l’EDSC-I de 2005, la proportion d’enfants de moins de cinq ans ayant dormi sous une moustiquaire, imprégnée d’insecticide ou non, a augmenté, variant de 68% à 81%. Les résultats selon l’âge et le sexe ne font pas apparaître d’écarts importants. En revanche, les variations selon les milieux et régions de résidence sont importantes : 40% des enfants du milieu rural ont utilisé une MIILDA la nuit précédant l’enquête, contre 17% en milieu urbain. De même, dans les départements, la proportion varie d’un maximum de 71% dans le Pool à un minimum de 16% à Pointe-Noire et Brazzaville. Les résultats selon les quintiles de bien-être économique montrent que la proportion d’enfants ayant dormi sous une MIILDA diminue avec l’amélioration du niveau de bien-être du ménage dans lequel vit l’enfant, variant d’un maximum de 39% dans les ménages les plus pauvres à un minimum de 15% dans ceux du quintile le plus riche. Diarrhée Selon l’EDSC-II 2011-2012, près d’un enfant sur cinq (19%) a eu au moins un épisode de diarrhée au cours des deux semaines ayant précédé l’enquête ; en outre, il y avait du sang dans les selles dans 2% des cas. Au total, seulement 37% des enfants ayant eu la diarrhée ont bénéficié de SRO ou de solution maison recommandée (SMR). L’EDSC-II 2011-2012 montre aussi que près d’un tiers des femmes congolaises (31%) ne connaissent pas les sachets de SRO et de liquides préconditionnés. La prévalence de la diarrhée ainsi que l’accès à un établissement/prestataire de santé et à des soins appropriés (SRO/SMR) dépendent d’une série de facteurs dont : • l’âge de l’enfant : les enfants de 6-11 mois (25%) et de 12-23 mois (34%) sont les plus exposés à la diarrhée et c’est dans cette dernière tranche d’âge que les diarrhées sanguinolentes sont les plus courantes (4%). Cela s’explique notamment par le fait qu’à cet âge, les enfants commencent à recevoir des aliments autres que le lait maternel et à être sevrés ; ils se mettent aussi à explorer leur environnement, ce qui les expose davantage à la contamination par des agents pathogènes. Les enfants de 6-11 mois sont ceux que l’on conduit le plus vers un personnel de santé en cas de diarrhée (45%), contre moins de 40% pour les autres tranches d’âge. Les 12-23 mois, qui

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sont les plus touchés par la diarrhée, sont les moins conduits vers un personnel de santé (33%, mais ce sont aussi ceux qui bénéficient le plus souvent de SRO/SMR (41%) ; • le sexe : les garçons présentent un peu plus souvent la diarrhée que les filles (20% contre 18%) et sont un peu mieux soignés que les filles par des SRO/SMR (38% contre 36%) ; • le milieu et le département de résidence : les enfants du milieu urbain sont beaucoup plus exposés à la diarrhée (y compris dans sa forme sanguinolente) que les enfants vivant dans le milieu rural (22% et 15% respectivement). Ils accèdent aussi plus facilement aux SRO/SMR (41% et 28% respectivement). Les enfants des départements de Pointe-Noire (25%), de la Lékoumou (23%) et de Brazzaville (20%) sont les plus exposés aux diarrhées. Cependant, ils n’ont pas les mêmes chances d’être bien soignés : dans la Lékoumou, seulement 11% des enfants malades ont accès à des SRO/SMR, contre 32% à Pointe-Noire et 53% à Brazzaville. • Le niveau d’instruction de la mère : paradoxalement, les enfants de mères ayant un niveau secondaire 2ème cycle ou plus (24%) font beaucoup plus de diarrhées que les enfants nés de mères sans instruction (13%) ; en revanche, ils sont bien mieux soignés (55% reçoivent des SRO/SMR) si leur mère est instruite que si elle ne l’est pas (26%). • le niveau économique du ménage : paradoxalement là aussi, les enfants issus des ménages les plus riches développent plus souvent la diarrhée que ceux des ménages les plus pauvres - même si la tendance s’inverse en ce qui concerne les formes sanguinolentes ; en revanche, les enfants des ménages riches sont mieux soignés (45%) que ceux des ménages les plus pauvres (28%) ; • la provenance de l'eau de boisson et le type d'installation sanitaire : encore un paradoxe : la proportion d’enfants ayant eu la diarrhée est plus importante dans les ménages consommant de l’eau provenant d’une source améliorée (20%) que dans ceux qui consomment de l’eau provenant d’une source non améliorée (16%). En revanche, et en toute logique cette fois, la prévalence de la diarrhée est plus importante chez les enfants qui vivent dans des ménages ne disposant pas de toilettes améliorées (20%) que chez ceux qui disposent de toilettes améliorées non partagées (14%).

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Infections respiratoires aiguës (IRA) Parmi les enfants avec IRA (5%), des conseils ou un traitement ont été recherchés dans un établissement de santé ou auprès d’un prestataire de santé pour seulement 52% d’entre eux et 58% ont bénéficié d’un traitement par antibiotiques. Plusieurs facteurs influencent la survenue des IRA, le recours à un établissement/prestataire de santé ainsi que l’administration d’antibiotiques, dont : • l’âge de l’enfant : les enfants de 6-11 mois (6%) et de 12-23 mois (6%) sont les plus exposés aux IRA et sont aussi les plus souvent emmenés chez un prestataire de santé. En revanche, l’administration de médicaments est moindre chez les enfants de 6-11 mois que chez les enfants des autres groupes d’âges (38%) ; • le sexe : les filles présentent plus souvent des symptômes d’IRA que les garçons (5,3% contre 4,5%) et sont plus souvent emmenées chez un prestataire formé. Par contre, elles sont défavorisées quant à ce qui concerne l’administration d’un traitement antibiotique (56% pour les filles contre 62% pour les garçons) ; • le milieu et département de résidence : un enfant vivant en milieu urbain a la même probabilité de présenter des symptômes d’IRA qu’un enfant du milieu rural. L’enfant du milieu rural est défavorisé par rapport à l’urbain en ce qui concerne le recours aux soins auprès d’un prestataire formé mais reçoit en revanche des antibiotiques plus souvent (74% pour le rural contre 49% pour l’urbain). Les enfants des départements de la Likouala, de la Lékoumou et de la Cuvette-Ouest sont les plus exposés aux IRA62; • le niveau d’instruction de la mère : les enfants de mères ayant un niveau secondaire 2ème cycle ou plus développent moins d’IRA et ont plus souvent recours à un prestataire de santé que les autres ; • le niveau économique du ménage : les enfants issus des ménages pauvres développent plus d’IRA que les enfants des ménages riches mais ont beaucoup moins recours à un personnel formé que ceux des ménages les plus riches ; • le statut de fumeur de la mère : les enfants de mères fumeuses ont près de 2 fois plus de chances de développer des IRA que les autres.

Les séries de données sur les départements étant incomplètes, l’EDSC-II 2011-2012 ne renseigne pas sur l’accès des enfants avec IRA à un prestataire formé et à un traitement selon l’appartenance départementale.

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2.4.3. Nutrition 2.4.3.1. Malnutrition La malnutrition est reconnue comme une cause sousjacente de la moitié des décès dans le monde. Les enfants de moins de 5 ans et les femmes enceintes ou allaitantes constituent les catégories les plus vulnérables de la population. Les indices utilisés pour l’appréciation du statut nutritionnel sont le poids pour taille (émaciation ou malnutrition aiguë), la taille pour âge (malnutrition chronique ou retard de croissance) et le poids pour âge (insuffisance pondérale).

Selon l’EDSC-II 2011-2012, la malnutrition chronique ou retard de croissance constitue une préoccupation majeure. En effet, plus de 24% des enfants de moins de 5 ans présentent un retard de croissance, dont 8% sous forme sévère et 16% sous forme modérée. La malnutrition aiguë ou émaciation touche 6% des enfants de moins de 5 ans, dont 1,5% sous forme sévère et 4,5% sous forme modérée. L’insuffisance pondérale est à 12% dont 2,4% sous forme sévère et 9,2% sous forme modérée. Le niveau de prévalence reste encore loin de l’objectif fixé par les OMD (7,8%).

Graphique 28 : Pourcentage d'enfants de moins de 5 ans atteints de malnutrition (%) en 2011-2012

Source : EDSC-II 2011-2012.

Comparativement aux données de l’EDSC-I de 2005, on observe une légère amélioration de la situation nutritionnelle des enfants congolais de moins de 5 ans concernant les trois indicateurs.

Selon le sexe de l’enfant, on observe que les garçons sont un peu plus enclins à souffrir de malnutrition que les filles, en particulier en ce qui concerne l’insuffisance pondérale

Graphique 29 : Enfants de moins de 5 ans atteints de malnutrition selon l’âge et le sexe (%) en 2011-2012

Source : EDSC-II 2011-2012.

Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité

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Le graphique ci-dessous montre que la proportion d’enfants accusant un retard de croissance augmente considérablement entre 0 et 1 mois, puis diminue jusqu’à 8% entre 1 et 4 mois. Entre 4 et 20 mois, le retard de croissance augmente très rapidement pour atteindre une prévalence de 38%. Au-delà de l’âge de 20 mois, il régresse en dents de scie pour retomber à 7% à 5 ans.

Les variations selon l’âge de la malnutrition aiguë sont de moindre amplitude, avec des niveaux élevés entre 0 et 1 an puis un profil en dents de scie comprenant des pics de prévalence autour de 26 mois et de 50 mois. La courbe de l’insuffisance pondérale apparaît entièrement en dents de scie avec des pics de prévalence autour de 11 mois, 20 à 24 mois, 30 mois et 48 mois.

Graphique 30 : Evolution de la prévalence de l’état nutritionnel avec l’âge (mois) en 2011-2012

Source : EDSC-II 2011-2012.

Plusieurs facteurs influencent le statut nutritionnel de l’enfant, dont : • le département de résidence : les plus fortes prévalences de l’insuffisance pondérale et du retard

de croissance sont enregistrées dans la Lékoumou (respectivement 19% et 39%) et les Plateaux (19% et 36%) ; l’émaciation touche davantage les enfants vivant dans le département de la Bouenza, avec une prévalence deux fois supérieure à la moyenne (12%).

Graphique 31 : Pourcentage d'enfants de moins de 5 ans atteints de malnutrition selon le département (%) en 2011-2012

Source : EDSC-II 2011-2012.

• le niveau d’instruction de la mère : les taux concernant le retard de croissance et l’insuffisance pondérale baissent régulièrement avec l’augmentation du niveau d’instruction de la mère, à partir du niveau primaire. Ceux qui concernent l’émaciation restent quasi stables quel que soit le niveau d’instruction de la mère.

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• Le statut économique de la famille : les niveaux de prévalence du retard de croissance et de l’insuffisance pondérale baissent régulièrement avec l’amélioration du bien-être du ménage. Celle de l’émaciation varie peu selon le niveau de richesse du ménage.

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Graphique 32 : Enfants de moins de 5 ans atteints de malnutrition selon le niveau d’instruction de la mère et le quintile de bien-être économique du ménage (%) en 2011-2012

Source : EDSC-II 2011-2012.

Faible poids la naissance Le statut du poids à la naissance influence la prévalence du retard de croissance, qui est de 29% chez les enfants nés avec un petit poids ou un très petit poids, contre 22% chez ceux nés avec un poids moyen ou gros. Le faible poids à la naissance est fortement influencé par la malnutrition de la mère pendant la grossesse et représente l’une des causes majeures de mortalité et de morbidité dans la petite enfance. En République du Congo, dans l’ensemble, 10% des enfants nés au cours

des cinq années précédant l’EDSC-II avaient un poids inférieur à 2,5 kg à la naissance63, soit un résultat stable par rapport à l’EDSC-I. Le pourcentage d’enfants nés avec un faible poids est plus élevé chez les mères de moins de 20 ans (12%) et diminue avec l’augmentation de l’âge de la mère pour s’établir à 8% chez celles qui ont accouché à l’âge de 35-49 ans. De même, les enfants de premier rang (12%) sont plus touchés que les autres.

Graphique 33 : Naissances vivantes survenues au cours des 5 années précédant l'EDSC-II dont le poids à la naissance est inférieur à 2,5 kg, selon l’âge de la mère à la naissance et le rang de naissance de l’enfant (%) en 2011-2012

Source : EDSC-II 2011-2012.

On ne note pas de différence notable entre les milieux rural et urbain. En revanche, les disparités sont relativement importantes selon deux principaux déterminants :

• le niveau d’instruction de la mère : les naissances de faible poids sont un peu moins fréquentes lorsque la mère a un niveau secondaire 2ème cycle ou plus (9%).

• le département de résidence : les enfants de faible poids à la naissance sont plus nombreux dans la Lékoumou (13%), la Sangha, Pointe-Noire et le Pool (12%) alors qu’ils sont relativement peu nombreux dans la Likouala (7%) ;

Indicateur non disponible dans l’EDSC-I 2005.

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Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité

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Graphique 34 : Naissances vivantes survenues au cours des 5 années avant l'EDSC-II dont le poids à la naissance est inférieur à 2,5 kg, selon le milieu de résidence et le département (%)

Source : EDSC-II 2011-2012.

2.4.3.2. Alimentation du nourrisson et du jeune enfant Allaitement maternel L’EDSC-II indique que la pratique de l’allaitement est très répandue puisque 95% des enfants nés au cours des deux années précédant l’enquête ont été allaités. Les enfants sont moins allaités s’ils vivent en milieu urbain qu’en milieu rural (92% contre 99%), s’ils ont des mères de niveau secondaire 2ème cycle ou plus que des mères de niveau primaire (92% contre 98%), s’ils sont nés avec l’aide de prestataires formés que s’ils sont nés avec l’aide d’une accoucheuse traditionnelle (95% contre 100%) ou selon le lieu de naissance (95% s’ils sont nés dans les établissements de santé et 97% s’ils sont nés à la maison). Les résultats varient aussi selon les départements: la pratique de l’allaitement maternel touche un minimum de 88% des enfants à Pointe-Noire, 95% à Brazzaville et plus de 98% dans tous les autres départements. Allaitement initial Bien que l’allaitement maternel soit une pratique très courante, on constate que seulement 24% des enfants ont été allaités dans l’heure qui a suivi leur naissance et que 70% ont été mis au sein pour la première fois 24 heures après leur naissance. La proportion de nouveau-nés allaités dans l’heure qui a suivi la naissance est légèrement plus élevée en milieu rural qu’en milieu urbain (25% contre 23%). La différence est plus accentuée entre les deux milieux en ce qui concerne la proportion d’enfants mis au sein 24 heures après leur naissance (73% en milieu rural contre 66% en milieu urbain). Selon les départements, la proportion d’enfants mis au sein moins d’une heure après la naissance varie d’un minimum de 5% dans la Sangha à un maximum de 61% dans le Pool. 64

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Il n’y a pas de différence entre le taux d’allaitement maternel précoce chez les mères ayant accouché dans des formations sanitaires et celles ayant accouché à domicile. Ce taux est plus élevé chez les mères assistées à l’accouchement par des accoucheuses traditionnelles que chez les mères qui ont été assistées par un prestataire formé (32% contre 24%). Le niveau d’instruction et celui du bien-être ne semblent pas avoir d’influence sur le taux d’allaitement maternel précoce. Parmi les enfants nés au cours des deux années précédant l’EDSC-II, 75% ont reçu le colostrum64. Le lieu de l’accouchement (à domicile ou dans une formation sanitaire) n’a quasiment pas d’influence. Des disparités existent selon d’autres déterminants dont, par ordre d’importance : • le département de résidence : l’administration du colostrum est la plus répandue dans la Likouala (95%), le Pool (88%) et le Niari (87%) ; elle est en revanche peu répandue dans le Kouilou (43%) et la Cuvette (57%) ; • le niveau de bien-être économique : le taux d’enfants qui reçoivent le colostrum est plus élevé dans les ménages les plus pauvres (79%) que chez les plus riches (68%) ; • le niveau d’éducation de la mère : de même, plus la mère est éduquée, moins l’enfant a la chance de recevoir le colostrum. • le milieu de résidence : le colostrum est un peu plus

Le colostrum est le premier lait, de couleur jaunâtre, qui s’écoule du mamelon après accouchement. Ce lait est recommandé aux nouveau-nés en raison de sa richesse en anticorps qui protègent le bébé contre les infections et de la facilité qu’il confère à libérer le méconium (premières selles).

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souvent donné au nouveau-né en milieu rural (77%) qu’en milieu urbain (73%).

(1%), soit, en plus du lait maternel, ils ne reçoivent que de l’eau, d’autres laits ou d’autres liquides (8 %).

Allaitement maternel exclusif jusqu’à six mois En 2011-2012, seulement un enfant sur cinq (21%) a bénéficié de l’allaitement maternel exclusif jusqu’à l’âge de 6 mois, soit un très léger progrès par rapport à 2005 (19%).

On considère qu’un enfant reçoit une alimentation de complément diversifiée minimale quand il a pris au moins quatre groupes alimentaires distincts la veille de l’enquête. L’EDSC-II ne renseigne pas cet indicateur mais indique qu’en 2011-2012, les enfants qui sont encore allaités sont également moins susceptibles de consommer divers types d'aliments que les enfants qui ne sont pas allaités. Chez les enfants de 6-23 mois, seulement 43% des enfants allaités ont consommé des fruits et légumes riches en vitamine A et 56% de la viande, du poisson ou de la volaille. Parmi les non allaités, ces proportions sont respectivement de 56% et 70%.

En plus du lait maternel et contrairement aux recommandations internationales, 29% des enfants de moins de 6 mois reçoivent déjà des aliments de complément, 34% reçoivent de l’eau et 10% d’autres laits. D’autre part, l’utilisation du biberon, qui n’est pas recommandée car associée à une augmentation des risques de maladies notamment diarrhéiques, a augmenté entre 2005 et 2011-2012, passant de 10% à 13% pour les enfants de 0 à 6 mois et de 5 % à 13 % pour les enfants de 6 à 9 mois65. Alimentation de complément À partir de l’âge de six mois, l’allaitement seul n’est plus suffisant et il est recommandé, pour répondre à des besoins nutritionnels croissants, de donner au jeune enfant des aliments de complément adéquats et riches en nutriments tout en continuant de l’allaiter jusqu’à l’âge de deux ans ou plus. Les résultats de l’EDSC-II 2011-2012 montrent qu’une proportion élevée d’enfants congolais de plus de 6 mois reçoivent des aliments de complément tout en continuant d’être allaités (86% à 6-8 mois et 83% à 9-11 mois). Cependant, à 6-8 mois, 14% des enfants ne sont pas nourris conformément aux recommandations : soit ils ne sont plus allaités (5%), soit ils reçoivent uniquement le sein

Carences en micronutriments Anémie ferriprive Le manque de fer est la forme de carence en micronutriments la plus répandue. Selon l’EDSC, il touche 67% des enfants de 6 à 59 mois en 2011-2012, contre 65% en 2005. En 2011-2012, 32% des enfants sont touchés par l’anémie légère (contre 29% en 2005), 34% par l’anémie modérée (contre 33% en 2005) et 1% par l’anémie sévère (contre 2% en 2005). L’anémie touche un peu plus les filles que les garçons (67% contre 66%) mais, dans sa forme sévère, les garçons sont deux fois plus frappés que les filles. A partir de l’âge d’un an, la prévalence de l’anémie baisse au fur et à mesure que l’enfant grandit, passant de 87% à 9-11 mois à 54% à 48-59 mois.

Graphique 35 : Prévalence de l’anémie chez les enfants de 6-59 mois selon l’âge et le sexe de l’enfant (%) en 2011-2012

Source : EDSC–II 2011-2012.

De façon générale, l’anémie frappe un peu plus les enfants vivant en milieu urbain (68%) que ceux du milieu rural (65%). Au contraire, dans sa forme sévère, elle 65

touche trois fois plus les enfants du milieu rural que ceux du milieu urbain (1,7% contre 0,5%).

Selon l’EDSC-I 2005 et l’ESDC-II 2011-2012. Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité

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Graphique 36 : Prévalence de l’anémie chez les enfants de 6-59 mois par niveau d’hémoglobine, selon le département et le milieu de résidence (%) en 2011-2012

Source : EDSC-II 2011-2012.

C’est dans les départements de Pointe-Noire (75%), du Kouilou (73%) et de la Cuvette-Ouest (72%) que les enfants sont les plus touchés par l’anémie, et dans ceux de la Lékoumou et du Pool qu’ils ne sont le moins (59%). On remarque que le taux d’anémie sévère est particulièrement élevé dans la Cuvette-Ouest (plus de 4%).

Le niveau de bien-être économique influe fortement sur la prévalence de l’anémie chez l’enfant, qui oscille entre 66% et 74% dans tous les quintiles pour tomber à 54% chez les enfants du quintile le plus riche. Le niveau d’éducation de la mère influe peu sur l’anémie chez l’enfant.

Graphique 37 : Prévalence de l’anémie chez les enfants de 6-59 mois selon le niveau d’instruction de la mère et le quintile de bien-être économique du ménage (%) en 2011-2012

Source : EDSC-II 2011-2012.

Concernant l’anémie chez les femmes, l’EDSC II indique que 54% des femmes de 15-49 ans sont touchées dont 43% sous forme légère, 11% sous forme modérée et 0,3% sous forme sévère. La tranche d’âge où le pic de prévalence est observé est celle de 40-49 ans (58%). L’anémie concerne davantage les femmes qui ont plus de trois enfants (56% si 4-5 enfants, 57% si 6 enfants ou plus, contre 52 à 54% pour les femmes qui ont moins d’enfants). La distribution de la carence est de 58% chez les femmes enceintes, 52% chez les femmes allaitantes et 55% chez les autres femmes en âge de procréer. La consommation de tabac favorise l’anémie. En effet, 58% des femmes

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qui fument du tabac sont anémiées, contre 54% des non fumeuses. On trouve aussi plus de femmes anémiées en milieu urbain qu’en milieu rural (56% contre 50%). La dispersion des prévalences va de 44% à 62% selon les départements. Les départements présentant des prévalences au-dessus de la moyenne nationale sont la Cuvette (62%), le Kouilou (61%), la Cuvette-Ouest (58%) et Pointe-Noire (60%). Le niveau de bien-être économique n’a pas d’influence sur la répartition de l’anémie. Il semble en être de même du niveau d’instruction. Mais paradoxalement, les femmes de niveau secondaire deuxième cycle ou plus sont nettement plus touchées par l’anémie par rap-

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port aux femmes de moindre niveau d’instruction. Carences en vitamine A La prévalence actuelle de la carence en vitamine A n’est pas connue, aucune enquête spécifique n’ayant été réalisée depuis 200366. Selon l’EDSC-II 2011-2012, plus des trois quarts des enfants de 6 à 23 mois (77%) avaient consommé des aliments riches en vitamine A au cours des 24 heures précédant l’enquête. La consommation augmente de manière importante avec l’âge, passant de 52% pour les enfants de 6-8 mois à 74% pour ceux de 9-11 mois et à 89 % pour ceux de 18-23 mois. En outre, les enfants non allaités consomment plus souvent des aliments riches en vitamine A que ceux qui sont encore allaités (86% contre 71%). La consommation d’aliments contenant de la vitamine A est plus élevée en milieu rural qu’en milieu urbain (82% contre 74%). A PointeNoire, seulement 67% des enfants ont consommé ce type d’aliments alors que la proportion dépasse 76% partout ailleurs et qu’elle atteint 85% dans la Likouala, 87% dans la Cuvette-Ouest et un maximum de 89% dans le Pool. Par ailleurs, en ce qui concerne la supplémentation en vitamine A, l’EDSC-II montre que parmi tous les enfants de 6-59 mois, 65% avaient reçu, au cours des six mois ayant précédé l’interview, des suppléments de vitamine A. C’est parmi les enfants dont la mère a un niveau secondaire 2e cycle ou plus et parmi ceux des ménages les plus riches que l’on enregistre les taux les plus élevés. Dans le département de la Likouala, seulement 37% des enfants ont bénéficié de ce type de supplément nutritionnel. Concernant la supplémentation en vitamine A chez les femmes, l’EDSC-II 2011-2012 indique que 55% des femmes en postpartum ou ayant accouché ont reçu de la vitamine A. La couverture est quasiment identique en milieu rural et en milieu urbain (56% contre 55%). La dispersion des couvertures en vitamine A va de 34% à 73% selon les départements. Le niveau des couvertures évolue aussi avec le niveau d’instruction des mères et le niveau de bien-être économique des ménages. Troubles dus à la carence en iode (TDCI) On ne dispose pas d’enquête récente concernant les TDCI. Selon l’EDSC-II, dans l’ensemble des ménages enquêtés, 10% ne disposent pas de sel. C’est dans la Cuvette-Ouest (19%), la Likouala (12%) et la Lékoumou (12%) que les proportions de ménages n’ayant pas de sel sont les plus élevées.

Parmi les 90% de ménages dont le sel a été testé, la quasi-totalité avait du sel iodé et cette proportion est supérieure ou égale à 98% quel que soit le milieu ou le département de résidence. 2.4.4. VIH et sida 2.4.4.1. Profil de l’épidémie

Carte 2 : Séroprévalence par département chez les 15-49 ans en 2009

Source : Enquête ESISC-I.

Le Congo est marqué par une épidémie du VIH/SIDA de type généralisé. La prévalence globale dans la population âgée de 15-49 ans est passée de 4,2% en 2003 à de 3,2% en 200967. La carte ci-contre donne la séroprévalence par département dans la population âgée de 15 à 49 ans, d’après l’enquête ESISC-I conduite en 2009. De façon générale, si en 2003 le niveau le plus élevé de la séroprévalence atteignait 9% dans certaines localités, la situation a beaucoup évolué en 2009. En effet, avec les efforts entrepris depuis lors, aucune localité ne dépasse la séroprévalence de 5% en 2009. Tout comme en 2003, les départements les plus touchés sont la Lékoumou (4,8%), Pointe-Noire (4,6%), le Niari (4,4%) et la Sangha (4,0%). Les départements ayant les plus bas taux de séroprévalence sont la Cuvette-Ouest (1,5%), la Cuvette (1,7%), le Pool (1,7%) et la Likouala (1,9%).

Selon l’Enquête nationale sur la prévalence des carences en vitamine A et fer, chez les femmes enceintes, allaitantes et les enfants de 6 mois à 8 ans (UNICEF, 2003), la prévalence brute de la carence en vitamine A était estimée à 54%. Brazzaville (68%) était le département le plus affecté, suivi des Plateaux (57%), de la Lékoumou (52%), la Likouala (49%) et Pointe Noire (44%). 67 Enquête de séroprévalence et sur les indicateurs du sida du Congo, ESISC-I 2009, CNLS, CNSEE et ICF Macro, novembre 2009. 66

Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité

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La séroprévalence est plus élevée chez les femmes que chez les hommes : 4,1% contre 2,1%. En outre, les femmes sont plus touchées en milieu urbain (4,6%) qu’en milieu rural (3,3%). La prévalence augmente rapidement avec l’âge : chez les femmes, d’un minimum de 1,9% à 15-19 ans, le taux dépasse 5% dès 25-29 ans, se maintient au-dessus de ce niveau à pratiquement tous les âges et atteint son maximum à45-49 ans (5,7%). Chez les hommes, à tous les âges jusqu’à 40-44 ans, les taux de prévalence sont plus faibles que ceux des femmes : à 15-19 ans, 0,8 % des hommes sont séropositifs, puis le taux augmente mais beaucoup plus lentement que chez les femmes pour atteindre son maximum à 40-44 ans (5,7 %).

Graphique 38 : Taux de séroprévalence selon l'âge et le sexe au Congo en 2009 (%)

Source : ESISC-I 2009.

L’enquête de sérosurveillance68 réalisée par le ministère de la santé en 2011 révèle un taux de séroprévalence chez les femmes enceintes de 3,6%. Cette enquête révèle également que les départements de Pointe-Noire, du Niari et de Brazzaville ont des taux supérieurs à la moyenne nationale. Selon le rapport 2010 de l’ONUSIDA, le nombre de personnes vivant avec le VIH était estimé à77 000 en 2009, dont 40 000 femmes âgées de plus de 15 ans et 7 900 enfants de moins de 15 ans. Selon le même rapport, on estime à environ 1 630 le nombre des femmes enceintes séropositives. Le nombre de décès attribué au VIH était de l’ordre de 5 10069. La transmission du VIH est essentiellement sexuelle chez les adultes et verticale chez les enfants au regard

des progrès réalisés par le pays en matière de sécurité transfusionnelle. Le taux d’utilisation des préservatifs au cours du dernier rapport sexuel occasionnel est faible. Il est de 29% chez les femmes et 28% chez les hommes. Dans la tranche d’âge de 15-24 ans, ce taux est de 40% chez les hommes et de 26% chez les femmes. Dans la tranche d’âge de 25-29 ans, il est de 41% chez les femmes et de 26% chez les hommes. 2.4.4.2.Riposte nationale au VIH/SIDA La République du Congo a été l’un des premiers pays à reconnaître officiellement l’épidémie de SIDA et à organiser une réponse au plan institutionnel. Les premiers cas de SIDA congolais ont été identifiés en 1984 à partir de malades évacués en France. En 1985, un Comité de diagnostic et de lutte contre le SIDA a été mis en place, remplacé en 1987 par le Programme national de lutte contre le sida (PNLS). Dès sa création, le PNLS a mis en place un plan d’urgence à court terme suivi par deux phases de plans à moyen terme (1989-1991 et 1996-1998). En 1994, le premier centre de traitement ambulatoire (CTA) du SIDA en Afrique a été implanté à Brazzaville. A partir de 1997, les activités de lutte contre le SIDA ont connu un relâchement à la suite des troubles sociopolitiques. Amorcée avec l’implantation d’un deuxième CTA à Pointe-Noire en 1999, la relance effective de la lutte contre le SIDA a eu lieu en 2002 avec l’initiation du processus de planification stratégique. Ce processus a abouti à l’élaboration du premier Cadre stratégique national (CSN) pour la période 2003-2007, assorti d’une réforme du cadre institutionnel de réponse nationale au VIH/SIDA. En vue de garantir la multisectorialité de la réponse à l’épidémie, le Conseil national de lutte contre le sida (CNLS) a été créé et placé sous la haute autorité du président de la République. Pour garantir la décentralisation de la lutte, il a été mis en place dans les ministères et les départements administratifs des unités de lutte contre le sida. En 2008, le Congo a initié le deuxième cadre stratégique national de lutte contre le sida CSN 2009-2013. Ce cadre a pour but de réduire l’incidence de l’infection à VIH au sein de la population et de réduire la morbidité et la mortalité du VIH et du SIDA. Il s’articule autour des axes stratégiques suivants : (i) renforcement des services de prévention de l’infection à VIH et des IST; (ii) renforcement des services de prise en charge médicale et psychosociale des personnes vivant avec le VIH; (iii) réduction de l’impact du SIDA et promotion des droits

Rapport de l’enquête de sérosurveillance sentinelle de l’infection au VIH chez les femmes enceintes en consultation prénatale en République du Congo : 2011 (draft 00), MSP, CNLS, ONUSIDA, OMS-Congo, NLSP, BM. 69 Rapport ONUSIDA 2010. 68

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Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité


humains; (iv) amélioration du système de suivi-évaluation, recherche, surveillance épidémiologique et gestion des informations stratégiques; (v) renforcement de la coordination, du partenariat et de la gouvernance. Pour permettre l’accès universel à la prévention et aux soins, le Congo a décrété en 2007 la gratuité du dépistage, du bilan biologique et du traitement aux ARV. Mais cette mesure salvatrice, qui a considérablement amélioré la survie des personnes infectées, souffre de la non prise en compte des médicaments prescrits pour

soigner les infections opportunistes. 2.4.4.3.Prévention de la transmission mère-enfant Pour réduire l’incidence de la transmission mère-enfant, le Congo a institué, par décret n°2001-190 du 11 avril 2001, le projet de prévention de la transmission du VIH de la mère à l’enfant. A ce jour, les activités de la PTME évoluent encore sous forme de projet malgré les efforts réalisés par le gouvernement pour intégrer le dépistage chez la femme enceinte dans tous les départements.

