Rapport de projet de fin d’étude
De la trace au récit Quand absences et vides deviennent support d’une représentation de la mémoire à Varsovie
RICHEBE Valentine Ensa Paris Val de Seine
Rapport de projet de fin d’étude
De la trace au récit Quand absences et vides deviennent support d’une représentation de la mémoire à Varsovie RICHEBE Valentine Directrice de recherche : Antonella di Trani Directeurs de projet : Rémy Lacau et Philippe Roussel Ecole nationale supérieure d’architecture Paris - Val de Seine Master DE Territoires : 2019 - 2020
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Remerciements
Je souhaite avant tout remercier Antonella Di Trani pour l’investissement dont elle a fait preuve dans l’encadrement du travail de recherche, ainsi que Rémy Lacau et Philippe Roussel pour la pertinence de leurs critiques dans le cadre du projet Je souhaite ensuite remercier tous mes relecteurs et futurs lecteurs Je souhaite enfin remercier Martine et Anna qui m’ont accueillie de nombreuses fois à Varsovie
p. 4
Avant-propos
p. 5
Préface
1. Italo CALVINO Les villes invisibles, Gallimard, Paris, 2013, pp. 17-18.
p. 6
“Je pourrais te dire de combien de marches sont faites les rues en escalier, de quelle forme sont les arcs des portiques, de quelles feuilles de zinc les toits sont recouverts ; mais déjà je sais que ce serait ne rien te dire. Ce n’est pas de cela qu’est faite la ville, mais des relations entre les mesures de son espace et les événements de son passé : la distance au sol d’un réverbère, et les pieds ballants d’un usurpateur pendu ; le fil tendu du réverbère à la balustrade d’en face et les festons qui ornent le parcours du cortège nuptial de la reine ; à quelle hauteur est placée cette balustrade, et le saut de l’homme adultère qui l’enjambe à l’aube ; l’inclinaison d’une gouttière, et d’un chat qui s’y engage pour passer par la même fenêtre ; la ligne de tir de la canonnière apparue brusquement derrière le cap, et l’obus qui détruit la gouttière ; les déchirures des filets de pêche, et les trois vieillards, assis sur le quai pour raccommoder les filets, qui se racontent pour la centième fois l’histoire de la canonnière de l’usurpateur, dont on dit qu’il était un enfant adultérin de la reine, abandonné dans ses langes, là sur le quai.” 1
La thématique générale est la question de l’interconnexion des registres de temporalité dans la ville et sa transcription matérielle et habitée qu’est la trace architecturale. Cette problématique est ici étudiée en cas limite, dans sa forme la plus extrême, lorsque cette trace émane ou est altérée par un passé de violence et participe de fait au devoir de mémoire. Se pose alors la question de la définition d’une mémoire collective façonnée et incarnée par ces lieux, et des enjeux que ces derniers activent dans le présent.
p. 7
Sommaire Avant-propos
p. 5
Introduction
p. 11
Comprendre l’existant - les enjeux de la réactivation du passé
p. 31
A/ La distinction entre histoire et mémoire
p. 32
B/ Le rapport du présent au passé
p. 43
C/ De l’individuel au collectif
p. 50
Composer avec l’existant - la trace comme réconciliation des temporalités
p. 8
p. 59
A/ Éléments de permanence
p. 67
B/ Trace première et trace «authentique»
p. 75
C/ Faire l’expérience de la trace
p. 83
Composer par le vide - révéler la trace par l’absence de matière
p. 87
A/ Le vide comme possible support d’une mise en mémoire
p. 91
B/ Le vide comme force de (dé)composition
p. 101
C/ Le vide comme matière première
p. 110
La mis en récit - rendre la trace intelligible
p. 119
A/ La nature paradoxe du temps
p. 124
B/ Le langage de l’espace édifié - organiser le récit
p. 131
C/ L’espace vécu - faire l’expérience du lieu
p. 137
Conclusion
p. 145
Travaux de recherches
p. 153
Sources
p. 171
Compléments
p. 199
p. 9
p. 10
Introduction
p. 11
2. Italo CALVINO Les villes invisibles, Gallimard, Paris, 2013, p. .
p. 12
“C’était un passé qui se modifiait à mesure qu’il avançait dans son voyage, parce que le passé du voyageur change selon l’itinéraire parcouru, et nous ne disons pas le passé proche, auquel chaque jour qui passe ajoute un autre jour mais le passé plus lointain. Quand il arrive dans la nouvelle ville, le voyageur retrouve une part de son passé, dont il ne savait plus qu’il la possédait. L’étrangeté de ce que tu n’es plus ou ne possède plus t’attend au passage dans des lieux étrangers et jamais possédés” 2
Se saisir du passé à au moyen de la trace Presque entièrement détruite à l’issue de la Seconde Guerre Mondiale, Varsovie plongée dans la modernité du XXIème siècle, achève d’effacer les dernières traces de son passé de violence. Le dépassement de la violence semble un idéal vers lequel tendre mais la violence vécue par cette ville constitue un cas particulier et extrême : à la violence inhérente aux guerres s’est greffé une véritable volonté d’anéantis3 sement de la mémoire, celle de la ville et celle de ses habitants. Génocide et urbicide, ont contribué à créer une dialectique dont l’autre face est le devoir de mémoire mentionné à l’origine par les rescapés des camps de concentration comme devoir d’information. La violence est donc liée à l’effacement des traces sur plusieurs niveaux et ce jusqu’à nos jours : disparition du cadre “historique”, puis abolition d’un passé traumatique et donc partiellement “refoulé” qui peut constituer une violence en soi, car elle achève le processus de discontinuité entamé par la guerre (fig. 1). Varsovie est aujourd’hui une métropole en perpétuelle mutation qui connaît un développement économique et urbain important. Le lien entre les différentes strates historiques et mémorielles est rompu. Cette ville palimpseste, radicalement différente de la ville dont certains gardent encore le souvenir, a-t-elle définitivement enterré son passé ? La ville peut se lire comme une cohabitation de traces. Mais lorsque la trace renvoie à un passé empreint de violence, que ce soit celle subie par les édifices ou celle générée par ces-derniers, sa préservation se double d’enjeux politiques, philosophiques et moraux et acquière une valeur historique et/ou mémorielle. La perpétuation d’une partie des traces de la violence semble nécessaire afin d’objectiver le passé et palier à la défaillance structurelle du souvenir, cependant leur disparition semble tout aussi nécessaire pour permettre au présent d’exister. Cette contradiction est illustrée par l’exemple du mur de Berlin, démantelé dans un premier temps pour émanciper la ville de son passé puis préservé sous forme de vestiges pour en figer le souvenir. Pensée comme un paradoxe, elle trouve généralement sa résolution dans un compromis entre patrimonialisation et table rase. Si la muséification fige les éléments dans le temps et questionne sur leur appropriation, la table rase est aussi une forme de violence car elle vient détruire l’existence d’un objet sans en détruire le souvenir. L’objet de ce travail est de nous extraire de cette dialectique afin de mettre en place d’autres dispositifs qui permettront un mode d’appropriation du passé différent.
3. Le concept d’urbicide a été employé pour la première fois par Bogdan Bogdanovic dans le contexte de la guerre de Yougoslavie comme «meurtre rituel des villes», cf index
p. 13
Fig. 1 Les habitants de Varsovie et la nécessité d’oublier Une habitante se fait photographier dans les ruines de la vieille ville en 1947
p. 14
Les enjeux sous-jacents de cette polarité entre processus de patrimonialisation et table rase sont très bien illustrés par le “conflit de la Börneplatz”.4 En 1985, les fondations de 9 maisons et de deux mikve5sont mis à jour sur la Börneplatz. Ils témoignent de la présence juive à Francfort, car ils sont situés dans le périmètre de l’ancien Judengasse, enclave institutionnalisée6en 1463. La polémique porte sur la préservation des traces, et même au sein des militants, la valeur accordée aux vestiges ne fait pas consensus. Certains y accordent une valeur de témoin historique, d’autres y voient un emblème de l’oppression de la communauté juive. Lors de l’été 1987, la place est occupée par une action citoyenne destinée à empêcher leur démolition. Finalement l’occupation aboutira à un compromis avec les autorités dans lequel les vestiges de cinq maisons et des deux mikves seront préservés et constitués en musée, le Judengassemuseum, tandis que les 4 autres seront recouvertes afin de laisser le champ libre au projet initial. Un mémorial de la Shoah sera inauguré en 1996. Indépendamment de la réponse architecturale apportée, ce qui est frappant avec le conflit de la Börneplatz c’est de constater le paradoxe qui éclaire notre relation aux objets matériels. D‘un côté le principe d’hystéréchronie fait que les objets acquièrent généralement une signification longtemps après. Fréquemment usitée des archéologues, il désigne littéralement le “temps de latence que l’on observe très fréquemment dans l’histoire des sites ou des occupations humaines entre un événement particulier ayant lieu à un moment quelconque du temps et l’effet qu’il provoque par la suite, parfois très longtemps après”.7De l’autre côté le fait que, les vestiges n’ayant pas de signification en eux-mêmes, cette signification donnée par le regard qu’on porte sur eux est la résultante d’une rétrospection du passé et de l’histoire vue depuis notre présent. Ici très explicitement, la valeur de découverte des vestiges de l’enceinte institutionnalisée de 1463 a été impactée par la tournure qu’a prise l’histoire (je fais référence à la Shoah) alors que ces lieux avaient déjà été enfouis et oubliés bien avant la montée du nazisme.8 Qui sait quel avenir aurait connu ces vestiges si l’histoire avait pris une autre tournure ? Peut-être auraient-ils été simplement démolis ? Un autre constat à relever est le surgissement impromptu d’un passé “oublié”, “inconscient” ou encore “refoulé” qui devient un enjeu du présent. Cela s’explique par le fait que ce passé est sans cesse remis en jeu par les éléments matériels (organiques ou minéraux) qui en sont issus et lui ont survécu. La violence du passé peut ainsi être encore active dans le présent comme l’illustre l’exemple de la parution du roman La nuit des juifs vivants.9Publié en 2016 à Varsovie, il ose soulever une “question refoulée”, depuis longtemps disparue de la scène publique ; comment vivre au-dessus des cadavres des quatre cent mille Juifs du ghetto de Varsovie exterminés, soit le tiers de la population de la ville d’alors ?
4. Les informations relatives au conflit de la Börneplatz sont issues du livre de Fritz BACKHAUS, The Frankfurt judengasse : Jewish life in an early modern german city Éditeur scientifique Fritz Backhaus, Vallentine Mitchell, Londres, 2010 5. Les mikve sont des bains rituels utilisés pour les ablutions, ce sont donc des espaces importants au sein d’une communauté juive 6. Le mot «ghetto» apparaît pour la première fois en 1516 à Venise 7. Laurent OLIVIER Le sombre abîme du temps : mémoire et archéologie, Seuil, Paris, 2008, p. 103 8. Les bâtiments ont été démolis et les fondations recouvertes à la fin du XIXème siècle lors d’une opération de table rase
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Fig. 2 «L’actuel» et le «révolu» Schéma du cycle de la mémoire matérielle selon Laurent Olivier
En clair : domaine du visible ; en gris foncé : domaine de l’invisible. Circuit gris clair : trajectoire visible des vestiges ; circuit clair : trajectoire cachée des vestiges Ce qui est utilisé est destiné à finir par être détruit, et enfoui. Ce qui est découvert ne peut l’être que parce qu’il a été enfoui ; c’est-à-dire caché. Ce qui est préservé ne peut l’être que parce qu’il a été découvert. Sa destinée est de finir à son tour par être détruit et enfoui
p. 16
10 “Le passé Ainsi le passé de la ville est-il parfois devant nous, comme le soulevait justement I. Calvino. n’est pas formé seulement de faits déjà passés, mais aussi par des tensions qui déstabilisent le présent et engendrent le futur, ainsi le passé est toujours présent”.11
L’archéologue L. Olivier a formalisé cette relation matérielle au passé qu’il a défini ainsi : “On peut identifier un cycle de la mémoire matérielle (fig. 2), tout au long duquel les témoins matériels sont modifiés, détruits, enfouis et éventuellement (re)découverts pour être préservés comme des témoins 12 Cela l’amène à distindu passé, lesquels pourront à leur tour être détruits et “oubliés” de nouveau.” guer deux temporalités : “l’actuel” et le “révolu” qui sont en fait deux modes d’existence de la matière. “Lorsque ces matériaux sont détruits ou démembrés, leurs restes sont en général rejetés ou enfouis, car ils ont perdu leur capacité d’usage, ou leur identité de témoins. Ils deviennent alors des déchets ou des débris, c’est-à-dire, plus exactement des vestiges. Ceux-ci viennent augmenter la masse considérable de restes du “passé” ou plus précisément du révolu.”13“(…) tout à la fois, les matériaux du présent et du passé sont indistinctement préservés ou détruits dans l’actuel, ou bien ils sont enterrés ou exhumés dans le révolu.” 14
Le paradoxe des objets temporels - traces du passé et mémoire Nous produisons des traces, nous en effaçons. La perpétuation de ces traces nous renvoie à des problématiques d’appartenance comme le montre le «conflit de la Börneplatz». Mais de quelles traces parlons-nous ? Traces de la violence, des traces du passé, traces matérielles ? Qu’est-ce que la trace ? On regroupe souvent les évocations et traces du passé sous le nom générique de “mémoire”. Cette confusion s’explique par le fait que la trace et la mémoire sont donc deux notions sémantiquement proches car générées et définies par la dimension temporelle. La trace, qu’elle soit matérielle ou immatérielle (orale, gestuelle, etc.), est ce qui subsiste du passé dans le présent, tandis que la mémoire est la reconstruction du passé à partir d’éléments du présent. La trace n’est pas une mémoire en soit mais le résultat d’un processus de mémorisation du passé.
9. Igor OSTACHOWICZ La nuit des Juifs-vivants, L’Antilope, Paris, 2016 10. cf la citation p. 12 du présent travail 11. Martin BARBERO La promesa y Bogota, 2005, p. 4 citation et traduction extraite du travail de Luciano di Filippo Conflit et mémoire, à la recherche d’une nouvelle appartenance urbaine dans une enclave de résistance, Paris, 2018, p. 26 12. Laurent OLIVIER Le sombre abîme du temps : mémoire et archéologie, Op. cit., p. 281 13. Ibid, p. 283 14. Ibid, p. 286
p. 17
15. Pierre NORA « La mémoire collective » dans La nouvelle histoire sous la direction de Jacques Le Goff, Retz-CEPL, Paris, 1978, p. 398
La trace est d’abord trace par le regard qu’on porte sur elle, et va permettre la réactivation du passé car ce passé peut trouver un support. La trace interagit avec la mémoire sur deux niveaux. Tout d’abord, notons que la trace catalyse des processus de remémoration. Le processus de remémoration peut prendre deux formes : celle d’un “rappel” (initié par un exercice de la volonté) ou celle d’une “réminiscence” qui correspond au surgissement spontané d’images du passé. Ensuite, la persistance de traces est nécessaire à la transmission du passé auquel elles renvoient, notamment celui partagé par une communauté. Elle se 16. notion théorisée par fait alors support de transmission d’une “mémoire collective” définie comme “Le souvenir, ou l’ensemble Aloïs RIEGL dans son de souvenirs, conscients ou non, d’une expérience vécue et/ou mythifiée par une collectivité vivante de ouvrage Le culte moderne 15 Ainsi les hommes accordent une l’identité dans laquelle le sentiment du passé fait partie intégrante”. des monuments valeur mémorielle aux artefacts susceptibles de leur survivre, valeur qui se matérialise par l’érection de Seuil, Paris, 1984 monuments chargés de perpétuer un système de signes qui fait sens pour la communauté, il s’agit du 17. Tzvetan TODOROV “monument intentionnel”16défini par A. Riegl. Les abus de la mémoire Arléa, 1995, p. 13 18. Ibid. p. 14 19. Laurent OLIVIER Le sombre abîme du temps : mémoire et archéologie, op. cit. p. 200 20. Ibid. p. 200
p. 18
Si la trace constitue un support au moyen duquel réactiver le passé, il est communément admis d’associer la conservation des traces à celle du souvenir. Mais laisser des traces est-ce nécessairement se remémorer et effacer des traces est-ce nécessairement oublier ? Si l’on se réfère à la lecture de T. Todorov, il apparaît que d’une part la conservation systématique des traces aboutit à l’oubli, “La mémoire serait menacée ici, 17d’autre part que le travail de non plus par l’effacement des informations mais par leur surabondance”, mémoire ne peut se faire sans effacement partiel des traces “Conserver sans choisir n’est pas encore un 18 En réalité répondre à cette question s’avère délicat et peu pertinent car le problème, travail de mémoire”. souvent formulé selon cette problématique, est en fait mal posé. Pour le comprendre, il faut mettre en lumière le fonctionnement du temps et donc des objets qui en sont issus comme la trace et la mémoire. Le fonctionnement de la mémoire est paradoxal, dans la mesure où le processus même de mémorisation est directement lié à l’oubli, à la disparition “En fait nous voyons bien que la pérennité du souvenir repose sur l’absence de ce qui n’a pas été enregistré ; fondamentalement la mémoire n’existe que par le manque 19 De même en ce qui concerne la trace : “Ainsi, du côté de l’actuel, ce qui est du passé qui a été perdu.” préservé comme archive ne peut l’être que par la destruction massive des témoins de “l’histoire” de l’actuel (…). De même, du côté du passé révolu - ou de la “préhistoire” de l’actuel-, ce qui est découvert comme vestige ne peut l’être que par l’effacement massif des traces de l’actuel. Les vestiges ne nous sont 20 visibles en tant que tels que par l’immense masse des matériaux qui ne sont pas inscrits dans le sol.”
