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Le phénomène des kids influencers : les premières réponses du législateur
Giuseppe SCOTTI
Ô The "kids influencer" phenomenon generates billions of dollars and will rise to a continuous crescendo. Currently, Legislatures is failing to keep up with this rapid expansion of the digital market, leaving a major regulatory gap in the field. While waiting for this gap to be filled, including through the various reform proposals placed on Minister Cartabia’s desk last May, modeled after the French law of October 2020, the Child Labor Law is being applied on an interim basis. On the issue of haters, socialites themselves have taken the field with ad hoc measures.
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Ô El fenómeno de los niños influyentes genera miles de millones de dólares y va a ir in crescendo. Actualmente, el poder legislativo no está a la altura de esta rápida expansión del mercado digital, dejando un importante vacío normativo en la materia. A la espera de que esta laguna se cubra, incluso a través de las diversas propuestas de reforma puestas sobre la mesa del ministro Cartabia el pasado mes de mayo, siguiendo el modelo de la ley francesa de octubre de 2020, se está aplicando la Ley de Trabajo Infantil de forma provisional. En cuanto al tema de los odiosos, los propios socialistas han salido al campo con medidas ad hoc.
Introduction
Ces dernières années, en partie à cause de la pandémie du Covid-19, on a assisté à une augmentation exponentielle du phénomène des kids influencers, c’est-à-dire des enfants et des adolescents suivis sur le web et les réseaux sociaux par leurs pairs, qui sont capables de lancer des tendances par le biais de likes, de commentaires et de vues. La croissance massive de ce phénomène a entraîné la fusion de deux mondes, qui collaboraient déjà étroitement depuis un certain temps : celui du marketing et des réseaux sociaux ; il suffit de dire qu’en 2019, un rapport de PWC a estimé que le marché de la publicité digitale pour les enfants représenterait 1,7 milliard de dollars et qu’il continuerait à croître, à titre indicatif, de plus de 20 % par an. Aujourd’hui, compte tenu également de la nouveauté du phénomène, il n’existe pas dans le système juridique italien de véritable cadre réglementaire établi spécifiquement pour cette discipline. En attendant que le législateur italien comble ce vide juridique, les règles régissant le travail des enfants dans les secteurs du spectacle et de la publicité pourraient être appliquées par analogie. De surcroît, si les influenceurs sont des enfants, leur activité pourrait s’assimiler à du travail des enfants, et être protégée par la Constitution italienne, par son article 2 et en particulier son article 31, paragraphe II, qui dispose : « [la République] protège la maternité, l’enfance et la jeunesse, en favorisant les ins-
tituts nécessaires à cet effet ». Plus en détail encore, on pourrait se référer au cadre juridique réglementant le travail des mineurs, régi par la loi n° 977 du 17 octobre 1967, modifiée ultérieurement pour mettre en œuvre la directive CE 94/33 sur la protection des jeunes au travail. Cette réglementation permet d’employer un mineur de moins de 16 ans dans des domaines particuliers, par exemple artistique, publicitaire ou sportif, mais à condition que son intégrité et son développement psychophysique soient sauvegardés. Enfin, au code civil italien il convient de mentionner les articles 147 et 357, qui imposent l’obligation d’élever, d’éduquer et d’entretenir les enfants et réglementent l’administration de leurs biens. Consentement et capacité d’agir du point de vue contractuel, étant donné qu’il s’agit de mineurs, ils n’ont pas la capacité d’agir, qui s’acquiert, selon la loi italienne, à l’âge de 18 ans ; par conséquent, tout contrat de publicité, de parrainage ou d’agent ne sera valablement conclu qu’en présence du consentement parental. Sur cette question, il convient de mentionner un important jugement rendu récemment par le Tribunal de Milan n° 4379 du 16 juillet 2020 : une mère avait donné son accord pour signer un contrat publicitaire avec une marque de mode mettant en scène son fils mineur. Le père avait intenté une action visant à faire déclarer le contrat nul et non avenu parce qu’il n’avait pas donné son consentement. La mère, en revanche, a fait valoir que son ex-mari avait donné son consentement et que, dans l’hypothèse peu probable L’article 8 du RGPD où tel ne serait pas le cas, énonce ensuite l’oblila conclusion du contrat litigieux constituait un acte gation pour les plate- d’administration ordinaire, formes de coopérer pour lequel le consentement pour vérifier, au moyen d’un seul parent était suffid’algorithmes spéciaux, sant. La marque de mode, à son tour, avait comparu, que les parents ont lé- déclarant que la mère avait gitimement donné leur prétendu être la seule resconsentement. ponsable et demandant ainsi à être indemnisée contre toute sorte de demande de dommages et intérêts. Le juge a estimé que, nonobstant la licéité de la publication des images de l’enfant dans la mesure où elles ne portaient pas atteinte au développement psychologique et physique de ce dernier, l’acte en question revêtait le caractère d’un acte d’administration extraordinaire « dans la mesure où il dispose de droits très personnels et fondamentaux ayant des répercussions de nature patrimoniale ». Le contrat de parrainage conclu avec le consentement d’un seul parent a donc été déclaré nul sur le fondement de l’article 96 de la loi sur le droit d’auteur en raison de l’illicéité de son objet, et il appartenait à la marque de mode d’agir et de vérifier que le consentement avait été donné par les deux parents. En plus d’interdire l’utilisation des images de l’enfant, la Cour a rejeté les demandes de dommages et intérêts du père, déclarant que le demandeur n’avait pas prouvé un quelconque type de dommage subi en raison de l’absence de consentement. Si le cadre réglementaire posé ci-dessus permet de réglementer ce phénomène émergent de manière assez exhaustive en matière de droit du travail, il ne répond pas à la composante novatrice de ce nouveau type de travail des enfants - la connexion par internet avec des milliers de personnes en même temps - et les difficultés qui peuvent en découler.