Carte 3 : Répartition des formations sanitaires offrant le test chez les femmes enceintes par département

Likouala 9 Sangha 4 CuvetteOuest 8

Cuvette 8

Plateaux 7 Niari 5

Kouilou 4 Pointe-noire 21

Lekoumou 6

Pool 9

Bouenza 11

Brazzaville 29

Source : rapport premier semestre SEP/CNLS.

Selon les données du PNLS, au 30 septembre 2012, près de 50% des formations offrant la CPN ont du personnel formé pour proposer le dépistage aux femmes enceintes; parmi ces formations, 55% seulement transmettent les données au niveau central. Dans le cadre de l’offre de test aux femmes enceintes,

les départements de Brazzaville, Pointe-Noire, Niari et Plateaux affichent les plus faibles proportions (inférieures à50%) de femmes enceintes reçues à la CPN qui connaissent leur statut. Les taux les plus élevés sont observés dans la Cuvette-Ouest (84%), le Pool (78%) et la Cuvette (74%).

Graphique 39 : Proportion des femmes enceintes ayant bénéficié de test de dépistage (%)

Source : PNLS.

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Sur les 465 femmes enceintes dépistées séropositives entre janvier et septembre 2012, 169 ont été nouvellement mises sous prophylaxie ARV, soit 36% et 250, au vu des résultats biologiques, ont été mises sous traitement ARV (54%). Le taux de perdues de vue au cours de la même période est d’environ 10%. Dans les structures qui offrent le dépistage et la prise en charge des femmes enceintes séropositives, le taux de transmission mèreenfant du VIH est inférieur à 2%.

Fort de cela, le Congo a validé le plan d’élimination de la transmission mère-enfant couvrant le période 20132017. L’analyse faite au moment de l’élaboration de ce plan a révélé que Brazzaville et Pointe-Noire sont les départements où l’accès des femmes au dépistage dans le cadre de la PTME est le plus faible, suivis du Niari, de la Bouenza et des Plateaux.

Graphique 40 : Distribution des femmes qui n’ont pas fait le dépistage par département en 2010

Source : Plan e-TME.

Ce plan, qui vise à réduire les disparités, est une contribution significative à l’amélioration de la santé de la mère et de l’enfant. Il a pour objectifs de (i) réduire de moins de 50% le nombre de nouvelles infections parmi les jeunes âgés de 15 à 24 ; (ii) couvrir au moins 85% des besoins non couverts en planning familial pour les femmes séropositives ; (iii) réduire à moins de 5% le taux de transmission mère-enfant du VIH ; (iv) accroître à plus de 30% la proportion des femmes enceintes séropositives prenant les ARV pour leur propre santé et (v) porter à 85% la proportion des enfants séropositifs mis sous ARV.

2.4.4.4.Prise en charge pédiatrique Naguère un domaine oublié de la réponse nationale, la prise en charge pédiatrique est considérée depuis 2009 comme une priorité nationale en matière de lutte contre le VIH/SIDA. C’est ainsi que le Congo a soumissionné et obtenu du Fonds mondial une subvention au titre de la série 9 pour le passage à l’échelle de la prise en charge pédiatrique. Le nombre d’enfants séropositifs suivis est passé de 632 en 2008 à 1225 au 30 septembre 2012 comme le montre le graphique ci-dessous.

Graphique 41 : Evolution du nombre d’enfants séropositifs suivis entre 2008 et 2012

Source : rapport premier semestre 2012 SEP/CNLS

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2.4.4.5.Prévention chez les jeunes Selon l’ESISC-I, près d’un quart des femmes et des hommes de 25-49 ans ont eu leurs premiers rapports sexuels avant l’âge de 15 ans. De plus, 77% des femmes et 71% des hommes de 25-49 ans ont eu leurs premiers rapports sexuels avant l’âge de 18 ans. Cette sexualité très précoce nécessite le développement tout aussi précoce des interventions de prévention. En général, les jeunes qui entrent dans la vie sexuelle, en particulier les filles, ne sont pas armés pour se protéger contre le VIH. Selon l’ESISC-I, seulement 8% des jeunes filles ont une connaissance complète du VIH/sida, contre 22% des garçons. C’est dans les départements de la Sangha (0,5%), de la Lékoumou (1%), du Kouilou(1,7%) et de la Likouala (2%) que la proportion de jeunes filles ayant une connaissance complète du VIH/SIDA est la plus faible. De même, la proportion de jeunes hommes qui connaissent un endroit où se procurer des condoms est nettement plus élevée que celle des jeunes femmes (83 % contre 63 %). Pour réduire la propagation du VIH chez les jeunes, le Congo a lancé depuis 2006 un programme de marketing social du préservatif. Ce programme se proposait de mettre en place environ 3 000 points de distribution du préservatif pour couvrir l’ensemble du territoire national. Mais en 2012, il n’existait qu’environ 540 points de distribution, pour la plupart situés dans les grandes agglomérations. Concernant le VIH dans les écoles, le Congo développe deux approches complémentaires : l’approche curriculaire et l’approche extracurriculaire à travers l’éducation par les pairs et l’animation sociale. L’enseignement du VIH est intégré dans les programmes des écoles, collèges et lycées depuis 2008 selon l’approche par compétences. Un didacticiel pour la formation des enseignants a été développé. En dehors de l’école, le Congo bénéficie d’un financement du Fonds mondial pour la prévention du VIH auprès des jeunes les plus à risque. En l’absence d’une stratégie formelle de prévention du VIH chez les jeunes, les interventions s’articulent autour de séances d’éducation dans les maisons de jeunes et des espaces d’éducation. L’approche utilisée combine : des exercices de cartographie des risques, des activités d’éducation par les pairs, des séances de communication sociale, l’orientation vers les services et des kermesses organisées

pendant les vacances pour offrir aux adolescents et aux jeunes un paquet complet de prévention et de prise en charge du VIH. 2.4.4.6.Orphelins et autres enfants vulnérables Le cadre stratégique national (CSN) de lutte contre le VIH/SIDA 2009-2013 s’est fixé, entre autres, pour objectif stratégique d’assurer l’accès aux services sociaux de base à 100% des ménages les plus pauvres affectés par le VIH. Il s’agit de poursuivre les efforts initiés avec le cadre stratégique précédent concernant la prise en charge des orphelins et autres enfants vulnérables (OEV), en conformité avec la politique nationale de prise en charge de l’enfance vulnérable. Faute d’appropriation par le gouvernement et du fait de la faiblesse des stratégies de pérennisation, les interventions de prise en charge des OEV se sont arrêtées depuis la clôture des projets financés par le Fonds mondial (PADEP) et la Banque mondiale (PLVSS). Néanmoins, les enfants vulnérables du fait du sida bénéficient d’un soutien psychologique proposé dans des espaces créés par 4 associations, dont 3 à Brazzaville, avec l’appui du SEP/CNLS, de Sidaction et de la Croix-Rouge française. De plus, les initiatives de gratuité initiées par le gouvernement profitent à l’ensemble des enfants indistinctement, y compris ceux affectés par le sida. 2.4.4.7.Connaissances, attitudes et pratiques Les données collectées par une récente étude CAP (connaissances-attitudes-pratiques) ont permis de documenter les aspects relatifs aux connaissances des modes de prévention et de transmission de l’infection à VIH, aux attitudes et pratiques sexuelles des communautés des zones sondées face au VIH et au SIDA70. Les résultats montrent que 93% des femmes contre 96% d’hommes ont entendu parler du SIDA. Seulement 35% des hommes et 25% des femmes ont une connaissance complète sur la transmission du VIH71 et 6 enquêtés sur 10 ne connaissent pas la transmission mère enfant. Par ailleurs, l’étude a fait ressortir que : • seulement un quart des jeunes de 15 à 24 ans sont informés sur les services de santé de la reproduction ; • la moitié des enquêtés ne connaissent pas de centre de dépistage du VIH ; • les deux-tiers des enquêtés ne savent rien des ARV et seulement un sur quatre sait que les ARV permettent aux PVVIH de ne pas passer à la phase malade.

Enquête sur les connaissances, attitudes et pratiques des communautés des 15 localités de sept départements du Congo, CNLS/PNUD/ ONUSIDA, 2012. 71 C’est-à-dire que ceux qui connaissent les trois modes de transmission sexuelle du VIH, rejettent les deux idées erronées les plus fréquentes sur la transmission du VIH (la transmission du VIH par la piqure de moustiques et par les moyens surnaturels) et savent qu’une personne apparaissant en bonne santé peut être infectée par le VIH. 70

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L’étude montre par ailleurs que les attitudes vis-à-vis des personnes vivant avec le VIH restent négatives et que les comportements favorables à la prévention sont peu répandus : • 10% des hommes et 9% des femmes ont une attitude favorable face aux PVVIH ; • 27% des hommes et 21% des femmes discutent du VIH dans leur couple ; • 33% des hommes et 40% des femmes ont fait un test de dépistage ; • 56% des hommes enquêtés contre 46% des femmes peuvent exiger à leur conjoint le port du préservatif ; • peu d’hommes ont été touchés par les actions de lutte contre le VIH et le SIDA (27%contre49% de femmes) ; • 86% des enquêtés sont favorables au test de dépistage avant le mariage ; • 11% des femmes enquêtées sont en union polygamique et 13% savent que leur mari a une maîtresse ; • 21% des couples ont effectué un test de dépistage. De même, au sein des populations, les comportements à risque, notamment en matière de sexualité et de nuptialité, restent dominants. Ainsi, la dernière étude CAP a établi que : • près d’une fille de 10-14 sur cinq a déjà eu ses premiers rapports sexuels ; • plus du tiers des enquêtés de 14-19 ont connu leurs premiers rapports avant l’âge de 15 ans et 87% des jeunes de 20-25 ans avant 18 ans ; • près de la moitié des hommes ont des comportements sexuels à risque et seulement un quart d’entre eux utilisent le préservatif ;

2.4.4.8.Défis en matière de VIH Plusieurs questions restent à résoudre pour répondre efficacement à l’épidémie de VIH/sida dont : 1. L’insuffisance des interventions de prévention primaires pour réduire significativement la survenue de nouvelles infections. Cette faiblesse est essentiellement le fait de : a) ruptures fréquentes en intrants : la non maitrise des cibles et de la chaîne d’approvisionnement occa sionne régulièrement des ruptures en intrants pour la prévention (tests, condoms) ; b) l’insuffisance des ressources humaines formées : en dehors de Brazzaville et de Pointe-Noire, le reste du pays ne dispose toujours pas des ressources humaines nécessaires pour offrir un service de qualité aux usagées. Là où les ressources humaines sont disponibles, les performances sont limitées par la faible motivation du personnel ; c) l’accessibilité limitée des services du fait de la lenteur du passage à l’échelle des services VIH : même dans les grandes villes, les populations sont obligées de faire de longues distances pour accéder aux services. Quand ils en sont proches, le non-respect du principe de confidentialité par le personnel soignant et la discrimination ou la stigmatisation dont sont souvent l’objet les personnes vivant avec le VIH constituent des barrières importantes;

• 36% des femmes déclarent avoir été victimes d’abus sexuel, les départements les plus touchés étant la Likouala et la Lékoumou ;

d) la faible utilisation des services existants du fait de l’absence de stratégies de communications adaptées au contexte et de la faible implication des communautés.

• les pratiques traditionnelles à risque sont toujours très répandues : mariage précoce, lévirat et sororat, recours aux accoucheuses traditionnelles, scarification, danse d’initiation des jeunes à la vie sexuelle (Elanda).

2. L’insuffisance des interventions de prise en charge des personnes vivant avec le VIH essentiellement due aux ruptures fréquentes en médicaments, à l’insuffisance du personnel formé à la prise en charge des personnes vivant avec le VIH, à la faible intégration de la prise en

72

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Une autre enquête CAP sur le VIH/SIDA menée en 2007 auprès de populations autochtones72 avait souligné que leur connaissance des IST et du VIH/SIDA était très diffuse, ayant principalement pour source les informations radiodiffusées. Près de la moitié des adolescents n’avaient pas entendu parler des IST ni du VIH/SIDA et la grande majorité d’entre eux ignoraient tout de la transmission de la mère à l’enfant. De plus, l’usage du préservatif était faiblement déclaré et la fidélité était le moyen le plus connu par les communautés autochtones pour se protéger.

Enquête CAP sur les connaissances, attitudes et pratiques des peuples autochtones en matière de prévention du VIH/sida et de leur accès aux services sociaux de base, MASSAHF/UNICEF, 2007.

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charge du VIH dans le système de santé (le VIH étant considéré comme une intervention parallèle), la faible implication des communautés et des organisations de la société civile. 3. La faiblesse des politiques et de la législation en vigueur : la prise en charge des personnes vivant avec le VIH se fait par paliers, en fonction du niveau des formations sanitaires dans la pyramide sanitaire. Les textes en vigueur, notamment les guides de normes et standards, ne reconnaissent qu’aux médecins le droit de dispenser des ARV. Or le nombre limité de médecins oblige les malades à parcourir de longues distances pour se faire traiter ou à attendre longtemps pour être reçus. Certains patients sont parfois obligés de rester longtemps sans médicaments, avec toutes les conséquences que cela peut engendrer en termes de développement des résistances. 4. La faiblesse dans la coordination : l’organe de coordination de la lutte contre le VIH au Congo est le Conseil national de lutte contre le sida. Le décret qui porte création de ce conseil lui impose de tenir une assemblée annuelle et fixe à son comité de pilotage l’obligation de se réunir une fois par trimestre. Mais cette périodicité n’est pas respectée. En outre, le décret stipule que le Conseil national de lutte contre le sida doit produire un rapport annuel et le transmettre au Parlement (article 18). Or, ce mécanisme mis en place pour encourager le débat et la prise de décision concernant le renforcement de la lutte contre n’est pas opérationnalisé. 5. La faiblesse de la coordination du partenariat : de nombreux partenaires aussi bien nationaux qu’internationaux interviennent dans le domaine du VIH/sida. Mais l’absence d’un cadre formel de partenariat ne permet pas la coordination des activités. 2.4.5. Droit à l’eau, à l’assainissement et à l’hygiène En tant que signataire de la déclaration du Millénaire (OMD 7), le Congo s’est fixé les deux cibles suivantes : • Cible nationale n°1 : le pourcentage de la population rurale qui n’a pas accès à un approvisionnement en eau potable est réduit de 67% en 2005 à 25% en 2015 ; • Cible nationale n°2 : le pourcentage de la population rurale qui n’a pas accès à des services d’assainissement de base améliorés est réduit de 96% en 2005 à 70% en 2015. 73 74

A l’heure actuelle, ces cibles semblent hors de portée, alors que les maladies liées à la pollution de l’environnement et à la mauvaise qualité de l’eau de boisson continuent de représenter l’une des principales causes de morbidité et de mortalité de l’enfant. 2.4.5.1.Accès à l’eau potable La population accède encore trop difficilement à l’eau potable, malgré l’abondance des ressources en eau dont dispose le pays73. Au cours des dernières années, d’importants investissements publics ont été réalisés dans la production et le stockage de l’eau en zone urbaine. Toutefois, le réseau de la Société nationale de distribution d’eau (SNDE) est faiblement étendu et vétuste, occasionnant des taux élevés de perte technique. La réhabilitation et l’extension du réseau sont les défis majeurs pour améliorer le taux d’accès à l’eau potable en zone urbaine. En zone rurale, trop peu d’efforts ont été consentis jusqu’ici pour doter les communes en systèmes d’adduction d’eau potable, et les villages en sources, forages et puits d’eau aménagés. Selon l’EDSC-II 2011-2012, plus des trois quarts de la population (76%) s’approvisionnent en eau de boisson à des sources d’eau améliorées74, principalement des robinets publics/fontaines (27%) et des robinets dans la cour/ concession (22%) Cette proportion a augmenté depuis 2005 où, selon l’EDSC-I, seulement 65% de la population s’approvisionnait à des sources d’eau améliorées. En 2011-2012, de fortes disparités en matière d’accès à de l’eau provenant de sources d’eau améliorées apparaissent selon le milieu de résidence : en milieu urbain, la quasi-totalité des ménages ont accès à des sources d’eau améliorées (96%), contre seulement 41% en milieu rural. Dans ce milieu, 22% des ménages consomment encore de l’eau de surface alors que cette pratique a disparu du milieu urbain. De même, la corvée d’eau pèse beaucoup plus sur les jeunes filles du milieu rural : la moitié des ménages doivent en effet aller chercher l’eau à plus de 30 minutes de chez eux (contre 27% en milieu urbain). Le premier projet d’hydraulique rurale au Congo remonte à 1984, avec la construction de 89 citernes/impluviums dans le département des Plateaux et de 134 forages équipés de PMH dans le département du Niari. Aujourd’hui, au regard des projets exécutés dans le cadre d’un partenariat diversifié, les infrastructures se sont développées mais restent largement insuffisantes, d’autant que le taux de panne est élevé.

Plan national de développement 2012-2016, République du Congo. L’eau est considérée comme salubre lorsqu’elle provient d’une source d’approvisionnement améliorée telle que : (i) les robinets installés à l’intérieur ou à l’extérieur du logement ;(ii) les bornes fontaines ou robinets publics ; (iii) les puits/forages équipés de pompes ; (iv) les puits couverts ou protégés ; (v) l’eau en bouteille. Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité

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Selon une récente étude75, le nombre total de points d’eau (ePEM) dans les 10 départements ruraux76 du Congo s’établit à 1 498 dont 25% sont en panne. Quelque 55% des ePEM sont concentrés dans les départements du Pool, des Plateaux et de la Bouenza alors que les départements de la Lékoumou, la Likouala, la CuvetteOuest et la Sangha en comptent 14%. Les départements du Kouilou, de la Cuvette et du Niari représentent entre

9% et 11% des ePEM. Le taux de panne le plus élevé se rencontre dans la Lékoumou (40%) et le plus faible dans la Likouala (9%). Selon la même étude, le taux d’accès direct77 à l’eau des populations rurales se limite à 26% en moyenne dans ces dix départements ruraux, avec de grandes disparités d’un département à l’autre. Le Kouilou affiche le taux le plus élevé (44%) et la Sangha le taux le plus bas (3%).

Tableau 11 : Taux d’accès direct à l’eau par département rural au 31 décembre 2012 (%) Département

Taux d’accès direct

Kouilou

44%

Niari

23%

Lékoumou

22%

Bouenza

22%

Pool

36%

Plateaux

27%

Cuvette

37%

Cuvette-Ouest

13%

Sangha

3%

Likouala

13%

Source : Alimentation en eau potable en milieu rural/Inventaire et cartographie des points d’eau/Situation de référence en matière d’accès à l’eau au 31/12/2012.

2.4.5.2. Accès à l’assainissement L’assainissement en milieu rural et périurbain est très largement insuffisant. L’EDSC-II 2011-2012 montre que seulement 11% des ménages congolais utilisent des toilettes améliorées (non partagées). L’utilisation de ce type de toilettes est trois fois plus élevée en milieu urbain (15%) qu’en milieu rural (5%). En outre, dans 30% des cas, les ménages utilisent des toilettes qui seraient considérées comme améliorées si elles n’étaient pas partagées. Cette proportion varie de 44% en milieu urbain à 8% en milieu rural.

Ainsi, en 2011-2012, la plupart des latrines réalisées sont encore de type traditionnel. De plus, une grande proportion des ménages ruraux (21%) défèquent à l’air libre, contribuant à accroître les risques de contamination et de pollution de l’environnement, alors que cette pratique a presque disparu du milieu urbain (1%). En moyenne, la proportion de ménages ne disposant d’aucun type de toilettes est restée quasiment stable entre 2005 et 2011-2012, passant de 10% à 9%.

Alimentation en eau potable en milieu rural/Inventaire et cartographie des points d’eau/Situation de référence en matière d’accès à l’eau au 31/12/2012, ministère de l’économie, des finances, du plan, du portefeuille public et de l’intégration, ministère de l’énergie et de l’hydraulique, août 2013. 76 Kouilou, Niari, Lékoumou, Bouenza, Pool, Plateaux, Cuvette, Cuvette-Ouest, Sangha, Likouala. 77 Rapport en % entre la population desservie et la population totale de la zone considérée (district, département et pays). Cet indicateur prend en compte dans son calcul uniquement les ouvrages fonctionnels. 75

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Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité


Graphique 42 : Utilisation d’installations sanitaires améliorées (non partagées) par les ménages et populations par milieu de résidence (%)

Source : EDSC-II 2011-2012.

2.4.5.3. Hygiène La forte prévalence des diarrhées et la récurrence des épidémies depuis 2008, notamment de choléra, témoignent des problèmes pressants de salubrité et de santé publique et appellent une réhabilitation et un redéploiement urgents des services de voirie et d’hygiène publique. Depuis 2005, les conditions de salubrité se sont dégradées et interpellent les autorités compétentes. L’évacuation des ordures ménagères constitue un véritable défi pour les ménages et les pouvoirs publics locaux. Les structures appropriées de traitement des déchets solides et liquides font cruellement défaut. Le pourcentage des bacs de voirie publique a baissé de 6% à 2%. Parallèlement, le pourcentage des ménages évacuant les ordures dans l’espace public ou la nature a

augmenté de 6 points, de 54% des ménages en 2005 à 60% en 2011. Concernant l’évacuation des eaux usées, seulement 11% des ménages utilisent un système approprié (réseaux d’égouts et de caniveaux). Un grand pourcentage de ménages évacue les eaux usées dans la nature, dans la cour ou dans la rue78. En matière de lavage des mains selon l’EDSC-II 20112012, dans la quasi-totalité des cas (82 %), les membres des ménages ont déclaré qu’ils trempaient les mains dans un seau ou une bassine et qu’ils utilisaient du savon ou un détergent. Cette proportion est élevée quel que soit le milieu ou le département de résidence et le niveau de bien-être économique du ménage. Seulement 2,5% des ménages utilisent l’eau du robinet et du savon/ détergent (4% en milieu urbain) pour se laver les mains.

Graphique 43 : Répartition des ménages selon le mode de lavage des mains (%) en 2011-2012

Source : EDSC-II 2011-2012. 78

Plan national de développement 2012-2016, République du Congo. Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité

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2.4.6.Présentation synthétique des principales disparités en matière de droit à la survie La pauvreté est un facteur important qui détermine l’ampleur des privations dans le domaine de la survie. Les femmes pauvres ont moins de chances que les riches de se faire assister par du personnel formé lors de leurs

accouchements. De même, alors que le paludisme est la principale maladie tueuse des enfants, l’accès au traitement est fortement corrélé au niveau de vie du ménage. La même observation vaut pour l’accès à un traitement de réhydratation orale pour les enfants souffrant de la diarrhée.

Graphique 44 : Taux de couverture d’une sélection d’interventions parmi les ménages les plus riches et les plus pauvres (%) en 2011-2012

Source : EDSC-II 2011-2012.

Toutefois, la pauvreté n’est pas le seul critère qui détermine l’ampleur des disparités. Les données de l’EDSC ont mis en évidence le poids important du lieu de résidence en tant que déterminant des privations subies par les enfants et les femmes. Le tableau ci-dessous fournit une classification des départements afin d’identifier ceux qui pourraient constituer des zones prioritaires d’action pour la mise en œuvre des politiques gouvernementales et les interventions des partenaires de la coopération internationale. Au vu du croisement des 26 indicateurs considérés, il apparaît que les départements les plus défavorisés en termes de privations et d’utilisation des services de base sont les Plateaux, la Lékoumou, la Cuvette-Ouest et la Sangha.

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Même si elles présentent de meilleurs scores que la moyenne, Brazzaville et Pointe-Noire, qui sont les 2 départements les plus peuplés du pays avec plus de 56% de la population totale, méritent une attention particulière. Certains indices, comme les forts taux de mortalité néonatale et l’existence de disparités évidentes et très fortes entre quartiers riches et défavorisés, incitent à penser que ces villes devraient elles aussi être considérés comme prioritaires. Ainsi, pour mieux cibler les interventions en milieu urbain, un effort de documentation sur la qualité des services d’obstétrique et d’urgence néonatale ainsi que sur les inégalités interurbaines d’accès aux services de base devrait être consenti en priorité.

Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité


2. % Enfants de 12-24 mois complètement vaccinés Score par département 3 . % Enfants supplémentés en vitamine A Score par département 4. % Enfants déparasités avec Mebendazole Score par département 5. Taux de malnutrition chronique globale Score par département 6. % des naissances vivantes dont le poids à la naissance est inférieur à 2,5 kg Score par département 7. Prévalence de l’anémie chez les enfants de 6-59 mois Score par département

71

94

94

104

118

84

79

67

6

2

7

11

3

8

9

10

12

5

4

1

39

63

49

42

60

14

43

26

32

33

38

60

7

1

4

6

2

12

5

11

10

9

8

3

72

76.2

78.2

59.7

78.7

43.5

59.8

60.2

Cuvette

Pool

Bouenza

Sangha

107

CuvetteOuest

95

Plateaux

70

Lékoumou

92

Niari

Pointe-Noire

Score par département

Brazzaville

1. Mortalité infanto-juvénile79

Kouilou

Département

Likouala

Tableau 12 : Classification des départements selon 26 indicateurs de performance fournis par l’EDSC-II 2011-2012

64.6 37.2 6

12

63.7 70.6

4

3

2

10

1

11

9

8

81.5

76.3

74.2

67

73.6

63

73.5

68.9

2

5

6

10

7

12

8

9

32.5

26.9

38.6

22.8

28.5

36.1

24.0

29.2

9

5

12

3

6

11

4

8

10

7

10.1

8.4

13.3

9.9

11.8

10.3

7.7

10.3

12.1

7.4

6

3

12

5

9

8

2

7

10

1

4

11

73

63.5

58.8

67.8

59.4

63.7

68.3

72

0.6 69.5

61.3

75

4

1

77.9 66.4 4

11

35.4 28.9

1

3

18.9 22.7 1

2

8.7 12.0

2

5

1

7

2

6

8

10

99.7

100

99.9

99.2

99.4

99.7

98.6

6

5

1

2

8

7

4

10

9

12

3

11

9. Durée médiane d’allaitement maternel exclusif jusqu’à 6 mois

0.4

0.5

0.6

0.4

0.7

0.5

1.6

0.7

0.6

1.8

0.7

0.4

Score par département

10

9

6

12

4

8

2

3

7

1

5

11

41.3

36

41.3

27.3

51.4

47

41.2

48.2

43.3

47

8

11

7

12

2

10

9

3

6

4

43.7

26.6

30.8

11

15.9

7.1

16.9

21.2

28.1

8.6

1

5

3

10

9

12

8

7

4

11

28.8

15.9

24.2

17.7

41.3

36.5

27.4

28.7

7

12

10

11

4

6

9

8

13.3

17.4

7.6

17.5

30.6

15

23.8

26.7

11

9

12

8

4

10

6

5

2

3

1

7

27.4

64

33

57

47

25

50

38

36

48

98

97

11

3

10

4

7

12

5

8

9

6

1

2

42.3

39.8

14.8

47.6

37.5

29.1

30

27.5

4

7

12

3

8

10

9

11

5

6

2

1

3.9

4.4

4.8

3.9

1.7

3.2

1.7

1.5

4

1.9

2.4

4.6

8

10

12

7

2

6

3

1

9

4

5

11

Score par département

10. % pour lesquels un traitement a été recherché auprès d’un établissement/ prestataire des soins pour fièvre Score par département 11. Pourcentage d’enfants ayant eu la fièvre ayant reçu des antipaludéens Score par département 12. % pour lesquels un traitement a été recherche auprès d’un établissement/ prestataire des soins pour diarrhée Score par département 13. % d’enfants ayant eu la diarrhée ayant reçu SRO Score par département 14. Pourcentage de ménages ayant accès à l’eau potable Score par département 15 Pourcentage de ménages ayant accès aux latrines hygiéniques Score par département 16. Séroprévalence VIH chez la femme enceinte Score par département 79

9

5

99.5

8. Pourcentagedeménagesdisposantdeseliodé

3

7

83.2 79.3

98.7 96.5

47.7 45.4 1

2

31 30.7

42.1 40.7

99.8 98.4

46.8 56.3 5

1

33.5 25.8 2

6

40.2 41.5 5

3

41 23.1

63.9 65.3

NB : Le calcul des données nationales et des données par département n’ayant pas respecté la même approche méthodologique dans l’EDSC-II, il n’y a pas d’alignement possible entre les deux types de données : la moyenne des données par département n’est pas égale à la moyenne nationale (voir le paragraphe sur la mortalité de l’enfant). Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité

89


Pointe-Noire

Brazzaville

Likouala

CuvetteOuest

Cuvette

23,7

30,5

14,3

10,7

34,7

16,5

8

7

6

4

10

12

2

9

3

11

5

1

18. Proportion des jeunes femmes qui connaissent les moyens de se protéger contre le VIH

34

88

57

65

54

40

73

65

14

50

57

59

Score par département

11

1

6

3

8

10

2

4

12

9

7

5

19. Taux de soins prénatals chez les femmes par un personnel formé

84

89

80.2

80.7

95.3

86.7

94.4

92.3

Score par département

10

7

12

11

3

8

4

5

9

6

2

1

20.Supplémentation en fer des femmes enceintes

75

78

73

68

83

72

81

72

72

76

94

88

7

5

8

12

10

11

4

9

10

6

1

2

85.3

84.6

77.4

87.1

94.9

86.9

91.4

87.1

9

10

12

7

3

8

4

6

11

5

41.5

13.9

19.2

28

67

24.2

28.2

46.9

15.1

27

3

12

9

5

1

8

4

2

11

6

23. Taux d’utilisation de la contraception moderne des femmes en union de 15-49 ans

9.7

18.5

23.6

13.7

16.1

9.4

10.7

5.5

Score par département

11

4

2

7

5

10

9

12

6

8

3

1

24. % de la population par département selon l’utilisation d’un service de santé

19

28

31

26

30

20

30

24

17

31

21

23

Score par département

11

5

2

6

4

10

3

7

12

1

9

8

54.7

32.6

60

30.2

55.8

68.1

43.8

65.7

37.9 63.2

0

0

7

4

9

3

8

12

6

11

2

1

71.6

72.7

57.5

68.4

63, 1

59.8

73.7

60.3

6

5

12

7

9

11

4

10

8

3

1

2

185

155

195

186

139

249

142

194

194

168

96

112

6

8

2

5

9

1

10

3

4

7

12

11

Score par département 21. Accouchements assistés par un personnel forme Score par département 22. % de femmes bénéficiaires de consultation postnatale 2 jours après l’accouchement Score par département

25. Quintile de bien-être économique: % de ménages les plus pauvres par département Score par département 26. Taux d’alphabétisation des femmes gardiennes d’enfants Score par département Cotation Classement

De même, la condition de la femme est un élément crucial, et notamment son accès à l’éducation. Dans de nombreux domaines de la survie, l’accès des femmes à un niveau d’éducation élevé (secondaire deuxième cycle, soit le lycée), a été identifié comme le principal facteur

Sangha

22,5

Score par département

90

Plateaux

21,0

17. Proportion des femmes enceintes n’ayant pas accès au dépistage VIH

Pool

Niari

Bouenza

Lékoumou

Kouilou

Département

32,6 12,9

84 89.3

81.4 88.5

15.3 12.9

5

10

66.9 74.9

24,3 43,4

95.7 97.9

99.4 97.9 1

2

25.4 18.3 7

10

22.4 27.1

94.1 91.7

d’amélioration des chances de survie et de bonne santé de l’enfant. Le tableau ci-dessus montre que les départements où les privations subies par les enfants et les femmes sont les plus graves sont aussi ceux où le niveau d’alphabétisation des femmes est le plus bas.

Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité


Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité

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2.5. PRINCIPAL PROBLEME : DES NIVEAUX ENCORE TROP ELEVES DE MORTALITE MATERNELLE ET INFANTO-JUVENILE Malgré le recul considérable de la mortalité maternelle et infanto-juvénile indiqué par la dernière enquête nationale, le Congo présente encore des niveaux de mortalité très élevés. Ainsi, si rien n’est fait dans les deux prochaines années pour améliorer les taux de couverture des services de base et interventions clés en matière de survie de la mère et de l’enfant, le Congo a peu de chances d’atteindre les cibles fixées dans le cadre des OMD. Analyse causale Les niveaux importants de mortalité de la mère et de l’enfant malgré les performances satisfaisantes de certains indicateurs comme la CPN (93%) ou l’accouchement assisté (94%)requièrent une analyse approfondie

des causes immédiates, sous-jacentes et structurelles de ces hauts niveaux de mortalité. Causes immédiates • Les principales causes immédiates de la mortalité des enfants de moins de cinq ans sont les causes néonatales (27%), le paludisme (24%), la pneumonie (14%), la diarrhée (14%) et le VIH/sida (5%). Les traumatismes seraient responsables de 1% des décès d’enfants de moins de 5 ans80. La malnutrition est retrouvée comme cause de mortalité dans un tiers des cas.