La conséquence de cette dialectique mémorisation/oubli, conservation/disparition est la vulnérabilité structurelle de la mémoire. La mise en image du souvenir premier suppose une reconstruction du passé, par essence faillible car la mémorisation de l’expérience est sujette à des processus spontanés de disparition et d’oubli. De cette vulnérabilité structurelle, issue du rapport entre l’absence d’une chose souvenue et sa présence sur le mode de la représentation, nait la possibilité de multiples formes d’abus. Dans La mémoire, l’histoire, l’oubli,21P. Ricoeur identifie trois formes d’abus de la mémoire : la mémoire empêchée, la mémoire manipulée et la mémoire obligée. La mémoire empêchée s’apparente à l’incapacité de se souvenir suite à un trauma, la mémoire manipulée renvoie à son instrumentalisation concertée et la mémoire obligée renvoie à l’institution d’un “devoir de mémoire” qui, s’il se fonde sur un droit légitime de recouvrer le passé et permet l’identification des victimes, instaure parallèlement la possibilité d’abus de par sa dimension nominative.
21. Paul RICOEUR «La mémoire obligée» in La mémoire, l’histoire, l’oubli, Seuil, Paris, 2003, pp.
“Une problématique commune court (…) celle de la représentation du passé. Je reste troublée par l’inquiétant spectacle que donne le trop de mémoire ici, le trop d’oubli ailleurs, pour ne rien dire de l’influence des commémorations et des abus de mémoire - et d’oubli. L’idée d’une politique de la juste mé22 moire est à cet égard un de mes thèmes civiques avoués.” Il s’agit donc de faire un “travail de mémoire”. Selon T. Todorov, ce travail est le résultat du recouvrement du passé (réactivation du souvenir) et de son utilisation dans le présent. “Cela rappelé, une première distinction s’impose : celle entre le recouvrement du passé, et son utilisation subséquente. Car il est essentiel de constater qu’aucun automatisme ne relie ces deux gestes : l’exigence de recouvrer le passé, de se souvenir, ne nous dit pas encore quel sera l’usage qu’on en fera ; chacun de ces actes a ses propres caractéristiques et paradoxes.”23“Mais, on peut aussi, et c’est l’hypothèse que je voudrais explorer ici, fonder la critique des usages de la mémoire dans une distinction entre plusieurs formes de réminiscence. L’événement recouvré peut être lu soit de manière 24 littérale, soit de manière exemplaire”. Le mode de restitution du passé va donc orienter ses usages, et l’orienter vers un positionnement juste ou abusif.
22. Paul RICOEUR La mémoire, l’histoire, l’oubli, op. cit. p.
23. Tzvetan TODOROV Les abus de la mémoire op. cit. p. 15 24. ibid. p. 29
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Fig. 3 Les vestiges de guerre dans la ville Vue générale de la Kaiser-Wilhelm-Gedächtniskirche
Fig. 4 Les vestiges de guerre dans la ville Mosaïque dans le hall du mémorial avec craquelures préservées
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La mémorisation du travail du temps dans la matière - la spécificité de la trace habitée Ainsi la problématique centrale est celle de la représentation du passé depuis le présent. La trace matérielle, parce qu’elle constitue à nos yeux ce qui a survécu du passé, va contribuer à le “matérialiser”, et à opérer la reconstruction de son image. Comme le montrera Bergson au tournant du XXème siècle, l’enregistrement des événements du passé est conditionné non pas tant par l’histoire dont ils témoignent que par le support dans lequel ils sont mémorisés : en d’autres termes par la matière. Selon le sculpteur Giuseppe Penone25 : “l’histoire est vivante parce qu’elle est faite de matière, et parce que la matière qui vit, croît. (…) Tout ce qui vit crée de la mémoire qui s’inscrit dans la matière en mouvement, sans cesse décomposée et recomposée.” Il apparaît donc que la nature de la trace et la manière dont elle nous parvient vont jouer un rôle prépondérant sur la perception de ces “événements du passé”. L’exemple du village d’Oradour-sur-Glane, incendié par les nazis et conservé en état dès l’immédiat aprèsguerre pour témoigner de l’horreur de la barbarie en témoigne. Dans une transmission d’une mémoire qui veut survivre à son érosion par le temps et rester inaltérée, surgit le paradoxe d’une matière vivante. Les ruines “violentes”26vont ainsi s’apparenter de plus en plus aux ruines “lentes”26; et sans l’action de l’homme, les traces de la violence sont amenées progressivement à disparaître. “Leur préservation n’est pas autre chose, fondamentalement, qu’un processus d’invention qui tend à fixer le passé qu’on cherche à commémorer à un endroit unique – c’est-à-dire nécessairement fictif – du temps.”27“Quoique nous fassions, ces vestiges du passé vont s’altérer et vieillir : c’est leur manière à eux de demeurer avec nous, d’exister dans notre présent.” 28 C’est donc pour réinscrire dans le présent - par la répétition - le passé dont la perception se transforme et s’altère avec le vieillissement de la matière, que le lieu possède une fonction rituelle et ontologique. Il peut alors devenir l’espace de pratiques commémoratives multiples comme celle de s’y rendre pour tenter de faire le deuil et (ou) comprendre un événement pas toujours appréhendable, pour se l’approprier et pour être capable de transmettre la mémoire à la génération suivante. On peut repérer plusieurs typologies de monuments associées à des pratiques mémorielles distinctes. Elles sont différenciées par la langue allemande : le “Denkmal” se présente tel un objet d’art pour se souvenir, le “Ehrenmal” est le monument qui glorifie une personnalité, une nation ou un événement, enfin, le “Mahnmal” confère une autre notion, celle d’avertissement. Ces typologies vont être mises en œuvre par le langage spatial et l’utilisation qui est faite de la mémoire.
25. cité dans Le sombre abîme du temps : mémoire et archéologie op. cit. p. 264 26. notions théorisées par Antoine LEBLANC dans “La conservation des ruines traumatiques : un marqueur ambigu de l’histoire urbaine” in L’espace géographique, tome 39 Belin, 2010/3, pp. 253-266 27. Laurent OLIVIER Le sombre abîme du temps : mémoire et archéologie, op. cit. p. 91
28. ibid. p. 94
p. 21
29. Antoine LEBLANC “La conservation des ruines traumatiques : un marqueur ambigu de l’histoire urbaine” in L’espace géographique, tome 39 Belin, 2010/3, pp. 253-266 30. Laurent OLIVIER Le sombre abîme du temps : mémoire et archéologie, op. cit. p. 92
Les vestiges de guerre jouent sur un rôle paradoxal dans les processus de remémoration. Comme à Oradour-sur-Glane, la tentation est forte de les figer dans leur état accidenté, le monument rempli alors une fonction d’avertissement qu’A. Leblanc29qualifie de “gestion du risque par la société”. Cependant, figer les vestiges c’est aussi les exclure de la ville en leur refusant tout futur. “Pour conserver Oradour comme mémorial historique, il fallait donc tuer Oradour comme lieu d’occupation humaine, c’est-à-dire le terminer comme site archéologique.”30Cette problématique est illustrée par la Gedächtniskirche dite église du souvenir de Berlin, en partie détruite par les bombardements de 1945 et dont les vestiges, longtemps menacés de démolition, ont finalement été préservés en état et constitués en “Mahnmal” tandis qu’un nouveau projet d’église dessiné par l’architecte E. Eiermann accueillait les usages de l’ancienne sur la même place (fig. 3-4).
E. Eiermann, qui avait à l’origine planifié la démolition des vestiges, décida de les traiter comme “un 31 32 simple souvenir” “et non un mémorial”. Il déclara “Je ne peux donner aucune signification aux vestiges du clocher, je ne peux donc pas les intégrer à la nouvelle église... Je laisse le clocher comme cela... Je ne lui donne pas de nouveau souffle de vie, elle restera morte”.33Comme l’église du souvenir, les vestiges de guerre semblent être pris dans un champ de forces contradictoires. Ou bien ils continuent à matérialiser le message d’avertissement aux générations suivantes et se refusent ainsi à tout futur, figés dans leur aura mortifère. Ou bien ils restaurent une relative continuité avec la ville et réintègrent le temps du présent, qui est un temps vivant, et doivent donc renoncer à se faire support d’une mémoire traumatique. En réalité, ces deux options opposées se construisent sur une construction de la notion du “temps” et des objets 32. cité dans l’ouvrage de qui en sont issus - la mémoire et la trace - qui peut être questionnée et remise en cause. Et c’est par cette Jürgen Döhmann «Egon remise en cause que des dispositifs spatiaux alternatifs peuvent être trouvés permettant un autre mode Eiermann» in GroBe Architekten : Menschen, die d’appropriation du temps et donc du passé. “Nous devons réaliser que cette ruine ne peut perdurer que pour quelques années, et que la nouvelle génération ne pourra pas comprendre ce qui aujourd’hui est un Baugeschichte machten, 5ème édition, Joseph sentiment d’empathie légitime”.34
31. propos d’Egon Eiermann à Otto Barning le 2 Nomvembre 1957 publié dans Egon Eiermann : Briefe des Architekten 1946-1970 Institut für Baugeschichte des Universität Karlesruhe, Stuttgart, 1994, p. 98-99
Kremerskothen, Hamburg 1992, vol.1, p. 111
p. 22
Comment une intervention sur des vestiges de guerre dans la ville de Varsovie peut-elle mettre en place un autre mode d’appropriation du passé ? Comment créer un lieu permettant le recouvrement du passé et orienter son utilisation subséquente ? Comment une architecture peut-elle matérialiser une “politique de la juste mémoire” ? Voilà les questions ambitieuses auxquelles se proposent de répondre ce modeste travail.
Toute la réflexion esquissée dans ce projet s’est construite sur la formulation de trois constats qu’il est bon de rappeler dès à présent et de garder à l’esprit. Ceux-ci procèdent du recoupement de la lecture de plusieurs ouvrages de référence explicités dans le corpus ci-dessous, ils constituent donc l’appropriation de notions déjà étudiées. La recherche qui suit se présente comme un incessant aller-retour entre les diverses problématiques formulées successivement et ces principes de base qui offrent les premiers éléments de réponse. Éléments de réponse et démarche Il s’agit tout d’abord de prendre conscience que le lieu du passé n’est pas le passé lui-même mais bien le présent et lui seul. Ce nouveau chemin est éclairé par la critique radicale de l’approche historique conventionnelle qu’a esquissée le philosophe allemand Walter Benjamin, en particulier dans ses thèses “Sur le 35 concept d’histoire”. L’idée maîtresse de Benjamin est que le présent comme “à-présent” porte en lui la capacité de mettre à tout instant le moment présent en communication avec un moment quelconque du passé. Toutes les potentialités de devenir sont donc réunies dans l’instant présent, dans la mesure où le devenir est aussi un retour sur le passé, comme remémoration du passé ou réévaluation de l’existant. “Benjamin le dit clairement : l’enjeu de cette critique de l’histoire conventionnelle est celui d’une réappropriation de l’histoire qui nous permettrait de sortir de cette situation d’oppression dans laquelle nous tient 36 la répétition des catastrophes collectives de notre temps.”
33. extrait de la réunion du comité tenue le 16 Novembre 1957, KWGK, Berlin 34. propos d’Egon Eiermann à Otto Schmidt, 22 Mars 1957, SAAI Karlsruhe 35. Walter BENJAMIN «Sur le concept d’histoire» dans Œuvres III Collection Folio essais, Gallimard, traduction de Maurice de Gandillac, pp. 427-443 36. Laurent OLIVIER Le sombre abîme du temps : mémoire et archéologie, op. cit., p. 147 37. ibid. pp. 30-31
Ensuite une deuxième prise de conscience s’impose : pour que les constructions matérielles vivent, il faut qu’elles soient sans cesse remaniées (fig. 5). Les créations matérielles - objets, sites, paysages - meurent lorsqu’elles cessent d’être transformées : la transmission du passé, sa continuation matérielle dans le présent passe par son dérangement. “J’ai maintenant le choix : ou bien j’abandonne ces boîtes dans un coin où elles disparaîtront enfin de ma conscience, et dans ce cas je laisse ce reliquaire parfaitement intact ; ou bien je continue à le faire fonctionner comme un objet de mémoire familiale, et dans ce cas je le transforme. (…) En réalité, je n’ai pas d’autre possibilité : si je veux maintenir l’identité de ce reliquaire, je ne peux faire autrement que le modifier, l’altérer, et finalement le détruire. Cela n’a pas d’importance, au contraire, c’est nécessaire. (…) Le passé n’est pas derrière nous, il est devant nous, avec nous : comme le reliquaire de ma mère, c’est un ensemble de vestiges qui se transforme continûment, et l’image que nous nous en faisons se recompose sans cesse, différente et en même temps identique.”37
p. 23
Fig. 5 La réactualisation de la trace : principe de la matière Le théâtre de Marcellus à Rome vers 1880 : depuis le Moyen-Âge obturé et occupé ensemble par des familles patriciennes et des artisans
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38. Tzvetan TODOROV Enfin, il faut s’extraire de la dialectique mémoriser / oublier et cesser de considérer le couple d’action conserver et détruire comme antagoniste. La mémoire est la résultante de ces deux mécanismes conjoints, Les abus de la mémoire op. cit., p. 50 elle est donc une sélection nécessairement orientée. Quels éléments du passé veut-on conserver ? Le récit, comme reconstruction du passé ou mise en image du souvenir, va ainsi prendre une place prépondérante. Il permet de faire de l’expérience vécue par une personne ou une communauté, une expérience partagée. Mais surtout il se charge de rendre les traces intelligibles. “Le travail de l’historien, comme tout travail sur le passé, ne consiste jamais seulement à établir des faits, mais aussi à choisir certains d’entre eux comme étant plus saillants et plus significatifs que d’autres, à les mettre ensuite en relation entre eux ; or ce travail de sélection et de combinaison est nécessairement orienté par la recherche, non pas de la vérité, mais du bien.” 38
Dans une première partie, il s’agira de comprendre le contexte en restituant les enjeux de la réactivation du passé sur le site historique de la rue Walicow. La notion de “mémoire”, essentielle dans ce travail, peut être problématisée selon trois axes se recoupant qui y seront exposés successivement. Les multiples vestiges qui font l’identité du lieu, reflètent aussi son éclatement temporel. La deuxième partie, centrée sur la notion de trace matérielle, expliquera comment la trace dont la signification a été réactualisée peut opérer une réconciliation des temporalités lorsqu’elle prend place dans un nouvel ensemble fonctionnel, par exemple architectural. La troisième partie expliquera comment investir un lieu dont le passé se caractérise par la disparition et le vide qui en résulte. Le vide se propose alors comme support potentiel d’une mise en mémoire, renversant ainsi les processus de fabrication classiques de l’architecture. Enfin il s’agira d’opérer une mise en récit par le langage spatial afin de rendre la signification des traces intelligibles et ainsi permettre un usage du passé par le présent. La mise en place d’une démarche théorique s’appuie sur des dispositifs architecturaux étudiés dans le mémoire “Le vide comme présence de l’absence dans le centre de Varsovie” Le contenu de ce travail s’est basé essentiellement sur le corpus de textes suivants. L’ouvrage Les abus de la mémoire de T. Todorov m’a guidé sur les problématiques complexes mises en jeu par la notion de “mémoire”. Le sombre abîme du temps de L. Olivier constitue la principale œuvre de référence de ce travail. Cet ouvrage m’a apporté le contenu théorique nécessaire pour alimenter une réflexion sur les problématiques extrêmement complexes de “temps”, “traces” et “vestiges” ; et m’a permis de formaliser les interactions qui les unissent. L’ouvrage Présences de l’histoire de M. Lending et P. Zumthor, d’après les projets de P. Zumthor, m’a permis d’exprimer l’articulation entre langage théorique et langage spatial.
