AFRICLECTISME
Références classiques Expressions africaines
Travail de fin d’études Levato Valentina
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AFRICLECTISME
Références classiques Expressions africaines
Travail de fin d’études Levato Valentina
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Le classique gréco-romain mérite d’être étudié précisément dans ce va-et-vient entre identité et altérité: soit parce que nous le sentons notre, soit parce que nous le reconnaissons comme différent de nous, soit parce qu’il est intrinsèque à la culture occidentale et indispensable à sa compréhension, soit parce qu’il ouvre la porte à l’étude et à l’intelligence des cultures autres (aux chinois, aux mayas, ou à la civilisation africaine), soit comme un réservoir de valeurs dans lesquelles nous pouvons encore nous reconnaître, soit pour ce qu’il a d’irrémédiablement étranger. Le futur du classique — Salvatore Settis
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AFRICLECTISME I. AVANT-PROPOS I.I le sujet I.II les objectifs I.III la structure
p.9. p.12. p.15.
II. AUTOUR DE LA THÉMATIQUE II.I l’essentialisme contre l’abondance II.II le point de vue des académiques II.III l’ornamentum
p.19. p.20. p.25.
III. TERRAIN D’ANALYSE III.I la ville de Cotonou III.II les tissus urbains III.III l’émergence d’une classe moyenne
p.31. p.35. p.46.
IV. TYPOLOGIES IV.I l’entretien avec Cra-Bénin IV.II les trois villas IV.III les considérations
p.53. p.59. p.79.
V. VOCABULAIRE de l’ornement d’architecture et de sa réinterprétation/ réappropriation au sein du contexte cotonois
p.83.
VI. SYNTHÈSE OUVERTE - DISCUSSION VI.I l’architecture afro-brésilienne VI.II le cinéma de Nollywood et les télénovelas d’Amérique latine VI.III le rêve américain VI.IV l’enseignement et le métier VI.V les relations sino-africaines
p.103. p.117. p.128. p.142. p.147.
VII. CONCLUSION VII.I l’identité nouvelle
p.155.
BIBLIOGRAPHIE
p.162. 5
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I. 7
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Avant-propos
I.I Le sujet Juillet 2018. Je suis à West Palm Beach, une ville côtière dans le Sud de la Floride. Je travaille en tant que stagiaire pour le bureau NXG et je re-dessine à l’ordinateur une façade d’une construction nouvelle. Une villa sur deux étages dans le quartier verdoyant de Jupiter, à quelques kilomètres plus au Nord de West Palm Beach. Je trouve l’architecture floridienne assez singulière.
1 Quartier des périphéries américaines.
Globalement, on a l’impression que les bâtiments privés dans un même district1 proposent toujours un certain module standardisé qui se répète à l’infini suivant un rythme saccadé. Les chemins asphaltés délimitent les périmètres de chaque propriété et encadrent les pelouses parfaitement soignées. Cette conformité est d’autant plus évidente lorsque l’on se focalise sur les détails que les façades du quartier offrent. Des porches à l’entrée, des petits balcons, des pentes triangulaires contournées par des corniches, des fenêtres soutenues par des bandeaux moulurés et ainsi de suite. Mais parmi cette myriade d’éléments qui bombardent l’attention du passant, il y en a un qui a suscité mon intérêt plus que tous. Une colonne au chapiteau corinthien. Blanche. Positionnée à l’entrée d’une façade grandiloquente et 9
étalée sur deux niveaux. Certes, il ne s’agit pas d’un élément exotique et au contraire, une colonne se repère avec constance dans nos villes européennes. Cette fois, par contre, elle n’est pas en train de soutenir un temple dédié aux divinités, ni une église, ni un palais royal, ni encore un bâtiment destiné au grand public. Elle est maintenant au service d’une villa familiale. 2
Architecte italien de la Rénaissance italienne (1508-1580). 3 Architecte et écrivain romain (Ier siècle av. J.-C. - 20ème siècle av. J.-C.). Cfr chapitre II “Autour de la thématique”, section “l’ornamentum”, p.25.
Il y a peu près 500 ans, l’architecte italien Palladio2, suite à ses nombreux voyages à Rome et aux études des écrits de Vitruve3, construisait déjà des villas privées habillées d’éléments issus de l’Antique à travers lesquels il essayait de formuler un certain équilibre entre style et proportion en façade. Aux Etats Unis, même si la sphère concernée, celle du privé, est la même que celle de Palladio, les objectifs visés sont tout à fait distincts. En d’autres mots, en Floride on fait face à des formes semblables à leur originaux grécoromains, mais qui, en se développant loin de leur berceau initial, sont employées de manière différente. Comment expliquer ce phénomène? Une réponse à la question sera formulée plus en détail au cours de la recherche puisque le sujet de ce travail ne se focalise qu’en petite partie sur les Etats Unis. En effet, le titre Afrocléctisme suggère la volonté de décrire le syncrétisme culturel et architectural présent à Cotonou, au Bénin et non à West Palm Beach, en Floride. Par conséquent, il sera opportun d’expliquer quel rapport s’établit entre cet avant-propos plongé dans le rêve américain et le Bénin, pays d’Afrique subsaharienne. La question est arrivée par contraste. C’est suite à une conversation avec mon promoteur Yves Robert quant à l’intérêt que je porte aux villas de phériphérie des Etats Unis et leur emploi d’éléments issus de l’art classique qu’il a partagé avec moi son expérience en Afrique
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Fig. I.i — Une villa amÊricaine dans le quartier de Jupiter, West Palm Beach.
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subsaharienne. En effet, la présence d’une typologie de villas assez remarquables par leur ressemblance à celles du rêve américain que l’on vient de décrire, se retrouve aussi bien au Bénin, au Togo, dans la Côte d’Ivoire et dans une grande partie des pays de l’Afrique de l’Ouest depuis les derniers vingt années. Il s’agit bien évidemment de villas de la classe moyenne plus aisée, ce qui ne regroupe qu’un petit pourcentage de la population africaine. 4 À la connotation que ces mots assument au sein du contexte architectural des villas cotonoises, on renvoie le lecteur au chapitre IV “Typologies“, section “l’entretient avec CraBénin”, p.53.
Essayer de trouver une genèse à ce style architectural en même temps hybride et éclectique4, et dont si peu parlent, a tant stimulé mon intérêt que j’ai décidé d’en faire le sujet de ce travail de fin d’études.
I.II Les objectifs Les informations concernant cette thématique sont rares et fragmentaires. En effet, si un grand nombre de publications portent sur la question du classique, de son emploi au présent et de sa dérive future, très peu est dit quant au nouvel emploi du classique dans les pays lointains de l’Afrique subsaharienne. Construire une recherche sur un sujet dont on retrouve très peu d’information peut être perçu comme une lame à double tranchant. D’un côté cela rend nécessaire un séjour préalable sur place qui ne permet pas seulement de familiariser avec le terrain concerné, mais aussi de formuler et vérifier certaines hypothèses à travers un dialogue avec les locaux; de l’autre côté, nous avons besoin de créer du savoir là où l’information circule moins et l’accès aux données est rendu plus compliqué. Ceci a été pour moi un passionnant défi à part entière. Cette recherche m’a ainsi portée à visiter Cotonou pendant le mois d’Avril 2019. La ville représente un bon cas d’étude puisqu’il y prolifèrent des réalités architecturales très hétérogènes et dont les villas en occupent une partie indéniable de nos jours. Ce voyage m’a permis entre autres de créer un réseau de relations dans un univers, celui de l’architecture béninoise, que je
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Fig. I.ii — Une villa béninoise dans la cité de Cen-Sad, Cotonou.
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connaissais si peu auparavant. Comme prévu, la fin ultime de cette recherche n’est pas de formuler une historiographie de l’architecture classique au fil des siècles, ni celui de s’interroger sur l’essence du classique en tant que telle. Les objectifs que l’on se pose visent, à travers une recherche basée sur l’observation directe et l’étude des rares sources indirectes, à comprendre le pourquoi d’un phénomène qui est en train de se répandre telle une tache d’huile en Afrique subsaharienne et notamment au Bénin: le nouvel essor de l’architecture classique dans le domaine des villas privées. Parmi les principales sources écrites qui ont permis le commencement de ce travail, je cite notamment la revue Afrique contemporaine, un périodique trimestriel qui reprend certaines thématiques qui touchent de manière directe le pays aujourd’hui (la politique, l’économie, les innovations technologiques etc).
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Houndégla Frank, l’immeuble mixte, p.95-114.
Une autre source que j’ai trouvé particulièrement utile était la publication sur l’immeuble mixte5 à Cotonou du scénographe-muséographe Frank Houndégla. Bien que cette typologie urbaine ne soit pas celle que l’on analyse ici, il s’agit tout de même d’une des premières enquêtes visant à donner une description précise d’une architecture qui fait partie du tissus urbain cotonois depuis les vingt dernières années et qui partage avec les villas quatre façades un emploi similaire des éléments issus du classique. En dernier lieu, j’ai trouvé des liens intéressants dans le travail effectué par le français Alain Sinou, docteur en sociologie et architecte, qui fait un parallèle entre le décor mis en place dans l’architecture afro-brésilienne et l’architecture baroque en tant que telle. Cette comparaison m’a permis de vérifier une corrélation entre l’architecture des villas quatre façades, l’architecture afro-brésilienne et le classique.
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I.III La structure
6 Cfr chapitre II “Autour de la thématique”, p.19. 7 Cfr chapitre III “Contextualisation”, p.31.
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Cfr chapitre IV “Typologies”, p.53.
9 Cfr chapitre V “Vocabulaire de l’ornement d’architecture et de sa réinterprétation/ réappropriation au sein du contexte cotonois”, p.83. 10 Cfr chapitre VI “Synthèse ouverte discussion”, p.103.
11 Industrie de cinéma nigériane. Cfr chapitre V “Synthèse ouverte” , section “Le cinéma de Nollywood et les télénovelas d’Amérique latine”, p.117.
Pour ce qui concerne l’organisation du travail, après une brève introduction au concept d’ornamentum et des connotations que le mot a assumé au fil des siècles6, on présentera le contexte urbanistique et social de la ville de Cotonou ainsi que les caractéristiques intrinsèques qui ont permis à cette nouvelle architecture de se développer.7 Par la suite, on passera en revue quelques exemples concrets de la typologie de villas que l’on étudie et dont les documents graphiques ont été fournis par le bureau d’architecture cotonois Cra-Bénin.8 Au coeur du travail est rédigé un vocabulaire visant à faire une comparaison entre les connotations que la terminologie du décor d’architecture assume dans l’univers de l’architecture en général et la réinterpretation-réappropriation que ces termes ont connu au sein de l’architecture béninoise.9 Finalement, la partie finale du travail sera consacrée à la formulation de réflexions sur les causes possibles ayant mené à la naissance de ce nouveau style architectural.10 En particulier le titre « Synthèse ouverte - discussion » essaie d’extraire des constats qui appartiennent à l’observation et à l’analyse du phénomène architectural. Il ne s’agit pas de preuves basées sur une étude scientifique, mais plutôt de conclusions personnelles élaborées sur la réalité observable sur terrain et sur les sources (orales ou écrites) consultées. De manière très synthétique, la recherche m’a portée à considérer qu’une genèse unique de cette architecture n’existe pas; elle est la synthèse de plusieurs phénomènes: la relation avec l’architecture afro-brésilienne, les images véhiculées par le cinéma de Nollywood11 ou par les télénovelas d’Amérique latine, la volonté d’imitation du style de vie du rêve américain, l’enseignement fourni par les facultés d’architecture, le rôle joué par les architectes et les relations économiques qui lient la Chine et le Bénin. 15
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II. I. INTRODUCTION 17
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Autour de la thématique II.I L’essentialisme contre l’abondance Nous vivons dans une époque de simplification progressive de l’esthétique urbaine et architecturale. Les formes dans lesquelles nous sommes submergés se dénudent doucement de tout sorte d’embellissement. Un formalisme qui a tendance à freiner de plus en plus l’emploi de l’ornement aussi bien en façade qu’à l’intérieur, comme si l’on dessinait sur une feuille avec un crayon noir et la peur de mélanger techniques ou couleurs différentes. C’est peut-être parce que les architectes, et plus en général les artistes tous, ressentent sur eux l’oppression d’une infériorité dictée par le poids des ancêtres, générateurs de formes si riches et pures qu’ils ont mis de côté toute sorte d’ornement superflu. Pour formes on fait référence aux ordres architecturaux gréco-romains connus sous le nom de genra, appellation donné par Vitruve dans le traité De Architectura. Les genres sont au nombre de trois chez les Grecs (dorique, ionique et corinthien) auxquels on rajoute l’ordre toscan et composite chez les Romains. Ceux-ci déterminent l’essence formelle et proportionnelle d’une façade et constituent pour Vitruve
1 Tzonis Alexandre, Lefaivre Laine, Bilodeau Danielle, Le classicisme en architecture, la poétique de l’ordre, p.39.
les principaux éléments générateurs de la nature; nombreux sont ceux qui, depuis la Renaissance ont partagé cette opinion, considérant ces genres comme des divisions inviolables de la taxonomie naturelle, établis par « l’auteur de la nature ».1 19
Ces ordres trouveraient donc leur origine dans la nature et plus particulièrement dans le corps humain. En effet, avant Vitruve on se servait de bras, pieds, mains, doigts pour calculer les relations proportionnelles des premières formes architecturales. Par la suite, Policleto théorisa un système proportionnel pour la représentation du corps humain basée sur des rapports mathématiques. Il est clair que s’attarder à parler de proportions, unités de mésure et ordres qui ont marqué l’architecture classique peut être un sujet tout aussi captivant, mais mériterait une publication à part entière, ce qui n’est pas le but ultime recherché ici. Au contraire, essayer de comprendre quelle place occupe le classique aujourd’hui, et quelle place il occupera dans le futur, notamment dans des territoires si lointains de son berceau originel est l’une des fins que l’on cherche à atteindre avec cette recherche. Et c’est d’ailleurs l’envie de s’interroger sur la raison de ce nouvel essor qui pousse à la rédaction de ce travail. Oui, car affirmer que l’essentialisme formel a pris le relais sur l’ornement, n’est vrai que lorsque notre attention se focalise sur la réalité géographique dans laquelle nous vivons. On l’a vu, à West Palm Beach, comme ailleurs aux Etats Unis, à Cotonou, ainsi que dans la plupart des pays de l’Afrique subsaharienne, on assiste au phénomène contraire.
II.II Le point de vue des académiques Avant de se pencher sur toute hypothèse, analyse ou constatation, il serait judicieux d’observer quel était le point de vue de certains académiques sur les vagues stylistiques qui ont essayé de faire vivre à nouveau la majesté du classique plusieurs siècles après son apparition. C’est entre autres le cas du néo-classicisme, mouvement artistique, philosophique et architectural qui se développe entre la fin XVIIIe et le début du XIXe après 20
Fig. II.i — dessin d’ordre dorique extrait de Vitruve, De Architectura, liv. 3, p.89.
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la découverte de Pompéi et Herculanum. Le Néoclassicisme se configure comme l’héritier direct des doctrines vitruviennes et notamment des genra grecs. De plus, en voulant imiter la grandeur de l’empire romain, Napoléon fait du Néo-classicisme le style officiel de son empire, raison pour laquelle on associe souvent au mouvement néo-classique une connotation politique.
2 1876-1950. 3 République en Allemagne installée suite à la Première Guerre mondiale (19191933). 4 Linazasoro Jose Ignacio, le projet classique en architecture, p.56.
Selon l’architecte et urbaniste allemand Enrich Tessenow2, figure marquante de la République de Weimar3, les représentants du néo-classicisme s’inspirent du classicisme simplement parce que cela se faisait dans le passé4, ce qui enlèverait toute spontanéité à un geste qui naissait de manière instinctive plusieurs siècles avant. On peut dire de même des doctrines éclectiques qui apparaissent à cheval entre la fin du XIXe siècle et la première moitié du XXe siècle et qui envahissent aussi bien l’Europe que le Nouveau Monde. On fait référence par exemple au style néo-baroque, à l’Art nouveau (ce qui comprend le style Liberty en Italie, la Sécession viennoise en Autriche, le style Art and Craft en Angleterre), au style Second Empire, à l’architecture éclectique belge etc. Ceux-ci visaient à un syncrétisme culturel en champ architectural à travers l’emploi d’éléments provenant de réalités géographiques et chronologiques différentes. A la figure de Tessenow se rapproche celle de l’autrichien Adolf Loos, célèbre opposant du style pompeux de la sécession viennoise, contre lequel il prône une utilisation pure, ou purifiée, des éléments architecturaux. Sur cela il fait preuve d’une certaine ambiguïté, qui l’amène d’ailleurs à justifier son point de vue ainsi:
5 Adolf Loos in Linazasoro Jose Ignacio, op. cit., p.57.
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« je n’ai jamais pensé comme les puristes qui poussent le raisonnement à l’absurde que l’ornement devait être systématiquement aboli. Ce n’est que là où l’action du temps l’a fait disparaître qu’il n’est pas possible de le faire renaître ».5 En ce sens, Loos et Tessenow partagent encore une fois
Fig. II.ii — Affiche de “Ornement et crime”, Adolf Loos, 1913.
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l’idée que reproduire du classique plus de deux-mille siècles après son apparition, serait un geste forcé sur un acte qui naissait de manière spontanée auparavant. En d’autres mots, la thématique du classique serait pour eux
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Ibid., p.57.
un résidu, une référence, un ensemble de formes qui, une fois obsolètes, vides de signification, atteignent un certain niveau d’abstraction. Elles ne peuvent plus se justifier par elles-même mais sont en même temps une référence au passé nécessaire. Une référence qui renforce par conséquence l’appartenance de l’architecture à sa propre tradition historique, l’ornement tirant sa justification même du passé.6 Ensuite, pendant la première moitié du XXe siècle, Umberto Eco publiait la Guerre des Faux de retour de l’un de ses voyages aux Etats-Unis pour parler encore de cet éclectisme de doctrines. Il s’agit d’une collection de réflexions sur la culture américaine sous ses multiples points de vue (culinair, de l’architecture, des lieux ordinaires des roadways etc). Toutes ces réflexions sont faites avec un mélange de sensations différentes: du sarcasme à la fascination, de l’ironie au sérieux. C’est en visant le château de William Randolph Heart construit en 1919 à San Simeon en Californie qu’il écrit l’un de ses passages le plus pointilleux:
7 Eco Umberto, la Guerre des Faux, p.24.
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un résultat kitsch non pas parce que le passé n’est pas distinct du présent (parce qu’au fond les seigneurs de l’Antiquité amassaient ainsi leurs pièces rares et le même continuum de style se retrouvait dans beaucoup d’églises romanes avec la nef devenue baroque et peut-être le clocher XVIIIe), mais parce qu’on est offensé par la voracité du choix et angoissé par la crainte de succomber à la fascination de cette jungle de beautés vénérables […] qui respirent la contamination, le blasphème comme si on faisait l’amour dans un confessionnal avec une prostituée habillée de vêtements sacerdotaux en récitant des vers de Baudelaire tandis que dix orgues électroniques émiettent le Clavecin bien tempéré joué par Scriabine.7
Quoi qu’il en soit, la question du goût pour l’un ou l’autre approche stylistique, on le sait, est matière d’opinion depuis la nuit des temps. L’objectif de cette thèse est de ressortir des constatations à travers l’observation et la description de l’état actuel de l’architecture à Cotonou en laissant de côté tout jugement de valeur positif ou négatif.
II.III L’ornamentum Les références classiques en Floride et en Afrique subsaharienne se vident de la valeur structurelle que Vitruve donnait au concept d’ornamentum. En effet, si le mot ornamentum dérive du latin ordinatio et signifie littéralement 8
Proietti Tiziana, 2009, sul concetto di ornamento, http://www. vg-hortus.it/index. php?option=com_content&view=article&id=514:sul-concetto-di-ornamento&catid=13:studi-storici&Itemid=15.
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Ibidem.
10 Gros Pierre, La notion d’ornamentum de Vitruve et Alberti, pp. 48,49.
ensemble d’acts aptes à donner majeure beauté à l’oeuvre architectonique, sans pour autant être nécessairement représentative d’un système tectonique fonctionnel.8 pour le célèbre architecte écrivain romain, ceci ne peut pas compromettre la substance de l’oeuvre, mais éventuellement amplifier la concordance avec l’oeuvre architectonique afin de rejoindre le résultat attendu.9 Toujours Vitruve attribuait l’ornamentum à trois parties de l’ordre architectural en particulier: l’architrave, la frise et la corniche, considérées essentielles à l’équilibre physique du temple.10 En d’autres mots, l’ornamentum vitruvien revendique tant une nécessité fonctionnelle que formelle; ce n’est que successivement que tous les éléments issus du classique ont été regroupés et associés à la définition d’ornement d’architecture telle qu’on la connaît aujourd’hui, c’est à dire comme étant synonyme de décor ou d’embellissement. Prenons en exemple une colonne dorique du Parthénon d’Athènes. De cette colonne limitons-nous à en examiner le fût. 25
Pour lui donner plus d’élan, les anciens ont diminué légèrement son diamètre vers le haut. Pour que la structure du complexe entier soit plus élastique et pour corriger l’effet concave que les colonnes assument, ils y ont appliqué un léger gonflement (entasis) à environ un tiers de la hauteur; des petites cannelures (entre 16 et 24) parcourent la circonférence de la colonne, leur fonction étant de donner des effets clairs et foncés à la colonne tout au long de la journée. Tout élément, bien que minimal, jouait un rôle qui lui était propre, notamment dans les domaines de la structure et de l’équilibre visuel. Aujourd’hui, cannelures et entasis ont été assimilés comme intrinsèques à l’essence même de la colonne dorique. C’est pourquoi, lorsqu’il s’agit de modéliser une colonne dans n’importe quel contexte architectural, on n’abandonne que rarement les références grecques qui prévoient ce type de détails.
11 Linazasoro Jose Ignacio, op. cit., p.57.
L’architecte qui adhère volontairement à la pensée classique, emploie les ordres comme des éléments de l’ornementation, considérant qu’ils comportent en tant que tels un caractère d’évocation, de référence au passé et plus précisément à cette période entre toutes, du classicisme.11 C’est ainsi qu’aujourd’hui, en parlant de classicisme, on lui fait jouer un rôle d’évocateur
12 Settis Salvatore, Le futur du classique, p. 164.
Le remploi insistant de l’antique par segments minimaux détachés de tout contact historique semble réintroduire (au Nigeria comme en Italie) un retour à l’histoire par exempla, et non pas en tant qu’enchaînement d’événements déterminés par l’enquête historique et liés entre eux par des liens de cause à effet; en ce sens, les colonnes doriques d’un édifice postmoderne, les photos publicitaires de voitures sur fond de temple grec, les dessins de David Levine montrant George Bush en tenue d’empereur romain appartiennent au même horizon.12 Dans les chapitres suivants, on essaiera de comprendre
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Fig. II.iii — Pannini Giovanni Paolo, 1757, Galerie de vues de la Rome moderne, huile sur toile, musÊe de Beaux-Arts de Boston, Boston, Massachusetts.