Graphique 45 : Répartition des causes de mortalité chez les enfants de moins de 5 ans

Source : PNDS 2014-2018 (draft d’août 2013).

• Les principales causes immédiates de la mortalité maternelle sont les complications durant la grossesse, au cours de l’accouchement ou durant le postpartum : l’hémorragie (50%) avec prédominance des hémorragies du post-partum (32%), l’éclampsie (22%), les infections (16%), l’embolie amniotique (3%), les complications anesthésiques (6%). Les causes indirectes (avortement, paludisme, VIH/ sida, anémie, etc.) sont responsables d’un nombre important des décès maternels81. 80 81

Causes sous-jacentes Les causes sous-jacentes des hauts niveaux de mortalité des jeunes enfants et des mères sont liées entre autres, à des insuffisances de l’offre de services, de la demande, de l’accessibilité et de l’utilisation continue (qualité) des services.

Plan national de développement sanitaire 2014-2018 (draft 00), Ministère de la Santé et de la Population, août 2013. Plan national de développement sanitaire 2014-2018 (draft 00), Ministère de la Santé et de la Population, août 2013. Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité

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Causes sous-jacentes au niveau de l’offre de services Insuffisance des ressources humaines en quantité et en qualité En 2006, les ratios moyens personnel de santé/population montraient que, dans l’ensemble, il y a moins d’un agent de santé pour 1000 habitants. Le pays disposait globalement de 10 899 agents de santé toutes catégories confondues, répartis entre le secteur public (74%) et le secteur privé (26%). On dénombrait

au total 2 849 agents de santé travaillant exclusivement dans le secteur privé de la santé, dont 1 766 hommes (62%) et 1 083 femmes (39%). Les ratios présentés ci-dessous cachent d’énormes disparités entre les départements, notamment entre les zones rurales et les zones urbaines. Les villes de Brazzaville, Pointe-Noire, Dolisie et Nkayi disposaient à elles seules de 4345 agents de santé soit 63% du total, en 2006. A l’inverse, les départements les plus pauvrement dotés en personnel de santé sont la Cuvette-Ouest, la Sangha, la Likouala et la Lékoumou.

Tableau 13: Personnel de santé par qualification professionnelle en 200682 Catégorie Infirmier Sage-femme Pharmacien Médecin Technicien labo

Effectif 1 906 629 111 782 516

Ratio

Ratio pour 1000 hab.

1 917,36 5 810,01 32 923,37 4 673,27 7 082,35

0,52 0,17 0,03 0,21 0,14

Source : Ministère de la santé et de la population.

Les conditions de vie difficiles en zone rurale, le manque de motivation du personnel et le rapprochement des conjoints seraient à l’origine de cette fixation du personnel de santé dans les zones urbaines. Le déficit en personnel dans plusieurs départements ruraux a engendré la fermeture de centaines de formations sanitaires dans les années 200083, accentuant les problèmes d’inaccessibilité des services de santé. Les départements les plus touchés par les fermetures ont été la Likouala, les Plateaux, la Sangha et la Cuvette. En 2011, un nouveau recensement permettait de dénombrer 14 227 agents de santé du secteur public. Plus de la moitié (53%) avaient le statut de fonctionnaire et les deux tiers (66%) étaient concentrés dans les départements de Brazzaville et de Pointe-Noire. Par ailleurs, sur 200 médecins spécialistes recensés, Brazzaville et Pointe Noire en comptaient 186 (93%). Les autres travaillaient dans le Niari (5), les Plateaux (4), la Lékoumou (2), la Likouala (2) et le Pool (1). Les spécialistes les plus représentés sont les gynéco-obstétriciens (19%), les pédiatres (16%) et les chirurgiens (10%). En 2011, le ratio médecin/population au Congo était de 1 médecin pour 7 070 habitants, soit au-delà de la norme de l’OMS qui établit au moins 1 médecin pour 10 000 habitants.

Les principaux défis concernant les ressources humaines de la santé sont : • la faiblesse du cadre institutionnel et juridique : plusieurs structures sont impliquées dans cette problématique mais il n’y a pas de concertation entre elles. une série de documents fondamentaux (décrets, lois…) ne sont pas disponibles, n’ont pas de textes d’application ou sont devenus caduques ; • la faiblesse en quantité et en qualité du personnel ainsi que sa répartition inéquitable sur le territoire national ; • la forte mobilité du personnel formé ; • la faible motivation du personnel ; • l’absence de plan de développement des ressources humaines et autres instruments permettant la gestion et le suivi des carrières ; • l’absence de formation systématique des cadres affectés à la gestion des départements et districts sanitaires en santé publique et/ou soins de santé primaires ; • l’inadaptation de certains curricula vis-à-vis des dernières avancées recommandées au niveau international, notamment dans le domaine de la nutrition.

Selon le CNSEE, la population congolaise était estimée à 3654494 habitants en 2006. MSP-DEP, Carte sanitaire du Congo, 2006.

82 83

94

Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité


Inadéquation et faible fonctionnalité de l’offre des structures sanitaires Le constat concerne les structures publiques et privées. Structures publiques Les centres de santé intégrés (CSI) représentent le premier maillon du système de santé, en tant que formations sanitaires de premier recours pour la communauté, à qui ils fournissent des soins de santé primaires. Selon le PNDS 2007-2011, 226 CSI devraient couvrir les populations des 12 départements du pays et 80% de ces CSI auraient dû être rationnalisés avant 2011. Un CSI est considéré comme rationnalisé, lorsque : a) il est localisé dans une aire de santé respectant la masse critique

d’habitants prévue ; b) les locaux sont réhabilités ; c) une équipe de santé d’au moins 3 personnes est formée en soins de santé de base (PMA) ; d) le comité de santé (COSA) est mis en place et ses membres sont formés ; e) les supports/outils de gestion sont mis en place ; f) les médicaments essentiels et génériques (MEG) sont disponibles ; g) le CSI reçoit régulièrement des missions de supervision du district sanitaire. Toutefois, malgré les efforts réalisés dans certains départements comme Pointe-Noire et Brazzaville, seulement 37% des CSI ont été rationnalisés et sont donc opérationnels selon les normes et standards de qualité établis84. Ainsi, la couverture en soins de santé de base (PMA) est loin d’être garantie partout.

Graphique 46 : Offre de soins curatifs dans les CSI et mise en œuvre des stratégies de prise en charge Prise en charge les affections de santé mentale Traitement co-infection TBC/VIH/SIDA Prise en charge de la drépanocytose Prise en charge des affections bucco-dentaires Traitement TBC (DOTS) Traitement des infections opportunistes Prise en charge des malnutris sévères Prise en charge des diabétiques Prise en charge des malades avec HTA Disponibilité ordinogramme Prise en charge des IST Application de la PCIME Prise en charge du paludisme simple 0

10

20

30

40

50

60

70

80

90

100

Pourcent CSI

Source : Evaluation du PNDS 2007-2011

En ce qui concerne la PCIME, les trois quarts des CSI l’appliquent selon l’évaluation du PNDS réalisée en 2011. Selon une source plus récente85, la PCIME n’est appliquée que dans les deux tiers des CSI et les disparités sont importantes entre les départements : 86% à Brazzaville, 80% à Pointe-Noire, 66% dans le Niari, 59% dans la Lékoumou, 5% dans le Kouilou, 86% dans le Pool, 73% dans les Plateaux et la Likouala, 82% dans la CuvetteOuest et 36% dans la Cuvette86. En ce qui concerne la stratégie de prise en charge des malnutritions sévères, elle est appliquée par moins d’un quart des CSI87. Quant au contenu de la CPN, il varie d’un CSI à l’autre et présente des lacunes, en particulier en ce qui concerne la PTME. Ainsi, seulement la moitié des CSI propose

le dépistage du VIH aux femmes enceintes et le quart d’entre eux offre des ARV aux femmes enceintes séropositives. L’offre de counseling est également faible.

Tableau 14 : Taux de réalisation des activités de la CPN ACTIVITES DE LA CPN Prise de la TA Mesure de la taille Pesée des femmes Offre du TPI Offre de counseling Dépistage du VIH, Offre des ARV pour la PTME Supplémentation en fer

CSI (%) 96 89 99 92 68 51 26 95

Source : Evaluation du PNDS 2007-2011.

Evaluation du PNDS 2007-2011, ministère de la santé et de la population, rapport d’analyse provisoire, juillet 2012. Rapport d’évaluation de la mise en œuvre de la PCIME clinique au Congo, ministère de la santé et de la population, septembre 2012. 86 Les taux d’applicabilité de la PCIME dans la Bouenza et la Sangha ne sont pas connus. 87 Evaluation du PNDS 2007-2011, ministère de la santé et de la population, rapport d’analyse provisoire, juillet 2012. 84 85

Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité

95


Le faible taux de développement des aires de santé justifie la présence de multiples postes et centres de santé non rationalisés. Dans ces types de structures, les activités sont le plus souvent limitées aux consultations curatives et prénatales. Par ailleurs, selon le PNDS, chaque CSS88 devrait avoir un hôpital de base. Or, la moitié seulement des CSS (21 sur 41) en ont un89. Les formations sanitaires d'hospitalisation comptent 16 hôpitaux de base des CSS, 12 cliniques90 et 6 hôpitaux généraux dont le centre hospitalier universitaire de Brazzaville et l’hôpital central des armées. Dans certains départements comme le Kouilou, aucun district sanitaire ne dispose d’un hôpital de base. L’évaluation du PNDS a par ailleurs mis en lumière les nombreuses défaillances des hôpitaux de base dont : • la marginalisation de la PCIME, pratiquée seulement dans 5 hôpitaux de base sur 21 ; • le manque de salle d’observation dans 10 cas sur 21 ; • la faible prise en charge des IST selon l’approche syndromique (11 cas sur 21) ; • la faible disponibilité de trousses d’urgence (12 sur 21) ; • la faible disponibilité des médicaments capables de satisfaire les prescriptions ; • L’utilisation restreinte du partogramme (dans 65% des accouchements). L’hôpital général est le deuxième niveau de référence du système de santé. Il devrait disposer d’unités de soins spécialisées et d’un plateau technique complet permettant d’offrir des services médicaux de spécialité. Le Congo dispose de 6 hôpitaux généraux concentrés dans quatre départements, pour la plupart dans le sud du pays : Brazzaville (2), Pointe Noire (2), Niari (1) et Cuvette (1). Cependant, sur les 6 hôpitaux généraux, 1 a été détruit pendant la guerre et l’évaluation du PNDS n’a donc concerné que les 5 qui sont toujours fonctionnels. Les résultats de l’enquête montrent que tous possèdent un service des urgences avec box de consultation conformément aux normes de sectorisation. Toutefois, ces établissements présentent des défaillances préoccupantes, notamment :

• l’unité de consultation des malades référés du premier échelon n’est opérationnelle que dans 2 hôpitaux sur 5 ; • le chariot renfermant des médicaments d’urgence n’est disponible que dans 2 hôpitaux sur 5 ; • les soins néonataux d’urgence et la réanimation des cas graves ne sont possibles que dans 2 hôpitaux sur 5 ; • la prise en charge des personnes vivant avec le VIH/ SIDA et des tuberculeux par la méthode DOTS n’est possible que dans 2 hôpitaux sur 5 ; • les procédures et processus (outils de rationalisation des soins, schémas thérapeutiques, audits des cas…) visant à garantir la qualité de l’offre de soins sont absents dans la quasi-totalité des hôpitaux généraux ; • l’insuffisance de personnel qualifié ; • l’obsolescence des équipements ; • les pénuries de médicaments et consommables médicaux. La couverture des soins obstétricaux néonataux d’urgence(SONUC) est restreinte, en particulier dans les départements de la Lékoumou, la Likouala et la CuvetteOuest. Quant au Kouilou, il en est totalement dépourvu. Selon le PNDS, seuls les hôpitaux de référence et les CSI PMAE (PMA élargi) sont habilités à pratiquer les accouchements. Toutefois, en raison du manque ou de l’éloignement de ces structures dans certains départements, près de la moitié des CSI simples pratiquent des accouchements. Le centre hospitalier universitaire (CHU) de Brazzaville, hôpital général qui a en outre une vocation d’enseignement et de recherche, joue le rôle de centre de troisième niveau de référence mais il fait face aux mêmes problèmes que les autres hôpitaux généraux. Les formations sanitaires spécialisées comprennent le laboratoire national de santé publique (LNSP), le centre national de transfusion sanguine (CNTS), la Congolaise des médicaments essentiels et génériques (COMEG), les centres antituberculeux, les centres de traitement ambulatoire du SIDA et les centres de traitement des lépreux. Les faibles performances de la COMEG expliquent les pénuries en médicaments observées à tous les niveaux du système de santé.

Avant les réformes du système de santé engagées en décembre 2013, les districts sanitaires étaient plus communément appelés circonscriptions socio-sanitaires (CSS) et étaient au nombre de 41. 89 Evaluation du PNDS 2007-2011, ministère de la santé et de la population, rapport d’analyse provisoire, juillet 2012. 90 Ibid. 88

96

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Structures privées La reconnaissance de l’exercice libéral des professions médicales et paramédicales91, les faiblesses du secteur public et la présence de nombreux diplômés sans emploi de diverses qualifications, ont contribué à l’émergence d’un secteur privé. Ce secteur est en pleine expansion et comprend des cliniques, des cabinets médicaux, des cabinets de soins infirmiers, des dépôts pharmaceutiques, des centres médico-sociaux et des officines pharmaceutiques. Selon une récente étude92, presque tous les services sont disponibles dans les structures de soins privées. Les principaux services offerts sont la médecine générale, les services de la santé de la reproduction, la chirurgie ou petite chirurgie et la médecine pédiatrique. De plus, la plupart des structures de soins offrent les services de laboratoire (74%) et un nombre important d’entre elles également des services pharmaceutiques (42%). Il est intéressant de noter que les services de la santé de la reproduction sont plus souvent offerts dans des établissements à but non lucratif que dans des établissements à but lucratif. Malgré la disponibilité de la plupart des principaux types de services de santé, il existe des lacunes importantes dans les services de soins privés, en particulier dans les services spécialisés. Les structures examinées par l’étude offrent rarement la chirurgie, la dentisterie, l’ORL, l’ophtalmologie, la radiographie, la stomatologie et la physiothérapie. Au total, la carte sanitaire de 2005 a recensé 1002 structures de santé privées (y compris les prestataires de soins, les officines et les dépôts pharmaceutiques) réparties sur tout le territoire, dont la grande majorité (90%) est située dans les zones urbaines et semi-urbaines93. La majorité des structures de soins privées sont concentrées à Brazzaville et à Pointe-Noire, même si ces deux départements ne couvrent que 60% de la population totale. Les inventaires des structures privées de soins de santé à Brazzaville et à Pointe-Noire, réalisés en 2010 par les DDS de Brazzaville et de Pointe-Noire respectivement, ont comptabilisé 191 structures privées à Brazzaville et 326 à Pointe-Noire. Les cabinets de soins infirmiers (30%), suivis par les officines (19%), les dépôts pharmaceutiques (15%) et les cabinets médicaux (15%) constituent la majeure partie des prestataires privés94. On ne dispose pas d’évaluation des structures de santé privées mais selon l’étude déjà citée, le secteur est peu réglementé, ce qui aboutit à une concurrence illégale, à l’émergence de circuits parallèles et à la qualité médiocre des services offerts. La qualité des services offerts par les prestataires privés dépend de la qualité de la formation de base et continue et de la couverture appropriée des

besoins en ressources humaines. Cependant la qualité de la formation de base dans les écoles paramédicales, et même au niveau de l’université, n’est pas suffisante et l’estimation des besoins en ressources humaines ne tient pas compte des besoins du secteur privé. De plus, le secteur privé (lucratif et associatif) n’a pas le droit d’ouvrir des écoles et n’a pas accès à la formation continue assurée par l’État. Ceci pose un problème et ne permet pas au secteur privé de pouvoir améliorer lui-même la qualité des soins offerts par ses structures (d’autres problèmes y contribuant sont le manque d’information et la faible structuration du secteur)95. De plus, le secteur privé offre peu de services d’hospitalisation. Certaines formations disposent de lits d’hospitalisation mais ne possèdent pas le niveau technique d’un hôpital. A part les polycliniques, seulement 25% des cliniques et 17% des cabinets médicaux ont quelques lits d’hospitalisation (en général moins de 10 dans chaque établissement). La référence des cas compliqués reçus par les formations privées se fait en s’adressant aux grands hôpitaux publics. Pour ce qui est de la contreréférence, elle est inexistante, la notion étant inconnue de la plupart des répondants96. Ruptures fréquentes en médicaments, matériels, tests de laboratoire et autres intrants Les structures sanitaires du Congo souffrent d’une pénurie chronique de médicaments. Cette pénurie met à mal la mise en œuvre de certaines initiatives importantes comme l’offre de gratuité des traitements pour les personnes touchées par le paludisme, le VIH et la tuberculose. Dans le secteur public, l’évaluation du PNDS 2007-2011 indique que plus d’un CSI sur dix n’a pas de pharmacie propre. Quant à la disponibilité des médicaments usuels pour traiter les maladies de l’enfant, elle apparaît restreinte, comme le montre le tableau suivant97.

Tableau 15 : Disponibilité de certaines molécules dans les CSI (%) Molécule

CSI où elles sont disponibles

ACT

49%

SRO

42%

Sulfadoxine pyriméthamine (SP)

49%

Amoxicilline

39%

Source : Evaluation du PNDS 2007-2011.

Décret n° 88/430du 6 juin 1988 fixant les conditions d’exercice libéral de la médecine et des professions paramédicales et pharmaceutiques. Etude sur le secteur privé de la santé en République du Congo, Banque mondiale, 2012. 95, 96 Ibid. 97 Dans le cadre de l’évaluation du PNDS 2007-2011, la disponibilité des médicaments a été appréciée à partir des 4 molécules « traceurs » : ACT-molécule de première intention dans le traitement du paludisme, SRO-molécule pour lutter contre la déshydratation en cas de diarrhée, sulfadoxine pyriméthamine pour le traitement préventif contre le paludisme chez la femme enceinte, amoxicilline comme antibiotique. 91

92, 93, 94

Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité

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Graphique 47 : Proportion de CSI disposant des examens standards Numération rouge Test du VIH Recherche de BAAR Dosage hémoglobine Groupage sanguin Glycémie Coloration de Giemsa Recherche de parasites intestinaux ECBU Goutte épaisse 0

10

20

30

40

50 60 Pourcent CSI

70

80

90

100

Source : Evaluation du PNDS 2007-2011.

De plus, le matériel et les fournitures indispensables pour une consultation curative de qualité sont souvent incomplets. Le même constat s’applique au matériel et

à l’équipement de base pour assurer de bonnes prestations chirurgicales, la radiologie et la maternité.

Graphique 48 : Matériel et fournitures disponibles en maternité

Source : Evaluation du PNDS 2007-2011.

Plusieurs facteurs concourent à la faible disponibilité des intrants essentiels dans le domaine de la santé. La COMEG est la structure qui est responsable de l’approvisionnement et de la distribution des médicaments à travers tout le pays. Ses performances mitigées sont, en grande partie, à la base de ces pénuries. L’Union européenne et l’AFD (Agence française de développement) apportent leur appui au gouvernement pour engager les réformes structurelles nécessaires de cet organe. Il faut

98

également rappeler que la COMEG avait été durement touchée par les explosions du Mpila du 4 mars 2012 et que son dépôt central avait été détruit. D’autre part, une politique pharmaceutique nationale a été adoptée mais sa mise en œuvre n’est pas encore effective par manque de plan stratégique. La liste des médicaments essentiels adoptée a connu une diffusion limitée au niveau périphérique.

Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité


La faible disponibilité du personnel du secteur pharmaceutique est un facteur supplémentaire qui explique les contre-performances constatées. En effet, ces agents ne sont présents ni dans les départements ni dans les districts sanitaires. Seuls quelques hôpitaux généraux en sont pourvus.

grée sur le statut, le paquet d’activités et la motivation desdits relais explique que l’approche de dispensation des services par et à travers les relais communautaires reste très ponctuelle et limitée à des interventions spécifiques : TIDC, dépistage de la malnutrition, campagne de vaccination et/ou de distribution de MILDA.

La vente ambulante de médicaments, surtout en milieu périurbain et rural, se développe et devient un phénomène de santé publique majeur et lourd de risques. Ce marché, qui devient de plus en plus important, se nourrit des pénuries récurrentes de médicaments censés provenir de la COMEG et de la baisse du pouvoir d’achat d’une frange importante de la population.

De plus, les relais communautaires n’ont pas la possibilité de prescrire des médicaments pour des formes simples des maladies tueuses de l’enfant comme cela se fait dans les autres pays.

Dans les structures de santé privées, la disponibilité des médicaments essentiels varie largement d’un établissement à l’autre. En dehors des polycliniques, où seuls l’amoxicilline et le paracétamol ont été indiqués comme disponibles (sur la liste de sept médicaments étudiée98), les autres médicaments essentiels sont disponibles dans toutes les catégories d’établissements, mais pas dans toutes les structures. Bien que ces catégories d’établissements ne soient censées ni posséder ni vendre de médicaments, 22% des cabinets médicaux et 33% des centres médico-sociaux à Brazzaville ont tous les médicaments essentiels énumérés99 en stock, tandis qu’à Pointe-Noire, 25% des cliniques possèdent en stock l’ensemble de ces médicaments. Si les laboratoires et l’échographie sont disponibles dans tous les types de formations sanitaires privées, la radiographie est déclarée seulement dans les cliniques et les cabinets médicaux. On constate que les laboratoires sont plus fréquents dans les cabinets de soins infirmiers que dans les cabinets médicaux mais que c’est le contraire pour l’échographie. En ce qui concerne les équipements de consultation, ils sont tous disponibles mais pas partout. L’instrument le moins déclaré est le pèse-bébé qui n’est présent que dans 50% des polycliniques et des cliniques, dans 61% des cabinets médicaux et dans 43% des cabinets de soins infirmiers100. Faiblesse de l’offre de services dans les communautés et les familles La Prise en charge intégrée des maladies de l’enfant au niveau communautaire (PCIME-C) n’est pas encore mise en œuvre au Congo. En effet, les relais communautaires n’existent que dans la vision projet et chaque projet dispose de ses propres relais sans une réelle coordination avec d’autres. L’absence de réflexion globale et inté-

Faible disponibilité des ouvrages d’eau, hygiène et assainissement Le faible raccordement des populations rurales à des sources d’eau améliorées et à l’assainissement contribue à la prévalence élevée des maladies diarrhéiques. De même, l’évacuation des ordures et des eaux usées souffre de multiples déficiences. Les analyses institutionnelles montrent que le secteur pâtit de problèmes importants en matière de politique, de pilotage et de financement. Jusqu’ici, le dispositif institutionnel visant la mise en œuvre des politiques et des programmes concernant l’eau et l’assainissement au Congo s’est caractérisé par l’émiettement des compétences et des responsabilités entre différentes administrations et un déficit de coordination du secteur. Pour éviter la navigation à vue dans le domaine de l’assainissement, un effort a été fait par le gouvernement en vue d’améliorer le cadre institutionnel et de mettre en place un mécanisme de coordination au niveau national, à travers les arrêtés suivants : - Le décret n° 2010-123 du 19 février 2010 qui confie la politique de l’assainissement au ministère en charge de l’eau ; - Le décret n° 2010-24 du 16 mars 2010 portant organisation du ministère de l’Energie et de l’hydraulique qui crée la direction générale de l’assainissement au sein dudit ministère. Cependant, la mise en œuvre de ce nouveau cadre institutionnel n’est pas encore effective. De plus, il reste à établir une clarification des compétences et des missions, notamment en matière de promotion de l’hygiène, entre le ministère de l’énergie et de l’hydraulique (à travers sa direction générale de l’assainissement) et le ministère de la santé et de la population (à travers sa direction de l’hygiène générale et de la promotion de la santé). Jusqu’ici,

SRO, amoxicilline, cotrimoxazole, paracétamol, combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine (CTA), fer et acide folique. Idem. 100 Etude sur le secteur privé de la santé en République du Congo, Banque mondiale, 2012. 98 99

Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité

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les approches relatives à la promotion et à la sensibilisation dans le domaine de l’hygiène ont été développées de façon timide par le ministère de la santé. En dépit de la création d’une plateforme de coordination de la mobilisation des aides financières dans le secteur de l’eau et de l’assainissement en 2009, la situation reste particulièrement préoccupante dans le domaine de l’assainissement. Malgré le leadership confié au ministère de l’énergie et de l’hydraulique en 2010, la gestion de l’assainissement autonome est encore fragmentaire et inefficace en raison du chevauchement des rôles et de l’absence de coordination entre les différents intervenants. De plus, aussi bien au niveau central qu’au niveau départemental, l’insuffisance de personnel en nombre et en qualité et les faibles moyens de fonctionnement et de matériel roulant entravent le développement du secteur. Le suivi et l’évaluation constituent un autre maillon faible du secteur. Les ministères techniques procèdent rarement au suivi physique des projets en effectuant des visites sur le terrain. Le manque de précision et de clarté des informations budgétaires et financières limite également les capacités d’analyse de l’évolution du secteur. Par ailleurs, dans le cadre de la décentralisation, les collectivités locales se sont vu transférer les compétences visant à assurer la promotion de l’assainissement dans leur juridiction. Or, elles ne réalisent aucune activité dans ce sens. Cette inertie est liée à plusieurs facteurs dont : (i) la faiblesse des ressources humaines des col-

lectivités locales en termes de gestion de projet, (ii) les ressources limitées et le caractère sporadique des transferts de ressources financières du niveau central vers le niveau local et (iii) l’absence de politique et de modalités opérationnelles pour réaliser le transfert de compétences. Causes sous-jacentes au niveau de l’accessibilité des services de santé Des barrières financières, géographiques et culturelles limitent l’utilisation des services de santé, en particulier en milieu rural et au sein des catégories les plus vulnérables et marginalisées de la population - comme les autochtones ou les familles démunies. Accessibilité géographique des services de santé Selon les données de l’ECOM, l’accès à un service de santé101 est de 66% en 2011, contre 69% en 2005. Ce taux est élevé en milieu urbain, notamment à Pointe Noire (85%) et Brazzaville (72%), mais tombe à 47% en milieu rural. L’accessibilité géographique des services de santé est la plus faible dans les départements présentant des défis importants sur le plan géographique comme les Plateaux (44%), la Likouala (48%) ou la Sangha (48%). Le taux le plus faible constaté dans le Pool (31%) s’explique par l’insécurité et les destructions dues aux conflits actuellement résorbés - qui ont frappé cette région102.

Graphique 49 : Accès de la population à un service de santé selon le département (%)

Source : ECOM 2011.

101 102

100

L’accès à un service de santé est défini pour les personnes vivant dans des ménages situés à moins de 30 minutes de marche d’un service de santé. ECOM 2 (2011).

Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité


Toutefois, selon une analyse récente basée sur une enquête par questionnaire103, la population cite rarement la distance comme cause de non recours aux soins (4% en moyenne), même en milieu rural, où le taux se limite à 10%.

sont la prise en charge du paludisme chez la femme et l’enfant jusqu’à 15 ans, le dépistage et la prise en charge du VIH et de la tuberculose ainsi que les césariennes et autres interventions obstétricales majeures.

Accessibilité financière des services de santé Malgré les politiques de gratuité mises en œuvre depuis quelques années, l’accessibilité financière demeure toujours une barrière importante dans l’accès aux services de santé.

Ces mesures n’ont pas encore fait l’objet d’une évaluation globale. Toutefois, les acteurs du système de santé constatent d’ores et déjà que les pénuries en médicaments et le manque de transferts financiers de la part du niveau central pour compenser le manque à gagner des structures sanitaires, notamment au niveau des CSI, pourraient limiter l’impact bénéfique de ces mesures.

Selon les données de l’ECOM en 2011, le coût des prestations est le principal facteur de mécontentement des populations par rapport aux services de santé104: 38% des usagers le trouvent trop élevé et ce taux atteint 49% en milieu rural (contre 26% en zone urbaine). Le prix des prestations fait partie des principales raisons évoquées par les familles qui ne vont pas consulter un service de santé. Selon une autre analyse basée sur une enquête par questionnaire105, la réponse «trop cher» est la plus fréquente pour justifier le non recours aux soins. Elle est plus souvent retrouvée chez les pauvres (60%) et les personnes rurales (60%) que chez les non pauvres (47%) et l’ensemble de l’échantillon (54%). L’évaluation nationale des intrants essentiels106 menée en 2010 soulignait également l’importance de la barrière financière dans le domaine de l’accès aux soins de santé de base. Selon ce document, 92% des Congolais estiment que des contraintes financières les empêchent de fréquenter les formations sanitaires. De fait, en 1996, le système de recouvrement des coûts a été instauré par décret au Congo comme principale stratégie de financement des soins dans le cadre de la mise en œuvre du système de santé intégré. Ce système consiste à faire payer à la population le montant des services et soins consommés (consultation, achat de médicaments, hospitalisation). L’évaluation des comptes nationaux de santé 2009-2010 a montré qu’en 2010, les ménages ont supporté les dépenses de santé à hauteur de 39%, contre 58% pour le gouvernement central, 1% pour les entreprises et 2% pour la coopération internationale. Pour réduire la barrière financière dans l’accès aux services, le gouvernement congolais a initié des politiques de gratuité. Les interventions touchées par cette mesure

Par ailleurs, la persistance de barrières financières importantes à l’accès aux services de santé n’est pas compensée par la mise en place d’un système de protection sociale non contributive qui pourrait aider les ménages pauvres à faire face aux dépenses de santé. Les allocations familiales et les pensions existantes sont limitées à celles qui sont dispensées par les deux caisses de sécurité sociale, qui couvrent à peine la petite minorité d’employés et de retraités du secteur formel et leurs ayant-droits107.Le Congo n’a pas encore mis en œuvre de programmes de transferts sociaux réguliers à large échelle, comme des pensions sociales de vieillesse, des allocations familiales et/ou des transferts aux ménages les plus pauvres, sur une base non contributive, financés par l’Etat. Cependant, comme évoqué dans la partie Contexte, des programmes de transferts conditionnels en espèces pour les ménages pauvres et vulnérables sont en cours de développement et seront renforcés dans les années à venir avec l’assistance de la Banque mondiale. Les critères d’éligibilité incluent la scolarisation continue des enfants et des visites médicales régulières pour tous les membres du ménage. Accessibilité culturelle des services de santé Le Congo est une société multiculturelle qui comprend plusieurs ethnies et tribus, dont des populations autochtones officiellement estimées à 1,2% de la population totale. Ces populations constituent à la fois une minorité ethnique et un groupe extrêmement vulnérable du fait de la marginalisation et des discriminations qu’ils endurent. Comme rapporté plus haut, les départements où vivent des populations autochtones, notamment les Plateaux, la Lékoumou et la Sangha, présentent les indicateurs de santé les plus bas. Alors qu’ils travaillent souvent contre des rémunérations très faibles ou en nature, les autochtones ne sont pas en mesure d’acheter les médica-

Etude sur le secteur privé de la santé en République du Congo, Banque mondiale, 2012. ECOM 2 (2011). 105 Etude sur le secteur privé de la santé en République du Congo, Banque mondiale, 2012. 106 République du Congo, L’évaluation nationale des intrants essentiels (CAEC), UNICEF, 2010. 107 Lettre de politique nationale d’action sociale, décembre 2011. 103 104

Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité

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ments et de verser les sommes importantes qu’on leur réclame. Comme l’a montré une récente étude sur les normes culturelles des autochtones au Congo, ces populations sont souvent victimes d’abus dans les services publics et doivent acquitter des sommes plus élevées que la normale pour en bénéficier108.En cas de maladie, seulement 10% des hommes, 19% des femmes et 13% des adolescents ont recours à un centre de santé, selon une enquête CAP réalisée en 2007109. On ne dispose pas de données quantitatives concernant

l’état de santé spécifique des autochtones. Toutefois, l’enquête CAP réalisée en 2007110 a montré qu’ils enregistrent un taux d’infection de pian de 30% et un taux de mortalité infanto-juvénile supérieur à la moyenne nationale. Les femmes autochtones connaissent très peu les méthodes de contraception, recourent faiblement à la CPN et accouchent pour la plupart à domicile avec l’aide d’accoucheuses traditionnelles. De même, la prévention du paludisme est très faible et la plupart des familles consomment de l’eau de surface et venant de sources non améliorées.