Un âge minimum pour accéder aux réseaux sociaux ?
L’un des principaux aspects du phénomène des kids influencers est la relation avec les réseaux sociaux, en particulier Instagram et TikTok, qui sont probablement les plateformes les plus populaires auprès des enfants et des adolescents. Par conséquent, il est important de savoir, également pour les parents, quel est l’âge minimum pour y accéder. Pour le législateur européen, avec la promulgation du règlement 679/20161, règlement général sur
1. Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données).
la protection des données, dit RGPD, qui contient une section dédiée aux mineurs intitulée « kids », un enfant doit avoir au moins 16 ans pour consentir valablement au traitement de ses données en ligne, et par conséquent pouvoir s’abonner à des applications ou à des médias sociaux. L’article 8 du RGPD énonce ensuite l’obligation pour les plateformes de coopérer pour vérifier, au moyen d’algorithmes spéciaux, que les parents ont légitimement donné leur consentement. Les États membres sont autorisés à abaisser dans leur législation nationale l’âge minimum du consentement à 13 ans. L’Italie, en transposant par le décret législatif n° 101/2018 la règle de l’UE, a adopté une attitude plus stricte que le garant européen, en abaissant l’âge minimum pour s’inscrire sur un réseau social à 14 ans. En pratique, ces dispositions et contrôles sont difficiles à mettre en œuvre, car un mineur peut mentir sur son âge en indiquant lors de son enregistrement une date de naissance qui ne correspond pas à son âge réel, sans toutefois en subir les conséquences. Si, effet, un délinquant de 14 ans commet des infractions en ligne, ses parents sont responsables pour ne pas avoir contrôlé l’utilisation par leur enfant du réseau social concerné. En revanche, les gestionnaires de plateformes ne sont pas pénalement
https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A32016R0679 responsables des infractions commises par les utilisateurs, mais ils sont tenus de signaler rapidement l’infraction aux autorités judiciaires conformément à l’article 17 du décret législatif 70/2003. En cas d’omission ou de retard, leur responsabilité civile peut être engagée.
Vers un renforcement des contrôles par les plateformes elles-mêmes
Au cours de l’année 2021, des réseaux sociaux tels qu’Instagram et TikTok ont cherché à renforcer la vérification de l’âge de leurs utilisateurs inscrits et la protection des plus fragiles contre les messages haineux et les interactions dangereuses. S’agissant de l’âge des utilisateurs, le réseau social Instagram appartenant à Meta (Zuckerberg)2 Récemment, Instagram a requis tant pour les nou- a introduit le filtre veaux utilisateurs que pour les utilisateurs existants l’âge « discours de haine », minimum de 13 ans pour y qui peut être activé accéder, et développé de par l’utilisateur dans nouvelles technologies d’in- les paramètres de son telligence artificielle, comme compte. celles visant à « démasquer les menteurs » ou celles permettant d’appliquer des fonctions spécifiques liées à l’âge, par exemple : en limitant les messages directs entre les adolescents et les adultes qui ne font pas partie des profils suivis, en suggérant aux mineurs de prêter plus attention à leurs interactions avec les autres utilisateurs et en rendant plus complexe la recherche des profils des utilisateurs mineurs par les adultes ayant eu un comportement suspect. Une situation similaire s’applique à la plateforme TikTok lancée en Chine en 20163. En février 2021, à la suite d’une affaire judiciaire l’opposant au garant italien de la vie privée, TikTok a rendu obligatoire la saisie de la date de naissance des utilisateurs pour pouvoir accéder au contenu et supprimer les utilisateurs de moins de 13 ans. Outre ces mesures, dans la lignée de celles adoptées par Instagram, de nouvelles fonctions ont été introduites comme celle pour supprimer des comptes des jeunes utilisateurs la fonction « message direct » ou pour définir automatiquement leur profil comme privé.
2. Depuis 2012, l’application appartient au groupe américain Meta (ex Facebook Inc). 3. TikTok est la version lancée en 2017 pour les marchés hors de Chine par la société ByteDance, entreprise de technologie numérique fondée en 2012 par Zhang Yiming et domiciliée à Pékin, à la suite du lancement en septembre 2016 pour le marché chinois de la première application mobile de partage de vidéos courtes connue sous le nom de Douyin.
