LES ESPACES PUBLICS DE LA BASE SOUS MARINE DE SAINT-NAZAIRE

Page 1

Les espaces publics de la base sous-marine de Saint-nazaire Comment améliorer la qualité d’usage et d’image des espaces publics d’un bâtiment hors normes?

ADDRN.2011 CHARGés de mission Clement dagneaux Fabien le goff Maxime aupiais Valentin caro


L’Agence pour le Développement Durable de la Région Nazairienne (ADDRN) décide, suite à une consultation datant d’avril 2011, de confier simultanément à quatre étudiants de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Nantes un même sujet dans le cadre d’un stage commun. L’objectif de cette mission extrascolaire étant de profiter de la complémentarité de leurs connaissances, de leurs compétences et de leurs parcours sur un sujet nécessitant une approche pluridisciplinaire.


Depuis leur rencontre en 2009 les quatre étudiants conçoivent l’architecture comme une synergie de compétences et de domaines. Après une aventure scolaire et entrepreneuriale partagée depuis maintenant trois ans, ils désirent plus que jamais mettre à profit leurs expériences dans l’Architecture, le Génie Civil, l’Architecture d’intérieur, l’Architecture navale, la Scénographie et le Design avec pour objectif de répondre au défi lancé par l’ADDRN dans le prolongement du projet amorcé depuis 1983 sur la recomposition urbaine de la ville de Saint-Nazaire.

« un défi de funambule » Maxime Aupiais – 23 ans Suite à un Baccalauréat STT technologique, Maxime entre à l’institut supérieur d’arts appliqués de Nantes en 2006. Après une année préparatoire, il intègre le BTS design d’espace de cette même école. Il multiplie les projets extrascolaires en lien avec ses enseignements ainsi que des stages chez des architectes de la région nantaise. Il intègre l’ENSAN en 2009. Il est actuellement en 3ème année de Licence.

Clément Dagneaux – 23 ans Après avoir vécu en France, aux Etats-Unis et en Italie, Clément s’installe à Nantes en 2004. Il obtient un Baccalauréat Littéraire option Cinéma Audiovisuel en 2006. Il dédie les deux ans qui suivent à travailler dans de nombreux studios de cinéma à New York et à Paris. Suite à cette expérience, il entame une formation d’architecte d’intérieur et fait son entrée à l’ENSAN en 2009. Il est actuellement en 3ème année de Licence.

Valentin Caro – 22 ans Le parcours scolaire de Valentin est marqué à l’origine par son engagement sportif. Quatre ans de sport-étude à Saint-Nazaire, Nantes et Orléans qui l’ont conduit à faire partie de l’équipe de France de Judo. Après l’obtention de son Baccalauréat Scientifique, il intègre l’IUT Génie civil de Saint-Nazaire d’où il sort diplômé majeur de promotion en 2009. Il intègre l’ENSAN où il bénéficie d’une validation d’acquis et d’expériences. Il est actuellement en 1ère année de Master.

Fabien Le Goff – 22 Ans Après l’obtention d’un baccalauréat STI Arts appliqués en 2007, Fabien intègre le BTS design d’espace de l’institut Ste Geneviève de Paris. Il cumule les stages et les expériences professionnelles en architecture navale, en scénographie et en peinture. Il obtient le diplôme en 2009. Il intègre l’ENSAN où il bénéficie d’une validation d’acquis et d’expériences. Il est actuellement en 1ère année de Master.


« la base [...] monument emblématique du projet urbain Ville-Port » Le port, la base, la ville


Ce qui ne la tue pas, la rend plus forte

Le sujet de la mission confiée aux architectes en formation porte sur les espaces publics de la base sous-marine de Saint-Nazaire, monument emblématique inscrit au cœur de la démarche du projet urbain Ville-Port engagée depuis 1994. Il s’agit dans un premier temps de réaliser un état des lieux, technique et sensible, des espaces publics de la base, puis d’élaborer des propositions spontanées de « mise en lumière et de mise en scène » dans les espace publics intérieurs et sur la toiture. Cette mission a pour but d’enrichir les réflexions de l’ADDRN en lien avec la Ville de Saint-Nazaire, afin de renforcer la réappropriation de cet édifice extraordinaire par la population locale, en confortant sa vocation de lieu public, culturel et populaire ouvert a tous. Après un bref passage historique, permettant de réintroduire le contexte de la naissance de la base sous-marine, sa chronologie et sa reconversion dans le cadre du projet Ville-Port, la première phase de la mission permet de dresser l’état des lieux technique et physique, mais également de mettre en perspective les regards croisés des quatre membres de l’équipe. Nazairiens résidents ou visiteurs de passage, ils multiplient des points de vue sur la situation actuelle de cet édifice hors normes et tentent de décrypter une image à multiples facettes. Cette analyse pluridisciplinaire conduit naturellement l’équipe à proposer une série d’actions en relation avec ses conclusions préalables. Dans une logique « d’acupuncture » et dans un souci d’économie de moyens, de micro-événements architecturaux, scénographiques et artistiques, ils apportent un jeu de solutions visant à l’amélioration de la qualité d’usage et d’image des espaces publics de la base sous-marine. En mettant en lien les expériences, les compétences et les parcours de ses membres, l’équipe propose une variété de réponses sous la forme d’interventions ponctuelles, éphémères, transitoires ou pérennes.





LE PORT, ORIGINE DES MUTATIONS DE LA VILLE DE SAINT-NAZAIRE

« 480.000 m3 de béton »

L’activité portuaire engendre un fort développement de la ville, qui compte en 1870 près de 20.000 habitants. La croissance démographique et économique de SaintNazaire fut rapidement comparée à la ruée vers les mines d’or américaines et la ville prit alors comme surnom la « petite Californie bretonne ». Jusqu’à la seconde Guerre Mondiale, SaintNazaire est une ville florissante tournée vers l’eau, le commerce maritime, la construction

L’intérêt géographique de Saint-Nazaire en fait un nœud stratégique dans la conception, par l’Allemagne nazie, du mur de l’Atlantique. Dès le début de l’occupation, l’armée allemande engage la construction d’une base sous-marine sur l’emplacement de la darse du bassin. S’érige alors, entre janvier 1941 et décembre 1942, un gigantesque bunker qui demandera 480.000 m3 de béton et dont la fonction sera de protéger les sousmarins allemands pendant la durée de la guerre. 1943, mise en place du coffrage de la cloche blindée

La ville est alors édifiée à partir d’un axe estouest qui relie l’entrée de la ville à l’estuaire et selon un plan en damier. Les rues principales scindent perpendiculairement l’axe majeur, convergeant vers le quai du bassin, reprenant ainsi la trame des villes d’outre-Atlantique.

des paquebots et le tourisme balnéaire. Mais dès 1941, ce qui avait fait sa force devient une malédiction.

