LE VIP : SCÈNE AU SERVICE D'UN PROJET URBAIN

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Mémoire d’étude réalisé par

VALENTIN CARO Directeur d’études

YVES GHISLAIN DESSY

V.I.P SCÈNE AU SERVICE D’UN PROJET URBAIN

ENSAN

Ecole nationale supérieure d’architecture de Nantes Cycle d’études conduisant au diplôme d’Etat d’architecte

2011-2012


SOMMAIRE

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Saint-Nazaire

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introduction

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Naissance du VIP un contexte de crise généralisée 1.1

UNE HISTOIRE BRÈVE ET MOUVEMENTÉE

1.2

LA RECONSTRUCTION : le style nazairien

1.3

LA CRISE IDENTITAIRE

1.4

NAISSANCE D’UNE SCÈNE DANS UNE ZONE EN FRICHE

LE VIP au service d’un projet urbain global 2.1

«VILLE PORT» : une méthode globale

2.2

«VILLE PORT» : les enjeux

2.3

«VILLE PORT» : le projet

2.4

«LE VIP» : outil d’appropriation du projet urbain

2.5

«LE VIP» : le projet

LE VIP limites et perspectives d’un outils au service du projet «Ville-Port» 3.1

«LE VIP» un projet à deux échelles : contenant / contenu

3.2

«LA BASE SOUS MARINE» un contenant rigide qui contraint le VIP

3.3

QUEL AVENIR pour le VIP et le projet «Ville-Port»

conclusion


INTRODUCTION


La ville de Saint-Nazaire connaît et à connue depuis près de 20 ans maintenant des mutations dans l’organisation de son dispositif urbain. Ces mutations sont la conséquence d’un projet global à l’échelle de plusieurs décennies : le projet « Ville-Port ». Ce projet porté par les pouvoirs publics et le maire de la ville « Joël Batteux » est un exemple très intéressent de restructuration urbaine. La ville de SaintNazaire a connue une histoire atypique qu’elle a dut surmonter pour aujourd’hui avancer et ancrer ses ambitions vers des préoccupations à l’échelle de la métropole et du territoire. Témoin direct et même acteur du projet, la salle de spectacle emblématique de la ville, le VIP, est un exemple qui illustre parfaitement les strates et les composantes historiques, politiques et urbaines qui ont animées ce projet. En retraçant l’histoire de cette salle il est possible de comprendre le projet dans son ensemble. Le sujet de ce mémoire se révèle ici avec cette relation étroite et réciproque qu’il existe entre « Ville-Port » et le « VIP ». En effet, plus qu’un élément à part entière d’un projet global, le VIP est devenu un outil politique au service de la restructuration de la ville. Ce mémoire sera donc l’occasion pour moi d’expérimenter cette notion de « scène comme un outil au service d’un projet » et de voir quelles ont été les phases et les conséquences de ce processus. Pour traiter ce sujet, trois axes guideront ma réflexion. Dans un premier temps une analyse descriptive et explicative qui présentera le contexte historique dans lequel le « VIP » à vue le jour. Il peut être intéressant ensuite de comprendre quels ont été les enjeux porté par le VIP dans le projet « Ville-Port », pour enfin mettre en perspective et tester cette relation complexe entre une un salle et un projet urbain. En tant que nazairien je porte un réel intérêt à traiter ce sujet. Présent sur le lieu d’étude depuis mon enfance, c’est avec mon entrée à l’école d’architecture que j’ai commencé à m’intéresser au fonctionnement de ma ville et notamment au grand projet urbain en cour. Ce mémoire est donc l’occasion pour moi de mieux comprendre et d’exposer un sujet qui me tient à coeur. Pour réaliser cette étude je m’appuierai sur les témoignages et les récits des principaux acteurs du projet « Ville-Port ». J’utiliserai également ma propre expérience au sein de ce projet, expérience acquise lors de deux missions d’études sur la Base sous-marine et sur la phase 3 du projet «Ville-Port». Le croisement de ces différents regards et informations seront la source de mon mémoire et me guideront au travers de la problématique suivante : La scène du VIP, outil politique au service d’un projet urbain global


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1 Naissance du VIP un contexte de crise généralisée

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1.1

UNE HISTOIRE BRÈVE ET MOUVEMENTÉE

En 1800, Saint-Nazaire n’est qu’un bourg de pêcheurs de 635 habitants. Le bourg, isolé sur la pointe marquant le début de l’estuaire de la Loire, s’organise autour d’une place centrale et d’une seule jetée. La position stratégique du village sur la côte Atlantique devient rapidement la source d’une mutation fulgurante. L’empereur Napoléon Ier est le véritable artisan de la Ville. Lors d’un voyage dans l’estuaire de la Loire il décida de faire construire un bassin pouvant accueillir les bateaux ayant des tirants d’eau de plus en plus important prenant, de ce fait, trop de risques à remonter la Loire jusqu’à Paimboeuf et Nantes. En 1856 la création du premier bassin à flot s’acheva, ce qui inaugura véritablement les premières transformations de la cité. La vie se développe alors autour du bassin et le port de pêche se transforme peu à peu en port de marchandises. En 1865, Napoléon III lance un nouveau projet de développement de la ville et du port et transforme la Ville en une plate-forme d’échange pour le commerce maritime international et des lignes transatlantiques régulières. La Ville est alors édifiée à partir d’un axe EST / OUEST qui relie l’entrée de la Ville à l’estuaire et selon un plan en damier. Les rues principales scindent perpendiculairement l’axe majeur, convergeant vers le quai du bassin, reprenant ainsi la trame des villes d’outre-Atlantique. L’activité portuaire engendre un fort développement de la Ville, qui compte en 1870 près de 20.000 habitants. La Ville se développe de manière concentrique sur son port et l’activité industrielle qui le compose. Au début du XIX siècle les bateaux se modernisent et se transforment pour devenir de plus en plus gros. La Ville de Nantes et son port sont alors, peu à peu, délaissés au profit des ports en eaux profondes. La position géographique de Saint-Nazaire et le bassin en eaux profondes du port deviennent un attrait pour les armateurs. C’est en 1862 que la C.G.T (Compagnie Générale Transatlantique) s’installe dans le port. La C.G.T compte alors quinze ouvriers et démarre l’activité de construction navale. L’activité se développe à une vitesse telle que le bassin devient trop petit, c’est à cette époque qu’émerge le projet de construction d’un deuxième bassin . C’est le projet de Paul Leferme qui fut retenu et l’ingénieur en chef Chatoney ordonna la création en 1881 du second bassin, dit «le bassin de Penhoët».

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Ocean Atlantique

1800

Ocean Atlantique

1856

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Ocean Atlantique

1881


légende

quai Demange bassin de Penhoët bombardements de la ville

En 1907 une nouvelle entrée du port est dessinée dans le prolongement du premier bassin. Souvent comparée à des pinces de crabe, cette entrée coupe en deux le «vieux Saint-Nazaire» et la partie isolée fut appelée le «Petit Maroc» Quelques années plus tard les Chantiers de Penhoët et ceux de la Loire emploient 5000 ouvriers. La Ville connaît un essor fulgurant autour de ses bassins avec la construction de l’Hôtel de Ville, de la Sous-Préfecture, du Palais de Justice, d’un marché couvert et surtout avec l’arrivée des chemins de fer au pied du premier bassin. Auprès de la darse d’accostage des paquebots, les rues, les cafés, les lieux de rencontres et d’échanges sont tournés vers les quais. A l’emplacement du futur premier « VIP » se trouve le hangar de la société Gustin Stoll et Daguzau, riche armateur Nantais qui s’est installé à SaintNazaire pour le trafic de sa flotte. Des promoteurs tournent même la Ville vers une vocation de tourisme balnéaire en construisant des villas et hôtels sur le front de mer. La Compagnie des Chemins de fer d’Orléans y installe le terminus de sa ligne «Inter Loire» et, de ce fait, désenclave la Ville. Saint-Nazaire compte en 1920, 40 000 habitants. A cette époque rien ne laisse supposer qu’à partir de 1939 le visage de la Ville va définitivement changer. En 1941, ce qui avait fait sa force devient une malédiction. L’intérêt géographique de Saint-Nazaire en fait un noeud stratégique dans la conception, par l’Allemagne nazie, du mur de l’Atlantique. Dès le début de l’occupation, l’armée allemande engage la construction d’une base sous-marine sur l’emplacement même de la darse du bassin. S’érige alors, entre janvier 1941 et décembre 1942, un gigantesque bunker qui demandera 480.000 m3 de béton et dont la fonction sera de protéger les sous-marins allemands pendant la durée de la guerre. Cette base devient une barrière visuelle et physique pour la ville. Les rues qui débouchaient auparavant sur les quais font désormais face à ce monstre de béton de 300 mètres de large et 18 mètres de hauteur, coupant toutes liaisons entre la ville et le port. De plus, dans le but d’installer ses quartiers généraux, l’armée allemande détruisit la totalité du quartier historique du «petit Maroc». Les alliés, à défaut de pouvoir endommager cette forteresse vont décider de rendre la Ville et ses alentours inhabitables. Fin 1943, une vague de 50 bombardements consécutifs martyrise la Ville anéantie et la détruit à 85%. En 1945 la Ville détient ce triste record d’être la dernière Ville libérée en Europe, le 11 mai de cette même année elle ne compte plus que 60 habitants et a perdu toute son identité.

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1890

1912

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1945


1.2

LA RECONSTRUCTION : le style nazairien

Au lendemain de la libération, les regards se tournent inévitablement vers la base sous-marine, dont l’existence est alors remise en question : s’agit-il d’une verrue urbaine ou d’un vestige faisant partie intégrante du patrimoine de la ville? Faut-il la détruire, la réhabiliter, ou la laisser en l’état ? Autant d’interrogations qui divisent les Nazairiens et qui commencent à faire de la base un sujet sensible. Cependant, à l’heure de la reconstruction le sort réservé à la Base n’est pas la première urgence. La Ville meurtrie doit être réorganisée et reconstruite pour accueillir la population qui a dû se réfugier au Nord, dans la Grande Brière, et qui n’est pas encore autorisée à revenir en ville. Un bilan constructif va être mis en place pour déterminer quels bâtiments devront être rasés et lesquels pourront être conservés. Une équipe d’experts composés d’urbanistes, de sociologues, d’élus et d’architectes va être nommée sous la direction de l’architecte Noël Lemaresquier pour prendre en charge le défi de la reconstruction. Le bilan des experts est assez lourd : la Ville est coupée de toutes connexions, les routes et la gare qui irriguaient le centre ville jusqu’au pied du bassin sont détruites et aucun bâtiments, patrimonial ou culturel, n’ont survécu aux bombardements. L’atout du port qui fut à l’origine de l’important développement de la Ville durant la première moitié du XX ème siècle, a causé la perte de cette propre identité. La Ville, privée de passé, va devoir se réinventer en partant de rien et trouver ses propres lignes directrices. Pour composer la nouvelle Ville, les architectes et urbanistes vont suivre un courant né dans l’entre deux guerre et qui s’appuie sur des fondements rationalistes issus des Congrès Internationaux d’Architecture Moderne (CIAM) : «La Charte d’Athènes». En effet, «La Charte d’Athènes» est un manifeste de l’urbanisme progressiste résumant les conclusions du 4 ème CIAM sur la ville fonctionnelle, tenu à Athènes en 1933. L’importance que les architectes du courant «moderne» accordaient aux changements sociétaux les a conduit à élargir leur réflexion sur le domaine de l’urbanisme. Ils imaginent un urbanisme qui rompt avec la ville du passé, la rue et les gabarits traditionnels. La Charte condamne et s’oppose sans appel à la ville contemporaine, incarnation du désordre et du mal et propose ainsi la ville modèle : la ville en ordre. Elle accorde une priorité nouvelle à la place de l’automobile et au classement des activités quotidiennes séparées, dans le plan et dans l’espace : habiter, travailler, se distraire et circuler.