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comment cette fonction évocatrice attribuée au classique joue un rôle fondamental dans un contexte urbain qui, de par les multiples colonisations ayant eu lieu dans le passé, a perdu partie de ses racines et essaie par conséquent de se créer une histoire propre ad hoc.
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III. 29
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Terrain d’analyse
III.I La ville de Cotonou Généralités — Cotonou, avec une population officielle de 900.000 habitants (et 3 fois plus de manière officieuse) est aujourd’hui la plus grande ville du Bénin. Au début du XIXe elle n’était qu’un petit village de pêcheurs, pour connaître après les années ’50 une croissance extrêmement rapide, particulier qui la distingue d’autres villes africaines. Ce fait lui a permis entre autres de s’assurer le statut du centre économique du pays. En effet, elle profite d’une forte concentration des investissements qui assurent une offre d’emploi supérieure aux autres villes du Bénin et des revenus salariaux tout au moins convenables. Géographie — Dans un point de vue géographique, Cotonou se situe dans la partie la plus méridionale du pays et s’étale sur l’Océan Atlantique. Sa proximité à l’Océan Atlantique comporte des conséquences ambivalentes. Dans un point de vue économique son emplacement côtier est fondamental à sa subsistance: elle profite de son grand port pour entretenir des échanges maritimes avec les villes portuaires avoisinantes (Lagos, Dakar, Lomé, Abidjan etc). En contrepartie, sa position à 51 m en dessous du niveau de la mer la rend très vulnérable aux inondations, avec des résultats souvent catastrophiques. Le chercheur Taméon Benoît Danvidé, doctorant de l’Université de Paris a approfondi le sujet et durant la conférence Gouvernance des politiques de planification urbaine en 31
1 Taméon Bénoît Danvidé, Gouvernance des politiques de planification urbaine en Afrique: Gestion des inondations à Cotonou, Conference à l’ULB, Octobre 2018.
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Montin Zimolo Patrizia, Oh Bénin, taccuino di viaggio nell’Africa subsahariana, pp.80-84.
3
Choplin Armelle, Ciaovella Riccardo, Cotonou(s), histoire d’une ville sans histoire, pp. 3,4.
Afrique: Gestion des inondations à Cotonou1 ayant eu lieu le 8 Octobre 2018 à l’ULB, affirme que le phénomène d’érosion côtière fait précéder les côtes entre un et trois mètres par an et que les politiques des toutes les villes du littoral subsaharien doivent impérativement faire face au changement climatique. Au Nord de la ville s’allonge le lac Nokoué, relié à l’Océan Atlantique à travers le chenal aménagé par les colonisateurs français en 1885, qui porte le nom de Canal de Cotonou. La construction progressive de digues autour de la lagune a toutefois favorisé le surpeuplement d’habitats informels causant des dépotoirs sauvages.2 Le chenal divise la ville en deux parties inégales dont celle à l’Ouest est la plus peuplée. En traversant le lac Noukoué, on arrive à Porto-Novo, à l’Ouest, et aux villages des pêcheurs Abomey-Calavie et Ganvié, à l’Est. De plus, Cotonou se situe en proximité de Lagos, la plus grande ville du Nigéria et de Lomé, la capitale du Togo. Armelle Choplin et Riccardo Ciaovella, auteurs de l’exposition Cotonou(s), histoire d’une ville sans histoire3 qui a eu lieu à la fondation Zinsou de Cotonou entre les mois de Novembre 2018 et Avril 2019, parlent ainsi de plusieurs Cotonou (d’où le S final après le nom) en voulant par là souligner que la réalité urbaine de la ville se compose de trois dimensions: la ville sur la mer (1), la ville terrestre (2) et la ville lagunaire (3). Statut — Porto Novo et Cotonou se répartissent des rôles différents: Porto-Novo est la capitale officielle du Bénin et se configure comme cité historique; Cotonou est une ville côtière qui naît avec la colonisation et qui assume successivement le statut de capitale économique du pays.
4 Houndégla Franck, l’immeuble mixte, p. 101.
Ce sont deux capitales à deux vitesses, avec un dépouillement progressif de Porto-Novo au bénéfice de Cotonou, vers laquelle ont migré les organes de pouvoir politique et économique ainsi que les attributs de capitale tout au long du XXe siècle.4 Activités — L’activité principale à Cotonou reste la pêche qui, toute seule, réussit à garantir la vie à 15.000 habitants. Cette activité s’élargit de plus en plus à
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3
2 2 1 1
Fig. III.i — Les trois Cotonou.
33
5 White Gary, Pienaar Marguerite, Serfontein Bouwer, Africa Drawn one hundred cities, p.154. 6 Royaume du Danhomè, ou Royaume d’Abomey.
7
Anonyme, 2014, Mikwabô Bénin, ambassade-benin.fr.
8 Culte animiste très ancien qui croit en l’existence d’une âme écharnant tout élément de la nature.
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l’échelle internationale surtout grâce au grand port dont la ville bénéficie et au marché de Dantokpa qui longe le chenal sur la rive gauche. A la pêche on ajoute les produits manufacturières et le tourisme qui connaît un essor grandissant d’année en année depuis le début du XXIe siècle.5 Histoire — Entre le XVIIe et le XIXe siècle, Cotonou faisait partie du Royaume de Dahomey6. A l’époque elle avait la dimension d’un village, le village de Kotonou (qui signifie littéralement “la bouche de la rivière de la morte”) et était composée seulement par des habitats légères installés devant la lagune du lac Noukoué. Par la suite, l’un des 14 rois de Dahomey, Agadja (1711-1740), mène une expansion territoriale significative et fait installer dans le royaume des populations de langue fón. Si bien que presque pas habité, ce vaste territoire, qui allait de Allada au littoral, était un foyer de civilisations anciennes provenantes des actuels Togo, Niger, Nigéria et Burkina Faso et bâties autour des cités États. A partir du XVIIe siècle, les cités États avaient débuté un commerce local basé sur la traite négrière qui avait favorisé l’installation des colonisateurs venant d’Angleterre, de Danemark, de Portugal et de France dans les comptoirs commerciaux construits le long de la côte (côte des esclaves).7 La vraie naissance de la ville de Cotonou est toutefois faite correspondre avec l’abolition officielle de la traite négrière à la fin du XIXe siècle. En effet, pour le roi Ghézo (1818-1858), l’esclavagisme était une source importante des revenus et il ne pouvait pas accepter la fermeture du principal port d’embarquement, Ouidah. Ensemble avec le trafiquant d’esclaves brésilien Francisco Félix de Souza, il trouve en Kotonou un endroit capable de permettre la poursuite de la traite. C’est ainsi que la bouche de la rivière de la morte devient l’actuelle ville de Cotonou. Religion — Une religion officielle du pays n’existe pas, la liberté religieuse étant garantie par la Constitution. Toutefois, le pourcentage de population musulmane, chrétienne (catholique et protestante) et du culte vaudou8 est reparti presque ex aequo. De plus, une petite
frange des dévots au vaudou pratique ce culte de nuit et les religions musulmane ou chrétienne de jour.
III.II Les tissus urbains La sphère publique — La géographie particulière qui comprime Cotonou entre le lac Noukoué au Nord et l’Océan Atlantique au Sud, oblige la ville à se développer en suivant un axe orienté Est-Ouest. Sa conformation linéaire s’étalant le long de la côte et non pas autour d’un centre historique moyenâgeux, comme c’est souvent le cas pour les villes européennes, est également dûe au fait que son urbanisation n’est commencée qu’en 1700. Cotonou assume aujourd’hui un caractère architectural promiscue puisqu’à son intérieur prolifèrent des réalités hétérogènes apparues suite à des nécessités différentes et dans des époques éloignées les unes des autres.
9
Montini Zimolo Patrizia, Oh Bénin, taccuino di viaggio nell’Africa subsahariana, p.81.
En effet, si à un premier regard la ville donne l’impression de posséder un type de construction très peu différencié et dominé par des bâtiments bas9 (trois étages au maximum) ou en longueur, ce n’est qu’en rentrant en profondeur dans chaque quartier que l’on s’apercevoit de la richesse et du potentiel que bâtis et espaces interstitiels offrent. Il ne s’agit pas seulement d’une différenciation en terme fonctionnelle (on y trouve aussi bien des hôpitaux, que des résidences, des hôtels, des églises, des mosquées, des street food, des marchés informels etc) mais aussi d’une différenciation en termes de typologies architecturales, issues d’époques différentes (nombreuses sont les traces des bâtiments coloniaux, de l’architecture afro-brésilienne, de l’architecture vernaculaire, des constructions contemporaines achevées ou non, des reconversions etc). Par exemple, le long du littoral qui lie l’aéroport de Cotonou (l’aéroport de Cadjèhoun) au port maritime, un paysage verdoyant dominé par des palmiers prime sur le reste du paysage urbain. Dans ce climat tropical s’érigent les grandes sièges des ambassades mondiales et les complexes hôteliers bondés de touristes provenant 35
majoritairement d’Europe, des Etats-Unis et de la Chine. Avec leur vue sur l’océan, les jardins verts, la climatisation des espaces intérieurs et un système de surveillance fonctionnant, ces ensembles répondent assez bien aux standards occidentaux. Devant chaque complexe, plusieurs plages, comme la plage de Fidjrossè, Obama Beach, Dream Beach sont aménagées et disposent de bars, cafétérias et piscines ouvertes au public. 10 le mot hybride assume ici une nuance négative, l’auteur voulant désigner une architecture monotone, répétitive. Cet adjectif sera utilisé à plusieurs reprises au cours de la recherche mais sa signification aura une connotation neutre marquant une architecture dont les racines ne proviennent pas du même territoire de son développement. 11 Montini Zimolo Patrizia, op.cit, p.79.
En laissant le littoral au dos, en direction de l’intérieur des terres, on arrive dans ce qui prend le nom de centre ville (quartiers Yevedo, Sedami, Sedjro); toutefois, cet appellatif peut porter à confusion puisque le centre ne conserve en rien les caractéristiques d’un vieux centre, ni se situe au milieu de l’étalement urbain. De plus, plusieurs lui accordent un caractère hybride10 dû à la destruction de la part des colons français de son architecture traditionnelle. La zone centrale de Cotonou, localisée dans la partie Ouest du canal, est caractérisée par une architecture hybride, sans caractère.11 En effet, au XIXe siècle grande partie des édifices d’empreinte vernaculaire fut remplacée par des bâtiments coloniales répondant à des nécessités fonctionnelles dont la principale était la climatisation. À la même époque
12 Ibidem.
les français posent une trame qui forme le squelette d’un développement désordonné […]. Le tracé rectiligne coupe l’espace en îlots comme dans la major partie des villes africaines et s’éteint dans les eaux du lac.12 Aujourd’hui, l’architecture de l’époque coloniale ne conserve pas les mêmes fonctions que lorsqu’elle fait son apparition. Ces bâtiments sont reconvertis ou plus souvent laissés à l’abandon, mais il participent toute de même à la rythmique des rues du centre ville. Entre les grands ensembles du littoral et les bâtiments hybrides du centre ville, viennent se glisser les constructions informelles composées par
36
Fig. III.ii, iii, iv, v — Palais des Congrès dans le quartier du littoral qui lie l’aéréoport, plage de Fidjrossè, hotel en style colonial, marché de Dantokpa. 37
13 Romarik Atoke, Analyse urbaine de la ville de Cotonou, p.10.
des entreprises artisanales ou commerciales dont les installations débordent sur la voirie.13 Il s’agit d’une série de boutiques construites pour la plupart avec des matériaux recyclés de la rue comme des tôles en alluminium, des branches de paille ou des bouteilles en plastique. La typologie des boutiques informelles se retrouve partout dans la ville, comme c’est le cas pour le plus grande marché à ciel ouvert de Cotonou, le marché de Dantokpa, dans le quartier de Missabo, qui longe le chenal de Cotonou. La marchandise y est très variée: fruits, légumes, bidons de pétrole, bijoux, pagnes, produits artisanaux etc. La sphère privée — À la dimension publique, s’interpose celle de l’espace privée, de l’habitat.
14 Ibidem.
On distingue dans la ville plusieurs types d’habitat: l’habitat vernaculaire, l’habitat de grand standing, la zone d’habitat mixte (habitat commerce), l’habitat marécageux loti et non loti se retrouvant surtout au niveau des quartiers longeant la lagune et le chenal de Cotonou.14 Habitat vernaculaire: Pour habitat vernaculaire à Cotonou on fait référence aux “architectures sans architectes” en terre crue ou en éléments végétaux, paille etc. Lorsque ces constructions sont en terre crue, leur structure peut être également en terre crue ou couvrir une ossature en bois tressé. Aujourd’hui, ce type d’habitat est rare puisque sa fragilité ne lui permet pas de vivre plus d’une dizaine d’années. Ces constructions font donc place soit à des formes plus modernes d’habitat soit à d’autres architecture également éphémères. La paillote simple peut être carrée, mais elle est généralement rectangulaire. […] Les bambous de la maison sont serrés les uns contre les autres, plantés dans le sable ou enfoncés dans une murette en ciment. Les charpentes sont généralement en bambous, quelquefois en bois dur; le toit est en paille- La cuisine, les waters et les douches sont séparés de l’habitation principale. […] de plus en plus
38
Fig. III.vi — Une construction vernaculaire dans la plage de Fidjrossè, Cotonou.
39
15 Lombard Jacques, Cotonou Ville Africaine, pp 27,61.
16 Cfr. Chapitre IV “Typologies”, section “les trois villas”, p.59.
17 Cfr. Chapitre IV “Typologies” section “les trois villas”, p.66.
18 Montini Zimolo Patrizia, Oh Bénin, taccuino di viaggio nell’Africa subsahariana, p.79.
les constructions en dur avec des toits de tôle font leur apparition, surtout dans les premiers arrondissements de la ville.15 Habitat de grand standing: Dans un contexte urbain en transformation continue et enregistrant une croissance démographique rapide, il n’est pas rare d’observer (aussi bien à Cotonou qu’à Lomé, Abidjan, Lagos, Accra etc) l’émergence de ces nouvelles formes architecturales qui sont l’objet de cette thèse et qui seront analysées plus dans le détail dans le chapitre IV.16 Ainsi, l’esthétique de la rue change tout comme le paysage se décompose et recompose vis-à-vis du dynamisme des activités de construction. On retrouve des entiers quartiers réservés aux classes plus en haut de la pyramide sociale dominés par des villas de grandstanding et à d’autres plus modestes pour la classe moyenne. C’est le cas par exemple du quartier HaieVive, comprimé entre le littoral et l’aéroport, du quartier Jacques, dans la rive droite du chenal, de la cité CenSad dans le quartier Agblangandan17, à la périphérie de Cotonou. Ce type d’habitat fait son apparition depuis les dernières quinze-vingt ans. Seulement une petite partie de la population plus aisée vit aux marges du tissus urbain […] où la dimension du village se confond avec celle de la villa du rêve américain avec son vert entourée d’un haut enclos avec du fil barbelé.18 Ensemble avec leur taille massive, une autre caractéristique qui les distingue sont les façades éclectiques prenant en prêt des éléments issus de traditions les plus disparates et notamment de l’architecture classique. En 2012, la chercheuse française associée au programme Afrique subsaharienne Héléne Quenot-Suarez écrit sa thèse de doctorat “Consommer dans un environnement incertain”. Dans cette publication, elle souligne que Les classes aisées recherchent un logement dans des quartiers bien identifiés, avec une maison en
40
Fig. III.vii — Une villa de grand standing dans le quartier de Haie Vive, Cotonou.
41
19 Quenot-Suarez Héléne, Consommer dans un environnement incertain, p.30.
dur, équipée en eau courante et en électricité. Elles recherchent la propriété plutôt que la location et songent à l’amélioration de leur confort. Les maisons proposées par les promoteurs reflètent l’idéal d’indépendance d’une famille moderne resserrée sur sa nucléarité.19 Habitat commerce: Cette catégorie participe de manière importante à la délinéation du paysage architectural de la ville. Il s’agit de blocs d’immeubles qui présentent un commerce au RDC (magasins d’articles informatiques, pharmacies, librairies, supermarchés etc) et des logements à l’étage. Franck Houndégla, on l’a vu, sort une publication sur la thématique et appelle cette typologie d’habitat l’immeuble mixte, qu’il définit comme
20 Houndégla Franck, L’immeuble mixte, p.96.
21
Ibid., p.96.
une construction privée articulant espace marchand sur rue et espace résidentiel aux étages ou sur cour.20 Les façades vont à la rencontre de référents visuels, architecturaux et urbains locaux et internationaux et à l’association de mises en œuvre artisanales et de matériaux manufacturés.21 Ces immeubles présentent par conséquent un caractère éclectique aussi bien que celui des villas de haut standing. Des arches supportés par des colonnes ioniques et corinthiennes apparaissent de manière récurrente ensemble avec des corniches qui font le tour de la façade.
22 Ibid., p.104.
D’un point de vue formel, l’immeuble mixte signale une ponctuation verticale dans une ville à caractère plutôt linéaire à cause de son volume compact et massif, tandis que sa disposition intérieure change cas par cas. En effet, si le local commercial (auquel se côtoient les locaux réservés au stockage) se développe tout le temps sur rue, les dispositions des logements peuvent assumer des configurations différentes: il se répartissent entre la cour (opposée de la rue) et l’étage.22 A cause de la mixité de styles qui le compose, Houndégla tient à souligner que l’immeuble mixte n’est pas à définir
42
Fig. III.viii — Immeuble Mixte, Cotonou.
43
23
Ibid., p.104.
comme étant un type architectural mais plutôt comme une figure récurrente dans le langage paysager africain depuis les derniers 30 ans.23 Au dépit de la facilité avec laquelle on aperçoit ces immeubles à Cotonou, leur entretien est souvent inexistant et, les rares fois qu’une rénovation débute, les chantiers viennent laissés à l’abandon fréquemment. Habitat marécageux et non loti: A cause du manque de travail, les plus démunis vivent un rythme de vie lent. Ils passent la plupart de la journée assis au bords des routes en proposant des produits issus de la récolte, de la pêche où de l’artisanat. Leurs habitations s’installent surtout le long de la lagune qui fait face au Lac Nokoué et dont les sols fertiles favorisent le développement d’une végétation de mangroves.
24
Chaperon Anne, Mensah Sedjro, La construction traditionnelle sur le lac Nokoué, au Bénin. Reconsidérant l’abri… https://anabf.org/ pierredangle/dossiers.
25
Montini Zimolo Patrizia, Oh Bénin, taccuino di viaggio nell’Africa subsahariana, p.79.
26
Issaka Hamadou, L’habitat informel dans les villes d’Afrique subsaharienne francophone à travers l’exemple de Niamey, p.15.
44
Aujourd’hui, on compte une quarantaine de villages, celui de Ganvié étant le plus célèbre.24 Ces habitats sont construits sur pilotis et ont un caractère éphémère (leur survie n’excède pas les 15 ans). La ville a un rapport ambivalent avec l’eau: si d’un côté l’eau permet la pêche, activité économique principale de la ville, de l’autre, elle favorise le transport alternatif pour des quartiers et villages entiers construits sur des échasses.25 Parmi les habitats qui se développent sur la lagune, une grande partie n’est pas loti, ce qui signifie qu’ils sont construits de manière illégale et ne répondent ni aux canons de salubrité minimaux, ni aux normes des construction locales. Bâtis sur un domaine sans programmation, les établissements ne respectent ni le zonage, ni les plans directeurs. L’essentiel pour les squatters étant de ne pas payer le loyer ou à moindre coût.26 L’habitat non réglementaire reste un problème dicté par la croissance urbaine exponentielle des dernières 70 années favorisant une installation non encadrée
Fig. III.vix — Habitat marécageux à Ganvié, Cotonou.
45
27
Ibid., p.104.
28 Romarik Atoke, Analyse urbaine de la ville de Cotonou, p.10.
dans des zones impropres à l’habitation.27 Jusqu’à là, toute politique d’aménagement urbain n’est pas encore parvenue à réduire une telle concentration de population dans les bas-fonds, dans les berges et dans les marécages.28 En fin des compts, la majeur partie de la population vit dans des standards de vie assez bas et dans des quartiers dont les rues ne sont pas asphaltées et les logements manquant des services primaires tels l’eau potable, l’électricité et les implants de climatisation. La frange de la population qui vit dans l’aise est encore très petite et ne dépasse pas le 4%. Toutefois, l’espoir d’accéder à une habitation privée en dur, dans un quartier aménagé, commence à s’allumer pour de plus en plus de gens. Ce phénomène se vérifie suite à l’émergence d’une nouvelle classe sociale, la classe moyenne, à savoir la classe de ceux qui ne se situent ni parmi les riches ni parmi les pauvres.
III.III L’émergence d’une classe moyenne Il y a peu près 30 ans, les chercheurs avaient encore une vision binaire quant à l’économie des pays africains. Les données parlaient clair, la population d’Afrique n’était composée que par la classe pauvre et celle de non pauvres. Ce n’est que depuis le début des années 2000 qu’on assiste à une révolution silencieuse permettant à plus de 20 millions de personnes de sortir d’une condition
29 Jacquemot Pierre, les classes moyennes en Afrique?, vol. 244 Afrique contemporaine, p.15.
de grande pauvreté et d’accéder à une petite prospérité.29 En d’autres mots, rien n’est plus noir ou blanc. C’est l’émergence d’une classe se situant dans un entre-deux, une classe que l’on pourrait appeler moyenne. S’il est compliqué de donner une définition de classes moyennes en Europe, ce l’est encore plus lorsqu’on essaie de retracer les contours d’une classe moyenne en Afrique. Ceci a mené beaucoup de gens à ironiser sur le mot même middle class en le transformant avec muddle
46
30 Jacquemot Pierre, les classes moyennes changent-elles la donne en Afrique? , vol. 244 Afrique contemporaine, p.18.
31
Ibid., p.17.
class.30 Quoi qu’il en soit, en disposant et rassemblant quelques caractéristiques issues d’enquêtes effectuées dans les années précédentes, on peut parvenir à définir les caractères de cette nouvelle identité africaine qui se fait place entre les deux réalités préexistantes. l’Afrique qui émerge, - le géant endormi qui enfin s’éveille - (Africa achieves! Africa is rising! Africa pulse!) en rupture radicale avec l’Afro-pessimisme de la - décennie perdue - des années 1990.31 En 2012, Pierre Jacquemot, président du GRETProfessionnels du développement solidaire, avait essayé de diviser cette classe dynamique située dans une position centrale parmi les pauvres et les riches en 4 sous catégories: la classe flottante, le groupe intermédiaire, le groupe supérieur, et la classe possédante. La classe flottante serait celle qui vient de sortir de la précarité. Ses membres sont toujours exposés au risque de revenir dans une situation de précarité
32
Ibid., p.20.