1941, construction du premier tronçon d’alvéoles

En 1848, Saint-Nazaire n’est qu’un bourg de pêcheurs de 635 habitants. La position stratégique du village sur la côte Atlantique devient rapidement la source d’une mutation fulgurante. En 1858, Napoléon III lance le projet de développement de la ville et du port, une plate-forme d’échange pour le commerce maritime international et les lignes transatlantiques régulières.


Les alliés, à défaut de pouvoir endommager cette forteresse vont décider de rendre la ville et ses alentours inhabitables. Fin 1943, une vague de 50 bombardements consécutifs martyrise la ville anéantie et la détruit à 85%. Au lendemain de la libération, les regards se tournent inévitablement vers la base sousmarine, dont l’existence est alors remise en question : s’agit-il d’une verrue urbaine ou d’un vestige faisant partie intégrante du patrimoine et de la ville? Faut-il la détruire, la réhabiliter, ou la laisser en l’état ? Autant d’interrogations qui divisent les Nazairiens et qui commencent à faire de la base un sujet sensible. A l’époque de la reconstruction, l’attention se concentre sur l’agrandissement de l’espace industrialo- portuaire, qui engendre le déplacement du centre-ville et de la gare vers l’ouest. La ville nouvelle se dessine alors en suivant un modèle moderne, rationnel et rigide. Dans cette refonte du plan urbain, et au détriment de la base sous-marine, un « no man’s land » laisse une plaie béante entre la ville et le bassin. Saint-Nazaire reconstruite tourne désormais le dos au port qui avait été à l’origine même de son existence. La désaffectation industrielle progressive des bassins, le no man’s land et la base sous-marine dévalorisent le site portuaire au regard de la population nazairienne. A partir des années

80, cette crise identitaire de la ville et de ses habitants devient un sujet d’attention pour les pouvoirs publics, qui entreprennent de redonner un sens à la ville neuve en retrouvant ses liens originels. Parmi les pistes de travail : revaloriser l’espace laissé à l’abandon en pansant les plaies du passé, rendre plus agréables les quartiers autour du centre ville en diversifiant l’économie et la composition de la jeune population. Ces ambitions vont être développées et portées par le projet urbain « Ville-Port ». Depuis 1990, l’Agence du Développement Durable de la Région Nazairienne assume le défi que constitue la prise en charge du projet urbain global, avec pour objectif de reconduire progressivement la ville et ses habitants vers le port, et vers une acceptation de la base sous-marine comme élément patrimonial faisant partie intégrante d’une histoire commune.

« vers une acceptation de la base sous-marine »


1943, vue aérienne bombardements alliés

1980, la base réinvestie par l’industrie 1980, le no man’s land à l’Ouest de la base


En 1983, le projet d’urbanisation de SaintNazaire s’oriente donc vers la revitalisation du centre-ville et de ses multiples quartiers, permettant la diversification de l’économie, tout en ouvrant son cœur sur le port et la mer. La dynamisation du centre-ville lancée en 1989 par la construction du « Paquebot », centre commercial piétonnier, s’accompagne d’une réflexion sur la reconversion des friches industrialoportuaires. Mais ce n’est qu’en 1994 qu’est lancé un concours de stratégie urbaine qui associe la réorientation du centre-ville vers le port et l’estuaire au développement des fonctions urbaines, économiques, touristiques, culturelles et identitaires.


un trait d’union historique et urbain

« domestiquer la base » L’élément phare de ce projet, appelé dorénavant Ville-Port, sera la base sousmarine dont l’architecture apparaît alors comme la première tare et un frein essentiel au développement du secteur. « Domestiquer la base », tel est l’axe du projet lauréat de Manuel de Sola Morales, qui propose de la réintégrer à l’histoire contemporaine de Saint-Nazaire, de l’ouvrir au public, et de la dominer en organisant l’accessibilité de son toit. L’objectif est de mettre la force et le caractère de la base au service du projet urbain, dans le but de ranimer le quartier et d’y accueillir de nouvelles activités, à commencer par le complexe Escal’Atlantic. En 2001, la ville achève la première étape du projet Ville-Port qui engage la réalisation d’espaces publics, d’équipements structurants, le développement d’animations touristiques, culturelles et nautiques et la création de nouveaux logements. La base devient le cœur du nouveau quartier portuaire, en révélant l’attractivité naturelle du site.



100 ans d’histoire en quatre images de la rue de l’Amiral Courbet

1905, la perspective sur la darse du port 1944, le blockhaus lors des bombardements

1980, l’occupation industrielle

2011, la reconquête du quartier Ville-Port


« le caractère de la base au service du projet urbain »

la ville change de visage et revient vers ▴ 2010, son port


En 2000, Ville-Port 2, reprend la suite du développement urbain de la ville de SaintNazaire. Cette fois-ci l’étude se développe autour de quatre nouvelles ambitions. -Relier les deux pôles d’attractivité du centre-ville, le Paquebot et la destination portuaire, comportant la base sous-marine et son bassin. -Renforcer l’attractivité du centre-ville en diversifiant son offre commerciale et de services, en enrichissant le bassin de nouvelles activités de loisirs culturels et touristiques. -Poursuivre la réappropriation du quartier portuaire par la population en créant de nouveaux logements et en valorisant ce cadre de vie et de loisirs remarquable au bord de l’eau. -Prolonger la reconquête des friches avec l’implantation du théâtre dans l’ancienne gare ou encore la réhabilitation des alvéoles de la base. Le projet Ville-Port 2, comporte à lui seul 19 opérations privées et publiques qui revalorisent collectivement et dynamisent les liens retissés entre les deux quartiers de

la ville. Pour ce faire, le Ruban Bleu devient le programme central créant un lien entre le centre ville et le port. Il comporte un espace commercial de 18.500m² de surfaces locatives, organisées autour d’un itinéraire piétonnier «ouvert, mais couvert». Le Ruban Bleu permet de créer une nouvelle liaison urbaine et commerciale entre le Paquebot et la base. Dans la base sous-marine l’implantation du VIP et du LIFE poursuivent la dynamisation et la reconversion culturelle de cet édifice horsnormes. Il s’agit également de sédimenter les fonctions de ville-centre, pour dimensionner l’offre par rapport à son échelle, et par la même occasion, en faire un pôle urbain de référence sur la façade maritime de la métropole Nantes-Saint Nazaire. En 2011, la réflexion sur Ville-Port 3, permet de poursuivre le travail d’aménagement urbain portuaire en requalifiant le quartier du Petit Maroc comme un nouveau centre d’attractivité en lien avec le bassin et l’estuaire.


DIAGNOSTIC MA


MAtériel Le diagnostic suivant permet d’établir un état des lieux précis et actuel de l’ensemble des éléments constitutifs de la base sousmarine. Cette analyse décrypte à la fois la situation matérielle des installations physiques, mais aborde également les notions de visibilité, de perception, d’accessibilité et d’appropriation. Elle permettra d’établir une base de données qui, une fois couplée au diagnostic sensible, induira les grandes lignes des propositions d’actions.

