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5. Contexte
CONTEXTE
5. Contexte
Ce chapitre présente des éléments contextuels des missions d’Unisanté et de son plan stratégique 2020-2024. Ces éléments concernent aussi bien les questions liées à la santé des individus qu’à celle des populations.
Rééquilibrage du système de soins vers la 1re ligne et l’expertise en santé publique Le développement d’Unisanté s’inscrit dans la volonté des autorités politiques et académiques cantonales de renforcer le système de soins en le recentrant sur la 1re ligne de soins et l’expertise en santé publique selon les recommandations de l’OMS. Ce renforcement part d’un triple constat concernant l’évolution des systèmes de soins occidentaux : 1) l’accent mis de manière disproportionnée sur une offre étroite de soins curatifs spécialisés et hautement technologiques, 2) la fragmentation des prises en charge des patient·e·s avec maladie chronique en l’absence de traçabilité numérique efficace et cohérente et 3) un certain laisser-faire en matière de gouvernance, qui a permis l’éclosion d’une marchandisation mal contrôlée de la santé résultant parfois à une surutilisation de certaines techniques diagnostiques ou interventions thérapeutiques.
Maladies chroniques
Préventions des maladies L’augmentation des maladies chroniques (diabète, maladie respiratoire, cardiaque), de la mixité sociale et culturelle, et de la population âgée s’accompagne, d’une part de l’émergence de nouveaux métiers de la santé, comme les infirmier·ère·s praticien·ne·s spécialisé·e·s ou les coordinatrices et coordinateurs en soins, et d’autre part de l’élargissement du champ de compétences d’autres professionnel·le·s, comme les pharmacien·ne·s qui voient leur autonomie à la prescription et la dispensation augmenter. De nouvelles maladies, par exemple un cancer en rémission ou guérison, l’infection au virus HIV ou la sclérose en plaque, nécessitent des suivis cliniques sur le long terme; ces maladies sont dorénavant des maladies dites chroniques.
Les mesures de prévention comportementale visent le renforcement des compétences individuelles en matière de santé, lesquelles facilitent l’adoption de modes de vie favorables à la santé. Sous la forme de consultations individuelles (prévention du tabagisme et de la dépendance à l’alcool, conseil en activité physique, dépistage des facteurs de risque cardiovasculaires), de séances d’information et de sensibilisation en groupe, « Cours santé » , ces projets permettent de diffuser aux individus les connaissances et les aptitudes leur permettant de gérer au mieux leur santé.
Les mesures structurelles consistent à agir sur les cadres de vie des individus. Unisanté tient à contribuer à modifier favorablement leur environnement afin de faciliter les choix bénéfiques à la santé : régulation de la vente, notamment à travers des taxes, et de la publicité des produits néfastes à la santé (tabac, alcool, sucres industriels, …), développement de cheminements piétons, de pistes cyclables, de places de jeux.
Populations en situation de vulnérabilité Le système sanitaire suisse est certes onéreux mais c’est un système dans lequel les usagers ont confiance et pour lequel ils affichent un taux élevé de satisfaction (Biller-Andorno 20151). Et pourtant, comparativement à dix autres pays industrialisés, la Suisse est classée 4ème pour ce qui est de l’équité des soins et 8ème pour l’accès à ces soins (Schneider 20172). De plus, 22 à 31 % de la population interrogée en Suisse a renoncé aux soins pour des raisons économiques au cours des 12 derniers mois, avec un gradient social marqué, ce qui place la Suisse en avant-dernière position par rapport aux autres pays de l’OCDE (OCDE, 20173).
Les inégalités sociales verticales (niveau de formation, statut professionnel, revenu) et horizontales (nationalité, origine, orientation sexuelle et identité de genre, état civil, région de résidence) sont à l’origine d’inégalités sociales de santé en matière d’accès et de qualité des soins. Unisanté continuera à mettre à son agenda les soins aux personnes en situation de vulnérabilité.
L’influence du sexe et du genre doit également être intégrée aux connaissances et compétences des soignant·e·s, des chercheuses et chercheurs et des enseignant·e·s, afin de contribuer à la lutte contre les inégalités en santé.
Travail et santé
Environnement et santé Le travail est une composante essentielle de la vie adulte et un déterminant majeur de la santé de la population et du vieillissement en bonne santé. Un homme sur quatre et une femme sur six déclarent cependant que leur santé est atteinte par leur environnement de travail. Ces enjeux concernent notamment : (1) l’exposition aux agents cancérigènes, avec une estimation de 8% de la fraction des cancers attribuables aux expositions professionnelles en Suisse; (2) les risques psychosociaux, un quart des employés suisses faisant état de plus de contraintes que de ressources sur le lieu de travail; (3) les troubles musculo-squelettiques, qui exercent un impact important sur la qualité de vie et concernent un quart de la population active masculine et un sixième de la population active féminine en Suisse.