...lorsqu’advient une situation critique (chômage, récession, fortes hausses des prix alimentaires importés […].32 Le membres du groupe intermédiaire sont sortis de la menace de la précarité et profitent des revenus stables qui leur permettent d’accéder à une aisance relative. La classe supérieure est
33 Ibid., p.20.
une classe de confort qui a investi une partie de ses économies dans une maison de banlieue près d’une grande ville, et a tout à perdre de l’instabilité politique, de l’insécurité, d’une mauvaise gestion publique ou de l’inflation.33 Finalement, la classe possédante occupe le plus haut niveau de ces sous catégories. Ses membres gagnent plus que 130 euros par mois et s’assurent les “4 V”. Selon Jacquemot celles-ci correspondent à voiture, villa, voyage 47
et virements bancaires.
34
Ibid.,p.24.
35 Nallet Clélie,Entrer et vivre dans la petite prospérité à Niamey, vol.244 Afrique contemporaine, p. 90.
Les classes moyennes sont urbaines. Elles s’inscrivent singulièrement dans la ville. Elles participent au rêve citadin.34 Les membres de la classe moyenne africaine travaillent dans des activités professionnelles très variées comprenantes par exemple les métiers du commerçant, fonctionnaire, informaticien, taximan, tailleur, journaliste,34 enseignant à l’école, entrepreneur, pharmacien, architecte etc.
Ibid., p.90.
Vivre dans une petite prospérité est synonyme de savoir se nourrir et se loger, c’est à dire savoir gérer le foyer. Mais c’est seulement quand aux nécessités basiques les familles disposent d’un marge en fin de mois dit le reste à vivre, qu’elles considèrent leur situation économique un bien vivre.36
37 Ibid., p.93.
Pour accéder au bien vivre, les membres de la classe moyenne ont souvent une deuxième activité dans le secteur informel au-delà de leurs activités principales en tant que privés ou indépendants. Par exemple, après une journée dans le magasin, un commerçant pourrait se rendre au marché pour vendre des pagnes, des bijoux où d’autres accessoires. Souvent cette deuxième activité reste tabou et les gens ont tendance à la décrire plutôt comme un hobby que comme un travail à sens propre.37
36
Quant aux enfants, on remarque que les membres de la classe moyenne réfléchissent à en avoir autant que les revenus le consentent pour permettre leur d’aller à l’école et de satisfaire à leurs besoins minimaux.
38
48
Ibid., p.92.
De plus, on constate que cette classe sociale a assumé un statut héréditaire. En citant les paroles utilisées par Clélie Nallet dans l’article “entrer à vivre dans la petite prospérité à Niamey” on pourrait presque parler de cocon classe moyenne38; En effet, tous les salariés dont les parents jouissaient d’une petite prospérité ou d’un statut économique ni riche ni pauvre, sont eux aussi ni riche ni pauvre.
Finalement, dans les quartiers haut standing, à côté des grandes demeures qui arrivent à coûter entre les 800.000 et les 2 millions d’euro et dont les propriétaires sont les personnalités plus remarquables du pays, sont construites des habitations surement moins étendues à niveau surfacique, mais qui présentent le même confort et les mêmes soins esthétiques des premières. Ces villas sont réservés aux membres des nouvelles classes moyennes, et ont un prix variable entre les 100.000 et les 200.000 euro, en fonction du quartier. De ces demeures, on va en parcourir les traits principaux dans le chapitre qui suit.
49
50
IV. 51
52
Typologies
IV.I L’entretien avec Cra-Bénin
1
Cfr. chapitre III, Contextualisation,
p.31.
Après avoir introduit la thématique et présenté le contexte territorial dans lequel cette nouvelle réalité architecturale a pris pieds1, on analysera la question de la morphologie esthétique et de la composition planimétrique de trois exemples de villas construites à Cotonou par le bureau d’architecture Cra-Bénin. J’ai rencontré le fondateur du bureau Wilfred Santos et son collègue Alexis Gavi qui m’ont expliqué ce que ce style architectural symbolise pour eux et pour la frange de société qui peut se permettre l’achat d’une de ces villas. Les deux architectes cotonois m’ont par la suite fourni les documents graphiques des projets les plus proches au sujet de recherche. En effet, la quasi totalité de la production du bureau comprend des villas et des complexes de villas privées; plus rarement, le cabinet participe à des concours ressortissant de la sphère publique. On l’a vu, le style dont on s’occupe pourrait être défini comme éclectique, car ses façades, aussi bien que celles de l’immeuble mixte sont signalées
2 Houndégla Franck, L’immeuble mixte, p.104.
par une diversité des référents stylistiques: locaux et internationaux, contemporains et anciens, d’inspiration vernaculaire, moderniste, coloniale, méditerranéenne ou moyen-orientale.2 53
3
Cfr. chapitre VI “Synthèse ouverte discussion”, section “Les relations sino-africaines” p.142. 4 Cfr. chapitre VI “Synthèse ouverte - discussion”, section “L’Architecture afrobrésilienne” p.103. 5 Cfr. chapitre VI “Synthèse ouverte-discussion”, section “L’American Dream” p.128. 6 N’Goran Serge, Le métissage comme moyen de repenser l’architecture, p.5.
7
XIXe-XXe siècles.
On pioche par ici et par là: de nos anciens on retient les balustrades, les corniches, les porches et les colonnes dont les chapiteaux se font porteurs des différents ordres; avec l’Orient3 on entretient des relations économiques qui permettent d’acheter des matériaux à des prix plus abordables (carrelages, parpaings de ciment, enduits, châssis de portes et fenêtres), de l’architecture afrobrésilienne4 on se souvient des façades grandiloquentes aux garnitures baroques dictées par des bas-reliefs finement travaillés, de l’architecture suburbaine américaine on imite le style des maisons de banlieue.5 Ce n’est pas un hasard si, au mot éclectique, on associe souvent d’autres substantifs tels que métissage6, hybridation, syncrétisme et hétérogénéité. Il faut tout de même que ces adjectifs gardent une connotation neutre visant à désigner une architecture qui coupe, de moins en partie, les ponts avec une tradition vernaculaire et un passé colonial7 pour entreprendre l’exploration d’une nouvelle forme identitaire. Celleci sera recherchée dans des modèles autres, altères et parfois lointains plutôt que dans le berceau Afrique. C’est en tel sens qu’il faut lire les appellations métisse, hybride, syncrétique et hétérogène. Très clairement, l’apparition de cette nouvelle forme provoque un choc historique avec l’architecture de l’époque coloniale. En effet, il s’agissait à ce moment d’un modernisme tropical se voulant extrêmement efficient en termes de discours fonctionnel (notamment en rapport à l’adaptation au climat) ce qui ne laissait aucune place à l’ornement. En revanche, on fera face ici à tout forme d’embellissement: des colonnes fines aux porches d’entrée s’élançant à plus de 10 mètres, des toitures aux pentes vertigineuses, des corniches en saillie tout autour des charpentes. La villa se présente en général comme un bâtiment sur deux ou trois étages. La plupart du temps il s’agit d’un bloc compact de grandes dimensions et dont l’ornement en est son caractère le plus évident. C’est une architecture
54
témoignant d’un public qui s’enrichit et qui, à travers la personnalisation des façades, affiche ses réussites à la communauté. Aux questions « comment êtes-vous parvenu à produire cette architecture? Pourquoi la trouvez-vous plus performante ou, du moins, plus à l’écoute des nécessités de la ville de Cotonou? », l’architecte Santos répond ainsi: « Moi j’ai fait mes études à Moscow. Là-bas, il y a beaucoup de chalets qui ont cette forme à pentes triangulaires. J’ai fait des recherches là dessus: il y a des soubassements, puis des murs en briques et à l’étage il y a les combles. Quand je suis revenu au Bénin, j’ai fait mon stage chez un architecte qui a été en Italie, il avait commencé à trouver la similitude entre les plans africains et les plans italiens. Moi j’ai fait de même entre les chalets russes et l’architecture béninoise. En d’autres mots: aujourd’hui la tendance contemporaine cherche la ligne droite, les clients arrivent et disent “nous voulons ce modèle là”, avec beaucoup de vitrages, des auvents rectangulaires de grandes dimensions, mais pas de toitures triangulaires. Moi personnellement je ne m’y verrais pas habiter dans une maison à toiture plate. Quand j’imagine une maison - le cocon maison - je l’imagine avec une toiture à deux versants; c’est ça l’idée de “maison”. Enfin, c’est une question de goût aussi, mais la maison classique - avec toiture à deux pentes - donne vraiment bien l’idée de la chaleur du foyer familial. Et donc aujourd’hui cette tendance “classique” est là pour ceux qui aiment les maisons chaudes, familiales. De plus, il faut dire que les maisons à toitures plates et grands vitrages ne sont pas bien au Bénin, la 55
vitre est un conducteur de chaleur, il ne faut pas qu’il y ait trop de vitres sinon il fait trop chaud: cela demande une climatisation plus renforcée. Les dalles en béton ces sont aussi des transmetteurs de chaleur. La dernière dalle, celle en toiture, quand elle est exposée aux rayons du soleil, la climatisation coûte extrêmement chère. Ceux qui ont beaucoup de moyens essaient de faire des maisons modernes à toiture plate mais utilisent énormément d’énergie pour climatiser. Alors que la maison “classique” a des grands murs avec l’isolant. A partir du moment ou on isole la partie périphérique, il faut isoler aussi la toiture et souvent on met des faux plafonds. Tout ça permet d’avoir un intérieur plus froid, plus frais, c’est ça le confort qu’on cherche. Trouver la bioclimatique à l’intérieur d’un bâtiment c’est primordial ici en Afrique car on souffre de chaud. Le fait d’avoir un mur doublé, diminue le taux de chaleur dans les maisons. Comme matériau on utilise la terre stabilisée: la terre naturelle avec un peu de ciment pressé. C’est un très bon isolant pour les murs périphériques ». On remarque ici que l’architecte utilise l’épithète classique non pas pour souligner des éléments issus de l’art classique, mais pour mettre à l’avance le concept classique que nous avons de maison-foyer. De plus, au delà du goût personnel que l’architecte a pour la maison classique, cette architecture serait pour lui dictée aussi par une nécessité climatique qui doit viser à l’abandon du modèle des maisons à toitures plates au profit de celui à toitures en pente. Comme on le lit par la suite, cette idée de maison correspond selon Santos aux modèles d’habitats péri-urbains américains, les villas de l’american dream, qui ont été également le point de départ de ce travail. « L’architecture des villas qu’on retrouve au Bénin est un syncrétisme d’autres architectures. Ce mélange vient un peu de la Californie, un peu des 56
Fig. IV.i, ii, iii, iv, v, vi — Quelques villas à Cotonou. 57
styles européens classiques. Nous avons tout gardé à l’esprit pour avoir ce type d’architecture disons un peu plus contemporaine, un peu plus douce. Parce qu’avant il y avait vraiment des bâtisses d’architecture afro-brésiliennes qui sont lourdes, en terme de décoration, de reliefs et de bas-reliefs. Pas tout le monde sait faire des décors en ce style. Alors nous sommes partis aussi des façades afrobrésiliennes et des maisons californiennes pour pouvoir mélanger ces deux typologies et avoir des maisons avec des décors plus légers ». Ensuite, lorsqu’on questionne l’architecte sur la structure générale de l’intérieur d’une de ces villas, on découvre que malgré les efforts mis à l’avant pour satisfaire les nécessités du client, intérieur et extérieur ne sont pas liés par un fil conducteur. En d’autres mots ce qui se passe dedans répond vraiment aux requêtes du maître de l’ouvrage, tandis que ce qui se passe dehors laisse à l’architecte une plus grand marge de manœuvre et lui permet de jouer avec la créativité qui caractérise depuis toujours l’essence même du métier. « En tant qu’architectes nous faisons des prestations par rapport au mode de vie de l’homme. La conception chez un musulman est différente par rapport à celle d’un catholique, il y a des sortes de règles. En majorité quand on fait des maisons pour des africains, il y a toujours l’arrière cour où il y a une cuisine africaine et une dépendance car il y a des gens qui vivent dans la maison et qui sont des employés (pour entretenir la maison, la cuisine, tout ça…). Au delà de la villa on a donc besoin de logements en arrière. Ce type de dispositif dans les maisons européennes n’existe pas. De plus, quand les clients sont musulmans il y a aussi à tenir compte d’un espace prière dans la conception. Puis il y a des gens qui n’aiment pas avoir des odeurs dans leurs salons, donc cuisine et salon sont cloisonnés. Le plan générique comprend donc le 58
salon, le repas, la cuisine, une chambre d’amis en bas et puis la chambre des parents et des enfants en haut. Des fois les parents demandent à avoir une deuxième chambre pour les parents en bas parce qu’ils se disent que quand ils commencent à vieillir ils ne peuvent plus monter les escaliers. Cet espace peut être d’abord une chambre d’amis qui devient ensuite une chambre parents. Il y a plusieurs façons de faire différentes, ça dépend des envies du client. Ce sur quoi on se base le plus c’est l’aspect architectural car c’est l’enveloppe qu’on vend. Tout ce qui est intérieur c’est le client qui gère selon ses nécessités. Intérieur et extérieur n’ont quasi aucun lien, l’extérieur c’est une sorte de boîte, de contenant ».
IV.II Les trois villas Comme anticipé, on propose ci-après une description de trois villas construites par le bureau Cra-Bénin à laquelle on fait suivre une réflexion interprétative comme synthèse de l’analyse fournie.
8 Cfr. Chapitre V “Dictionnaire de l’ornement d’architecture et de sa réinterpretation/ réappropriation au sein du contecte cotonois” p.83.
On invite également le lecteur à repérer les termes architecturaux employés tout au long de la recherche dans le dictionnaire mis à disposition dans le chapitre V8. Cet outil permet la compréhension du langage architectural se référant au décor et sa respective réinterprétation-réappropriation au sein de la réalité cotonoise. Santa Trinità à Fidjrossè
Fig. IV.vii — Emplacement. 59
Fig. IV.viii — Villa Trinità à Fidjrossè.
La villa Santa Trinità fait partie d’un complexe résidentiel construit au bord de la plage Fidjrossè en 2013. Le complexe est constitué par quatre villas (deux à l’avant et deux à l’arrière) dont les deux à l’avant (en face à la mer) présentent une volumétrie identique et des plans symétriques. « Nous avons à l’avant deux villas jumelles qui ont le même plan exactement, mais disposé symétriquement. C’est un ensemble construit pour familles (chaque famille achète une villa); Il y réside des familles constituées de 3 ou 4 enfants, malgré le fait ceux-ci partent souvent pour l’Europe. C’est une classe sociale à haut revenus qui a acheté ces villasici ». Le plan de la maison à l’avant située côté rue se constitue ainsi:
9 On ne sait pas dire avec précision s’il s’agit d’une véritable référence à l’ordre tuscan ou d’un colonne d’ordre dorique simplifiée.
60
l’entrée se fait par un porche entouré de 4 colonnes à chapiteau toscan.9 Les deux à diamètre et hauteur mineurs soutiennent la terrasse à l’étage tandis que les deux plus longues soutiennent directement la corniche de la toiture en saillie. A l’intérieur, le rez-de-chaussée est dominé par un large couloir de 3 mètres de largeur qui distribue les pièces principales: d’une part les deux salons et de l’autre la cuisine et la salle à manger.
La présence de deux salons au rez-de-chaussée est un fait typique de la culture musulmane: « pour ce qui concerne les salons c’est vrai que la tradition musulmane à Cotonou impose des visites multiples donc pendant que le maître reçoit dans un salon, il fait attendre ses visites dans un autre salon. Ça se passe très fréquemment. C’est pour cela que certains clients exigent 2 salons en bas. Ça donne plus de confort. Chez les catholiques tout le plan est plus “rationnel”, un peu comme en Europe ». La cuisine et le deuxième salon se trouvent connectés à l’extérieur par une terrasse qui s’étale sur toute la longueur de la façade. Celle-ci, aussi bien que le porche, est construite sur un stylobate à quatre marches et entourée de colonnes à chapiteau toscan. Pour accéder à l’étage en mezzanine, un escalier à deux volets est placé au milieu du couloir du hall. Dans la mezzanine on retrouve seulement deux chambres d’amis, jumelles et en miroir, chacune dotée de sa propre salle de bain. En même temps, trois vides sont dégagés sur les couloir du hall, sur la salle de repas et sur le salon. Le dernier étage, sous comble, comporte d’un côté deux autres chambres, possiblement destinées aux enfants et aussi dotées de leur propre salle de bain et de l’autre côté la chambre parentale qui s’accroche à un ample dressing rendant privatif l’accès à la salle de bain. A séparer la chambre parentale aux chambres des enfants, un troisième salon y est dessiné. L’architecte Santos nous explique que le salon à l’étage est le plus intime parmi les trois et que cette pièce se retrouve avec constance dans les maisons destinées à un public musulman. « En haut on retrouve un autre petit salon, qui parfois peut avoir fonction aussi de petit fumoir 61
250
1 240
Terrasse 2 S=42,07 m2
Toil visit.
395
3,30 m2 12 11 10
17 x 17 = 289
635
9
Cuisine
8
Salon 2
7 6 5
S=29,88 m2
4 3 2 1
36,12 m2
1 380
15
Hall escalier
700
Repas
Salon 1
S=36,79 m2
700
S=71,36 m2
300 530
Terrasse 1 S=39,50 m2
940
200
400
515
VUE EN PLAN RDC Fig. IV.ix — Plan du RDC.
Surface totale batie = 273,66 m²
62
PROJET MME GLELE VILLA 1 & 2 CRA/BENIN Ech:1/100
Palier
SDB 1
SDB 2
S=9,00 m2
11,55 m2
11,55 m2 18
16
19
15
20
14
21
13
22
12
24 26 27 28
8 7
Chambre 2
6
29
5
30
4
31
3
32
2
33
S=35,21 m2
9 17 x 17 = 289
25
Chambre 1
17 x 17 = 289
23
11 10
1
S=35,21 m2
Vide sur Hall
Vide sur Repas
Vide sur Salon
Fig. IV.x — Plan du RDC+1.
63
Coin perdu
Coin perdu Escalier S=22,58 m2
16
19
15
20
14
21
13
22
12 11
24
10
25 26 27
13,20 m2
9 8 7
28
6
29
5
30
4
31
3
32
2
33
8,16 m2
17 x 17 = 289
23
SDB 2
SDB 1
18
Chambre 2 S=22,43 m2
1
Dressing 22,57 m2
Hall
SDB 3
S=17,15 m2
8,16 m2
Chambre Principale S=33,27 m2
Chambre 3 S=19,71 m2
Salon S=30,46 m2
Coin perdu
Coin perdu
Terrasse S=23,13 m2
VUE Fig.EN IV.xiPLAN — PlanCOMBLE du RDC+2. Surface totale batie = 242,16 m²
64
PROJET MME GLELE VILLA 1 & 2 CRA/BENIN Ech:1/100
Fig. IV.xii, xiii — Façade principale (en haut), façade latérale droite (en bas).
65
privé. Souvent il est dédié à la femme et à ses enfants qui jouent ou suivent des émissions, des télénovelas ou des films pendant que monsieur reçoit les invités en bas ». Pour ce qui concerne la façade, la couleur prédominante est le jaune ocre. Les éléments repérables issus de l’art classiques sont les déjà mentionnées colonnes d’ordre toscan, la corniche qui fait le tour de la toiture à pente et la balustrade des terrasses qui présente des éléments en plâtre tels des petites colonnettes composées de chapiteau, fût et piédouche. Des bandeaux moulurés et en saillie couronnent les baies qui, elles, font appel plutôt à l’architecture du rêve américain. On en retrouve de plusieurs types: rectangulaires, à cintre surbaissé, à quart de cercle etc. Les deux exemples qui suivent font partie de la cité Cen-Sad, dans le quartier de Agblangandan, côté Est du chenal. Cen-sad est l’acronyme de “Communauté des États sahélo-sahariens” une organisation créée en Libye en 1988, réunissant 29 pays africains et dont le but est
10 CEN-SAD Communauté des Etats Sahélo-Sahariens, https://www.uneca.org/ fr/oria/pages/cen-sadcommunaute-des-etatssahelo-sahariens (page consultée le 30/05/2019).
66
de consolider le travail collectif dans de nombreux domaines (politique, culturel, économique et social).10 Santos explique à ce propos que « Construir la Cen-Sad était un challenge pour le président qui était au pouvoir à ce moment-là qui a saisi l’occasion de la conférence sahélo-saharienne qui brasse des fonds pour le développement du pays. A partir de là il a commencé un projet de construction de villas de haut standing sur toute la ville de Cotonou. Il y a un site à l’Est qui pouvait abriter une cité moderne. Il a lancé une consultation pour la construction de villas de standing dans cette partie et puis dans la partie Ouest (côté aéroport) il y a aussi une grande zone pour le même projet.
Il fallait nécessairement héberger les visiteurs de cette conférence-là vue que dans le pays il n’y avait pas assez d’hôtel pour abriter les visiteurs pour une grande réunion internationale. A ce propos il a fait construire 200 villas pour accueillir les visiteurs. Des villas complètement équipées. Les visiteurs ont pris les villas provisoirement le temps de la conférence. Après la conférence elles ont été mises au marché. Les villas ont été construites aussi pour améliorer le contexte urbain dans la ville de Cotonou. Le président avait vu cela au Ghana et il a voulu le même pour son pays. Malgré la réligion de la majorité des gens qui ont acheté les maisons là-bas, ce n’est pas une cité construite uniquement pour les musulmans. C’est une cité ouverte à tout le monde aujourd’hui, parce que le Bénin est un pays laïque ». La cité Cen-Sad se présente comme un quartier enclos dans une muraille et protégé par la police locale, raison pour laquelle je n’ai pu récupérer que les documents graphiques fournis par le bureau. L’interdiction de prendre des photos aux propriétés est dictée par un souci de droit à l’image. Villa Ola
Fig. IV.xiv — Emplacement.
Fig. IV.xv — Villa Ola. 67
La Villa Ola est une propriété sur deux étages bâtie en 2008. Ensemble avec la Villa Bellamy et bonne partie des autres maisons présentes dans la cité, elle a été faite construire à la requête d’une promotrice immobilière avec un but commercial. Les justifications architecturales dictées par une nécessité religieuse ou culturelle s’y retrouvent malgré la propriété aie été commandée par une société et non par un particulier. « Pour la construction de ces maisons, les promoteurs de Ola et Bellamy sont également des musulmans. En tant que promoteurs ils ont une clientèle musulmane en première choix même si toute personne de toute religion est la bienvenue: si le promoteur ou promotrice est musulman, il se peut que les relations de ventes commencent par des musulmans ». Quant au plan, l’entrée se fait côté rue. À tracer les contours de l’accès, deux colonnes également en style toscan s’étalent sur deux niveaux pour un total de 6 mètres. Le porche à forme rectangulaire est dessiné à faire d’espace tampon entre l’extérieur et l’intérieur. Ce dernier mène au hall central, accueillant un ample escalier, seul moyen d’accès à l’étage. Le hall se situe au centre du plan et distribue au Nord les pièces de vie (repas, cuisine, salon, cloisonnés entre eux) et au Sud le deuxième salon et une chambre à coucher avec salle de bain. A l’étage l’escalier donne sur quatres chambres de taille similaire et chacune doté de sa propre salle de bain. On y reconnait la chambre parentale par la présence d’une petite hall qui sépare la chambre même du dressing. Un troisième salon est mis à disposition des quatres chambres comme c’était le cas pour le complexe Sainte Trinité. L’enduit qui recouvre les façades est encore une fois de couleur jaune ocre exception faite pour tous les éléments 68
Repas
Terrasse 1 S=31,74 m2
S=27,80 m²
4525
4525
Salon S=62,65 m2
93
Sas 2 83 WC 83 S=3,00 2 m2
Cuisine S=21,00 m2
S=3,11 m
R
Hall
93
S=34,30 m²
SDB
S=10,54 m2
Ter2 3,75 m2
93
93 93
83
93 93
Porche S=12,78 m2
Chambre S=24,26 m2
93 93
93
Entrée S=14,29 m²
250
PLAN AMENAGE RDC Fig. IV.xvi — Plan du RDC.