01


ETUDE

PROGRAMMATI La base, Un lieu ouvert à tous

Depuis sa réhabilitation, la base sous-marine a toujours été un moteur culturel de la réflexion urbaine du projet Ville-Port. Elle a progressivement regroupé en son sein des organes de création agrémentés d’activités touristiques à destination de visiteurs venus d’ailleurs, mais également de la population locale nazairienne.


RAMMATIQUE


« un lieu ouvert à la ville et au territoire »


une partition culturelle, touristique et commerciale Le musée met à profit la qualité spatiale des alvéoles, au fil d’une reconstitution nostalgique du temps des liners, mettant également à disposition des professionnels et des entreprises un salon dînatoire ouvert sur le bassin. Une multiplicité d’activités permettant la diversification des publics, un accroissement de l’affluence ainsi qu’un véritable coup de pouce financier pour SaintNazaire Tourisme et Patrimoine.

2000, les travaux d’aménagement d’Escal’ Atlantic dans l’alvéole 6 Les chaloupes mises en place dans le musée

Depuis 2000, les usages retrouvés de la base ont su séduire les curieux dans la découverte d’univers variés, implantés au long des alvéoles. 50 ans après le début de la reconstruction de Saint-Nazaire, Escal’ Atlantic naît de la volonté partagée par la SNTP et l’ADDRN d’inviter le public à reconquérir le cœur de la base après l’ouverture de l’accès à la toiture dès 1997. Il s’agit de recréer un musée à la mémoire des chantiers navals sur le lieu symbolique du départ des paquebots transatlantiques. Au cours du temps, Escal’Atlantic devient un équipement emblématique de l’attractivité locale et du rayonnement européen retrouvés.


En 2007, l’architecte allemand Finn Geipel propose une stratégie fondée sur l’implantation d’un second pôle d’attractivité dans l’alvéole 14. Afin de recréer un parcours architectural et urbain sur la toiture et à l’intérieur de la base, F. Geipel imagine une rue traversante et un nouvel accès au niveau supérieur. En séparant « la tête et le corps » de l’alvéole située à l’entrée sud, il met en place une salle de concert et une salle d’expositions scindées par un espace de déambulation menant à l’Escal’Atlantic. Pilote de ce nouvel équipement culturel, le VIP propose une salle de musique de 550 places, ainsi que trois studios d’enregistrement et de répétition et un centre de documentation. Il s’agit d’un réel cocon de création artistique à l’échelle de la ville. Il fait face au LIFE (Lieu International des formes émergentes) qui crée la continuité vers le bassin. Imaginé par F. Geipel pour requalifier et redonner vie à la base, cet espace multiculturel modulable offre une mise en scène sobre et contemporaine s’intégrant parfaitement à l’atmosphère et à la rudesse de son contenant. Le lieu est culturellement ouvert à la ville et au territoire, mais se tourne vers des ambitions internationales combinant les formes d’art les plus variées, les publics les plus divers, et les happening les plus surprenants. Ce programme a su donner une nouvelle perception et une approche organisationnelle à la base sous-marine et au tissu urbain environnant.

« un lieu culturellement ouvert à la ville »

Au centre du cheminement, entre le LIFE et l’Escal’ Atlantic, au sein des alvéoles 8, 9 et 10 sont implantés les kiosques dessinés en 1998 par Manuel Sola de Morales, hébergeant un petit agglomérat d’activités commerciales, de zones d’accueil, et de locaux techniques qui donnent vie à cet espace déambulatoire. Certains kiosques sont donnés à voir, comme l’Office de Tourisme et le Restaurant Le Ponton, endossant une responsabilité urbaine d’attractivité, alors que d’autres sont donnés à découvrir lors d’un parcours sinueux au cœur de la base, comme la boutique de souvenirs, le Base Bar ou la billetterie de L’Escal’Atlantic. Malgré la transparence voulue par l’architecte, certains édicules souffrent aujourd’hui de difficultés financières dues a un manque de visibilité ou d’attrait.


Concert organisé par le LIFE

Les kiosques de Solà de Morales

L’espace de détente du VIP


Schéma d’occupation des espaces


réinjecter de l’attractivité dans la base et son contexte

Afin de redonner un nouvel élan à la base, le plan d’aménagement de Ville-Port 3 prévoit d’investir l’alvéole 12 en y établissant la salle populaire Jacques Brel, actuellement située au cœur du quartier du Petit Maroc. Ce volume accueillera une salle de spectacle et de réception de 1.300m2, un espace d’accueil de 300m2 ainsi qu’en bar de 45m2 complétant ainsi l’offre culturelle de la base. Programmée pour 2017, cette intervention pérenne mettra à profit les atouts de l’alvéole pour créer un lieu de performances tourné vers la rue intérieure et vers le bassin. Encore en phase d’étude cet aménagement reste à l’état de croquis et ne permet pas de dicter une ligne de conduite pour les alvéoles 12b et 13, qui seront à terme investies par des locaux techniques et des loges.

A fortiori, il est possible de constater que les espaces et les volumes de la base sont mis à profit dans la plus simple conception de leur architecture. Des espaces sombres mais accessibles et ouverts sur le bassin qui profitent naturellement de programmes adaptés à ces qualités. L’offre programmatique s’établit donc majoritairement dans une dimension culturelle, artistique et touristique, proposant des espaces d’activité renfermés physiquement sur eux-mêmes au sein de la base. Les kiosques, à l’opposé, constituent, par leur transparence et leur disposition, des lieux d’interaction. Un contraste d’échelle et de forme qui structure aujourd’hui le quotidien des espaces publics de la base.


VISIBILITé L’élément charnière du dispositif urbain

Préoccupation centrale du plan d’aménagement Ville-Port, la base sousmarine présente l’ambivalence d’un élément charnière entre la terre et la mer. En prenant place sur la frontière du dispositif urbain, elle endosse la responsabilité particulière du dialogue visuel, architectural, programmatique entre deux espaces limitrophes. Elle s’insère dans le plan guide comme l’aboutissement de l’axe est-ouest de l’ancienne rue de l’Amiral Courbet mais également comme l’ouverture sur la zone industrialo-portuaire et sur l’estuaire. Un «emplacement diplomate» qui agglomère des notions de visibilité, d’opacité, et d’échange en générant infailliblement des polémiques de fonctionnement urbain.