Graphique 50 : Répartition des populations autochtones par département en 2007

Source : RGPH 2007.

Causes sous-jacentes au niveau de la demande de services de santé L’un des indicateurs majeurs pour apprécier la demande est le taux d’utilisation des soins curatifs au CSI. Au Congo, ce taux est inférieur à 0,5 nouveau cas par habitant et par an dans le secteur public. La demande de soins et de services est fortement induite par la motivation de la personne et sa perception de la qualité des services. A noter que si le recours au secteur privé en cas de maladie progresse en moyenne au Congo, le secteur public reste le grand favori des ménages en ce qui concerne les soins maternels et infantiles, selon une récente étude. La demande des services peut être examinée sous deux angles, qui sont le déficit de participation communautaire et la persistance de connaissances restreintes et d’attitudes et pratiques néfastes au sein des populations.

Déficit de participation communautaire Au Congo, la participation communautaire est régie par un décret présidentiel conformément à la loi instituant le Plan national de développement sanitaire. Selon la pyramide sanitaire nationale, il existe trois organes de participation communautaire, à savoir (i) le comité de santé (COSA), organe qui participe à la gestion de la structure de santé ; (ii) le comité de gestion (COGES) au niveau du district sanitaire et (iii) le comité de direction (CODIR) au niveau intermédiaire(DDS). Toutefois, ces organes sont quasi inexistants sur le terrain à cause de la méconnaissance des différents textes et par manque de formation des animateurs des DDS, des districts sanitaires et des CSI en matière de santé communautaire et soins de santé primaire. Selon le PNDS 2014-2018 (draft), si 80% des CSI ont mis en place des COSA, aucun d’entre eux ne satisfait aux critères d’un COSA fonctionnel. Seulement deux CSS111 sur les 34

The socio-cultural and legal patterns of organisation of indigenous peoples and their impact on the implementation of the rights of women and children: a case study of the Republic of Congo, Anthroscape/UNICEF, 2012. 109 Enquête sur les connaissances, attitudes et pratiques des peuples autochtones en matière de prévention du VIH/SIDA et leur accès aux services sociaux de base, MASSAHF/UNICEF/CNLS, 2007. 110 Enquête sur les connaissances, attitudes et pratiques des peuples autochtones en matière de prévention du VIH/SIDA et leur accès aux services sociaux de base, MASSAHF/UNICEF/CNLS, 2007. 111 Avant les réformes du système de santé engagées en décembre 2013, les districts sanitaires étaient plus communément appelés circonscriptions socio-sanitaires (CSS) et étaient au nombre de 41. 108

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enquêtées ont mis en place une association des COSA et aucun hôpital de base n’a installé un comité de gestion où la communauté doit être représentée. Persistance de connaissances restreintes et d’attitudes et pratiques néfastes Les informations actualisées sur ce sujet sont rares et parcellaires mais un faisceau d’indices indiquent que les ménages manquent de connaissances de base sur la santé et la nutrition et perpétuent des attitudes et pratiques néfastes à la survie des enfants et des femmes enceintes. Dans le domaine de la nutrition, l’état des lieux a mis en évidence les mauvaises pratiques en matière d’allaitement (faible allaitement initial et introduction trop précoce d’eau et d’aliments de complément). De même, la malnutrition est en partie liée aux mauvaises pratiques alimentaires. Bien que la consommation moyenne soit suffisante en quantité (2512 kcal par personne et par jour selon un bilan réalisé en 2007), l’analyse approfondie de la sécurité alimentaire et de la vulnérabilité 20092010 de la FAO a mis en évidence le fait que le régime alimentaire de la plupart des ménages, dominé par le manioc et les tubercules, est pauvre en viande, poisson, céréales, fruits et légumes. Dans le domaine de la santé, le faible niveau éducatif et le manque d’autonomie des femmes, les pratiques traditionnelles néfastes, le recours à la médecine traditionnelle, les mauvaises pratiques d’hygiène, les mariages et grossesses précoces, etc., constituent autant de barrières à l’amélioration de l’état de santé des mères et des enfants. De plus, comme l’a montré l’état des lieux concernant le VIH et sida, les relations sexuelles non protégées sont fréquentes : près de la moitié des hommes déclarent avoir eu des comportements à risque et seulement 25% utilisent le préservatif112. Causes sous-jacentes au niveau de l’utilisation continue des services Evoquer l’utilisation continue fait référence à la qualité des services offerts à la population de façon à l’inciter à revenir après une utilisation initiale. Selon l’ECOM, le taux d’utilisation des services de santé est relativement faible, à 24% en 2011 contre 27% en 2005. Près d’un tiers (30%) des consultations concernent des enfants de moins de 5 ans. Une grande proportion de femmes fréquente ces services de 1er échelon, le plus souvent pour des activités préventives comme la CPN et la vaccination. Les CSI sont très peu utilisés dans le volet curatif. 112

Le taux d’utilisation des services de santé est plus élevé en milieu urbain (27%) que rural (22%) et les disparités sont importantes selon les départements. Le taux est supérieur ou égal à 30% dans la Lékoumou, la Cuvette, le Pool et la Likouala mais tombe à 17% dans la Sangha, 19% dans le Kouilou et 20% dans les Plateaux. Toujours selon l’ECOM 2 (2011), 28% des personnes malades qui ont eu recours à un service de santé déclarent ne pas être satisfaites des prestations offertes. La disparité est profonde car ce taux est de 23% en milieu urbain contre 36% en milieu rural. Ce taux dépasse les 40% dans la Cuvette-Ouest (52%), le Pool (45%), la Likouala (41%), la Cuvette (41%) et la Sangha (41%). En dehors du coût élevé des prestations, les populations déplorent la longue attente et le mauvais accueil, le manque de médicaments, l’inefficacité du traitement et le manque de personnel formé. L’utilisation continue des services se heurte aussi à la disponibilité des commodités essentielles dans les structures. Les nombreuses ruptures de stocks dues à la faible capacité de réapprovisionnement à partir de la centrale d’achat ont contraint les acteurs au niveau local à utiliser des solutions alternatives. Ces dernières ne garantissent ni les meilleurs coûts ni la qualité des prestations. L’ECOM indique que près de 20% de la population en milieu rural recherche des soins directement auprès de guérisseurs traditionnels, des églises ou directement en se référant aux pharmacies ambulantes. Les facteurs hygiéniques contribuent aussi à limiter l’utilisation continue des services. En effet, les CSI ne répondent pas aux normes de qualité en ce qui concerne l’hygiène et l’élimination des déchets. Plus d’un CSI sur dix s’approvisionne en eau auprès de sources non aménagées. L’évacuation des eaux usées n’est généralement pas conforme aux normes et seulement 12% des CSI détruisent les déchets biomédicaux de façon sûre. Enfin, les CSI manquent de moyens de communication et de transport, ce qui altère le système de référence des urgences surtout obstétricales. Causes structurelles Les causes structurelles sont analysées selon les paramètres suivants. Gestion du système de santé et mécanisme de coordination De par la mise en œuvre du PNDS à compter de l’année 1992, le Congo a engagé de fait une réforme du système de santé, fondé sur les soins de santé primaires à travers la création et le renforcement des districts de santé. Les

Enquête sur les connaissances, attitudes et pratiques des communautés des quinze localités de sept départements du Congo, CNLS/ PNUD/ONUSIDA, 2012. Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité

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faibles performances actuelles des services de santé traduisent la fragilité et les insuffisances observées dans le fonctionnement de ces districts : (1) absence de réelles équipes cadres de districts sanitaires ; (2) insuffisance de capacités techniques et opérationnelles des équipes des directions départementales de la santé, des districts de santé et des CSI dans l’organisation, la gestion des districts sanitaires et l’offre des paquets d’activités. La faible couverture en CSI rationalisés, l’application très limitée des ordinogrammes et autres instructions et procédures écrites et l’utilisation très limitée des échéanciers et autres supports de gestion des activités sont illustratives des multiples conséquences inhérentes à ces insuffisances. Les faibles taux de couverture et d’utilisation des services enregistrés et donc l’accès inéquitable à des soins et services de santé de qualité pour l’ensemble de la population sont illustratifs de ces faibles performances. La collaboration intra et intersectorielle est très faible. Des mécanismes de coordination avec les partenaires sont parfois mis en place mais ne sont pas souvent fonctionnels. Le fait que le gouvernement congolais soit le principal pourvoyeur des ressources du secteur de la santé, devait constituer une opportunité pour construire un « basket fund » ou encore des mécanismes comme le HHA113. Développement et mise en œuvre des politiques Comme le souligne un récent document stratégique114, l’architecture juridique du système de santé présente encore de faiblesses, dont : • Le texte portant organisation du Conseil national de santé (CNS), qui date de l’année 1988, est devenu caduc. Pourtant, aucune solution de remplacement n’a été proposée jusqu’ici. • Depuis sa promulgation en avril 1992, la loi portant institution du Plan national de développement sanitaire (PNDS) n’a fait l’objet que de très peu de textes d’application. Ces textes concernent l’organisation et le fonctionnement des organes de pilotage et la classification des formations sanitaires. Toutes les autres matières nécessitant des textes d’application sont demeurées en l’état, depuis une vingtaine d’années. • L’actuel organigramme mis en place par le décret 2011-657 du 24 octobre 2011 présente quelques faiblesses, notamment : - le cloisonnement administratif des directions générales,

- des chevauchements d’attributions entre certaines structures : par exemple, le décret 98-258 relatif à l’Inspection générale de la santé (IGS) et le décret 98-256 du 16 juillet 1998 confèrent la charge de veiller sur le fonctionnement du système de santé à l’IGS et en même temps à la DGS, - l’inexistence de liens fonctionnels entre la DGS et certaines structures rattachées au cabinet (CNTS, LNSP, HG de Loandjili, CHUB), - l’ancrage inapproprié des certains programmes (PNLS et Programme de lutte contre la drépanocytose directement rattachés au DGS, service « nutrition » rattaché à l’hygiène) - l’inexistence de représentations de l’IGS et des autres directions générales au niveau départemental. • La méconnaissance/non vulgarisation des textes régissant le secteur santé persiste à tous les niveaux, y compris au niveau des collectivités locales(conseils départementaux). De plus, il n’existe pas de cadre législatif approprié permettant de garantir le respect des droits et de la dignité des personnes, notamment les personnes infectées par le VIH. La faiblesse dans le développement et la mise en œuvre des documents de politique importants comme la PCIME-C, la politique de réduction de la vulnérabilité des couches vulnérables, la politique nationale de nutrition, la stratégie nationale sur l’assainissement, le code de l’hygiène, serait aussi due à l’absence de données pouvant alimenter la réflexion. Le fait que le système de suivi-évaluation et d’information sanitaire ne soit pas performant constitue un écueil important dans le développement et/ou la réadaptation des politiques. Le système national d’information sanitaire n’a pas été opérationnalisé et ne dispose pas d’outils standardisés. Le suivi des activités de santé est partiellement assuré via l’élaboration de rapports aux différents niveaux du système. Au regard des résultats de l’évaluation du PNDS 2007-2011, environ un tiers des CSS115 produisent des rapports selon un taux de complétude de 80%. D’autre part, 31% des CSI produisent des indicateurs de suivi et évaluation et très peu d’agents sont formés aux outils de gestion des données. En revanche, le système d’alerte épidémiologique et la collecte des données du PEV et concernant le VIH/ SIDA, fortement appuyés par les partenaires, sont per-

L’Harmonisation pour la santé en Afrique(HHA) est un mécanisme régional par lequel les partenaires conviennent de mettre l’accent sur la fourniture d’un soutien aux pays de la Région africaine en vue d’atteindre les OMD liés à la santé. 114 Plan national de développement sanitaire 2014-2018 (draft), République du Congo, août 2013. 115 Avant les réformes du système de santé engagées en décembre 2013, les districts sanitaires étaient plus communément appelés circonscriptions socio-sanitaires (CSS) et étaient au nombre de 41. 113

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formants. Faute d’un SNIS opérationnel, les capacités de planification du niveau central sont faibles. Le déficit constaté dans le domaine des politiques de protection sociale est aussi à la base du manque d’équité dans l’accès aux services essentiels des enfants et des mères des catégories vulnérables et marginalisées. Financement du secteur Selon les comptes nationaux de santé de 2009-2010, la part du budget accordée au secteur de la santé a connu une augmentation substantielle en termes absolus. Toutefois, elle reste loin de l’engagement pris à Abuja (2001) de consacrer 15% du budget national au secteur de la santé, la part allouée en 2012 se limitant encore à 6,5%116. De plus, les problèmes de répartition des fonds sont importants. La répartition des budgets entre les différents services montre que les seuls (6) hôpitaux généraux et l’administration du niveau central ont consommé à eux

seuls plus de 70% du budget alloué au secteur santé. Quant aux services de santé du niveau périphérique, qui jouent un rôle clé dans l’atteinte des OMD, ils ne fonctionnent qu’avec le système de recouvrement des coûts (aucune ligne budgétaire n’est prévue pour les districts sanitaires et leur CSI). Or, le recouvrement des coûts pêche par manque de transparence et de traçabilité des dépenses. Selon les dispositions règlementaires, les dépenses doivent être prioritairement destinées au renouvellement des stocks de médicaments. Mais dans nombre de DDS, les recettes sont orientées préférentiellement vers le paiement des primes des agents et un financement ascendant vers le district sanitaire et la DDS117, au détriment des médicaments, réactifs et consommables. En plus du problème d’allocation, se pose celui du décaissement. Le cadre de dépense à moyen terme (CDMT), qui devrait permettre une planification de bas en haut n’est pas totalement fonctionnel.

Tableau 16 : Répartition des subventions aux prestataires de soins de santé

Programme de santé publique Administration de santé Hôpitaux généraux Autres Hôpitaux Centre de santé Autres prestataires

2009 14% 0% 75% 3% 4% 4%

2010 24% 5% 50% 6% 3% 10%

Source : Comptes nationaux de santé 2012.

Graphique 51: Répartition de la subvention aux prestataires de soins et services de santé (2009-2010)

116 117

Plan national de développement sanitaire 2014-2018 (draft), République du Congo, août 2013. Ibid. Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité

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Persistance de normes sociales défavorables en matière de santé et d’alimentation de la mère et de l’enfant La persistance de normes sociales défavorables à la santé de la mère et de l’enfant est notamment liée à la faible organisation de la participation communautaire : moins d’un tiers des CSI ont des comités de santé fonctionnels. Or, ces comités devraient garantir la participation communautaire et l’éducation des populations dans le domaine de la santé, de la nutrition et de l’hygiène, en promouvant les bonnes pratiques. Du fait du défaut de mise en œuvre de la PCIME-C, la communication pour le développement se limite encore à des activités ponctuelles et partielles comme les campagnes de vaccination, distribution de MIILDA, supplémentation de la vitamine A. Elle n’est pas systématique pour tous les programmes couvrant la santé de la mère et de l’enfant. Ainsi, les pratiques socioculturelles défavorables ainsi que des comportements sexuels à risque continuent à s’étendre. Par exemple, le lévirat, le sororat, les scarifications, et certains comportements liés à l’ignorance sont à la base de la propagation du VIH/SIDA et constituent

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des freins à la promotion des comportements favorisant la rupture de la chaîne de transmission du VIH. Discrimination de genre Malgré l’adoption de plusieurs textes (Constitution, loi scolaire, loi électorale, etc.) consacrant l’égalité juridique de l’homme et de la femme, et la ratification de la plupart des instruments internationaux ayant le même objet, la situation de la femme au Congo reste caractérisée par des discriminations notoires au plan légal (droit fiscal, droit pénal, code de la famille, droits sociaux et économiques), auxquelles s’ajoutent des inégalités de fait (lévirat, rites de veuvage, successions, violences sexospécifiques). Dans le domaine de l’éducation formelle, en dépit d’une politique égalitaire d’accès, on constate des disparités entre filles et garçons qui peuvent s’expliquer par une forte déperdition des filles, à partir du secondaire dû, entre autres, à la mauvaise orientation, aux grossesses précoces et à la pauvreté des parents. La pauvreté et l’enclavement sont d’autres causes structurelles importantes de la persistance de taux de mortalité et de morbidité élevés chez les enfants et les mères.

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Chapitre III DROIT A L’EDUCATION DE L’ENFANT



3.1. PRINCIPAUX ENGAGEMENTS DU CONGO

En mentionnant l’autonomie de la personnalité de l’enfant et sa capacité de réflexion et d’action, la CDE insiste sur son droit à l’éducation, « en particulier en vue d'assurer l'exercice de ce droit progressivement et sur la base de l'égalité des chances ». cation primaire universelle d’ici 2015118. Les articles 28 et 29 énoncent les obligations l’Etat partie, principal détenteur d’obligation en ce qui concerne La présente analyse est adossée au cadre conceptuel la réalisation du droit à l’éducation de l’enfant. basé sur le droit à l’éducation développé par l’UNESCO et l’UNICEF, qui repose sur trois principes fondamentaux : En tant que signataire de la CDE, l’Etat congolais doit rendre l’enseignement primaire obligatoire et gratuit • Le droit d’accéder à l’éducation sur la base de l’égapour tous. Il doit encourager l’organisation de diffélité des chances et sans discrimination d’aucune rentes formes d’enseignement secondaire, tant général sorte. Pour assurer ce droit, l’éducation doit être que professionnel, les rendre ouvertes et accessibles à disponible, accessible et inclusive. tout enfant, et prendre des mesures appropriées telles que l'instauration de la gratuité de l'enseignement et • Le droit à une éducation de bonne qualité, afin que l'offre d'aides sociales en cas de besoin. Il doit prendre les enfants puissent réaliser leur potentiel, avoir des mesures pour encourager la régularité de la fréune chance d’accéder à l’emploi et développer des quentation scolaire et la réduction des taux d'abandon compétences de vie. Pour cela, l’éducation doit être scolaire et veiller à ce que la discipline soit appliquée centrée sur l’enfant, appropriée, basée sur un large d’une manière compatible avec la dignité de l’enfant. curriculum, dotée de ressources suffisantes et d’un système de suivi. L’Etat congolais doit également favoriser l’épanouissement de la personnalité de l’enfant et le développement • Le droit au respect dans l’environnement d’apprende ses dons et aptitudes mentales et physiques et incultissage, de façon à ce que la dignité et les droits quer à l’enfant le respect de ses parents, de son identité, humains de chaque enfant soient respectés dans de sa langue, de ses valeurs culturelles et de celles des le système éducatif. Pour réaliser ce droit, l’éducaautres civilisations. tion doit être compatible avec les droits humains, encourager la participation de l’enfant, ne recourir à En tant que signataire de la Déclaration du Millénaire, aucune forme de violence et prendre en compte la l’Etat congolais s’est par ailleurs engagé à réaliser l’édulangue, la culture et la religion des apprenants.

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OMD 2 : D'ici 2015, donner à tous les enfants, garçons et filles, les moyens d'achever un cycle complet d'études primaires. Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité

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3.2. CADRE STRATEGIQUE ET INSTITUTIONNEL 3.2.1.Principales stratégies Le droit à l’éducation est garanti par la Constitution qui dispose dans son article23 : « Le droit à l'éducation est garanti. L'égal accès à l'enseignement et à la formation professionnelle est garanti. L'enseignement, dispensé dans les établissements publics, est gratuit. La scolarité est obligatoire jusqu'à l'âge de seize ans. Le droit de créer des établissements privés d'enseignement, régis par la loi, est garanti ». Sur la base d’un diagnostic général du secteur de l’éducation réalisé en 2007119, le gouvernement s’est doté d’une stratégie sectorielle de l’éducation, qui fixe le cadre global des interventions à l’horizon 2020. Validée par la partie nationale en 2010, cette stratégie n’a pas été endossée par les partenaires techniques et financiers du Congo, qui ont demandé sa révision suite à une évaluation réalisée en 2011. Ce processus devrait être conduit selon une approche participative impliquant notamment la société civile et a pour objectif la mise en conformité de la stratégie nationale par rapport aux standards internationaux. Il n’a pas abouti à ce jour. D’autres stratégies et plans d’action visant des catégories vulnérables de la population ont été élaborés. Pour les enfants handicapés, le ministère des Affaires sociales a produit en 2007, avec le soutien de l’UNESCO, un Cadre stratégique sur la scolarisation et la rescolarisation des enfants handicapés. En 2009, il a aussi adopté le Plan d’action national pour les personnes handicapées, qui inclut la scolarisation et l’alphabétisation des enfants handicapés parmi les six volets d’activités prioritaires. De plus, en collaboration avec l’UNICEF, le Réseau national des peuples autochtones du Congo (RENAPAC) a conçu en 2008 un Plan d’action national pour l’amélioration de la qualité de vie des peuples autochtones dont le premier axe prioritaire concerne l’éducation. De la même façon, le Plan d’action national pour l’amélioration de la qualité de vie des populations autochtones adopté par le gouvernement congolais pour la période de 2009 à 2013 prévoit des actions dans le domaine de l’enseignement, entre autres. Enfin, la récente loi de protection des populations autochtones contre la discrimination réaffirme leurs droits à l’éducation, y compris par «des mesures spéciales pour que les enfants bénéficient d’une assistance financière à tous les niveaux du système éducatif ». 119 120

Pour lutter contre les discriminations liées au genre, une étude sur la scolarisation des filles assortie de propositions de stratégies a été élaborée en 2010 avec l’appui de l’UNICEF. Elle a alimenté l’élaboration d’un plan d’action national pour l’éducation des filles en 2013. Théoriquement gratuite en vertu de la loi fondamentale du Congo, l’éducation publique a longtemps continué à faire peser sur les familles des coûts importants, notamment liés aux frais d’écolage et à l’achat des manuels et fournitures scolaires. En 2007, le chef de l’Etat s’est personnellement engagé à assurer l’effectivité de la gratuité de l’enseignement. L’arrêté interministériel n°278/MFB/ METPFQE /MEPSA publié le 20 mars 2008 a concrétisé cet engagement. Selon le texte, la gratuité concerne l’enseignement primaire et le premier cycle du secondaire, considérés comme cycles d’enseignement obligatoire. Elle recouvre notamment la suppression des frais d’écolage et la mise à la disposition des écoles des livres de lecture et de calcul. A la demande du gouvernement, l’UNICEF a appuyé en 2011 une étude évaluative sur la mise en œuvre de ces mesures de gratuité120. 3.2.2.Structure du système éducatif Au Congo, la gestion du système éducatif est assurée par trois départements ministériels : le ministère de l’Enseignement primaire et secondaire, chargé de l’Alphabétisation (MEPSA), le ministère de l’Enseignement technique et professionnel, de la formation qualifiante et de l'emploi (METPFQEFQE) et le ministère de l’Enseignement supérieur MES). Le système éducatif national formel est organisé en trois principaux paliers. L’enseignement préscolaire reste embryonnaire et accueille les enfants âgés de 3 à 5 ans. L’enseignement primaire comprend 6 années d’études et reçoit les élèves âgés théoriquement de 6 à 11 ans. Il est sanctionné, à son terme, par le certificat d’études primaires élémentaires (CEPE). Le niveau est composé d’un cycle d’éveil (CP1, CP2 et CE1) et d’un cycle de fixation (CE2, CM1 et CM2). Un concours d’entrée en

Rapport d’état sur le système éducatif national, RESEN, Congo/UNESCO/Banque mondiale, 2007. Etat des lieux des frais liés à l’éducation, analyse des conséquences de la gratuité, IIPE, juillet 2011. Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité

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sixième autorise le passage au secondaire. L’enseignement secondaire offre des formations générale et technique. Le secondaire général comprend deux cycles : le premier, composé de 4 années d’études, est sanctionné par le brevet d’études du premier cycle (BEPC); le second, d’une durée de 3 années, est sanctionné par le baccalauréat. Le MEPSA gère également le système non formel, qui concerne l’alphabétisation et la rescolarisation. L’offre consiste dans un cycle de rattrapage et de remise à niveau des enfants et adolescents déscolarisés et analphabètes en vue de leur insertion ou réinsertion au cycle formel. Au niveau du METPFQE, l’enseignement technique et professionnel est structuré en premier et second cycles. Le premier cycle regroupe les collèges d’enseignement technique121; ces établissements reçoivent des apprenants du niveau de la classe de 5ème de l’enseignement secondaire général, pour deux années de formation sanctionnées par un brevet d’études techniques (BET). Le second cycle regroupe les lycées d’enseignement technique (qui reçoivent des apprenants titulaires du BEPC ou du BET, pour trois années sanctionnées par un baccalauréat technique) et des écoles de formation pro-

121

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fessionnelle (qui reçoivent, à des degrés divers, les titulaires du BEPC, du baccalauréat et les fonctionnaires en quête de perfectionnement selon leur spécialité, pour des formations de deux à quatre années sanctionnées par un diplôme professionnel). L’enseignement supérieur, quant à lui, comprend des formations diversifiées dont la durée varie de 2 à 7 années. Ces formations sont organisées principalement sous la tutelle du ministère de l’Enseignement supérieur, mais d’autres formations plus spécifiques sont organisées par d’autres ministères techniques. L’enseignement supérieur public est dispensé à l’Université Marien Ngouabi, qui compte onze établissements, dont cinq facultés, trois écoles et trois instituts. En ce qui concerne les enseignants, la formation des instituteurs est assurée par les écoles normales d’instituteurs (ENI) relevant du ministère de l’Enseignement technique et professionnel de la formation qualifiante et de l'emploi. Les ENI recrutent des titulaires du baccalauréat sur concours, pour une formation initiale de deux ans, et des instituteurs adjoints pour un recyclage. Elles délivrent le certificat de fin d’études des écoles normales (CFEEN) aux instituteurs du primaire, du préscolaire ou des arts ménagers.

Les anciens « centres de métiers » ont tous été fermés, dont les derniers en 2006.

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3.3. ETAT DES LIEUX ET ANALYSE DES DISPARITES Les principales sources des données sur l’éducation utilisées dans la présente étude sont : • les documents de stratégie, • les annuaires des ministères concernés, • l’Analyse secondaire de l’annuaire statistique du MEPSA122, produite avec l’appui de l’UNICEF, • l’étude ménages ECOM, • les rapports RESEN et PASEC (surtout pour les aspects qualitatifs), diverses études et évaluations, notamment concernant la gratuité de l’éducation, les populations autochtones et les intrants essentiels de l’éducation. La production de données statistiques de qualité dans le secteur de l’éducation n’est pas encore assurée au Congo, comme l’a établi un récent document sur le sujet123: cette étude a examiné six dimensions de l’appareil statistique du secteur de l’éducation, à savoir les conditions préalables à la qualité statistique, l’intégrité, la robustesse, l’utilité statistique ainsi que l’accessibilité et la fiabilité/ exactitude des données. Le score global de 19%, sur l’ensemble des six dimensions étudiées reflète le manque de capacités nationales qui permettraient de hisser l’appareil statistique de l’éducation au niveau des standards internationaux. Les scores sont particulièrement faibles en ce qui concerne l’utilité statistique – qui concerne notamment le respect d’une périodicité appropriée et la mise à jour régulière des données (7%), l’accessibilité (12%), la fiabilité et l’intégrité statistique (14%). Par ailleurs, si le manque d’études récentes concernant le secteur de l’éducation a en partie été comblé par l’Analyse secondaire des données du MEPSA réalisée en 2013, certaines problématiques clés, qui entravent l’atteinte des OMD 2 et 3, n’ont toujours pas été explorées en profondeur. A ce titre, il serait souhaitable de réaliser une étude spécifique, sur la base de données quantitatives et qualitatives, concernant les déterminants de l’exclusion scolaire et les moyens de développer une politique inclusive au Congo.

3.3.1.Evolution des effectifs : croissance et fortes pressions sur le système Selon les projections disponibles124, le système éducatif devrait subir une forte pression dans les années à venir du fait de l’augmentation de la population d’âge scolaire. - au préscolaire, les effectifs devraient doubler entre 2007 et 2020, passant de 6 306 à 13 000 dans le secteur public et de 25 323 à 47 750 dans le privé ; dans les structures préscolaires communautaires, les effectifs devraient connaître une forte expansion, de 884 en 2008 à 80 000 en 2020 ; - au primaire, les effectifs devraient croître de près de 50% entre 2007 et 2020, passant de 621 700 à 926 600 ; - au collège (secondaire premier cycle), les effectifs devraient croître de 62% entre 2007 et 2020, passant de 201 300 à 326 500 ; L’analyse des données statistiques nationales montre que les effectifs du préscolaire ont augmenté très rapidement au cours des dernières années : + 70% entre 2004-2005 et 2008-2009. Dans les autres cycles, les effectifs ont augmenté de 10% entre 2004-2005 et 2008-2009 au primaire, de 8% au collège et 54% au lycée. Selon le MEPSA, la croissance « anormale » des effectifs au lycée est liée aux entrées parallèles et tardives des élèves qui avaient abandonné leurs études pour diverses raisons et qui les reprennent en vue d’obtenir le baccalauréat et de s’ouvrir de meilleures perspectives d’emploi. Il faut noter que malgré tout le taux de couverture au lycée demeure bas. Il est de l’ordre de 27%. Sur l’ensemble de la période, l’augmentation des effectifs dans le préscolaire et le primaire a été absorbée en grande partie par le secteur privé, qui a connu un développement important au cours des dernières années. Dans le primaire, les écoles publiques ont enregistré une légère décroissance de leurs effectifs entre 2004-2005

Analyse secondaire de l’annuaire statistique du MEPSA (avant-draft final), MEPSA-UNICEF, décembre 2013. Cette étude a été produite par une équipe de quatre consultants nationaux en vue faire une analyse critique de la méthodologie actuelle d’élaboration de l’annuaire du MEPSA et proposer des améliorations pour l’avenir et produire une analyse secondaire des données de 2005 à 2011. 123 Analyse des aspects qualitatifs du système statistique pour le secteur de l’éducation au Congo, UNESCO/BREDA, 2010. 124 Projet de Stratégie sectorielle de l’éducation au Congo, 2010. 122

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et 2008-2009 alors que ceux du privé ont augmenté de 40% durant la même période, selon les données gouvernementales125 . Toutefois, la tendance semble s’inverser depuis deux ans : les effectifs du public repartent à la hausse alors que ceux du privé amorcent un recul (-3% entre 2009-2010 et 2010-2011). En moyenne en 2010-2011 selon les données du MEPSA, le secteur privé accueille deux enfants sur trois au préscolaire, un enfant sur trois dans le primaire et au collège et moins d’un adolescent sur 10 au lycée.

Le nombre total d’établissements scolaires a fortement augmenté au cours des dernières années, passant d’un total de 3 893 en 2003-2004 à 5 322 en 2010-2011. C’est dans le préscolaire et le secondaire 1er cycle que le nombre d’établissements a augmenté le plus rapidement. Une grande partie de ces investissements a été consentie par le secteur privé. De plus, le gouvernement s’est engagé à partir de 2003 dans un programme de réhabilitation et de construction d’infrastructures scolaires, avec l’appui de la Banque mondiale126.

Tableau 17 : Evolution du nombre d’établissements par cycle entre 2004 et 2011 Secteur

Préscolaire

Primaire

Collège

Lycée

Total

Total

Privé

Total

Privé

Total

Privé

Total

Privé

Total

Privé

2003-2004

469

384

2652

846

696

411

76

43

3893

1684

2010-2011

804

703

3365

1480

1047

739

106

69

5322

2991

Source : MEPSA.