En raison du manque de médecins du travail, Unisanté va chercher à mutualiser les efforts pour faire face à ces enjeux.
La santé environnementale a été incluse dans le périmètre d’action d’Unisanté. Cette extension découle d’une part du constat que de nombreux polluants, rencontrés en milieu de travail sont présents dans l’environnement domestique et extérieur et qu’Unisanté possède des compétences dans le champ de la santé environnementale. D’autre part, elle découle du souhait de renforcer au sein d’Unisanté les activités d’expertise et de recherche dans ce domaine pour faire face à une demande sociétale croissante dans un contexte de globalisation des enjeux sanitaires liés au réchauffement climatique.
Stratégie cantonale de santé publique Dans son « Rapport sur la politique de santé publique du canton de Vaud 2018-2022 », le canton de Vaud a identifié comme objectif principal la préparation du système de soins au vieillissement de la population d’une part, et l’accessibilité de tous à un système de soins efficace et socialement supportable d’autre part. Le Département de la santé et de l’action sociale estime que le maintien de la population dans un bon état de santé est une priorité publique, non seulement parce que la santé contribue au bien-être et à la qualité de vie des citoyen·ne·s, mais aussi parce que c’est un élément essentiel pour assurer la durabilité de notre système de santé.
Unisanté s’inscrit dans les huit champs d’action de ce rapport (figure 2). Son expertise devrait contribuer à favoriser les compétences en santé des patient·e·s et la prise de décision éclairée et, du côté des professionnel·le·s, la responsabilité populationnelle et la recherche d’efficience du système de soins.
Figure 2: Les 8 champs d’action du Rapport sur la politique de santé publique du canton de Vaud 2018-2022
Stratégie nationale de prévention des maladies non transmissibles Unisanté s’inscrit dans les objectifs de la stratégie 2017-2024 de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), qui stipule : « Plus de personnes restent en bonne santé ou bénéficient d’une qualité de vie élevée en dépit d’une maladie chronique. Moins de personnes souffrent de maladies non transmissibles évitables ou décèdent prématurément. Quel que soit leur statut socio-économique, les personnes sont encouragées à adopter des styles de vie sains dans un environnement favorable à la santé. » (OFSP 2017–20244).
Ce plan stratégique d’Unisanté s’inscrit également dans le souci de durabilité du système de santé récemment mis en exergue par l’Académie Suisse des Sciences Médicales (ASSM 2019). L’ASSM a identifié les éléments suivants ayant un impact négatif sur la durabilité du système de santé : 1) une surestimation du bénéfice des interventions médicales ; 2) des attentes parfois irréalistes envers la médecine ; 3) des ressources en professionnel·le·s de la santé non garanties ; 4) des ressources financières du système de soins limitées et 5) des incitations d’interventions fausses au sein de ce système.
Unisanté tient à être un acteur des changements de paradigme quant aux réponses du système de soins, qui doit désormais être centré sur les besoins et non plus conditionné par l’offre.
Consommation de soins et nouvelles structures médico-sanitaires
Efficience du système de soins Le mode de consommation de la population s’oriente vers une demande de prestations rapides et réactives, parfois dispensées par des partenaires différents d’une fois à l’autre. L’offre sans rendez-vous devra être augmentée et un échange facile et immédiat des informations médico-soignantes entre les différents prestataires impliqués devra être garanti, afin de préserver la qualité et le coût des soins. Les situations d’urgence doivent ainsi s’inscrire dans le processus de virage ambulatoire. De nombreuses situations aboutissant aujourd’hui dans les services d’urgences hospitalières pourraient être prises en charge en structure ambulatoire ou à domicile, avec un bénéfice pour les patient·e·s et le système de santé. Par son implication dans le programme cantonal d’optimisation de la réponse à l’urgence, Unisanté s’engage dans cette nouvelle dynamique.
Afin de répondre aux besoins de la population, de nouvelles structures de type « maison de santé /permanence » sont en train d’être créées. Elles offrent des prestations médicales de proximité, en urgence et en électif, avec une orientation sur les maladies chroniques, les soins aux personnes âgées et les visites à domicile. Cette réorganisation du système de soins ambulatoires va probablement signifier de nouvelles responsabilités entre les acteurs du terrain et l’interprofessionnalité devrait permettre une mutualisation de certaines tâches.