69
Terrasse S=23,29 m2
Chambre P/1 S=34,40 m²
Chambre 4 S=31,32 m2
Salon
S=20,32 m²
83
4,97 m2
83
93
Hall 1
SDB 4
S=6,39 m2
83
93
SDB 1
Dalette
S=11,72 m2
Dres.1 7,65 m²
SDB 3
Hall
S=11,27 m2
S=28,85 m2
83
SDB 2 8,75 m2
83
93
Chambre 3
180 Dres.2
5,55 m²
S=28,62 m2
93 Chambre 2 S=28,65 m²
Balcon 1
93
Balcon 2 S=4,27 m2
S=6,75 m2
PLAN AMENAGE ETAGE Fig. IV.xvii — Plan du RDC+1.
70
Villa
C
FACADE PRINCIPALE
Fig. IV.xviii, xix — Façade principale (en haut), façade latérale gauche (en bas).
71
Fig. IV.xx, xxi — Façade postérieure (en haut), façade latérale droite (en bas).
72
de décor en plâtre blanc et pour les quelques éléments en brique soulignant l’alignement des ouvertures. Il s’agit de corniches au bords de la toiture, des bandeaux concourant toute ouverture, des balustrades aux terrasses et balcons (on en compte au total au nombre de 5) et des colonnes. Les fenêtres présentent des formes différentes dans ce cas aussi. Ce qui rend particulière l’esthétique de l’édifice est la présence des corniches latérales à la corniche principale. En effet, si celle-ci est soutenue par les deux colonnes et souligne l’entrée au bâtiment, les deux corniches latérales encadrent des lesene trapézoïdales aveugles là où l’oeil s’attendait à y voir des ouvertures. Villa Bellamy
Fig. IV.xxii — Emplacement.
Fig. IV.xxiii — Villa Bellamy.
Comme la villa Ola, la villa Bellamy, qui date du 2013, a également été construite à la requête d’une promotrice immobilière. Le plan à forme rectangulaire est légèrement arrondi sur l’un des coins. L’accès se fait par un porche aux colonnes doriques qui s’élancent jusqu’à transpercer la terrasse à l’étage et arrivent à soutenir la toiture, également à pentes multiples comme pour les deux exemples précédents. A la différence de la villa Ola ou du complexe de Santa 73
Trinità, après le porche on n’arrive pas dans un hall en longueur mais dans un espace fluide et organique de 72 mètres carrés accueillant d’un côté le séjour, de l’autre la salle à manger et au milieu un noble escalier courbé. De la salle à manger on peut accéder à la cuisine, tandis qu’à partir du salon un arche mène au deuxième salon, indication qu’à l’origine cette villa était également prévue pour un public de religion musulmane. Au rez-de-chaussé on retrouve également la chambre d’ami dotée de dressing et salle de bain personnelle, à laquelle on accède du porche par un petit couloir caché du hall. A l’étage on arrive soit par l’escalier monumental dans le hall, soit par un escalier secondaire. Encore une fois, l’étage est entièrement dédié à la zone nuit et accueille 4 chambres à coucher (dont la plus grande est la parentale). Chambres, salles de bain, dressing et terrasses (il y en a 5 en totale) sont articulés à dessiner une trame asymétrique qui donne du dynamisme au plan et qui permet la formulation d’espaces moins conventionnels. Au plan articulé fait contraste la façade ayant un caractère symétrique exception faite par la toiture arrière côté gauche, qui disparaît du côté droit. Les éléments issus du classique sont les mêmes que pour les deux cas précédents, à savoir: les colonnes, les bandeaux moulurés aux fenêtres et les corniches.
74
93
243
R e p a s
Cuisine + Office S=27,72 m²
S=31,23 m² 93 22
93
163 93
10
243
93
S=12,22 m² 1 2
4
7
13 14
Terras S=6,60 m² 15
1
S=11,85 m²
S=13,29 m²
Séjour S=71,77 m²
SDB
Dressing
83
450 S=10,59 m²
93
Salon 83 S=2,67m²
S=33,14 m²
Porche 98 S=5,40m²
Entrée
S=33,07 m²
Chambre/Ami
sas2 83 wc visit S=2,34m²
Fig. IV.xxiv — Plan du RDC.
VUE EN PLAN RDC
75
83
S=7,64 m²
SDB
S=7,04 m²
SDB
243
83
Chambre
S=18,75 m²
Chambre
243
S=4,79 m²
Balc1
93
Terrasse1 S=18,41 m²
93
22
Vide
10
Hall2
S=5,85 m²
Hall1
S=19,01 m²
8
14
1
93
Chambre Principale
93
Sas1
S=33,74 m²
SDB
S=8,10 m² 83
S=7,61 m²
W.c
83 S=2,24 m²
Sas2 83
Terrasse2
S=13,86 m²
S=16,79 m²
S=7,43 m²
Dressing
S=28,87 m²
SDB
93
Balcon2 S=8,04 m²
PLAN AMENAGÉ ETAGE Fig. IV.xxv — Plan du RDC+1.
76
Chambre
S=16,98 m²
Terrasse3 S=4,62 m²
FACADE PRINCIPALE
FACADE POSTERIEURE
Fig. IV.xxvi, xxvii — Façades principale (en haut), postérieure (en bas). GSPublisherEngine 0.0.100.100
77
FACADE LATERALE DROITE
FACADE LATERALE GAUCHE
Fig. IV.xxviii, xxix — Façades latérale droite (en haut), latérale gauche (en bas).
78
IV.III Les considérations: Pour ce qui concerne la façon de réfléchir l’architecture, c’est-à-dire la phase de conception du projet, on remarque que le périmètre du volume est le premier point à être défini. Pour citer les paroles utilisées par Santos, lorsque le périmètre est tracé, on vient “remplir la boite” et ensuite embellir la façade.
11 Cfr. Chapitre VI “Synthèse ouverte - discussion”, section “L’American Dream”, p.128.
Cette façon de travailler se situe en opposition à celle des architectes américains travaillant dans la domaine privée. En effet, ces derniers réfléchissent d’abord à la disposition des pièces dans le plan et ne referment l’enveloppe11 que lorsque le dessin de tout étage est entamé. En règle générale, la forme des maisons américaines est donc dictée par l’intériorité, ce qui donne lieu à des volumes irréguliers et jamais à des parallélépipèdes compacts comme c’est le cas pour les villas de Cotonou. Dans un point de vue du plan, on remarque que des rituels de conception se repèrent dans toute villa analysée. Il s’agit notamment des espaces de vie qui sont colloqués au rez-de-chaussée et des espaces de nuit dessinés à l’étage (exception faite pour quelques pièces comme le troisième salon, à l’étage et la chambre des amis, au rez-de-chaussée). Pour ce qui concerne les éléments issus du classique présents en façade, ils ne conservent que leur valeur formelle, mais perdent toute valeur structurelle telle que leur avait attribuée par Vitruve. Par exemple, les colonnes montrent un fût lisse, cas recourant dans grand partie des constructions rencontrées lors du séjour à Cotonou. Cette simplification d’exécution qui abolit les cannelures est dictée probablement par une nécessité d’économie de moyens ou d’économie du prix. Aussi la couleur jeu son rôle. A l’époque classique, 79
frontons, frises, entablements et toute autre partie du temple grec étaient pigmentés. Pourtant, l’image du classique véhiculée au fil des siècles montre une couleur blanche qui a été assimilée comme synonyme de pureté et perfection. Les reproductions du classique sont par conséquent souvent en blanc. Cependant, parfois dans le quartier Cen-Sad quelques demeures présentent des éléments en plâtre peint avec des couleurs vives. On ne peut pas savoir avec certitude s’il s’agit d’un clin d’oeil au passé ou une envie d’afficher une réussite sociale qui, à travers la couleur, ajouterait une couche en plus à l’embellissement du décor. On constate également que les colonnes ne soutiennent jamais un entablement compris comme la partie composée par architrave, frise et corniche et qui fait partie de la définition Vitruvienne de genre. Dans les trois exemples analysés, elles sont en train de soutenir une corniche moulurée qui fait le tour de la toiture.
12 variant de l’ordre ionique
80
Finalement, les proportions originelles de l’ordre auquel les chapiteaux font référence ne sont pas respectées non plus. On parle bien de proportions et non de taille. En effet, pour les ordres anciens on ne retrouve jamais une mesure standardisée à respecter, mais des rapports proportionnels entre les différentes parties qui consentent un équilibre visuel et structurel au complexe et qui sont les suivants: • pour l’ordre dorique, la colonne est haute entre 4 ou 5 fois le diamètre du fût; • pour le ionique, la hauteur de la colonne et le diamètre du fût ont un rapport qui varie entre 8 et 9 fois; • pour l’ordre corinthien, la largeur de la colonne reprend celle de l’ordre attique;12 • l’ordre toscan est une simplification de l’ordre dorique et la colonne en conserve donc ses proportions. Dans les cas étudiés, on remarque que la colonne est très longue et mince par rapport au chapiteau, ce qui implique que les proportions voulues par les anciens ne sont pas conservées au profit d’une nécessité constructive.
V. 81
82
Vocabulaire de l’ornement d’architecture et de sa réinterprétation/ réappropriation au sein du contexte cotonois
Cet outil est mis à la disposition du lecteur pour faciliter la compréhension des termes architecturaux du langage ornemental utilisés au cours de la recherche (mot en violet) et de leur réinterprétation au sein de la réalité cotonoise des villas de la classe moyenne (mot en noir). À remarquer que ce vocabulaire ne se configure pas seulement comme un outil pour le lecteur mais comme une analyse qui m’a amené à m’interroger sur la manière dont la grammaire de l’architecture classique a été réinterprétée au sein du contexte cotonois. Par ailleurs, cette partie ne vient pas se glisser à la fin du travail dans le but d’un usage strict du vocabulaire, mais dans le coeur même de la recherche puisqu’elle se presente comme une réflexion grammairienne sur la réinterprétation/ réappropriation du vocabulaire architectural. Parfois, la signification d’un terme ne change pas entre l’une et l’autre réalité, mais bien le contexte dans lequel un élément est utilisé ou l’emploi qui lui est attribué. 83
D’autres fois encore, certains éléments sont inconnus à Cotonou et sont remplacés par d’autres figures architectoniques.
1 Les définitions géneriques ont été réelaborées à partir du Dictionnaire d’Architecture de Mathilde Lavenu et Victorine Mataouchek et du dictionnaire enligne Ortolang, disponible sur https:// cnrtl.fr.
84
Tout élément de la réalité cotonoise est précédé par des symboles qui expriment la fréquence de son apparition et indiquent si la signification, le contexte et son emploi restent identiques ou pas.1
Récurrence: + (rarement) ++ (souvent) +++ (très souvent) - (jamais)
Signification: = (identique) ≈ (similaire) ≠ (différente)
Contexte: = (identique) ≈ (similaire) ≠ (différent)
Emploi: = (identique) ≈ (similaire) ≠ (différent)
A Arcade. Baie ouverte sur piédroits ou sur colonnes et recouverte par un arc. Souvent à l’intérieur des églises contournant les nefs, ou dans les portiques des centres-villes. À Cotonou. Récurrence: +, Signification: =, Contexte: ≠, Emploi: ≠ On la repère surtout dans les rez-dechaussées des immeubles mixtes. Elle fait de corniche aux boutiques commerçantes (pharmacies, magasin d’informatique, libraires etc). Elle perd donc sa fonction de séparatrice structurelle (comme c’est le cas des nefs des églises), et elle assume le significat d’encadrement des vitrines dans les bâtiments commerçants. Arc. Construction constitué par des voussoirs disposés à former une portion de cercle. L’arc s’appuie sur deux sommiers. Il y en a des différents types: arc en pleinecintre, arc plein cintre outrepassé, arc segmentaire, arc rampant, arc en tiers-point, arc en lancette, arc en anse de panier). L’arc se retrouve partout: ouvertures dans le bâti, monuments à la gloire, aqueducs
etc. À Cotonou. Récurrence: +++, Signification: ≈, Contexte: =, Emploi: ≈ Les arcs dans les villas sont employés pour donner forme aux grandes baies vitrées ou pour formuler le passage d’une pièce à l’autre (par exemple les salons) Lorsque l’arc se trouve à l’extérieur, il peut introduire un auvent.
Architrave. La partie la plus en bas des trois éléments principaux de l’entablement (corniche, frise, architrave) dans un temple grec. À Cotonou. Récurrence: jamais, Signification: ≠, Contexte: ≠, Emploi: ≠ Le rôle de l’architrave devient équivalent à celui d’un linteau; par conséquent, les colonnes des villas privées se trouvent à soutenir un linteau, ou une corniche, ou un balcon ou directement la toiture. Auvent. petit toit en saillie normalement composé d’un seul versant. En surplomb ou soutenu par des appuis. À Cotonou. Récurrence: +++, Signification: =, Contexte: =, Emploi: ≈ Le sense ne change pas, toutefois l’auvent est employé surtout à l’entrée des villas haut standing pour la rendre majestueuse. Ces auvents peuvent arriver à mesurer jusqu’à 5 mètres de longueur. 85
Signification: =, Contexte: =, Emploi: ≈ La plupart des villas prévoit un balcon pour chaque chambre à coucher et un plus grand pour le salon. Le balcon assume un style à l’italienne avec ses balustres en plâtre. (Cfr. Balustre)
B Baie. Ouverture réalisée dans un pan de mur pour y placer une porte, une fenêtre ou toute autre ouverture. À Cotonou. Récurrence: +++, Signification: =, Contexte: =, Emploi: = Dans le langage des villas à Cotonou, les baies sont contournées par des bandeaux en plâtre mouluré. Elles sont généralement de grandes dimensions et peuvent présenter les formes les plus disparates: en plein cintre, à l’oeil-de-boeuf ou à cintre surbaissé. Balcon. Plate-forme en saillie sur la façade d’un bâtiment, encadrée par une balustrade et accessible de l’intérieur. Se situe devant une ou plusieurs ouvertures telle une fenêtre ou une porte. À Cotonou. Récurrence: +++, 86
Balustrade. Ensemble de colonnettes (dites balustres) qui soutiennent une tablette d’appui. La balustrade a le but de délimiter un espace. À Cotonou. Récurrence: +++, Signification: =, Contexte: =, Emploi: ≈ Les balustrades sont des gardescorps réalisés tout le temps en plâtre blanc, à rappeler un style à l’italienne. Ces balustrades sont dotées de balustres, c’est-à-dire des colonnettes composées par un chapiteau, un fût et un piédouche. Dans les nouvelles villas cotonoises, on ne retrouve quasi jamais des gardes-corps en métal et en verre. Bandeau. Moulure qui entoure les baies des portes et/ou fenêtres. Parfois on le retrouve aussi tout autour d’un bâtiment pour définir les différents étages. À Cotonou. Récurrence: +++, Signification: =, Contexte: =, Emploi: = Toute baie des villas privées de la classe moyenne est entourée par un bandeau en plâtre d’environ 5 centimètres, rigoureusement de couleur blanc (ainsi que tout autre élément de décor dans la façade). Ce bandeau est souvent mouluré et parfois embelli avec des éléments
en saillie tels des bas-reliefs.
C Bas-relief. Sculpture en petite saillie. Les jeux d’ombre crée par la saillie donnent le contour aux sujets représentés. À Cotonou. Récurrence: ++, Signification: =, Contexte: ≠, Emploi: ≈ Le bas-relief était déjà connu dans les façades de l’architecture afrobrésilienne et il a été transmis par la suite comme élément de décor pour les bandeaux en plâtre contournant les fenêtres ou pour les corniches des toitures. Parfois on peut retrouver des images en bas-relief aussi dans les frontons des villas. Ces images représentent soit des symboles religieux, soit des images de bon auspice, soit des images issues de la mythologie. D’autres fois encore, on peut acheter des iconographies réalisées en bas-relief dans les marchés informels. Ces objets, illustrant des scènes de la mythologie grecque et romaine, sont utilisées comme décor pour l’intérieur de la maison.
Cannelure. Rayure creusée sur toute la hauteur du fût d’une colonne permettant un jouer de clairfoncé. Elle peut apparaître aussi sur des pilastres ou d’autres types de sculptures. Dans les colonnes des temples grecs, les cannelures étaient plus ou moins 20. À Cotonou. Récurrence: +, Signification: =, Contexte: ≠, Emploi: ≠ La signification est la même, toutefois les colonnes qui s’érigent aux porches d’entrée des maisons cotonoises sont souvent lisses, ce qui est dû à une économie de moyens. Lorsque des cannelures sont creusées sur le fût, elles peuvent être de nombre inférieur ou supérieur par rapport à celles établies par les ordres grecs. En effet, les fûts de ces colonnes sont parfois trop élancés et minces et d’autres trop courts et larges. Finalement, lorsqu’elles sont présentes, elles ont un caractère évocateur du passé et perdent leur fonction de clair-foncé.
Chapiteau. Partie d’une colonne (ainsi que d’un pilastre ou un pilier) 87
qui se trouve au-dessus de ceux-ci. Ceci a fonction à la fois fonctionnel et ornemental. Il y en a de 5 types: ionique, dorique, corinthien (ordres grecs) toscan, composite (ordres étrusques-romains). À Cotonou. Récurrence: +++, Signification: =, Contexte: ≠, Emploi: ≈ Dans les demeures plus modeste on peut retrouver des colonnes sans chapiteau ou avec des chapiteaux inventés ad hoc, c’est-à-dire ne faisant pas partie des ordres grecs et romains. Dans les autres, les colonnes les plus répandues sont celles à chapiteau dorique, toscan, et corinthien (ce dernier est utilisé surtout dans les villas de plus haut standing). Cimaise. Partie d’une corniche ayant section ondulée. À Cotonou. Récurrence: +++, Signification: =, Contexte: =, Emploi: =
Colonnade. Portique formé par un ensemble de colonnes placées symétriquement (temple classique). À Cotonou. Récurrence: + , Signification: =, Contexte: ≠, Emploi: ≠ 88
La colonnade se retrouve rarement dans le contexte cotonois des villas de la classe moyenne. En revanche, cette figure est très récurrente dans les habitations privées aux Etats Unis qui s’inspirent au style Greek Revival. Rappelant la colonnade du temple, elle est située à l’entrée du bâtiment. A Cotonou, elle est constituée par un portique et réduit ainsi les colonnes au nombre de 2. Colonne. Structure verticale cylindrique qui a la fonction de soutenir les parties structurelles d’un édifice. Les colonnes sont définies par leurs chapiteaux. A l’époque classique, toute partie d’une colonne était définie par un ensemble de lois proportionnelles. À Cotonou. Récurrence: +++, Signification: =, Contexte: ≠, Emploi: ≠ La colonne assume des connotations différentes, est employée dans des domaines inhabituelles, perd son rôle structurel prévu par les originelles grecques et les proportions prévues par les ordres antiques ne sont pas respectées. Connotations différentes: l’emploi des colonnes représente le statut du propriétaire dont les revenus économiques se mesurent au nombre de colonnes et d’éléments décoratifs employés en façade. Emploi: la colonne n’est plus adoptée dans les domaines religieuses, mais surtout dans le domaine privé, aux porches d’entrée, à soutenir la toiture en saillie ou à ponctuer l’enclos qui
fait le tour de la propriété. Rôle: Son rôle structurel se perd puisque parfois les colonnes n’accomplissent qu’une fonction décorative (colonnes qui ponctuent les enclos, colonnes isolées etc). Proportions: elles ont parfois des proportions démesurées qui s’adaptent à la morphologie du bâti et abandonnent les proportions originelles telles que voulues par Vitruve dans De Architectura. Composite. Ordre de l’époque romaine caractérisé par une synthèse des ordres ionique, dorique et corinthien. (Base ionique, volutes du chapiteau ioniques, fût dorique, et feuilles d’acanthe corinthien). À Cotonou. Récurrence: +, Signification: =, Contexte: ≠, Emploi: ≠ Cet ordre est très rare à rencontrer à Cotonou. En revanche, quelques fois des ordre inventés ad hoc peuvent mélanger des chapiteaux différents ou en faire sortir des nouveaux.
Corinthien (colonne). Ordre architectural de la Grèce antique caractérisé par un chapiteau à feuilles d’acanthe. Proportions: la base de la colonne correspond à celle de l’ordre attique (une variante de l’ordre ionique) et la hauteur du chapiteau est la même que le diamètre du fût. À Cotonou. Récurrence: +++, Signification: ≈, Contexte: ≠, Emploi: ≠ L’ordre corinthien dans les villas de la classe moyenne présente parfois des modifications notamment par rapport aux proportions (avec des colonnes fines et très élancées et des chapiteaux trop petits ou trop grands). Etant donné le nombre de détails à exécuter pour la réalisation d’une colonne au chapiteau corinthien, cet ordre se rencontre surtout dans les villas cotonoises de la classe moyenne de très haut standing.
Corniche. Dans le temple classique, elle est le troisième élément de l’entablement (composé par 89
architrave, frise et corniche). Dans le domaine privé c’est un élément en saillie qui se développe en longueur dans les façades. Sa fonction est de rejeter les eaux pluviales. À Cotonou. Récurrence: +++, Signification: =, Contexte: ≈, Emploi: ≈ La corniche est toujours présente le long des toitures en pente. En plâtre blanc, elle peut être moulurée et composée par une cimaise et un larmier. La corniche fortifie l’aspect du “cocon maison” puisqu’elle renforce la forme en pente du toit et perd parfois sa fonction de rejet des eaux de pluie.
diamètre du fût ont un rapport de 1/5. Le fût présente entre 16 et 24 cannelures. Le chapiteau est plat et son hauteur est égale à la moitié du diamètre du fût. À Cotonou. Récurrence: +++, Signification: ≈, Contexte: ≠, Emploi: ≠ Comme pour les autres ordres, l’ordre dorique peut présenter des caractéristiques différentes dans ses proportions et son chapiteau. Ensemble avec le corinthien, le chapiteau dorique est le plus répandu dans les villas cotonoises. Toutefois, tandis que le corinthien se retrouve surtout dans les villas de haut et très haut standing, le chapiteau dorique est employé aussi dans des demeures plus modestes.