Quant aux effectifs du personnel enseignant, ils ont également connu une forte croissance entre 2003-2004 et 2010-2011, passant de 23 233 à 32 782 respectivement, soit une croissance de 41% en huit ans. La proportion d’enseignants du privé est restée stable au cours de la période, autour de 48% du total. Au cours des dernières années, de nombreux enseignants bénévoles ou volontaires ont travaillé dans les établissements publics de manière à combler l’absence d’enseignants titulaires dans de nombreuses écoles. En 2003-2004, un enseignant sur trois était bénévole ou volontaire au primaire et un sur cinq au collège. La situation a considérablement évolué à partir de 2009, où la part de ces enseignants dans les effectifs totaux a commencé à chuter. Selon les données du MEPSA, les ensei-

gnants bénévoles et volontaires ont totalement disparu du primaire en 2010-2011 et ne représentent plus que 7% du corps enseignant au collège. 3.3.2.Accès à la scolarisation 3.3.2.1.Education préscolaire : un privilège d’enfants urbains L’offre d’éducation préscolaire pour les enfants de 3 à 5 ans est largement dominée et tirée par le secteur privé, qui encadre 71% des effectifs scolarisés et compte 87% des centres préscolaires du pays. Le secteur public se développe très lentement, seulement deux établissements préscolaires par an ayant été construits depuis 1960.

Graphique 52 : Répartition du nombre d’établissements préscolaires publics et privés selon le milieu de résidence

Source : DEP/MEPSA 125 126

118

Annuaire statistique du Congo 2009, CNSEE, République du Congo. Rapport national de progrès vers l’atteinte des OMD, République du Congo, avril 2010.

Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité


Malgré la forte croissance des effectifs, qui ont doublé entre 2005 et 2011 (de 23 320 à 46 370 enfants), le taux de couverture de la population d’âge préscolaire reste faible, se limitant à moins de 15% en 2011selon le MEPSA. Il est légèrement plus élevé pour les filles que pour les garçons, avec un indice de parité de 1,08 en 2011. A ce jour, l’éducation préscolaire reste réservée à une élite d’enfants vivant en milieu urbain. En 2011, quelque 81% des enfants préscolarisés vivent ainsi à Brazzaville (27%) et à Pointe-Noire (54%). De plus, l’offre étant payante aussi bien dans les structures publiques que privées, l’éducation préscolaire est réservée aux enfants bénéficiant d’un certain niveau de bien-être économique. Selon les analyses institutionnelles, l’éducation préscolaire est confrontée aux problèmes suivants: - l’insuffisance des ressources financières et matérielles allouées à l’éducation préscolaire, qui n’est pas concernée par la gratuité scolaire; - l’insuffisance des équipements et des supports didactiques; - l’inadaptation des objectifs, des contenus et des méthodes d’éducation par rapport aux besoins affectifs, psychomoteurs et intellectuels des enfants; - l’inadaptation des centres d’éducation préscolaire au milieu socioculturel où ils sont implantés; - l’insuffisance de la formation des éducateurs des écoles privées et le manque de formation continue des éducateurs du secteur public; - la non prise en compte du développement holistique intégrant les volets santé, nutrition et éducation; - l’absence de synergie des différentes interventions des ministères impliqués dans le développement de la petite enfance; - l’insuffisance de qualification des personnels chargés de la petite enfance127.

127 128

Récemment, un secteur préscolaire communautaire a commencé à émerger. En 2011, on comptait quatre centres d’éveil communautaire (CEC) dans le pays et 36 autres CEC devraient être créés dans les années à venir en coopération avec l’UNICEF et le Japon. Gérés par des animatrices et financés par des activités génératrices de revenus (AGR) créées par la communauté, les CEC pourraient contribuer à combler le déficit d’infrastructures préscolaires en milieu rural. Le faible développement actuel du préscolaire au Congo est d’autant plus regrettable que les études diagnostiques du programme d’analyse des systèmes éducatifs de la CONFEMEN (PASEC) ont démontré que l’éducation préscolaire avait un effet positif avéré sur les acquisitions au primaire. En effet, les élèves ayant fait la maternelle redoublent deux fois moins que les autres. Une redéfinition des priorités s’impose donc pour favoriser l’expansion de ce système, qui compte parmi les facteurs d’efficacité des apprentissages au niveau du cycle primaire. 3.3.2.2. Education primaire : accès quasi-universel mais forte déperdition Pour tenir ses engagements et réaliser l’OMD 2, le Congo devrait porter le taux net de scolarisation dans le primaire ainsi que le taux d’achèvement du cycle à 100% en 2015. Selon le rapport national sur les objectifs du millénaire pour le développement, l’OMD 2 concernant l’accès à l’éducation primaire universel est « à portée de main »du Congo. Toutefois, il souligne que la question de l’accès à l’éducation des populations autochtones et de l’insertion des enfants non scolarisés et déscolarisés dans le système reste à résoudre128. Une forte croissance de l’admission et des taux bruts de scolarisation Le Congo a atteint un niveau d’accès quasi-universel à l’éducation primaire. En effet, le taux brut d’admission (TBA) à la première année du primaire est passé de 78% en 2005 à 118% en 2011 : le TBA est supérieur à 100% dans tous les départements du pays. Il affiche la valeur la plus basse dans le Cuvette et la Sangha (102%) et la plus haute dans le Pool (144%).

Plan national de développement 2012-2016, République du Congo. Rapport national de progrès vers l’atteinte des OMD, République du Congo, avril 2010. Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité

119


Graphique 53 : Tendance du taux brut d’admission au primaire de 2005 à 2011

Source : DEP/MEPSA

Un déficit de parité est observé chez les filles dès l’entrée au primaire avec un indice national de 0,98. Ce déficit est particulièrement marqué dans les départements des Plateaux (0,80) et du Kouilou (0,89). Les taux bruts de scolarisation (TBS) élevés au primaire traduisent la capacité théorique du système éducatif congolais d’accueillir tous les enfants en âge de fréquenter l’école primaire (6-11 ans).

Le TBS national est passé de 106% en 2005 à 123% en 2011. Cette forte augmentation est associée à un important taux de redoublement : l’école primaire accueille ainsi de nombreux enfants qui ont dépassé l’âge de s’y trouver. Selon l’analyse secondaire des données129, le TBS national en 2011 ne serait que 95% si le système n’avait pas connu de redoublement.

Graphique 54 : Tendance du taux brut de scolarisation au primaire de 2005 à 2011

Source : DEP/MEPSA

Tous les départements du pays ont la capacité théorique de scolariser les enfants en âge d’aller au primaire : les TBS en 2011 varient, selon les départements, de 141% dans le Niari à 110% dans la Likouala. Les disparités de genre au primaire se sont fortement réduites, avec un indice de parité de 0,97 en 2011 contre 0,93 en 2005. En effet, entre 2005 et 2011, le TBS des filles a augmenté plus vite que celui des garçons. 129

120

L’IP dans le primaire au Congo se situe ainsi au-dessus de la moyenne pour l’Afrique subsaharienne (0,93 selon l’UNESCO). Les inégalités de genre au primaire se réduisent partout mais varient selon les départements. Alors qu’elles semblent jugulées dans certaines régions, elles persistent ailleurs, notamment dans les Plateaux (0,92) ; le Pool (0,93) et le Kouilou (0,94).

Analyse secondaire de l’annuaire statistique du MEPSA (avant-draft final), MEPSA-UNICEF, décembre 2013.

Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité


Graphique 55 : Indice de parité au primaire en 2011

Source : DEP/MEPSA

Selon les analyses nationales existantes, les progrès réalisés en matière de couverture scolaire au primaire seraient associés au renforcement de l’offre du fait de : • l’instauration de la gratuité scolaire à partir de 2007, • le recrutement de milliers d’enseignants depuis 2002, • la motivation des enseignants par l’octroi de primes, • le remplacement progressif des enseignants volontaires, • l’appui des partenaires de la coopération internationale. Des taux nets de scolarisation dans le primaire qui progressent lentement En l’absence de données du MEPSA concernant les taux

nets de scolarisation (TNS) dans le primaire, la présente analyse utilise les données des enquêtes ménages ECOM130. Les TNS fournissent une mesure plus précise de l’étendue de la participation à un niveau donné d’éducation des enfants appartenant au groupe officiellement en âge de fréquenter ce niveau (6-11 ans au primaire). Selon l’ECOM, le TNS au primaire a progressé moins vite que le TBS. Il serait passé de 87% en 2005 à 90% en 2011. Les disparités entre les départements sont relativement importantes : 9 points séparent les départements les mieux lotis (Pointe-Noire, Brazzaville et la Cuvette avec 91%) des plus mal placés : la Sangha (82%), la Likouala (84%) et la Lékoumou (85%).

Graphique 56 : Taux net de scolarisation au primaire selon le département en 2011

Source : ECOM II (2011)

130

Deuxième enquête congolaise auprès des ménages, Rapport d’analyse du volet QUIBB, République du Congo, octobre 2011. Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité

121


Les données désagrégées par quintile de bien-être ne sont pas disponibles dans l’ECOM mais l’étude a permis de repérer des écarts entre différents groupes socioéconomiques. Les enfants de parents salariés ont des TNS supérieurs (92%) aux enfants dont les parents sont employés ou chômeurs (86% et 87% respectivement). En revanche, aucun écart de genre n’est enregistré au niveau des TNS dans le primaire. Entre 2005 et 2011, le TNS des filles a augmenté un peu plus rapidement que celui des garçons et l’a rattrapé : il est passé de 86% à 89% (contre une progression de 87% à 89% pour les garçons), selon l’ECOM. Baisse de qualité de l’éducation : faible efficacité interne du système et acquis limités des élèves Comme l’explique l’étude RESEN de 2007, l’analyse en termes d’efficacité interne regarde ce qui se passe à l’intérieur des différents cycles scolaires selon deux perspectives complémentaires : d’un côté, en examinant les flux d’élèves, redoublements et abandons et, de l’autre côté, en examinant les résultats tangibles des processus éducatifs mis en place, à savoir les acquisitions des élèves.

Un taux de redoublement trop élevé Les taux de redoublement induisent un gaspillage important puisque l’Etat et les familles doivent utiliser le double ou le triple de ressources pour valider une année d’études. Selon une récente publication, les familles congolaises « peuvent estimer que le redoublement imposé à leur enfant est un échec scolaire et qu’il est inutile de le scolariser plus longtemps ». Cet impact négatif du redoublement « est encore plus fort lorsque la demande de scolarisation est plus faible (scolarisation des filles, minorités et enfants économiquement défavorisés) »131. Au Congo, le taux de redoublement a fortement baissé au cours de la dernière décennie mais reste très élevé, à 20% en 2010132. Il est un peu plus fort chez les garçons que chez les filles. Le taux de redoublement est particulièrement élevé au CE1, classe réputée difficile et qualifiée de « goulot d’étranglement » du cycle primaire.

Tableau 18 : Taux de redoublement dans le primaire entre 2005 et 2010

Garçons Filles Ensemble

2005 30 26 28

2006 26 24 25

2007 26 24 25

2008 25 24 24

2009 21 20 21

2010 21 19 20

Source : Institut statistique de l’UNESCO.

Comparé à des pays ayant un niveau de développement similaire ou moindre, le système éducatif congolais se classe parmi les plus enclins au redoublement, aussi bien au niveau du cycle primaire que du cycle secondaire. Parce qu’il décourage les apprenants et renchérit les coûts pour les familles, le taux de redoublement élevé participe, avec d’autres facteurs, à l’abandon scolaire important observé au primaire. Un abandon scolaire alarmant Selon les données du MEPSA, le taux de rétention au primaire est en régression. Dans les conditions actuelles de scolarisation, sur 100 élèves entrant au primaire, seulement 73 arrivent à terminer un cycle primaire complet en 2011, contre 87 en 2005.

131 132

122

Les disparités selon les régions sont importantes. Un enfant vivant dans la Cuvette-Ouest a deux fois moins de chances de terminer le cycle primaire que ses camarades de Brazzaville, de Pointe-Noire, de la Likouala et de la Sangha. Les taux de rétention sont également très bas dans la Lékoumou et les Plateaux. Les forts taux d’abandon dans les départements les moins favorisés pourraient être liés, en partie, à la proportion élevée d’écoles à cycle incomplet (3 classes au lieu de 6), qui pose la question de la continuité scolaire. En effet, les écoles à trois classes obligent à des pratiques de double vacation, double flux, auxquels les enseignants ne sont pas nécessairement préparés. Il s’en suit une faiblesse du niveau d’encadrement et la démotivation de l’apprenant. Dans d’autres cas, l’abandon élevé peut être lié aux distances importantes que l’enfant doit parcourir pour accéder à l’école.

Sur la voie de la réalisation des OMD, synthèse des expériences pays recueillies à travers le monde, PNUD, juin 2010. Pour mémoire, la valeur de 10% de proportion de redoublants dans le système a été retenue dans le cadre indicatif de l’initiative Fast-Track.

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Tableau 19 : Taux de rétention dans le primaire se- Dans les écoles, les enfants autochtones souffrent de la discrimination. Comme le souligne une récente étude134, lon les départements en 2011 Département

Taux de rétention

Cuvette

87

Kouilou

83

Sangha

80

Likouala

80

Pointe-Noire

78

Brazzaville

77

Moyenne nationale

73

Bouenza

70

Niari

66

Pool

58

Plateaux

52

Lékoumou

50

Cuvette-Ouest

38

Source : MEPSA, 2012.

En moyenne nationale, les filles ont les mêmes probabilités que les garçons d’achever le primaire. Mais ce constat ne s’applique pas à certains départements comme les Plateaux, la Lékoumou ou Pointe-Noire, où les filles restent défavorisées. A noter que dans d’autres départements comme le Kouilou, la Cuvette-Ouest ou le Niari, ce sont au contraire les garçons qui sont défavorisés en matière de rétention au primaire. Les enfants les plus vulnérables victimes de l’exclusion scolaire Les données nationales sur l’éducation ne permettent pas de réaliser des analyses fines par catégories de population et laissent dans l’ombre les graves iniquités dont sont victimes les enfants et les jeunes les plus vulnérables. Bien qu’encore faiblement documentées, ces questions commencent à être mises en lumière grâce à quelques études réalisées par l’UNICEF, la Banque mondiale et des organisations de la société civile. Enfants autochtones Selon les données du recensement de 2007, le taux net de scolarisation primaire des enfants autochtones de 6 à 11 ans est de 44%, soit deux fois moins élevé que celui de l’ensemble des enfants de cette classe d’âge. De plus, moins de 4% des élèves autochtones se trouvent dans l’enseignement secondaire et il n’y aurait aucun autochtone dans l’enseignement supérieur133 en 2007.

les insultes proférées à leur encontre par les enseignants ainsi que la violence physique et les brimades que leur infligent certains élèves bantous représentent la principale raison qui les maintient éloignés de l’école. Le programme PRAEBASE financé par la Banque mondiale et mis en œuvre dans le cadre de la coopération entre le Congo et le PNUD a tenté de limiter le phénomène mais sans grand succès. De plus, les rythmes, les curricula et l’environnement scolaires ne sont pas adaptés au mode de vie semi-nomade et à la culture des autochtones. Selon la même étude, la demande d’éducation formelle dans les communautés autochtones est également limitée. L’école est perçue comme un moyen d’acquérir des compétences de base en calcul et en lecture mais les normes éducatives autochtones sont considérées comme plus importantes dès lors que l’enfant entre dans la puberté et doit contribuer à l’entretien de sa communauté. En 2004, le Congo a inscrit dans son plan national d’éducation pour tous des actions en faveur de l’éducation des enfants autochtones. Quelques années après, il a élaboré une stratégie nationale d’éducation des populations autochtones(2007). La mise en œuvre de cette stratégie reposait, entre autres, sur la mobilisation de partenariats dynamiques. Dans ce cadre, trois organisations non gouvernementales – l’Association des pères spiritains du Congo (ASPC), l’Association générale des intervenants retraités (AGIR) et le Groupement des retraités éducateurs sans frontière(GREF) – ont lancé dans les départements de la Sangha et de la Likouala, des écoles préparatoires pour enfants autochtones, appelées ORA (Observer, Réfléchir, Agir)135. Le programme de coopération UNICEF-Congo accompagne les efforts de ces ONG depuis quelques années et a procédé récemment à l’évaluation des écoles ORA. Cette étude finalisée en juillet 2012 a notamment établi que ces écoles passerelles représentent souvent la seule opportunité pour les enfants autochtones d’accéder à la scolarisation mais qu’elles souffrent de nombreuses lacunes. Pour améliorer leur qualité et leur efficacité, l’étude recommande de les intégrer à la carte scolaire. Elles requièrent aussi une forte assistance technique et financière du gouvernement et des collectivités locales des trois départements où les populations autochtones sont les plus nombreuses, à savoir la Likouala, la Sangha et les Plateaux.

Amélioration des dépenses publiques des secteurs sociaux pour les enfants et les femmes de la République du Congo, Etat des lieux de l’action sociale au Congo, avril 2011. 134 The socio-cultural and legal patterns of organization of indigenous peoples and their impact on the implementation of the rights of women and children: a case study of the Republic of Congo, Anthroscape/UNICEF, 2012. 135 Stratégie nationale d’éducation des populations autochtones du Congo, PRAEBASE, 2008. Rapport de l’étude d’évaluation des écoles ORA dans les départements de la Likouala et de la Sangha, UNICEF/République du Congo, juillet 2012. 133

Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité

123


Enfants en situation de handicap Les enfants en situation de handicap se trouvent aussi victimes de désavantages et de discriminations qui les mettent globalement en situation de vulnérabilité, notamment en ce qui concerne la scolarisation136. L’environnement socioculturel est défavorable aux personnes en situation de handicap dans la mesure où elles sont souvent vues comme des personnes de rang inférieur ou, en raison de leur besoin de surveillance particulière, exclues des rencontres et de la vie sociale et culturelle. Les albinos, bien que n’étant pas dans une situation d’incapacité en tant que telle, souffrent souvent du même type de rejet social. Cette mise à l’écart dès l’enfance engendre souvent, à l’âge adulte, un comportement de timidité, d’isolement et de frustration. On ne dispose pas de données actualisées pour 2011 mais le recensement de 2007 a mis en lumière les désavantages des personnes en situation de handicap en termes de scolarisation et d’alphabétisation. Le taux d’analphabétisme est presque trois fois plus élevé dans la population en situation de handicap (30%) que dans la population sans handicap (11%). De même, en 2007, le taux net de scolarisation dans le primaire était plus bas chez les enfants en situation de handicap (52%) que dans le reste de la population (81%). De fait, la capacité d’accueil des enfants en situation de handicap dans des établissements éducatifs spécialisés est très limitée. Dans l’ensemble, ils couvrent à peine 2 000 à 3 000 enfants handicapés, par rapport à un total estimé de 100 000 enfants en situation de handicap au niveau national, selon les estimations livrées en 2007 par le ministère des Affaires sociales. Toutes ces institutions se trouvent à Brazzaville ou à Pointe-Noire. La plupart ont été créés par des acteurs non gouvernementaux dans les années 1970 à 1990 et quelques-unes reçoivent un financement partiel de l’Etat. Plusieurs de ces établissements connaissent des difficultés de fonctionnement en raison de contraintes financières et du manque d’équipements, de matériels et de personnel technique qualifié. Par ailleurs, le système de l’enseignement national ne dispose pas des outils ni des capacités nécessaires pour intégrer les enfants en situation de handicap. Les enseignants ne sont pas préparés à les accueillir, les approches pédagogiques ne sont pas adaptées à leurs besoins et l’environnement physique et social n’est pas organisé de manière à faciliter leur accès et leur intégration. En 2011, le MEPSA a entamé une réflexion sur l’école inclusive au Congo et recommande désormais que des actions stratégiques soient développées en faveur de l’éducation inclusive. Toutefois, ces recommandations n’ont pas encore trouvé de traduction concrète. 136 137

124

Faibles acquis et fortes disparités dans la rétention des apprentissages L’un de indicateurs utilisés pour évaluer la qualité de l’éducation est l’accroissement de la proportion d’alphabétisés selon le nombre d’années passées à l’école. Si l’on en croit les données disponibles, l’accès à l’école primaire s’est beaucoup amélioré sur le plan quantitatif mais le système ne parvient pas à assurer un service satisfaisant sur le plan qualitatif, en particulier au niveau du secteur public. Selon l’étude RESEN, le véritable « décollage » en ce qui concerne l’acquisition de la lecture se fait après cinq années de scolarisation. En effet, après quatre années, seulement 27% des personnes interrogées savent lire avec ou sans difficultés et 4% peuvent lire aisément. Pour les mêmes catégories, cette proportion passe respectivement à un peu plus de 49% (soit environ un adulte sur deux) et à 9% (soit un sur dix) après cinq années de scolarisation. Avec six années, deux adultes sur trois lisent avec ou sans difficultés. Dans l’ensemble, c’est plutôt la fin du première cycle de l’enseignement secondaire qu’il faut cibler pour atteindre une rétention universelle de l’alphabétisation à l’âge adulte au Congo. Selon l’étude, ce résultat est « relativement faible au regard de la situation dans des pays d’Afrique subsaharienne comparables ». L’étude PASEC de 2009137 confirme ce diagnostic. En effet, une grande partie des élèves congolais du primaire semblent en échec scolaire : 28% d’entre eux ont un score inférieur à 25/100 au test PASEC de fin d’année. De plus, en cinquième année du primaire, le Congo se retrouve parmi les pays où la majorité des élèves ont un score inférieur au score médian de français et de mathématiques, donc proche des pays comme le Bénin et le Tchad, dont les scores sont les plus faibles. De même, le rapport met en lumière de fortes disparités dans la rétention des apprentissages et les acquis des élèves, qui varient en fonction du niveau de vie, de la catégorie d’écoles fréquentées, du département et du milieu de résidence. Sans surprise, les résultats des élèves sont meilleurs s’ils sont issus d’un milieu aisé que s’ils vivent dans un ménage défavorisé et s’ils fréquentent une école privée plutôt que publique. De même, les élèves vivant à Brazzaville ont de meilleurs scores que ceux de tous les autres départements et les enfants du milieu urbain réussissent mieux que ceux du milieu rural. En revanche, le genre ne semble pas être un facteur discriminant dans les résultats des élèves. Les résultats de cette évaluation interpellent le système à plusieurs niveaux, en particulier : - la formation initiale et continue des personnels enseignants,

Amélioration des dépenses publiques des secteurs sociaux pour les enfants et les femmes de la République du Congo, Etat des lieux de l’action sociale au Congo, avril 2011. Rapport PASEC Congo-Brazzaville, L’enseignement primaire au Congo à la recherche de la qualité et de l’équité, 2009.

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- la pertinence des curricula, - la disponibilité des matériels didactiques et scolaires de base, - la gouvernance du système. 3.3.2.3.Enseignement secondaire premier degré Selon le MEPSA, le taux de transition du primaire au collège est de 66%138 mais le taux brut d’admission affiche dix points de moins (56%), ce qui illustre la faible capacité du collège d’absorber les effectifs. Suite à la massification de l’éducation primaire, le premier degré du secondaire connaît une explosion des effectifs, à laquelle le système n’est pas apte à répondre.

Le sous-dimensionnement de l’offre au niveau des collèges apparaît particulièrement dommageable dans les départements qui affichent de bonnes performances en termes de rétention au primaire (plus de 80%) mais des taux bas d’admission au collège, notamment le Kouilou (32%), la Likouala (38%), la Cuvette (40%) et la Sangha (51%). A l’inverse, Pointe-Noire, où le taux de rétention est moyen, affiche un taux d’admission au collège de 91%, notamment grâce à l’importance de l’offre dans le secteur privé. Des taux bruts de scolarisation au collège en faible hausse Au collège, le taux brut scolarisation a progressé au cours des dernières années, de 58% en 2005 à 65% en 2011.

Graphique 57 : Tendance du taux brut de scolarisation au collège selon le genre entre 2005 et 2011

Source : MEPSA.

Les disparités sont plus marquées au collège qu’au primaire. Entre les départements, un écart de 40 points sépare les plus performants en termes de couverture scolaire (PointeNoire : 96% et Cuvette-Ouest : 77%) des plus défavorisés (Likouala : 33% et Lékoumou : 36% et Cuvette : 38%). Les disparités de genre se sont contractées entre 2005 et 2011, avec un indice de parité passé de 0,88 à 0,94, mais restent plus marquées qu’au primaire. De plus, elles sont encore très fortes dans certains départements, notamment le Kouilou et les Plateaux, alors que Brazzaville a atteint la parité au collège, selon le MEPSA. Une forte rétention au cycle collégial Selon les données du MEPSA, plus de neuf collégiens sur dix parviennent à achever le cycle secondaire premier degré (91%). L’amélioration du taux de rétention au niveau national est surtout imputable aux départements de la Lékoumou, du Niari et de Brazzaville. En revanche, le taux de rétention au collège reste très bas dans la CuvetteOuest. On remarque également de fortes disparités selon le 138

genre dans certains départements. Le déficit de parité en termes de rétention au collège est très marqué dans la Lékoumou. Il est également notable dans la Sangha, la Bouenza et la Cuvette-Ouest. 3.3.2.4.Enseignement secondaire deuxième degré Alors que le taux de transition du collège au lycée est relativement élevé (64%), l’admission au lycée plafonne à 24% en 2011, ce qui signale une forte baisse de la demande d’éducation dans ce cycle, qui n’est pas concerné par les mesures de gratuité. Les taux d’admission au lycée les plus faibles sont observés dans les départements du Kouilou et du Pool (7%) et les plus élevés à Pointe-Noire (44%) et dans le Niari (36%). Ils sont beaucoup plus élevés chez les garçons que chez les filles, qui sont nombreuses à avoir déjà commencé leur vie féconde à l’âge d’aller au lycée. Plafonnement des taux brut de scolarisation et fort déficit de parité au lycée Depuis 2005, le taux de couverture au lycée évolue très lentement. En 2011, le TBS a même baissé : il se situe à 27% contre 29% en 2010.

Ce taux de transition est supérieur à la cible de 60% qui avait été fixée dans le cadre de la stratégie sectorielle afin de limiter la pression des effectifs au collège et d’accroître l’efficacité de l’éducation secondaire. Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité

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Graphique 58 : Tendance du taux brut de scolarisation au lycée selon le genre entre2005 et 2011

Source : MEPSA.

Après s’être creusées tout au long du parcours scolaire, les disparités de genre atteignent des niveaux très importants au lycée, avec un indice de parité de 0,68. Des progrès importants ont cependant été accomplis, puisque l’indice de parité se limitait à 0,26 en 2005. A signaler également: les filles en 2011 ont 20% de chances en moins que les garçons d’achever le lycée. Comme le signale le Plan national de développement, comparé à d’autres pays, le taux de scolarisation au secondaire au Congo reste faible. L’inefficacité du système préoccupe le gouvernement car, un taux relativement bas signifie un capital humain en nombre et en qualité moins apte à absorber les nouvelles technologies, à accroître la productivité et à contribuer à la modernisation de l’économie. Etant donné la faible taille de sa population, le gouvernement devra cibler la scolarisation universelle tant au primaire qu’au secondaire. Selon le Plan national de développement, l’enseignement secondaire est confronté aux problèmes suivants : - la vétusté des établissements; - l’insuffisance des structures d’accueil, particulièrement dans les zones urbaines; - l’absence et/ou le sous-équipement des laboratoires dans la quasi-totalité des établissements, d’où le caractère théorique des enseignements des sciences dispensés aux élèves; - le déficit en personnel enseignant, notamment dans les disciplines scientifiques; - la qualification insuffisante des enseignants; - l’utilisation excessive de personnels d’appui (non enseignants dans les établissements) d’où le recours aux vacataires, prestataires et bénévoles. 3.3.2.5.Enseignement technique et professionnel L’enseignement technique et la formation professionnelle sont essentiels pour contribuer au renforcement 139

126

du capital humain. Ils complètent l’enseignement de base, font le pont avec les besoins de l’économie et préparent les jeunes à intégrer le marché du travail. Dans la pratique, les autorités reconnaissent que les efforts ont été relativement insuffisants et les résultats très en-deçà des attentes139. Le sous-secteur de l’enseignement technique et professionnel (ETP) connaît encore des faiblesses, dans son fonctionnement et dans ses résultats. Il compte à peine 74 établissements (dont plus de 60% sont concentrés à Brazzaville et PointeNoire) et 2 344 enseignants fonctionnaires. Il représente 10% des effectifs au collège et 37% des lycéens. En raison des faibles capacités d’accueil de son réseau d’établissements, l’ETP n’est pas en mesure de répondre aux besoins croissants de l’économie congolaise en maind’œuvre et en techniciens qualifiés. Différents types de formations ont été organisés pour renforcer les capacités opérationnelles du secteur de l’enseignement technique et professionnel, qui a également procédé au recrutement de nouveaux enseignants, favorisant ainsi l’amélioration du ratio élèves/professeur. Toutefois, ce sous-secteur présente encore des carences et dysfonctionnements qui accentuent les difficultés et les faiblesses du système dont les plus saillantes sont : (i) l’insuffisance et l’inégale répartition des structures d’accueil; (ii) l’inégale répartition du personnel sur le territoire national; (iii) le manque d’infrastructures et d’équipements ; (iv) le personnel vieillissant et insuffisamment recyclé ; (v) la faiblesse du partenariat avec le monde du travail, les secteurs connexes et les établissements d’autres pays ; (vi) l’inadéquation des formations avec les besoins réels ; (vii) les programmes inadaptés et souvent inachevés ; (viii) l’éventail réduit des offres de formation et l’accès limité des diplômés du soussecteur à l’enseignement supérieur ; (ix) l’inadaptation de certaines filières donnant lieu à des formations sans issue ; (x) la faible sensibilisation sur le VIH-SIDA et la faible vulga-

Plan national de développement 2012-2016, République du Congo.

Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité


risation des mesures de prévention contre ce fléau. 3.3.2.6.Alphabétisation et éducation non formelle L’éducation non formelle au Congo concerne l’alphabétisation et la rescolarisation. Officiellement, la rescolarisation consiste en un cycle de rattrapage et de remise à niveau des enfants et adolescents déscolarisés en vue de leur insertion au cycle formel, professionnel ou dans les ateliers d’apprentissage. Les données concernant la rescolarisation ne sont disponibles que pour le département de Brazzaville et sont anciennes. En 2004-2005, on comptait environ 1 000 auditeurs (âgés de 8 à 14 ans, dont 5% de filles) répartis dans 12 centres. En 2003-2004, 20% des auditeurs à Brazzaville ont pu réintégrer le système formel. L’initiative est louable, mais le manque de culture dans le suivi des données, l’absence de pilotage par les résultats et la faiblesse de la couverture sont préoccupants. Dans le secteur de l’alphabétisation, le problème du manque et/ou de l’ancienneté des données se pose également. Le nombre d’auditeurs des centres d’alphabétisation a augmenté de 68% entre 1993-1994 et 2003-

2004, passant de 4 100 auditeurs à 6 900 respectivement. L’offre est inégalement répartie sur le territoire. En 2004, le département de Brazzaville qui abritait un quart des 160 centres d’alphabétisation existants regroupait la moitié des auditeurs. Et avec près de 20% des centres d’alphabétisation chacun, les départements du Pool et de la Cuvette-Ouest n’accueillaient respectivement que 8% et 2% des auditeurs. Hausse du niveau d’alphabétisation des jeunes de 15 à 24 ans Selon les résultats de l’ECOM, le taux d’alphabétisation global de la population est passé de 80% en 2005 à 83% en 2011. Cependant, ce taux cache de fortes disparités entre les milieux urbain (92%) et rural (63%) tandis que certaines régions sont encore plus défavorisées. Brazzaville et Pointe-Noire présentent des niveaux d’alphabétisation supérieurs à 90% (respectivement 94% et 92%), tandis que tous les autres départements ont des taux inférieurs à la moyenne nationale. Les plus faibles sont enregistrés dans la Lékoumou (58%), les Plateaux (60%) et la Cuvette-Ouest (60%).

Graphique 59 : Alphabétisation de la population selon le milieu de résidence en 2011 (%)

Source : ECOM 2 (2011).

