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VEETS, LES RUNNINGS made in Vendée

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Le choc islandais

Le choc islandais

Produire en France - en Vendée - des chaussures de running hyper techniques. C’est le pari de Steve Brunier. L’entrepreneur recrée depuis quatre ans une industrie qui avait disparu du paysage hexagonal. Il est aujourd’hui présent dans cent magasins en France. Rencontre.

Se lancer dans la fabrication de chaussures de running made in France, c’est un pari un peu fou, non ?

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Je ne dirais pas que c’est fou. Je dirais que c’est du travail. C’est surtout, peut-être, une réaction. J’avais un magasin spécialisé dans la course à pied aux Sables d’Olonne. À force de voir arriver des cartons de Chine, du Laos, du Cambodge ou du Vietnam, j’ai commencé à me poser des questions. À part les chaussettes qui venaient d’Italie, tout le reste venait d’Asie. Comment avez-vous créé votre premier modèle ? Je me suis d’abord intéressé au côté technique. J’ai mis bout à bout les géométries de toutes les grandes marques et les retours client. J’ai dessiné une géométrie de chaussures totalement différente pour redonner des sensations, sans perturber les gens et en les sécurisant.

Quel est l’intérêt de cette nouvelle géométrie ?

Quand on est enfant et qu’on court pieds nus, on fait travailler tous ses muscles pour le gainage, le maintien et la posture. Dès lors que l’on met une épaisseur, on perd tous ses capteurs neurosensoriels et la position devient mauvaise. On ne fait plus travailler son corps de façon naturelle.

Du coup, il faut courir pieds nus ?

Évidemment, non. On ne peut pas mettre les gens pieds nus dehors. Il faut garder du confort. J’ai mis du temps à trouver la géométrie et l’épaisseur convenables. On se rapproche d’une sensation naturelle en gardant un confort minimum.

Vous avez fait uniquement confiance à votre intuition ?

En fait, on fait des essais et on se plante au début. Nous avons réalisé neuf prototypes de semelles avant d’arriver à la bonne géométrie. Je les ai fait tester par tout le monde, tous les gens autour de moi. J’ai équipé des gens jeunes, âgés, des compétiteurs et des non-compétiteurs.

Où en êtes-vous aujourd’hui, au bout de quatre ans ?

Nous avons fait beaucoup d’évolutions progressives pour donner un peu plus de confort, notamment un confort d’accueil.

Qui achète vos chaussures ?

Aujourd’hui, de par notre réseau, il s’agit en priorité de gens qui font de la course à pied, mais pas forcément de la compétition. On se rend compte qu’on a une énorme demande et qu’on séduit des gens qui courent de leur côté sans structure. Des gens qui marchent, aussi.

Quels sont les retours de vos clients ?

Ils sont globalement très positifs. Ce qui ressort, c’est une sensation de légèreté, même si la chaussure n’est pas plus légère que les autres ! La répartition du poids de la semelle au centre de la chaussure fait que l’on ressent beaucoup moins cette lourdeur au niveau du talon que dans une géométrie classique. On est tout de suite sur le medio-pied ou l’avant-pied. On adopte une posture vraiment différente.

Combien avez-vous écoulé de paire de chaussures ?

Nous avons vendu à peu près vingt-cinq mille paires. Nous parvenons à faire du made in France sur la moitié de notre gamme. Le succès est au rendez-vous. Habituellement, au mois de mars, nous avons produit nos chaussures pour toute l’année. Là, nous n’avons plus de stock. Ça veut dire que nous en avons vendu environ sept mille paires.

Produire des chaussures de sport hyper techniques en France, c’est donc possible ?

On a commencé à faire fabriquer nos premiers modèles en Asie. Ce n’était pas possible de le faire où que ce soit en Europe. Tout l’outil a été développé sur le continent asiatique. Tout est là-bas. Quand, au bout de deux ans, nous avons voulu faire du made in France, nous avons dû développer nous-mêmes notre outil.

Running en cours de fabrication

Quelle a été la plus grande difficulté ?

Trouver une usine désireuse de se lancer dans le projet. Nous avons démarché tous les plus gros acteurs du marché, sans succès. Finalement, nous avons repris une structure en place dans un tout petit village : Le Longeron, en Vendée. C’était un grand atelier repris par des podo-orthésistes, qui voulaient également faire leurs chaussures en France. Ce sont même eux qui m’ont contacté puisqu’ils avaient entendu dire que je cherchais un endroit pour pouvoir également produire dans notre pays. On s’est associé. J’ai investi dans trois nouvelles machines et formé trois personnes sur des gestes spécifiques à notre activité. Est-ce que votre production est aujourd’hui plus qualitative que celle issue des pays asiatiques ? C’est une très bonne question. Nous avons dû nous mettre à la hauteur des grands fabricants. Chez nous, il n’y a pas de contremaître, pas de minuteur, et nous n’en voulons pas. Mais les gens engagés dans la production sont très rigoureux, très consciencieux. Au départ, on a eu un peu peur, mais aujourd’hui nous sommes très contents de la finition.

Est-il désormais plus intéressant de produire en France ?

Si vous voulez gagner de l’argent, il vaut mieux ne pas le faire. Je dirais que le citoyen est pour le made in France et que le consommateur est pour son portefeuille. Mais de toute façon, le projet se lance bien et j’arrive à gagner ma vie.

Que vous manque-t-il pour faire totalement aboutir votre projet ?

Si la chaussure est aujourd’hui made in France, certains composants ne sont pas encore fabriqués chez nous. Nous voulons réussir à tout faire ici. L’idée est maintenant d’augmenter nos volumes et de rationaliser la production. On a des gains à faire et on croit en notre projet.

Le design de vos chaussures, c’est important ?

S’il y a quelque chose qu’on a appris, c’est qu’il y a une grosse différence entre le client final et le magasin qui se fait l’intermédiaire de notre marque. Chaque saison, lorsqu’on présente nos collections, on se rend compte qu’il y a parfois un peu d’inquiétude chez les vendeurs quand, par exemple, on propose des couleurs trop marquées. Alors que les clients nous disent qu’ils adorent le modèle en jaune. C’est un exemple, évidemment. Mais on fait attention à ne pas être trop décalé. On veut garder notre touche.

D’où est venu le nom de votre marque ?

Le « V », au départ, c’est un clin d’œil à la Vendée. Pour moi, c’était obligatoire d’avoir la racine. C’est également la première lettre du mot « vitesse ». Et c’est également l’anagramme de mon prénom, mais c’est un peu un hasard. Finalement, on s’est dit que Veets était un nom un peu percutant, et international.

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