Unisanté est un des acteurs nationaux du mouvement « Smarter medicine », qui décline en Suisse la campagne « Choosing wisely » et qui vise à identifier les interventions médicales au bénéfice marginal (Selby 20155) dont la pratique devrait être abandonnée.
Unisanté est appelé à participer activement à la réflexion, à la recherche et à l’implémentation de solutions pour limiter les coûts liés aux soins, tout en maintenant la qualité de ceux-ci.
Santé digitalisée
Patient partenaire La numérisation des données médicales, l’évolution des systèmes d’information, la télémédecine, la santé connectée, l’analyse des données massives et l’implication des GAFA et des autres médias sociaux dans le domaine sanitaire imposent aux acteurs de santé communautaire de se profiler dans ce secteur, notamment en s’adaptant à cette évolution et en faisant preuve d’innovation (Alami 20176). Unisanté pourra être un partenaire des autorités cantonales dans la mise en place du dossier électronique du patient (DEP), à travers une réflexion sur la vision et la finalité du système dans une perspective de santé publique, qui va bien au-delà des considérations technologiques.
Avec l’accès facilité à l’information médicale et la fin de la médecine « paternaliste », le·la patient·e est appelé·e à jouer un rôle encore plus central dans sa prise en charge. Même si cette préoccupation est déjà présente, il s’agit de confirmer cette position et d’encourager le·la patient·e à participer aux décisions dans les processus de soins et de préventions et lui donner les outils lui permettant de comprendre les enjeux le·la concernant, donc de favoriser les compétences en santé. Il s’agit également de répondre à la perte de confiance de certain·e·s citoyen·e·s et patient·e·s dans l’expertise médicale et scientifique.
Gestion des risques sanitaires Médecine et santé publique de précision La gestion des risques, avérés ou potentiels, a considérablement évolué. Monopole des autorités sanitaires et des expert·e·s scientifiques il y a encore quelques années, elle est maintenant un objet public, revendiqué par une multiplicité d’acteurs (parties prenantes, leaders d’opinions). Une évolution qui reflète une préoccupation croissante du public pour ces enjeux, dans un contexte d’hyper-information, de débat autour de l’incertitude scientifique et de la mise en œuvre du principe de précaution. La gestion des risques doit reposer sur une expertise scientifique de qualité, qui garantit la transparence et l’absence de conflit d’intérêt du processus décisionnel.
Du fait de son statut, Unisanté est le partenaire des autorités pour accompagner le processus de gestion de ces risques. On pense notamment aux risques liés aux champs électromagnétiques de la téléphonie mobile, à l’adoption d’une alimentation basée de plus en plus sur des produits ultra-transformés, à l’exposition chronique à différents produits toxiques, y compris
des perturbateurs endocriniens, ou au vapotage. Il est dorénavant possible de séquencer le génome humain et d’établir la carte génétique d’une personne, de manière rapide et relativement peu coûteuse. Dans le cadre du cancer, cette technique permet de séquencer le génome tumoral et de définir des thérapies ciblées. Les perspectives de développement concernent désormais la prévention des maladies chroniques, telles que les cancers, les maladies cardiaques et métaboliques, les maladies inflammatoires et les maladies dégénératives.
Santé mentale L’utilité clinique des scores génétiques pour les maladies chroniques et la sécurité des médicaments est en train d’augmenter. La 1re ligne de soins pourrait être au cœur de cette démarche, vu sa position centrale dans le système de soins, son rôle de prévention et son lien privilégié avec ses patient·e·s. Le rôle du médecin généraliste et des autres professionnel·le·s de santé nécessite donc d’être précisé. Déjà sous pression face aux défis liés à l’allongement de l’espérance de vie et à la prise en charge des malades chroniques, sont-ils prêts à affronter ce défi supplémentaire à la fois en termes de formation et d’organisation du travail ?
Unisanté veut contribuer à traiter cette question, ainsi que la priorisation des actions de prévention et de santé publique, qui peuvent dorénavant être décidées sur la base de données populationnelles précises, notamment par l’apport de l’épidémiologie spatiale.
Les maladies psychiques figurent parmi les affections les plus fréquentes. Près d’une personne sur deux est touchée dans sa santé mentale, au moins une fois dans sa vie. Il est dès lors crucial de promouvoir la santé mentale et de favoriser l’accès aux offres d’aide et de soins.
Unisanté est déjà engagé dans cette thématique dans le cadre des soins aux populations migrantes et dispose de professionnel·le·s compétent·e·s pour la mise à disposition d’informations dans le domaine de la santé mentale. L’accès à ces connaissances permet d’augmenter la capacité à améliorer sa propre santé, alors que le manque de connaissances, a contrario, renforce l’isolement de la personne et retarde l’accès à une aide adéquate. L’évolution de la maladie peut être d’autant plus grave si l’aide est reçue tardivement.