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Fig. 6 Champ de définition de la « mémoire » Document personnel
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Pierre Nora Des lieux pour l’histoire
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Paul Ricoeur La mémoire, l’histoire l’oubli
MÉMOIRE
Rapport du présent au passé Distinction souvenir
Maurice Halbwachs La mémoire collective
L’ouvrage Les villes invisibles d’I. Calvino a su apporté à ce travail la dimension personnelle et poétique qui lui manquait. Recommandations au lecteur Dans ce travail nous préférerons au terme “mémoire” les termes contextualisés et plus techniques de “processus de remémoration”, “réminiscence”, “rappel”, “souvenir”, etc. La problématique très large de la “mémoire” sera approchée selon trois axes (fig. 6) : la distinction de l’histoire et de la mémoire, l’articulation de l’individuel et du collectif, et le rapport du présent au passé. Toute réflexion sur la mémoire suppose non de trancher entre ces différentes approches, mais de considérer qu’elles ont toutes à être explicitées parce qu’elles commandent les diverses constructions de l’objet mémoire. Ces trois axes constitueront donc les fils directeurs respectifs des trois sous-parties du premier volet de notre recherche.
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http://mapa.um.warszawa.pl/mapaApp1/mapa?service=mapa_his...
City of Warsaw - Historical Warsaw Fig. 7 Vues aériennes de la ville de Varsovie en 1935 Source tirée du site internet http://mapa.um.warszawa. pl, éch. 1/32000
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http://mapa.um.warszawa.pl/mapaApp1/mapa?service=mapa_his...
City of Warsaw - Historical Warsaw Fig. 8 Vues aériennes de la ville de Varsovie en 1945 Source tirée du site internet http://mapa.um.warszawa. pl, éch. 1/32000
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Fig. 9 Le site dans son état actuel Photo du mur pignon de l’immeuble n°14 rue Walicow (Juin 2019)
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Comprendre l’existant - les enjeux de la réactivation du passé Quels sont les enjeux de la réactivation du passé dans la ville de Varsovie ?
Le “Kamienico” (fig. 9), vieil immeuble désaffecté de la rue Walicow, aura survécu à la destruction du ghetto, à l’assaut d’un commando SS, à la table-rase du modernisme mais aura failli finir terrassé par les coups de pelleteuses. Les vestiges, dont la destruction était programmée, ont été sauvés in extremis par l’action des habitants de la ville. Comme dans le cas de la du “conflit de la Börneplatz”, les vestiges ont mobilisé la population tantôt pour leur “valeur historique” tantôt pour leur valeur dans des processus de remémoration d’un passé douloureux qui ne doit plus être nié. Le passé qu’on pensait appartenir au “révolu”, enfoui, voir refoulé donc inconscient, resurgit ainsi dans “l’actuel”, le temps de construction de la ville. Ainsi la préservation de l’ensemble des vestiges de la rue Walicow dont l’immeuble n°14 - surnommé affectivement “Kamienico” par les habitants - constitue la figure la plus emblématique, pose implicitement la question suivante : quels sont les enjeux de la réactivation du passé dans la ville de Varsovie ?
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A/ La distinction entre histoire et mémoire Quelle valeur accorder aux vestiges de la rue Walicow ? 1) la mobilisation autour des vestiges de l’immeuble n°14 rue Walicow 1. les informations relatives à la préservation du Kamieniko sont issues de deux articles parus dans Metro Warszawa
En 2015, l’inspecteur de supervision de la construction de Poviat décide que l’immeuble n°14 de la rue 1 Walicow n’est ni adapté à l’usage, ni à la rénovation, et ordonne sa démolition dans les 12 prochains mois. Les activistes urbains interviennent rapidement. Des militants du groupe “Kamien i co”, soutenus par des anciens résidents, réussissent à convaincre les autorités que le bâtiment doit être entièrement protégé. Pour ce faire, ils publient une pétition signée par près de 2 000 personnes, et font connaître l’affaire en 2. HALBWACHS Maurice contactant un conservateur, un bureau de district et même le président de la ville. En mars 2018 le n°14 La mémoire collective, rue Waliców - ainsi que les bâtiments voisins - est inscrit au registre des monuments, approuvé par le Albin Michel, Paris, 1997 conservateur des monuments de la voïvodie de Mazowiecki. La même année, en septembre, la sécurisation du bâtiment commence, en attendant sa rénovation.
3. Laurent OLIVIER Le sombre abîme du temps : mémoire et archéologie, op. cit. p. 254
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Pour comprendre l’engouement autour du n°14, il faut d’abord expliquer qu’il contient intrinsèquement un ensemble de signes relatifs à l’urbicide et au génocide de la Seconde Guerre Mondiale, signes dont la préservation fait aujourd’hui sens pour une partie des habitants. Ceux-ci associent volontiers la préservation des murs du Kamieniko à celle de souvenirs d’un passé commun, c’est-à-dire qu’ils lui accordent une “valeur de remémoration”. “En réalité, pour expliquer ces dispositifs cérébraux, il faut les mettre en relation avec des mécanismes correspondants, symétriques ou complémentaires, qui fonctionnent dans d’autres cerveaux, chez d’autres hommes. Bien plus, une telle correspondance n’a pu être réalisée que parce qu’il s’établit un accord entre ces hommes : mais un tel accord suppose la création conventionnelle d’un système de symboles ou signes matériels, dont la signification est bien définie (…) Toute une partie 2 de leurs souvenirs ne se conservent que sous cette forme, c’est-à-dire hors d’eux,” L’immeuble est ainsi devenu officieusement un monument. Il endosse désormais le rôle de structure identitaire du territoire pour une partie de la population, c’est-à-dire qu’il met en jeu des sentiments d’appartenance. “Car il faut bien en effet qu’une identité quelconque soit attribuée au passé lorsqu’on crée quelque 3 chose de nouveau à partir de lui”.
Héritage d’un passé violenté qui nous est parvenu, ce lieu joue un rôle dans la “patrimonialisation du crime”4dans la ville de Varsovie, qui par l’identification des victimes et des bourreaux, participe au “devoir de mémoire” évoqué dans l’introduction. A l’heure actuelle, où nous n’avons plus à faire à nos propres souvenirs mais à ceux des générations qui nous ont précédé, quel sens a encore cette appartenance comme l'explique justement T. Todorov ? “le passage du temps fait que nous avons de moins en moins affaire aux victimes et aux bourreaux réels, les groupes qui, pour des raisons d’appartenance nationale ou idéologique, se reconnaissent serait-ce inconsciemment, dans l’un ou l’autre rôle”. 5 Ainsi le “travail de mémoire” passe par une réinterprétation collective du passé qui ne peut se contenter de la conservation de la matière du passé mais doit aussi le réinvestir dans son aspect symbolique. Dans nos sociétés occidentales contemporaines, ce recours à la matérialité des lieux a tendance à prendre le pas sur les usages symboliques des mémoires. Ainsi l’historien H. Rousso, spécialiste de la Seconde Guerre Mondiale, dénonce «(la) patrimonialisation du crime et la constitution d’une mémoire négative : (…), où tout lieu lié à l’histoire traumatique du siècle se doit d’être conservé, comme si le souvenir ne pouvait s’incarner que dans sa dimension matérielle, patrimoniale, et non plus dans le registre symbolique.» 6 Quels sont les signes portés par le lieu ? Quelles correspondances historiques ? Qu’est ce qui fait sens pour les habitants ? 2) vestiges et correspondances historiques Pourquoi une telle mobilisation autour d’un vieil immeuble ? Selon le Conservateur des monuments en charge en 2013, l’immeuble de la rue Waliców n’avait alors “pas de valeur historique spéciale”.7 Par décision du 26 juillet, MWKZ a, à ce titre, refusé d’engager une procédure concernant l’inscription au registre des monuments, comme l’a confirmé le porte-parole Agnieszka Żukowska. Bien que l’on puisse s’interroger sur les raisons de ce refus, le conservateur alors en charge n’avait pas tort dans le sens que les vestiges ne contiennent pas de significations en eux même. Une idée peu fondée et très répandue est de considérer les objets persistants comme des conteneurs d’histoire. En vérité, leur pouvoir d’évocation tient simplement au regard que nous portons sur leur réalité physique. Il s’agit donc de dégager les correspondances entre événements historiques et les signes restitués par la matérialité du site de la rue Walicow qui, elles, peuvent être porteuses de sens.
4. terme repris par Henry ROUSSO, entretien donné au journal Le Monde le 27 novembre 2001, à l’occasion des XII° entretiens du patrimoine. 5. Tzvetan TODOROV Les abus de la mémoire op. cit., p. 40 6. Henry ROUSSO entretien donné au journal Le Monde le 27 novembre 2001, à l’occasion des XII° entretiens du patrimoine.
7. les informations relatives à la préservation du Kamieniko sont issues de deux articles parus dans Metro Warszawa
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Walicow n°14
Fig. 10 Photo du peloton «Agaton» patrouillant aux alentours des ruines du petit ghetto Photo prise par l’officier Stefan Baluk pendant l’insurrection de 1944 Fig. 11 Le mur-barricade du N°14 «Kamienico» aujourd’hui emblématique Élévation de la façade Nord dans l’état actuel, éch. 1/500 Document personnel (2019)
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Ex délimitation du ghetto
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7 Jung Façade de la brasserie
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Muranow Nowolipki 2 Fig. 12 La délimitation de la rue Walicow par le mur du ghetto Photo d’archives Fig. 13 Le linéaire de façade de la rue Walicow évoque un palimpseste Élévation Ouest de la rue Walicow, éch. 1/500
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Fig. 14 La façade de la brasserie Jung, ex-délimitation du ghetto, aujourd’hui intégrée à un immeuble de logement Élévation de la façade de l’ex brasserie Jung rue Walicow, éch. 1/250 6
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Façade de la brasserie Jung
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Fondations de bâtiments de type rural
City of Warsaw - Historical Warsaw
Fig. 15 Vue aérienne de la ville de Varsovie en 1945 Source tirée du site internet http://mapa.um.warszawa. pl, éch. 1/2000 Fig. 16 Le sol «archéologique» du centre de Varsovie Plan des fondations potenriellement enfouies entre 1m et 2m au-dessous du niveau de la rue, éch. libre
Fig. 17 La disparition d’un des immeubles à cour Élévation Sud depuis la rue Ichokka Lejba Pereca, éch. 1/500
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Fondations d’immeuble à cour
Fondations d’immeuble à cour
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L’insurrection de la ville et le Kamienico 8. les informations relatives à la préservation du Kamieniko sont issues de deux articles parus dans Metro Warszawa
Le Kamienico est le surnom affectif donné à l’immeuble n°14 rue Walicow (nom donné à un petit immeuble en langue polonaise). Construit en 1893 et caractéristique des immeubles à cour de l’urbanisation de l’ère industrielle, il devient l’un des principaux points de défense de la Pologne lors de l’insurrection de Varsovie (fig.10), le mur aveugle faisant office de barricade (fig.11). Un souvenir raconte que le 24 sep8 tembre 1944, l’infanterie allemande appuyée par deux chars d’assaut a attaqué l’immeuble. L’attaque a 9 9. Le goliath utilisé par la été précédée par un «goliath», dont l’explosion a détruit l’avant du bâtiment qui a gardé sa forme acciWehrmacht pendant la dentée depuis. Les impacts de balle sont encore visibles sur les façades. Inoccupé depuis plusieurs années seconde guerre mondiale, est un appareil téléguidé car menaçant de s’effondrer, il est sauvé de la destruction par une mobilisation citoyenne et classé à la liste des monuments historiques. Une fresque - probablement inspirée du film Le ballon rouge d’Albert destiné à acheminer des charges explosives Lamorisse - ainsi qu’une plaque commémorative, remémorent le passé du bâtiment. (cf deux articles de Metro Warszawa traduits en annexe p. ) 10. les chiffre sont tirés de l’ouvrage de Matthieu GILLABERT et Fanny VAUCHER Varsovie Métropole, Histoire d’une capitale (1862 à nos jours) Editions Noir sur Blanc, Varsovie, 2016
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L’histoire du génocide et les traces du mur En 1941, la rue Walicow est partiellement intégrée dans la zone du ghetto de Varsovie. Plus grand ghetto d’Europe, il totalise 3km2 répartis en deux zones communiquant par un pont. L’institution du ghetto constitue la première étape d’un processus d’extermination. Celui-ci est progressivement “évacué” vers le camp d’extermination de Treblinka jusqu’à sa “liquidation” totale en 1943 qui aboutit à l’insurrection dite “insurrection du ghetto”. On estime qu’environ 400 00010juifs de Varsovie ont trouvé la mort pendant la guerre. L’enfermement se matérialise par un mur de 3m de haut aujourd’hui totalement disparu à l’exception de 2 fragments. Celui-ci partage alors la rue Walicow en deux (fig.12) : le côté des numéros pairs est intégré au petit ghetto, la délimitation se repliant à l’intérieur de l’îlot pour exclure l’usine qui jouxtait les bâtiments d’habitation (cf plan en annexe p. ). Du côté ghetto, les conditions des habitants sont extrêmes (promiscuité, famine, maladies, fusillades, etc.). Dans l’immeuble n°14, certains appartements sont occupés par 14 personnes à la fois. Le dispositif d’enfermement est complété par l’intégration de façades d’édifices, murées pour l’occasion. C’est le cas de la façade de l’ex brasserie Jung, toujours existante, aujourd’hui intégrée dans la façade d’une grosse opération de logement fraîchement sortie de terre (fig.13)
L’histoire de l’urbicide et l’épaisseur du sol “archéologique” En 1944, Hitler ordonne la destruction de Varsovie. “La Wehrmacht mettra à exécution l’ordre de Hitler de “pacifier (la ville), c’est-à-dire de raser Varsovie jusqu’au niveau de la terre tant qu’elle continuerait le 11 combat” et d’en déporter la population.” Au sortir de la guerre 85% du tissu du centre est détruit. La ville nouvelle est construite sur les remblais des décombres de l’ancienne, décombres aussi incorporés dans la construction de nouveaux édifices. Comme l’écrira Jozef Sigalin, nommé architecte en chef de Varsovie en 1951, à propos de la reconstruction de la zone du grand ghetto : “Toute cette place, ces trottoirs, ces chaussées, sont bâtis sur une “pierre tombale” posée sur les fondations de caves et d’immeubles où, auparavant, vécurent des milliers de personnes. C’est une vérité que nous autres, les plus âgés, ne sauront 12 oublier”. Sur la photo aérienne de 1945 (fig.15), il apparaît que les immeubles n°10, 12 et le n°14 (endommagé) subsistent alors que les bâtisses adjacentes ne possèdent plus que les fondations. Les terrains sont laissés en friche depuis 1945. Le sol étant resté intact, l’hypothèse que les fondations existent toujours semble plausible ; elles sont probablement enfouies entre 1 et 2 m du niveau actuel. Ainsi “Les vestiges exhumés sont ainsi des indices pour les archéologues et les historiens qui savent les faire parler en faisant des correspondances avec des faits historiques. Ceux-ci ne sont pourtant pas “contenus” dans la trace laissée, mais sont des hypothèses de scénario d’un passé, construites par recoupements d’informations : observer un point précis ne révèle que la matière hétérogène du sol constituée de ruines enchevêtrées. Leur donner un sens nécessite d’en établir un contexte beaucoup plus vaste. Ainsi, sans l’intervention d’une interprétation permettant de les distinguer et de les valoriser, ils restent à l’état de matériaux et en ce cas demeurent propres à leur réemploi par les générations successives.”13Quel est donc ce contexte beaucoup plus vaste ?