D Dorique (colonne). Ordre architectural de la Grèce antique caractérisé par ses formes très simplifiées. La colonne dorique se pose directement sur le stylobate. La hauteur de la colonne et le 90
E
Enduit. Revêtement intérieur ou extérieur qui recouvre les surfaces d’une structure avec le but de les fortifier pour mieux les protéger. Il peut être en plâtre, en mortier, en terre etc. À Cotonou. Récurrence: +++, Signification: =, Contexte: ≠, Emploi: = L’enduit est utilisé de manière systématique. Les couleurs privilégiées sont le rouge, le bleu marin, l’ocre et le plus rarement le blanc (réservé spécialement aux éléments de décor) Entablement. Partie d’un temple grec située au dessus du chapiteau et composée par architrave, frise et corniche. À Cotonou. Récurrence: -, Signification: ≠, Contexte: ≠, Emploi: ≠ L’entièreté de l’entablement est substituée par un simple linteau dans les villas de la classe moyenne. (Cfr. architrave) Entasis. Léger bombement à plus ou moins ¾ de la colonne qui avait la double fonction de donner plus d’élan visuel au fût et de corriger l’illusion d’optique de l’apparence concave que les colonnes assumaient. À Cotonou. Récurrence: ++, Signification: ≠, Contexte: ≠, Emploi: ≠ Dans les villas cotonoises on vérifie un double approche: soit les colonnes ne présentent pas d’entasis (pour une question de simplification et donc d’économie
de moyens comme c’est le cas pour les cannelures soit l’entasis est reproduit mais il ne conserve plus son rôle d’élan visuel puisque les colonnes ne suivent pas les proportions classiques (et donc il s’agit en ce cas d’un simple clin d’oeil du passé).
F Frise. Partie en bas-relief de l’entablement, située entre la corniche et l’architrave (temple). À Cotonou. Récurrence: ++, Signification: ≠, Contexte: ≠, Emploi: ≠ Le mot frise s’étend à tout décor en bas-relief et non plus seulement à ceux situés entre la corniche et l’architrave.
91
Fronton. Généralement triangulaire ou en demi cercle, c’est la partie qui couronne l’entrée d’un bâtiment. À Cotonou. Récurrence: +++, Signification: =, Contexte: ≈, Emploi: ≠ Le fronton dans les maisons cotonoises est quasi tout le temps triangulaire. Il est de la même couleur que le reste de la façade mais pas blanc (le blanc est réservé aux éléments de décor). Parfois, au milieu du fronton sont dégagées des baies rondes (à l’oeil de boeuf ). D’autres, des décors en bas-relief en plâtre blanc se font place au milieu du fronton. Fût. Partie centrale d’une colonne délimitée par le chapiteau (qui se trouve tout au bout) et la base. Il peut présenter des cannelures ou être lisse et un léger gonflement à ¾ de son hauter (Cfr. entasis). À Cotonou. Récurrence: +++, Signification: =, Contexte: ≠, Emploi: ≠ Comme pour les autres parties de l’ordre, aussi le fût des colonnes dans les maisons cotonoises peut présenter des caractères différents des originaux. Pas seulement les proportions entre fût et chapiteau peuvent ne pas être respectées, mais aussi le fût peut avoir une section carrée à la place de celle ronde, ne pas présenter des cannelures, d’entasis etc.
92
G Géminé. L’adjectif peut se référer à deux ouvertures de la même forme séparées par une colonnette ou à deux colonnes groupées mais séparées par un petit intervalle. À Cotonou. (Géminées, fenêtres). Récurrence: -, Signification: =, Contexte: ≠, Emploi: ≠ Ne se repèrent pas à Cotonou. Les fenêtres géminées étant liées au roman et par la suite reprises dans le gothique, leur référence a été perdue dans le contexte cotonois probablement parce que trop tardive par rapport au classique. À Cotonou. (Géminées, colonnes). Récurrence: ++, Signification: =, Contexte: ≠, Emploi: ≠ De leur côté, les colonnes géminées apparaissent constamment dans les villas de haut standing, c’est une fois de plus de la volonté de marquer l’appartenance à un statut social. Les colonnes géminées sont utilisées dans le but de soutenir les auvents, les porches d’entrées, les terrasses, les garages ouverts sur les côtés etc. Une autre raison de leur emploi constant dans l’architecture privée pourrait parvenir de
l’époque postcoloniale, à l’essor de l’architecture appelée afrobrésilienne (Cfr. chapitre VI “synthèse ouverte - discussion” section “l’architecture afro-brésilienne” p.103) qui visait également à afficher le statut social des esclaves libérés se faisant construire des demeures riches faites de moulures, basreliefs et décors finement travaillés en façade.
I Ionique (colonne). Ordre architectural de la Grèce antique caractérisé par des décorations en forme de volutes sur la surface du chapiteau. La colonne ionique repose sur une base qui fait la moitié du diamètre du fût. Le fût est haut entre 8 et 9 fois son diamètre et est recouvert de 24 cannelures interrompues par des petits intervalles.
À Cotonou. Récurrence: +, Signification: ≈, Contexte: ≠, Emploi: ≠ Comme pour l’ordre corinthien et l’ordre dorique (et toscan), l’ordre ionique peut présenter des caractéristiques différentes dans ses proportions et son chapiteau. Il est le moins répandu dans les villas de la classe moyenne à Cotonou, le corinthien étant employé dans les villas du plus haut standing et le dorique (et toscan) dans les plus modestes.
L Lésène. Saillie verticale d’un mur intercalée par des arcs aveugles en plein cintre et à fonction décorative. Elle ne possède pas de base ni de chapiteau. Elle fait apparition dans l’art roman (Xe siècle). À Cotonou. Récurrence: ++, Signification: =, Contexte: ≈, Emploi: = 93
Bien que ne faisant pas partie du vocabulaire classique, cet élément a été assimilé comme tel et il est adopté dans les façades aveugles (généralement les façades secondaires) pour casser leur monotonie. La partie en saillie est soit blanche, soit de la même couleur que le reste de la façade, la partie en creux est soit de la même couleur que le reste de la façade, soit d’une couleur ou d’un matériau différents.
La présence d’une loggia est plus rare dans les villas cotonoises, mais se repère de manière constante dans les villas américaines s’inspirant au Greek Revival. Les villas de haut standing peuvent présenter des loggias à colonnade à l’étage. Ces dernières assument parfois des configurations différentes de la loggia classique en longueur et peuvent donc être à semi-cercle, triangulaires, courbes etc.
M Linteau. Barreau situé au-dessus d’une porte, avec le but de garantir la stabilité de la maçonnerie. À Cotonou. Récurrence: +++, Signification: =, Contexte: =, Emploi: = Cfr. entablement et architrave. Le linteau substitue ces deux éléments et soutient les colonnes aux porches d’entrée ou les colonnettes/piédroits qui entourent les ouvertures. Loggia. Balcon abrité de forme rectangulaire et grande dimension caractérisé par des colonnes et des arcades. À Cotonou. Récurrence: +, Signification: =, Contexte: =, Emploi: ≠ 94
Métope. Bas-relief sculpté dans une frise dorique (temple) se positionnant entre deux triglyphes. Chaque métope accueillait généralement deux figures au maximum représentant des scènes de la mythologie païenne. À Cotonou. Récurrence: -, Signification: ≠, Contexte: ≠, Emploi: ≠ L’élément métope compris comme bas-relief sculpté dans la frise du temple n’existe pas. Toutefois, il est possible que des miniatures reproduisant les iconographies des métopes soient revendues sur les marchés informels des rues de Cotonou comme objets pour la maison tout comme les figures africaines sont vendues en Europe
pour donner une touche ethnique à la maison. Modillon. Console en saillie employée comme support d’une corniche et située en dessous du toit. Le modillon est souvent sculpté de façon plus ou moins rigoureuse, avec des feuilles d’acanthe ou des figures humaines. À Cotonou. Récurrence: ++, Signification: =, Contexte: =, Emploi: ≠ Comme c’est le cas pour les villas privées aux Etats Unis, les formes du modillon se simplifient et perdent le côté sculpté pour faire place à des formes abstraites à profil ondulé qui ont la double fonction d’appui structurel aux corniches et d’ornement visuel à la façade.
Moulure. Décor en saillie ou en creux sur toute sorte de surface. À Cotonou. Récurrence: +++, Signification: =, Contexte: =, Emploi: = Cet élément est très récurrent notamment lorsqu’il s’agit de donner plus de caractère aux éléments en plâtre tels des corniches ou des bandeaux aux portes et fenêtres.
N Niche. Espace creusé dans un mur pour y abriter un objet comme des statues des grandes personnalités de l’antiquité, des divinités de la mythologie classique ou des saints. À Cotonou. Récurrence: +, Signification: =, Contexte: ≠, Emploi: ≠ La niche peut assumer des configurations différentes selon la religion du propriétaire; elle se retrouve surtout dans les villas de haut standing. Si le propriétaire est chrétien catholique, la niche abrite une statue à la Vierge ou à un autre Saint. S’il est musulman, elle résulte peu creusée, vide, colorée et a fonction d’indiquer la direction de La Mecque. S’il est dévoué aux cultes animistes elle peut accueillir des statues des divinités du culte (qui sont souvent des animaux). Finalement s’il est non croyant ou croyant non pratiquant, elle accueille des figures de la mythologie païenne comme des divinités gréco-romaines. Toutefois, l’art classique étant très à la mode dans les pays d’Afrique subsaharienne, il est plus facile de retrouver dans la niche un objet 95
issu de la mythologie païenne plutôt que des autres religions.
O Oeil de boeuf. Fenêtre de forme circulaire ou ovale. À Cotonou. Récurrence: +++, Signification: =, Contexte: ≈, Emploi: = C’est une typologie de fenêtre très prisée. Elle est quasi tout le temps colloquée sous la corniche et donc dans l’étage sous comble. Parfois, à la place d’une fenêtre en forme circulaire se substitue un élément en bas-relief également de forme circulaire représentant des scènes religieuses ou mythologiques. Ordre. Dans l’architecture classique, organisme formel et structurel composé par des colonnes, leurs entablements et leur socle. Tout ordre classique est soutenu par une logique proportionnelle définie par Vitruve dans les dix livres De Architectura. À Cotonou. Récurrence: ++, Signification: ≠, Contexte: ≠, Emploi: ≠ Plusieurs parties de l’ordre (l’entablement, le fronton, le tympan, la base etc) disparaissent 96
dans les villas cotonoises de la classe moyenne. Le seul élément qui survit est la colonne, mais celle-ci ne conserve presque pas les proportions qui ont caractérisé depuis toujours l’essence du classique.
P Patio. Cour à l’intérieur d’une maison, à ciel ouvert. A l’époque de la Rome antique, chaque villa possédait un patio. À Cotonou. Récurrence: +, Signification: =, Contexte: ≠, Emploi: ≠ A la figure du patio on voit prévaloir celle de la loggia. Aujourd’hui, le patio est très recourant dans les bâtiments en longueur qui caractérisent l’architecture contemporaine occidentale. En revanche, dans les villas de la classe moyenne cotonoise se présentant souvent comme des blocs massifs, le patio n’est pas employé. Pilier. Colonne à section carrée qui a le but de soutenir un ensemble architectural. À Cotonou. Récurrence: +++, Signification: =, Contexte: =, Emploi: =
Plâtre. Matériau employé pour le revêtement des façades. Il a function protective, parfois isolant et peut être décoré avec des basreliefs. À Cotonou. Récurrence: +++, Signification: =, Contexte: ≠, Emploi: ≈ De par sa facilité à être modélisé avec des décors tels des bas-reliefs, le plâtre apparaît tout le temps dans les façades des villas cotonoises. Sa couleur est laissée au naturel (le blanc), tandis que toute autre partie de la façade est pigmentée. Ce contraste de couleur permet de souligner encore plus les éléments ornementales. Porche. Construction donnant de l’abri, posée devant la porte d’entrée. Il peut être incorporé à la façade, ou à l’extérieur et donc avoir couverture propre. Il est soutenu par des piliers ou colonnes. À Cotonou. Récurrence: +++, Signification: =, Contexte: ≈, Emploi: ≠ Cet élément est un des plus emblématiques parmi ceux pris en analyse ici. En effet, sa présence se repère avec constance dans les villas cotonoises de la classe moyenne et elle désigne, encore une fois, le statut social du propriétaire. L’entrée est la première partie à apparaître à nos yeux et nous offre beaucoup d’informations sur l’intérieur et sur ceux qu’y habitent: certains porches peuvent inviter à entrer en exprimant le bienvenu,
d’autres mettent en suggestion de par leur monumentalité et invitent au respect. Le porche peut assumer des configurations différentes (avec un entablement à linteau simple, triangulaire, en auvent). Quelle que soit sa forme, il est toujours entourée par deux colonnes dont leur embellissement et leur niveau de rifiniture contribue à désigner aussi la classe sociale du propriétaire.
S Socle. Piédestal où une colonne ou une sculpture étaient installées. Les colonnes des ordres ionique, corinthien et composite sont toujours dotées d’un socle. Dans les temples grecs, la hauteur total du socle était la moitié du diamètre de la colonne. À Cotonou. Récurrence: +, Signification: ≈, Contexte: ≠, Emploi: ≠ Si pour les colonnes ioniques, corinthiennes et composites de l’architecture classique les socles sont toujours présents, ce n’est pas le cas pour les colonnes des villas cotonoises. Les socles peuvent en effet disparaître ou 97
réapparaître selon des exigences liées à la construction (hauteur du bâti etc), aux envies du clients ou aux nécessités budgétaires. Lorsque le socle n’est pas prévu, toute proportion qui renvoyait à une certaine perfection visuelle, disparaît aussi. Stylobate. Dans un temple grec, piédestal soutenant une colonnade. À Cotonou. Récurrence: ++, Signification: ≈, Contexte: ≠, Emploi: ≠ Parfois, le stylobate est présent dans les villas cotonoises de la classe moyenne. Il peut fait le tour du bâtiment et se classer ainsi comme base de l’entièreté du bâti, être prévu seulement pour la façade principale ou encore se situer en longueur entre la façade principale et la façade arrière. Cependant, encore une fois, cet élément ne participe pas à la proportionnalité de l’ensemble, il n’existe que comme élément évocateur d’une tradition classique.
T Terrasse. Cfr. balcon. À Cotonou. Cfr. balcon. 98
Toscan (colonne). Ordre architectural plus ancien des ordres romains et auquel Vitruve attribue une origine Étrusque. L’ordre toscan ne comporte aucun ornement et se configure comme une simplification de l’ordre dorique. À Cotonou. Récurrence: +++, Signification: ≈, Contexte: ≠, Emploi: ≠ L’ordre toscan est recourant dans les villas cotonoises de la classe moyenne. Toutefois, il est possible qu’il soit employé par un geste de simplification instinctive du dorique (dicté par une nécessité budgétaire) plutôt que d’une reproduction du toscan en tant que tel. En effet, ni l’ordre toscan, ni le composite sont des ordres connus autant que les trois ordres grecs.
Tympan. Espace de forme triangulaire sur la façade renfermé entre les corniches (horizontales et obliques) du fronton. Le mot est parfois utilisé comme synonyme du fronton. Le tympan du temple classique pouvait être décoré par des bas-reliefs, peint ou vide. À Cotonou. Récurrence: -, Signification: ≠, Contexte: ≠, Emploi: ≠
Cfr. Fronton: le tympan en soit n’existe pas et le mot est substitué par fronton.
V Volute. Ornement des chapiteaux en forme de spirale. Les chapiteaux où on la retrouve appartiennent au style ionique ainsi que corinthien. À Cotonou. Récurrence: +++, Signification: =, Contexte: =, Emploi: =
99
100
VI. 101
102
Synthèse ouvert discussion La partie finale de ce travail est dédiée à la formulation de constats qui spéculent sur les possibles raisons ayant véhiculé l’essor du nouveau style architectural à Cotonou. Le titre synthèse ouverte suggère l’idée que les dits constats ne doivent pas être lus comme des réalités d’ordre axiomatique-scientifique mais comme des conclusions personnelles fruit des multiples recherches effectuées. Ces dernières comprennent les sources écrites analysées, les textes issus de la déontologie, les conversations avec les locaux, les productions vidéos etc. 1
Cfr. Chapitre I “Avant-Propos” p.9.
Comme anticipé dans le chapitre I Avant-propos,1 je suis parvenue à repérer 5 raisons possibles qui ont favorisé selon moi la propagation du classique à travers l’architecture des villas cotonoises. Dans le spécifique il s’agirait de: • l’architecture afro-brésilienne; • le cinéma de Nollywood et les télénovelas d’Amérique latine; • l’american dream; • l’enseignement et le rôle de l’architecte; • les relations sino-africaines. Chacune de ces sections sera approfondie par la suite.
VI.I L’architecture afro-brésilienne Un premier contact entre l’architecture des villas 103
cotonoises et l’architecture classique aurait été véhiculé par l’architecture afro-brésilienne, déjà présente sur le sol béninois depuis le XIXe siècle. Affirmer avec certitude la relation entre les deux reste impossible; toutefois, l’article publié en 2012 par Alain Sinou, spécialiste en anthropologie de l’espace habité et des politiques urbaines dans les pays en développement vient en appui à cette synthèse ouverte. Dans la publication, intitulée “L’architecture afro-brésilienne de la côte du Golfe du Bénin, un genre imparfait, entre ignorance et oubli” Sinou propose un inventaire de 20 bâtiments afro-brésiliens et en souligne la dérivation baroque évoquée par leurs façades. On poursuivra en reprenant les passages les plus marquants de son analyse et en mettant à l’avance les éléments qui font émerger un fil conducteur dans le triangle amoureux entre les architectures baroque, afrobrésilienne, et des villas cotonoises. Clin d’oeil historique — Tout d’abord, il est opportun de retracer les contours du contexte historique dans lequel l’architecture afro-brésilienne a pu se diffuser. Lorsqu’on parle d’architecture afro-brésilienne, ou style Porto-Novo il est fait référence à une architecture qui s’est répandue surtout en Afrique de l’Ouest (Bénin, Togo et Ghana) et au Brésil entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle.
2 Guran Milton, le reflux de la traite négrière: les agudas du Bénin, p.90.
3 Gonçalves Aimè, l’architettura “afro-brasiliana”, in Zimolo Montini Patrizia (dir.), Sensi di viaggio nell’antico regno del Dahomey, 2012, p.5. 4
La façade de la grande mosquée de Porto-Novo est la copie d’une église baroque de l’Etat de Bahia à laquelle un minaret a été ajouté.2 Il faut être particulièrement prudent à ne pas confondre cette architecture, qui est née grâce aux esclaves noirs et leurs descendants libérés du Brésil, avec l’architecture des riches commerçants portugais qui, au début du XVIIIe siècle,3 installent des comptoirs d’esclaves le long des côtes et se font construire des maisons similaires à celles de la bourgeoise de leur pays d’origine.4
Ibid., p.5.
La traite négrière qui eut lieu au Brésil entre XVIe siècle 104
Fig. VI.i, ii — Église de la grande mosquée de Porto-Novo, Bénin (en haut), église de Sao Francisco de Baia, Brésil (en bas).
105
et XVIIIe siècle comptait des esclaves de classe sociale, langue, culture et religion différentes. Dans cette promiscuité où
5
Dos Santos Gomes Flàvio, Quilombos : communautés d’esclaves insoumis au Brésil, p.7.
6
Un exemple de rituel prévoyait de les faire courir trois fois autour de l’arbre situé au milieu de la place de l’Oubli à Ouidah. Sur cela on renvoie le lecteur à visionner la production photographique de l’ethnologue français Pierre Verger. À travers des images en comparaison, Verger vise à montrer que les esclaves déportés au Brésil n’ont jamais oublié leurs costumes et, au contraire, un métissage entre la culture brésilienne et la béninoise est observable tant du point de vue de la tradition folkloristique, que du savoir faire en champ artistique et architectural.
tous et toutes ont été transformés - selon la vision réductrice des européens - en “africains”, se trouvaient aussi bien des rois et des reines, des princes et des princesses, des guerriers et des prêtres, des artistes, agriculteurs, marchands, bergers ou encore forgerons.5 Parfois, avant de quitter le Royaume de Dahomey, les déportés étaient soumis à des rituels qui avaient comme objectif de leur faire oublier la vie précédente à leur départ en tant qu’esclaves.6 Ils étaient par la suite déportés au Brésil et obligés à des conditions de vie déplorables. Ils pouvaient travailler dans la sphère privée et servir leurs propriétaires en tant que domestiques ou opérer dans la sphère publique pour faire fonctionner tous les secteurs de l’économie brésilienne: de l’agriculture locale au marché ouvert sur le monde entier. Pendant la traite, les marchands européens (provenants principalement du Portugal, de la France, de l’Hollande et de l’Angleterre) installaient des comptoirs le long de la côte d’Afrique de l’Ouest. Il s’agit de villes construites ad hoc qui ne dépendent pas des acteurs politiques et religieux occidentaux et développent un urbanisme et un système économique originaux. Le comptoir se base sur le mercantilisme et par conséquent il est toujours dépendant du monde extérieur, ce qui ne l’enclave pas à une économie intérieure au territoire. Le point faible du comptoir était son caractère éphémère: la population augmentait pendant la saison de traite qui durait quelques mois et diminuait jusqu’à parfois disparaître complètement le reste de l’année. Ouidah, au Bénin et Lagos, au Nigéria sont parmi les rares exemples où ces citadelles survivent et se transforment en villes à tous les effets. La diffusion de l’architecture afro-brésilienne en Afrique
106
Fig. VI.iii — Illustration de navire négrier.
107
7 Sinou Alain, L’architecture afro-brésilienne de la côte du Golfe du Bénin, Un genre imparfait, entre ignorance et oubli, p.2. 8 Révolution violente et victoire des esclaves noirs à Haïti (22 Août 1791-1er jANVIER 1804). Sinou Alain, op. cit. p.2. 9
Dos Santos Gomes Flàvio, op. cit., p.9.
10 Montini Zimolo Patrizia, op. cit., p.99.
subsaharienne commence grâce aux descendants des esclaves noirs libérés, puisqu’à partir du XVIIIe siècle on assiste aux premiers mouvements de retour en Afrique. Ceux-ci comptaient une dizaine de personnes au début du XVIIIe siècle, jusqu’à en chiffrer un millier au début du XIXe siècle.7 Beaucoup d’esclaves furent libérés par les ex-colons portugais qui “craignant une expérience à la haïtienne”,8 même si la plus grande partie des départs fut volontaire. D’autres échappés créaient des campements improvisés, les Quilombos ou Mocambos9 sur l’ensemble du territoire brésilien. L’abolition de l’esclavagisme au Brésil eut lieu en 1888, mais le mouvement de retour continua jusqu’au début du XXe siècle. Les esclaves revenus en Afrique ont redessiné les quartiers centraux des villes: PortoNovo, Ouidah, Abomey. Ils ont également permis de commencer un énorme phénomène d’urbanisation qui pouvait devenir une opportunité exceptionnelle pour le futur de ces villes.10 Le lien avec le baroque — Les esclaves affranchis revenaient dans ces comptoirs; parfois ils devenaient à leur tour acteurs du marché esclavagiste, d’autres ils amenaient avec eux un savoir faire que les autochtones ne connaissaient pas.
11
Ibid., p.6.
12 les esclaves libérés par les anglais dans la traite négrière en Sierra Leone et revenant dans la Côte des Esclaves par la suite.