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C’est avec certaines de ces inspirations modernes que les urbanistes de l’époque vont penser la nouvelle ville de Saint-Nazaire. Cependant cette modernité utilisée pour la reconstruction n’est pas la modernité du mouvement moderne mais simplement un emprunt de certains des thèmes techniques les plus percutants : l’utilisation rationnelle du sol et la répartition fonctionnelle des activités, l’introduction des surfaces vertes dans les villes, les préoccupations hygiénistes, la hiérarchie et la spécialisation des voies de circulations. Mais la planification régionale et tout le contenu social de la charte sont absents du discours. Certains même de ces principes fondamentaux, tels que le rejet de l’alignement, sont pris à contre-pied, d’autres, tel que l’industrialisation des éléments de la construction sont juste esquissés. Les re-constructeurs locaux ont oscillé entre les deux grandes tendances de l’époque : l’urbanisme progressif et l’urbanisme passéiste ou, plus vulgairement, entre «la table rase» et la reconstruction à l’identique. Le cas de Saint-Nazaire est un parfait exemple de compromis et de demi-mesure en terme d’application des principes énoncés par la Charte. La Ville va se développer dans le même schéma rationnel qu’avant la guerre. La trame rectangulaire est conservée et est traversée par un axe majeur, NORD / SUD, commercial qui relie la nouvelle Gare et l’Hôtel de ville. L’ensemble de cette trame est polarisé par différentes fonctions toutes reliées à l’axe commercial. La Ville est dessinée par l’ère machiniste, et la rationalisation du réseau de voirie. Les différents pôles nécessaires au fonctionnement de la Ville sont séparés sur ce plan rectangulaire. On voit cependant apparaître les premières limites à l’application de la Charte. Conscients que la table rase totale n’était pas la solution pour reconstruire la Ville, les architectes ont conservé certaines caractéristiques de l’ancienne Ville allant totalement à l’encontre des préconisations modernistes. Emerge alors le «style nazairien» : un compromis entre un urbanisme à composition en îlots, respectant des alignements et suivant une certaine esthétique classique et, la rationalisation de l’espace et des fonctions modernistes, ainsi que l’emprunt d’un style monumental pour le dessin des bâtiments. Paradoxe de ce compromis, le schéma choisi pour le développement de la Ville à l’EST est celui des citées jardins, antithèse de la pensée moderniste.

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La question de la délimitation du port et de l’industrie portuaire s’est posée. Certains ne voyaient pas d’avenir pour le port. D’autres pensaient que la Ville possédait un droit indéniable à la prospérité de son port et, qu’il fallait lui donner une large place dans le nouveau schéma urbain. L’origine de SaintNazaire est son port, il fallait donc miser sur le développement de cette même activité afin de redonner un sens à l’existence de la Ville. C’est ici qu’apparaissent les premiers désaccords entre les pouvoirs publics et les pouvoirs maritimes, notamment sur la question du foncier accordé au port. La ligne de conduite adoptée fut de laisser de la place au port, en pariant sur son développement. La Ville ne devant donc pas étouffer ce possible agrandissement, la décision prise fut de laisser une bande servante entre la nouvelle ville et le port. Cette bande à l’origine végétalisée, coupa littéralement toutes connexions entre le centre ville et l’activité portuaire. Le port prenait une vocation industrielle, ainsi, les urbanistes animés par cette pensée fonctionnaliste et hygiéniste, décidèrent de cloitrer l’activité à l’écart de la vie urbaine. légende

ville détruite ville reconstruite carte de fonctionnement de la ville

CHANTIER DE L’ATLANTIQUE GARE

COEUR DE VILLE ZONE FRANCHE ENTRE LE PORT ET LA VILLE

BASE SOUS-MARINE

QUARTIER HISTORIQUE : le Petit-Maroc ZONE VEGETALISÉE VILLE OUEST

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1.3

LA CRISE IDENTITAIRE

En 1955 Saint-Nazaire retrouve ce pourquoi elle fut créée, avec la naissance des Chantiers de l’Atlantique. Cette entité résulte d’une fusion entre les Chantiers de Penhoët et les Ateliers de la Loire et va rassembler plus de 10 000 travailleurs autour de la construction navale. L’activité du port est alors la raison d’être de la Ville et de ses habitants et la cité vit au rythme du carnet de commandes des Chantiers de l’Atlantique. Une classe ouvrière originale se forme et la Ville prend l’image d’une ville ouvrière ou ville «rouge». Mais dans les années 60, la restructuration des Chantiers navals se poursuit, rachat et fusion se succèdent, entraînant une réelle menace pour l’emploi dans les Chantiers et dans les entreprises partenaires. C’est l’époque où l’incertitude gagne Saint-Nazaire. La hausse du chômage, le marasme de la construction et de la réparation navales entraînent la fermeture de beaucoup d’entreprises sous-traitantes et font douter la Ville d’elle même. La Ville a perdu de vue ses bassins cachés par la Base sous-marine, véritable élément de rejet pour la population nazairienne. La zone de démarcation imaginée par les urbanistes de la reconstruction, isole le centre du port et fait figure d’un «no man’s land». De plus, le développement des grands ensembles dans les quartiers neufs à l’EST de la ville et la création des grandes zones commerciales en périphérie, vident peu à peu le centre-ville. L’architecture rigide de béton et la largeur des voies de circulations sont comme une barrière au fonctionnement commercial du centre. A la fin des années 70 la Ville est durement frappée par la crise et cherche un second souffle. L’image de Saint-Nazaire est globalement négative : ville grise, froide et triste. Les qualificatifs péjoratifs sont nombreux à son égard et poussent au repli sur soi-même. Saint-Nazaire donne l’impression de ne pas avoir besoin d’être belle, «pourvu qu’elle fonctionne». Conscients de ce rejet, en 1982, les pouvoirs publics lancent une mission d’analyse globale. La Ville est étudiée sans à priori et sous tous ses angles. L’étude conduit à la production d’un document de référence, d’une centaine de pages, servant encore aujourd’hui. Le constat est le suivant : la Ville est en apparence uniforme car elle ne possède pas de centre-ville. Les traitements paysagers des rues et des places sont très insuffisants. Saint-Nazaire ne profite pas de l’existence de son front de mer. La Ville reconstruite tourne le dos à son port et à la mer, pourtant, sa raison d’être. La Ville est également à l’écart de son coeur historique, le quartier du «petit Maroc» (reconstruit). Les transatlantiques aux hautes cheminées ont disparu du paysage et la gare, relayée à l’extérieure de la ville, ne dessert

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plus les quais d’embarquements. Les activités portuaires se sont déplacées en amont de l’estuaire, vers Montoir de Bretagne et Donges. Depuis 1975, il n’est plus nécessaire de passer par Saint-Nazaire pour se rendre à la Baule et l’image de la Ville, donnée aux automobilistes et aux touristes se rendant sur les plages, s’arrête à celle des Forges, en ruines, de la Ville attenante de Trignac. La grande station balnéaire voisine a développé une image résidentielle et ludique en opposition à l’image de cité ouvrière et industrielle de Saint-Nazaire. Ajouté à ce constat, la Ville ne bénéficie pas véritablement d’une réelle politique culturelle. L’importance des chantiers laissés par la reconstruction a en effet concentré les efforts de la municipalité vers les questions de relogements et de redémarrage économique de la cité. Les aspects culturels ont d’autant plus été négligés que la Ville ne possédait jusqu’alors qu’un très faible patrimoine artistique et culturel. A la fin des année 70, une idée essentielle détermine l’évolution de la politique culturelle : la volonté de changer l’image de la Ville et de la sortir de la morosité et de l’isolement dans lesquels elle est confinée. Un diagnostic culturel est dressé. Il en découle les enseignements suivants : la Ville reconstruite est fonctionnelle, l’activité économique a pu retrouver un certain essor, la question du logement est résolue mais la Ville ne dispose pas encore de repères culturels suffisants qui soient véritablement capables de «créer la vie». Au cours des années 1980, la crise de la construction navale, base économique de la cité -les Chantiers de l’Atlantique étant le principal employeur de l’agglomération- frappe de plein fouet la Ville et ses habitants. Les conséquences sont lourdes : diminution drastique des effectifs des chantiers, faillite de nombreuses entreprises sous-traitantes des chantiers, et un taux de chômage record de 20%. SaintNazaire devient une ville en crise à l’image des villes sidérurgiques du Nord de la France. De plus, depuis la reconstruction, des dysfonctionnements sont apparus dans le tissu urbain, amenant celui-ci à se transformer. La zone verte qui était sensée couper l’activité du port, de la vie du centre, est devenue une friche industrielle repoussante. Un virage dans la politique d’aménagement, et le visage de la Ville va être repris en tous points en 1983 avec l’arrivée de Joël Batteux, en qualité de Maire. C’est dans ce contexte de ville à bout de souffle que la scène du VIP va apparaître.