« une façade historique éclipsant un coeur d’activités »

Du Ruban Bleu, la base admet une lecture architecturale sans pour autant faire part de son ouverture programmatique


une lecture brouillée, un regard incertain

Depuis le point culminant de l’espace public adjacent, sur la terrasse du Ruban Bleu, la base s’intériorise visiblement en dissimulant totalement sa programmation. Le contraste crée par la distanciation entre le contenant et le contenu engendre d’une certaine manière un renfermement autarcique de l’édifice sur lui-même. A hauteur d’œil, le regard se confronte à la masse sombre et imposante du radier en partie supérieure. En partie inférieure, la percée visuelle imaginée par Sola de Morales est obstruée par les arbres et la forêt de luminaires à l’extérieur, puis par les kiosques à l’intérieur. On entraperçoit le port au travers des alvéoles, mais la distance créée par l’espace public, les axes de circulation et l’épaisseur de l’édifice produit une sensation de fracture entre la terre et l’eau. Le contact visuel reste sévère. La coquille de la base ne met en valeur ni la volonté

architecturale et urbaine, ni l’ouverture programmatique. Intouchée, peut-être intouchable, elle se dissocie du paysage urbain, sans s’imposer comme un emblème fédérateur culturel et touristique local, national ou international. Indéfinissable, la base oscille entre espace public et bâtiment, ce qui engendre une confrontation évidente entre la perception d’une globalité sur le terrain et la politique de communication qui tend à dissocier les espaces d’activités de la base elle-même. Avec une rétissence certaine, le monument s’impose comme une façade historique éclipsant un cœur d’activités traitées comme des éléments à part entière. Extérieurement, la base admet une lecture architecturale, sans pour autant faire part de la programmation qu’elle recèle. Telle une carapace poreuse de béton, elle renferme ses volontés culturelles qu’elle met en exergue sporadiquement lors de manifestations culturelles ponctuelles.



1997, percement de l’alvéole 11

Schéma de visibilité mettant en exergue les ouvertures de champ à des endroits donnés de la base

Représentation en plan du champ de vision aux accès majeurs de la base

1980, une base renfermée sur elle-même


Assemblage des shémas de visibilité. Les perspectives données aux accès n’offrent pas d’ouverture visuelle majeure sur les espaces en lien avec l’eau.

N


A l’intérieur, le mégalithe s’organise autour de deux axes. Un axe traversant est-ouest reliant la ville et le port, scindé perpendiculairement par la rue intérieure orientée du sud au nord. Ces circulations transversales créent une interaction à l’intérieur même du bâtiment, qui s’impose comme un espace public au travers des différents regards et parcours qu’il propose. Le renfermement autarcique des activités culturelles et touristiques crée une séparation saisissante avec les espaces publics de la base. La pauvreté de l’interaction proposée, au niveau des flux, des circulations, des éclairages, ou des points de vue mettent en antagonisme l’aspect programmatique et l’aspect organisationnel de l’espace public. Celui-ci propose tout de même des perspectives intéressantes, de façon naturelle de par son ouverture sur le port, mais également au travers des interventions architecturales qui viennent animer l’espace. La passerelle de l’Escal’Atlantic, le ponton en porte-à-faux de l’alvéole 11 mettent en place des dispositifs architectoniques de qualité qui permettent de distribuer ponctuellement le bâtiment ou les activités grâce à des installations minimalistes mais efficientes. La bipolarité du bâtiment se retranscrit matériellement à travers une réflexion architecturale parfois en contradiction avec ses propres objectifs urbains. La stratégie d’unité entre la ville et son port, illustrée par l’ouverture des alvéoles, se retrouve en

opposition avec l’installation des kiosques des alvéoles 8, 9 et 10, et l’aménagement public extérieur. La base se tourne vers le port sans s’ouvrir visuellement à la ville. Le chaos engendré par les kiosques n’est pas à la mesure, ni à l’échelle de la rigueur architecturale de l’édifice. La base recèle des perspectives et des percées visuelles mettant en valeur la structure et l’ordonnance du monument. Les percements des murs de refend créent des lieux de passage en rendant une échelle humaine au bâtiment. Un dispositif utilisé par Finn et Sola de Morales dans la création de la rue intérieure et du quai, ou les luminaires filaires et les ouvertures recentrent horizontalement le regard au détriment de la masse verticale de l’édifice. La notion de visibilité est donc un élément déterminant de la dissociation de la base sous-marine vis-à-vis de son environnement. Extérieurement, le bâtiment sacro-saint s’isole de la ville et apparaît en rupture avec l’espace urbain. Intérieurement les perspectives n’offrent qu’une visibilité à court terme, mettant ponctuellement en valeur les aspects architecturaux et contextuels de l’édifice, sans lien aucun avec la programmation du dedans et les flux du dehors. Le toit et la passerelle d’accès réussissent d’une certaine manière à tisser ce lien entre la base, l’eau et la terre, sans pour autant pouvoir répercuter cette attractivité au rez-de-chaussée.


ACcessibili Du mur sur la ville à la fenêtre sur le port

Depuis le percement des quatre alvéoles centrales et la construction de la passerelle d’accès au toit de la base en 1997, la notion d’accessibilité a été radicalement modifiée. En marquant visuellement l’entrée du bâtiment, la base et ses activités sont devenues un lieu d’attrait, drainant plus de 200.000 visiteurs par an.


itĂŠ


Telle une ruche, la base présente le contraste ambivalent d’un espace à la fois ouvert sur l’extérieur mais renfermé sur lui-même. Les différents percements rendent l’édifice poreux mais l’amplitude de ses espaces alvéolaires crée un contraste d’échelle qui la dissocie de l’espace urbain et architectural.


un trait d’union entre la terre et la mer ?

« l’élément déclencheur de la reconquête de la base »

Depuis presque 15 ans, la passerelle des 2 siècles porte bien son nom. Elle a été l’élément déclencheur de la reconquête des nazairiens de leur base et de leur ville. Longue de 150 mètres, elle relie la Place de l’Amérique Latine à la toiture, en proposant une progression panoramique jusqu’au belvédère. En s’inscrivant dans le paysage comme une promenade urbaine, elle se pose comme le trait d’union évident entre SaintNazaire et son monument emblématique. Une facilité d’accès imaginée par Solà de Morales, que l’on retrouve à l’intérieur du bâtiment grâce à deux ascenseurs et deux cages d’escaliers (dont seule une est en fonctionnement aujourd’hui) qui traversent le radier.


« un espace ouvert sur l’extérieur mais renfermé sur lui même »

Telle une ruche, la base présente le contraste ambivalent d’un espace à la fois ouvert sur l’extérieur mais renfermé sur luimême. Les différents percements rendent l’édifice poreux, mais l’amplitude de ses espaces alvéolaires crée un contraste urbain qui la dissocie de l’échelle humaine. Les visiteurs, plutôt que d’emprunter l’intérieur du bâtiment préfèrent le longer pour accéder aux différents programmes. L’ouverture du cœur de la base à la ville a non seulement permis au public d’investir les lieux, mais également de rendre l’espace traversant et plus lumineux. De manière perpendiculaire, la rue intérieure s’ouvre au sud sur un axe (bouché par les entrepôts frigorifiques) menant au front de mer. Le lieu se retourne vers l’eau et propose une promenade dans une seconde rue intérieure traitée comme un quai, laissant à voir le bassin industrialo-portuaire. Celle-ci se prolonge à l’extérieur de la base vers le quartier du Petit Maroc, sous les imposantes grues de chargement. Les pontons sur le bassin, réalisés en un calpinage de planches sur une structure métallique en porte-àfaux s’avancent sur l’eau en scellant le lien entre le langage de la ville faite de béton et le langage naval de bois et d’acier, comme un trait d’union entre la terre et la mer.