Graphique 60 : Alphabétisation de la population selon le département de résidence en 2011 (%)

Source : ECOM 2 (2011). Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité

127


Les disparités sont importantes selon le genre. Le taux d’alphabétisation des hommes est de 90% et celui des femmes de 77%. L’écart entre les sexes s’est toutefois amoindri, par rapport à 2005, où les taux d’alphabétisation étaient de 89% chez les hommes et 73% chez les femmes. Quel que soit le sexe, les taux décroissent au fur et à mesure que l’âge augmente. Cette décrue est très forte à partir de 40 ans chez les femmes et de 50 ans chez les hommes. Toujours selon l’ECOM, le taux d’alphabétisation des jeunes est supérieur de 8 points à celui de la population globale, à près de 91%.

Les jeunes filles rurales défavorisées Les jeunes du milieu rural apparaissent largement défavorisés, avec un taux de 77%, contre 95% en milieu urbain. Les disparités de genre diminuent mais persistent chez les jeunes, avec un taux de 93% chez les garçons pour 89% chez les filles en 2011. Cette situation est liée au déficit de parité important en milieu rural (14 points d’écart au détriment des filles), alors que la situation est quasiment paritaire en milieu urbain.

Tableau 20 : Taux d’alphabétisation des 15-24 ans selon l’âge, le sexe et le milieu de résidence

Total 15-16 17-19 20-21 22-24

Rural 15-16 17-19 20-21 22-24

Urbain 15-16 17-19 20-21 22-24

Homme

Femme

Ensemble

93,0

88,7

90,7

93,7 93,7 91,1 92,7

91,3 89,0 86,6 87,6

92,5 91,3 88,6 89,9

84,0

70,1

76,8

86,1 85,3 83,7 78,7

80,4 72,1 62,5 66,4

83,7 79,0 70,7 71,2

95,9

94,8

95,3

96,9 96,6 93,2 96,2

94,4 94,4 96,4 94,4

95,6 95,5 94,9 95,2

Source : ECOM 2 (2011).

3.3.2.7.Niveau de satisfaction des élèves Les forts taux et les raisons d’insatisfaction des élèves visà-vis de l’école, qui persistent malgré la baisse des coûts de la scolarisation, montrent que les problématiques liées à la qualité de l’éducation sont déterminantes. Plus des deux tiers des élèves mécontents des services éducatifs Selon l’ECOM II (2011), le taux de satisfaction vis-à-vis de l’enseignement primaire est de 31%, contre 27% en 2005.

128

Ce taux s’est amélioré en milieu urbain (39% en 2005 à 43% en 2011), alors qu’il a reculé en milieu rural (de 14% en 2005 à 11% en 2011). Les plus forts taux sont enregistrés dans les départements de Brazzaville et de Pointe-Noire (47%) et les plus bas dans les départements de la Cuvette, de la Likouala et de la Cuvette-Ouest (autour de 9%).

Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité


Graphique 61 : Taux de satisfaction au primaire par département de résidence en 2011

Source : ECOM II (2011).

Pour le secondaire (collège et lycée confondus), le taux de satisfaction est passé de 28% en 2005 à 33% en 2011. En milieu urbain, il a progressé de 32% en 2005 à 37% en 2011 tandis qu’en milieu rural, il a régressé de 15% en 2005 à 12% en 2011.

Les départements qui enregistrent les taux de satisfaction les plus élevés sont Pointe-Noire et Brazzaville (40%), tandis que la Cuvette-Ouest (8%), la Lékoumou (9%) et la Likouala (9%) présentent les taux les plus faibles.

Graphique 62 :Taux de satisfaction au secondaire par département de résidence en 2011

Source : ECOM II (2011).

Dans l’ensemble, tous cycles confondus, plus des deux tiers des élèves sont mécontents des services éducatifs. La proportion de mécontents atteint des sommets dans les départements de la Cuvette-Ouest, de la Likouala et de la Cuvette (plus de 90%). En milieu rural, près de neuf élèves sur dix sont mécontents de l’environnement scolaire et des conditions d’apprentissage, contre six élèves sur dix en milieu urbain.

Les principaux motifs de mécontentement sont : le manque de livres ou de fournitures (62%), l’absentéisme des enseignants (39%), le mauvais état des établissements (31%). Ce dernier problème se pose de façon aiguë en milieu rural (62% des élèves le citent) et faiblement en milieu urbain (14%).

Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité

129


Ensemble

Autres

Effectifs pléthoriques

Absentéisme des enseignants

Mauvais état de l’établissement

Manque d’enseignants

Médiocrité de l’enseignement

Manque de livres ou fournitures

Mécontents

Tableau 21 : Répartition des élèves non satisfaits de l’école selon le milieu et le département de résidence et la raison du mécontentement en 2011 (%)

66,1

62,4

16,9

20,3

31,1

38,6

18,5

10,4

Urbain

57,7

65,6

13,4

17,7

13,5

44,3

13,7

10,9

Rural

88,6

56,8

23,0

24,8

61,7

28,6

26,8

9,5

Kouilou

85,7

50,4

17,9

37,8

55,7

11,6

20,3

8,0

Niari

77,6

62,9

20,0

22,7

35,3

43,8

22,1

12,3

Lékoumou

84,8

52,9

14,0

23,0

54,8

40,6

19,9

7,7

Bouenza

84,8

58,9

21,8

16,5

50,4

48,4

20,0

12,1

Pool

86,2

51,3

28,6

30,5

61,6

13,9

32,2

11,6

Milieu de résidence

Département de résidence

Plateaux

80,0

52,4

22,4

22,9

64,3

28,5

35,8

7,1

Cuvette

89,6

66,5

21,8

30,7

52,8

42,0

23,8

9,2

Cuvette-Ouest

90,7

65,0

6,3

15,5

48,0

13,3

12,0

4,7

Sangha

73,2

71,9

12,4

21,2

38,5

10,8

7,8

3,8

Likouala

90,1

62,2

24,5

18,7

59,3

29,0

15,3

6,6

Brazzaville

54,9

67,4

14,1

18,5

9,7

44,2

13,8

10,0

Pointe-Noire

54,2

61,2

9,9

14,7

11,2

44,9

16,2

14,4

Source : ECOM 2 (2011).

130

Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité



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Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité


3.4.Principaux problèmes

Au regard des analyses présentées et malgré les progrès, deux principaux problèmes freinent encore le Congo dans l’atteinte des OMD 2 et 3 : 1. l’exclusion scolaire et le manque d’équité du système notamment en ce qui concerne (i) le milieu rural et en particulier certains départements très marginalisés, (ii) les filles à partir du secondaire et (iii) les catégories les plus vulnérables de la population, comme les enfants autochtones et en situation de handicap; 2. la faible qualité de l’éducation, liée à une série de facteurs concernant l’environnement et les conditions d’apprentissage ainsi que la gouvernance du système. 3.4.1.Analyse causale du manque d’équité du système éducatif Causes immédiates La persistance d’importantes barrières financières Les coûts directs et indirects sont une barrière importante pour les plus démunis, en particulier dans le milieu rural où le niveau de vie des ménages est souvent bas. En effet, malgré la politique de gratuité instaurée en 2007-2008, certains coûts restent trop lourds pour les familles pauvres et nombreuses. De plus, la politique de gratuité a des limites et ne s’applique pas aux dépenses liées aux fournitures et aux livres non disponibles au sein de l’école, aux tenues scolaires, aux frais d’examens ou encore à l’alimentation de l’élève. Enfin, certains enseignants dits « bénévoles » restent à la charge des familles dans certains départements où ils sont encore nombreux. Les coûts d’opportunité sont également une barrière, surtout pour les filles qui aident aux tâches domestiques, et pour les enfants du milieu rural, qui participent activement aux travaux des champs ou à d’autres activités productives. L’enquête sur la pauvreté multidimensionnelle au Congo140 indique que la pauvreté est la première cause de non scolarisation et de déscolarisation des enfants. Selon l’étude sur les intrants essentiels (CAEC) de 2010141, même si l’enseignement est gratuit, les dépenses associées découragent et empêchent certains parents d’envoyer leurs enfants à l’école. Evaluées à 20 000 FCFA à 50 000 FCFA (40 $US-100 $US) en moyenne annuelle

pour un enfant (selon son niveau dans le primaire), elles sont difficilement supportables pour les familles à faible revenu. Selon l’étude sur la gratuité de l’éducation au Congo de 2011142, si l’Etat est le principal financeur de l’éducation de base, les parents prennent en charge les fournitures scolaires, les tenues scolaires, les frais d’examens et frais d’assurance maladie, les frais de transport et les repas de midi. En plus des manuels de calcul et de français gratuitement mis à disposition dans les écoles mais qui ne sont pas toujours disponibles en nombre suffisant, les parents d’élèves doivent acheter d’autres manuels, de géographie, sciences de la nature, etc. Ainsi en 2009/2010, pour un enfant inscrit dans une école primaire publique, un parent a déboursé en moyenne un minimum de 13 254 FCFA incluant les dépenses liées aux fournitures scolaires, à l’assurance maladie, aux frais d’examen et parfois aux charges pour les salaires des enseignants « bénévoles ». La dépense moyenne pour un enfant inscrit au collège était évaluée à 50 242 FCFA. On rappellera également que les mesures de gratuité ne s’appliquent pas au lycée, où le poids des barrières financières est donc encore plus grand. Les dépenses d’éducation sont trop importantes pour les familles disposant de faibles revenus, surtout si elles sont nombreuses et/ou monoparentales. Pour un ménage ayant un revenu inférieur à 120 000 FCFA par an, la dépense moyenne par enfant inscrit au primaire représente plus de 11% du total. Si le ménage gagne moins de 60 000FCFA par an, la dépense moyenne par enfant absorbe plus de 23% du revenu. Les déclarations des chefs de ménages et des directeurs d’établissement collectées dans le cadre de l’étude confirment que le manque de moyens financiers constitue un facteur prédominant des abandons au primaire. L’insuffisance des capacités d’accueil Alors que les taux de scolarisation augmentent, les capacités d’accueil ne suivent pas. Ce problème est particulièrement aigu en milieu rural et dans les grandes villes. L’éloignement des écoles et surtout des collèges

La pauvreté multidimensionnelle des enfants et des femmes, République du Congo/UNICEF, 2008. République du Congo, L’évaluation nationale des intrants essentiels (CAEC), UNICEF, 2010. 142 La gratuité de l’éducation au Congo, Etat des lieux des frais liés à l’éducation, analyse des conséquences de la gratuité, République du Congo/UNICEF, 2011. 140 141

Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité

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et lycées dans certains départements où les infrastructures font défaut découragent les enfants de poursuivre leur scolarité, en particulier les filles plus exposées aux agressions, aux violences sexuelles et aux grossesses précoces lorsqu’elles s’éloignent de chez elles. L’absence d’enseignants dans les zones rurales Le manque et l’absentéisme des enseignants sont des barrières importantes pour les enfants du milieu rural et certains départements difficilement accessibles comme la Likouala. L’affectation des enseignants dans les écoles publiques n’est pas orientée vers la satisfaction des besoins réels. L’administration du personnel se fait au détriment du milieu rural où le recours aux enseignants bénévoles est encore systématique pour compenser le déficit. Au cours de l’année 2011, 1 666 enseignants bénévoles ont été dénombrés au primaire, sur un effectif total de 8 438 enseignants, soit un pourcentage proche de 20%143. La discrimination et la violence La discrimination et la violence à l’égard des enfants les plus vulnérables ont été documentées, notamment dans le cadre d’une étude conduite en 2008144.Cette étude montre que les coups, les insultes et les humiliations sont monnaie courante dans les établissements scolaires et précise qu’ils s’abattent de façon encore plus fréquente et répétée sur les enfants les plus vulnérables comme les autochtones, les orphelins, les enfants en situation de handicap et les albinos. L’étude met aussi en lumière le harcèlement sexuel subi par les filles dans les établissements scolaires dès le cycle primaire. Ce harcèlement est le fait de leurs camarades et des enseignants. Comme souligné par d’autres études et enquêtes récentes, les enfants autochtones et en situation de handicap sont également la cible de violences et de brimades à l’école. Ces enfants n’ont pas d’alternative et doivent souvent renoncer à l’éducation du fait du manque de structures et de pédagogies adaptées à leurs besoins ou à leur mode de vie. Le mariage et la grossesse Comme évoqué plus haut, 13% des adolescentes de 15 ans ont commencé leur vie féconde et six filles sur dix sont enceintes ou mères de famille avant l’âge de 19 ans. Le mariage et la grossesse précoces sont des causes brutales d’interruption de la scolarité chez les filles, notamment au niveau du collège et du lycée. Ils expliquent en partie que plus l’on progresse dans les cycles et plus l’indice de parité fille-garçon diminue. Cette réalité est particulièrement présente en milieu rural, où les chances des filles d’accéder au baccalauréat sont très faibles.

La faiblesse des équipements Le manque d’accès à l’eau et surtout de latrines dans la plupart des établissements scolaires constitue un handicap pour les filles, surtout à partir de la puberté ; il renforce leur vulnérabilité à la violence sexuelle et le risque de devoir interrompre leur scolarité de façon prématurée. Causes sous-jacentes L’absence de mesures ciblant les enfants pauvres et vulnérables Comme on l’a vu, il existe des documents de stratégie visant la scolarisation des catégories d’enfants les plus vulnérables, en particulier les filles, les enfants en situation de handicap et les autochtones, mais ils ne sont pas mis en œuvre. Par ailleurs, le système n’a ni élaboré ni mis en œuvre de mesures contre la violence et le harcèlement, notamment sexuels, dans les établissements scolaires. Par ailleurs, allocations familiales, transferts en espèces, cantines et transports scolaires n’ont pas encore été institutionnalisés au Congo. Toutefois, un programme pilote en faveur des ménages les plus pauvres et vulnérables est en cours de mise en œuvre. Il consiste à opérer vers ces ménages des transferts en espèces, notamment conditionnés à la scolarisation continue des enfants. La faible gestion du personnel enseignant Une récente publication145 a montré que les aléas en matière d’affectation du personnel sont importants : dans plus de 30% des cas, la dotation des écoles publiques en personnel est aléatoire. Si l’on observe le cas des écoles qui ont un effectif compris entre 200 et 400 élèves, le nombre d’enseignants correspondant varie entre et 1 et 25 agents. De plus, l’administration scolaire fait preuve de complaisance en tolérant les refus de certains enseignants de rejoindre leur poste d’affectation ainsi que l’absentéisme. Le manque d’éducation non formelle Comme exposé plus haut, le système n’accorde pas de place à la mise en œuvre de stratégies d’éducation non formelle, qui permettraient de rescolariser, ou tout au moins d’alphabétiser, les enfants vulnérables qui décrochent prématurément. Causes structurelles La pauvreté Bien que le Congo soit considéré comme un pays à revenu intermédiaire, près de la moitié de la population vit

Analyse secondaire de l’annuaire statistique du MEPSA (avant-draft final), MEPSA-UNICEF, décembre 2013. Etude sur la violence à l’école, UNICEF/République du Congo, juillet 2008. 145 Analyse secondaire de l’annuaire statistique du MEPSA (avant-draft final), MEPSA-UNICEF, décembre 2013. 143 144

134

Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité


encore avec moins de deux dollars par jour en 2011 et ce taux approche les 75% dans le milieu rural. Le manque de capacités des ministères en charge de l’éducation Les budgets dont disposent les ministères de l’éducation ne leur permettent pas de développer l’offre scolaire et des programmes spécifiques pour les populations vulnérables et des politiques efficaces de rescolarisation et d’éducation non formelle. De plus, la lourdeur de la chaîne de dépenses existante entraîne des difficultés de décaissement des fonds alloués aux établissements scolaires. De même, les capacités humaines en termes de formation, de gestion et de suivi des politiques et des programmes ne sont pas suffisantes pour développer des systèmes relativement complexes adaptés aux besoins des enfants et catégories vulnérables. Le pilotage de la carte scolaire et du système est défaillant. Par exemple, l’administration ne dispose pas d’informations – concernant les effectifs, le personnel ou les deux – sur près de 40% des 1827 écoles publiques fonctionnelles en 2011. Au total, moins d’une centaine d’écoles présentaient des données sur le personnel administratif clairement exploitables146. La faiblesse de la demande d’éducation Les détenteurs de droits, les usagers de l’école, les élèves et les parents d’élèves, revendiquent peu leurs droits. Les« gouvernements d’enfants » dans les écoles et les« comités de gestion et de développement communautaires » (CGDC) constitués de parents autour des écoles, ont encore besoin de se consolider par la formation pour assurer leur pleine participation à la vie des écoles et au développement du système. L’exemple type des limites des capacités des détenteurs de droits à réclamer leurs droits est le RENAPAC, le réseau national des peuples autochtones du Congo pour ce qui est du droit des enfants autochtones à l’éducation. La faiblesse de la politique sociale L’absence de politique nationale de protection sociale visant les non-salariés, qui représentent l’immense majorité de la population, ne permet pas de soutenir la scolarisation des enfants issus de familles vulnérables et défavorisées. Les normes sociales Les attitudes négatives et les pratiques néfastes concernant notamment la sexualité des enfants/filles et des jeunes, les violences basées sur le genre et le statut de certaines catégories de personnes comme les autochtones et les handicapés sont des freins importants à la mise en place d’un système éducatif plus équitable. 146

Le milieu Des facteurs géographiques provoquant l’enclavement de certaines populations et la faible densité démographique constatée dans certaines régions du pays peuvent entraver la scolarisation des enfants du milieu rural. 3.4.2. Problème 2 : faible qualité de l’éducation Analyse causale La faible qualité de l’éducation peut s’expliquer par une série de facteurs liés aux conditions de scolarisation des enfants: la fréquentation de la maternelle, le redoublement, les manuels scolaires, les matériels didactiques de l’élève, les caractéristiques de l’enseignant, les caractéristiques de la classe, les caractéristiques des écoles et la gestion scolaire. Causes immédiates L’échec scolaire Le redoublement représente une barrière importante à la poursuite de la scolarité des enfants en primaire. Il pénalise les familles dans la mesure où il renchérit considérablement le coût de la scolarisation, notamment en cas de redoublements répétés. Ainsi, l’étude RESEN de 2007 insiste fortement sur la nécessité de faire baisser le taux de redoublement au primaire pour accroître le rendement de l’éducation et les chances des enfants, en particulier les plus défavorisés, d’achever le cycle. L’inadaptation de la formation pédagogique initiale et continue des enseignants La formation continue est quasi inexistante dans la gestion des personnels enseignants alors que les programmes d’enseignement sont en évolution constante. Pire, certains enseignants dits « bénévoles » exercent sans formation initiale. L’absentéisme des enseignants En l’absence de contrôle et de sanction, les enseignants ne sont pas toujours à leurs postes. De plus, malgré des conditions de rémunération jugées appréciables par rapport au niveau de vie moyen de la population, la désaffection vis-à-vis du métier d’enseignant se manifeste par des départs massifs vers les administrations, surtout celles qui présentent de plus grands avantages sociaux que l’éducation nationale. Le mauvais état des infrastructures et des équipements En dépit des efforts importants de l’Etat et des partenaires du développement (UNICEF, Banque mondiale,…) dans la réhabilitation et la construction d’écoles, de nombreux établissements n’offrent pas un cadre de vie acceptable ni sûr pour les enfants : manque de latrines,

Analyse secondaire de l’annuaire statistique du MEPSA (avant-draft final), MEPSA-UNICEF, décembre 2013. Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité

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de point d’eau, insuffisance du mobilier scolaire, etc. L’analyse de données d’enquête de 2011 montre que, bien que la notion « mauvais état » utilisée dans le questionnaire soit subjective, plus 30% des bâtiments scolaires visités, 25% des salles de classe, 6% de tables bancs et 21% des meubles de rangement seraient en mauvais état. C’est en milieu rural que les infrastructures et les équipements sont les plus dégradés. De plus, seulement un petit nombre d’écoles publiques dispose d’un point d’eau potable (12%), de l’électricité (7%) ou d’installations sportives (31%). Le ratio latrines/ école est très faible, se situant en moyenne à 2 postes de latrines par école, et 33 écoles ont déclaré ne pas disposer du tout de latrines. Le manque de matériel scolaire et didactique

de petite taille et pratiquent le système des classes multigrades. Ce type de classes a permis à de nombreux pays d’universaliser la scolarisation en milieu rural mais requiert la mise en place de mesures d’accompagnement. Or, au Congo, les conditions de succès de tels programmes, à savoir la disponibilité de matériaux pédagogiques adéquats et la formation spécifique des maîtres, ne sont pas réunies. Les violences Châtiments corporels, harcèlement et violences sexuelles : le climat dans les écoles est souvent marqué par la violence et les abus. Les châtiments corporels, la violence physique, le harcèlement et l’abus sexuels, les corvées, insultes et humiliations sont couramment pratiquées dans les établissements scolaires aussi bien par les élèves que par les enseignants. Causes sous-jacentes Les principales causes sous-jacentes de la faible qualité de l’éducation sont :

Dans le cadre de la mise en œuvre de la gratuité scolaire, l’Etat acquiert des manuels de français et de mathématiques, qu’il distribue selon un • la faiblesse des investissements dans les infrastructures ; circuit complexe affecté par une forte déperdition. Il en résulte que tous les enfants ne dis- • la mauvaise gestion et la déperdition des ressources (financements, livres, etc.) ; posent pas des livres alors que des quantités importantes de ce matériel se retrouvent stockées dans des entrepôts, soit au niveau central, • la faiblesse de la formation et le manque de déontologie ou de motivation des enseignants ; soit dans les directions départementales. • la faiblesse de l’inspection, qui ne permet pas l’en-

Toutefois, des progrès ont été accomplis au cadrement nécessaire du corps enseignant; cours des dernières années : le ratio observé en 2007 de 2 élèves/livre de lecture et de 11 Causes structurelles élèves/livre de calcul est passé à 0,5 élèves/ Le sous-financement du secteur livre de lecture et 9 élèves/livre de calcul. L’éducation représente en moyenne, selon les années, Les effectifs « pléthoriques » en milieu urbain et les classes multigrades en milieu rural Le rapport élèves/classe (63 élèves) dépasse de 13 points la norme officielle qui est de 50 élèves par classe. Il est particulièrement élevé en milieu urbain, où les écoles sont peu nombreuses. Selon les calculs, il faudrait construire plus de 2 500 salles de classe pour satisfaire à la norme147. Cette « pléthore » comme on la nomme au Congo constitue en soi une source de mauvaise qualité des apprentissages et est d’autant plus problématique que les enseignants ne sont pas formés à la pédagogie des grands groupes. Il apparaît que rien dans la formation initiale des enseignants congolais, ni encore moins dans la formation continue qui est quasi inexistante, ne les prépare à la prise en main efficace de grands nombres d’enfants. Cette impréparation de l’enseignant est une source d’inefficacité dans la conduite de la classe.

11% à 13% des dépenses courantes de l’Etat, bien loin des références du cadre de Dakar (EPT) qui recommande un niveau de financement équivalent à 20% des dépenses de l’Etat. De plus, le budget de l’éducation est presqu’entièrement consacré aux dépenses de fonctionnement, dont principalement les salaires, au détriment des investissements. Il s’en suit un niveau de délabrement avancé et de sous-équipement des infrastructures. La déconcentration des services de gestion du système avec des unités locales (directions départementales, inspections), n’a pas pour autant rendu le suivi et l’encadrement plus efficaces. Les responsables locaux manquent cruellement de moyens pour assurer leurs missions. Les contributions des partenaires du développement ne suffisent pas à combler le déficit de financement qu’il faudrait résorber pour réhabiliter les infrastructures scolaires. Le déficit de pilotage et de gestion

Au contraire, en zone rurale, des nombreuses écoles sont 147

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Analyse secondaire de l’annuaire statistique du MEPSA (avant-draft final), MEPSA-UNICEF, décembre 2013.

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La mauvaise gestion de la carte scolaire, de l’entretien des établissements et la déperdition des moyens sont des freins puissants à l’amélioration de la qualité de l’éducation au Congo. De même, la formation, le recrutement et la gestion des enseignants relèvent également des services publics. La pratique actuelle est faite de dysfonctionnement et de manque de rigueur qui sont à l’origine de déficits chroniques. Bien qu’ils soient progressivement remplacés, les enseignants dits « bénévoles » demeurent présents dans le système en 2011, notamment au collège. Enfin, les défaillances du système de collecte et de traitement des données statistiques ne permettent pas d’assurer le suivi et l’éva-

luation du système et des expériences ou projets mis en œuvre dans le cadre de la coopération internationale. La faiblesse des acteurs décentralisés La décentralisation par le transfert de compétences à l’administration locale devrait fournir l’opportunité de sortir de l’ornière mais le processus de décentralisation en cours n’est pas pleinement effectif. Les compétences financières ne sont pas toujours transférées aux collectivités locales par le niveau central. Par ailleurs, les compétences des collectivités locales dans la gestion de la carte scolaire restent à construire.

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Chapitre IV DROIT A LA PROTECTION DES ENFANTS ET DES FEMMES

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4.1. Principaux engagements du Congo Assurer la protection des enfants et des femmes/filles est une obligation essentielle pour le Congo en tant qu’Etat partie à une série d’instruments internationaux dont la CDE et ses protocoles facultatifs, la CEDEF, la Déclaration du Millénaire, les conventions 138 et 182 de l’OIT relatives au travail des enfants, les conventions de Genève sur les réfugiés et le Pacte sur les droits écono- 22), au travail (art. 32) ou en conflit avec la loi (art. 40). miques, sociaux et culturels (art. 10, para.3). En tant qu’Etat partie à la CEDEF, le Congo s’est par ailSelon l’article 19 de la CDE, l’Etat partie s’engage à leurs engagé à prendre toutes les mesures appropriées prendre« toutes les mesures législatives, administra- pour éliminer « toute distinction, exclusion ou restrictives, sociales et éducatives appropriées pour protéger tion fondée sur le sexe qui a pour effet ou pour but de l’enfant contre toute forme de violence, d’atteinte ou compromettre ou de détruire la reconnaissance, la jouisde brutalités physiques ou mentales, d’abandon ou de sance ou l’exercice par les femmes, quel que soit leur négligence, de mauvais traitements ou d’exploitation, état matrimonial, sur la base de l’égalité de l’homme et y compris la violence sexuelle, pendant qu’il est sous de la femme, des droits de l’homme et des libertés fonla garde de ses parents ou de l’un d’eux, de son ou ses damentales dans les domaines politique, économique, représentants légaux ou de toute autre personne à qui il social, culturel et civil ou dans tout autre domaine ». est confié ». Ces mesures de protection comprendront, selon qu’il conviendra, des procédures efficaces pour La CEDEF garantit ainsi le respect des droits humains l’établissement de programmes sociaux visant à fournir des femmes, qui incluent le droit à l’intégrité physique l’appui nécessaire à l’enfant et à ceux à qui il est confié, et morale. En tant qu’Etat partie à la CEDEF, le Congo ainsi que pour d’autres formes de prévention, et aux s’est aussi engagé à lutter contre les préjugés et prafins d’identification, de rapport, de renvoi, d’enquête, tiques coutumières « fondés sur l’idée de l’infériorité de traitement et de suivi pour les cas de mauvais traite- ou de la supériorité de l’un ou l’autre sexe ou d’un rôle ments de l’enfant décrits ci-dessus, et comprendre éga- stéréotypé des hommes et des femmes » (article 5). Il lement, selon qu’il conviendra, des procédures d’inter- s’est engagé à prendre « toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes vention judiciaire. dans toutes les questions découlant du mariage et des L’article 39 dispose quant à lui que «les Etats prennent rapports familiaux » (article 16). toutes les dispositions appropriées pour faciliter la réadaptation physique et psychologique et la réinsertion De même, en tant que signataire de la déclaration du sociale » des enfants vulnérables. D’autres dispositions Millénaire, le Congo s’est engagé à atteindre les Objecde la CDE consacrent le droit à la protection pour des tifs du Millénaire pour le développement (OMD) et en catégories spécifiques d’enfants en situation difficile, particulier l’OMD 3 en vue de promouvoir l’égalité des comme les enfants handicapés (art. 23), réfugiés (art. sexes et l’autonomisation des femmes.

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4.2. Cadre stratégique et institutionnel de la protection des enfants et des femmes En application des principes et des normes contenus dans la CDE, la stratégie de protection de l’enfant adoptée par l’UNICEF en 2008 appelle les Etats parties à la mise en place d’un environnement protecteur où les filles et les garçons seraient libérés de la violence, de l’exploitation et de la séparation non nécessaire d’avec leur famille et où les lois, les services, les comportements et les pratiques contribueraient à réduire la vulnérabilité des enfants, à combattre les facteurs de risque connus et à renforcer les capacités des enfants à la résilience148.

manitaire et de la solidarité (MASAHS). Cette institution dispose d’un réseau dense de structures de proximité et d’un personnel relativement nombreux. Les circonscriptions d’action sociale (CAS), dont seulement 63 étaient fonctionnelles en 2005, couvraient 99 districts et arrondissements en 2011. Le personnel du MASAHS Selon cette approche, un environnement protecteur est a doublé depuis 2004 et la plupart de ces fonctionnaires basé sur deux piliers essentiels : l’édification et/ou le ren- sont affectés au niveau déconcentré et dans les services forcement d’un système national de protection de l’en- sociaux spécialisés. fance inclusif et une stratégie visant le changement social. En revanche, de grandes faiblesses en capacités existent Au Congo, la réponse nationale à la vulnérabilité des sur le plan de la qualification du personnel, des resenfants et des femmes/filles n’a pas encore émergé en sources financières, des équipements, des outils, de la tant que systèmes institutionnels cohérents et efficaces. gestion de l’information et du suivi-évaluation. L’un des On ne dispose pas d’une analyse globale approfondie principaux goulots d’étranglement réside dans le fait que de la législation nationale concernant les enfants. Sur la plupart des nouvelles recrues n’ont pas été formées le plan juridique, des réformes et des avancées impor- au travail social. Au bout du compte, l’impact des CAS tantes ont été réalisées, notamment avec l’adoption de sur les personnes vulnérables demeure faible tant leurs la loi portant protection de l’enfant et d’autres textes moyens d’action et de recours sont limités. De plus, les concernant les handicapés et les populations autoch- structures adaptées (aux personnes handicapées ou aux tones, comme exposé au chapitre 1. Toutefois, de nom- enfants en situation difficile par exemple) sont concenbreuses failles persistent et le processus d’harmonisa- trées dans les grands centres urbains, laissant le reste du tion des lois congolaises avec la norme internationale territoire presqu’entièrement dépourvu de ressources est loin d’être achevé. De plus, les décrets d’application du même type. Il faut également souligner le manque des nouvelles lois font souvent défaut, les textes sont de communication et de coordination entre les forces de l’ordre et les CAS, qui agissent parfois de façon parallèle insuffisamment vulgarisés et mis en œuvre. et sans se référer les cas. Sur le plan politique, le contexte semble favorable à l’édification d’un environnement protecteur pour les La réalisation des droits des femmes ressort spécifiqueenfants. Comme le souligne un récent état des lieux de ment du ministère de la Promotion de la femme et de l’action sociale149, de grandes intentions d’extension de l’intégration de la femme au développement, qui disla protection sociale «à l’ensemble de la population» pose de capacités extrêmement faibles que ce soit en ont été exprimées dans les principaux documents d’en- termes de ressources humaines qualifiées, de budget cadrement des politiques de développement, comme le ou de matériel. Le dynamisme et le leadership de ce Chemin d’avenir150 et le Document de stratégie pour la ministère restent très faibles. Les principales actions croissance, l’emploi et la réduction de la pauvreté 2012- engagées sont la diffusion sporadique de messages de 2016 (DSCERP). De plus, une série de plans d’action na- sensibilisation à la promotion et aux droits des femmes tionaux et de cadres stratégiques ont été élaborés pour dont l’impact sur les normes et pratiques sociales défales enfants, les personnes handicapées et les popula- vorables aux femmes est très limité. tions autochtones. En ce qui concerne la lutte contre les violences à l’égard Sur le plan institutionnel, la protection de l’enfance res- des femmes, une politique nationale Genre (2008) et sort du ministère des Affaires sociales, de l’action hu- son plan d’action 2009-2013 ont été adoptés ; mais ils Child Protection Strategy, UNICEF, 2008. Amélioration des dépenses publiques des secteurs sociaux pour les enfants et les femmes en République du Congo, Etat des lieux de l’action sociale au Congo, UNICEF/Oxford Policy Management, avril 2011. 150 Projet de société du chef de l’Etat, 2009. 148 149

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n’ont pas encore été véritablement mis en œuvre. De plus, un Observatoire des violences faites aux femmes a été créé en 2009. Dans le cadre de la lutte contre les violences sexuelles, une stratégie de mobilisation sociale a été élaborée, y compris la réalisation de supports (études, DVD indélébile) mais des difficultés techniques récurrentes freinent sa mise en œuvre et son développement. Les autres institutions concernées par la lutte contre la violence et l’exploitation des enfants et des femmes sont la police, la justice et la santé. Au niveau de la police, les services spécialisés de prise en charge des enfants sont peu nombreux et surchargés, tandis que peu de commissariats disposent d’espaces de garde à vue séparés. Les droits des enfants victimes de violence et de maltraitance demeurent peu connus et ne sont pas toujours perçus comme une priorité. De plus, alors que la création d’une brigade des mineurs est prévue par la loi, sa mise en place effective n’a toujours pas été assurée. Au niveau de la justice, s’il existe des juges des enfants, les victimes de violence et leur famille ont souvent un accès très limité à la réparation du fait du coût des

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procédures et du manque de services d’aide judiciaire et d’avocats. Au bout du compte, le dossier est souvent défendu par la famille, par l’adolescent lui-même, voire par le chef de la circonscription d’action sociale. Or, ces personnes ne maîtrisent pas les normes du droit. Au niveau de la santé, il n’existe pas de cellules spécialisées dans l’accueil et la prise en charge des enfants et des femmes victimes de violences. Toutefois, dans certaines villes, les victimes de violences sexuelles peuvent en principe se référer à des services adaptés (comme le CHU de Brazzaville ou les cellules de prise en charge des hôpitaux de base de Talangaï et Makélékélé). Toutefois, dans les faits, ces services sont souvent peu opérationnels. De plus, l’aspect psychologique de la prise en charge est très peu pris en compte ; les spécialistes ne sont pas nombreux et leur présence est souvent limitée aux grandes villes. Comme dans de nombreux pays, ce sont les associations et les ONG qui, dans la mesure de leurs moyens limités, assurent l’écoute, l’orientation, l’accompagnement et le suivi des enfants et des femmes victimes de violences.