Enseignement et formation Unisanté a la responsabilité et la volonté de développer toutes ses activités dans un cadre universitaire. La formation est donc au cœur de son action. Le corps enseignant d’Unisanté est mandaté pour appliquer le nouveau référentiel d’objectifs de formation des études de médecine Profiles (Principal Relevant Objectives and Framework for Integrated Learning and Education (http://www.profilesmed.ch). Ce catalogue met en avant l’enseignement de la priorisation des interventions médicales, faisant ainsi écho au mouvement Smarter medicine, le partage de la décision, confirmant la place de la médecine participative dans le rapport médecin-patient, ou encore la promotion de la santé, la prévention et la santé communautaire.
La pharmacie ambulatoire d’Unisanté étant partie prenante de la Convention signée entre l’Université de Genève et l’Université de Lausanne au sujet de la collaboration lémanique en sciences pharmaceutiques, sous la dénomination « Institut des Sciences Pharmaceutiques de Suisse Occidentale (ISPSO) », Unisanté va continuer à développer des activités dans ce domaine universitaire.
Unisanté poursuivra par ailleurs sa mission de formation des futur·e·s généralistes, des médecins de santé publique et des médecins du travail. Il s’agira en particulier de contribuer au développement de l’Ecole suisse de santé publique (Swiss School of Public Health – a foundation of Swiss Universities – SSPH+) dans le cadre d’une collaboration avec les autres compétences existant en Suisse.
Recherche Par essence, un centre universitaire doit réaliser des activités de recherche dans ses domaines de compétence. La convention liant Unisanté à l’UNIL donne à Unisanté les ressources de base pour les réaliser. Ce financement doit bien évidemment être complété par d’autres sources de financement, expertisées, en particulier par le Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS). Unisanté s’inscrit dans le programme 2021-2024 du FNS, qui fixe notamment comme priorité de soutenir les infrastructures de données et services dédiés à la science ouverte et d’accroître la valeur de la recherche pour la société, de permettre aux jeunes scientifiques d’obtenir leur indépendance et de contribuer au transfert des connaissances et à l’innovation.
Unisanté souhaite également maintenir l’équilibre entre une approche « théorique/spécialiste » et une approche « pratique/ généraliste » de la statistique. La première est une nécessité pour demeurer crédible scientifiquement lorsqu’il s’agit de contribuer au développement de la science statistique, la seconde permet d’avoir une utilité directe auprès des professionnel·le·s d’Unisanté et des institutions partenaires.
Contexte universitaire lausannois Unisanté s’inscrit enfin dans les enjeux sociétaux décrits dans le plan d’intention de l’UNIL, en particulier la capacité de réaction et d’adaptation, mais aussi de distanciation et d’autonomie pour que les exigences de l’immédiateté n’obstruent pas la vision à long terme. L’objectif de l’UNIL est également de contribuer à l’émergence de solutions innovantes et au croisement des activités scientifiques pour répondre aux besoins de la société et éviter un morcellement des savoirs. Unisanté veut mettre ses compétences à disposition de cette intention dans une logique de collaboration et d’interdisciplinarité et en favorisant des démarches de recherche participative.
Unisanté veut se développer dans une logique de collaboration et de complémentarité, en entretenant des liens forts avec les différentes composantes de la Faculté de biologie et de médecine (FBM) et des autres facultés de l’UNIL, ainsi qu’avec le CHUV, dont les activités de soins, de formation et de recherche ont un impact indispensable sur la santé de la population.
Vue d’ensemble Le développement d’Unisanté et son plan stratégique 2020-2024 font écho à la récente stratégie du Conseil fédéral en termes de politique de santé, comme l’illustre la figure ci-dessous tirée du rapport publié en décembre 2019 !
Figure 3. Vue d’ensemble de la stratégie Santé 2030 du Conseil fédéral (OFSP, décembre 2019 – www.sante2030.ch)

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6 Biller-Andorno N, Zeltner T. Individual Responsability and Community Solidarity - the Swiss Health Care System. N Engl J Med 2015 Schneider EC et all. How the US Health Care System Compairs Internationaly at the Time of Radical Change. The Commonwealth Fund 2017 OCDE. Panorama de la santé 2017. Les indicateurs de l’OCDE, 2017 OFSP. 2016. Stratégie nationale Prévention des maladies non transmissibles. 2017-2024. Selby K et al. Low value Swiss health care activities. JAMA 2015;175:240-42 Alami H et al. Digital health and the challenge of health systems transformation. mHealth. 2017;3:31