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1.4

NAISSANCE D’UNE SCÈNE DANS UNE ZONE EN FRICHE

En 1983, de part et d’autres des quais du premier bassin, on observe un paysage industriel fait de hangars, de tôles et de béton. Certains hangars sont laissés à l’abandon et d’autres servent de stockage. Un paysage peu flatteur, qui fait de cet endroit, pourtant ouvert sur l’océan et sur l’estuaire, une zone repoussante et délaissée. Seul le quartier du «petit Maroc» persiste et survit dans cette zone franche. Il est habité par les pêcheurs du port et, a retrouvé son âme d’origine. Composé de ruelles et de petites maisons, les re-constructeurs de la Ville ont voulu conservé l’image du village d’origine et ont respecté les plans d’implantations des maisons de l’époque. Collés au «petit Maroc» et face au premier bassin, sur le quai Demange, sont érigés la criée du port et les entrepôts de stockage de l’entreprise SOCAERO. L’entreprise a fait de Saint-Nazaire une plateforme d’échange dans le commerce du bois. Elle y entreposait ses stocks pour, ensuite, les redistribuer en Europe via les voies maritimes. Cependant, en 1982 l’entreprise fait faillite et de ce fait cherche à se séparer du foncier qu’elle avait acquis sur les quais. La municipalité en place et bien sûr, le Maire, voient dans cette nouvelle chute d’entreprise une réelle opportunité de reconquête de l’espace portuaire et des bassins. La Ville se rend alors propriétaire des murs et va amorcer une démarche de requalification de la zone. A la même époque, l’activité de pêche étant également en déclin, les autorités maritimes prirent également la décision de se séparer de la criée du port. En 1985, il ne reste que des bâtiments à l’abandon sur le quai Demange. C’est dans ce contexte que trois Parisiens, passionnés par la musique et le monde de la nuit, voient en ce lieu et cette histoire une opportunité pour amorcer une nouvelle vocation pour le quartier. Eric Beaumont (28 ans), Eric Chevalier (28 ans) et Yves Daphé (25 ans) sont tous les trois responsables de la société BCD Production et veulent investir dans le pari de redonner vie aux quais. Leur idée est d’imaginer un lieu festif à l’image de ce qui l’entoure. Leur projet est porté par la volonté d’amener de la vie dans la Ville. En tant que visiteurs, ils ont fait le constat que Saint-Nazaire ne possédait pas de réel lieu aux services des noctambules et que la ville était trop sérieuse, enfermée dans la morosité du contexte économique de l’époque. C’est donc en 1988 que BCD production propose à la municipalité le projet du « VIP « : une «boîte de nuit» d’un nouveau genre proposant un concept entre le bal et le music hall, prenant racine dans l’esprit du port. La formule choisie par les trois associés pour lancer le projet fut :

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Photo aérienne de 1984

ESTUAIRE

BASE SOUS-MARINE

EMPLACEMENT DU VIP

LE PETIT-MAROC

ANCIENNE CRIEE DU PORT 19

OCEAN ATLANTIQUE

ZONE INDUSTRIELLE EN FRICHE


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Plan de l’entrepôt transformé en salle de spectacle Coupe sur hangar

« Quand on a faim de fête, on ouvre une boîte» Joël Batteux était convaincu que ce genre d’initiatives, pouvant requalifier l’espace portuaire, serait un des outils de la réappropriation de la zone pour les habitants. Le Maire suivit les entrepreneurs dans leur projet et leur proposa d’investir un des hangars de l’ancienne entreprise SOCAERO. La surface attribuée au VIP représentait 20 % de la surface totale de l’ex entreprise. Le reste était destiné à une autre programmation. En effet, dans la même perspective de réaménagement du secteur, les pouvoirs publics décidèrent de transformer la surface disponible pour accueillir la salle de spectacle de la Ville (actuelle salle Jacques Brel) et l’éco-musée. Consciente que le projet du VIP et le secteur portaient des ambitions de développement à long terme, la Mairie resta propriétaire des murs et de ce fait garda une maîtrise du foncier. Elle prit à sa charge la remise aux normes de l’entrepôt afin que le lieu puisse recevoir du public. Des travaux d’isolations acoustiques et la création de sanitaires furent réalisés. Afin de donner à cette future entité une visibilité à l’échelle de la Ville, la criée, à l’abandon, fut détruite. Le bâtiment placé entre le quai Demange et le hangar de stockage coupait les possibilités de dialogue du futur pôle «VIP / Salle Jacques Brel» avec la Ville et le bassin. Le «VIP» prit alors ses quartiers dans l’ancien entrepôt de stockage bois. La salle s’organisait autour d’un espace central de 140 m2 qui faisait office de piste de danse. Face à cette piste de danse, une scène de 23 m2 était réservée pour les orchestres. De part et d’autre de la piste, on trouvait le bar et les toilettes. En surplomb du coeur du projet, une mezzanine était installée et pouvait également accueillir des spectateurs sur une surface de 143 m2. Afin de gérer le flux de visiteurs et de respecter les normes incendies, deux entrées avaient été pensées : une, face au port desservant directement la piste de danse et l’autre, sur la façade Sud desservant la salle et la mezzanine. Le traitement des façades extérieures avait été pensé de manière à ce que le bâtiment communique avec la Ville. En effet, l’entrepôt avait été entièrement repeint dans une teinte bleu vive et les façades Ouest et Sud (façades d’entrées) présentaient sur la totalité de leur hauteur les trois lettres «V.I.P». Sur le permis de construire le VIP était déclaré comme une discothèque, cependant la configuration qu’il proposait orientait son activité vers la représentation d’artistes. La production BCD voulait offrir à de nouveaux groupes de musiques en tout genre un lieu de représentation. Plus q’une simple discothèque, le «VIP» se voulait d’offrir une représentation musicale atypique à ses clients. L’aménagement de la discothèque et la «programmation» proposée par la société transforma peu à peu le «VIP» en une véritable salle de concert. L’aspect

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extérieur du «nouveau» hangar et la volonté d’une production atypique firent très rapidement du VIP le «symbole» de cet espace portuaire. Pour le Maire et les élus, la requaification de l’espace portuaire était amorcée. Le VIP était devenu un outil d’appropriation, les habitants ne tournaient plus le dos à leur port, ils y venaient pour la «boîte bleue». Cette démarche lancée par la municipalité en partenariat avec une société de production privée a fait office de «test» ou de projet témoin . Le pari était de réconcilier les Nazairiens avec cette zone et de passer outre la Base sous-marine pour re-découvrir le port et les bassins. Le projet de l’éco-musée et de la salle de spectacle «Jacques Brel» contribua également à la requalification de la zone mais c’est bien le VIP qui était devenu le symbole du port. Dans le prolongement de la première phase d’aménagements, une aventure marqua clairement la posture et la volonté du Maire concernant l’avenir du quartier du «VIP». En 1990 la rencontre entre l’artiste Yann Kersalé et Joël Batteux va amener un nouveau visage et une image à l’échelle du territoire pour ce quartier dont personne ne voulait. L’artiste imagina un projet beaucoup trop cher pour la situation économique de l’époque, mais Joël Batteux comprit la puissance de l’idée et décida de mettre en place et de pérenniser l’œuvre. Le projet de Yann Kersalé était de révéler la puissance et la beauté du paysage industriel avec une composition lumineuse qui prendrait racine dans la Base sous-marine. Sept millions de francs pour une oeuvre d’art en pleine crise des chantiers navals, le Maire mit sa démission dans la balance pour obtenir l’accord du conseil municipal, puis s’est démené pour trouver des financements. Mais l’intuition était juste, ces actions pionnières ont modifié le regard des habitants sur leur ville rendant possible la reconversion urbaine dans la durée. La mise en lumière a permis de révéler l’originalité qui habitait la zone abandonnée, le but étant d’inventer ses atouts en partant de ses handicaps. L’histoire racontée par l’œuvre appelée « La nuit des Docks » valorise l’architecture de la reconstruction et fait de la base sous-marine un monument habité. Le quartier du VIP et, de la même manière, la salle de concert se virent propulsés sur le devant de la scène. Grâce à l’oeuvre de Yann Kersalé des touristes vinrent à Saint-Nazaire, chose impensable 5 ans auparavant. L’image du lieu et par conséquent celle du «VIP» prirent une dimension à l’échelle du territoire

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façade du VIP La Nuit des Docks

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TRANSITION

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La décennie des années 80 amorça une idée forte : il fallait faire de la Ville un sujet de développement à part entière, faire la ville avec la ville et mettre en valeur ses qualités intrinsèques pour attirer des investisseurs. La volonté de reconversion d’une zone franche n’est pas sans rappeler ce qui s’est passé à Bilbao. Les deux villes ont entretenu et entretiennent des liens proches. Elles ont toutes les deux, à la même époque, mais pas à la même échelle, eu la volonté de ré-intégrer un espace portuaire en le requalifiant afin de l’intégrer à la ville. La ville de Bilbao, avec l’impulsion de son Guggenheim dessiné par Frank Gehry, transforma une friche industrialo-portuaire en un centre culturel d’échelle internationale (bâtiment livré en 1997). Ce qu’il est important de comprendre c’est qu’une impulsion ou injection culturelle, à un moment donné, peut transformer des regards sur une zone. Le VIP et la «Nuit des Docks» sont au même titre que le Guggenheim de Bilbao ou le festival des «Allumées» ainsi que le Palais de Justice sur l’île de Nantes, des exemples de cette démarche politique. Les villes, pour se développer et investir des zones franches maculées de préjugés, doivent investir dans des «symboles» qui doivent amorcer une requalification d’un espace. Ce «symbole» peut très bien être culturel, formel, artistique ou architectural, son devoir est d’être marquant et de révéler le site qui l’entoure. Pour Joël Batteux et la municipalité de Saint-Nazaire, la situation de crise économique et identitaire fut exactement le bon moment pour amorcer des leviers de développement. «La crise est le moment où il faut inventer l’argent qui n’existe pas, avec un projet crédible et de qualité, l’argent n’est pas un problème». La naissance du VIP puis l’oeuvre de Yann Kersalé ont été des outils pour les pouvoirs publics. Ils ont permis de faire prendre conscience à l’opinion publique que, oui, la Ville de Saint-Nazaire est liée à son port et qu’il est possible d’y amener de la vie. Cette revalorisation de l’image est également une revalorisation du foncier qui l’accueille. La démarche est de redonner vie à des zones abandonnées pour y attirer des investisseurs potentiels. De ces préoccupations de développement sont ressortis des grands axes d’actions à partir desquels la Ville devait travailler. Il fallait «re-tourner» Saint-Nazaire vers la mer et son port, rendre les quartiers agréables et attractifs ainsi que diversifier l’économie, la formation et l’offre culturelle. Ces axes de travail vont être portés par la création en 1989 du P.G.D (Plan Global d’Aménagement). En 1994 les ambitions du PGD vont prendre forme autour d’un projet global appelé «Ville-Port». Ceci amorce la transition vers la deuxième grande partie dans laquelle je poursuivrai le descriptif de ce projet et démontrerai en quoi le VIP fut de nouveau utilisé comme un outil politique et un levier de développement.