11. les chiffre sont tirés de l’ouvrage d’Ewa BÉRARD et Corinne JACQUAND Architectures au-delà du mur, 1989-2009, Berlin-Varsovie-Moscou Editions A. et J. Picard, Paris, 2009 12. citation de Jozef SIGALIN tirée de l’ouvrage d’Ewa BÉRARD et Corinne JACQUAND Architectures au-delà du mur, 1989-2009, Berlin-Varsovie-Moscou op. cit. 13. Madeleine MOREAU DE BELLAING Le volume d’une ville change plus vite que le cœur d’un mortel Mémoire de deuxième cycle, ENSA Paris-Val de Seine, Paris, 2019, p. 47
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Fig. 18 Carte du centre de Varsovie
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La vieille ville
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Composition du jardin et du palais de Saxe
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Palais de la culture et des Sciences
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Etude des trois îlots de l’opération Za Zelazna Brama
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Opération du quartier Muranow - Nowolipki
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Opération du quartier MDM
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Périmètre de l’ancien ghetto
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B/ Le rapport du présent au passé L’ensemble de vestiges de la rue Walicow peut-il réintégrer l’ «actuel» ? 1) les conflit des temporalités Pour comprendre comment histoire et traces du passé s’entremêlent et se font écho sur le site, il faut établir un contexte plus vaste, par exemple en ouvrant le champ d’étude à l’évolution des trois îlots bordant 14 la rue Walicow (fig.18, zone 4). Les documents produits sont issus des cartes de 1768, de 1891, de 1936, ainsi que de photos aériennes couvrant la période de 1945 à nos jours. Situés à proximité du palais de la culture et de la gare centrale, ces îlots sont particulièrement représentatifs des discontinuités du tissu résultant des fractures historiques. Bien qu’il faille identifier les vagues de destructions et de reconstructions pour comprendre les liens qui unissent les vestiges de la rue Walicow avec l’histoire collective, l’histoire de la reconstruction de Varsovie n’est pas en soi le propos. Les faits historiques seront exposés de manière succincte, (cf frise chronologique en annexe p. ? pour tout complément d’informations)
14. les informations relatives à l’histoire de la ville sont tirées de l’ouvrage d’Ewa BÉRARD et Corinne JACQUAND Architectures au-delà du mur, 1989-2009, Berlin-Varsovie-Moscou Editions A. et J. Picard, Paris, 2009
Carte 1768 : la “vieille ville” au milieu de champs En 1768 Varsovie est encore largement contenue dans l’enceinte du noyau historique du XVème siècle, appelé vieille ville, situé sur la rive gauche de la Vistule. Dans la vielle ville, le tissu est dense ; aux alentours il est épars, constitué essentiellement de fermes. Déjà une nouvelle polarité semble s’esquisser au sud des remparts, autour du palais de Saxe et de son imposant parc dont les dimensions rivalisent presque avec celles du centre-ville. Notre périmètre d’étude, intégré en 1794 à Varsovie, se situe aux portes de la limite administrative. Si le tracé viaire est déjà présent ou esquissé par le découpage parcellaire des champs, le périmètre n’est pas encore bâti, mais prendra rapidement un caractère agricole et industriel notamment avec l’installation de brasseries. Carte 1891 : constitution du tissu urbain et nouvelle centralité (fig.19) La deuxième moitié du XIXème marque le début de l’exode rural. Les opérations de lotissement se substituent peu à peu au tissu agraire. Aux alentours de la vielle ville, des îlots entiers sortent de terre constituant un tissu très dense, relativement homogène et aux rues relativement étroites. Ils déplacent avec eux le centre de gravité de la ville. La gare reliant Vienne à Varsovie est inaugurée en 1845 au croisement des
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15. Ewa BÉRARD et Corinne JACQUAND Architectures au-delà du mur, 1989-2009, Berlin-Varsovie-Moscou Op. cit. p.
avenues Jerozolimskie et Marszalkowska, à proximité du palais de Saxe. Appelée grande croisée, cette intersection marquera l’épicentre d’une nouvelle centralité. Dans notre périmètre d’étude, les trois îlots restent partiellement occupés par des terrains agricoles et des jardins, mais on peut constater l’émergence d’immeubles de rapport, dont la typologie diffère de celle des bâtisses de la vieille ville.
Carte 1936 : paroxysme de la densité et de l’insalubrité (fig.20) Dès le début du XXème la densification et la salubrité de la ville deviennent des préoccupations majeures pour les autorités. Depuis les années 1880, le développement de Varsovie était entravé par l’édification d’un système de forts, comprenant une vaste zone non aedificandi, et par la présence de grands domaines agricoles. En 1914, avec 885 000 habitants, Varsovie souffre déjà d’une densité inégalée qui atteindra son 17. La résistance défendant le secteur ne rendra point culminant vers 1930, et d’un manque d’infrastructures. Dans notre périmètre d’étude, nous pouvons les armes que le jour de la observer la densification par opérations de lotissement qui produisent une typologie d’immeubles typique capitulation de Varsovie : immeubles à cour de 5 niveaux avec logements traversants et escaliers en angle, sur des parcelles étroites et profondes. Les trois îlots sont situés dans le nouveau quartier commerçant qui, suite aux pogroms de Russie de 1915, accueille désormais la plus grande communauté juive d’Europe. L’installation de cette population dans les faubourgs achèvera de déplacer le centre de la ville vers la grande croisée. 16. Certaines usines situées en coeur d’ilôt seront cependant exclues de la zone du ghetto par SS
La seconde guerre mondiale (1939 – 1945) : l’urbicide Durant la seconde guerre mondiale, la ville connait plusieurs phases de destructions. L’arrivée des allemands dans la ville en 1939 initie les premières destructions. Elles seront suivies de celles générées par l’insurrection du ghetto au printemps 1943, où les 2 km2 du grand ghetto seront rayés de la carte par les SS, puis par celles du soulèvement de Varsovie en août/septembre 1944, qui se soldera par l’incendie volontaire et de la démolition planifiée de la ville par les forces spéciales de l’armée allemande d’octobre à décembre 1944. A la libération mi-janvier 1945, on ne comptera plus à Varsovie, sur la rive droite que 116 000 habitants et 25% du bâti ; sur la rive gauche centrale, il ne restera que 15% du bâti et pratiquement pas d’habitants. “Ponts, transports, industries – tout avait été bombardé, brûlé, plus rien ne fonctionnait. La ville était vide.”15De novembre 1940 à 1942 les trois îlots sont partiellement intégrés au petit ghetto16 (fig. X). Lors de l’insurrection de Varsovie en Août 1944, ce secteur sera l’un des derniers à résister. 17 p. 44
L’ère communiste (1949-1989) : la reconstruction et l’inversion du rapport vide-plein Le totalitarisme soviétique en matière d’aménagement urbain s’exprime à partir de 1949, conséquence du virage politique de Janvier 1949. En 1950, la “municipalisation” des terrains de la ville effectuée dès
1945 se mue en nationalisation via le décret Bierut. En 1949, le réalisme socialiste est proclamé unique architecture du régime, et le plan communiste dit de “six ans” se substitue au “Plan de reconstruction de Varsovie” de trois ans du BOS adopté en 1947. A Varsovie et à Berlin, c’est l’option de la reconstruction sur la table-rase qui l’emporte, à l’exception de la vielle ville reconstruite “à l’identique” dès 1947. Des immeubles incendiés mais aux murs préservés seront rasés, des tracés de rues effacés. Sur notre périmètre d’étude, peu de bâtiments ont survécu jusqu’aux années 1960. La région est restée en ruine pendant longtemps, recevant le nom de Wild West. Le quartier sera choisi pour l’implantation d’une opération phare du gouvernement. Livré en 1972 comme un ensemble de 19 barres de 420 logements, Za Zelazna Brama reste aujourd’hui une des opérations les plus emblématiques de la période communiste. Le projet se veut une réinterprétation de l’unité d’habitation de Le Corbusier. L’apport de la modernité (1989 - ... ) : (fig.21) La chute du bloc de l’URSS a marqué le début de nouveaux mécanismes à l’œuvre dans la fabrique de la ville. Après Berlin, Varsovie est devenue le plus grand chantier d’Europe, et les grues dans le ciel de la ville, le signe de sa transformation structurelle. La ville se dote dès 1992 d’un nouveau plan d’urbanisme. Des règles d’urbanisme très générales limitent alors de façon minimale les investissements sur les terrains privés ; la notion d’intérêt public, surexploitée et dévalorisée sous l’ancien régime, disparaît pratiquement du vocabulaire de la politique locale et de la gestion de l’espace. La permissivité des taxes foncières favorise le gel de terrains du centre, laissés vides et affectés à des usages transitoires (parkings, stations de lavage de voiture ou lieux de stockage, entourés de palissade en tôle.). Sur nos trois îlots, les parkings totalisent les 2/3 d’occupation du sol, conséquence de l’essor exponentiel de la mobilité automobile de l’après-communisme. Ulrich Beck, professeur de sociologie à l’université de Munich et à la London School of Economics, a reconnu que son séjour à Varsovie avait eu une importance particulière pour le développement de sa pensée sur la “société du nouveau risque”.18Il écrit : “La société du risque est en réalité une société détraditionnalisée, à savoir une société où la tradition a non seulement perdu son évidence, mais a été brisée. Ceci peut se traduire de différentes manières (…). En Pologne, ce phénomène eut lieu en raison même de son destin pendant la Seconde Guerre Mondiale, des destructions visibles dans Varsovie même, de la mort de groupes entiers de la population dont la tradition a entièrement disparu. La soumission du pays en l’idéologie communiste fut une étape suivante dans l’effacement de la mémoire. On peut l’observer ne serait-ce que sur l’exemple de l’architecture dans ses nombreuses brisures, dans la muséification de la
18. Ulrich BECK Risiko Gesellschaft (La société du risque) Suhrkamp, Berlin, 1986
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Muranow Nowolipki 2 Fig. 19-20-21 Evolution de trois îlots du centre de 1891 à nos jours Cartes réalisées depuis des cartes de 1891, 1936, 2018, éch. 1/4000 Documents personnels (2018)
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p. 47
19. expression utilisée par Françoise CHOAY dans son ouvrage Le patrimoine en questions, Anthologie pour un combat Seuil, Paris, 2009
Vieille Ville reconstruite comme musée et non pas comme une tradition vivante. Cette confusion, où des bâtiments communistes rivalisent avec bâtiments postmodernistes, sans parler du palais stalinien, forme une mosaïque postmoderniste. Mais on peut aussi remarquer une autre forme de détraditionnalisation, orientée vers l’avenir. D’un côté, des destructions, de l’autre une ouverture à une nouvelle réalité. Une telle ambivalence, je ne l’ai jamais vu nulle part ailleurs”.
20. Tzvetan TODOROV Les abus de la mémoire op. cit. p. 33
2) la continuité du passé dans le présent
21. Françoise CHOAY dans son ouvrage Le patrimoine en questions, Anthologie pour un combat Op. cit. p. 62
p. 48
Ainsi le site de la rue Walicow témoigne d’une certaine violence à l’œuvre depuis la 2nde guerre mondiale des rapports entre passé, présent et futur. Il est, jusqu’à sa préservation en 2018, la résultante d’un positionnement de négation des traces du passé qui aboutit à la constitution d’un palimpseste, chaque couche matérielle étant générée “sur” l’effacement des précédentes. Mais aujourd’hui, les habitants se ressaisissent de ce passé et revendiquent le lieu comme patrimoine de guerre associé aussi bien à un lieu de combats mythiques qu’à un lieu d’exactions. Il y a ainsi un basculement de la hiérarchie des registres 19 de temporalité, et apparaît par conséquent le risque d’un positionnement opposé : la “fétichisation” du passé, c’est-à-dire la soumission du présent au passé. La dérive dans un rapport au passé, désormais autoritaire et tout-puissant, est dénoncée aussi bien dans les processus de remémoration que dans ceux de patrimonialisation. La conséquence est une stérilisation de la mémoire et du patrimoine édifié. Rendre la mémoire stérile, c’est en faire abus ou mauvais usage. “Tous ont le droit de recouvrer leur passé, certes, mais il n’y a pas lieu d’ériger un culte de la mémoire pour la mémoire ; sacraliser la mémoire est une autre manière de la rendre stérile. Une fois le passé rétabli, on doit s’interroger : de quelle manière s’en servira-t-on, et dans quel but ?”20Un des risques d’abus ainsi pointé par T. Todorov est la concurrence victimaire, chaque groupe revendiquant la primauté du tragique en demandant une dette éternelle à la société. Ce phénomène est particulièrement présent quand un événement ou un lieu participe à plusieurs mémoires revendiquées par des groupes différents comme c’est le cas sur le lieu d’étude. Parallèlement, Françoise Choay dénonce une muséification qui fige l’identité des lieux. “Muséification, dysneylandisation, 21 pastiches sont les signes d’une stérilisation progressive”. Dans son analyse, l’obsession qui caractérise notre époque pour le patrimoine édifié viendrait de la perte de notre “capacité d’édifier” dont la muséification est l’un des symptômes. Cette capacité d’édifier est qualifiée d’acte de “refondation de l’identité”, il s’agit de s’accorder sur le passé, dans une nouvelle interprétation.
L’enjeu de la continuité du passé dans le présent devient ainsi primordial. Car “l’actuel n’est pas seulement ce qui est en train d’arriver en ce moment même mais au contraire ce qui se produit depuis toujours : c’est le vieillissement de la matière, l’usure de lieux, l’empreinte du corps dans l’espace : en bref l’effet de la vie sans cesse recommencée qui prend forme dans le présent sous nos yeux, comme dans tous les présents qui nous ont succédé et tous ceux qui viendront après”22 Ainsi quelle(s) continuité(s) pouvons-nous établir entre passé et présent ? Avec l’exemple du reliquaire, L. Olivier donne un élément de réponse : il faut le faire “fonctionner comme un objet de mémoire familiale”, c’est-à-dire établir une continuité par l’usage. Cette idée est d’ailleurs corroborée par l’exemple de la préservation des deux derniers vestiges du mur du ghetto de Varsovie. Ceux-ci ont subsisté au démantèlement car ils se trouvaient alors en limite séparative de propriété, ils avaient donc trouvé une nouvelle fonction à une époque où les habitants ne leur accordaient aucune valeur (historique ou “mémorielle”).
22. Laurent OLIVIER Le sombre abîme du temps : mémoire et archéologie, op. cit. pp. 154-155 23. formulation d’Ulrich BECK dans son ouvrage Risiko Gesellschaft (La société du risque) Op. cit.
L’établissement d’un lien avec le passé passe donc par l’usage. Mais comment créer une continuité d’usage avec un ensemble épars de traces dans une société «détraditionnalisée” ?23Plusieurs scénarios s’offrent. Le premier est de restaurer les anciennes fonctions du lieu (habitat) en opérant la remise aux normes des immeubles encore debout. Plusieurs objections : la première et pas des moindres : ce scénario amoindrirait le caractère d’exception du lieu. Si le lieu réincorpore le tissu ordinaire de la ville dont il a été momentanément exclu, quel statut peut-il revendiquer ? La deuxième est la question du sens : quel sens cela aurait quand les manière d’habiter ont considérablement évolué ? Un autre scénario consiste à venir investir le lieu par de “nouveaux usages adaptés à la demande sociétale contemporaine”, par exemple par des programmes en résonnance avec l’histoire du lieu. Il y aurait donc création d’une correspondance voire concordance entre l’usage symbolique du lieu, c’est-à-dire la fonction qu’il remplit dans l’imaginaire collectif, et son usage fonctionnel. Après une étude approfondie, des programmes regroupés en trois pôles thématiques peuvent être proposés. Le premier pôle - l’unité de recherche sur la ville de Varsovie – se proposerait comme le regroupement d’un centre des archives nationales de la reconstruction de la ville - classées au patrimoine de l’unesco -, d’une bibliothèque spécialisée sur l’histoire de Varsovie et d’une unité de recherche d’urbanisme. Le deuxième pôle serait constitué des trois anciens immeubles d’habitation, respectivement les n°10,12 et 14 aujourd’hui inhabités, qui feront l’objet d’une intervention spécifique. Leurs affectations respectives seront définies ultérieurement. Le troisième pôle serait un espace centré autour de la thématique du “droit de mémoire” qui offrirait des espaces de recueillement -inexistants dans la ville- associés à une retrospective.