D’un contrôle de l’âge vers un contrôle du contenu par les plateformes
Un autre problème souvent lié à la présence des très jeunes sur les réseaux sociaux est le phénomène des haters, des individus qui déversent des messages haineux et discriminatoires à l’égard d’utilisateurs connus et qui peuvent entraîner des problèmes même en dehors d’internet et du monde social, avec des conséquences très graves pour la victime. Récemment, Instagram a introduit le filtre « discours de haine », qui peut être activé par l’utilisateur dans les paramètres de son compte. Les utilisateurs devront saisir manuellement les mots et les phrases qu’ils ne souhaitent plus recevoir dans leurs DM (messages directs) ou dans les commentaires de leurs messages. Si, malgré tout cela, ils reçoivent encore des messages privés haineux, ils pourront les signaler au service d’assistance de la plateforme concernée, qui les supprimera. Toujours dans le but de limiter les écarts de conduite de ses membres, TikTok a inclus un bouton « dislike » afin de permettre aux utilisateurs de supprimer dans les commentaires les réponses qu’ils considèrent offensantes ou inappropriées. Le contrôle des contenus haineux hors internet contre ce qu’elle considère être un propos haineux, une personne peut également agir « hors ligne », en déposant une plainte pour diffamation aggravée par l’utilisation d’internet auprès de la police dans les trois mois suivant la connaissance de l’infraction, ou en déposant une plainte auprès du procureur de la République. La diffamation peut être prouvée par la victime au moyen d’un « Screenshot » de son appareil, ou par le témoignage d’une personne qui a pu lire le contenu du message discriminatoire. Pour qu’il y ait infraction, il faut qu’elle soit publique, c’est-àdire lue par au moins deux personnes, que le message ait été délivré dans un salon de discussion privé ou sous un post de la victime. Pour la diffamation aggravée, le code pénal prévoit une peine de six mois à trois ans d’emprisonnement ou une amende qui ne peut être inférieure à 516 euros.
L’exemple français
En Europe, la France est le premier pays à avoir adopté une loi sur les « baby influenceurs », qui vise à mieux encadrer le contexte des mineurs dans la sphère digitale et à combler les lacunes réglementaires. Le projet de loi, présenté en 2019, a été voté à l’unanimité par l’Assemblée nationale en octobre 2020 et nommé « Loi du 19 octobre 2020 visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne ». Cette loi prévoit tout d’abord de limiter les heures de travail, comparant ainsi l’activité des influenceurs mineurs à celle des acteurs. Si une agence ou une marque de mode souhaite faire participer un enfant de moins de 16 ans à ses activités de publicité ou de marketing, elle devra demander une autorisation explicite aux autorités locales. Mais selon nous, les nouveautés les plus importantes introduites par la législation française concernent l’aspect économique de l’activité de l’enfant et la possibilité pour lui de se « débarrasser » des contenus dans lequel il apparaissait une fois qu’il a atteint l’âge de la majorité. En ce qui concerne la question économique, le législateur français impose aux parents de verser les gains obtenus par l’activité de leur enfant de moins de 16 ans sur un compte courant ouvert à son seul nom et bloqué jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge de 16 ans. En ce qui concerne le « droit à l’oubli », il permettra au mineur, dès qu’il sera majeur, de demander et d’obtenir la suppression par la plateforme concernée des contenus faisant l’objet de sa demande.
Vers une réponse plus adaptée du législateur italien
Sur le modèle de la loi française, une série de propositions sont parvenues ces derniers mois sur le bureau du ministre italien de la justice, M. Cartabia, visant à un plus grand contrôle de l’utilisation des réseaux sociaux par les mineurs et à l’établissement d’un modèle réglementaire ad hoc pour les influenceurs d’enfants. Cet ensemble de réformes comprend un nouveau système de vérification de l’âge pour l’accès aux réseaux sociaux, visant à empêcher la manipulation par des tiers de l’âge de l’enfant, tout en respectant pleinement la vie privée des utilisateurs, un audit des bénéfices générés par les mineurs à partir de leurs activités en ligne, et le droit à l’oubli des contenus les représentant. L’inspiration du droit français est évidente, surtout dans les deux dernières propositions que nous venons de mentionner. D’autres objectifs fixés par le gouvernement italien sur le même sujet concernent l’extension au phénomène des baby influenceurs de la pratique du sharenting (un terme inventé en 2010 qui désigne la pratique des parents publiant en ligne des contenus concernant leurs enfants), la nullité des contrats digitaux signés par des enfants de moins de 16 ans et la mise en place de campagnes de sensibilisation périodiques au sein des plateformes sociales elles-mêmes.
Conclusion
Dans l’attente d’une législation spécifique pour réglementer l’activité des kids influenceurs - qui devrait être rédigée et approuvée dès que possible (de préférence au niveau européen) – nous considérons que les lois existantes qui règlementent d’autres formes « extraordinaires » de travail des mineurs peuvent être appliquées par analogie et qu’une campagne de sensibilisation massive sur l’utilisation et le contenu des applications et des médias sociaux destinés aux très jeunes devrait être menée sans attendre. ■
Giuseppe SCOTTI
Avocat, Macchi di Cellere Gangemi Milan, Italie gscotti@macchi-gangemi.com