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2 LE VIP au service d’un projet urbain global

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schéma d’intervention DDRN «Le Paquebot» projet de Vasconi

2.1

«VILLE PORT» : une méthode globale

Pour se ré-inventer et relever le défi de taille consistant à donner une nouvelle orientation à la ville, Saint-Nazaire a dû imaginer une méthode de travail particulière : créer sa propre délégation d’aide à la maîtrise d’ouvrage dont le président sera le maire de la Ville. La délégation aura comme mission l’accompagnement de la Ville dans les projets urbains. L’idée est de pouvoir placer une entité intermédiaire apportant ses compétences, entre les concepteurs et les décideurs. Saint-Nazaire est devenue un lieu d’inventivité méthodologique en créant la « Délégation au Développement de la Région Nazairienne » sous la direction de Laurent Théry. Un des buts de la DDRN était d’éviter les structures dissociées qui favorisent les développements sectoriels et l’éclatement de la ville, et de ce fait, de mener les projets de manière globale. Pour être compétente sur la globalité et la durée des projets, l’équipe se devait d’être pluridisciplinaires. La Délégation composée d’architectes, d’urbanistes, d’économistes et de géographes n’était pas un bureau d’études en urbanisme ni un organe de décision mais seulement un outil pour les élus. C’est donc à partir des années 90 que la DDRN va prendre la responsabilité du Plan Global de Développement ayant pour objectif principal de conduire le projet visant à redonner un sens à la Ville. Les premiers travaux de la Ville en collaboration avec la DDRN ont été de ré-injecter de la vie dans le centre ville datant de la reconstruction. En 1989, la Délégation fait appel à l’architecte Claude Vasconi pour concevoir le nouveau «coeur de ville». L’architecte propose un centre commercial à ciel ouvert s’implantant à la croisé des deux axes principaux du centre. L’idée était de redonner une échelle humaine aux surdimensions des rues modernistes et de créer un concept commercialement attractif. Avec ce geste, le premier symbole de la méthode globale apparut. La DDRN a dû lever les obstacles et assurer la faisabilité du projet. La route nationale qui traversait la ville a dû être déclassée et le centre ville entièrement réaménagé de manière a ce que les promoteurs n’aient que le risque commercial à porter. Les nazairiens s’approprièrent le projet et transformèrent son nom en «centre paquebot». Cette première mutation fut le point de départ d’un grand processus de mutations.

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Pouvoirs Publics

DDRN

ARCHITECTES

PROMOTEURS

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ENTREPRISES DE CONSTRUCTION


2.2

«VILLE PORT» : les enjeux

Le premier enjeu est identitaire, l’eau constitue un élément de mémoire du lieu qu’il est question, à la fois, de révéler, de rendre accessible et d’utiliser pour le plus grand nombre, en utilisant son fort potentiel pour améliorer l’image de la ville par des aménagements de qualité. En France, plusieurs villes fluviales ou maritimes, confrontées à la crise de leurs secteurs industriels, ont entamé des réflexions sur le devenir des espaces industriels délaissés et fortement dégradés, afin de réorganiser leurs installations portuaires et de trouver de nouvelles qualifications aux emprises libérées. La redécouverte des espaces portuaires semble avant tout fournir une occasion pour insuffler une nouvelle dynamique aux villes qui investissent dans des sites en friche à proximité des centres urbains. La mise en valeur du patrimoine local, l’implantation de nouvelles activités, la création ou l’amélioration des logements, associés à des aménagements de qualité capables de redéfinir les espaces, contribuent à recentrer les villes sur leurs coeurs historiques et à transformer les traditionnelles activités d’échange et d’animation en nouvelles activités culturelles et ludiques. Coupée de son port par la construction de la Base sous-marine, les objectifs sont affirmés : renforcer les activités portuaires sur le site de Saint-Nazaire et revitaliser le secteur par la mixité des fonctions urbaines, touristiques, culturelles et identitaires. En général, la mise en scène ludique, associée à la mise en valeur du patrimoine local, constituent souvent le principe stratégique des opérations de régénération de coeur de ville, et nous allons également voir ce processus appliqué à la Saint-Nazaire. Le deuxième enjeu est quant à lui symbolique. La Base est un élément de rejet pour les habitants de la Ville et constitue, de par ses dimensions, une réelle verrue dans le schéma urbain. Construite en 1941, la Base sera transformée en 1944 pour atteindre ses dimensions définitives (301 m de long, 130 m de large, 18 m de haut et 39 000 m² de superficie) et accueillir à l’intérieur de ses 14 alvéoles 20 sous-marins, une ligne ferroviaire traversante, des gares de pompage, des ateliers, des bureaux, des entrepôts de carburant, des logements ouvriers individuels et collectifs, une centrale électrique et des plates-formes de défense aérienne. Contrairement aux villes de Lorient, Brest, Bordeaux, La Pallice-La Rochelle, dont les bases militaires étaient placées loin des centres habités, la Base de Saint-Nazaire a donc la particularité de se situer le long d’un front de mer urbanisé, en faisant de cet emplacement et de

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plan d’origine de la Base

son énorme façade aveugle les éléments matériels de la fracture entre la ville et l’eau, et restant pour l’avenir l’élément symbolique majeur de l’encombrant héritage historique de l’occupation nazie. Cible principale des bombardements alliés, la base sous-marine a révélé sa capacité d’y résister grâce à la mise au point d’une structure type Fangrost, réalisée avec des blocs en béton armé de grande épaisseur superposés et posés sur le plancher de couverture de la base pour la protéger. Élément physiquement et symboliquement indestructible, le Maire est convaincu que la ville et ses habitants doivent l’accepter en tant que telle et déclarera publiquement dans un journal local : «La Base est l’expression de la bêtise humaine à un moment donné. C’est à nous d’en faire un lieu culturel, un lieu d’éveil de conscience et pourquoi pas un lieu de développement de l’imaginaire où le public prendrait toute sa place».

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Zone d’intervention de «Ville-Port»

2.3

«VILLE PORT» : le projet

En 1994 la DDRN organise un concours international de stratégie urbaine qui a pour ligne de conduite la réouverture de la ville sur son port et la mer. Le projet devra réorienter le centre ville de la reconstruction vers son port, revaloriser le site portuaire et mixer les fonctions urbaines, économiques, touristiques, culturelles et identitaires. L’élément phare de ce projet, appelé dorénavant « Ville-Port », sera la Base sous-marine dont l’architecture apparaît comme la première tare au développement du secteur. L’architecte et Urbaniste Manuel de Sola Morales remporta le concours avec une idée simple, réactiver l’image de la ville tout en transformant l’ancien abri militaire en moteur de la régénération urbaine. Il fallait «Domestiquer la Base» pour la réintégrer à l’histoire contemporaine de la ville afin de transformer cet héritage controversé et incompris en l’élément phare de la destination du projet « Ville-Port ». La réponse formulée par l’architecte espagnol correspondait exactement au dynamisme de la Ville qui est de transformer ses handicaps en atouts. La première étape se concentre donc sur la Base en elle même, et propose un plan en 4 phases visant à domestiquer le monument par séquences. L’ouvrir 1996 : Quatre alvéoles deviennent traversantes ( 11 - 10 - 9 et 8). Le simple fait de percer les murs de béton qui obstruaient la vue sur le port, depuis la ville, a recréé un premier lien visuel. Ce geste est fort, Saint-Nazaire ouvre les yeux sur son estuaire et retrouve une partie de son identité. Le geste a aussi révélé que ce monstre de béton n’était pas si solide et pouvait être dompté par les techniques de construction contemporaine. La dominer 1997 / 1999 : Création d’une passerelle ou «Pont des deux siècles» dans le but d’accéder au toit de la Base. Longue de 150 mètres, elle relie la Place de l’Amérique Latine à la toiture, en proposant une progression panoramique jusqu’au belvédère. En s’inscrivant dans le paysage comme une promenade urbaine, elle se pose comme le trait d’union entre Saint-Nazaire et son monument emblématique. La Base devient un outil de compréhension de la ville pour le grand public. Il est possible depuis le toit et le panorama proposé, d’apprécier la totalité de la ville. Les habitants et touristes s’élèvent pour déchiffrer le fonctionnement de Saint-Nazaire et comprendre que la ville est entièrement

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Maquette d’étude «Ville-Port 1 & 2»

bordée d’eau et jouit d’un emplacement privilégié. Cette action fut le premier réel succès du projet. Une affluence record de près de 10000000 (chiffre à trouver) qui permit à la Base de se faire une place dans la ville et d’amorcer une réconciliation avec les habitants. L’investir 1998 : Les espaces intérieurs de la Base sont des espaces publics. La simple attractivité architecturale du monument ne permet pas de lui donner une véritable fonction. Il faut lui injecter des programmes et de l’attractivité afin de donner une place à ce bâtiment dans le fonctionnement de la ville. Les premiers programmes à investir les espaces intérieurs sont des entités à vocation touristique : l’office du tourisme (alvéole 9), le musée Escale Atlantique (alvéole 7) ainsi qu’un bar et un restaurant en forme de kiosque (10 ). L’alvéole 6 servira quant à elle de local technique pour l’ensemble des activités qui trouveront leur place au sein de la Base. Les alvéoles 1 à 5 gardent leur fonction d’après-guerre, c’est-à-dire, un lieu de stockage pour l’entreprise Cargill. L’intégrer au schéma urbain 2002 : Vaste programme de requalification de l’espace face à la base, il a pour but de réunir deux polarités qui sont le centre ville et la Base. La complexité et l’ampleur du projet vont être portés par la deuxième phase de la planification de «Ville-Port». Le projet présente une stratégie qui préconise de compléter et mettre en relation les pièces du puzzle avec une succession d’opérations sous forme de PPP (Partenariat Privé Public). Ces opérations vont réunir une multitude de services (commerciaux, hôteliers, culturels, logements et aménagement de l’espace public) et se répartir sur 18 programmes réalisés en 5 ans. Pour résumer, le projet s’appuie sur l’intégration de deux principes fondamentaux. Le premier principe vise la reprise de la relation de la ville au port à travers la construction de nouveaux espaces publics entre le centre urbain et la darse du port (une rue piétonne, des nouveaux équipements). Le projet propose une séquence de places qui mènent, par une circulation douce, le piéton face à la Base. Le fait de laisser un espace vide face à la Base permet de prendre du recul sur ce monument, et de ce fait, de le comprendre dans sa globalité. Le deuxième principe envisage de faire renouer l’identité entre la communauté et la mer, en reconnaissant un rôle moteur à la Base sous-marine. À partir des réflexions évoquées, a pu s’affirmer une approche privilégiant l’ancien site militaire comme lieu d’événements culturels, faisant de la Base et de l’espace public environnant un monument, objectif majeur de la stratégie urbaine entreprise par la Ville.

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EMPLACEMENT DE L’ANCIEN VIP

REQUALIFICATION DU PETIT-MAROC

INVESTISSEMENT DE LA BASE

HOTEL

OPÉRATION COMMERCIALE RUBAN BLEU

PASSERELLE THÉATRE

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OPÉRATION DE LOGEMENTS


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Rue de l’amiral Courbet 1890 Rue de l’amiral Courbet 1945 Rue de l’amiral Courbet 1970 Rue de l’amiral Courbet 2012

C’est à partir de 1998 que le projet Ville-Port est entré dans la phase opérationnelle contribuant à définir un projet urbain et architectural de grande ampleur. L’étape principale de cette action a été la délimitation d’une zone prioritaire d’environ 15 ha et l’élaboration d’un projet de sauvegarde et de transformation de la base sous-marine. Le projet de Solà-Morales contourne l’hypothèse de la démolition de la base, coûteuse et difficile à mener, en proposant l’édifice comme support sur lequel viendront s’implanter de nouvelles activités. Une des modifications principales de la Base, l’ouverture de sa façade aveugle sur la ville, a été menée par la reconversion de quatre de ses alvéoles. La nouvelle surface, d’une étendue de 3 500 m², a été destinée à accueillir de nouveaux équipements publics. Le projet de l’architecte / urbaniste fait ainsi de la Base sous-marine un lieu symbolique et stratégique, dont les principes pourront être intégrés par des opérations successives. De ce fait, les interventions conçues par Solà-Morales parviennent à opérer le désenclavement de l’ancien abri allemand, en introduisant des percées entre les alvéoles ouvertes et fermées, ce qui accentue la flexibilité d’usages possibles pour l’édifice. Cette opération agit au niveau du corps physique de la base, la transforme en une structure permanente de grande échelle, prête à accueillir d’autres éléments, qui viendront s’y greffer. C’est dans ce cadre que le VIP va trouver sa place et va être utilisé au service de ce projet global.