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24. Madeleine MOREAU DE BELLAING Le volume d’une ville change plus vite que le cœur d’un mortel Mémoire de deuxième cycle, ENSA Paris-Val de Seine, Paris, 2019, p. 47
Ensuite, il faut noter que cet usage ne peut pas se contenter d’être seulement de l’ordre fonctionnel, il doit aussi remplir un usage social comme le relève M. De Bellaing. “Si au cours de sa vie première, un édifice répondait à un usage social précis et portait une signification aux yeux de ses contemporains, il n’en reste, par définition, que sa forme et l’émotion esthétique qu’elle dégage. Pour cette raison, l’intégrer à la ville vécue relève de la création de continuités entre son époque et la nôtre. Réduit à un état historique matériel, une continuité peut être établie en le rendant de nouveau signifiant, symbolique et fonctionnel 24 dans la vie urbaine.” Ainsi, chaque pôle mettra en place un rapport au temps ainsi qu’un “usage symbolique de la mémoire” spécifique qui rempliront des fonctions distinctes dans l’espace social. Ces programmes doivent donc être articulés justement avec l’espace social dans lequel ils s‘insèrent, c’est-à-dire la ville.
C/ L’articulation de l’individuel et du collectif Comment l’ensemble de vestiges de la rue Walicow peut-il tisser une nouvelle relation avec la ville ? 1) du musée à l’espace public
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F. Choay dénonçait les dérives de la muséification que sont “la consommation du patrimoine mémoriel”, voir dans sa forme la plus extrême la marchandisation. Ce constat est particulièrement pertinent en Pologne où s’est opéré ces dernières années un basculement du rapport au passé. D’un côté, les monuments relevant de la “patrimonialisation du crime” ont ainsi pu développer une véritable activité lucrative et organisent la consommation d’une mémoire mercantilisée. On peut notamment parler des processus de remémoration mis en jeu au musée-mémorial d’Auschwitz-Birkenau. De l’autre côté, la (sur)valorisation d’un devoir de mémoire normatif conjuguée aux effets de la globalisation, incitent les personnes à s’adonner au “tourisme” mémoriel. Souvent en lien avec l’histoire de l’holocauste, on a donc vu se développer des circuits touristiques sur le thème de “mémoire” qui proposent les visites cumulées des plus importants “lieux de mémoire” du pays, Varsovie y occupant une place privilégiée. La “patrimonialisation du crime”, à l’origine légitime, peut ainsi être dévoyée ce qui aurait pour effet pervers de figer l’identité des polonais dans une posture d’éternelles victimes.
Maya Szymanowska - journaliste - réalise actuellement un court-métrage Quartier Nord ou l’archéologie de l’absence qui recherche les traces du passé dans le quartier de Muranow construit sur les décombres du ghetto. Elle écrit “En m’installant à Varsovie en 1999, j’ai longtemps habité à la limite de la vieille ville, sur la frontière de l’ancien ghetto. (…) Quelque chose clochait dans l’agencement trop symétrique des rues, dans quelques vallons incongrus pointant entre les immeubles parfaitement alignés. Je connaissais, des cours d’histoire, le récit de l’insurrection et de la destruction totale du ghetto réalisée avec méthode par les Allemands, mais je ne savais pas qu’en cherchant mon pain le matin, je marchais sur un charnier, qu’une ville a été ensevelie ici, recouverte par la ville nouvelle. (…) Je n’étais pas la seule à prendre conscience de l’histoire de Muranow au moment d’un regain d’intérêt des chercheurs et des artistes pour l’histoire douloureuse de cet endroit. Durant l’époque communiste, les traces de la mémoire juive ont été peu à peu effacées - jusqu’aux noms des rues - changés ou déplacés. (…) En découvrant Muranow, bâti sur les décombres de l’ancien quartier juif, je découvrais peu à peu l’histoire de ma famille, inscrite dans l’espace de ce quartier, gravée dans les pierres du cimetière juif.” 25
25. présentation de son travail Quartier Nord ou l’archéologie de l’absence par Maya SZYMANOWSKA 26. HALBWACHS Maurice La mémoire collective Op. cit..
Comme les traces de l’histoire tragique de Varsovie ont, pour la plus grande partie, totalement disparu, plusieurs problématiques de l’articulation entre mémoire individuelle et collective se dégagent. Déjà il faut constater que certaines personnes viennent à Varsovie dans le but de retracer l’histoire de leurs parents disparus et éprouvent le besoin de revenir sur les lieux du tragique. Cette question légitime des origines est aussi une question des lieux, car ces-derniers permettent une pratique ritualisée du travail de deuil. Ensuite il y a la question de l’appropriation du passé par les habitants de la ville, question posée ci-dessus par Maya Szymanowska ou encore par le livre La nuit des Juifs-vivants. Enfin se pose la question de la fragmentation du récit historique où chaque sous-groupe d’appartenance possède un musée spécifique qui retrace l’histoire du groupe (musée juif de Varsovie, musée de l’insurrection du ghetto, musée de l’insurrection de la ville, etc.) « On ne peut rassembler en un tableau unique, la totalité des événements passés qu’à la condition de les détacher de la mémoire des groupes qui en gardaient le souvenir »26 Quel avenir pour les vestiges de la rue Walicow selon les habitants ? Il apparaît d’après ces trois constats qu’il faut revitaliser le quartier tout en donnant une visibilité à cette histoire traumatique, inconsciente et refoulée. Le quartier et tous les bâtiments sont toujours entre les mains de la ville. En avril 2019, le maire du district de Wola qui comprend le site du projet, a souligné que le Kamieniko était un symbole et a estimé qu’il serait désormais possible de le revitaliser. Il a également révélé comment il voit l’avenir du bâtiment. “Nous voulons que la ville ait à l’avenir une institution culturelle municipale accessible à tous les résidents”
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GALERIE D’ART PRIVEE (bâti ancien désaffecté)
Présent
Passé
Faille créée dans le mur pignon
Faille déjà existante dans le mur pignon
Accès
MUSEES HISTOIRE DE LA VILLE Musée insurrection Musée Pawiak Musée Polin Musée reconstruction vieille ville
Présent
Lien programmatique
MAHNMAL 3
LIEU RECUEILLEMENT
LIEU RECUEILLEMENT
Passé
RUINES N°10
RUINES N°12
RUINES N°14
RESTAURANT
DENKMAL 2
1
Amphithéâtre 500 places
Salles de colloques (x2)
Espace d’exposition
Bureaux de recherche (x9)
S > 2500 m2 (archives)
S = 1000 m2
S = 1500 m2 (bibliothèque)
ARCHIVES ET BIBLIOTHÈQUE SUR L’HISTOIRE DE LA VILLE
MUSEES HISTOIRE DE LA VILLE Musée insurrection Musée Pawiak Musée Polin Musée reconstruction vieille ville
La time line
UNITÉ DE RECHERCHE SUR LA VILLE
CENTRE D’INTERPRÉTATION
Futur
Espace traversant publique et gratuit à usage d’accès limité (type jardins qui ferment le soir)
Le parcours - mémorial
Organigramme programmatique
Au croisement des rues Grzybowska et Walicow
Centre d’exposition sur l’histoire de la ville et son devenir
Les rectangles en pointillés correspondent aux programmes déjà existant dans la ville. Les murs pignons du site sont représentés par les traits noirs épais
Futur
EHRENMAL
Le bâti est lui-même présenté comme une oeuvre d’art visitable depuis l’intérieur
p. 52 A l’endroit des vestiges intéressants, dans le retrait
Le pôle galerie d’art
Les surfaces noires représentent les espaces traités comme le prolongement d’un sol public
docu-
t e du
Le pôle unité de recherche / centre d’étude sur l’urbanisme
S = 2500 m2
LOCAUX POTENTIELLES FUTURES FOUILLES
ESPACE PUBLIC EXTÉRIEUR ENSOLEILLÉ
Centre d’archives
Vestiges du mur du ghetto
Vestiges possédant une val historique
Musée d’histoire
Restauration
Commerces
Ecole élémentaire
Fig. 22 Le projet se pense comme un vaste dispositif au carcatère urbain Organigramme spatial de la répartition des programmes sur le site Document personnel (2019)
Ainsi, plutôt que de proposer un musée de plein air travaillant avec des vestiges authentiques nous nous dirigerons vers un dispositif urbain au caractère publique qui reliera, en les traversant, les différents équipements et programmes énoncés dans les lignes ci-dessus. Ce dispositif devra permettre des pratiques mémorielles associées ainsi que se conformer aux caractéristiques énoncées par A. Chemetoff qui déclare “ les qualités fondamentales de l’espace public sont donc son accessibilité et sa continuité”. “Reconsti27 Ce dispositif public tuer un espace public c’est avant tout restaurer cette continuité et cette accessibilité”. composé d’équipements et de d’espaces creux intégrera aussi un parcours en hauteur qui reliera tous les éléments programmatiques dans un dispositif de double boucle dont le point de jonction sera le Kamieniko. Il sera visible et continu depuis la rue, bénéficiera de plusieurs points d’entrée et de sorties possibles et les personnes l’empruntant seront en totale autonomie (fig.22)
27. Alexandre CHEMETOFF «La ville de l’espace public» in Conférences Paris d’architectes Pavillon de l’Arsenal, les minis PA, Paris, 1994, pp. 36-37 28. Ibid. pp. 40-41
2) établissement de continuités avec la ville La troisième qualité de l’espace public évoquée par Alexandre Chemetoff est celle de la générosité de l’espace, (qui a, selon lui permis de moderniser la ville sans la détruire). Il rappelle que “l’espace de la 28 ville moderne est un espace interstitiel entre les réseaux”, et que pour lutter contre la logique sectorielle qui “coupe les quartiers au lieu d’offrir un espace à l’usage public”, il faut “rétablir un rapport de forces locales”. En ce qui concerne la mémoire historique, le lieu sera mis en lien programmatique avec les programmes de musées associés (offre très complète) - musée Polin, histoire juive de Varsovie (depuis le Moyen-Âge jusqu’à nos jours) - musée-mémorial de Pawiak (couvrant la période de l’occupation nazie) - centre d’interprétation de Varsovie (traitant de la reconstruction à l’identique de la vieille ville entièrement détruite) - musée du ghetto, histoire de la période du ghetto (couvrant la période du ghetto c’est-à-dire 1940- mai 1943) - musée de l’insurrection de Varsovie (traitant des événements historiques du 1er Août au 2 Octobre 1944) La continuité spatiale s’établira par la valorisation d’un tracé existant longeant le site sur son linéaire Est et orienté Nord-Sud (fig.25). Muté au statut de cheminement piéton structurant pour les îlots traversés il contribuera à diffuser l’impulsion de vie donnée par le lieu au tissu environnant en agrégeant des espaces et services d’usages publics faisant à la fois partie du quotidien de la ville (équipements de proximité), et à
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Coupe CC - continuité avec le tissu existant Dernières traces du ghetto et monument de souvenir
Fig. 23 Mise en lien des éléments programmatiques à proximité mais déconnectés Organigramme programmatique des liens potentiels avec la ville Document personnel (2019)
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Coupe BB - traversée du quartier Muranow
C
L’ex zone du grand ghetto et la totale dispaition des traces
Ilôt 3 (Z.Z.B.)
Vue 2
B B
Vue1
Ilot ouvert
Ilot ouvert
Voie piétonne
A
Bâti ancien
.B.) (Z.Z
A
2 Ilôt
Coupe AA - traversée de l’opération Za Zelazna Brama .) .B .Z (Z
Fig. 24 Un cheminement révélant le palimpseste qui constitue la ville - une traversée dans les coeur d’îlots délaissés des habitants Coupes schématiques des paysages traversés lors du parcours sur la voie piétonne mise en place, éch. libre Documents personnels (2019)
Ilôt 1
(No w.)
Ilôt 3
(No w.)
Rue Smocza
N
t1 Ilô
Des vestiges de la période communiste et des ruines
Sec teu r d up Pa lai sd e
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Commerces
Jardin d’enfant
Commerces
Zone de parking
Rue Walicow
Voie piétonne
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p. 54
Jardin, parc Place publique Points d’ancrage relatif à l’histoire
Logements
Muranow-Nowolipki II
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Muranow-Nowolipki I
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Za Zelazna Brama
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Commerces
Fig. 25 L’intersection du cheminement piéton avec des places publiques vient définir les différentes séquences paysagères Croquis des lieux de transitions du parcours Documents personnnels (2019)
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Espaces verts et parking
Séquence de fin : arrivée sur le square face au musée de l’ex prison Pawiak
B Ad ibli m oth in èq ist u ra e tio m n un pu ici bl pa iq le ue
Rue chaussée mixte
La grande place au croisement de l’avenue Solidarnosc, axe structurant
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Points d’ancrage relatif à la pratique de la ville
La place de l’église Chodna marquant la transition avec le quartier Muranow
Université
Station de métro «Srodmiescie»
Musée de la prison Pawiak
Rue Zelazna
Gare centrale
120 m
120 m
120 m
Musée du ghetto
Mémorial de la déportation
300 m
600 m
450 m
Rue Smocza
Rue Nowolipki
Rue Nowolipie
Avenue Solidarnosci
Rue Ogrodowa
250 m
Zone de parking
Rue Chlodna
Avenue Jana Pawla II
N°14, le Kamienico
Rue Krochmalna
Rue Ciepla 500 m
N°12
Rue Grzybowska
N°10 rue Walicow
180 m
60 m
Vestiges du mur du ghetto
180 m
Rue Walicow
Fig. 26 Mise en lien avec l’histoire mais aussi avec la pratique actuelle de la ville Diagramme-schéma des connexions avec l’existant Document personnel p. 55 (2019)
29. Henry-Pierre JEUDY cité par Antoine LEBLANC dans “La conservation des ruines traumatiques : un marqueur ambigu de l’histoire urbaine” in L’espace géographique, tome 39 Belin, 2010/3, pp. 253-266
la fois d’usages publics faisant à la fois partie du quotidien de la ville (équipements de proximité), et à la fois ceux faisant événement (gros équipements culturels) (fig.23). Il s’établit donc une mixité des profils d’usagers possibles entre le touriste reliant deux lieux au substrat historique, au piéton se laissant perdre au plaisir de se perdre hors des sentiers battus des grandes artères de 80 m de large ou encore à l’habitant allant chercher son enfant à l’école. L’objectif est de réinvestir en circulant les espaces interstitiels et résiduels généré par la ville post-guerre, cette ville qui regorge de surprises (fig.24). Au détour d’un édifice, les vestiges d’un autre temps se laissent découvrir. Le lien formel sera assuré par la valorisation d’une voie piéton traversant différents îlots aux identités marquées viendra mettre en lien les différents vestiges de l’histoire de Varsovie. Il s’agit d’une extension de la logique de parcours développé à l’échelle architec30. formulation de Françoise CHOAY dans «De la turale dans le projet, sur laquelle nous reviendrons plus tard. démolition» in Métamorphoses parisiennes, Pierre Mardaga, Paris, 1996 republié dans l’Architecture d’aujourd’hui n° 386 (2011) pp. 118-125
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Conclusion Ière partie : Les vestiges de la rue Walicow constituent une occasion unique dans la ville de Varsovie de faire coïncider en un même lieu des temporalités fragmentées, associées chacune à des registres historiques spécifiques qui aujourd’hui ont du mal à se rencontrer / communiquer. Mais la manière dont vont être traités ces “débris” va être primordiale dans la signification qu’ils vont revêtir. Quel passé évoquer ? Comment traiter la matérialité de ces “témoins” ? Sur les terrains vides contenant des fouilles, la conception d’une architecture contemporaine respectueuse peut déjà permettre de les sécuriser en les faisant échapper à la menace d’une destruction future. Mais elle peut aussi permettre de révéler et d’activer la composante mémorielle sous-jacente en permettant, par le travail de la matière, la catalyse de processus de remémoration. L’évocation du passé du lieu va ainsi donner sens au passé. « Il ne s’agit pas seulement de lutter contre l’oubli, mais de donner un sens posthume à la mémoire du mort, un sens qui reste toujours susceptible d’être actualisé. »29 Comment investir ce lieu désormais patrimonialisé ? L’objectif est d’opérer ce que F. Choay appelle la 30 “subversion du couple conservation / démolition”, il s’agit de mettre en œuvre une conservation “dynamique” et non “passive” ou “inerte”. Afin de sortir d’un patrimoine “fétichisé” il convient de réintégrer les vestiges dans la pratique de la ville c’est-à-dire d’assurer une continuité dans l’usage, continuité qui passe par une réactualisation du sens qu’ils acquièrent dans l’espace social. Pour réintégrer l’actuel, l’intervention se propose nécessairement comme une réinterprétation du passé et de la matérialité dont celle-ci est issue.