108
les afro-brésiliens, esclaves comme affranchis, ont un spectre plus large, ont découvert au Brésil d’autres modes de vie et un autre contexte culturel. Les esclaves des plantations, comme ceux des mines, connaissent la richesse qu’elle procure aux maîtres et l’usage qu’ils en font, ainsi que les techniques d’exploitation.11 A la fin de la traite négrière, des populations différentes s’installent dans les comptoirs: les affranchis afrobrésiliens, les indigènes et le Saros12. De leur côté, les occidentaux se dédient à d’autres activités comme les plantations ou reviennent en Europe à cause des nombreuses vagues épidémiques qui touchent les zones
Fig. VI.iv, v, vi, vii — Architectures afro-brésiliennes. Détail de la mosquée de Porto-Novo, villa Adjavon avant rénovation, bâtiment devant la villa Adjavon,Maison de la famille Patterson. 109
13 Sinou Alain, op. cit., p.10.
14
Ibidem.
côtières du continent africain et auxquelles ils ne savent pas faire face. Cela allait en faveur des afro-brésiliens qui, habitués à des conditions de vie bien plus déplorables et ne comptant pas rentrer au Brésil, s’installent dans les comptoirs et y fondent famille. Petit à petit, ils deviennent “l’élite noire de la société coloniale”13 leur nouveau statut économique les pousse à investir sur place tout en voulant marquer leur singularité [...]. La qualité et la beauté de leur habitation témoigneront aussi des particularités de leur communauté et du succès de leur établissement. 14
Sinou précise que les typologies d’habitats afro-brésiliens sont très nombreuses, on formulera par conséquent un résumé général regroupant les traits principaux. De manière générale, les bâtiments afro-brésiliens présentent un rez-de-chaussée accueillant une activité commerciale qui a aussi fonction de stockage tandis que les étages sont dédiés aux logements. Lorsque les constructions se développent sur un seul niveau, elles ne s’ouvrent pas sur la rue mais sur une cour centrale autour de laquelle loge tout membre de la famille. Les chambres peuvent être disposées soit en enfilade soit entourées de galeries.
15 Ibid., p.18.
Le confort se lit parfois dans la présence d’une salle d’eau, voire de toilette, une pompe permettant d’acheminer l’eau à l’étage. En revanche, les cuisines restent en dehors de la construction, dans des édifices en terre, souvent des constructions en terre de barre disposées dans la cour ou l’arrière-cour. C’est l’espace de la domesticité, des esclaves, que leur statut exclut de la maison du maître, conformément à une tradition bien ancrée.15 Les matériaux les plus employés pour la maçonnerie sont la brique cuite, la terre crue et les tuiles de terre cuite importées du Brésil, de l’Europe ou produites localement. la charpente en bois local, le plafond en poutres
110
16 Gonçalves Aimè, op. cit., p.5.
de bois ou de bambou, le tout recouvert d’un parachèvement en terre qui garantit de la fraîcheur au bâtiment.16 Il faudra attendre la fin du XIXe siècle pour connaître des constructions en pierre, matériau qui sera importé par les occidentaux. L’absence de pierre contraint tant la finesse des volumes que le développement en hauteur des bâtiments ainsi limités à monter de deux ou trois étages au maximum. Selon Sinou, l’esthétique de ce style présenterait plusieurs liens avec le baroque. Sur le sujet, l’auteur ouvre le chapitre “une spécifié baroque” dans lequel il reprend point par point les liens entre les deux architectures. Lorsqu’on parle de style baroque il est fait référence au mouvement artistique/architectural qui a origine en Italie au XVIe siècle et qui se diffuse partout en Europe à partir du XVIIe siècle. Le terme baroque dérive du portugais et signifie irrégulier, grotesque, bizarre parce que ses composantes subissent un traitement plastique, la surcharge en terme de décor et l’exagération des formes.
17 Sinou Alain, op. cit, p.40.
18 XVIe-XVIIe
Le génie du baroque est de mobiliser des formes pour diffuser les ambitions de la Contre-Réforme et évangéliser le monde.17 Toutefois, bien que l’analyse menée par Sinou vise à démontrer une dérivation baroque de l’architecture afro-brésilienne, il faut garder à l’esprit qu’entre baroque et classique persistent des relations très fortes, notamment dans les domaines de l’art et de architecture. Par exemple, pour les italiens Borromini et Bernini18, le langage classique reste le point de départ de toute sculpture, oeuvre artistique ou conception architecturale [ex: Colonnade de la basilique de Saint-Pierre, Fontaine des Quatre-Fleuves (Bernini), Église Saint-Charles-auxQuatre-Fontaines, Galerie du palais Spada (Borromini) etc]. Le lien entre le baroque et l’architecture afro-brésilienne se retrouverait donc au niveau de l’esthétique formelle de la façade mais pas au niveau de la conception 111
architecturale des bâtiments. C’est dans le vocabulaire de l’ornement qui comprend un éventail spacieux de figures et motifs que l’on peut observer cette essence baroque et non pas dans l’équilibre structurel du bâtiment, ni dans l’équilibre proportionnel des façades. D’ailleurs, l’absence de la pierre, ne permet pas aux bâtiments afro-brésiliens de s’élancer en hauteur comme c’est le cas pour les édifices baroques. Dans l’architecture afro-brésilienne la verticalité de l’ensemble est soulignée par des colonnes, des colonnades ou des pilastres (en brique ou en plâtre). En d’autres mot, le baroque n’est pas lu dans son essence spatiale mais dans un formalisme imitatif qui ne tient pas en compte des réflexions d’équilibre formulées entre une partie et l’autre de la façade.
19
Ibid., p.22.
Le chapiteau corinthien est une valeur sûre, comme la volute, mais les artisans aiment aussi sculpter des formes géométriques, simples ou sophistiquées. Souvent abstraites, elles peuvent être aussi figuratives (étoiles...), et présenter alors une dimension symbolique (le croissant dans la mosquée), sans que cela soit non plus systématique.19 Le décor assume ainsi une place fondamentale, ce qui
20 Sinou Alain, op. cit, p.20.
se matérialise de plusieurs façons, depuis l’ajout de quelques figures autour d’éléments architecturaux jusqu’à un recouvrement complet de l’édifice par des motifs décoratifs.20 Des corniches font le tour des façades parfois en séparant un étage de l’autre, d’autres en se positionnant entre le mur et la toiture. C’est la plupart du temps la façade principale qui est envahie par des ornements figuratifs (comme des fenêtres, des frontons, des colonnes, des pilastres, et des bandeaux). Cette façade peut aussi bien être marquée
21
Ibid., p.23.
par des volumes qui s’en détachent. Tous concourent à former des reliefs et créer les effets perspectifs.21 Toute autre façade s’organise autour d’ouvertures
112
Fig. VI.viii, ix, x, xi — Détails baroques: église SaintCharles-aux-Quatre-Fontaines à Rome, église Sainte Croix à Lecce, palais Beneventano à Syracuse, palais Nicolaci à Noto. 113
encadrées par des colonnes ou alors elle peut être contournée par une double colonnade
22
Ibidem.
composée d’une alternance de cubes et de cylindres, rappelant au visiteur averti certaines écritures palladiennes.22 Pas moins récurrents sont les arcs, il en existe de tous les types: en plein cintre, surbaissés, en ogive etc. A ces descriptions, Aimé Gonçalves, architecte spécialiste du patrimoine béninois ajoute que c’est
23 Gonçalves Aimè, op. cit., p.5
l’argent des occidentaux, ensemble avec l’expérience constructive des afro-brésiliens qui a permis d’insérer dans le paysage ces élégants édifices inspirés au style baroque.23 Finalement, il est observé que le lien qui se situe entre l’architecture afro brésilienne et celle baroque ne se fait pas seulement d’un point de vue stylistique (avec une surcharge décorative), mais aussi en termes d’objectifs. L’ornement assumerait ainsi une fonction de messager. En effet, d’un côté le baroque à travers ses formes démesurées se fait porteur du message catholique de la contre Réforme, de l’autre les maisons afro-brésiliens prolifèrent d’ornements pour marquer le statut social du propriétaire. En même temps qu’une communication en termes de réussite sociale, le décor dans les demeures afrobrésiliennes accomplit une fonction identitaire: revendiquer le statut d’esclaves libérés revenants du brésil et de descendant de ces derniers. En ce qui concerne le lien entre architecture afrobrésilienne et villas cotonoises, ensemble avec l’utilisation de toute sorte de figure qui renvoie au baroque, et donc indirectement au classique, encore une fois, l’architecture afro-brésilienne cherche à souligner à travers le décor l’appartenance à une nouvelle classe sociale ce qui confirme qu’elle est une référence pour les villas cotonoises. Cette hypothèse devient d’autant plus intéressante
114
Fig. VI.xii — Villa en construction à Cotonou.
115
lorsque j’ai eu l’occasion de poser la question « Quant à l’architecture afro-brésilienne pensez vous qu’il y a un lien avec ce nouveau style architectural?» 24 directeur de l’Institut National des Métiers d’Art, d’Archéologie et de la Culture (INMAAC) de l’Université d’AbomeyCalavi.
à Didier Houenoude24 avec qui j’ai eu l’occasion d’échanger quelques correspondances via courrier. Sa réponse était « Oui, notamment dans la présence de la monumentalité. » J’ai par la suite posé la même question à un jeune architecte cotonois lors de mon séjour à Cotonou en Avril 2019. Encore une fois, la réponse appuie les recherches menées « effectivement le style afro-brésilien a été beaucoup à l’origine de ce dont tu parles: colonnes, friches, porches d’entrée sont à l’ordre du jour. » En résumé, la compréhension de ce triangle amoureux entre les trois architectures baroque, afro-brésilienne et des villas cotonoises pourrait être synthétisée avec un simple syllogisme aristotélique. En d’autres mots: supposons d’associer la lettre A au mouvement baroque (dont le langage classique des ordres grecs reste l’un des points de référence principaux), la lettre B à l’architecture afro-brésilienne et la C aux nouvelles villas de la classe moyenne cotonoise. •Si B est lié à A (notamment pour la surcharge décorative et la monumentalité des façades) •et que C est également lié à A (parce que C et A emploient tous les deux des éléments issus du classique) •alors C est lié à B aussi (les deux architectures font usage des éléments issus du baroque, et donc du classique, et les façades visent à afficher la réussite de leur propriétaire) C’est précisément ce que cette synthèse ouverte visait à démontrer.
116
VI.II Le cinéma de Nollywood et les télénovelas d’Amérique latine Le cinéma de Nollywood — Une seconde synthèse ouverte vise à montrer que le cinéma de Nollywood et les télénovelas d’Amérique latine, les deux très regardés par grande partie de la population africaine, se configurent comme acteurs directs de diffusion de la nouvelle architecture dans les pays d’Afrique subsaharienne.
25 Barrot Pierre, “La production vidéo nigériane, miroir d’une société en ébullition”, Afrique contemporaine, p.238.
26
27
Ibid., p.119.
Ibid., p.112.
Nollywood, l’industrie cinématographique du Nigéria, occupe la deuxième place à l’échelle mondiale en termes de quantité de production cinématographique au cours des derniers vingt ans: juste après l’indienne Bollywood, et l’américaine Hollywood. Le premier film nigérian sort sur le marché en 1992 et depuis, sa production s’est accrue de manière exponentielle: une moyenne de 1500 films par an sont tournés depuis les années 2000.25 Malgré l’appellation industrie, il faut prêter une attention particulière lorsqu’on compare Nollywood (N pour Nigéria) à Hollywood. Au Nigéria, en effet, la majeure partie des réalisations relèvent du secteur informel et les techniques, les appareils et les coûts de production aboutissent la plupart du temps à des niveaux de qualité technique et artistique très en dessous des normes internationales.26 Alors qu’à Hollywood la production d’un film peut perdurer plusieurs mois (pendant lesquels les producteurs prêtent autant d’attention à la phase de tournage qu’à celle de post-production), le temps de réalisation d’un film de deux heures au Nigéria ne prend parfois pas plus que trois jours et la post-production est la plupart du temps inexistante. Le tout est réduit au minimum afin d’éviter des surcoûts ingérables. Ce n’est pas un hasard si la production annuelle touche aux 1500 long-métrages: sauf des très rares exceptions, le cinéma n’est pas perçu comme une forme d’art, mais plutôt comme une “logique commerciale”27, ou un travail à la chaîne, pouvant garantir une petite prospérité tant à ceux qui se trouvent du côté de la réalisation qu’aux 117
responsables de la distribution.
28
Ibid., p.107.
En effet, comme sa production, la distribution des films nollywoodiens relève également du secteur informel. Pour visionner l’un de ces films, il ne faut donc pas se rendre au cinéma, il suffit d’acheter des cassettes ou CDs dans l’une des boutiques qui bordent les rues des villes et villages africains. Cette forme particulière de distribution est connue sous le nom de distribution “direct-vidéo”.28 Malgré cela, les films de Nollywood s’avèrent être très suivis aussi bien dans pays avoisinants le Nigéria (Togo, République du Congo, Bénin, Côte d’Ivoire), que partout ailleurs en Afrique. C’est en effet plus pour son empreinte sociale à grande échelle que pour ses vertus artistiques encore acerbes, que le cinéma nigérian mérite d’être pris en analyse dans cette thèse. Son rôle social serait indéniable
29 Johnston K. Robert, Reframing theology and film (cultural exegesis) focus for an emerging new discipline, pp. 239–241.
30 Barrot Pierre, op. cit., p.108.
parce qu’il façonne les croyances et les pratiques religieuses contemporaines tout en documentant l’histoire sociale et culturelle.29 Le public s’incarne dans les personnages de ses films préférés d’autant plus que les genres sont assez récurrents. Parmi ceux-ci le plus prisé est le drame social exploité dans toutes les régions du pays. De l’intrigue familiale au dilemme tradition/modernité, il évoque les tensions à base d’ascension et de déchéance sociales.30 En général, les plots narrent l’histoire d’une femme bien vêtue et bien coiffée, à la tête d’une famille aisée qui s’inscrit dans un cadre architectonique de la réussite (une grande villa avec piscine et une belle voiture). D’autres fois, la prospérité est rejointe après plusieurs périples, mais se configure comme l’objectif ultime des histoires narrées. Toutefois, si d’un côté les sujets sont profondément enracinées dans les traditions culturelles et les textes sociaux nigérians qui mettent l’accent sur la vie de la communauté en utilisant
118
Fig. VI.xiii — Vente “direct-vidéo”.
119
31 Onyenankeya O. M., Osunkunle O., Onyenankeya Kevin, The Persuasive Influence of Nollywood Film in Cultural Transmission: Negotiating Nigerian Culture in a South African Environment, p.233.
32
Ibid., p.298.
des idiomes africains, des proverbes, des costumes, des artefacts, des expositions culturelles à l’imagerie africaine,31 de l’autre, malgré ses racines nigérianes, ce stéréotype de famille n’est plus tellement africain, mais essaie de se rapprocher des modes de vie occidentaux. En d’autres mots, l’industrie cinématographique se sert de l’architecture comme décor et fait usage de modèles qui viennent des Etats Unis et qui font rêver le spectateur: la voiture, le foyer familial, la villa bourgeoise (souvent louée le temps des reprises). Ceci n’est pas sans conséquences au niveau sociologique: les fans de Nollywood ont tendance à imiter les personnages de Nollywood, leur discours et leur tenue vestimentaire.32 Fatalement, si la narration s’intéressait à une famille de la classe sociale plus en bas de la pyramide sociale et n’ayant pas la possibilité d’accéder à une certaine aisance économique, cela aurait eu peu d’impact sur un public qui se réconforte surtout grâce à la télévision.
33 Okaro Onyiuke, Ebere (dir.), Richesse à tout prix, 2008.
Pour comprendre au mieux en quoi la production nigériane véhiculerait l’architecture dont on s’occupe, il sera pris en exemple “Richesse à tout prix”33 une série télévisée produite par le cinéma de Nollywood. De celleci seront soulignées ses caractéristiques intrinsèques généralisables à bonne partie de la production nollywoodienne. L’histoire narre la vie de Ifeoma, une jeune fille qui grandit à la maison dans une condition de routine et pauvreté. Toujours aux côtés de la mère, Ifeoma s’occupe des ménages au foyer jusqu’à ce qu’elle commence à sentir l’oppression des habitudes routinières. Elle décide ainsi de prendre le chemin afin de trouver une manière d’échapper à son destin. « Maman, t’appelle ceci espoir? Espoir vraiment? L’espoir appartient à ceux qui ont des grosses voitures, à ceux qui ont la possibilité de voyager hors du pays pour se faire de l’argent! La pauvreté a
120
Fig. VI.xiv — La mère de Ifeoma et Ifeoma en train de préparer le repas.
121
34 Ibidem.
envahi tout mon être, depuis que je suis née jusqu’à maintenant, je ferais tout pour changer cela! »34 Après un long pèlerinage, Ifeoma rencontre un couple de sorciers qui se démontre prêt à l’aider changer son destin et devenir riche. Ainsi, le couple fait un sacrifice aux dieux. Deux mois plus tard, sa vie a réellement changée. Elle partage maintenant une grande propriété avec un nouveau petit ami, se rachète une voiture et s’arme de toutes les aises dont elle avait toujours rêvé. Cependant, elle oublie que vivre dans la richesse ne signifie pas trouver le chemin vers le bonheur. Ce qui ressort de cette description ces sont principalement deux points: la thématique récurrente de la réussite et les images employées pour la représentation de celle-ci. En ce qui concerne le premier point, “Richesse à tout prix” est l’un parmi les nombreux exemples de production nigériane dont le sujet traite de la sortie d’une condition de pauvreté. On peut en citer d’autres comme: “De la souffrance à la richesse”, “La richesse sans paix”, “Le secret de la richesse” et ainsi de suite. Pour le deuxième point qui traite des images employées à la représentation de la réussite, il est observé que le cadre architectural servant d’arrière-plan aux histoires narrées se décalque parfaitement aux villas faisant l’objet de cette recherche. Les bâtiments montrés saturent de tout type de décor ce qui, encore une fois, est synonyme de succès économique. Par conséquent, le fait d’accéder à une nouvelle classe sociale ne signifie pas seulement pouvoir se permettre une maison équipée de tout confort, mais aussi d’être en mesure de montrer une telle réussite à la communauté entière. Ci-après deux images tirées de “Richesse à tout prix” illustrent le propos de manière plus explicite: • La fig.VI.xv montre la maison du petit ami de Ifeoma. La somptuosité de la façade est soulignée encore plus par le porche contourné de deux colonnes corinthiennes qui s’étalent sur deux étages. Deux colonnettes également
122
en style corinthien sont placées à soutenir le balcon du premier étage. Même aux portes et fenêtres on n’oublie pas d’y dessiner un bandeau ornementé, en plâtre blanc. À droite et à gauche de l’entrée on vient placer une baie vitrée qui rappelle le style américain des maisons de périphérie. Finalement, à compléter le cadre, une voiture tout-terrain est parquée dans le jardin privé devant la propriété. •La fig.VI.xvi affiche la nouvelle villa de Ifeoma. On y compte un total de 12 colonnes corinthiennes positionnées deux à deux autour de tout porche présent dans le complexe. Les colonnes soutiennent à chaque fois des arcs à demi-cercle. Si dans la façade principale cet arc est justifié puisqu’il introduit un auvent, dans la façade de droite il a une simple fonction décorative. D’autres arcs viennent se dessiner autour de certaines portes et ouvertures. Les balcons sont en style italien avec des balustrades sculptées en plâtre blanc; les fenêtres sont tout aussi contournées par des bandeaux blancs comme dans la fig.VI.xv. La bagnole de luxe est également présente et parquée devant l’entrée principale. On remarque ici qu’à une première lecture, il résulte difficile de comprendre la façon dont les bâtiments sont organisés: l’oeil se perd à observer le concert d’éléments décoratifs offerts par ces façades et cela rend une description linéaire de l’ensemble d’autant plus compliquée. De plus, sauf pour quelques exceptions, il ne peut être dit quels éléments trouvent une justification structurelle outre que décorative et lesquels ont été rajoutés en vrac afin d’appuyer encore plus le propos mené par cette architecture: afficher le statut économique du propriétaire. Quant au sens allégorique associé aux figures issues du classique (à savoir les colonnes corinthiennes, les arcs, les balustrades et les bandeaux autour des fenêtres) on dénote leur tendance à évoquer la majesté du temple grec classique. D’un point de vue purement formel, comme Monsieur Santos l’avait déjà annoncé, l’image qui transparaît 123
est celle de la maison-cocon avec ses toitures en pente qui évoquent chez l’observateur l’image d’un espace chaleureux. Ce serait en effet impossible que cet arrièrefond architectural passe inaperçu parmi un public qui rêve sans arrêt la même chance économique que sa célébrité à la télé. Encore une fois, le cinéma de Nollywood n’est pas le créateur de cette architecture, mais il joue un rôle fondamental en tant que divulgateur de ce phénomène installé en Afrique subsaharienne depuis les derniers vingt ans. Toujours selon Santos, cette architecture viendrait de partout: « on ne peut pas dire qu’elle s’inspire de l’architecture traditionnelle du Nigéria, mais au Nigéria ils font beaucoup de villas comme ça, qui prennent des éléments des autres cultures et la diffusent à travers le cinéma. » Les télénovelas d’Amérique latine — Le même fait se vérifie pour les télénovelas d’Amérique latine, dont le visionnage est aussi très répandu en Afrique subsaharienne. Il s’agit de séries télévisées comprenant généralement environ 200 épisodes pour un total d’une quinzaine de saisons. Les télénovelas mettent en scène des histoires relationnelles stéréotypées mais qui progressent avec des vicissitudes à la fois incroyables et absurdes. Entre un épisode et l’autre les personnages ont le temps d’évoluer, de mûrir quant aux prises de décisions et aux façons d’agir. Comme pour ce qui se passe dans les films nigérians, le public s’attache aux histoires narrées et il se reflète dans la vie de l’un ou de l’autre personnage.
35
124
Cfr chapitre IV “Typologies” p.53.
A l’intérieur d’une maison de la classe moyenne cotonoise,35 on retrouve souvent trois salons. Le premier salon au rez-de-chaussée est dédié à l’homme, où il reçoit les invités; dans le deuxième salon, également au rez-dechaussée les invités sont sollicités à attendre leur rendezvous avec le chef de famille; le salon à l’étage, plus intime, est réservé à la sphère féminine et aux enfants qui s’y retrouvent pour regarder télénovelas ou films nigérians à la télé. Notamment, les télénovelas sont tellement
Fig. VI.xv, xvi — La villa du petit ami de Ifeoma (en haut), la nouvelle villa de Ifeoma (en bas).
125
bien adaptées au quotidien des cotonois que beaucoup de chaînes telles que Novelas TV, commercialisée par Canal+ et Telemundo, réseau TV américain en espagnol, les diffusent 24h/24h. Dans la revue en ligne Mondoblog, le journaliste Afi Effoya écrit un article au sujet des télénovelas et de leur empreinte médiatique dans les pays du Sud. Cela résulte particulièrement intéressant puisque l’auteur y fournit l’ossature générique d’une télénovela type.