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2.4

«LE VIP» : outil d’appropriation du projet urbain

Comme nous avons pu le voir précédemment, la Base a été rattachée à l’espace public de la Ville et les espaces intérieurs offerts par les différentes alvéoles sont autant d’opportunités pour les pouvoirs publics d’y intégrer de nouveaux équipements au service de cette nouvelle destination. C’est en 2004 qu’apparaît pour la première fois l’idée de transférer le VIP au sein de ce monument. En effet, après la première phase de reconquête de l’espace en friche, l’image de la base s’est adoucie auprès du grand public, notamment grâce au projet de passerelle qui rend accessible son toit. Les activités implantées dans les différentes alvéoles sont principalement à vocation touristique. Le VIP, précurseur et exemple illustrant la volonté de reconquête de la ville sur son port va alors devenir une des clés d’appropriation du monument pour les Nazairiens. La «boîte bleue» sur le quai Demange vieillit et est victime de son succès. L’espace qu’elle offre devient trop petit pour accueillir la dimension de sa programmation et de ses ambitions de lieu symbole de la zone. C’est dans ce contexte que naît l’idée de transférer l’activité et le coeur artistique du VIP au sein-même de la Base sous-marine. Un projet en partenariat avec la collectivité territoriale et l’Etat La restructuration et le déplacement du VIP interviennent dans un projet en collaboration avec la collectivité territoriale et l’Etat. Dans le but de se faire accompagner dans la création du nouveau VIP, les pouvoirs publics de la ville se sont portés candidats auprès du Conseil supérieur des Musiques Actuelles (CSMA) pour bénéficier du programme initié en 1998 concernant la promotion et la création des lieux de « Musiques Actuelles ». Ce programme de développement culturel est né d’un partenariat entre l’Etat et les collectivités territoriales. Face aux profondes évolutions et mutations de la vie artistique, culturelle et économique, l’État réaffirme la nécessité de l’intervention de la puissance publique en faveur de la diversité artistique et culturelle dans le secteur des musiques actuelles, ainsi que du soutien à l’émergence et au renouvellement des formes. Cela implique le développement de projets territoriaux de création et de diffusion artistique, ainsi que l’accompagnement et le soutien de la pratique amateur. C’est dans cette logique que l’ancien entrepôt, devenu salle de concert, continue sa mutation pour s’intégrer dans un projet à résonance nationale. Le VIP se dote alors des missions et devoirs communs aux

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Scène des Musiques Actuelles (SMAC) consistant à développer une programmation musicale contribuant à la diversité de l’offre, accueillir des artistes en tournée, diffuser les musiques actuelles sous toutes ses formes et participer à des projets impliquant d’autres disciplines artistiques. Ces pré-requis et devoirs conférés au projet du nouveau VIP sont en totale adéquation avec la vocation originelle du VIP créée par la société BCD production, qui était la mise en lumière de nouveaux artistes et de nouvelles formes de musiques. Afin de compléter son offre et de participer activement à l’émergence de nouvelles formes musicales et artistiques du « programme SMAC », le VIP va créer le LIFE : Lieu International des Formes Emergentes. En totale complémentarité le LIFE et le VIP fonctionneront de pairs et auront comme vocation de devenir la plateforme culturelle de Saint-Nazaire. C’est avec ce tremplin que le VIP va prendre place à l’intérieur du dispositif « Ville-port » et va migrer au seinmême de l’emblème de ce projet urbain : la Base sous-marine. L’alvéole 14: les enjeux de la migration du VIP En 2007 le transfert du VIP et la création du LIFE dans l’alvéole 14 de la base sous-marine de la Ville ont véritablement un triple défi. Le premier est purement technique. La carapace de ce bâtiment de 480 000 m3 de béton n’est pas modulable et présente à l’époque un état de délabrement avancé. La programmation devra s’adapter à la forme du bâtiment et devra être en capacité de recevoir des spectateurs et donc de présenter tous les pré-requis d’un Etablissement Recevant du Public. Le deuxième enjeu est quant à lui symbolique. Le VIP et le LIFE devront s’intégrer dans des espaces qui portent le poids de l’histoire, et plus encore, auront pour mission de faire entrer les Nazairiens dans ce « monument historique ». La dimension urbaine d’un équipement culturel comme une SMAC doit dialoguer avec la Ville et peser dans le dispositif urbain par sa forme et sa programmation. Ici le contexte est différent, la Base élevée au rang de symbole porte déjà les responsabilités et les marques d’un emblème urbain. La forme du VIP devra alors se plier à cette symbolique tout en affirmant sa programmation et sa vocation attractive à l’échelle de la Ville. Enfin, la troisième préoccupation liée à ce déménagement porte sur l’ambivalence de cet élément charnière entre la terre et la mer. En prenant place sur la frontière du dispositif urbain, le VIP endosse la responsabilité particulière du dialogue visuel, ar-

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Schéma de déplacement du VIP

chitectural et programmatique entre deux espaces limitrophes. Le projet devra être fermé et concentré sur sa vocation première qui est la diffusion de musiques actuelles mais néanmoins se placer comme un élément traversant entre la ville et son port. L’alvéole 14, une niche idéale pour le nouveau VIP ? L’architecture de la Base offre une compartimentation de l’espace en alvéoles. Toutes ces alvéoles présentent des qualités intrinsèques exceptionnelles en terme de volume, de matérialité et d’ambiances pour l’installation d’une salle de concert. Les parois de béton ont une épaisseur de plus ou moins 3 mètres selon les endroits, et le toit composé d’un enchainement de dalles et de chambres d’éclatement des bombes a une épaisseur totale de 7 mètres. Ces épaisseurs de béton en place se présentent comme des parois imperméables au bruit et vont permettre de créer une ambiance acoustique intérieure atypique. Cependant, l’opportunité d’investir ce contenant s’est révélée beaucoup plus compliquée que prévu. En effet, les diagnostiques préalables au projet vont révéler des gros problèmes d’étanchéité. Le béton de la Base est en très mauvais état et se comporte comme un énorme éponge. Toute l’eau de pluie s’accumule sur le toit et s’infiltre dans toute l’épaisseur du béton. La salinité de l’eau oxyde les ferrailles en place dans le béton et provoque des gonflements et fissures des parois et du toit. En 2007, l’état de délabrement des ces espaces, rend dangereuse la perspective d’accueil de public et, de gros travaux de remise aux « normes » sont à prévoir. La vocation publique de la salle de concert soulève également d’autres problèmes liés à ce contenant rigide. L’espace intérieur de la base est considéré comme un espace public, et doit donc se plier à toutes les composantes liées à cette qualification : accès pompier, cheminement du public, liaison entre les différentes alvéoles… Ces problèmes soulevés seront alors pris en compte dans la réflexion du projet de la SMAC et permettront à la Base, au VIP et au LIFE d’assumer leur vocation d’espace et de bâtiment à destination du public.

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En 2007, l’architecte allemand Finn Geipel est alors sollicité par la Développement De la Région Nazairienne (DDRN) pour relever le défi de l’implantation du nouveau VIP dans la Base. Le choix d’un architecte allemand n’est pas anodin, la délégation voulait avec un geste fort réconcilier la Ville et les habitants avec leur passé. La volonté de l’architecte est de recréer un parcours urbain à l’intérieur du bâtiment et sur le toit afin de lier la base à la ville. Le pôle culturel SMAC sera donc une étape et un événement de ce parcours global. L’intention est de redonner une dimension urbaine au VIP et au LIFE et de ne pas les considérer comme des éléments ponctuels isolés du tissu urbain. Pour cela il sépare la tête et le corps de l’alvéole 14 pour y installer respectivement la salle de concert et la salle d’exposition. Il utilise la tête de l’alvéole 13 pour installer tout le pôle de ressources et d’enregistrement puis l’alvéole 13bis pour gérer les accès pompiers et l’accès technique. L’espace compris entre la tête et le corps des alvéoles devient alors une rue qui rattache le programme à tout le reste de la base. La description technique du projet intervient dans le prochain paragraphe.

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Alvéole 14 avant l’instalation du VIP et du LIFE Mise en place de la structure métallique du VIP

2.5

«LE VIP» : le projet

Le VIP : Carte d’identité Le cœur scénique et festif du VIP se trouve dans la tête de l’alvéole 14 et offre une capacité maximum de 550 personnes. Sa configuration est particulière car la tête de l’alvéole propose un espace quasiment carré avec des côtés de 21 mètres pour une hauteur de 10 mètres. Le balcon fait face à la scène et donne un point de vue surélevé sur la partie en contrebas comprenant la fosse et la scène. La mezzanine accueille également le bar de la salle. Sous cette mezzanine se trouve le pôle accueil et vestiaire du public. Les soirs de concert, l’entrée du spectacle se gère aussi bien en partie basse que sur le balcon. La surface totale est de 380 m2 (mezzanine + fosse).. La scène est une estrade métallique démontable qui surplombe la fosse de 1,15 mètre. La hauteur sous grille est de 4,50 mètres. Le fonctionnement du balcon et du bar n’est pas sans rappeler la disposition du VIP originel. La difficulté de la mise en place de l’architecture du nouveau VIP était pour l’architecte de réinventer un espace à l’image de l’ancien VIP sans tomber dans la copie. Il fallait conserver le coeur et l’âme de la première salle avec une scène permettant de garder une proximité entre les artistes et les spectateurs tout en réinterprétant les nouvelles contraintes exigées par un programme SMAC. C’est dans l’alvéole 13 qu’on été installés le pôle studios d’enregistrement et centre de ressources. Les 3 salles d’enregistrement sont à la disposition des artistes en escale à Saint-Nazaire et servent également de salle de répétition les soirs de concert. On pourrait définir l’architecture de la nouvelle salle comme une architecture «bernard l’hermite». En effet, le VIP s’installe dans l’alvéole 14 avec une structure métallique indépendante. Le volume de béton qui l’enveloppe ne lui sert pas d’appui structurel car son squelette porteur est composé de profilés métalliques.Tous les espaces servants et locaux techniques nécessaires au bon fonctionnement de la salle sont installés en mitoyenneté dans la tête de l’alvéole 13 au niveau des studios d’enregistrement. Des percements ont donc été effectués pour lier les deux alvéoles. Enfin comme le VIP est un ERP et la Base un espace public il a fallu rendre la salle accessible pour les pompiers. Un percement côté ville a donc été effectué au niveau de l’alvéole 12 pour accueillir le poste de secours et la voie pompiers. L’aire de retournement et de manoeuvre pour les camions de pompiers se situe dans le corps de l’alvéole 13