Le projet cherchera à échapper au registre d’une “mémoire obligée” qui en sacrifiant le présent au passé exclurait d’autres usages du lieu que ceux liés aux pratiques mémorielles (commémoration, deuil, etc.). Conséquence : le lieu serait maintenu dans une relative exclusion (temporelle et spatiale) par rapport au contexte de la ville. Il s’agit au contraire de proclamer le droit à l’avenir de chaque lieu tout en n’abolissant pas le passé et en en valorisant les éléments matériels qui le font toujours appartenir au présent. Le lieu pourra donc accueillir une certaine pluralité d’usages et offrir la possibilité de plusieurs modes d’appropriations, certains en résonnance directe avec le passé du lieu, d’autres entretiendraient une relative autonomie par rapport au contenu symbolique, afin d’éviter de tomber dans le registre d’une mémoire autoritaire c’est-à-dire un lieu dont le mode d’appropriation du passé est une injonction aux processus de remémoration. Cette relative autonomie semble nécessaire afin d’éviter la fétichisation du passé, qui en proposant un passé sacralisé, l’exclut d’office de toute réappropriation future et le fige dans le temps. Il s’agit d’échapper à une mise en œuvre littérale de la mémoire et de s’orienter vers la mise en œuvre d’une mémoire activée et habitée car soumise à un processus organique de recomposition perpétuelle par la collectivité, il ne s’agit pas de visiter les traces du passé mais de les habiter collectivement comme moyen le plus sûr de s’approprier le passé. C’est pourquoi l’usage du lieu devra être orienté vers un usage public et se propose comme un espace urbain, un “espace creux” de par ses caractéristiques formelles (continuité, accessibilité, générosité) mais aussi un espace social. Pour ce faire, il faut réaliser la division du site en plusieurs séquences suivant la trame des murs pignons qui offrent une partition naturelle au site Zone 1 : conception d’un ensemble d’équipements publiques consacrés à la constitution d’une mémoire vivante, mise en relation du passé avec le futur programmes remplissant majoritairement un service publique tournés vers la constitution d’une mémoire vivante. Zone 2 : préservation d’un ensemble de logements du début du siècle comme témoignage d’un passé suspendu, évocation du passé, mémoire effective Zone 3 : conception d’espaces de recueillement permettant un travail de mémoire au présent des éléments du passé mémoire légitime, mémoire de transmission ° s’inscrire dans un réseau plus vaste de lieux historiques mais aussi de lieux de vie au moyen formel d’un cheminement piéton destiné à canaliser la “revitalisation” du site sur un axe traversant des îlots de grandes échelles aujourd’hui dévitalisées.
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Composer avec l’existant - la trace comme réconciliation des temporalités Comment recomposer du lien dans un lieu aux temporalités et aux récits fragmentés ?
Walter Benjamin définit la trace comme suit : “La trace doit faire apparaître une proximité, quelque lointain que puisse être ce qui l’a laissé. Proximité qui nous permet de nous emparer de la chose” 1
1. BENJAMIN Walter Paris, capitale du XIXème siècle Les Éditions du Cerf, 1989, p. 464
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Fig.27 Mobilier laissé sur place au 3ème étage du n° 12 Photo personnelle (2019)
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Fig.28 Mobilier laissé sur place au 3ème étage du n° 12 Photo personnelle (2019)
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Fig.29 Intérieur au premier étage du n°10 Photo prise par les étudiants de l’école polytechnique de Milan (2017)
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Fig.30 Une des cages d’escaliers d’honneur du n°10 Photo prise par les étudiants de l’école polytechnique de Milan (2017)
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Fig.31 Les traces matérielles de la rue Walicow sont aussi contenues dans l’épaisseur du sol Le plan du tracé des fondations des immeubles de la rue Walicow Documents personnels (2019)
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Traces secondaires Se donner en paysage dans l’espace urbain
Trace témoin de la ville avant-guerre Faire l’expérience de la spatialité
Trace témoin de sa disparition Marqueur de la violence vécue Fig.32 L’identification des traces va nous permettre d’en dégager un usage potentiel Schémas de la signification apportée aux traces matérielles et de la oratique associée Documents personnels (2019)
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Fig.33 Le volume global et les volumes intérieurs sont le résultat d’un processus d’extrusion des traces des vestiges Muséification des vestiges archéologiques de Praça Nova (2010) - maquette d’étude Fig.34 Le badaud peut faire l’expérience des espaces tels qu’ils étaient, c’est une retranscription littérale de la trace Photo de l’intérieur du volume principal où les murs suspendus viennent prolonger les traces
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A/ Éléments de permanence Comment réactualiser la signification de la trace matérielle?
1) trace et répétition Nous avons établi dans l’introduction qu’il fallait réactualiser la signification des traces pour en pérenniser l’existence (temporalité future). Réactualiser signifie littéralement rendre quelque chose actuel, l’adapter à des besoins nouveaux, au monde présent. Il s’agit de rendre les vestiges matériels immergés dans le 2 présent, à “l’actuel”, comme l’évoque L. Olivier dans le cycle matériel de la mémoire matérielle. Il s’agit donc de les leur faire réintégrer le présent de la ville mais aussi de les rendre au conscient. Mais comment réactualiser la trace ?
2. cf fig. 2 p. 16 illustrant «le cyle de la mémoire matérielle»
La trace peut se perpétuer dans le temps selon plusieurs modalités (isotopie, etc.) L’isotopie est la modalité de transmission à l’identique d’un élément de type morphogénétique, dans l’espace et le temps. Il y a isotopie de la ligne ou de la forme lorsque la transmission se fait au même emplacement et selon la même orientation. Est isotope un fossé parcellaire qui a été recreusé au même emplacement et selon la même direction qu’un fossé plus ancien. (cf index p. 200) “Ainsi le tracé de nos villes européennes reprend bien souvent celui de ruelles médiévales, si ce n’est de voies tracées à l’époque romaine. Aux États-Unis, bien des highways maintiennent actifs des chemins qu’avaient emprunté les premiers colons européens, aux XVIIIème et XIXème siècle, lesquels eux-mêmes, reprenaient des pistes amérindiennes, si ce n’est, parfois, de véritables voies formées à travers le paysage par les déplacements immémoriaux de troupeaux de bisons”3
3. Laurent OLIVIER Le sombre abîme du temps : mémoire et archéologie, op. cit., p. 56
Les événements initiaux, ou anciens, qui sont inscrits dans la mémoire ne sont donc accessibles que par l’intermédiaire de leur(s) réécriture(s) postérieure(s) et non plus en tant qu’eux-mêmes, pour autant que cela ait dorénavant un sens.
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Fig. 35 La trace scénographiée Réhabilitation du marché de Braga - halle principale à sa livraison en 1987, architecte : E. Souto de Moura Fig. 36 Les poteaux conservés mais privés de leur usage sont traités comme des vestiges de l’ancien projet Photo prise du même endroit après sa restructuration en école de danse et de musique en 2001
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“Ce qui se passe dès lors est captivant, car le phénomène de recomposition de formes qui caractérise le processus de création stylistique ou typologique est fondamentalement instable, dans le sens où il est pris dans un champ de tension particulier. A chaque création, l’existence même du passé, comme entité viable transmise au présent, est mise en jeu : le développement de nouvelles formes ne doit pas abolir le passé, ni en l’annulant - c’est-à-dire en l’abandonnant, pour lui substituer quelque chose de tout à fait différent -, ni en l’absorbant - c’est-à-dire en le reproduisant plus ou moins à l’identique.” 4
4. Ibid. p. 59 5. Ibid. p. 254 6. les définitions des paragraphes suivants sont tirées du Larousse
2) quand la trace réintègre un nouvel ensemble “Nous sommes ici en effet dans le domaine du fonctionnement de la mémoire, peu importe, encore une fois, qu’elle soit d’origine psychique ou qu’elle soit enregistrée dans la matière archéologique. Ce qui est essentiel ici, ce sont les conditions de négociation du passé - ou de l’existant - par rapport au présent, ou 5 plus exactement au nouveau” Quelles sont ces conditions de négociations du passé ? Retranscription, transposition recomposition sont des réinterprétations d’éléments existants mais sont-ils pour autant des synonymes ? Une hypothèse possible est le travail de la matière, je reviendrai dessus ultérieurement, une autre hypothèse est la manière dont elles vont être intégrées au sein d’un ensemble cohérent. La retranscription de la trace matérielle Retranscrire signifie «Reproduire un mot, un texte à l’aide d’un système d’écriture différent : Faire trans6 crire en clair un message codé. Transcrire un mot chinois en caractères latins.» La muséification des vestiges archéologiques de Praça Nova, arch. J. Carrilho da Graça, est à mon sens, une retranscription de la trace. Le site archéologique est délimité par une paroi en acier (fig.33) et le projet est complété de la construction d’un espace recréant les volumes d’une maison islamique (fig. 34). L’objectif est de faire l’expérience des espaces tels qu’ils existaient dans le passé, il y a donc une mise en avant de la valeur historique C’est l’approche la plus conventionnelle, qui par un processus de muséification propose retranscription littérale des traces matérielles dans une nouvelle matérialité p. 69
Fig.37 La trace originelle est supprimée mais sa signification est conservée dans le nouveau projet Photo du projet de musée d’art récent de Bucarest prend le parti de détruire un bâtiment associé au régime de terreur, architecte : Y. Tohme architects, 2018 Fig.38 Cependant l’enveloppe extérieure (gabarit et éléments de façade) sont conçuscomme rappel formel tandis que l’intérieur s’émancipe totalement
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La transposition de la trace matérielle Transposer signifie «Placer réellement ou par l’imagination quelque chose dans d’autres conditions, dans 6 un autre contexte : Transposer un sujet antique à l’époque moderne.» L’exemple de la reconversion du marché de Braga, arch. E. Souto de Moura, est particulièrement intéressant. Le projet (fig.35-36) a été totalement restructuré, vingt ans après sa construction par le même architecte, pour être reconverti en centre de danse et de musique. Les poteaux conservés mais privés de leur usage sont traités comme des vestiges de l’ancien projet, ce qui permet de lire l’épaisseur temporelle au projet. L’architecte a conservé les anciens poteaux dans un parti paysager. Ils constituent désormais des traces du passé dont la fonctionnalité s’est perdue. Il s’agit, à mon sens, d’une transposition de la trace. “c’est parfois précisément par ce qui demeure, par ce qui nous parvient en tant que trace partielle, que la transmission s’opère le plus efficacement en suscitant l’imaginaire du sujet, ou en le renvoyant à un référentiel illustrant ce qu’il ne connaît pas.” 7 La recomposition de la trace Recomposer signifie «Composer de nouveau ce qui a été détruit, dispersé, décomposé : Recomposer 6 sa coiffure défaite.» Le projet de Musée d’art récent de Bucarest, arch. Y. Tohme, bien qu’étant destiné à accueillir un musée constitue une alternative possible au processus de muséification d’un «patrimoine de l’horreur». Le projet (fig.37) prend place sur le terrain d’une villa privée réalisée par l’architecte Octav Doicescu en 1939, confisquée par le régime en 1948 pour être habitée par la redoutable ministre des Affaires étrangères Ana Pauker. Défenseuse d’une politique de persécution, celle-ci a tenu un rôle majeur dans les premières années du régime communiste roumain. (…) Pour son changement de destination, les concepteurs décident d’en reprendre non pas la masse bâtie réelle - très contraignante dans sa structure d’origine et peu adaptable – mais uniquement sa fonction symbolique et urbaine. Ils décident alors de démolir la villa et d’en reproduire le gabarit (fig.38) tout en l’érigeant sur un socle de verre. La démarche est à l’opposé d’un processus de patrimonialisation car il y a suppression des traces originelles. Cependant la trace est quand même réintégrée au projet (de manière recomposée) afin qu’elle puisse continuer à se constituer support de réactivation du passé. Il y a donc mise en avant de sa valeur «mémorielle» (de manière recomposée). Il s’agit d’une recomposition de la trace.
7. Juliette
POCHARD Conserver par le vide : fragmentation d’une hétérotopie - ancienne prison Saint-Michel de Toulouse, ENSA Paris-Val de Seine Rapport de P.F.E., Ensa Paris-Val de Seine, Paris, 2019, p.14
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RUE ICCHOKA LEJBA PERECA
RUE WALICOW
Mitoyen
RUE WALICOW
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Mitoyen
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Fig.39 Principe de distribution des immeubles n°10,12,14 rue Walicow Schémas réalisés par l’auteur, (2019), éch. 1/625
RUE ICCHOKA LEJBA PERECA
N
Fig.40 La trace laissée par les occupants Plan du R+3 de l’immeuble n°10 rue Walicow laissé avec son cloisonnement d’origine dans le projet
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Ces exemples montre combien la codification de l’usage dépend du statut donné à l’objet par le travail de la matière, statut qu’il perd en dehors de l’ensemble cohérent dans lequel il prenait place. Sur notre site, quid des fondations enfouies ? Elles constituent une contrainte à l’occupation du sol, et à l’emprise potentielle sur le site. Le symbole de ces traces devra néanmoins être conservé en qualité de support de réactivation du passé mais sous quelle forme ? Faut-il les démolir et en reconstruire l’existence par un simple marquage au sol ? Faut-il conserver toutes les briques mises à jour intactes ? Faut-il les conserver partiellement ? Plusieurs scénarios s’offrent à nous. Cependant nous pouvons déjà identifier les usages que ces traces généreront et le parti qui sera tiré de leur existence - ou non-existence -, en nous appuyant des exemples précédents (fig.31-32). Nous considérerons les immeubles n°10 et 12 comme une trace extrudée et inaltérée, à la fois héritage et témoignage d’un mode de vie disparu. L’xpérience spatiale associée à cette trace pourrait donc se faire par l’expérience spatiale comme dans le cas de la muséification des vestiges de Praça Nova. Cela explique le choix de conserver sans affectation particulière ce bloc de bâtiments permettant de conserver le cloisonnement (fig. 40) Ces immeubles (fig.39) sont typiques l’urbanisation/densification du centre-ville jusqu’en 1944 avec une typologie d’immeubles à cour de 5 niveaux avec escaliers en angle. Les logements nobles possédaient des «offices» ce qui explique que comme dans la typologie de l’immeuble Hausmanniens, la typologie de ces immeubles est carcactérisée par le dédoublement des cages d’escaliers, chaque logement étant desservi par deux escaliers à la fois - un noble et un de service Les immeubles n°12 et 10 mis en communication au niveau du nouvel espace référent (à 8,20 m) seront laissés sans affectations particulières dans les niveaux supérieurs comme héritages et témoins du mode de vie disparus - avec leur cloisonnement d’origine et le mobilier encore présent (fig.27-30). Nous reviendrons ultérieurement sur le cas du n°14, traité différemment. p. 74
B/ Trace première et trace «authentique» Faut-il travailler avec des traces authentiques ? Qu’est-ce que l’authenticité et la valeur d’authenticité ?