36 Affoya Afi, Gros plan sur la « culture telenovelas » en Afrique, http://miabafrica. mondoblog.org/2017/10/13/ culture-telenovelas-afrique/ (page consultée le 04/04/2019).
Une belle jeune femme, inconsciente de son charme, se trouve en difficulté. Pour sortir sa famille, souvent monoparentale, de la galère, elle se retrouve servante d’une riche famille composée de membres aussi espiègles et méchants les uns que les autres, sauf bien sûr un des cadets. Celui-ci rentrera un jour de l’étranger, après avoir terminé ses études, et au premier coup d’œil tombera sous le charme de la jeune belle, douce et aimable servante. De là naîtra une idylle au départ cachée puis révélée à la famille. La mère ayant, dans la plupart des cas, d’autres plans maritaux pour son gamin s’allie à ses filles et une jeune femme considérée comme la belle fille idéale au vu de son rang social. Leur seul but : détruire ladite relation. La princesse n’ayant, de mémoire jamais perdu la guerre, les deux amoureux se retrouveront après une multitude de ruptures causées par divers rebondissements au fil des épisodes. Ils se marieront et vivront heureux jusqu’à la fin des temps.36 On constate que le plot est très ressemblant aux contes des frères Grims ou aux dessins animés de la Disney. Ce phénomène, qui à première vue se veut innocent, n’est pas sans conséquences dans un contexte social de crise éducationnelle et identitaire. En effet, les télénovelas devraient avoir comme seul but le divertissement du public mais, comme Effoya le souligne en plus d’être trop « creuses » pour emmener les téléspectateurs à des réflexions constructives, comme le font certains films, elles sont calquées sur une réalité très lointaine de la réalité africaine. Cela entraîne une distorsion dans la vision que bon nombre
126
Fig. VI.xvii — Un groupe de femmes en train de regarder une télénovela dans une boutique en Côte d’Ivoire.
127
37
Ibidem.
38 Cet adjectif a été fourni par Monsieur Yves Robert.
d’entre nous avons du mode de vie “occidental”, principalement du point de vue relationnel.37 En résumé, il en va de soi qu’aussi bien le cinéma de Nollywood que les telenovelas d’Amérique latine sont, de manière plus ou moins directe, des acteurs des revendications économiques et sociales qui se vérifient à Cotonou et dans grand partie des pays d’Afrique subsaharienne. Ces revendications poussent les gens à bouger de plus en plus afin de sortir d’une condition de précarité et accéder à des statuts sociaux qui se matérialisent sous l’achat d’une belle maison. La façade devient comme une femme extrêmement bijoutée38 là où le bijou est symbole d’une aisance relative pour ceux qui le portent et l’ornement d’architecture l’est pour ceux qui en possèdent la propriété.
VI.III L’American Dream Comme souligné à plusieurs reprises, le rôle du cinéma est déterminant puisqu’il met en place des circonstances encadrées dans une réalité sociale qui suscite chez le public l’envie d’arriver à cerner le même style de vie. Si le cinéma de Nollywood et les télénovelas d’Amérique latine jouent leur rôle de câbles émetteurs en ce qui concerne une mode architecturale, le cinéma américain joue ce rôle aussi lorsqu’il met en scène les images idylliques de la famille parfaite qui habite dans une maison de banlieue immergée dans le vert. Ce phénomène prend le nom d’American Dream, ou rêve américain, le même qui poussa beaucoup d’européens dont une majorité d’italiens à chercher travail aux Etats Unis et a y mettre racines pendant les années ‘50 du siècle dernier. En revanche, cette synthèse ouverte n’a pas comme but de fournir une description du cinéma de Hollywood et de ses mécanismes de fonctionnement. Elle vise au contraire à comprendre la genèse du contenu qu’il véhicule, c’est à dire de l’architecture de banlieue qui, comme 128
Fig. VI.xviii — Suburb dans un district américain.
129
39 Cfr chapitre I, Avant-Propos, p.9. 40 Cfr chapitre IV, Typologies, p.53.
41 Un bon exemple de district nous est fourni par «The Truman Show» réalisé par Peter Weir en 1998. Cfr. Portilla Daniel, Films & Architecture « The Truman Show », https://www.archdaily. com/295301/films-architecture-the-truman-show, (page consultée le 24/02/2019).
42 Quattrovecchinamerica, Le case americane (pregi e difetti), https://quattrovecchiinamerica.wordpress.com/2008/10/21/ le-case-americane-pregi-e-difetti/, (page consultée le 15/06/2019).
130
souligné lors de l’Avant-propos,39 est très ressemblante à l’architecture des villas cotonoises et en est même l’inspiration40. C’est en effet seulement en retraçant un fil conducteur entre un style architectural et l’autre qu’on peut créer une historiographie de l’architecture des villas cotonoises. Citer Hollywood reste tout de même essentiel dans la mesure où ces images ne seraient probablement jamais arrivées à Cotonou sans le support du cinéma. Caractéristiques des villas suburbaines aux Etats Unis — Lorsqu’on se promène dans les suburbs des villes aux Etats Unis, on met pied dans des quartiers, les districts41, qui génèrent des îlots parfaitement perpendiculaires les uns aux autres. Ceux-ci mettent en place un modèle d’habitat répété à l’infini et donnent l’impression d’être catapultés dans une réalité parallèle appartenant plus au monde du cinéma qu’au nôtre. La typologie d’habitat qui se démultiplie est celle des mansions, c’est-à-dire des villas familiales quatres façades dotées d’un jardin ouvert sur la rue et d’un autre plus intime côté intérieur. Chaque mansion a en annexe son propre garage qui est situé soit en dessous d’un auvent ouvert sur les côtés soit dans un espace couvert, bâti près de l’entrée principale. La structure de ces constructions est en bois, même si de l’extérieur elles peuvent présenter des parachèvements en pierre ou en brique, matériaux qu’en réalité sont seulement collés au squelette.42 La majeur partie du temps les plans des villas faisant partie de la même subdivision, une petite fraction du district, se ressemblent très fort. Elles ont leurs propres logiques: toutes ces habitations sont gérées par la même société ou le même promoteur immobilier. La similitude est tellement forte que lorsqu’un client veut acheter un bien, les visites sont organisées en groupe dans une Open House, c’est-à-dire une maison construite avec le seul but de représenter toutes les autres de la même subdivision. De l’extérieur, ces propriétés se développent en longueur plutôt qu’en hauteur et ne superent pas les deux étages. Elles sont toutes pourvues d’un porche contourné par deux colonnes en style grec ou personnalisé tandis que
Fig. VI.xix — Exemple de mansion dans un district américain.
131
les ouvertures sont soulignées par un bandeau mouluré en plâtre. Ainsi comme c’est le cas pour les villas à Cotonou, tout élément en plâtre est blanc, les murs extérieurs sont les seules parties à être pigmentées par des tonalités de couleurs les plus variées. Genèse: le Greek Revival — Aux Etats Unis cette architecture résidentielle a des racines qui remontent au XVIIIe siècle. Le style prend le nom de Greek Revival et est très répandu en Angleterre et en Irlande. Il s’agit d’un
43 Le comte britannique Thomas Bruce dit Lord Elgin (1766-1841) s’était approprié de nombreuses sculptures dont le décor du Parthénon d’Athènes pour les transporter à Londres et les revendre au gouvernement britannique. Celles-ci, sont depuis conservées au British Museum. 44 Nigra Snyder Susan, Thomas George, From Ruskin to Pleasantville: color as an instrument of social (dis) agreement, p.159.
acte d’élite qui incorporait des nouvelles informations sur les ordres grecs tels que décrits dans les antiquités d’Athènes de Stuart et Revett. […] La contestation entourant le retrait de Lord Elgin43 des sculptures du fronton du Parthénon grec et leur achat ultérieur par le gouvernement britannique en 1816 a fait du Greek Revival l’un des premiers épisodes de la culture de masse moderne. Presque du jour au lendemain, il a trouvé son expression dans les bâtiments, les meubles et les vêtements, capturant le buzz du moment, la montée des démocraties, l’hostilité occidentale à la prise de contrôle de la Grèce par la Turquie et la poésie de Keats et Byron.44 Il est évident que l’exposition des pièces classiques du Parthénon et des marbres d’Elgin ne passa pas inaperçue et incita des nombreux poètes, artistes et écrivains, à laisser trace de leur admiration pour l’antiquité. C’est par exemple le cas du poète anglais John Keats qui en 1819 écrivait « On seeing the Elgin Marbles », une ode qui élevait la grandeur du classique en spéculant sur les images représentées dans l’urne, indemnes à l’écoulement du temps, au vieillissement et à la mort. Le Greek Revival est l’une des dérivations de l’architecture Néoclassique et, ensemble à cette dernière, il se pose comme le vrai héritier de l’architecture classique. Il devient ainsi un phénomène de masse et
45 Ibidem.
132
une stratégie fondée sur la notion erronée mais universelle de la pureté et de la blancheur de l’architecture grecque.45
Fig. VI.xx, xxi, xxii, xxiii — Architectures en style Greek Revival. Nottoway Plantation House à White Castle, the White House à Washington DC, maison à Alpharetta, bâtiment des frairies de la Southern Methodist University à Dallas. 133
C’est en utilisant de la pierre ou du stuc blanc qu’on suggérait le réveil grec, bien qu’à l’origine presque tout temple et sculpture grecque était polychrome.
46 Ibidem.
L’invention de méthodes bon marché de production de plomb blanc pour la peinture, avec sa capacité à résister aux insectes, à la moisissure et à la pourriture, le style Greek Revival a conspiré pour peindre une grande partie du monde occidental en blanc.46 Le Greek Revival arrive à se propager jusqu’aux Etats Unis et en est depuis considéré le premier style national. On y retrouve des traces partout, de la White House au Capitol Hill (Washington DC), mais aussi dans les
47 Fricker Jonathan, Fricker Donna, The greek revival Style, p.1.
églises, immeubles de bureaux, maisons privées, latrines et même dans les nichoirs aux oiseaux.47 La sphère privée en est donc tout autant touchée et toute habitation présentait généralement ces caractéristiques: • les colonnes respectaient les ordres grecs anciens (dorique, ionique, corinthien) avec un entablement au-dessus (un élément horizontal entre les chapiteaux des colonnes et le toit); • la forme grecque du temple était la norme américaine - quatre, six ou huit colonnes soutenant un entablement et un fronton. Les colonnes rondes des temples grecs étaient souvent remplacées par des piliers carrés. Le style du temple apparaît à la fois comme un bâtiment en forme de temple réel (c’està-dire que le portique s’étend sur toute la façade) et comme un portique à frontons ajouté à l’avant d’un bâtiment plus grand; • là où la forme du temple n’est pas employée, les bâtiments du Greek Revival pouvaient présenter une colonnade traversant toute la façade ou, plus simplement, des colonnes marquant l’entrée; • les ouvertures étaient carrées (fenêtres et portes). L’arc en plein cintre était inconnu des anciens grecs. • les portes d’entrée principales, les fenêtres plus importantes, les grandes ouvertures intérieures (comme entre deux salons doubles) étaient encadrées
134
48 Ibid., p.2.
dans des bandeaux. (...) • les encadrements des fenêtres et des portes avaient parfois une légère forme à pointe vers le haut; • l’ornement était sculpté, ou en plâtre moulé, en acanthe, en anthemion ou en patère (motifs utilisés dans l’architecture grecque ancienne). Ceci apparaît le plus souvent dans les médaillons de plafond et sur les encadrements de portes et de fenêtres.48 Aujourd’hui, la forme rectangulaire du temple au porche d’entrée a tendance à disparaître, ainsi comme la colonnade traversant toute la façade. En revanche, comme déjà anticipé, les colonnes au porche d’entrée, réduites au nombre de deux, sont toujours présentes ainsi que tout autre élément décrit ci-haut. En résumé: le style des mansions de périphérie américaines dérive son apparence du Greek Revival qui, à son tour se veut descendant direct du classique aussi bien que le Néoclassique. Les villas cotonoises s’inspirent, à travers les images véhiculées par le cinéma de Hollywood aux mansions américaines et sont par conséquent influencées plus ou moins directement par le Greek Revival aussi. Comparaisons — On terminera cette synthèse ouverte avec une comparaison entre une villa américaine et une cotonoise. Pour ce faire, on prendra en exemple un projet de résidence familiale réalisé par le bureau NXG à West Palm Beach, la Bencho House, et la villa Corsini, construite à Cotonou par le bureau Cra-Bénin. Cette comparaison sert d’appui à la compréhension des analogies et des différences entre l’architecture et la façon de faire l’architecture dans la sphère privée au Bénin et aux Etats Unis. Très clairement, ces deux exemples ne pourront pas s’étendre à toute logique architecturale qui se produit dans les deux pays, mais seront outils à la formulation de certaines réflexions.
135
D’un point de vue du plan, la Bencho House
Fig. IV.xxiv — Bencho House.
49 Salon, salle à manger et cuisine.
se développe sur un seul étage. Au milieu, le foyer central n’est pas cloisonné et comprend trois pièces en enfilade Great Room, Dining Room, Seating Area/Kitchen.49 La chambre parentale et les deux chambres d’enfant se distribuent autour de ce foyer respectivement au Nord et au Sud. L’annexe du garage vient se coller sur la gauche à l’espace intermédiaire constitué par une salle de stockage. À l’extérieur une petite piscine est creusée sous un auvent situé devant le salon. Quant à la villa Corsini,
Fig. IV.xxv — Villa Corsini.
elle se développe sur deux étages. On y accède par un hall en longueur qui distribue à droite les espaces de jour et à gauche les espaces de nuit (exception faite pour le salon “VIP”, c’est-à dire le salon où le chef de famille reçoit ses invités, également sur la gauche). À l’extrémité gauche un garage-annexe ouvert sur les côtés est capable d’accueillir jusqu’à trois voitures. Salon et salle à manger sont regroupés dans une pièce unique mais séparés de la cuisine par un mur continu. Pour aller du salon/salle à manger à la cuisine il faut en effet sortir de la pièce et passer à nouveau par le hall. 136
L’accès à l’étage se fait par un escalier situé dans le hall. L’étage entier est dédié à l’espace nuit et comporte 4 chambres à coucher dont la parentale. Il n’y a pas de piscine extérieure mais 5 terrasses sont dégagées tout autour du plan. Du point de vue du plan, il est déjà possible de confirmer ce que Monsieur Santos avait mentionné lors de mon séjour à Cotonou: « les américains ont l’habitude d’avoir des grandes pièces open space. Ici c’est plus cloisonné, parce que les gens restent généralement dans des pièces fermés: par exemple le repas, le salon et la cuisine il y presque tout le temps des murs et des portes. Tout ça chez les américains c’est ouvert. On prend juste la façade américaine qui est jolie, on adapte maintenant le plan au fonctionnement des familles ici. Par exemple, aux Etats Unis la polygamie n’existe pas devant la loi. Ici, chez les musulmans il y a des familles polygames qui ont deux femmes avec des appartements à gauche et à droite, tout ça c’est adapté dans l’architecture. »
50 Cfr chapitre IV “Typologies”, p.53.
De plus, à partir de la lecture du plan on peut faire un constat qui avait déjà été anticipé dans le chapitre “Typologies”50 et qui apparaît avec évidence ici: la différente manière de réfléchir à la conception de l’espace entre américains et béninois. En effet, pour la villa Corsini le bureau a d’abord défini le périmètre rectangulaire dans lequel le projet s’est développé et il est venu par la suite remplir le volume de son contenu intérieur. Les seules perturbations dans la forme compacte du produit sont fournies par balcons et toitures. De manière opposée, la Bencho House a été réfléchie à partir de son contenu. La somme de toutes les pièces intérieures a généré le plan, dont la forme irrégulière a été successivement couverte par une toiture à plusieurs pentes. D’un point de vue analytique, l’extérieur de la Bencho 137
House se présente ainsi: Deux piliers haussent le porche d’entrée et servent d’appui au fronton triangulaire. Leurs fûts ont une section carrée et leur chapiteau n’adhère à aucun ordre architectural. Quant à la couleur de la façade, le client avait demandé qu’elle soit d’un vert clair rappelant les habitations de Key-West, dans l’archipel des Keys et qui sont construites en style Greek Revival pour la majeure partie. Dans la villa Corsini, l’entrée se fait par un porche soutenu par deux colonnes au chapiteau dorique qui, ensemble avec une troisième sur la gauche, soutiennent la terrasse à l’étage. De l’ordre dorique ces colonnes n’en conservent que le chapiteau puisqu’elles ne s’appuient pas sur un stylobate mais directement sur le sol et que leur fût est privé de ses cannelures. Les fenêtres des deux propriétés présentent un caractère semblable car elles sont entourées par des bandeaux en plâtre que, dans le cas de la Corsini sont couronnées par un élément en bas-relief. Pour conclure, deux faits singuliers rattachés aux deux propriétés démontrent, encore une fois, que le décor d’architecture occupe une place important dans les deux pays: • en plus à la villa Corsini, la majorité des projets du bureau Cra-Bénin portent un nom italien; c’est le cas du complexe Santa Trinità, de la villa Vasari, de la villa Terrano et de la villa Toscana. L’architecte Santos a expliqué à ce propos l’envie de la part du cabinet de mettre en relation le nom au style des propriétés qui se font porteuses des “ordres italiens”. En effet, le nom renvoie à un univers de villégiature méditerranéenne qui déclenche chez le client le rêve d’une oasis de paix en bord de mer; • lorsque j’ai effectué mon stage chez NXG Studio l’été 2018, en travaillant sur un 3D de la villa Bencho, l’architecte Noé Guerra m’a expliqué dans le détail la manière dont il voulait que les modillons des toitures devaient être réalisés. Cela montre que dans l’optique 138
Fig. VI.xxvi — Plan de la Bencho House, West Palm Beach, Florida.
139
Terrasse
Réserve cuisine Chambre
8,24 m2
26,99 m2
Cuisine 28,42 m2
9,00 m²
Repas Per.
Hall
23,97 m2
31,76 m2
WC
3,00 m²
Salon
Salon VIP
35,86 m2
23,62 m2 3,18 m2
AMENAGEMENT DU RDC
Fig. VI.xxvii — Plan du RDC de la Villa Corsini, Cotonou. Surface totale bâtie RDC: 314,39 m² Surface totale bâtie bâtiment: 706,11 m²
140
Balcon 6,75 m2
SBD Chambre Terrase non couverte
5,10 m2
SBD
Chambre
5,10 m2
20,15 m2
21,25 m2
WC
1,98 m²
23,24 m²
WC
SDB 14,18 m2
Bac à fleurs
SBD 5,10 m2
Chambre Dressing
19,58 m2
Hall 32,44 m2
Terrase couverte avec pergolas
Chambre Principale
Salon 16,97 m2
45,97 m2
34,45m2
Balcon 32,46 m²
AMENAGEMENT ETAGE Fig. VI.xxviii — Plan du RDC+1 de la Villa Corsini, Cotonou. Surface totale bâtie étage: 324,29 m²
141
américaine, le design du moindre détail, structurel ou décoratif qu’il soit, est assimilé dans la conception du projet.
VI.IV L’enseignement et le métier Les facultés d’architecture — Ci-avant, ils ont été présentés et analysés les premiers trois phénomènes qui se configurent comme des divulgateurs possibles de l’architecture des villas cotonoises. Dans le présent chapitre, il sera tenté de s’interroger sur la façon dont cette architecture est perçue dans le cadre de l’enseignement universitaire et sur le rôle joué par les professionnels lorsqu’il s’agit de développer un projet d’architecture. En d’autres mots, est-ce que les écoles d’architecture en Afrique subsaharienne contribuent également à la propagation de cette nouvelle vague? Est ce que les élèves l’étudient comme étant un mouvement architectural de facto?
51 L’Université d’Abomey-Calavi présente une école polytechnique mais pas d’architecture. 52 République Démocratique du Congo.
En ce qui concerne les écoles, il faut tout d’abord spécifier qu’au Bénin une faculté d’architecture au sens propre n’existe pas.51 C’est pour cette raison que bonne partie des jeunes qui souhaitent étudier l’architecture émigrent à l’étranger soit en Europe soit dans les pays avoisinant (principalement au Togo, au Cameroun, en Côte d’Ivoire, ou en RDC52) et reviennent professer le métier au Bénin après l’obtention de leur diplôme. À tel propos j’ai rencontré Boris, un collègue camerounais ayant effectué son bachelier à l’Institut des beaux arts de Foumban, au Cameroun. Boris explique que l’architecture au sujet de cette thèse ne s’étudie pas encore dans son école puisque la faculté se fait promotrice d’une tradition vernaculaire tout en adhérant à l’expérimentation du vernaculaire contemporain, très à la mode aujourd’hui. Il est fait référence à la tendance “actionniste” du burkinabé Francis Kéré ou aux jeunes bureaux et architectes tels que BC architectes, Anna Heringer et TAMassociati qui reviennent à la tradition à travers la mise en oeuvre et la fabrication des matériaux
142
locaux associés à des techniques occidentales plus au point.
53 Technique de construction qui consiste à utiliser un pisoir pour comptacter le matériau de construction constitué de sable, d’argile, et de graviers.
Au Cameroun l’architecture traditionnelle est faite principalement en terre, avec la taille du pisé.53 Les constructions traditionnelles sont faites comme ça depuis des époques. A l’origine c’était des huttes, en fonction de la région. Ma grand mère vit dans une maison en terre et paille, aujourd’hui on retrouve au fur et à mesure des nouveaux styles. Depuis les derniers 10, 15 ans il y a toute sorte de modernisation d’habitat, comme celui dont tu t’occupes. Moi j’étais dans une faculté de beaux arts où on faisait plutôt le contraire. L’objectif c‘était d’inculquer, de revenir à l’architecture vernaculaire pour retracer l’histoire et essayer de re-moderniser la tradition. Parce qu’aujourd’hui on ne peut plus vivre dans ce genre de maisons en terre et paille et sans électricité. Mais cela fait partie de notre histoire, du coup on part du vernaculaire pour arriver à un élément plus moderne. Cependant, au delà des normes promues par la faculté, Boris affirme qu’il y a déjà beaucoup d’étudiants qui se sont rattachés au nouveau style des villas et que ceci est observable également sur les réseaux sociaux. En effet, beaucoup parmi ses connaissances ont créé leur portfolio en ligne où ils partagent d’autres projets externes à ceux de la faculté qui reflètent au 100% le style de cette architecture. Ces projets sont représentés la plupart du temps en utilisant les mêmes programmes de renderings produisant des images qui suggèrent une réalité virtuelle en style “jeu-vidéo”. La différence entre ces images de synthèse et celles que nous sommes habitués à visualiser au quotidien dans les écoles d’architecture européennes c’est que dans ce cas l’accent n’est pas posé sur la poétique des visuels, mais sur la véracité de son contenu. L’étudiante-architecte africain ne cherche pas l’image Pinterest dans ses rendus; au contraire, il vise à rejoindre un résultat fonctionnel et réalisable dans ses aspects pratiques. 143
Boris ajoute également que cette architecture commence à devenir une réalité matérielle observable dans plusieurs contextes urbanistiques au sein de la ville: il ne s’agit pas seulement de rendus d’architecture. Dès qu’on se promène dans la rue on est devant ces bâtiments qui mélangent des styles différents. Un peu tout le monde construit comme ça, c’est une véritable “mode”. Presque la même chose a été dite par quelques étudiants rencontrés lors du séjour à Cotonou et qui ont entrepris leur cursus d’étude à l’EAMAU, l’Ecole Africaine des Métiers de l’Architecture et de l’Urbanisme située à Lomé. Selon ceux-ci, malgré l’empreinte de l’école qui promeut aussi un retour à une tradition vernaculaire, beaucoup d’élèves ne résistent pas au désir d’adhérer à la nouvelle mode pour la développer au sein de leurs projets. Et c’est d’ailleurs sans doute la contribution de la nouvelle génération d’architectes qui permet à cette mode de se répandre sans arrêt. Le rôle de l’architecte — Une autre question sur laquelle il est opportun s’interroger vise à comprendre quel rôle est attribué à l’architecte béninois aujourd’hui. Tout d’abord, il faut spécifier que le fait de s’adresser à un architecte reste un phénomène assez rare en Afrique subsaharienne.