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4.3. Etat des lieux et analyse des disparités concernant l’exploitation et la violence à l’égard des enfants et des femmes De manière générale au Congo, il n’existe pas d’analyse basée sur une approche systémique envisageant la vulnérabilité et la protection des enfants comme un ensemble de questions et de problèmes interdépendants. De la même façon, les violences de genre ne sont pas traitées comme une question requérant une réponse systémique fondée sur la coordination de tous les acteurs et intervenants concernés. Les données sur les enfants et les femmes vulnérables demeurent parcellaires, souvent anciennes et parfois de faible qualité. Au cours des dernières années, quelques études thématiques ont été conduites sur les populations autochtones, les enfants de la rue, l’enregistrement à l’Etat-civil, la traite ou les violences (violences sexuelles, violence à l’école). En revanche, les pires formes du travail des enfants, la situation des enfants en conflit avec la loi, les violences conjugales et autres violences sexospécifiques sont faiblement documentées. Un état des lieux de l’action sociale a été réalisé en 2011151 dans le cadre de la préparation d’une Politique nationale d’action sociale. Ce document comprend un diagnostic de la vulnérabilité des populations et des programmes existants ainsi qu’une analyse du cadre institutionnel, des capacités et des ressources qui déterminent l’adéquation et l’efficacité de ces programmes. Bien que non spécifique à l’enfance, cette étude fournit de nombreux éléments d’information et d’analyse sur la vulnérabilité des enfants et sur les réponses et programmes existants. En ce qui concerne les violences basées sur le genre (VBG), les principales sources exploitées dans le cadre de cette étude sont le Rapport national sur l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes (République du Congo, 2010), le Rapport de l’équipe pays des Nations Unies sur l’application de la Convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes en République du Congo, quelques études thématiques concernant notamment les violences sexuelles et des articles de la presse nationale. 4.3.1. Etat de lieux de la vulnérabilité de l’enfant Enfants privés d’Etat-civil Dans l’ensemble, selon les données de l’EDSC, 91% des

naissances d’enfants de moins de 5 ans ont été enregistrées à l’Etat-civil en 2011. On ne constate pas d’écart selon le sexe de l’enfant. La situation s’est améliorée depuis 2005152, puisque l’enquête précédente avait montré que seulement 81% des naissances d’enfants de moins de 10 ans avaient été déclarées à l’Etat-civil. Cependant, de fortes disparités demeurent, en particulier selon les déterminants suivants (dans l’ordre d’importance) : • L’ethnie : les enfants autochtones ont un taux d’enregistrement à l’Etat-civil beaucoup plus bas que les enfants bantous. L’EDSC ne renseigne pas sur leur situation actuelle mais le RGPH de 2007 avait révélé que seulement 32% de ces enfants possédaient un acte de naissance. • les départements : en 2011-2012, la proportion d’enfants dont la naissance a été enregistrée varie d’un maximum de 96% dans le département de PointeNoire à un minimum de 69% dans la Likouala ; • le niveau de bien-être économique : la proportion d’enfants dont la naissance a été enregistrée passe de 80% dans les ménages les plus pauvres à 99% dans les ménages les plus riches ; • le milieu de résidence : la proportion d’enfants dont la naissance a été enregistrée est plus élevée en milieu urbain qu’en milieu rural (95% contre 85%) ; Parmi les enfants qui ont été enregistrés, 14% ne possèdent pas encore leur acte de naissance : cette proportion atteint 22% en milieu rural, contre 9% en milieu urbain. Au niveau départemental, la proportion la plus élevée d’enfants de moins de 5 ans n’ayant pas d’acte de naissance est enregistrée dans le Pool et la Likouala (27%), alors qu’elle ne dépasse pas 8% à Brazzaville. De même, elle se limite à 7% dans les ménages les plus riches, contre 24% chez les plus pauvres.

Amélioration des dépenses publiques des secteurs sociaux pour les enfants et les femmes en République du Congo, Etat des lieux de l’action sociale au Congo, UNICEF/Oxford Policy Management, avril 2011. 152 Il est cependant impossible de comparer strictement les résultats des deux enquêtes car celle de 2005 porte sur les enfants de moins de dix ans et celle de 2011 sur les enfants de moins de cinq ans. 151

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Graphique 63 : Enfants de moins de 5 ans enregistrés à l’Etat-civil et n’ayant pas d’acte de naissance, selon le milieu de résidence et le département (%)

Source : EDSC-II 2011-2012.

Graphique 64 : Enfants de moins de 5 ans enregistrés à l’Etat-civil et n’ayant pas d’acte de naissance, selon le quintile de bien-être économique du ménage (%)

Source : EDSC-II 2011-2012.

Une analyse approfondie du processus a été réalisée en 2008153. Elle met en lumière les principales causes qui limitent encore l’accès à l’enregistrement des naissances et à la délivrance des actes d’Etat-civil, en particulier dans les départements ruraux et pour les familles démunies et marginalisées comme les autochtones. Ces causes sont essentiellement liées à des problèmes d’offre, notamment la faible accessibilité géographique des centres d’Etat-civil dans certaines régions (longues distances à parcourir), le mauvais fonctionnement de certains centres secondaires (absences des préposés, manque d’équipement), l’attente et le mauvais accueil (en particulier pour les populations autochtones), et les coûts liés à la délivrance de l’acte. Bien qu’elle soit théoriquement gratuite, l’opération génère des dépenses pour les familles - sommes indues exigées par les agents, coûts de transport quand le premier centre fonctionnel est trop éloigné, coûts d’opportunité. 153

148

A ces limitations liées à la qualité de l’offre s’ajoutent d’autres facteurs socioculturels, comme l’ignorance des procédures et de son importance pour le devenir de l’enfant par certains parents, les spécificités des modes de vie et la marginalisation des populations autochtones ou encore les conflits autour de la paternité d’enfants nés hors mariage. Enfin, le cadre législatif contient également des restrictions. Il s’agit en particulier du délai d’un mois imposé aux familles pour déclarer les naissances. Au-delà, les procédures dites de « déclaration tardive » sont du ressort de la justice. Elles entraînent des difficultés et des coûts importants, d’un montant de l’ordre du salaire minimum. En vue de contrer les obstacles persistants, un Plan d’action pour l’amélioration de l’enregistrement des naissances 2011-2013 a été élaboré. Toutefois, fin 2012, son opérationnalisation n’avait toujours pas été entamée.

Analyse du processus de l’enregistrement des naissances, UNICEF/IFORD/Congo, 2008.

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Enfants et femmes autochtones En l’absence d’un module spécifique consacré aux populations autochtones dans les grandes enquêtes nationales comme l’ECOM 2 ou l’EDSC-II, les informations les concernant sont parcellaires. Toutefois, certains indicateurs spécifiques à ces populations ont été fournis par le RGPH de 2007 et une série d’études et enquêtes qualitatives récentes permettent d’appréhender certains aspects jusqu’ici peu documentés concernant la réalisation des droits des enfants et des femmes, en particulier à la protection contre les abus et l’exploitation154. Souvent perçues comme des « sous-hommes » par les Bantous majoritaires, les minorités autochtones sont victimes d’exclusion sociale. Selon l’étude la plus récente155, ces populations vivant en grande majorité dans les forêts, constituent la catégorie la plus marginalisée et vulnérable de la société congolaise. L’étude met en lumière les graves abus et violations des droits humains qu’elles subissent de la part des communautés bantoues, des représentants des autorités gouvernementales et des sociétés qui exploitent et gèrent les ressources naturelles du pays. Ces abus sont enracinés dans le déni persistant de leurs droits fondamentaux et dans les attitudes et pratiques discriminatoires à leur encontre. Les communautés autochtones souffrent de la non reconnaissance de leurs droits à la terre et de leur accès aux ressources naturelles, de la négation de leurs droits culturels, de la violence, de l’exploitation et de formes rémanentes de servitude à leurs « maîtres » bantous, d’un accès très restreint aux services sociaux de base et à la justice, du mépris de leur dignité et de leur vie privée. Comme leurs parents, les enfants autochtones ont un accès plus limité que le reste de la population aux soins de santé, à l’éducation et à la protection, et vivent dans des conditions de précarité et de servitude qui les exposent à la marginalisation et aux abus. Ces multiples frustrations et privations renforcent et perpétuent le cycle de la pauvreté et de l'exclusion de génération en génération. Hormis leur faible taux d’inscription à l’Etat-civil (voir ci-dessus), la discrimination et les violences psychologiques très répandues (insultes, mépris), les principaux abus dont souffrent les enfants autochtones sont le ma-

riage précoce et l’exploitation économique. On ne dispose pas de données spécifiques sur le mariage et les grossesses précoces des filles autochtones mais l’étude CAP de 2007 indique qu’ils sont couramment pratiqués, dans des proportions qui semblent similaires à celles des populations bantoues. A partir de la puberté, les enfants autochtones deviennent des agents économiques actifs au sein de leur communauté. Entre 13 et 15 ans, ils commencent à participer aux activités visant à assurer la survie et l’entretien de la communauté. Mais selon les sources disponibles156, il n’y a pas de tradition d’exploitation des enfants au sein de leur propre communauté. En revanche, le travail forcé, certaines formes d’esclavage et le trafic d’enfants sont pratiqués dans le cadre des relations entre autochtones et bantous. Une étude CAP de 2009 signalait157 que vivant dans une relation de subordination et de soumission à leur maître bantou, certains enfants étaient obligés de travailler dans les champs toute la journée pour un maigre salaire constitué de boissons alcoolisées, de cigarettes et parfois de quelques centaines de FCFA. Les mauvais traitements et le recours à la violence verbale et physique de la part des Bantous étaient signalés comme récurrents. Selon l’étude de 2012, les formes de travail des enfants autochtones sont diversifiées selon leur milieu et département de résidence. Dans les Plateaux, les enfants autochtones (Tswas) du milieu rural peuvent travailler dès l’âge de 9 ans dans les champs des familles bantoues pour 500 à 1000 FCFA par jour (1 à 2 dollars des E.-U.). Ils sont obligés d’assurer ce travail du fait que leurs parents sont souvent endettés vis-à-vis de ces familles qui sont leurs anciens « maîtres ». En milieu urbain, au nord comme au sud du pays, l’étude signale des situations d’exploitation et de trafic d’enfants. Le travail des enfants est rémunéré sous forme de cigarettes, d’alcool ou de drogue (« colle » à snifer). De plus, dans le sud, des familles autochtones démunies ont coutume de donner leurs enfants à des familles bantoues lorsqu’elles ne peuvent plus assurer leur entretien. Les enfants sont souvent emmenés à Sibiti ou à Pointe-Noire où ils travaillent comme domestiques sans toucher la moindre rémunération158. De plus, les jeunes

Enquête CAP sur les connaissances, attitudes et pratiques des peuples autochtones en matière de prévention du VIH/sida et de leur accès aux services sociaux de base, MASSAHF/UNICEF, 2007 ; Analyse de la situation des enfants et des femmes autochtones au Congo, UNICEF/ Congo, 2008 ; Rapport d’analyse diagnostique sur les normes et pratiques sociales vis-à-vis des populations autochtones en République du Congo, UNICEF/Congo/UE, 2009.The socio-cultural and legal patterns of organization of indigenous peoples and their impact on the implementation of the rights of women and children: a case study of the Republic of Congo, Anthroscape/UNICEF, 2012. 155 The socio-cultural and legal patterns of organization of indigenous peoples and their impact on the implementation of the rights of women and children: a case study of the Republic of Congo, Anthroscape/UNICEF, 2012. 157 Ibid. 158 Rapport d’analyse diagnostique sur les normes et pratiques sociales vis-à-vis des populations autochtones en République du Congo, République du Congo/UNICEF/UE, 2009. 154

Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité

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filles sont exposées à toutes sortes de trafic et d’exploitation, y compris sexuelle159. Quant aux femmes autochtones, elles sont fortement exposées à l’alcoolisme et à la violence sexuelle lorsqu’elles quittent leur milieu naturel pour se sédentariser. Privées de la protection de leur communauté d’origine, qui réprime traditionnellement la violence conjugale et sexuelle, les femmes autochtones sédentarisées peuvent être victimes de viols individuels ou collectifs de la part de leurs congénères, généralement sous l’emprise de l’alcool et de la drogue160. Ces abus sont commis en toute impunité du fait de l’accès extrêmement limité des autochtones à la justice. La méconnaissance de leurs droits, la peur des représailles en cas de plainte, le coût des procédures, l’éloignement des tribunaux, l’assujettissement à des « maîtres » bantous et les attitudes discriminatoires des services de police et de justice se conjuguent pour priver les enfants et les femmes victimes de violences de leurs droits à la justice et à la réparation.

gique. Dans la plupart des cas (plus de 85%), l’autre parent biologique est vivant mais ne vit pas avec l’enfant, ce qui illustre la fréquence des ruptures familiales et des familles monoparentales. Enfants orphelins Selon l’EDSC, près de 7% des enfants de moins de 18 ans sont orphelins d’au moins l’un de leurs deux parents en 2011-2012, soit une proportion stable par rapport à 2005. La proportion d’enfants orphelins du fait du sida n’est pas connue.

Tableau 22 : Enfants orphelins simples et doubles en 2011-2012 (%)

Pourcentage d’enfants avec un ou les deux parents décédés

Résidence

Urbain

6,6

Rural

6,9

Département Kouilou

5,9

Niari

7,6

Face à la vulnérabilité extrême des enfants autochtones, l’offre de services en matière de protection reste très limitée. Malgré la reconnaissance des droits des populations autochtones, avec l’adoption en 2011 d’une loi spécifique et d’un Plan d’action national pour l’amélioration de la qualité de vie des populations autochtones 2009-2013, peu de ressources sont consacrées aux enfants victimes d’exploitation et de violences. Alors que l’UNICEF poursuit ses efforts de plaidoyer auprès du gouvernement, quelques actions ponctuelles sont développées par des organisations de la société civile.

Lékoumou

7,8

Bouenza

8,3

Pool

7,0

Plateaux

5,5

Cuvette

5,8

Cuvette - Ouest

7,1

Sangha

7,0

Likouala

5,3

Brazzaville

7,9

Pointe-Noire

4,4

Enfants sans environnement familial La CDE reconnaît le droit de chaque enfant à une famille. Compte tenu du rôle clé de la famille comme cadre social de développement et de protection de l’enfant, il est important de mettre en relief la situation de vulnérabilité accentuée chez l’enfant qui vit en dehors d’un cadre familial ou sans cadre familial sain et protecteur.

Quintiles de bien-être économique

Selon les résultats de l’EDSC-II 2011-2012, seulement 55% des enfants (moins de 18 ans) vivent avec leurs deux parents biologiques. La proportion d’enfants vivant avec leurs deux parents biologiques est la plus élevée dans les Plateaux (65%) et la plus faible dans les départements de la Lékoumou, de la Sangha et de Brazzaville (50%). Par ailleurs, 23% des enfants vivent seulement avec leur mère biologique et 7% seulement avec leur père biolo-

Le plus pauvre

6,6

Second

7,7

Moyen

6,8

Quatrième

6,1

Le plus riche

6,3

Ensemble <15

5,3

Ensemble <18

6,7

Source : EDSC-II 2011-2012.

Des disparités apparaissent au niveau des départements : la proportion d’enfants orphelins est plus élevée dans les départements du Niari, de la Lékoumou, de la Bouenza

Rapport d’analyse diagnostique sur les normes et pratiques sociales vis-à-vis des populations autochtones en République du Congo, République du Congo/UNICEF/UE, 2009. 160 The socio-cultural and legal patterns of organization of indigenous peoples and their impact on the implementation of the rights of women and children: a case study of the Republic of Congo, Anthroscape/UNICEF, 2012. 159

150

Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité


et de Brazzaville (8% pour chaque département) et plus faible à Pointe-Noire (4%). L’enquête EDSC-II montre que l’état de survie des parents influence peu le niveau de fréquentation scolaire des enfants. En effet, il ne ressort pas de disparités en matière de scolarisation entre les enfants de 10 à 14 ans dont les deux parents sont décédés et ceux qui ont leurs deux parents vivants et qui vivent avec au moins l’un des deux. Enfants confiés Selon l’EDSC-II, 15% des enfants congolais ne vivent avec aucun de leurs deux parents biologiques alors que dans quatre cas sur cinq, ceux-ci sont en vie. Au niveau national, la proportion d’enfants ne vivant avec aucun de leurs deux parents biologiques même quand ceux-ci sont vivants est de 12%. Elle est la plus forte (13%) dans quatre départements (Cuvette, Cuvette-Ouest, Sangha et Brazzaville) et la plus faible dans le Kouilou (9%). Elle est aussi plus forte chez les filles (13%) que chez les garçons (11%). Bien que la pratique du confiage ait traditionnellement pour objectif d’améliorer les conditions de vie des enfants, les enfants vivant sans leurs parents alors que ceux-ci sont vivants sont défavorisés et vulnérables, notamment en ce qui concerne l’accès à l’éducation161. Enfants chefs de ménages Les enfants deviennent parfois des chefs de ménages ou des mères d’enfants abandonnées par leurs conjoints. En 2007, selon le Recensement général de la population et de l’habitat, 0,6 % des chefs de ménage étaient des enfants. Leur situation reste très peu connue. Enfants de la rue Au Congo comme ailleurs, les enfants de la rue sont exposés à toutes sortes de risques : violences de tous types, manque d’affection, non scolarisation, maladies et manque de soins, abus de drogues, etc. Leur nombre n’est pas connu mais selon les estimations des ONG, il diminue depuis la fin de la guerre civile162. Une grande partie des enfants de la rue du Congo sont originaires de RDC. Services pour les orphelins, les enfants abandonnés et les enfants de la rue Il n’existe pas de cartographie globale des services destinés aux enfants privés d’environnement familial. La plupart sont des initiatives de la société civile qui fonctionnent sans procédures adéquates de réglementation, d’accréditation ni d’inspection régulière. Selon un rapport du ministère en charge des affaires sociales réalisé en 2010, il existerait 136 structures destinées aux en-

fants vulnérables. Un projet de décret portant création et conditions d’ouverture de ces structures d’accueil et d’hébergement a été élaboré en 2010 mais attend d’être promulgué. Seulement une faible part de ces structures est gérée par l’Etat, dont le Centre d’insertion et de réinsertion des enfants vulnérables (CIREV) créé en 2003 à Brazzaville. Les capacités de ce centre sont faibles (une quarantaine de places en internat et autant en demi-pension en 2010). Le centre offre en principe des services d’écoute, de réinsertion familiale et d’appui à la scolarisation. Mais son fonctionnement est souvent perturbé par des retards dans les décaissements des crédits budgétaires qui lui sont alloués. Mis à part le CIREV, quelques pouponnières, crèches et garderies pour les enfants abandonnés (ou dont les parents ne peuvent pas assumer la charge) sont gérés par l’Etat à Brazzaville et à Pointe-Noire. La capacité d’accueil de ces centres est faible (635 places en crèche et garderie, 40 dans les pouponnières en 2010)tandis qu’ils sont confrontés à de lourdes contraintes : faible qualité des infrastructures et du raccordement à l’eau potable, manque de matériel d’éveil et d’outils pédagogique, irrégularité des subventions. En ce qui concerne les enfants de la rue, l’offre de services est un peu mieux connue suite à la réalisation en 2009 d’une « cartographie des acteurs travaillant dans le domaine de la prise en charge des enfants de la rue». A cette date, 14 centres dédiés à ces enfants avaient été identifiés, pour la plupart situés à Brazzaville et PointeNoire. Les deux structures les plus actives sont l’Espace Jarrot géré par la congrégation des Spiritains à Brazzaville et le Samu social de Pointe-Noire (SSPN). L’Association de Solidarité internationale (ASI) à Brazzaville et Pointe-Noire, ainsi que le centre Madre Morano des sœurs salésiennes de Pointe-Noire qui prend uniquement en charge des filles vulnérables. Dans le cadre d’un projet lancé par l’UNICEF en 2005, les capacités des acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux impliqués dans la prise en charge des enfants de la rue ont été renforcées, notamment à travers la définition d’un paquet de services appropriés, de normes et standards de prise en charge et de formations. Malgré des résultats encourageants, notamment sur le plan de la réinsertion familiale et sociale des enfants, le projet n’a pas été suffisamment approprié par l’Etat pour être pleinement efficace.

Amélioration des dépenses publiques des secteurs sociaux pour les enfants et les femmes en République du Congo, Etat des lieux de l’action sociale au Congo, UNICEF/Oxford Policy Management, avril 2011. 162 Ibid. 161

Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité

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Aujourd’hui, l’impact et la qualité des services restent faibles en raison de nombreuses lacunes : l’absence de partenariat formalisé (convention, subvention) entre les intervenants non gouvernementaux et le ministère chargé des affaires sociales, le manque de personnel spécialisé (psychologues, assistantes sociales, éducateurs de rue, spécialistes des addictions et de la dépendance), l’inexistence d’un centre de désintoxication, la faiblesse des activités du Réseau des intervenants sur le phénomène des enfants de la rue (REIPER). Châtiments corporels Les châtiments corporels ont un effet préjudiciable sur

le développement de l’enfant. Quand ils n’engendrent pas de blessures physiques, ils risquent de provoquer de graves dégâts psychologiques, des troubles du comportement et l’abandon du système éducatif s’ils sont pratiqués à l’école. Les châtiments corporels sont largement pratiqués au Congo, aussi bien au sein de la famille qu’à l’école. Dans la famille Selon l’EDSC 2011-2012, 70% des enfants subissent des châtiments corporels dans les familles qui les élèvent et 25% des enfants endurent des châtiments très violents.

Graphique 65 : Pourcentage d'enfants de 5-14 ans qui ont subi des sanctions disciplinaires, selon le milieu de résidence, le groupe d’âges de l’enfant et son sexe

Source : EDSC-II 2011-2012.

Les châtiments corporels très violents sont employés quel que soit le sexe de l’enfant et sont aussi courants en milieu urbain que rural. Ils sont les plus répandus dans les départements du Kouilou (36%) et de la Likouala (33%) et les moins pratiqués dans la Sangha (17%) et la Lékoumou (18%). Le niveau d’instruction de la mère

influence les méthodes disciplinaires des mamans, avec 29% des mères de niveau primaire qui les emploient contre 19% des mères de niveau secondaire 2eme cycle ou plus. Quant au niveau de bien-être économique de la famille de l’enfant, il a relativement peu d’influence.

Graphique 66 : Enfants de 2-14 ans ayant subi des sanctions disciplinaires, selon le niveau d'instruction de la mère, sa présence dans le ménage et le quintile de bien-être économique du ménage

Source : EDSC-II 2011-2012.

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Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité


Graphique 67 : Enfants de 2-14 ans ayant subi des sanctions disciplinaires selon le département

Source : EDSC-II 2011-2012.

A l’école Selon les données disponibles163, les châtiments corporels sont généralisés en tant que méthode disciplinaire. Ils s’observent dans tous les types d’établissements scolaires, qu’ils soient publics ou privés. Les formes de violence physique les plus courantes sont : tirer les cheveux ou les oreilles, frapper l’enfant avec un bâton ou autre, le mettre à genou, le gifler ou l’obliger à accomplir des travaux durs. Il n’est pas rare non plus que des enseignants demandent à des enfants d’accomplir pour eux des tâches domestiques, tels que la corvée d’eau. Les violences sexuelles, le chantage pour l’obtention de notes permettant la réussite aux examens sont aussi rapportés par les études existantes. Ces abus s’accompagnent le plus souvent de violences psychologiques, notamment des insultes. Les enfants vulnérables, comme les autochtones, les handicapés, les albinos, les orphelins et les enfants démunis sont plus visés que les autres. Enfants en situation de handicap Dès l’enfance, le handicap ou la différence, notamment dans le cas des albinos, provoque la mise à l’écart et des attitudes discriminatoires. Il n’existe pas de données sur le nombre d’enfants handicapés. Selon le recensement de 2007, 1,4% de la population souffre d’un handicap. Toutefois, au regard de la proportion de personnes handicapées estimée en Afrique subsaharienne (qui varient entre 7% et 10% de la population), ce chiffre pourrait être sous-évalué164. De nombreux enfants sont concernés puisque selon les

données disponibles, le handicap est souvent acquis dès la naissance dans deux cas sur trois et du fait de causes immédiates liées à des maladies et à des circonstances évitables, dont la poliomyélite. Dans son état des lieux, le Plan d’action national pour les personnes handicapées (février 2009) souligne leur faible accès aux possibilités technologiques de réduction du handicap, leur faible insertion sociale et la faible promotion de leur autonomie sociale à travers l’éducation, la formation et l’insertion professionnelle, dans un contexte marqué par l’exclusion, l’assistanat et le recours à la pratique humiliante de la mendicité. En faisant ressortir le faible taux net de scolarisation des enfants handicapés dans le primaire - 52% contre une moyenne de 81% en 2007 , le dernier recensement a mis en lumière leur déficit d’intégration dans le système éducatif et la forte prévalence de l’analphabétisme qui en résulte. Tandis que la capacité d’accueil des établissements de l’éducation spéciale est très limitée (environ un millier d’enfants en situation de handicap pris en charge), l’Education nationale ne prépare pas les enseignants à s’occuper des enfants ayant des besoins spécifiques. De même, les approches pédagogiques ne sont pas adaptées à leurs besoins et l’environnement physique et social n’est pas organisé de manière à faciliter leur accès et leur intégration165. Travail des enfants Le travail des enfants est un phénomène largement répandu. Il concerne aussi bien des activités rémunératrices exercées en dehors du ménage - dans le petit commerce, le bâtiment, les carrières ou les mines - que

Etude sur la violence à l’école, UNICEF/République du Congo, juillet 2008. Amélioration des dépenses publiques des secteurs sociaux pour les enfants et les femmes en République du Congo, Etat des lieux de l’action sociale au Congo, UNICEF/Oxford Policy Management, avril 2011. 165 Ibid. 163 164

Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité

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des travaux pratiqués au sein de la famille : travail dans les champs, le commerce familial ou tâches domestiques. Le travail des enfants est peu compatible avec une fréquentation scolaire performante et peut engendrer l’échec et l’abandon scolaires. Il représente un risque important pour la santé et le développement de l’enfant. La loi de protection de l’enfant du 14 juin 2010 réprime le travail des enfants et dispose dans son article 68 : « Sont interdits, l’emploi précoce, les pires formes de travail et toutes autres activités domestiques mettant en péril la santé physique ou mentale de l’enfant. On entend par emploi précoce le fait d’impliquer les enfants de moins de seize ans dans le travail au sein d’une sphère familiale, dans le secteur formel ou informel». Les pires de formes de travail de l’enfant comprennent : a. Toutes les formes d’esclavage ou pratiques analogues, telles que la vente et la traite des enfants, la servitude pour dettes et le servage ainsi que le travail forcé ou obligatoire, y compris le recrutement forcé ou obligatoire des enfants en vue de leur utilisation dans les conflits armés.

b. L’utilisation, le recrutement ou l’offre d’un enfant à des fins de prostitution, de production de matériel pornographique ou de spectacles 4 pornographiques. c. L’utilisation, le recrutement ou l’offre d’un enfant aux fins des activités illicites, notamment pour la production et le trafic de stupéfiants, tels que les définissent les conventions interna tionales pertinentes. d. Les travaux qui, par leur nature ou les condi tions dans lesquels ils s’exercent sont suscep tibles de nuire à la santé, à la sécurité ou à la moralité de l’enfant». Toutefois, cette loi n’est pas vulgarisée et n’a pas encore de décret d’application. Selon l’EDSC, la proportion d’enfants de 5 à 14 ans qui travaillent plus de quatre heures par jour recule légèrement : elle est passée de 22% en 2005 à 20% en 2011-2012. Le taux varie peu selon le sexe de l’enfant mais connaît des variations importantes selon d’autres critères.

Graphique 68 : Enfants de 5-14 ans impliqués dans un travail par sexe selon le groupe d’âges

Source : EDSC-II 2011-2012.

Sans compter l’appartenance ethnique (voir plus haut la section sur les enfants autochtones), les écarts sont importants selon le département, le niveau de bien-être économique et le milieu de résidence. Un enfant de 5 à 14 ans a deux fois plus de risques de travailler s’il vit en milieu rural que s’il vit en milieu urbain et les taux sont particulièrement élevés dans

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trois départements : le Niari (51%), la Bouenza (35%) et la Likouala (32%). Ils sont en revanche les plus bas à Pointe-Noire (8%) et Brazzaville (13%). D’autre part, un enfant de 5 à 14 ans a beaucoup plus de risques de travailler s’il vit dans une famille des plus pauvres que s’il vit dans une famille riche ou moyenne.

Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité


Graphique 69 : Enfants de 5-14 ans impliqués dans un travail, selon le département et le milieu de résidence

EDSC-II 2011-2012.

Graphique 70 : Enfants de 5-14 ans impliqués dans un travail, selon le quintile de bien-être économique du ménage

Source : EDSC-II 2011-2012.

Selon les résultats de l’EDSC, le travail des enfants n’a pas d’impact significatif sur leur fréquentation scolaire. Ainsi par exemple, les enfants du milieu rural, qui

travaillent deux fois plus que ceux du milieu urbain, ont un taux de fréquentation scolaire pratiquement égal.