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Vue depuis la mezzanie vues depuis scène

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Façade intérieure du VIP Rue intérieure menant au VIP

Le LIFE : carte d’identité Les salles du VIP et du LIFE sont deux entités mais ont la même vocation culturelle, celle de promouvoir de nouvelles formes artistiques, qu’elles soient musicales ou plastiques. Ces deux espaces fonctionnent totalement de paire et proposent une programmation complémentaire. Le LIFE est comme le prolongement formel de la vocation musicale du VIP. L’originalité de cette salle réside dans le fait qu’elle s’installe sur une alvéole encore remplie d’eau. Sur toute la longueur de l’alvéole ont été installées des longrines, en béton hydrofugé, qui supportent le plancher béton. L’espace est un « open space » de 1600 m2 (80 mètres de long, 20 mètres de large et 10 mètres de haut) qui autorise toutes sortes de manifestations et représentations. Le LIFE endosse également une responsabilité à l’échelle de la Ville. Il est l’élément charnière entre la ville et le port et doit se placer comme un trait d’union entre ces deux entités. L’architecte Finn Geipel a donc proposé un fond de salle ou fond de scène mobile. Les parois peuvent s’ouvrir, et le patrimoine industrialo-portuaire de la Ville devient le prolongement de la scène. L’espace épuré de la salle s’ouvre sur le cœur de la Ville comme un rappel d’une histoire oubliée. La rue et l’escalier Au même titre que le LIFE, la rue intérieure et l’escalier public se placent comme des composants indissociables du projet du VIP. Leurs dessins redonnent aux espaces « hors normes » une échelle humaine et leurs fonctions se traduisent comme des organes vitaux nécessaires au bon fonctionnement de la SMAC. La volonté de l’architecte, en installant ces deux éléments, fut de créer des interconnections à l’intérieur des espaces trop rigides de la Base et de lier le toit au niveau bas de l’espace public. La trémie réalisée pour l’escalier est une réelle prouesse d’ingénierie. Il a fallu percer la totalité des 7 mètres de dalle pour venir à bout du bunker et lier l’espace public du toit à la rue. La rue est marquée d’un plafond de LED qui écrase la dimension de la Base et redonne une perspective dans ses espaces. C’est à partir de cette rue qu’il est possible d’avoir une lecture de l’ensemble des alvéoles quand on se trouve à l’intérieur de la Base. Enfin pièce finale du projet, un radom à été installé sur le toit de la base au niveau de la trémie. Cette demi-géode était un radar qui se trouvait sur la Base de l’OTAN à Berlin et a trouvé une seconde vie sur le toit de la Base. Il est aujourd’hui reconverti en une salle de réunions et est un des seuls signes à l’échelle de la ville de la présence du VIP dans la Base.

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Coupe du VIP + LIFE Plan du VIP + LIFE

VIP : studio d’enredistrement

VIP : salle de spectalce

escalier urbain + rue intérieure

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LIFE : salle polyvalente

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TRANSITION

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D’une manière générale les grands équipements font partie de la régénération urbaine dont ils constituent le moteur du développement. La régénération peut s’organiser autour d’un seul grand équipement central qui porte l’image du projet global, par exemple le Guggenheim de Bilbao, qui va enclencher une dynamique et entraîner la création de nouvelles activités. Elle peut aussi se baser sur une multitude d’équipements qui vont constituer la trame d’un projet global. Le projet «Ville-Port’» est un combiné de ces deux formes de développement. En effet, la Ville a su reconquérir ses friches industrielles en créant une multitude de projets en partenariat avec des institutions privées et présentant une diversité d’offres (logements, commerciales, bureaux et culturelles). Saint-Nazaire s’est également servit de l’image d’un symbole pour faire résonner le projet urbain à des échelles dépassant celle du cadre de la ville . L’utilisation de la Base sous-marine comme élément moteur et symbolique de la reconquête de la ville sur son port avait cette ambition de promouvoir le projet à l’échelle de la métropole et du territoire. Il a permis également de changer l’image de ce bâtiment aux yeux des habitants et de transformer les 39 000 m2 de friches en réserve foncière. Le premier bilan de la migration du VIP en son sein est positif. Imaginé par F. Geipel pour requalifier et redonner vie à la Base, cet espace multiculturel modulable offre une mise en scène sobre et contemporaine s’intégrant parfaitement à l’atmosphère et à la rudesse de son contenant. Le VIP et le LIFE, au travers d’évènement ponctuels ou plus pérennes totalisent 47.000 visiteurs et spectateurs annuels et 300 musiciens adhérents aux studios d’enregistrement. Ces deux structures se sont désormais imposées comme les acteurs culturels majeurs de la région nazairienne aux côtés du centre d’art contemporain du Grand Café, en proposant une programmation éclectique mélangeant expositions et performances artistiques. Le lieu est culturellement ouvert à la ville et au territoire, mais se tourne vers des ambitions internationales combinant les formes d’art les plus variées. Ce programme a su donner une nouvelle perception et une approche organisationnelle à la Base sous-marine et au tissu urbain environnant. Le pari des pouvoirs publics a fonctionné. Grâce à la migration de la salle de concert emblématique de la ville, les habitants ont trouvé un outil d’appropriation du bâtiment et par là-même, du projet «Ville-Port» dans sa globalité. Il faut cependant confronter ce fonctionnement dans la durée. En effet, on peut se demander si la rencontre et la cohabitation de deux emblèmes BASE + VIP va fonctionner à long terme. Les deux entités représentent le symbole du développement de la zone mais n’ont pas la même vocation. L’un est un bâtiment élevé au rang de monument historique témoin d’un héritage de guerre et l’autre est une salle de concerts devenue symbole de la zone, de par la forme atypique de ses façades et une programmation musicale originale. Comment ces deux entités peuvent cohabiter et trouver leur place dans la ville et dans le projet «Ville-Port»? Les interrogations soulevées ici seront le fil conducteur de la suite de la réflexion.

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3


3 LE VIP

limites et perspectives d’un outils au service du projet «Ville-Port»

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3.1

«LE VIP» un projet à deux échelles : contenant / contenu

La notion de Contenant et de Contenu est très importante dans la mise en place et le fonctionnement du VIP à l’intérieur de la Base sous-marine. Nous avons vu que la Base, grâce aux mutations du quartier, est devenue une «niche» offrant un foncier revalorisé au bord du bassin. Les espaces intérieurs renfermés dans la carapace de béton sont devenus des extensions d’espaces publics et les alvéoles, de nouvelles parcelles à remplir. Apparaissent alors des tensions et des limites brouillées entre espace public ouvert et espaces privés fermés au sein d’un même bâtiment. Telle une ruche, la Base présente le contraste ambivalent d’un espace à la fois ouvert sur l’extérieur mais refermé sur lui-même. Les différents percements rendent l’édifice poreux, mais l’amplitude de ses espaces alvéolaires crée un contraste urbain qui la dissocie de l’échelle humaine. Depuis le point culminant de l’espace public adjacent, sur la terrasse du Ruban Bleu, la Base s’intériorise visiblement en dissimulant totalement sa programmation et sa salle de spectacle. Le contraste créé par la distanciation entre le contenant et le contenu engendre d’une certaine manière un renfermement autarcique de l’édifice sur lui-même. A hauteur d’oeil, le regard se confronte à la masse sombre et imposante du radier en partie supérieure. En partie inférieure, la percée visuelle imaginée par Sola de Morales est partiellement obstruée par les kiosques, à l’intérieur des alvéoles. Indéfinissable, la Base oscille entre espace public et bâtiment, engendrant une confrontation évidente entre la perception d’une globalité sur le terrain et la politique de communication tendant à dissocier les espaces d’activités, de la Base elle-même. Avec une réticence certaine, le monument s’impose comme une façade historique éclipsant un coeur d’activités traitées comme des éléments à part entière. Extérieurement, la Base admet une lecture architecturale sans, pour autant, faire part de la programmation qu’elle recèle. Telle une carapace poreuse de béton, elle renferme ses volontés culturelles qu’elle met en exergue sporadiquement lors de manifestations culturelles ponctuelles sur la Place qui lui fait face (Place de l’Amérique Latine). La Base est une entité indissociable de part sa dimension historique et, de ce fait, le symbole architectural qu’elle représente ne peut admettre extérieurement la décomposition de volumes et d’activités existant à l’intérieur. Le paradoxe entre le contenant et les contenus se dévoile ici. La Base est un monument qui n’est pas extérieurement une entité commerciale, mais doit cependant être intérieurement suffisamment attractif pour drainer un flux minimum de visiteurs afin que les bâtiments et ses activités se pérennisent. On voit

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des tensions entre le cadre bâti et le coeur battant et entre l’affirmation ou l’effacement de l’architecture et des entités que le bâtiment renferment. Ces tensions entre le contenant et le contenu présentées ici sont l’un des problèmes majeurs que le nouveau VIP a dû surmonter pour exister dans le projet «Ville-Port». En effet, avec la migration du VIP dans la Base, la salle a perdu une de ses composantes principales qui faisait partie intégrante de son identité : ses façades. En effet, l’identité propre d’une salle par rapport à une autre se reflète bien évidemment par la programmation musicale proposée, mais également par le lieu et l’architecture qui accueille la fonction de représentation. Le VIP du Quai Demange puisait son identité de par sa programmation atypique, comme nous avons pu le voir auparavant, mais également par l’expressivité de ses façades. Ce deuxième aspect était tellement prédominent que les habitants de la Ville s’étaient appropriés le lieu en le renommant la «boîte bleue». Le projet de migration du VIP a donc soulevé la question de la perte d’une partie de l’identité de la scène. Le VIP dans la Base ne dialogue plus directement avec la ville, les façades sont réduites à celle de son contenant et, l’architecture de la scène doit se contraindre, de la même manière, au poids du bunker. La Base a en quelque sorte inhibé une partie du symbole qui avait fait revenir les Nazairiens sur les quais du bassin. La principale raison de cette situation s’explique par le fait que la Base, élevée au rang de patrimoine et de monument historique, ne peut accepter dans son dialogue avec la ville une autre entité. Elle doit assumer son statut vis-à-vis du centre ville et de ce fait le VIP doit se faire une place discrète dans ce dialogue. A l’échelle urbaine il est donc difficile de lire le nouveau VIP comme un élément fort du dispositif urbain. La preuve en est que la politique de communication de la Ville, à l’échelle du territoire, met en avant la Base sous-marine comme la destination principale du projet « Ville-Port ». Le VIP est logiquement relégué au second plan visà-vis du monument. Cependant, le projet du nouveau VIP s’affirme de manière forte à l’intérieur de la base. Il est un outil d’attractivité et doit permettre au monument de vivre. Le lieu s’affirme et prend sens à l’échelle de la Base. La signalétique mise en place par le projet est un révélateur de cette double échelle. Sur les façades de la base, l’enseigne du VIP apparaît comme un élément sobre. Elle est simplement peinte et ne bénéficie ni d’une visibilité sur la ville ni d’éclairage spécifique ce qui peut paraître paradoxal pour une salle de spectacle fonctionnant majoritairement le soir. Néanmoins, une fois à l’intérieur de l’édifice, le VIP s’affirme de manière