1) objets-mémoire et discontinuité La réponse du musée d’art récent de Bucarest est formelle, au sens littéral. La forme de la bâtisse, considérée comme suffisamment significative, est chargée d’évoquer un passé violent par une recomposition de la trace. Elle se perpétue sur la modalité de l’archétype. La trace originelle a été supprimée puis réinterprétée dans un langage contemporain, actualisée en soit. Travailler avec les traces authentiques ou travailler avec des traces recomposées, quelle différence ? Devons-nous recomposer les parties des traces ayant disparu ? Si la forme peut constituer un élément de permanence de la trace, a-t-on besoin de travailler avec la matérialité première du lieu ? Pour pouvoir approfondir la réflexion, nous devons introduire la notion d’objet-mémoire (cf index). «Un objet-mémoire est un objet dans lequel le temps s’inscrit, ou plus exactement c’est une entité matérielle dans laquelle s’enregistre la mémoire d’un moment du temps.”La propriété essentielle des objets-mémoire ne réside pas tant dans l’enregistrement de modifications physiques imprimées dans la matière par le présent que dans la conservation de ces altérations, ou si l’on préfère, leur mémorisation. Parce que ces modifications ont été préservées dans la matérialité des objets archéologiques, elles ont conservé la capacité de témoigner des états anciens de ces vestiges aujourd’hui évanouis. Comment cela se passe-t-il ? En fait, tous les objets-mémoire - qu’il s’agisse de vestiges archéologiques à proprement parler ou des objets qui aujourd’hui, enregistrent la mémoire comme les appareils photographiques, les caméras ou les ordinateurs – ont ceci en commun : leur capacité de mémorisation est directement liée au fait que leur état de sensibilité (c’est-à-dire le moment où quelque chose du présent s’inscrit en eux) est temporaire ; c’est-àdire qu’il est encadré avant et après, par des états d’insensibilité ou d’inactivité. Nous voici confrontés ici à un premier paradoxe, qui jette une lumière nouvelle sur les objets-mémoire que sont les vestiges archéologiques : la condition élémentaire de la mémorisation est l’intermittence, c’est-à-dire la discontinuité.
4. Laurent OLIVIER Le sombre abîme du temps : mémoire et archéologie, op. cit., p. 99
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Fig.41 Réhabilitation du neues museum (2009) - niveau 2, salle romaine, avant et après réhabilitation Fig.42 Réhabilitation du neues museum (2009) - la cour égyptienne et sa plateforme
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Fig.43 Le Neues museum ou musée d’archéologie de Berlin laissé à l’état de ruine jusqu’en 1997 Photographie de l’état d’après-guerre
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Nous en concluons que ce qui nous intéresse dans notre configuration la valeur que nous accordons à la trace est sa capacité à être marquée par son contexte, comme la matière organique, destinée à évoluer. Le paradoxe vient du fait qu’il faut donc la conserver dans son état anachronique sans lui refuser la capacité d’être impactée par notre présent. Comment ce paradoxe peut-il trouver sa résolution ?
2) l’approche archéologique L’authenticité est une notion polémique en architecture. Cette notion, mise en jeu dans les débats sur la conservation du patrimoine, devient centrale dans la rédaction de la charte de Venise. L’authenticité des traces peut se jouer à deux niveaux. Tout d’abord la conservation totale des traces originelles. Dans la démarche de P. Zumthor, la matérialité du passé est systématiquement conservée (jusqu’à la moindre brique dans son projet du Kunstmuseum de Cologne). Il qualifie lui-même son “approche d’archéologique” car il travaille avec les “vestiges authentiques” à entendre avec la matérialité / le matériau d’origine laissé dans son état altéré. “On pourrait dire qu’Allmannajuvet est un musée de plein air in situ qui travaille avec des vestiges authentiques. C’est une approche archéologique.” “associez le passé dès que vous en avez l’occasion. Cette démarche donne à mon bâtiment une plus grande profondeur. Je pourrai bien sur concevoir une architecture qui simule la mémoire du passé par des allusions formelles et matérielles à l’histoire, mais je crois que rien n’égale la force de la substance historique même”. Quand P. Zumthor parle de “plus grande profondeur”, il fait sans doute allusion à la dimension temporelle de ses bâtiments, l’entremêlement des traces authentiques restituant une autre temporalité dans une architecture contemporaine permet de mêler plusieurs registres de temporalités dans un même espace. Ensuite l’authenticité peut se jouer sur l’état d’altération du bâtiment.
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L’exemple du Nueus museum de Berlin Le Neues Museum, arch. D. Chipperfield, a été traité lors de sa “restauration” comme un objet-mémoire (fig. 41-43). Laissé à l’état de ruine jusqu’en 1997, il est en effet traité par le projet architectural comme un vestige. L’altération du bâtiment a été conservé comme témoin des bombardements et a été privilégiée sur l’aspect originel. L’intervention a consisté à recréer les parties manquantes afin que le tout puisse fonctionner. La fusion du nouveau et de l’ancien n’a rien d’un compromis. Le désaccord ne porte pas sur le choix entre conserver et rénover. La proposition architecturale défend avec la même ardeur les deux actions. Le maintien de l’état de ruine évoque une certaine gravité funéraire, un rappel de la destruction massive de la ville durant la guerre. Le Neues Museum s’obstine à garder les stigmates de son histoire. Il l’assume au lieu d’essayer de la contourner par une restauration à l’identique. Le processus de réhabilitation ne tend pas ici à mettre en scène un état désigné comme authentique mais à laisser les différentes traces de chaque époque s’accumuler pour tenir un propos sur l’histoire du bâtiment. “Le nouveau reflète la perte sans l’imiter”, selon David Chipperfield : une sensibilité particulière qui peut être mise en résonnance avec la vision anglo-saxonne de la réhabilitation. Héritée des travaux de John Ruskin bien plus que de ceux de Viollet-le-Duc, elle intègre le processus d’altération comme une partie intégrante de tout édifice et ne cherche donc pas à installer un discours frontal entre nouveau et ancien mais plutôt une continuité entre construction, détérioration et restauration” Nous pouvons à ce titre comparer l’intervention sur deux bâtiments de Varsovie (fig. 44-45). Dans les deux cas, le matériau d’origine a été conservée. Cependant le statut de la matière diffère. Dans les cas des vestiges de la rue Prozna, le bâtiment de droite a été restauré à l’identique dans son état initial supposé / d’avant-guerre (temps réversible ?). Dans le deuxième cas, l’intervention a consisté à valoriser et figer l’état d’altération dans lequel le bâtiment se trouvait, privilégiant un état authentique. Notre démarche s’apparentera à une démarche archéologique qui se traduit par le respect des traces authentiques et la valorisation de celles contenues dans le sol ce qui nous donne un volume capable constructible. Ces traces doivent-elles être intégrées à l’intérieur de bâtiment, à l’intérieur de volumes ? p. 79
Fig.44 L’immeuble de gauche laissé en état, l’imeublede droite restauré Vue des immeubles n°14 et n°9 de la rue Prozna
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Fig.45 L’immeuble réhabilité par l’agence a7ag Vue de l’immeuble n°72 rue Wilcza
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Fig.46 Études du niveau de l’espace publique suspendu venant composer la façade Nord de l’annexe moderne Élévations schématiques de la façade rue Grzyboswka, document personnel (2019)
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C/ L’expérience de la trace Comment expérimenter la trace ? Le projet se constituera en dispositif permettant d’expérimenter la trace, notamment l’expérimenter à distance du sol, ce qui prend sons sens dans les zones où les fondations ont été exhumées. Seront ainsi ménagés de multiples rapports au sol et au ciel par des cadrages (fig.46) Le bâtiment travaillera aussi par couches verticales (fig.48). A 2,5m en-dessous du niveau de la rue, le niveau des vestiges non accessible, se donne en paysage pour les personnes travaillant dans les bureaux d’urbanisme de l’unité de recherche. Le niveau de la rue vient enrichir l’espace de la rue de nouveaux espaces publics. Le niveau 1 constitue l’entrée des équipements (centre d’archives et bibliothèque d’histoire) accessibles depuis le niveau de la rue par le parcours. Le niveau à 8,20 du sol constitue un nouveau niveau référent car c’est celui de l’espace public suspendu qui assurera le lien entre les différents éléments programmatiques sur toute la longueur de la parcelle. Le lieu pose un gros problème d’échelle qui n’a pas encore été évoqué. L’échelle de la trace (petite et ponctuelle, fragile et incomplète) est en quelque sorte noyée dans la masse des objets avoisinants et par la morphologie du lieu (porosités qui favorisent la multiplicité des points de vue, dilution des distances). La seule trace qui réussit à imposer son existence est celle du mur pignon du Kamienico, car le pignon est de belle dimension et se prolonge par une parcelle vide qui le connecte à la rue Grzybowska, voie structurante 50m plus loin. Il possède une présence y compris au sein de l’ensemble formé par les autres édifices, sa matérialité et son histoire sont autant de choses qui doivent se percevoir sur une grande échelle. L’enjeu de la valorisation des éléments du site est d’arriver à imposer leur présence dans un espace aussi dilué, sans que celle-ci semble anecdotique (fig.47)
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Fig.47 Le dispositif tente de donner une plus grande visibilité aux traces du passé depuis l’espace urabain Maquette du pôle 1 (au nord du pignon de l’immeuble n°14), éch. 1/200
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Fig.48 les différents rapports au sol mis en oeuvre par l’architecture du projet dans une stratification verticale des usages Vue sur le niveau de la rue et des vestiges depuis la rue Grzybowska, éch. 1/200
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Composer par le vide - révéler la trace par l’absence de matière Quel processus de composition peut révéler le processus de disparition de la matière et de la mémoire propre au passé du lieu ?
La traduction du mot “trace” en latin correspond à “vestigium”. En allemand elle peut se traduire par “spur” qui vient, à l’origine du vieux haut-allemand “spor”, qui signifiait l’empreinte de pied. Le verbe “Spüren”, ressentir, était donc l’acte lié, qui consistait à relever et suivre une piste. Pourtant l’empreinte ne se définie pas tant en termes de matière qu’en termes d’absence de matière, elle existe au moyen du vide laissé par la disparition de l’objet. Le vide semble donc pouvoir matérialiser la présence d’une chose disparue et peut donc, au même titre que la trace matérielle, constituer en support de réactivation du passé. Si l’on fait l’hypothèse que le vide constitue une trace au même titre que les traces évoquées jusqu’à présent, et doit donc être préserver à ce titre, quel espace proposer ? Quel processus de composition peut révéler le processus de disparition de la matière et de la mémoire propre au passé du lieu ?
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Fig.49-52 Evolution du quartier de 1935 à 2019 Vues aériennes
1935
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1945
1976-1977
2019
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Fig.53 Le quartier est structuré par des masses imposantes mises en tension par un vide urbain Maquette d’étude des volumes du site, éch. 1/1000
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A/ Le vide comme possible support d’une mise en mémoire Comment investir un lieu dont la structure du vide doit-être conservée ?
1) quand le vide devient trace Le travail de mémoire “Le vide comme présence de l’absence dans le centre de Varsovie” consistait en une analyse approfondie des différentes typologies d’espaces vides résultants de destructions dans Varsovie. En est issu une série de constats présentée dans le paragraphe suivant. Les conflits armés dans la ville, en produisant une inexorable baisse de la densité bâtie et humaine, génèrent du vide. Les vagues de destruction déstructurent complètement le tissu, modifient les rapports de forces locaux, les rapports d’échelle et d’équilibre des masses et instaurent l’ambiguïté entre domaine publique et privé. La trace restante est un vide d’une typologie spécifique et identifiable qui se résorbera avec le temps. Le caractère aléatoire des destructions aboutit à la génération de vides multiples, diffus et informels dont la réunion esquisse une morphologie organique. Ces vides viennent dans un premier temps redéfinir l’espace urbain donc modifient la pratique de la ville. Ils sont représentatifs de la relation qu’une communauté entretient avec son passé au travers sa gestion de l’espace. La structure de ce vide peut encore se lire depuis l’espace urbain de Varsovie. Lorsqu’on se réfère aux vues aériennes de 1945 à nos jours (fig.49-52), on observe que la seconde guerre mondiale a marqué un “twist” pour la morphologie du quartier. Il y a eu renversement du rapport plein/ vide du cadre bâti qui est le résultat de plusieurs causes échelonnées dans le temps. Tout d’abord la destruction du tissu ancien en 1945 a été d’une telle ampleur qu’elle a exclu d’office les logiques de substitution qui composent le mécanisme habituel de fabrication du tissu. Ensuite la construction de l’opération Za Zelazna Brama d’une échelle colossale a préservé le vide laissé par les destructions de la guerre en générant des rapports de répulsion qui s’établissent entre ces objets massifs. Seuls des édifices aux dimensions modestes et aux caractéristiques discontinues pouvaient désormais s’immiscer dans ce nouveau quadrillage du territoire.
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Fig.54 La structure du vide Axonométrie et coupe de l’amphithéâtre de Lucques en Italie, les immeubles se sont érigés en périphérie sur les traces de l’ancien amphithéâtre, il est matérialisé par le vide
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Aussi le site a subi peu de modifications depuis les années 70 alors que des opérations immobilières commencent à transfigurer des îlots entiers. Enfin, les mécanismes de spéculation immobilière à l’œuvre depuis la chute du communisme, ont jusqu’à récemment laissé des terrains en friche au centre même de la ville, préservant par là-même la nature du sol. On peut donc, à partir de ce vide, retracer un récit des événements historiques du récit national. A sa manière l’espace non bâti de la rue Walicow témoigne du renversement du paradigme qui a bouleversé la vie des varsoviens, la mutation d’une ville dense construite sur des schémas traditionnels et caractérisée par un espace urbain creux à une ville diluée et planifiée caractérisée par l’espace ouvert (fig.53). Le quartier construit sur les principes revisités du modernisme de la charte d’Athènes, opère une restructuration totale du système bâti : on passe d’une logique de tissu à une logique d’objet. La conséquence est la génération d’un espace générique, équivalent et fluide dominé par le vide. Le statut du sol continu ainsi que le partage public / privé deviennent ambigus, l’entretien des immenses espaces “vides” posent problème. Les îlots de l’opération Za Zelazna Brama bien qu’aujourd’hui complètement dévitalisés, continuent néanmoins à structurer fortement le lieu et à lui donner son identité. Les conflits armés et idéologiques ont généré du vide et fait de ce lieu un palimpseste, objet caractérisé par sa discontinuité. Par voie de conséquence, le vide vient isoler des objets qui apparaissent comme des singularités et perdent leur capacité à faire tissu. On assiste ainsi à une inversion du paradigme, le bâti restant désormais minoritaire passe de partie d’un système à fragment, d’élément générateur il devient élément interstitiel. Il est exclu de la fabrique du nouveau tissu, et vient cristalliser autour de lui des poches d’espaces résiduels. C’est notamment le cas de l’ensemble des trois immeubles de la rue Walicow. Bien que possédant un caractère interstitiel car écrasé par la masse de la barre qui vient presque l’effleurer sur son linéaire Est, cet ensemble acquière paradoxalement un statut d’objet privilégié. On peut en faire le tour, l’observer sous de nombreuses perspectives et potentiellement y créer des accès sur plusieurs côtés, à condition d’assumer le percement des murs pignons. L’ensemble est ainsi “mis en scène” par le contexte. Alors comment investir le lieu ? La réponse la plus évidente semblerait celle d’investir les murs pignons qui s’offrent généreusement à la prise sur plusieurs orientations (Nord Est). Faut-il pour autant s’adosser au Kamieniko et à son mur Nord si emblématique ? Car investir le mur pignon du Kamieniko, c’est aussi
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Fig. 55 Le vide laissé par la disparition de l’ancien four crématoire est rendu signifiant par la subsistance des traces laissée sur la façade du bâtiment Photographie de l’ancienne cour intérieure de la risiera de San Sabba
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supprimer le vide qui le fait exister dans l’espace urbain, c’est le priver de sa lisibilité urbaine, c’est l’intégrer à un nouvel ensemble qui cessera de le faire exister comme trace du passé. A moins de l’intégrer à l’intérieur d’un bâtiment qui en limitera l’accès, mais c’est l’autonomiser voir le couper de l’espace urbain. Finalement il apparaît que pour préserver certaines traces du passé considérées comme signifiantes, il faut mettre en place une “stratégie du vide”. Elle consiste en la préservation de la forme de certains vides considérés comme représentatifs de la violence à l’oeuvre dans la ville depuis la IInde guerre mondiale. Le vide sera donc considéré comme trace du passé. Dans l’exemple de la place centrale de Lucca, le vide constitue la trace de la présence de l’ancien amphithéâtre romain. On peut constater sur l’axonométrie que les immeubles se sont érigés en périphérie des traces de l’ancien amphithéâtre (fig.54). Il est ainsi matérialisé par le vide dont la forme a dicté les tracés du quartier. Le vide devient valeur de référence, la grille de lecture s’inverse, on assiste à un renversement de la figure et du fond. Ainsi un vide doit être “révélé” par un plein et inversement. La présence de la matière est donc nécessaire pour révéler le vide et “l’activer” notamment grâce à un travail de cadrage et de limites (virtuelles), de profondeur de champ et de porosité. Ce renversement est possible quand des objets entretiennent des rapports de complémentarité dans leur forme : l’un constituant le négatif de l’autre. Ce dispositif est déjà présent sur le site à travers la complémentarité vide/plein que constitue le vide défini par les murs pignons des immeubles n°10, 12 et 14 et laissé par la disparition d’un immeuble ancien de mêmes caractéristiques avec le plein des immeubles le jouxtant. 2) quand le vide s’associe à la trace L’usine de raffinage du riz de Trieste construite en 1913 connut un destin funeste pendant l’occupation nazie. Investie en 1943 comme camp de détention, elle est rapidement transformée et à peu de frais en un complexe mortifère regroupant un camp d’extermination, un entrepôt et une caserne. L’usine est malheureusement parfaitement adaptée aux desseins criminels. Les fenêtres sont murées, tout l’édifice étant déjà clôturé, il suffit pour le “contrôle” de poster un corps de garde au portail, unique entrée. On peut voir sur la façade et au sol de la cour intérieure, les traces laissées par l’ancien séchoir à grain transformé en four crématoire et détruit par les nazis pour éliminer les traces de leur crime (fig.55). L’emplacement aujourd’hui vide donne tout son sens à la trace.