Les alvéoles 8 à 12, constituant les principaux espaces publics sont en lien avec ce contexte maritime grâce aux quatre bassins qu’ils abritent. Le sol est recouvert d’un bitume bordeaux, permet un ragréage uni et une prolongation de l’espace urbain (traité de manière similaire). La rue intérieure a été, quant à elle, traitée en bitume lisse noir large de quatre mètres, laissant apparaître les rails de chemin de fer qui permettaient originellement d’acheminer le matériel d’entretien des sous-marins. Finalement, les espaces en état d’origine, comme l’alvéole 12 sont recouverts d’une chape de propreté, un traitement à l’image de la brutalité de la base. Malgré un espace central de 9.000 m2 accessible de toute part et par tout à chacun la circulation se fait façon étrangement minime. Grâce à sa facilite d’accès, et à ses transversalités, le lieu est vécu comme un espace de passage plutôt qu’un espace de vie. Un constat en corrélation avec l’aménagement même de ce monument privilégié peu propice a la sédentarisation des flux.


La base, un bâtiment à flanc d’eau

L’édicule de distribution au toît

L’accès au belvédère


Matinée

Après-midi Schémas représentatifs de la fréquentation à différents temps de la journée


un melting-pot éclectique

Soirée

La base sous-marine est donc un lieu de confluence touristique, culturel et marchand. Elle joint la simultanéité de flux de nature variée. Le flux touristique, principalement drainé par l’Escal’Atlantic se développe tout au long de l’année de manière régulière, alors que le flux culturel reste plus ponctuel en s’orientant autour de la programmation proposée par le VIP et le LIFE. Avec la restructuration du quartier VillePort, la création d’infrastructures et l’aménagement d’équipements, tels que le Ruban Bleu, le Holiday Inn, le Carrefour Market ou le Cinéville, l’image de la zone portuaire a radicalement changé. En bénéficiant de cette renaissance économique et sociale, la base sous-marine a pu susciter un engouement mesuré aux yeux de la population locale.


« des trajectoires programmatiques marquées »

La fréquentation de la base s’est progressivement stabilisée en ciblant des publics variés grâce à ses activités internes et son attractivité naturelle.

À flanc d’eau, à l’extrémité du musée, la salle Prestige accueille 62 séminaires par an en se concentrant sur le marché des entreprises et des associations locales.

Le VIP et le LIFE, au travers d’événements ponctuels ou plus pérennes totalisent 57.000 visiteurs et spectateurs annuels et 300 musiciens adhérents aux studios d’enregistrement. Ces deux structures se sont désormais imposées comme les acteurs culturels majeurs de la région nazairienne aux côtés du centre d’art contemporain du Grand Café, en proposant une programmation éclectique mélangeant expositions et performances artistiques.

L’attractivité touristique est également avérée par l’Office de tourisme, qui draine dans son kiosque plus de 47.000 curieux, visiteurs d’ici et d’ailleurs venant s’informer des manifestations culturelles et des possibilités de visites de la ville.

Avec 82.000 visiteurs annuels, Escal’Atlantic concentre au sein de la base 41% du flux touristique nazairien. Témoin d’un réel engouement patrimonial et historique, qui aimante 75% de la fréquentation totale de SNTP autour du bassin et du sous-marin Espadon. Avec une clientèle à majorité française mais de plus en plus tournée vers des perspectives européennes.

Une réussite partagée, en réciprocité avec les équipements et les espaces publics du quartier, qui devrait en outre être dopée par l’arrivée du Théâtre, le déplacement de la salle Jacques Brel et la construction du quartier Delzieux.

Cette attractivité atteint un pic de fréquentation pendant la période estivale avec plus de 60% de l’affluence annuelle commerciale, artistique et culturelle au sein de la base sous-marine.


▴▴

Schéma des flux d’entrée dans la base sous-marine

Shéma des flux de sortie


OCCUPATION D’un édifice hors normes à un espace public à part entière L’occupation physique de la base sous-marine est dictée par la panoplie de programmes proposés, qu’ils soient éphémères ou pérennes. En se fragmentant, l’activité délivrée par les différents organes du bâtiment permet de toucher un large public. Cette hétérogénéité au sein de la plateforme touristique, commerciale, culturelle et pédagogique génère une mixité socioprofessionnelle et intergénérationnelle. Mais au-delà de cette offre programmatique le lieu se voit également conçu comme un espace public à part entière, un lieu de déambulation et de flânerie. L’espace est investi par la population locale qui jouit de ses qualités spatiales et géographiques au cœur d’un théâtre surprenant de sérénité, et de contemplation face à la mer et à la ville. Loin d’une conception utilitaire, la rue intérieure, les pontons extérieurs et la toiture sont appréciés comme une promenade urbaine disposant, à la manière du Ruban Bleu, d’espaces plus ou moins couverts et d’aménagements ponctuels.


OCCUPATION


« un melting pot eclectique »

Alvéole 13, espace d’appropriation

Promenade au bord des quais

Toiture panoramique


un lieu aux multiples états d’esprit

Qu’il soit aménagé par des passerelles, par un revêtement de sol spécifique ou par du mobilier urbain adapté, chaque espace est propice à une occupation en fonction de sa situation au fil des jours et des saisons. Mais en définitive, c’est bien de la confrontation, au sein de la population locale, de différentes catégories socio générationnelles que naît la diversité des modes d’appropriation de la base. Il ne s’agit en aucun cas d’une fracture d’usages mais bien d’une complémentarité mettant à profit les qualités de l’espace donné, en lien avec les désirs de chacun. Que ce soit par le sport, la flânerie, la curiosité artistique ou la découverte du paysage, la base agglomère des espaces opportuns à une mulitude d’états d’esprit. De par son étendue au sol, la base rend les actions d’aménagement sporadiques, donnant vie ponctuellement à des lieux de fréquentation tout en provoquant le dépouillement inévitable d’autres. Certains persistent dans le temps par la force des choses, comme le belvédère de la tour d’observation ou la promenade face à la mer, alors que certains autres se trouvent délaissés en recèlant des qualités parfois intéressantes. Depuis sa mise à disposition en 1997, l’espace public remis en l’état renforce l’inclinaison spontanée de la population

locale à son exploration. En s’ouvrant simultanément à différents publics, la base regroupe une infinité d’opportunités d’appropriation et d’occupation. D’une variété de visiteurs internationaux, régionaux et locaux, naît une osmose socio culturelle hétéroclite, faite de parcours, de trajectoires et de cheminements multiples. Des regards qui se confrontent aujourd’hui au manque de confort des accomodations destinées à les acueillir. Appréciée pour ses qualités et malgrès ses défauts, investie non seulement pour son schéma programmatique mais également pour ses vertus urbaines et géographiques, la base est finalement le lieu d’une étonnante variété de perceptions, d’usages et d’habitudes.