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SMAC Nantes : Stéréolux

forte. L’éclairage imaginé par Finn Geipel (380 LED suspendues) dialogue avec les volumes du monument et devient à l’image d’une œuvre artistique un élément incontournable de l’espace public intérieur. Dans le cas du VIP, le contenu s’adapte donc au contenant mais s’affirme en son sein comme une entité à part entière. De cette manière la fonction de représentation du lieu n’est pas totalement inhibée par le monument, elle en devient même un moteur d’attractivité. La réciprocité s’opère donc dans ce sens : une salle qui respecte un édifice mais un édifice qui laisse vivre la salle en son sein. Cette situation est, encore une fois, assez atypique pour une SMAC. La plupart des villes qui ont bénéficié du programme culturel SMAC mis en place par l’Etat ont profité de cette opportunité pour créer une véritable structure architecturale à l’échelle de la ville. Il ne faut pas aller très loin pour trouver un exemple illustrant ce propos, à l’échelle de la métropole, la salle de «STÉREOLUX» dessinée par l’agence d’architecture «Tetrarc» est le reflet de l’expressivité d’une salle SMAC qui porte les ambitions culturelles d’une Ville, celle de Nantes en l’occurrence. L’ensemble des SMAC sont cadrées et doivent répondre à un programme identique. Les villes bénéficiaires trouvent donc dans la forme et l’originalité architecturale une façon de se démarquer et de trouver une identité propre à l’image de leur ville. On comprend ici la manoeuvre qui a conduit les pouvoirs publics à transférer leur SMAC dans la Base. Tout le travail effectué depuis les années 90 a consisté à transformer et à intégrer la Base dans le patrimoine de la ville, ainsi le fait de mettre un programme culturel comme une SMAC dans ce monument a appuyé cette volonté tout en mettant en lumière le projet urbain à l’échelle du territoire. La ville de Saint-Nazaire a fait le choix de se séparer du symbole qu’elle avait créé, la «boîte bleue» et de se servir du programme SMAC afin de créer une véritable destination culturelle aux dépends de l’identité originelle du VIP.

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Schéma du flux d’entrée de la BASE Schéma du flux de sortie de la BASE

3.2

«LA BASE SOUS MARINE» un contenant rigide qui contraint le VIP

L’intérêt de prendre comme exemple la scène du VIP pour illustrer le projet «Ville-Port» se trouve dans la mise en confrontation des échelles ou des strates qui composent le projet urbain dans sa globalité. Les limites soulevées dans le paragraphe précédent se situent à l’échelle de la ville et proposent une vision un peu moins idéale que ce que l’on peut lire dans les revues ou livres racontant le projet «VillePort». Nous avons vu que le VIP avait su s’intégrer dans le projet urbain en laissant la place du symbole à la Base, il est maintenant intéressant de pousser cette analyse à une échelle encore plus précise, celle de la salle en elle-même et de son fonctionnement dans la Base. L’image du fonctionnement intérieur de la Base est une ruche avec des alvéoles complètement indépendantes les unes des autres. Certaines accueillent des activités (touristiques, culturelles , marchandes) ayant des fonctionnements encore une fois indépendants, d’autres offrent de l’espace public perméable à la déambulation enfin d’autres restent inaccessibles, servant de réserve foncière pour la ville. La conséquence directe de l’architecture fragmentée par alvéoles rend impossible l’appréciation visuelle dans la globalité de l’espace offert par la Base. Les différents séquences créées sont autant d’espaces et de perspectives que le visiteur découvre tout au long de son parcours, mais sont également autant de distances qui coupent les activités les unes des autres. Ces différents niveaux de lecture engendrés par l’architecture du bâtiment hôte, sont les principaux freins au fonctionnement quotidien du pôle culturel VIP + LIFE. En effet les trajectoires à l’intérieur de la Base sont mono-directionnelles. L’interconnexion des flux programmatiques a du mal à s’opérer pour les raisons évoquées en amont. Les schémas présentés en page voisine sont le reflet de ce fonctionnement. L’étude des flux révèle que les visiteurs entrent et sortent en grande majorité par le même endroit, l’alvéole 7. Les touristes qui visitent le musée «Escal Atlantique»situé dans l’alvéole 7 (environ 100 000 personnes / an) ne poussent pas leur visite jusqu’au pôle VIP + LIFE ( à peu près 47 000 personnes / an sur les concerts) qui leur offre pourtant une destination culturelle en totale complémentarité avec le musée. Les ambitions de ce dialogue entre alvéoles étaient pourtant portées par la création de la rue intérieure, mais cette rue intérieure ne propose pas une signalétique cohérente et présente sur la totalité de sa longueur, comme on peut le visualiser dans une rue classique de ville. Le dessin de l’architecte Fin Gueipel, proposant un plafond de LED situé au dessus de la rue, s’arrête au niveau de l’alvéole 11, créant une fracture entre le pôle VIP + LIFE et le reste de la rue. Les sédenta-

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«Nuit des Docks» avant / après extérieur «Nuit des Docks» avant / après intérieur

risations de l’espace public sont rares et sont le reflet de l’aménagement public (bancs , bornes d’informations etc.) quasi inexistant. Les différentes alvéoles vivent en autarcie et, l’espace public englobant a du mal à créer la connexion entre ces entités. La conséquence directe de ce fonctionnement est que le lien physique entre le centre-ville et la Base s’arrête juste avant la Base elle`même : aux portes de la Place de l’Amérique Latine. Le flux engendré par l’entité commerciale du «Ruban bleu» ne descend pas jusqu’aux quais et encore moins jusqu’au pôle culturel SMAC. A la tombée de la nuit la base change de visage. Son caractère massif et la rudesse de sa matérialité qui font sa force et sa beauté en journée, se transforment en un volume noir absorbant toute lumière et s’opposant à l’éclairage urbain environnant. Faute d’entretien, la scénographie de lumières mise en place par Yann Kersalé en 1990 n’a pas résisté aux sévices du temps et laisse place aujourd’hui à un volume de béton éteint. Le bâtiment qui se veut en dialogue avec la ville et le port, s’intériorise totalement dès la nuit tombée. Lors de son fonctionnement, l’installation lumineuse permettait une mise en valeur de l’intérieur de la base sous-marine ainsi que du port et des docks. Aujourd’hui, Les espaces intérieurs du bâtiment subissent également ce manque d’éclairage. Les alvéoles 8, 9, 10 et 11, se trouvant dans le prolongement de la place de l’Amérique latine sont plongées dans le noir et dégagent une atmosphère pesante. Le VIP et le LIFE sont alors complètement coupés du reste du quartier et disparaissent dans le noir, ce qui peut encore une fois paraître paradoxal pour une un pôle culturel de cette envergure. La conclusion de cette analyse critique mais néanmoins objective, montre que la Base souffre d’un manque d’appropriation de l’espace public qu’elle englobe. Le manque d’aménagements et d’informations nécessaires à la compréhension spatial et historique de ces espaces extraordinaires sont les raisons d’une intégration partielle à la ville. Les activités présentent un fonctionnement autarcique et l’espace public offert par le bâtiment est très peu emprunté et encore moins approprié par les habitants de la Ville ou visiteurs de passage. La Base est un monument hors normes et un contenant exigeant. La Base provoque des flux, mais des flux seulement programmatiques. Les constats faits ici sont autant de freins qui contraignent l’activité du VIP et du LIFE au quotidien dans leur vocation de pôle culturel ouvert sur la Ville.

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Schéma de proposition de fonctionnement de l’espace public de la Base

3.3

QUEL AVENIR pour le VIP et le projet «Ville-Port»

Grâce à l’exemple du VIP il a été possible de mieux comprendre les enjeux portés par les différentes phases du projet «Ville-Port». Toute l’analyse menée jusqu’ici s’appuie et est illustrée autant sur des faits passés ainsi que sur l’état actuel du fonctionnement de la zone. La ville de Saint-Nazaire a su durant 20 ans mener un projet qui a aujourd’hui une résonance d’échelle internationale. La Ville et l’Agence pour le Développement Durable de la Région Nazairienne (ADDRN qui a remplacé l’ancienne DDRN en 2007) portent désormais des réflexions sur l’ensemble du bassin de vie nazairien. Ces nouvelles questions à l’échelle de la métropole sont de nouveaux enjeux pour la Ville et concentrent les attentions et budgets des études depuis quelques années. La deuxième phase opérationnelle de «VillePort 2 » s’est achevée en 2007 avec la mise en place du pôle culturel VIP + LIFE et depuis, la Base n’a connu aucun changement ou évolution dans son fonctionnement. Nous avons pu voir qu’elle subit les sévisses du temps et que malgré la réussite globale du projet urbain, l’emblème qu’elle représente a encore du mal à s’intégrer à la perméabilité du domaine public de la ville. Grâce aux différents entretiens et expériences que j’ai pu acquérir lors de stages à l’ADDRN, il m’ est désormais possible de me lancer dans une analyse prospective et de comprendre les nouveaux enjeux que le VIP et le projet «VillePort» vont devoir surmonter pour durer dans le temps. Je vais d’abord amorcer une ouverture sur le sujet du VIP dans de la Base sous-marine. En 2015 la Base accueillera la salle polyvalente «Jacques Brel» au niveau des alvéoles 12 et 12 bis. La salle est actuellement sur le site du «Petit-Maroc» dans les anciens entrepôts de stockage de l’entreprise SOCAERO qui hébergeaient également l’ancien VIP. Ce projet de migration n’est pas sans rappeler celui subi par le VIP en 2007. En effet, la Ville veut continuer à injecter de l’attractivité dans la Base et continuer avec l’idée de faire de ce lieu une véritable plateforme culturelle au service de la ville. Ce projet sera l’occasion pour les pouvoirs publics de débuter une réorganisation et une amélioration de l’espace public de la Base. Comme l’avait été la «rue intérieure» de FIN Gueipel sur le projet du nouveau VIP en 2007, le projet de la salle «Jacques Brel» portera des enjeux plus larges que le simple remplissage des l’alvéoles 12 et 12 bis . Le budget investi et la réflexion de la conception de la salle devront prendre en compte les notions de perméabilité et de rattachement des espaces publics de la Base avec les espaces