Graphique 71 : Pourcentage d’enfants de 5-14 ans qui fréquentent l’école, et de ceux qui travaillent parmi ceux qui fréquentent l’école, selon le département et le milieu de résidence

Source : EDSC-II 2011-2012. Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité

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En dehors de l’exploitation des enfants autochtones et de la traite présentés dans d’autres sections du présent chapitre, on ne dispose pas de données sur les pires formes du travail des enfants. Toutefois, la presse nationale se fait régulièrement l’écho de l’exploitation dont ils sont victimes dans le secteur informel : elle évoque notamment les enfants casseurs de pierre, les enfants exploités par les pêcheurs ou les agriculteurs, les enfants vendeurs à la sauvette, etc. Enfants victimes de traite et d’exploitation sexuelle L'incidence de la traite transfrontalière des enfants en provenance du golfe de Guinée et de Kinshasa est élevée. L’ampleur du phénomène n’est pas encore connu avec exactitude, mais une étude de petite échelle menée dans les villes de Brazzaville et de Pointe-Noire en 2007 a estimé à 1800 le nombre d’enfants victimes et mis en lumière deux réalités distinctes166: la traite interne notamment liée à la pratique dénaturée du « confiage » et la traite transfrontalière, qui concerne surtout les enfants originaires d’Afrique de l’Ouest (surtout du Bénin) à Pointe-Noire et les enfants en provenance de la RDC à Brazzaville. Certains de ces enfants sont emmenés au Congo Brazzaville à un très jeune âge et peu d’entre eux ont la possibilité de terminer l'école primaire. Ces enfants, qui se trouvent dans une situation proche de l’esclavage, sont contraints de vendre des marchandises dans la journée tout en s’acquittant de lourdes tâches domestiques le matin et le soir ou sont intégrés à des réseaux de prostitution167. La violence physique et psychologique fait partie de leur quotidien. Suite à l’étude déjà citée, un plan d’action a été mis en œuvre à Pointe-Noire dans le cadre d’un partenariat entre le ministère des Affaires sociales, l’UNICEF et une ONG locale (ALTO). Les principales activités développées ont concerné la sensibilisation de proximité, le renforcement des capacités des intervenants, la mise en place d’outils et la définition de standards de prise en charge, le renforcement des capacités locales de coordination et de programmation participative, ainsi que l’identification et la prise en charge de plus d’une centaine d’enfants. D’autre part, un accord de coopération entre le Congo et le Bénin a été signé en 2011, ainsi qu’un plan d’action pour le suivi élaboré pour la période 2012-2013. La planification des actions à développer pour lutter contre le phénomène de la traite devrait être portée à l’échelle prochainement, dans le prolongement d’une étude nationale, actuellement menée par l’OIM, l’UNICEF et 166 167

156

le FNUAP. Cette étude vise à documenter et évaluer le phénomène de la traite des personnes sous toutes ses formes au Congo, afin de développer une meilleure connaissance de son ampleur, ses causes profondes et ses conséquences, puis de définir des stratégies et politiques de protection et de prévention. Enfants réfugiés L'afflux constant de réfugiés de la République démocratique du Congo constitue un autre facteur de vulnérabilité pour les enfants. Près de 170 000 personnes, dont des enfants, sont arrivées dans la partie nord du pays (HCR 2011). La mission d’évaluation rapide interagences conduite en janvier 2012 dans les localités de Bétou, d’Impfondo et de Liranga a permis d’évaluer la situation précaire des populations réfugiées de RDC, ainsi que des communautés hôtes. Du fait de la surpopulation et des pratiques des populations migrantes, la violence à l’égard des enfants et des femmes est un phénomène répandu. Les nombreux faits rapportés témoignent d’une escalade de cas de viols, notamment sur des mineures et des enfants en bas âge, ainsi que de fortes tensions sociales : vols, sorcellerie, inégalités d’accès aux ressources. La majorité des enfants réfugiés vivent dans des camps d'urgence nécessitant des services de base, des soins et une protection. Les filles dans les camps sont particulièrement vulnérables à la violence et aux abus sexuels. Enfants en conflit avec la loi La protection des enfants en prise avec la loi incombe au ministère de la Justice, au Parquet et à la police. Selon la procédure légale, tout enfant interpellé par la police doit être déféré au Parquet dans une limite de 48 heures (immédiatement dans le cas des enfants de moins de 13 ans) afin que le juge des enfants se saisisse du dossier. En matière pénale, le juge des enfants est compétent à juger les délits les moins graves imputés aux enfants. Les sanctions prévues sont la liberté surveillée, puis le placement dans un centre de rééducation des mineurs et enfin, exceptionnellement, la détention en prison. La direction de la protection légale de l’enfance du ministère de la Justice et ses services déconcentrés sont responsables des mesures éducatives au profit des mineurs en danger ou délinquants. Elle gère quatre services d’action éducative en milieu ouvert (à Brazzaville, Pointe Noire, Dolisie et Nkayi). Les deux centres de rééducation situés à Louvakou et à Brazzaville sont actuellement fermés du fait du manque de ressources pour assurer leur fonctionnement.

Analyse de la situation des enfants victimes de la traite en République du Congo, UNICEF/République du Congo, 2007. Amélioration des dépenses publiques des secteurs sociaux pour les enfants et les femmes en République du Congo, Anthony Hodges, Clare O’Brien et Bethuel Makosso, UNICEF-Oxford Policy Management, avril 2011.

Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité


Toutefois, selon les analyses disponibles, la situation actuelle montre que de nombreux manquements et vices de procédure existent. Les enfants interpellés par la police sont souvent détenus dans les commissariats au-delà de la limite légale de 48 heures et pas toujours dans des quartiers séparés pour enfants. Ils sont parfois victimes de violences policières et souvent incarcérés dans les maisons d’arrêt sans que le juge des enfants ne soit saisi. Ils peuvent y rester plus de six mois avant de passer en jugement. De plus, les taux de récidive sont élevés. En l’absence de coordination entre la Justice, la police et les intervenants sociaux, les enfants ne bénéficient pas de services de réinsertion à leur sortie de prison. 4.3.2. Etat de lieux des violences basées sur le genre Selon un récent rapport national168, les violences basées sur le genre (VBG), bien que souvent « invisibles » et perpétrées dans l’espace privé, sont un phénomène omniprésent dans la société congolaise. En dépit de l’existence d’un cadre juridique aligné sur les normes internationales, les actes de violence se multiplient et semblent banalisés. Dans le domaine du mariage, on constate malheureusement la persistance de pratiques traditionnelles discriminatoires telles que : les rites du veuvage, la pratique du lévirat et du sororat. Sous le toit paternel, l’inceste et le viol domestique sont le fait des pères, des beauxpères, des frères, des oncles et des cousins. Quant au harcèlement sexuel, il fait partie des affronts quotidiens que les filles et les femmes subissent dans le cercle familial, à l’école, au travail et dans la rue. Les violences conjugales constituent sans doute la forme la plus courante de violence à l’égard des femmes. Le viol conjugal est un crime dont on ignore l’ampleur du fait qu’il est rarement signalé par les victimes. La réforme législative a permis de purger le droit national de certaines dispositions défavorables aux femmes. Un travail de révision des codes de procédures pénales et civiles et du code de la famille a été initié en 2005 mais n'a pas pu aboutir. De plus, le Congo ne dispose pas encore de loi spécifique sur les violences basées sur le genre, ni de politique ou plan d'action dans ce domaine. Pour remédier à la situation, certaines mesures ont été prises dont la création de l’observatoire de lutte contre les VBG et d’un numéro vert sur les violences ; la mise en place de cliniques juridiques pour l’écoute, l’assistance, l’orientation et la prise en charge des femmes victimes des violences et l’élaboration d’un avant-projet de

loi sur le harcèlement sexuel et les violences faites aux femmes et aux jeunes filles169. Pourtant, la société congolaise ne semble pas apte à faire reculer les violences à l’égard des femmes. Les violations des droits des femmes sont le reflet de la domination patriarcale légitimée par la tradition et la religion, qui prônent la soumission de la femme tout en renforçant la suprématie masculine. Les violences sont un mode d'affirmation de la domination de l’homme sur la femme, visant à lui rappeler qu’elle est un être inférieur qui ne peut, par conséquent, pas disposer de son corps. Ainsi, même si elles ressentent parfois de la colère et un sentiment d’injustice, certaines femmes n’ont pas conscience des violences dont elles sont victimes. Elles ignorent parfois qu’un recours est possible et craignent de se retrouver sans ressources si elles manifestent leur colère ou introduisent une action en justice. De fait, les services sociaux ne sont pas suffisamment forts ni accessibles pour appuyer les mères célibataires et les femmes victimes de violences domestiques. Ainsi, les femmes recourent peu à la justice pour faire valoir leurs droits. La méconnaissance des textes et des procédures judiciaires, le dysfonctionnement et l’éloignement des structures judiciaires, le dualisme de fait entre le droit coutumier et le droit moderne ainsi que la peur de la « sorcellerie » et la pression sociale de l’entourage constituent des facteurs qui limitent fortement la réalisation des droits des femmes. L’impunité des agresseurs affecte les victimes, qui développent un sentiment de résignation, et encourage la banalisation du crime et de la violence dans la société congolaise170. Violences sexuelles Le phénomène des violences sexuelles a été mis en lumière à partir des années 2000 suite aux années de conflit armé. Des enquêtes ont alors été conduites avec le soutien du gouvernement et des organisations internationales. Une recherche réalisée en 2007171 présente une synthèse de ces nombreux travaux tout en déplorant l’absence d’une étude nationale sur le sujet. Utilisées comme armes de guerre durant les conflits, les violences sexuelles en général et les viols en particulier touchent désormais des filles de plus en plus jeunes : 60% des victimes sont mineures et un tiers d’entre elle ont moins de 13 ans. Les agresseurs sont le plus souvent connus des victimes et appartiennent à leur famille dans un cas sur cinq. Les violences sexuelles sont éga-

Rapport national sur l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, République du Congo, 2010. Ibid. 170 Rapport national sur l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, République du Congo, 2010. 171 Les violences sexuelles au Congo, une réponse multisectorielle, UNICEF/République du Congo, 2007. 168 169

Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité

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lement fréquentes en milieu scolaire : les auteurs sont le plus souvent d’autres élèves (62% des cas) mais les enseignants sont aussi concernés (23%)172. Le harcèlement est une pratique banalisée et l’échange de faveurs sexuelles contre des bonnes notes se monnaye entre certains élèves et enseignants. De nombreuses structures publiques et privées se sont engagées dans la lutte contre les violences sexuelles et ont développé des services de prise en charge et d’autonomisation des femmes victimes. Toutefois, ces structures souffrent le plus souvent de déficiences institutionnelles, techniques et financières qui affectent la qualité des services. De plus, leurs activités sont peu coordonnées entre elles et ne permettent pas d’assurer la continuité de la chaîne de services. Les victimes de violences sexuelles recourent relativement peu à un service d’assistance formel. En cas de viol, ce type de recours est un peu plus fréquent mais reste limité : une victime sur deux a recours à un service médical, une sur quatre à un service de soutien psychologique et seulement une sur cinq à un service d’appui socio-économique173. En cas de viol, moins du tiers des femmes victimes recourent à un service juridique ou judiciaire. De fait, le dispositif existant est fortement dissuasif. Le jugement des crimes de viols ne relève pas des tribunaux ordinaires mais dépend de l’organisation de sessions de la Cour criminelle composée de jurés populaires. Or, ces sessions se tiennent rarement et de façon irrégulière, en raison

de problèmes financiers selon l’argumentaire officiel. De plus, les Cours criminelles sont inégalement réparties sur le territoire national. A titre d’illustration, un crime sexuel perpétré dans la Likouala devra être jugé à Ouesso, ce qui entraîne des coûts considérables pour les victimes. Le problème de la surpopulation carcérale est également à signaler et il arrive que des auteurs de violences sexuelles condamnés à des peines de prison soient tout simplement remis en liberté par manque de place. Tous ces problèmes entretiennent le cercle vicieux de l’impunité et de la criminalité. De fait, la plupart des cas de violences sexuelles sont résolus à l’amiable entre les familles, et se soldent par le versement de sommes d’argent dérisoires au regard de la gravité des crimes commis et de leurs conséquences. Violences conjugales Les violences conjugales sont peu documentées et il n’existe pas d’enquête de prévalence sur le sujet au Congo. Toutefois, l’EDSC montre un fort niveau élevé « d’acceptation » sociale des violences conjugales, reflétant une forme de banalisation du phénomène. En effet, 61% des femmes, qu’elles vivent en milieu urbain ou rural, estiment qu’un mari a le droit de frapper sa femme dans certaines circonstances. Dans la Lékoumou, ce taux s’élève jusqu’à 83% et il atteint 70% dans la Cuvette Ouest. A l’inverse, le taux le plus bas est enregistré dans la Cuvette (50%). Les deux principales villes du pays présentent un taux proche de la moyenne nationale.

Graphique 72 : Femmes âgées de 15 à 49 ans qui estiment qu’un mari a le droit de frapper son épouse dans certaines circonstances, par milieu de résidence et par département

Source : EDSC-II 2011-2012.

Le niveau d’acceptation des violences conjugales par les femmes elles-mêmes est relativement peu corrélé à leur

172 173

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niveau de richesse ou d’instruction.

Etude sur la violence à l’école, UNICEF/République du Congo, juillet 2008. Ibid.

Analyse de la situation des enfants et des femmes au Congo – 2013: Selon l’approche basée sur les droits humains, le genre et l’équité


Graphique 73 : Femmes âgées de 15 à 49 ans qui estiment qu’un mari a le droit de frapper son épouse dans certaines circonstances, selon le niveau d’instruction de la femme et le quintile de bien-être économique du ménage

Source : EDSC-II 2011-2012.

Mariage précoces, mariage forcés et polygamie Au Congo, un tiers de femmes entrent en union avant

d’avoir atteint l’âge de 18 ans et 6% avant même d’avoir fêté leur quinzième anniversaire.

Graphique 74 : Age d’entrée en union des femmes âgées de 20-24 ans

Source : EDSC-II 2011-2012.

Veuvage et mariages forcés Les veuves congolaises sont souvent victimes de rites coutumiers qui se traduisent par des violences psychologiques, physiques, sexuelles et économiques. Suite à la mort de son époux, la femme est considérée comme un objet du patrimoine du défunt. Durant la cérémonie de deuil, elle subit des traitements dégradants : stigmatisation, dépouillement, sorcellerie, sévices et mauvais traitements. Elle peut être expulsée du domicile familial et remariée de force. Bien qu’interdit par la loi, le lévirat est une pratique coutumière très ancrée dans les mœurs : il oblige la veuve à se remarier avec le frère de l’époux décédé dans le but d'assurer la continuité du lignage. Hormis qu’il constitue une violation grave des droits de femmes, le lévirat occasionne la propagation de maladies sexuellement transmissibles, dont le sida. Une autre forme de mariage forcé coutumier est pratiquée à travers le sororat.

Les mariages forcés sont encore fréquents dans certaines ethnies, notamment les Téké (Pool, Lékoumou, Plateaux, Cuvette). Polygamie La polygamie est légale au Congo. Selon les enquêtes nationales, la proportion de femmes vivant en union polygame a reculé entre 2005 et 2011-2012, de 15% à 11%. L’analyse des données par tranches d’âge montre que 21% des femmes de 45 à 49 ans sont en union avec des hommes polygames, contre seulement 6% des femmes de 15 à 19 ans. Chez les hommes en revanche, le taux de polygamie est resté stationnaire à 8% entre 2005 et 2012. Comme chez les femmes, la polygamie chez les hommes est une fonction croissante de l’âge. A partir de 40 ans, le taux de polygamie dépasse les 10%.

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4.4. Principal problème : persistance de la discrimination, de l’exploitation et des violences à l’égard des enfants, des femmes/filles et de certains groupes particulièrement vulnérables. Analyse causale Les causes des multiples problèmes de protection de l’enfance ayant été évoquées au fil de l’analyse ci-dessus, le paragraphe suivant se bornera à en fournir une présentation synthétique. Causes immédiates • Les ruptures familiales (séparations, décès, abandons de famille,…) et les conflits familiaux/conjugaux; • La violence ou la négligence des parents et des éducateurs; • Les pratiques traditionnelles « dénaturées », comme le « confiage »; • Les privations multidimensionnelles et la quête d’une vie meilleure de la part d’enfants et adolescents du milieu rural qui quittent leur famille pour aller en ville; • La violence et les pulsions sexuelles incontrôlées des hommes (alcoolisme, machisme, etc.); • Les usages, rites et cérémonies traditionnels; • Le besoin d’argent, de nourriture ou de drogues. Causes sous-jacentes • La dégradation des conditions de vie de l’enfant et de sa famille; • Les pratiques éducatives basées sur la violence; • La pauvreté et la marginalisation de certaines catégories de populations; • Les séquelles de l’esclavage et la servitude pour dettes; • L’existence de réseaux de traite; • Le manque d’autonomie des femmes; • L’acceptation sociale des VBG; • L’insuffisance de l’offre de services et des capaci-

tés des parties prenantes à développer un système coordonné de prévention, détection, prise en charge (médicale, psychologique, juridique) et réinsertion familiale et sociale pour les enfants et les femmes/ filles vulnérables; • L’impunité des auteurs de violences et d’exploitation. Causes structurelles – L’absence de politique de protection de l’enfance : un cadre stratégique national en faveur de l’enfance vulnérable 2006-2008 a été adopté en 2005 mais n’a jamais été opérationnalisé. A ce jour, le Congo ne dispose pas d’une stratégie ni d’un plan d’action visant à développer un système national de protection de l’enfance. Les actions en faveur des enfants vulnérables sont ainsi conduites selon une approche projet. Fortement soutenues par la coopération internationale, notamment l’UNICEF, elles sont peu appropriées par la partie nationale et rarement pérennisées; – L’absence de stratégie intégrée de lutte contre les VBG; – La faiblesse des mécanismes de protection sociale, jusqu’ici réservés aux familles les moins vulnérables (salariés); – Le manque de capacités financières et humaines des intervenants gouvernementaux et non gouvernementaux; – La pauvreté des ménages et en particulier de certaines catégories comme les populations autochtones; – Les normes sociales en matière d’éducation; – Les transformations sociales et le délitement des formes de solidarité traditionnelles; – La culture patriarcale et la coutume; – Le faible niveau éducatif et d’activité/autonomie des femmes.

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CONCLUSIONS ET ORIENTATIONS POUR LE FUTUR

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Principaux constats ressortis de l’étude

Quelle est la vie des enfants dans le Congo d’aujourd’hui ? Quelles chances ont-ils de survivre et de rester en bonne santé, d’apprendre à penser et à être, de réaliser leur potentiel et d’échapper à la violence ? Quels sont les principaux écueils qui se dressent sur leur chemin et pourquoi certains enfants ont-ils tellement plus de possibilités que d’autres de parvenir à les surmonter ? Pour apporter des éléments de réponse à ces questions cruciales pour l’avenir du pays, l’analyse de la situation a procédé à un état des lieux actualisé de la situation des enfants et des mères concernant la réalisation de leurs droits à la vie, à la nutrition, à la santé, à l’hygiène, à l’éducation et à la protection, tels qu’ils sont reconnus par les normes internationales, en particulier la CDE. Sur la base de la documentation existante et de l’analyse des données livrées par les enquêtes nationales les plus récentes, l’étude a mis en lumière une série d’avancées significatives, accomplies au cours des dernières années. En contrepoint, elle a fait ressortir les problèmes majeurs et les obstacles persistants qui continuent de freiner la réalisation des droits des enfants, notamment les plus pauvres et marginalisés. Le Congo a de nombreux atouts pour lui permettre d’améliorer les conditions de vie de tous ses enfants et d’accélérer la marche vers les OMD. Pays à revenu intermédiaire, il est peu peuplé, fortement urbanisé et connaît une croissance économique soutenue. Après une période de conflits internes, il est revenu à une certaine stabilité politique même s’il reste vulnérable aux catastrophes et situations d’urgence. Au cours des cinq dernières années, des efforts importants ont été fournis par l’Etat pour accélérer le développement. Dans les secteurs sociaux, des réformes ont été engagées pour renforcer le dispositif législatif concernant les droits de l’enfant et de certaines populations vulnérables comme les autochtones. En parallèle, l’accès aux services de base a été facilité par des mesures de gratuité et des investissements dans la santé et l’éducation. Toutefois, la pauvreté reste très répandue au regard des performances économiques du pays ; elle touche 47% de la population en moyenne et se concentre en milieu rural (75%), dans les ménages gérées par des femmes et au sein des populations autochtones. Les principales bonnes nouvelles de ces cinq dernières années concernent le recul de la mortalité des enfants et de leurs mères, qui met les OMD 4 et 5 à portée du Congo s’il intensifie ses efforts d’ici 2015. Les indicateurs montrent que de moins en moins d’enfants risquent de

mourir avant leur cinquième anniversaire, le taux de mortalité infanto-juvénile ayant chuté de 117‰ à 68‰ entre 2005 et 2011. Ces progrès sont en partie imputables à l’utilisation de moustiquaires pour protéger les femmes enceintes et les enfants du paludisme, à l’amélioration des soins maternels et néonatals et à la réduction des décès liés aux diarrhées et aux IRA. Toutefois, la mortalité néonatale est encore trop élevée, représentant plus de la moitié des décès d’enfants de moins d’un an. De même, la mortalité maternelle a fortement reculé entre 2005 et 2011, de 781 à 426 pour cent mille naissances vivantes. En 2011, plus de 93 femmes sur 100 ont accès à la CPN et à l’accouchement assisté. Mais malgré sa baisse, le taux de mortalité des mères reste élevé. De plus, le recours à la contraception est faible, l’avortement progresse et les grossesses adolescentes se développent. D’autres points préoccupants persistent et continuent de menacer la survie et la santé de la mère et de l’enfant. Les mauvaises pratiques d’allaitement et d’alimentation du jeune enfant favorisent les carences en micronutriments et la malnutrition : un enfant sur quatre présente encore un retard de croissance et un sur huit une insuffisance pondérale, laissant peu d’espoir d’atteindre l’OMD 1.C d’ici 2015. En ce qui concerne le VIH-sida, la situation reste préoccupante, même si l’épidémie a régressé entre 2003 et 2009, avec un taux de séroprévalence passé de 4,2% à 3,2%. Les femmes sont deux fois plus infectées que les hommes et en 2011, 86% des femmes enceintes séropositives n’avaient pas encore accès aux antirétroviraux ; de plus, la prise en charge pédiatrique (44%) progresse lentement. Autre signal inquiétant : les jeunes qui entrent dans la vie sexuelle, en particulier les filles, ne sont pas armés pour se protéger du VIH, tandis que le taux d’utilisation du préservatif reste bas. En matière d’accès à l’eau, la situation s’améliore et les trois quarts de la population boivent de l’eau provenant de sources améliorées. Cependant, la situation est moins favorable en milieu rural, où ce taux se limite à 41% et où plus d’un ménage sur cinq consomme encore de l’eau de surface. En l’absence de politique nationale d’assainissement, la situation dans ce domaine évolue très lentement, et seulement 11% des familles dis-

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posent de toilettes améliorées en 2011. Les mauvaises conditions et pratiques d’hygiène sont la cause d’épidémies récurrentes de choléra et de polio. Lorsqu’elles sont disponibles, les données désagrégées permettent de mesurer les disparités d’accès à la survie de la mère et de l’enfant. L’analyse de la situation a ainsi montré que ces disparités sont très fortes entre riches et pauvres, entre femmes éduquées et sans instruction et entre ménages du milieu rural et du milieu urbain. Elle a également permis d’identifier des poches d’extrême vulnérabilité en mettant en lumière des situations particulièrement alarmantes dans quatre départements -Plateaux, Lékoumou, Cuvette-Ouest et Sangha- dont trois abritent d’importantes populations d’autochtones. Ces départements sont aussi ceux où les femmes sont les moins alphabétisées. L’analyse des causes des problèmes constatés a fait ressortir un faisceau de facteurs qui se conjuguent pour limiter les progrès : ainsi, la précocité des grossesses, les normes socioculturelles et le faible statut des femmes/ filles limitent la réalisation de leurs droits, accentuent leur vulnérabilité, favorisent les décès maternels et infanto-juvéniles et l’infection au VIH. Les progrès sont également entravés par un système national de santé peu performant, la faible fonctionnalité de la centrale d’achat et de distribution des médicaments, les barrières financières à l’accès aux soins, une demande de services insuffisamment stimulée et la faible couverture des pratiques familiales essentielles. Dans le domaine de l’éducation, le déficit d’enseignants qualifiés, les dysfonctionnements dans la gouvernance du système et la persistance de barrières financières malgré la politique de gratuité n’assurent pas la réalisation des droits des enfants à une éducation de qualité, inclusive et universelle. L’éducation préscolaire, dominée par le secteur privé, est réservée à une petite minorité d’enfants urbains et privilégiés. Au primaire, le Congo a atteint un niveau d’accès quasi-universel tandis que les disparités de genre se sont fortement réduites, avec un indice de parité filles/garçons de 0,97 en 2011 contre 0,93 en 2005. Mais le taux net de scolarisation progresse lentement –de 87% à 90% entre 2005 et 2011– et le système enregistre de forts taux d’échec et d’abandon. La rétention au primaire est en régression : dans les conditions actuelles de scolarisation, sur 100 élèves entrant au primaire, seulement 73 arrivent à terminer un cycle primaire complet en 2011, contre 87 en 2005. Par ailleurs, si l’accès à l’école primaire s’est beaucoup amélioré, le système ne parvient pas à assurer un service satisfaisant sur le plan qualitatif, en particulier dans le secteur public. Sauf pour les élèves urbains, issus d’un

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milieu aisé et fréquentant une école privée plutôt que publique, la scolarisation au primaire n’assure pas forcément la rétention des apprentissages à l’âge adulte. Or, au-delà du primaire, la transition vers le secondaire (66%) constitue un goulot d’étranglement, notamment du fait du sous-dimensionnement de l’offre en collèges dans certains départements et des grossesses précoces. Enfin, l’enseignement technique et la formation professionnelle connaissent d’importantes faiblesses et ne sont pas en mesure de répondre aux besoins croissants de l’économie congolaise en main-d’œuvre et techniciens qualifiés. Hormis les inégalités de genre, l’analyse a fait ressortir de fortes disparités d’accès à l’éducation, notamment liées au lieu de résidence et à l’ethnie. Ainsi, les départements de la Sangha, Likouala, Lékoumou, où vivent d’importantes populations autochtones, apparaissent défavorisés. Malgré la mise en place d’une stratégie nationale spécifique et d’écoles alternatives, les enfants autochtones apparaissent encore discriminés, leur taux net de scolarisation au primaire étant deux fois moins élevé que la moyenne. De même, le taux d’analphabétisme est presque trois fois plus élevé dans la population en situation de handicap (30%) que dans la population sans handicap (11%). Malgré la validation de la loi de protection de l’enfant et d’une loi nationale de protection des populations autochtones (la première du genre en Afrique), la réalisation des droits de l’enfant à la protection demeure limitée. Elle est de surcroît difficile à appréhender en raison du caractère lacunaire, ancien et parfois peu fiable des données. Des études récentes indiquent que le taux d’enregistrement à l’Etat-civil des enfants de moins de 5 ans est élevé (81%). Mais la plupart des enfants autochtones et certains enfants pauvres et ruraux ne sont pas déclarés à la naissance, notamment du fait de la faible accessibilité des centres d’Etat-civil dans certaines régions, de l’attente et du mauvais accueil, des coûts liés à la délivrance de l’acte de naissance et d’autres facteurs socioculturels et législatifs. Les minorités autochtones, qui vivent en grande majorité dans les forêts, constituent la catégorie la plus marginalisée de la société congolaise. Particulièrement vulnérables, les enfants et les femmes autochtones subissent de graves abus et violations de leurs droits fondamentaux de la part de communautés bantoues et de représentants des autorités ou des sociétés qui exploitent les ressources naturelles du pays. L’étude met en lumière de nombreuses catégories d’enfants requérant des mesures spéciales de protection, comme les enfants confiés, les enfants de la rue, les

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enfants victimes de traite et d’exploitation sexuelle, les enfants en situation de handicap, réfugiés ou en conflit avec la loi. Elle souligne le manque d’information sur les pires formes du travail des enfants, la situation des enfants en conflit avec la loi et les violences basées sur le genre, pourtant largement répandues. Les principales causes des violences et abus à l’encontre des enfants et des femmes/filles vulnérables sont la pauvreté et la marginalisation, les séquelles de l’esclavage, les pratiques éducatives et traditionnelles basées sur la violence, conjuguées à l’absence de système intégré de protection de l’enfance et à la faiblesse des services sociaux et judiciaires existants.   Orientations et pistes d’action pour l’avenir En présentant un bilan de la réalisation des droits de l’enfant et une analyse des principales causes qui les sous-tendent, l’analyse de la situation fournit un outil de programmation et de plaidoyer pour le futur, permettant d’orienter les politiques et stratégies développées dans le cadre de la coopération entre le Congo et l’UNICEF au cours des prochaines années. Au regard des principales conclusions, la première priorité semble la poursuite du processus visant à développer des politiques sociales ciblant les familles les plus vulnérables et marginalisées, afin de sortir leurs enfants de la pauvreté et de promouvoir leurs droits à la survie et au développement. Dans le domaine de la santé de la mère et de l’enfant, un paquet d’interventions à haut impact devrait être mis en œuvre, notamment l’intensification des soins obstétricaux et néonatals d’urgence de base et des soins postnatals, l’intensification de la lutte contre les trois maladies tueuses d’enfant, la promotion de stratégies vaccinales visant les enfants les plus difficiles à atteindre, la mise en place progressive d’un système d’assurance maladie universelle et l’intégration des relais communautaires dans le système de santé. En matière de nutrition, le prochain programme pourrait appuyer la mise en œuvre des initiatives SUN et REACH pour l’élimination de la faim chez les enfants, la promotion de l’allaitement maternel et d’une alimentation de complément adéquate, et la lutte contre les carences en micronutriments à travers la supplémentation et la fortification des aliments. Pour intensifier la lutte contre le VIH, il apparaît prioritaire d’appuyer la mise en œuvre du plan d’élimination de la TME, de renforcer la prévention de VIH en milieu scolaire et extrascolaire et les dispositifs de dépistage, et d’accélérer la prise en charge des enfants infectés.

Dans le domaine de l’eau, assainissement, hygiène, d’importants efforts devront être consentis pour inventorier, construire et réhabiliter des ouvrages, renforcer les mécanismes de gestion communautaires, développer l’ATPC, équiper les écoles en eau potable et latrines améliorées, et promouvoir les bonnes pratiques d’hygiène, dont le traitement de l’eau à domicile. Pour maximiser les effets de la réforme de l’éducation, le programme de coopération Congo-UNICEF pourrait appuyer la réhabilitation ou la construction d’écoles, en coopération avec d’autres PTF, et intensifier son soutien aux initiatives visant l’inclusion des exclus du système scolaire. Il conviendrait en priorité de documenter les barrières limitant l’accès des plus vulnérables à l’éducation et les causes de l’échec scolaire et/ou de l’abandon ; d’identifier des formes alternatives d’éducation pour les enfants non scolarisés et déscolarisés (notamment les filles et les autochtones) et d’appuyer leur expérimentation au niveau local. Des efforts devraient également être consentis pour élargir l’accès au secondaire. Pour améliorer la qualité de l’éducation et la rétention des apprentissages, notamment au primaire, le programme pourrait encourager le développement du préscolaire public ou communautaire. De plus, un effort important devrait viser à améliorer la formation initiale et continue des enseignants et renforcer la qualité de l’offre d’éducation technique et de formation professionnelle ainsi que son adéquation aux besoins du marché du travail. Pour mieux protéger les enfants et les femmes/filles de toutes les formes de violence, abus ou exploitation, le programme de coopération devrait contribuer à compléter la documentation sur ces phénomènes et mettre en place un système d’information, plaider pour la mise en œuvre effective des lois existantes et appuyer la création d’un environnement protecteur selon une approche multisectorielle. A cette fin, des dispositifs pilotes de prise en charge intégrée des victimes pourraient être expérimentés, notamment dans les grandes villes et les départements de résidence des populations autochtones. Ces dispositifs permettraient de coordonner les partenaires gouvernementaux concernés (Affaires sociales, Santé, Police, Justice, Education) et les organisations de la société civile et communautaires intervenant dans la promotion des droits de l’enfant. Tous ces acteurs devraient bénéficier d’un renforcement de capacités intensif, de l’expertise de l’UNICEF notamment en matière de normes et standards et d’échanges d’expérience avec des pays ayant réussi à mettre en place des systèmes efficients de protection de l’enfance.

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BIBLIOGRAPHIE

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Édition et impression: Yasua S.A.R.L Tel.: (+242) 06 673 78 78/05 612 09 42 Graphisme: Sarald Aime NGOUABI

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