amenagem urbain La réponse de la ville au bâtiment

Les grands volumes et les vastes surfaces proposés par la base sous-marine répondent donc à des problématiques dignes d’un projet d’aménagement urbain. Ainsi les espaces accessibles au public sont pris en considération et traités en relation avec le contexte de la ville et du bassin, avec les atouts et les ressources du lieu.


ment



le reflet de la sédentarisation

« un caractère brut à l’image de la base »

L’aménagement est traité en fonction de critères de sécurité, de confort, de luminosité, d’accessibilité, en relation avec le schéma programmatique. L’élément récurrent de mobilier urbain au sein des espaces publics de la base est l’assise, et plus particulièrement le banc. Au rez-de-chaussée, adossé au mur de l’alvéole 7 à proximité de l’Escal’ Atlantic est disposé un banc architectonique en lattes de bois brutes et à l’assise basse qui longe toute la paroi de béton, venant se terminer au niveau la passerelle d’entrée du musée, des alvéoles 7 et 6 . Le bois non traité se fond avec le mur en béton et devient un élément intégrant de la paroi. Son rôle premier est utilitaire car cet élément de mobilier ne donne rien à voir, ni à contempler lorsque le promeneur y prend place. Il fait face au local technique, aux distributions et à la billetterie de l’Escal’Atlantic. Cet élément s’efface dans le décor et permet aux visiteurs de patienter lors des périodes d’attente du musée.


D’autres bancs (ceux-ci en béton) sont disposés à l’entrée de la base sous-marine, dans les alvéoles 8 et 9, aux alentours de l’office de tourisme. Situés dans un espace de transition entre la place de l’Amérique Latine et l’intérieur de la base, ces bancs sommaires tentent de prolonger l’espace public vers le cœur du bâtiment. De forme rectangulaire, ils sont minimalistes et traités sobrement, ce qui leur confère un caractère brut, à l’image de la base. Ils sont utilisés occasionnellement par les skateboardeurs en guise d’obstacles, endossant ainsi une nouvelle fonction. En se perdant dans l’immensité des espaces sans offrir de regard ou de point de vue d’intérêt architectural ou urbain, ils animent le vide entre les kiosques, tout en constituant un aménagement anecdotique au fil de la circulation et de la communication entre les espaces. On retrouve ces mêmes assises sur la terrasse de la base, près de l’observatoire à l’est. Avec une cinquantaine de bancs rangés le long de la promenade (le plus grand rassemblement de mobilier urbain

de la base), ils permettent aux visiteurs de contempler le bassin à flot et l’estuaire. Disposés face à la mer, ils offrent une pause dans la promenade et dans le cheminement architectural en proposant aux visiteurs une vue imprenable sur le bassin et l’écluse. Conçus avec une grande économie de moyens, leur forme et leur matérialité sommaire les rendent toutefois peu propices à la détente. Du côté ouest, onze chaises métalliques scellées dans la dalle tournent le dos à la mer pour offrir un regard sur la place de l’Amérique Latine. D’une façon générale, le mobilier urbain n’est pas dilué de façon homogène dans la base sous-marine. Les aménagements font écho à la fréquentation des lieux, à l’utilisation ciblée de certains endroits qui endossent des fonctions architectoniques et urbaines. Ils viennent souligner les points d’attractivité du rez-de-chaussée et du toit tout en reflétant concrètement l’opposition entre le dénuement du bas et la richesse du haut.


Mobilier urbain au sein de la base.


« une confusion au sein du parcours »

Enseigne Escal’ Atlantic

Sortie ascenseur sur le toît

Numérotation des alvéoles


Confusions et jeu de pistes

Comme un point d’accroche sur la façade de la base, l’enseigne de L’Escal’Atlantic se détache en blanc sur le gris du béton. Visible de la place de l’Amérique latine, du Ruban Bleu et, plus loin, de l’extrémité de la rue Saintonge, elle est comme l’accroche publicitaire d’une promesse intérieure un signal touristique qui s’efface au profit de l’architecture, sans lui faire perdre son histoire et son sens ; une signalétique atemporelle à l’image des numéros d’alvéoles, réalisés de la même manière, en négatif, patinés par le temps et remarquables par leur taille. Ils mettent l’esthétique industrielle au service de la signalétique urbaine, comme des repères au fil du parcours de la rue intérieure, et constituent un système brisé ponctuellement par les totems colorés des kiosques, points de repère d’un cheminement moins linéaire. Les numéros d’alvéoles forment une enfilade de jalons au fil de la rue intérieure, une signalétique démesurée qui s’accorde aux dimensions pharaoniques des espaces. Leur typologie crée une rupture d’échelle avec les indications directionnelles contemporaines parsemées au sein de l’édifice. On retrouve

ces marquages dissimulés ponctuellement et fondus dans la masse au détriment de l’orientation des visiteurs. En résumé - Des informations primordiales, qui manquent de visibilité, d’aisance de lecture, d’homogénéité. - Une variété de tailles, de typographies, d’emplacements et de couleurs qui viennent se fondre aux inscriptions plus anciennes, créant une confusion au sein même du parcours. - Une signalétique pérenne confuse qui fait face à une signalétique transitoire inexistante. Les exemples de cette lacune didactique sont innombrables. Par exemple, à une hauteur importante, hors du champ de vision habituel, le livre d’or de la base est incrusté en partie haute du mur séparatif des alvéoles 9 et 10 et reste discret : la plaque explicative en acier gravé apparaît anecdotique par sa petite taille et sa couleur fondue dans la masse du béton.


« des jalons discordants au fil d’un bâti cohérent »