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BALANÇOIRES SOUS GRUE STEFF PLATEFORME FLOTTANTE D’EXPOSITION BOUSOLE DE CONTEXTUALISATION

PLATEFORME FLOTTANTE OUVERTE SUR LE PORT

AIRE DE JEU

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Le VIP aujourd’hui Proposition de signalétique dans la Base

publics environnants. La jonction physique entre le centre ville et le bassin du port a été créée avec l’ouverture des alvéoles mais il ne faut pas avoir peur de dire que cette ouverture en terme d’appropriation ne fonctionne pas. Se dessine ici le véritable enjeu pour l’avenir du VIP et de la Base. Ce futur projet ne sera qu’une addition supplémentaire d’un flux programmatique et trouvera sa véritable réussite dans la mise en place d’une nouvelle organisation de l’espace public intérieur, permettant ainsi de rattacher le pôle culturel VIP + LIFE + Salle «Jacques Brel» au reste des activités de la Base et à la Ville. Ce projet de migration me permet logiquement d’enchaîner sur la suite de l’analyse prospective concernant «Ville-Port 3». En effet, la migration du VIP en 2007 puis celle de la salle polyvalente en 2015 laissent entrevoir que le foncier libéré sur le plateau du «Petit-Maroc» va porter toutes les attentions de la Ville pour les années à venir. La reconquête de l’espace portuaire est quasiment effective, l’industrie à peu à peu été repoussée vers l’Est du port et l’image du port, avec le foncier qu’il représente, a changé grâce aux phases 1 et 2 du projet urbain en question. La Ville s’est rendue propriétaire des pourtours du premier bassin à flot et est en ballottage perpétuel avec les autorités du Port Autonome sur la question de l’avenir de cette zone. La zone avait été pensée à l’origine pour l’industrie et le port puis abandonnée et montrée du doigt durant la crise des années 80 pour enfin être aujourd’hui et paradoxalement la source de toutes les convoitises. La première étape de ce futur long projet sera la création d’un lien entre la Base sous marine et la mer, c’est-à-dire une extension vers le Sud de la rue imaginée par Fin Gueipel en 2007. L’usine STEFF attenante va être délocalisée pour laisser la place à la ville de s’installer aux pieds de son bassin. Le VIP et le LIFE vont alors prendre de nouvelles responsabilités, ils seront la porte d’entrée du monument pour tout ce nouveau pôle en réflexion. Aujourd’hui la rue intérieure sert simplement d’articulation entre les alvéoles de la Base et ne débouche sur rien, demain elle deviendra le point de départ de la requalification des quais et de la jonction de l’espace public de la Base avec la plage urbaine au Sud. Une fois cette étape amorcée, la poursuite de la réflexion de «Ville-Port 3» s’opèrera de l’estuaire jusqu’à la base en passant par le «Petit-Maroc». Le plateau, libéré de toutes activités, constitue une véritable aubaine pour les pouvoirs publics. Il contient un espace offrant un panorama sur le bassin, l’Estuaire de la Loire et l’Océan Atlantique ainsi que le point de jonction entre la ville et l’activité industrialo-portuaire et sera au coeur des préoccupations de la Ville pour le futur.

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CONCLUSION

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Le projet Ville-Port constitue l’une des réponses locales apportées à la crise par la municipalité et répond à récupérer la problématique de la séparation entre la ville et le port. Les villes déplacent leurs industries en périphérie, Saint-Nazaire n’avait pas d’autre choix que de s’en rapprocher car c’est bien son port, et l’industrie qui l’anime, qui sont le moteur de la ville. Même si les chaos de l’histoire ont détourné le centreville du port, la ville revient vers la mer. En faisant le pari de se réapproprier la Base sous-marine et l’espace public attenant, de les ouvrir à la fois sur le port et sur la ville, d’en faire un lieu pour les citoyens et les visiteurs, la ville de Saint-Nazaire, sous l’impulsion du maire Joël Batteux, a réinventé une nouvelle identité portuaire à la ville, par un pôle majeur d’attractivité en matière de culture, de tourisme, d’habitat et d’économie. L’exemple du VIP est parfait pour illustrer cette volonté. Le VIP, à l’origine des premières initiatives de requalifications, a été, et est, un acteur majeur de la fabrication de l’identité nazairienne. Nous avons pu comparer brièvement le projet «Ville-Port» avec celui mené sur le port de Bilbao ainsi que celui mené sur l’île de Nantes, et nous pouvons voir ici une volonté commune avec pour but de redonner une centralité et une force à des lieux en déshérence, à travers une démarche globale s’appuyant sur des symboles. À l’hypothèse qui prévoyait l’extension du territoire de la ville, Saint-Nazaire a préféré le principe de la régénération urbaine, basé sur la construction de la ville sur elle-même à travers un programme de transformations, capable de définir une nouvelle relation entre la cité et son port, dans le temps. L’intégration de la Base sous-marine à la ville et le rapport avec l’eau ont été parmi les principes guides du projet «Ville-Port» et le VIP fut l’un des principaux outils de cette volonté. Au cours des deux dernières décennies, Saint-Nazaire a relancé son développement urbain et économique sans se référer nécessairement aux modèles des grandes métropoles européennes. D’autres possibilités existent, mais la spécificité symbolique et la transformation du patrimoine militaire en un patrimoine culturel ont permis à Saint-Nazaire de prouver que l’identité d’une ville pouvait être le moteur de sa croissance. Concernant l’avenir de «Ville-Port» et de Saint-Nazaire, il n’est pas encore décidé mais les orientations en perspective sont bien évidemment dans le prolongement de tout ce qui a été fait. La zone requalifiée doit être la tête de proue du développement de la Ville, l’image du dynamisme économique du port et de son activité tout en conservant l’histoire et l’âme qui l’animent. Le lieu est naturellement attractif de par son emplacement stratégique et devra être pensé à l’image de la programmation du VIP qui est née sur ses quais, c’est-à-dire, un espace d’inventivité et de mise en lumière de nouvelles initiatives économiques, culturelles et d’habitats. Les points soulevés ici sont bien sûr purement prospectifs et vont dépendre des orientations politiques que la Ville de Saint-Nazaire prendra pour son port et son activité mais porteront les enjeux du poids et de la situation de la Ville de Saint-Nazaire dans la métropole. Je terminerai cette analyse par une réflexion d’Ariella Masboungi (Architecte-Urbaniste de l’Etat) qui, je le pense, illustre parfaitement les propos soutenus dans ce mémoire : «l’expérience de Saint-Nazaire montre que l’alternative à la fuite de toutes les dynamiques urbaines en périphérie est possible si les lieux centraux savent s’adapter à la demande sociale et être attractifs pour le marché, en jouant sur la qualité ; qu’une volonté politique claire, optimiste et déterminée a une réelle force d’entraînement ; que la fatalité n’existe pas, à condition de savoir être soi-même, de ne pas imiter d’autres modèles ou d’autres destins et de ne pas craindre les résultats toujours incertains de l’action urbaine » 67


BIBLIOGRAPHIE

OUVRAGES

SAINT-NAZAIRE POUR MÉMOIRE Jean-Yves FAILLIER / Charles Nicol

édition : Ville de Saint-Nazaire, Février 2009 SAINT-NAZAIRE VILLE PORT

Philippe DOSSAL / Frédérique DE GRAVELAINE / Ariella MASBOUNGI

édition : Place Publique, Mars 2010

SAINT-NAZAIRE VILLE MARITIME ET PORTUAIRE Dominique Macel / Charles Nicol

édition : Siloe, Mai 2004

SAINT-NAZAIRE MÉMOIRE EN IMAGES tome I / II / III / IV Patrick Pauvert

édition : Alan Sutton, 1994 / 1995 / 2000 / 2004 FAIRE LA VILLE EN PARTENARIAT Frédérique DE GRAVELAINE

édition : De la Villette, 2006 LA VILLE EST UNE FIGURE LIBRE Laurent THÉRY

édition : Parenthèse , 2010 LA CULTURE COMME PROJET DE VILLE : BILBAO Frédérique DE GRAVELAINE

édition : De la Villette, 2004 VILLES RECONSTRUITES DU DESSIN AU DESTIN Patrick DIEUDONNÉ

édition : L’harmattan, 1994

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ARTICLES

L’ART ET LA VILLE

Trait d’agences hiver 2012

QUEL AVENIR POUR LE LIFE ?

Echo de la Presqu’île 27 / 01 / 2012

CARGIL CONSOLIDE SON OUTIL INDUSTRIEL À SAINT-NAZAIRE Les Echo 30 / 05 / 2012

GUERRE OUVERTE ENTRE LA VILLE ET LES INDUSTRIELS DU PORT Le journal des entreprises 02 / 2011

LA MÉTAMORPHOSE URBAINE INQUIÈTE LES INDUSTRIELS La Gazette des communes 24 / 01 / 2011

INDUSTRIELS ET URBANISME, COMMENT CONCILIER DES INTÉRÊT DIVERGENTS Plein Ouest 06 / 2011

STEFF : LA GLACIÈRE N’EST PAS PRÈS DE FONDRE Ouest France 02 / 03 / 2011

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AUTRES

GEIPEL Finn, Conférence, le projet Alvéole 14, Transformation de la base sous-marine de Saint-Nazaire, 12 décembre 2007 au Pavillon de l’Arsenal dans le cadre d’1 architecte , 1 bâtiment.

http://www.pavillon-arsenal.com/videosenligne/collection-4-79.php

Patrimonialiser les bases de sous-marins et le Mur de l’Atlantique (PDF) PRELORENZO Claude In Situ [En ligne]

http://insitu.revues.org/312

Bunker culturel : la régénération du patrimoine militaire urbain à Saint-Nazaire (PDF) LECARDANE Renzo et TESORIÈRE Zeilla In Situ [En ligne]

http://insitu.revues.org/779

LES ESPACES PUBLICS DE LA BASE SOUS-MARINE DE SAINT-NAZAIRE (PDF) Collectif étudiants CFMV

www.cfmv.fr/base-sous-marine-comm LES ESPACES PUBLICS DE LA BASE SOUS-MARINE DE SAINT-NAZAIRE (PDF) Collectif étudiants CFMV

www.cfmv.fr/base-sous-marine-comm L’INVENTION D’UN ESTUAIRE CULTUREL, NANTES SAINT-NAZAIRE (PDF) GUICHARD Juliette

issuu.com/juliette.guichard/docs/memoireinfraculture ENTRETIEN AVEC SOPHIE MINSSART ADDRN

Architecte responsable de la Base sous-marine de Saint-Nazaire

ENTRETIEN AVEC LOÏC JOVIN ADDRN

Architecte responsable du projet « Ville-Port »

ENTRETIEN AVEC NICOLAS TERRASSIER Directeur de l’agence

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Mémoire d’étude réalisé par

VALENTIN CARO Directeur d’études

YVES GHISLAIN DESSY

ENSAN

Ecole nationale supérieure d’architecture de Nantes Cycle d’études conduisant au diplôme d’Etat d’architecte

2011-2012


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