54 Houndégla Franck, L’immeuble mixte, p.103.
Les promoteurs, qu’ils soient modestes ou plus aisés font appel à des dessinateurs, des ingénieurs du BTP, des maçons et des tâcherons pour concevoir et construire leur habitation. S’adresser à un architecte reste une exception. En Afrique de l’Ouest, ils ne seraient impliqués que dans 10 à 15 % des constructions.54 Effectivement, après avoir racheté un terrain parfois les citoyens auto-produisent leur projet (option tout à fait possible au Bénin car le recours à un architecte n’est
144
Fig. VI.xxix, xxx, xxxi, xxxii — Renders de villas conçus par un étudiant camérounais © CECAR BTP B. 145
obligatoire que lorsque la surface utile de construction est supérieure à 150 m2 ou quand il s’agit d’un bâtiment public qui fait obligatoirement l’objet d’un concours).
55 Article 3 du décret 83-388 du 1er novembre 1983 portant organisation de la profession d’architecte et instituant l’ordre des architectes en république populaire du Bénin, disponible sur https:// benin.eregulations.org.
56 Cfr chapitre IV, “Typologies” p.53.
Article 3. — Par dérogation à l’article 2 ci-dessus, ne sont pas tenues de recourir à un Architecte les personnes physiques qui déclarent vouloir édifier ou modifier, pour elles-mêmes, une construction de faible importance dont les caractéristiques et notamment la surface maximale de plancher sont à déterminer par Arrêté. Ces caractéristiques peuvent être différentes selon la destination des constructions.55 Dans les cas où l’architecte est appelé à la conception du projet, il est à remarquer deux approches différentes: soit il adhère de manière volontaire au nouveau style architectural, soit il se trouve contraint à y adhérer à cause des volontés du client ou du promoteur qui se rattachent de plus en plus à cette nouvelle mode urbaine. Plus spécifiquement, bien que de manière générale les exigences du client ou du promoteur se limitent à l’intérieur56 (disposition des pièces, confort et privatisation de certains espaces, apport de lumière etc), parfois ils se présentent chez l’architecte avec des images téléchargées de l’internet ou ressortant des films de Nollywood, des télénovelas d’Amérique latine ou du cinéma américain en prétendant que la propriété ressemble à celle en photo. Le problème dans ce cas c’est tout d’abord que le rôle de l’architecte se réduit à celui d’un dessinateur ou d’un maçon puisque la phase de conception laisse la place à celle de l’exécution. En deuxième lieu l’architecte doit être attentif aux intérêts contradictoires c’est à dire aux intérêts du public, de son maître de l’ouvrage et du sien même puisque, affirme Boris, « souvent le projet n’a rien à voir avec le paysage environnant, le client veut juste essayer de marquer le territoire pour montrer qu’il a les moyens pour le faire. » En citant les mots de l’avocat et assesseur suppléant à
146
l’Ordre des architectes belge, le Maître Jean-Philippe Brodsky
57 Cfr Brodsky JeanPhilippe, l’Éthique personnel, in Syllabus de Déontologie, Godedroid Christine, p.15.
Le maître de l’ouvrage pourra par exemple être attaché à un style de construction qui ne correspond pas aux règles urbanistiques en vigueur, ou être animé d’un soucis d’économie ne permettant pas la mise en œuvre d’un projet acceptable. Le public est en droit d’attendre que son environnement ne soit pas « massacré » par des aménagements inacceptables […] Enfin, il y a l’intérêt de l’architecte lui-même, qui est fondé à considérer sa création comme une œuvre, dans laquelle il met souvent beaucoup de lui-même. L’un des aspects les plus importants de l’éthique de la profession consiste à tenter de concilier au mieux ces intérêts contradictoires.57 Pour conclure, en parlant de l’attention que l’architecte doit avoir au regard de l’environnement, on se réfère au fait qu’il doit viser à la cohérence avec l’ensemble du bâti présent dans le quartier et au respect du patrimoine préexistant. La construction doit faire face à des multiples facteurs qui comprennent à la fois la palette de couleurs imposée par les bâtisses avoisinantes, la hauteur maximale du bâti, les vis-à-vis avec les voisins etc.
VI.V Les relations sino-africaines
58 entre Chine et Afrique.
59 Chaponnière Jeanraphaël, Gabas JeanJacques, Le temps de la Chine en Afrique, p.41.
Le dernier phénomène qu’à mon sens participe à la diffusion des villas quatre façades et qui se vérifie à Cotonou depuis les années 2000 est le renforcement des relations économiques sino-africaines.58 La Chine est depuis 2009 le premier exportateur mondial; aussi ne doit-on pas s’étonner de “découvrir” qu’elle se classe parmi les premiers fournisseurs des pays asiatiques, latino-américains et africains.59 En effet, beaucoup de matériaux employés dans les plus grandes villes d’Afrique subsaharienne (Cotonou, Dakar, Kinshasa et Lomé) proviennent de la Chine. 147
60 Dupre Mathilde, Shi Weijing, La présence chinoise en Afrique de l’Ouest: le cas du Mali et du Bénin, p.8.
61 Devey Muriel, beau temps pour les Chinois au Congo, https://www. lepoint.fr/economie/ (page consultée le 26/12/2018). 62 Ibidem.
63 Dupre Mathilde, Shi Weijing, op. cit., p.8.
Les produits qui symbolisent ce nouvel afflux de la production chinoise sont principalement les motos, le tissu, le prêt à porter, les chaussures ou les ustensiles de vaisselle en plastique au Bénin.60 Mais les entrepreneurs chinois ne se limitent pas seulement aux petits produits du quotidien, ils sont à la tête aussi des commerces, chantiers de BTP, agriculture, industrie, recherche pétrolière, mines... aucun secteur stratégique ne leur échappe.61 Même la construction d’infrastructures en Afrique est sous le contrôle de la Chine et absorbe le 70% des constructions totales (voies ferrés en Angola, au Congo et au Gabon).62 Le phénomène chinois se retrouve sur différents niveaux et comporte entre autres l’augmentation du nombre de résidents qui viennent de Chine et l’installation d’institutions chinoises partout dans la ville.63 De par leur prix à la baisse, acheter un produit provenant de Chine ou des entreprises chinoises installées en Afrique serait la solution plus abordable aux plus. Malgré la discutable qualité des matériaux primaires utilisés, les produits finaux montrent des résultats satisfaisants qui défient toute concurrence sur le marché. C’est le cas par exemple des pagnes chinois qui réussissent à reproduire finement les motifs africains originaux. Ce nouveau commerce s’est répandu tellement que depuis 2008 et jusqu’en 2018 à Cotonou s’organise la Foire des Produits Chinois en partenariat avec la ville de Ningbo (Chine). Ayant lieu pendant le mois d’Août auprès du Ministère béninois de l’Industrie, la foire se fait promotrice des relations économiques et commerciales entre la Chine et les pays d’Afrique subsaharienne. Afin d’exploiter les opportunités d’investissement et de coopération, des rencontres d’hommes d’affaires chinois et africains y sont également organisées. Dans une surface de 2500 mètres carrés la Foire des Produits Chinois met en place plus d’une centaine de stands,
148
Fig. VI.xxxiii — Lumière LED importée de Chine, Cotonou.
149
64 Anonyme, Une foire de produits chinois prévue en août à Cotonou, https://www.focac.org/ fra/zfgx_5/jmhz/t951583. htm, (page consultée le 04/04/2019). 65
Ibidem.
permettant d’acheter une variété de produits à des prix à bon marché.64 Ces produits concernent essentiellement les articles électroménagers, électroniques et digitaux, les installations électriques, les machines et équipements, la quincaillerie, les matériaux de construction, les fournitures des bureaux et les pharmacopées.65 On l’a vu, la Chine enregistre une forte présence aussi dans le secteur de la construction, raison pour laquelle à la foire ne manquent pas des produits commerciaux tels
66 Anonyme, Bénin: ouverture de la 7éme édition de la foire des produits chinois à Cotonou, https://www.aa.com.tr/fr/ afrique/bénin-ouverturede-la-7éme-édition-de-lafoire-des-produits-chinoisà-cotonou/6673, (page consultée le 22/12/2018).
des carreaux, des produits d’usage quotidien […] (sanitaires), des tôles, des châssis de fenêtre, des climatiseurs, des accessoires etc.66 C’est sous ce point de vue que les relations entre le Bénin et le Chine participent au changement du vocabulaire architectural de l’architecture ordinaire. En d’autres mots, la Chine importe des produits avec des prix à la baisse que les entrepreneurs réceptionnent avec constance dans le domaine de la construction. Le langage esthétique serait par conséquent influencé aussi par un changement qui ressort d’une logique commerciale et non plus seulement causé par un goût personnel ou par les images véhiculées par la production cinématographique. De plus, les rues de Cotonou sont bondées de commerçants du secteur informel qui proposent des objets made in China. Parmi ceux-ci, des petites statuettes des divinités gréco-romaines, des corniches, des morceaux, de mobilier, de la poterie. Ces objets s’inspirent des traditions culturelles hétérogènes, ce qui facilite la circulation d’iconographies provenant de pays parfois très lointains. L’achat de ces objets entraîne toutefois aussi un effet secondaire aussi bien qu’inoffensif: tout comme l’occidental a tendance à racheter des masques, des statues ou d’autres articles artisanaux issus de l’art africain pour donner à son propre foyer une touche “ethnique” sans connaître le significat profond que ceux
150
Fig. VI.xxxiv — La Foire aux Produits chinois.
151
objets ont pour la culture locale, les cotonois installent dans leur jardin des statues d’Athéna, Apollon, Hermès etc sans toujours être au courant de ce qu’elles représentent pour la mythologie gréco-romaine. A tel propos, on peut reprendre encore une fois la description sarcastico-acrimonieuse effectuée par Umberto Eco lors de son voyage aux Etats Unis dans les années ‘80.
67 Eco Umberto, la guerre du faux, p.38.
68 Grande-Grèce.
Une vaste villa Renaissance aérée, légèrement déphasée au niveau des proportions, dominée par un David de Michel-Ange (la colonnade est remplie de statues étrusques vraisemblablement authentiques et pillées lorsque les tombes étaient moins protégées que maintenant), et un agréable jardin à l’italienne. Ce jardin est peuplé de statues: on a l’impression de participer à une réception entre amis, voici le Discobole, et là-bas le Laocoon, bonjour Apollon du Belvédère, comment allez-vous ? Mon dieu, on rencontre toujours les mêmes.67 Le retour du classique dans des pays si lointains du berceau Grèce-Megálê Hellás68-Italie devient une véritable forme de mode qui se répand pour les différentes causes que l’on vient d’analyser (et auxquelles on pourrait en rajouter sans doute d’autres encore). Finalement, cette mode arrive à toucher aussi bien l’architecture des enveloppes des demeures que l’intérieur de certains foyers (avec les objets achetés sur les marchés informels ou les produits chinois).
152
VII. 153
154
Conclusion VII.I L’identité nouvelle? Bien que, comme il l’a été souligné à plusieurs reprises, les constats qui ont été illustrés soient le fruit de réflexions personnelles basées sur l’observation directe et indirecte du phénomène, l’architecture des villas de la classe moyenne est une réalité tangible et indéniable qui a pris pied sur le territoire d’Afrique subsaharienne et plus spécifiquement de Cotonou depuis le début du XXIe siècle. Le classique devient une référence constante qui exclut tout côté structurel et n’en garde plus que son caractère esthétique. Allongé, raccourci, étiré, sculpté, lissé, blanc, coloré, l’élément qui naît à l’origine en Grèce et se propage partout ailleurs par la suite est ambitionné par les citoyens sortant d’une condition de pauvreté parce qu’il représente une véritable mode témoignant d’une certaine forme de prospérité. Malgré sa métamorphose de signification, d’emploi, de contexte, la référence classique est indiscutable et se manifeste avec des expressions africaines qui lui permettent ainsi de survivre dans le temps et de se transmettre aux générations futures. Plus nous saurons envisager le « classique » non comme un héritage mort n’impliquant aucun mérite de notre part, mais comme quelque chose de profondément surprenant et étranger, à reconquérir chaque jour, comme un puissant stimulus nous invitant à comprendre le “différent” plus il aura de choses à nous dire dans le futur, même le “classique”, 155
1 Settis Salvatore, Le futur du classique, p.168.
serions nous tentés de dire, a perdu et perd de nombreuses batailles; mais pas la guerre.1 Toutefois, si ce rappel constant au passé est un facteur favorable à la grécité parce qu’il renforce son caractère perpétuel, quel impact joue-t-il sur la nouvelle architecture? En d’autres mots, pourquoi cette nouvelle architecture se voit affilier les appellatifs d’hétérogène, hybride, métisse, altère? Peut-on parler d’un véritable mouvement architectural? Estce que cette architecture pourrait être lue comme une nouvelle forme d’identité africaine? Ou encore, est ce que dans 10, 20 ans on se souviendra de l’impact qu’elle a eu sur le territoire ou bien est ce que les bâtiments construits laisseront place à d’autres (nouvelles) vagues architecturales? Ce qu’il ressort d’une enquête menée par l’architecte ivoirien Serge N’Goran dans son travail de fin d’études “Le métissage comme moyen de repenser l’architecture”, c’est en premier lieu que les citoyens d’Afrique subsaharienne qui ne peuvent pas se permettre un logement en dur ou qui vivent dans des formes d’habitat plus modestes ne s’intéressent presque pas à la question d’identité africaine car ils font face à d’autres problématiques qui touchent leur quotidien.
2 N’Goran Serge, Le métissage comme moyen de repenser l’architecture, p.15.
156
J’ai lancé des débats qui traitaient de l’importance d’une identité africaine dans l’architecture sur différents forums internet consacrés à l’Afrique afin d’obtenir une réponse, mais ces débats ne suscitaient pas un grand intérêt. Il n’y avait qu’un petit nombre de personnes qui y participait réellement. Un internaute me disait que le continent avait des problèmes de santé, de famine et d’éducation à résoudre avant de penser à une identité africaine de l’architecture.2 Toutefois, parmi ceux qui spéculent tout de même sur la question, le point de vue se partage entre les citoyens qui voient en cette architecture une forme de modernisation effectivement capable de donner une nouvelle identité à une culture qui, à cause des nombreuses colonisations, a perdu une partie de ses racines, et ceux qui, au contraire,
croient qu’elle ne serait qu’une
3
Ibid., p.15.
soif de paraître et un désir de modernité qui poussent ceux qui ont les moyens à dilapider leur argent dans des copies d’assez mauvais goût de bâtiments qu’on peut trouver en Occident. [...] des bâtiments inspirés à une autre époque bloquent toute capacité d’innovation.3 Sur le sujet, intervient aussi Didier Houeneude, Directeur de l’Institut National des Métiers d’Art, d’Archéologie et de la Culture (INMAAC) à l’Université d’Abomey-Calavi. « Certains architectes perçoivent cette architecture comme un non sens, tandis que d’autres y voient une architecture hybride qui intègre divers éléments de différentes cultures et qui construisent une véritable nouvelle identité architecturale. » Ensuite, toujours Serge Ngoran partage son point de vue personnel sur la question et affirme que références classiques et expressions africaines ne devraient pas être lues séparément les unes des autres mais assimilées comme un ensemble, un modèle unique auquel s’adresser.
4
Ibid., p.15.
Il ne s’agit donc plus pour moi de trouver une architecture africaine, mais une nouvelle architecture hybride, c’est-à-dire une architecture qui contiendrait des éléments africains et occidentaux. Ensemble, ces éléments ne devraient former qu’une seule architecture sans cette dualité Afrique – Europe4. D’autre part, il serait impossible de lire cette architecture seulement comme moyen d’afficher ses propres réussites à la communauté locale sans visualiser ce phénomène à une échelle plus large. En d’autres mots il doit y avoir forcement de la parte de la population la recherche d’une sorte d’identité mondialisée: l’achat d’une maison finement décorée et ressemblante à celles de la périphérie américaine serait perdre volontairement 157
un peu d’identité africaine-vernaculaire et gagner d’avantage un statut de citoyen appartenant au monde moderne mondialisé.
5
Encore une fois, cet appellatif est donné par une vision occidentale ou externe au pays africain. Très clairement, la classe moyenne béninoise qui construit ce type d’architecture ne se définit pas hybride.
Finalement, sur cela Wilfred Santos du Cra Bénin semble partager le même point de vue et il ajoute qu’à son sens, cette vague architecturale n’est pas une expression fugace sur laquelle architectes et citoyens se sont repliés pour faire face à l’architecture coloniale qui avait détruit en partie une tradition vernaculaire. Il a confiance en la survie dans le temps de ce mouvement artistique et rêve qu’un jour on puisse lui donner un nom propre pour abandonner l’appellation d’hybride5: « …peut-être un jour on va sortir les premiers nouveaux modèles d’architectures africaines! » Finalement, je ne suis pas capable de savoir si l’aspiration de Monsieur Santos sera convertie en réalité ou moins, d’autant plus que les réponses que l’on vient de fournir ne représentent qu’une fraction infime de tout ce qu’il pourrait être dit encore et que bien beaucoup d’autres questions mériteraient d’être formulées à ce propos. Néanmoins, j’espère que cette réflexion puisse être considérée comme un point de départ qui invite ceux qui s’intéressent à la question à creuser encore plus dans le sujet et, qui sait, tenter d’élucider de nombreuses questions laissées sans réponse, prétexte à une nouvelle et fascinante recherche.
158
Fig. VII.i — Villa dans le quartier de Haie Vive.
159
160
161
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Articles:
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Vidéos:
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Iconographie: • Chapitre I Fig. I.i — Photo de l’auteur. Fig. I.ii — Photo de l’auteur. • Chapitre II Fig. II.i — vitruve, 30-20 av. J.-C., De Architectura, liv.3. Disponible sur <http://biblioteca.aq.upm.es/biblioteca_ digital/vitruvio.html>. (Consulté en date 19/07/2019) Fig. II.ii — Gemeinfrei, 1 Janvier 1913, Loos Adolf affiche du “Ornament et crime”. Disponible sur <https://de.wikisource. org/wiki/Ornament_und_Verbrechen#/media/Datei:Adolf_ Loos_Ornament_und_Verbrechen_Plakat.jpg>. (Consulté en date 19/07/2019) Fig. II.iii — PAnnini GiovAnni PAolo, 1757, Galerie de vues de la Rome moderne. Disponible sur: <https://en.wikipedia. 166
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Fig. IV.xiii — © Cra-Bénin Fig. IV.xix — © Cra-Bénin Fig. IV.xx — © Cra-Bénin Fig. IV.xxi — © Cra-Bénin Fig. IV.xxii — Illustration de l’auteur. Fig. IV.xxiii — © Cra-Bénin Fig. IV.xxiv — © Cra-Bénin Fig. IV.xv — © Cra-Bénin Fig. IV.xvi — © Cra-Bénin Fig. IV.xvii — © Cra-Bénin Fig. IV.xviii — © Cra-Bénin Fig. IV.xix — © Cra-Bénin • Chapitre VI Fig. VI.i — hossou ProsPer, 2018, Église de la grande mosquée de Porto Novo. Disponible sur <https://www. twendembele.org/2018/05/23/etude-diagnostique-de-loffre-etde-la-demande-devaluation-au-benin/> (Consulté en date 03/08/2019) Fig. VI.ii — meneZes l., église de Sao Francisco de Baia. Disponible sur <http://www.bahia-turismo.com/salvador/ igrejas/sao-francisco.htm> Fig. VI.iii — ClArkson thomAs, 1788, plan du navire négrier Brookes. Disponible sur <https://fr.wikipedia.org/ wiki/Navire_négrier#/media/Fichier:Slaveshipposter.jpg> (Consulté en date 03/08/2019) Fig. VI.iv — kotey steve niCoué, 2013, Détails de la mosquée de Porto-Novo. Disponible sur <http://archicaine. org/la-grande-mosquee-de-porto-novo-au-beninpatrimoinedarchitecture-afro-bresilienne/> (consulté en date 13/07/2019) Fig. VI.v — dossou sAndrine, 2007, Villa Adjavon. Disponible sur <https://journals.openedition.org/ insitu/10118> (Consulté en date 03/08/2019) Fig. VI.vi — Photo de l’auteur. Fig. VI.vii — bousquet delPhine, 2015, Maison de la famille Patterson. Disponible sur <http://www.rfi.fr/ hebdo/20170210-porto-novo-capitale-endormie-beninurbanisme-architecture> (Consulté en date 13/07/2019) Fig. VI.viii — lACCAdiGArAnZA, Chiesa San Carlo alle Quattro Fontane. Disponible sur <http://rete.comuniitaliani.it/foto/2008/47935> (Consulté en date 15/07/2019) Fig. VI.ix — istoCkPhoto, détails baroques du roson de 168
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Remerciements: Mes remerciements vont à toutes les personnes qui ont participé de manière directe ou indirecte à la réalisation de ce travail. Tout d’abord, je tiens à remercier particulièrement mon promoteur Yves Robert pour l’intérêt porté sur la thématique, pour ses conseils et pour avoir encadré la recherche depuis le début. Je tiens par la suite à remercier le soutien fourni par ma famille tout au long du parcours et ma soeur pour avoir eu la patience de relire et corriger mes textes. Je remercie également Messieurs Wilfred Santos et Alexis Gavi du bureau CraBénin pour m’avoir rencontrée lors de mon séjour à Cotonou, avoir répondu de manière exhaustive à mes multiples questions et m’avoir fourni les documents graphiques des projets à intégrer dans mon travail. De plus, un grand merci aux personnes qui ont permis de me mettre en contact avec Cra-Bénin, notamment ma camarade Angélique Soglo et les jeunes architectes cotonois Giordano et Mariano. Finalement, je remercie tous ceux qui ont pris le temps de partager leur expérience sur l’architecture des pays d’Afrique avec moi : le Directeur de l’INMAAC de l’Université d’Abomey-Calavie Monsieur Didier Houenuode, la doctorante à l’ULB Sara Tassi et mon camarade Boris Douanla.
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