Toiture de la base

Le radome de nuit

107 arbres de Gilles Clément


L’empreinte contemporaine Les oeuvres végétales de Gilles Clément, le jardin du Tiers-paysage, le jardin des Orpins et des graminées et le jardin des Étiquettes, disposés sur le du toit, semblent être des excroissances naturelles du bâtiment ou des traces laissées par le temps. Elles ne sont pas signalées au fil des parcours artistiques, architecturaux ou urbains. Ce manque de balisage qui retire à l’intervention toute forme artistique, telle une oeuvre laissée à elle même dans un musée, sans légende, sans spectateur, et sans maintenance. Les 107 arbres disposés dans les chambres d’éclatement, les graminées situées dans les travées centrales découvertes, le jardin des Étiquettes déployé aléatoirement dans la fosse du toit, et la passerelle transversale reliant les univers botaniques semblent avoir été délaissés, comme une exposition qui n’aurait été ni terminée, ni démontée, ni entretenue. Comme si elle ne se suffisait pas à elle même et qu’il fallait l’agrémenter, l’enjoliver, la base se couvre d’artifices disséminés et sans repères formant des jalons discordants au fil d’un bâti cohérent. Le cadran solaire, réalisation de Pierre Bourriaud (avec le concours de lycéens de Boulloche dans le cadre de leur bac 2001)

semble perdu entre le toit et l’espace public, comme posé par défaut dans l’inanité la plus complète. Le Radôme (qui abritait autrefois le radar de l’OTAN sur l’aéroport de Tempelhof à Berlin) fut offert à la ville de Saint-Nazaire par le ministère de la défense allemand. Installé au-dessus de l’alvéole 14, cette structure géodésique triangulée mesure 16,5m de diamètre, 8m de haut sur 210 m2. Utilisée comme salle de spectacle ou de conférence elle n’est investie que ponctuellement pour des questions de sécurité. Le dôme s’éclaire la nuit comme un appel infructueux aux nazairiens qui n’acceptent pas l’invitation à investir la base sombre et lugubre après le coucher du soleil. L’artiste Jan Liesegang, lors d’une performance au Grand Café, proposaient aux visiteurs de monter un kit de banc public en bois puis de les placer là ou ils le souhaitaient dans la ville. Suite à de multiples propositions, les organisateurs avaient choisi d’en disposer un sur le toit, face au port, ou il demeure encore aujourd’hui. Le banc, monté sur des roulettes peut être déplacé par les visiteurs afin qu’ils puissent orienter leurs regards à leur guise.


des lieux du fonctionnement actuel de l’éclairage, ▴ Etat soit 10,4%


Le jour et la nuit Les espaces intérieurs de la base proposent différentes ambiances et informations lumineuses selon leurs morphologies et leur destination programmatique. Les alvéoles traversantes s’inscrivant dans le prolongement de la place de l’Amérique latine (alvéoles 9, 10 et 11) bénéficient d’un éclairage naturel constant et réparti. On y trouve également un traitement de l’éclairage artificiel homogène avec une moyenne de 17 projecteurs lumineux par alvéole, situés sur les IPN métalliques le long des travées. Par défaut de fonctionnement ou par une volonté délibérée, seul 1 spot par alvéole est allumé en journée. Les lumières internes aux kiosques apportent un complément d’éclairage au sein du parcours et participent à leur manière à l’animation de l’espace public. L’alvéole 8 abritant l’entrée d’Escal’Atlantique bénéficie du même traitement que les alvéoles traversantes. Des signaux lumineux sont placés en complément du dispositif, dans un but purement informatif et commercial afin de guider les visiteurs vers la boutique du musée ou les points info. On recense 28 projecteurs placés en sous-face de l’entrée de l’alvéole, dispositif éteint en journée. L’alvéole 12bis propose une ambiance particulière qui la différencie des espaces en lien direct avec la place. Côté ville, un

percement à été exécuté pour des raisons exclusivement sécuritaires : il permet un accès aux véhicules de sécurité incendie et est en lien avec le poste de commandement de la sécurité de la base. Du côté du port, l’absence de travaux d’ouverture et le faible entraxe de la travée engendrent une luminosité très faible. Seuls cinq légers percements laissent pénétrer la lumière qui découpent l’obscurité de manière solennelle. La rue transversale imaginée par Finn Geipel, qui a pour vocation de lier physiquement les alvéoles 8 à 14, apporte un niveau de lecture supplémentaire dans le schéma d’éclairage. Au niveau du LIFE et du VIP, 380 LED sont suspendues et alignées le long de 7 axes parallèles. La régularité et l’uniformité de la mise en oeuvre redonne à l’espace une échelle humaine. Le VIP marque sa présence dans la rue par l’emploi de lumières vertes et rouges. L’interruption du dispositif à partir de l’alvéole 11 crée une rupture dans la cohérence et l’articulation des espaces traversés par la rue.


A la tombée de la nuit la base change de visage. Son caractère massif et la rudesse de sa matérialité qui font sa force et sa beauté la journée, se transforment en un volume noir absorbant toute lumière et s’opposant à l’éclairage urbain environnant. La scénographie de lumières mise en place par Yann Kersalé en 1990 n’a pas résisté aux sévices du temps et laisse place aujourd’hui à un volume de béton éteint. Le bâtiment qui se veut en dialogue avec la ville et le port, s’intériorise totalement dès la nuit tombée. Lors de son fonctionnement, l’installation lumineuse permettait une mise en valeur de l’intérieur de la base sous-marine ainsi que du port et des docks. Les espaces intérieurs du bâtiment subissent également ce manque d’éclairage. Les alvéoles 8, 9, 10 et 11, arrivant dans le prolongement de la place de l’Amérique latine sont plongées dans le noir et exhalent une atmosphère pesante.

L’accessibilité étant limitée à la journée pour cause de problèmes de gestion, le toit n’a pas de dispositif lumineux dédié aux visites nocturnes. Quand la ville s’endort, le radôme alors discret la journée, s’illumine d’un jaune candélabre et marque la présence de la base dans le paysage urbain. La passerelle des deux continents est dotée des mêmes luminaires que l’espace public environnant.


2011, vue du bassin et de la base sous-marine depuis le petit Maroc

â–´

2001, vue du bassin et de la base sous-marine depuis le petit Maroc

â–´


2001 eclairage Alvéole n°11

2011 absence d’éclairage dans l’alvéole ouverte n°11



ALTĂŠration Au fil du temps et des saisons


ns


« le fruit des intempéries et de l’humidité »

éclats de béton

tôle ondulée sous le radier


un potentiel naturel

Les dégradations visibles à l’intérieur de la base sont majoritairement le fruit des intempéries de l’humidité et de la ventilation naturelle, et non du vandalisme. Les infiltrations dues aux ruissellements des eaux de pluies aux niveaux des joints de toiture créent des fissures, lézardant les parois. Ceci engendre la corrosion visible des armatures d’acier se limitant aux zones où l’enrobage de béton est faible, ce qui est le cas pour les alvéoles 9, 10, 11. L’eau s’infiltre ainsi au travers du radier en agrandissant les fissures. Le sel et le chlorure contenus dans l’eau de pluie, dus au climat littoral, font rouiller et gonfler le ferraillage, éclatant ainsi les blocs de béton là ou l’enrobage des armatures de peau est le moins épais. Ces infiltrations ont également endommagé ou localement détruit les tôles ondulées métalliques nervurées en fond de coffrage, disposées en sous-face de la toiture. Afin de protéger le public en évitant la chute de débris, des filets de protection ont été placés pour pallier ces dégradations. L’étanchéité de la toiture a longtemps été remise en cause par les autorités compétentes. Suite à un rapport d’expertise de 2007, la toiture a bénéficié d’important travaux de rénovation, afin d‘assainir la base et de la garder accessible au public. La couverture des alvéoles 5 bis à 14 a subi des interventions portant sur

l’étanchéité, l’évacuation des eaux pluviales, et la sécurisation des espaces publics en rapport à la chute inopinée d’éclats de béton ou de métal au droit des alvéoles. Pour remédier aux risques vis-à-vis des usagers et du public, la ville de SaintNazaire a procédé à l’installation de filets de protection provisoires. Mais cette technique coûteuse et transitoire ne met pas en valeur l’architecture des alvéoles de la base. Le toit-terrasse en béton n’a, de fait, jamais réussi à assurer sa fonction d’étanchéité. L’eau pénètre essentiellement au niveau des joints de construction de la toiture. Ces infiltrations sont aggravées par le mauvais écoulement des eaux en toitures, et, outre le désagrément et inconfort qu’elles produisent pour les usagers, elles contribuent à accélérer le processus de dégradation de l’ouvrage. Grâce à des interventions chirurgicales, la ville de Saint-Nazaire a réussi à stabiliser temporairement l’altération de l’ouvrage. La base est dans sa globalité plus étanche mais conserve de manière ponctuelle des dommages réversibles sur le long terme.



dU GRAffiti à l’appropriation

Depuis son ouverture au public, la base sous-marine propose un lieu «couvert et ouvert» à la disposition de tous. Au-delà des inévitables dégradations naturelles, cet espace public est dès lors assujetti à l’éventualité du vandalisme et des dégradations volontaires. Mais de manière étonnante, les lieux semblent avoir gardé leur état d’origine. On ne trouve que peu d’inscriptions sur les murs extérieurs de la base, notamment face au port, prouvant par la même occasion le potentiel de sédentarisation de ces espaces contemplatifs. Les murs deviennent alors un support ponctuel d’appropriation, en gardant globalement leur caractère primitif : cette matérialité si particulière, à la fois rude, brute et graphique, qui admet la mise en scène atypique des installations scénographiques éphémères, des éclairages et des illuminations pérennes aussi bien que la signalétique informative. Autre support d’appropriation populaire, la terrasse de la base qui est ouverte au public pendant la journée est désormais inaccessible à partir de 21h00. Les dégradations répétées des garde-corps en verre et de l’édicule d’accès central ont obligé le service de sécurité à interdire l’accès pendant la nuit. Depuis, les gardecorps ont été remplacés par des rambardes métalliques simples mais adaptées.

L’accès central est désormais condamné, au regret évident des usagers. Posé sur le toit de la base, ce bloc de distribution demeure désormais comme un point d’interrogation, à la recherche d’une réponse de réhabilitation d’usage. Le mobilier est rendu à son plus simple et plus brut appareil, afin qu’il résiste au mieux aux détériorations volontaires et aux intempéries. Dans cette optique, les poubelles de l’étage restent basiques, peu onéreuses et d’une installation éphémère. Dans sa globalité, la base sousmarine demeure à la fois le monument emblématique de Saint-Nazaire et le souvenir d’une mémoire collective intacte. Respectée telle quelle par les visiteurs et les nazairiens, elle garde, impassible, depuis plus de cinquante ans, une âme et un caractère bien trempés. Au fil du temps, elle conserve le charme ambivalent d’un mémorial réinvesti. Une mémoire et une architecture inaltérée, emprisonnant les cauchemars du passé mais par dessus tout les rêves du futur.


diagnostic Domestiquer la base sous-marine


c toiture


«un espace urbain à part entière »


domestiquer la base sous-marine

Le toit de la base, inachevé à la libération de Saint-Nazaire en 1945, est resté en l’état pendant plus de cinquante années. Il conserve encore aujourd’hui sa chronologie constructive en arborant quatre typologies de couvertures distinctes. Accessible au public depuis 1997, la base se rend au nazairiens en asservissant sa masse et sa puissance à leur volonté, achevant ainsi le juste destin d’un édifice vaincu. La rampe a été le premier pas dans la reconquête et la « domestication de la base ». Dans la prolongation de la rue des Caraïbes, le « Pont des 2 siècles » crée un trait d’union temporel et spatial entre le bâtiment et son contexte. Un lien horizontal de l’espace public extérieur qui se complète par le lien vertical des circulations intérieures. Une traversée du radier qui permet de ressentir la masse et le poids de la dalle, comme le fardeau d’une époque révolue. Comme une renaissance, l’arrivée sur le toit marque le passage d’une phase obscure à des perspectives lumineuses.

La division typologique de la toiture engendre des propositions d’aménagements artistiques et culturels multiples. Les chambres à explosion de la partie nord accueillent 107 trembles, dans les orifices perforés par les bombes des alliés : un rappel historique qui, à défaut d’entretien, met en scène l’espace intermédiaire des poutres, où les bacs en plastique découpent la lumière de cet espace claustrophobique dans une ambiance de clair-obscur. A proximité immédiate de l’accès nord, les poutres de béton, hautes de deux mètres, servent de support à des panneaux informatifs décrivant l’histoire de SaintNazaire et du renouvellement urbain. Plus au sud, la renonciation caractérise la mise en scène d’un espace laissé à lui-même : un décor abandonné, ou rien n’est opérationnel ni définitif. Un jardin et une passerelle inaccessibles, un escalier condamné, des grillages provisoires, du mobilier peu entretenu. Un no man’s land entre l’accès nord et l’accès sud qui s’étend sur 90 m et laisse au visiteur un parcours contraint dans un espace comprimé.


La terrasse sud demeure la partie la plus investie de la toiture d’un point de vue architectural et paysager. Le radôme fait face à un édicule vitré vert et à une passerelle menant au belvédère. Plus à l’est le « jardin des Etiquettes » prend place dans les fosses. Entourée de garde-corps, l’intervention artistique de Gilles Clement distancie les visiteurs de l’extrémité du toit, négligeant la vue imprenable sur la mer et le petit Maroc. Au détriment de l’usage, les espaces servis deviennent des espaces servants, faisant obstacle visuel et sensoriel. L’installation botanique devient infidèle à sa maxime, « faire avec, et le moins possible contre ». A noter également l’absurdité surréaliste de la cabane renfermant la pompe d’alimentation du ruisseau asséché, les aléas de l’entretien et de la pérennité d’une œuvre artistique qui viennent se surajouter aux problématiques de l’aménagement d’un espace urbain. En définitive l’e=space du niveau haut donne vie à de multiples interventions, plus ou moins adaptées à l’espace et à la forme architecturale. Outre les aménagements et

les installations, la terrasse reste le point fort d’articulation de l’espace urbain entre la ville et son port. Elle propose une multitude d’échappées visuelles, de parcours et d’opportunités d’appropriation. Au-delà d’un simple belvédère, le toit propose un espace urbain à part entière, un lieu d’échanges, de souvenir et de contemplation qui s’affirme comme un monument ancré entre la terre et la mer, un mémorial hors de l’espace et du temps.


«jardin des étiquettes»

Traversée longitudinale

Panneaux informatifs




Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.