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Fig. 56 L’inversion vide-plein de la figure : : la figure rayonnante comme plein entouré de vide puis comme vide entouré de plein Plan R+1 de l’état actuel de la prison St-Michel
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Il se créée un lien de complémentarité entre trace et vide dans une dialectique qui évoque efficacement la disparition d’un objet, d’une image d’un passé. La trace vient activer le vide en le chargeant d’un contenu de signes, elle le rend signifiant en donnant à voir sa dimension temporelle. Celle-ci devient alors la forme en négatif, c’est-à-dire l’empreinte d’une chose disparue dont il ne reste visible que l’absence. “La trace permet de visualiser l’existence et, en négatif, la non-existence des choses”.1
1. Cristina
NOACCO, La force du Silence, Petites notes sur le bruissement du monde, p. 78
POCHARD Conserver par le vide : fragmentation d’une hétérotopie - ancienne prison Saint-Michel de Toulouse, ENSA Paris-Val de Seine Dans le projet de fin d’étude pour la prison St Michel de Toulouse (fig.56), J. Pochard met précisément en O.p., p.122 œuvre l’inversion vide-plein qu’elle associe à la trace. “Les volumes qui s’accolent à la prison font émerger le quatrième et dernier scénario : conserver par le vide. Il s’agit ici d’inverser le rapport vide / plein et d’implanter un nouveau dispositif : le négatif”.2 Ce dispositif vient révéler le passé violent du lieu, et en opérant un positionnement critique, permet de s’en défaire et finalement de la dépasser. “Il s’agit donc de pénétrer dans le bâtiment mais d’y vivre une spatialité nouvelle, qui par la trace - et non par la muséifica- 3. Ibid. p. 141 tion - va témoigner de la violence du lieu et de son architecture, par le biais de l’encellulement individuel. Appliqué à la figure carcérale rayonnante, le négatif va, au-delà de la simple inversion formelle, conserver la mémoire du modèle, transformer ce qui était plein en vide, renverser le rapport intérieur / extérieur, et dévoiler la violence du lieu.”3 L’inversion vide/ plein est un dispositif spatial qui consiste en la mémorisation du négatif de la forme d’un objet. Celui-ci est donc matérialisé par un vide et non plus par sa matérialité propre, son existence est restituée mais pas son image. Le travail du négatif est un processus efficace quand la signification de la disparition d’un objet prime sur la valeur de l’objet en soi Associé à la trace qui vient y ajouter un marqueur temporel, il se contente seulement d’évoquer l’existence antérieure d’un objet et de nous faire ressentir son absence et par voie de conséquence sa présence. Par le principe de l’empreinte qui est un type de trace spécifique, va se créer une esthétique de la disparition. La trace, en donnant une signification au vide, vient le constituer en absence qui est une mise en présence absolue.
Comme pour le travail de la prison St-Michel de Toulouse, le dispositif spatial de l’inversion vide / plein sera mis en place comme mise en mémoire et rendu signifiant par la présence de traces du passé. Sur une partie du lieu, celui-ci permettra la “mise en présence” depuis l’espace urbain du volume de l’immeuble à cour détruit suite à la Seconde Guerre Mondiale. Plutôt que de venir investir l’espace vide laissé par la destruction, il s’agira donc de construire uniquement les anciennes cours de l’immeuble, empruntant par conséquent la forme résultante de deux plots de forme rectangulaire (fig.57-61). Ce dispositif permettra
2. Juliette
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Mi le se à v d bu is-à- ista rea vis nce ux de s lo du v ge olum me Mi s nts e ave mu e à c et d rp de ign istan s on ce , e du mb vo Ad lèm lum o s pig se eh ea m n isto vec vis on en riq le s (p t a ) ue as ux m de u vis rs -à-
la lecture au sol des traces des fondations exhumées depuis l’espace public devant inciter à la reconstruction mentale de l’objet disparu. Les nouveaux espaces ainsi créés viendront accueillir les espaces du pôle relatif au recouvrement du passé - des espaces de recueillement, associés à un espace muséographique de petite dimension retraçant l’histoire du lieu et de ses habitants.
Fig.57-61 Conserver par le vide Propositions d’implantation sur le site - maquettes d’étude, éch. 1/1000
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État actuel
Construire le volume capable
Or les ienta tra tion ce s s de l ign a v ifia olu Pla nte mé niv ce c s trie e e n ve plu au tra rs r l s a ue e cce , le reh a s ssi ble vest ussée Pro s d ige ep s n au bli long uis e s qu a la ont e e tion rue n h de au teu l’esp ac r ep u-
Vo au lume tig dess s bas es u po s de susp ur e s les pot ndu e p rot ntie s Inc ég ls i s i ve ve er ssti on d de ge u s pu s e ol is l t le afi n ’es s pa ren de r ce dre év é pu bli acce ler le Vo qu s l u e sible s tra mé s cé trie de l’a comp nc ien osé bâ e se tim lo en n le t Cr é ce atio n tra tral n d’u cé v n de enan spa l’a t re ce nc ien pren publ co dre ique eu Su r d le ’îlo de ppre t da ux bl ssion ns oc d les s v es tra ienn plan ce s d ent s cher s es ’ co impl , les urs an ter
Intégrer le tracé des vestiges Révéler le lieu en générant des vides Organiser un récit autour de la trace
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Fig.62 Mise en relation des espaces par le vide Photo de l’intervention «Conical Intersect» de l’architecte G. Matta-Clark à Paris (1975)
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B/ Le vide comme force de (dé)composition Comment recomposer l’image d’un objet par le vide ?
1) la déconstruction
4. Xavier WRONA, “Urbanisme et révolution : deux ou trois choses à propos de Gordon Matta-Clark et Georges Bataille” in Gordon Matta-Clark : Anarchitecte Les Presses du réel, Paris, 2018, pp. 114-115
En 1975, l’artiste et architecte Gordon Matta-Clark obtient de travailler sur deux immeubles jumeaux de 1690 qui jouxtent le centre Beaubourg alors en construction. Ils sont voués à la démolition, et il dispose de deux semaines, durant lesquelles il va y découper un grand cône qui traverse le toit, pointe vers le nouvel édifice et s’ouvre sur la scène de la rue (fig.62). Par ce geste fort, Conical Intersect vient renverser les rapports intérieurs / extérieurs qui, derrière des façades, inscrivent des populations dans un ordre social figé. “Ce qui sépare l’intérieur de l’extérieur d’un bâtiment n’est pas le mur, mais l’ordre abstrait faisant de 5. Jean-Paul GALIBERT celui-ci un ordre social, effaçant la matérialité de l’édifice derrière des formes sociologiquement ritualisées 4 d’espaces voués à recevoir telle ou telle classe sociale, telle personne, et tel comportement.” G. Matta-Clark avait sûrement compris que la destruction et la disparition sont la condition élémentaire pour que la collectivité des individus et des choses qui constituent le monde continue à exister et à se perpétuer. “Il y a un type de destruction relative qui est nécessairement partielle, et ne consiste jamais qu’à supprimer l’existence d’une chose pour garantir l’existence d’une autre, si bien que l’existence étant 5 toujours le but, on est encore bien loin de l’anéantissement radical”. Un champ de tension se créée entre construction et destruction car pour permettre la création il y a nécessité d’ “assumer la violence d’une destruction légitime”, violence qui est donc inhérente à l’acte de création. Mais la violence avec laquelle cette tension est mise en œuvre dans Conical Intersect questionne sur la nature de l’espace ainsi créée. “La démarche de Matta-Clark semble dangereusement ambigüe, à la fois créatrice et destructrice. En effet, si les grands projets qu’il entreprend à partir de 1974 peuvent se comprendre, en termes purement architecturaux, comme une enquête topologique, (…) la démarche dans ce qu’elle a de chirurgical semble suggérer la mort du corps de l’architecture”. 6
6. Antonio Sergio BESSA “Rien ne fonctionne : Gordon Matta Clark et le problème de l’architecture” in Gordon Matta-Clark : Anarchitecte Op. cit. p. 27
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Fig.63 Déconstruction de certains planchers et cloisons des niveaux 1 et 2 des immubles n°10 et 12 Photographie de l’intérieur des immeubles n°10 et 12, les façades ayant été déposées
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Par l’ouverture d’une brèche, Conical intersect agit comme une mise en relation des espaces mais aussi des temporalités. “Du futur (le Centre), on passe par le passé (l’immeuble), pour déboucher sur le pré7 sent de la rue.” Cette opération bouleverse les rapports hiérarchiques physiques mais aussi symboliques des espaces entre eux. Ainsi, l’ouverture de la brèche dépassant la violence du processus qu’elle met en œuvre, peut aussi venir établir une réconciliation pacifique des éléments, comme l’explique de R. De Choiseul dans son travail sur la notion d’intervalle “L’ouverture d’une brèche dans l’édifice est tout d’abord ce qui permet la rencontre du bâtiment avec son site : elle peut prendre la forme d’une porte qui fait entrer des corps ou bien d’une fenêtre qui cadre une vue sur le paysage, et fait pénétrer la lumière dans l’espace. Le passage ouvert dans la masse est un espace de rencontre, entre le lieu bâti par l’architecte et le territoire, entre l’habitant et le site (existant et construit), ainsi qu’entre les personnes elles-mêmes puisque le seuil (qu’il prenne la forme de l’embrasure d’une porte, ou encore, d’un couloir) constitue le lieu matériel et symbolique de la rencontre” 8
7. propos de Gordon Matta-Clark 8. DE CHOISEUL Ryane Ouvrir et refermer, L’intervalle : un éloge de la fragilité Mémoire de duxième cycle, ENSA Paris-Val de Seine Paris, 2017, p. 12
C’est pour sa qualité de recomposition formelle et symbolique des objets que le projet va intervenir sur l’existence en opérant une “déconstruction” modérée et relative des immeubles n°10,12 et 14. Il ne s’agit pas de mettre en œuvre la violence générée par la dissection des espaces de Conical Intersect mais simplement d’intervenir sur l’existant en se contentant de retirer des éléments sans pour autant empêcher le fonctionnement de la totalité. La “déconstruction” respecte donc la composition originelle globale des édifices et tente même d’en valoriser les qualités plastiques. Dans les immeubles n°10 et 12 elle sera circonscrite aux niveaux des 1er et 2ème étages qui assurent la liaison entre le niveau de la rue et le nouveau niveau référent (fig.63). Le n°14 fera l’objet d’une déconstruction plus profonde qui recomposera les espaces de la totalité de l’édifice. Il s’agit d’opérer une transition entre l’échelle domestique des bâtiments d’un côté du mur pignon et l’échelle d’équipement des bâtiments de l’autre côté. La “déconstruction” du n°14 - travail du vide à l’intérieur de l’enveloppe - consiste principalement à retirer les planchers de la partie centrale de l’édifice ce qui aboutit au dégagement d’un volume hexagonal toute hauteur (fig.65) . Celui-ci vient prolonger, par ses dimensions monumentales, le volume du “parvis” informel généré par la destruction de la façade principale en 1944. Le cœur du bâtiment fonctionne désormais comme une extension de l’espace urbain (fig.65). La nouvelle porosité permet au regard de traverser le volume depuis la rue Walicow jusqu’à la cour arrière, ainsi désenclavée. De nouveaux planchers, qui viennent s’offrir en balcon sur le vide dégagé, proposent une nouvelle expérience spatiale où l’édifice s’appréhende depuis l’intérieur. Celui-ci ne se donne plus seulement à voir depuis l’étroite rue Walicow -
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Fig.64 Recomposition des espaces par le vide Propositions de dessin des planchers (vide vertical), éch. 1/500 Schémas réalisés par l’auteur (2019)
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Fig.65 Le vide central permet de faire l’expérience d’une nouvelle spatialité Plan du rdc et du R+2 de l’immeuble n°14, éch. 1/400
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Fig. 66 Le vide vient perturber la symétrie monumentale La Galerie surplombe et traverse sans la toucher une salle à colonnes de pierre, inachevée comme le reste du KongreBhalle Fig. 67 le projet raye d’un trait la composition symétrique de l’architecture totalitaire Plan d’étage de l’auditorium placé en suspension au-dessus du niveau d’entrée
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qui ne permet pas d’avoir suffisamment de recul pour englober d’un regard le bâtiment dans son intégrité - mais depuis le nouvel intérieur urbain qui devient aussi un lieu de réunion et d’échange. Comme on peut le remarquer par la lecture des plans (cf fig.39 p.72), les immeubles de logement construits sur des schémas “traditionnels” se caractérisent par la composition d’espaces organisés selon plusieurs hiérarchies (haut/bas, avant/arrière, façade intérieure/extérieure). La hiérarchie la plus marquée est sûrement la hiérarchie avant/arrière qui travaille dans l’épaisseur du bâtiment, selon une gradation progressive de la valeur des logements. Dans le projet, les pignons du Kamieniko sont incisés à plusieurs reprises afin d’étendre l’accès à plusieurs autres façades (Nord et Sud) ce qui vient contrarier l’orientation originelle. Il devient donc primordial d’extraire le bâtiment de son rapport hiérarchique à la rue Walicow. L’instauration du grand vide central va permettre de déplacer le centre de vie vers une nouvelle centralité située entre cour “avant” et cour “arrière” donc au centre de l’édifice à la croisée des deux axes de symétries qui le compose. La hiérarchie avant/arrière est amoindrie, le bâtiment se restructure autour d’un nouvel axe de symétrie cette fois-ci longitudinal qui vient définir un côté “pignon” (celui possédant le “mur-barricade” emblématique) et un côté “logements” (fig.64).
2) la décomposition Comme dans Conical Intersect, le dispositif mis en place par G. Domenig pour l’ancien centre de rassemblement du parti nazi de Nuremberg transformé en centre de documentation ouvre une brèche dans l’ancienne forteresse nazie. Il se résume presque à un vide : une longue oblique, dans les trois dimensions, qui traverse le bâtiment dans la diagonale. A contrepied des visions classiques de la réhabilitation, qui travaillent généralement à mettre en valeur l’existant en lui donnant un second souffle, les architectes ont choisi de le blesser : il est transpercé de part en part par une longue rampe de verre et d’acier, qu’ils qualifient de “flèche” ou de “rayon”. Visuellement, c’est une intrusion qui mine l’axialité originelle. Intellectuellement, c’est une manière de se guérir d’un passé tout aussi violent, en refusant de saluer ses traces ou de les effacer. Cette prise de parti pourrait être qualifiée d’anti-mémoire car elle s’attaque au récit d’une histoire officielle mise en place par le régime nazi.
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Fig.68 Schémas de fonctionnement du pôle de recouvrement du passé caractérisé par le traitement de failles et d’obliques Plan du R+2, éch. 1/500
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Contrairement à de nombreux lieux de mémoire du nazisme, (musée juif de Berlin, mémorial de l’holocauste, camps de concentration...) ce ne sont pas les conséquences de l’idéologie nazie mais l’idéologie elle-même que ce bâtiment a abritée. Le Reichsparteitagsgelände est un des rares cas d’architecture incarnant littéralement les principes et la vision du monde de ses bâtisseurs. Il a donc fallu opérer une déconstruction de l’usage du bâtiment. Celle-ci passe par une déconstruction de son unité et donc de la pratique des anciens espaces, qui opère sur le registre du sens une déconstruction des représentations de pouvoir associées. L’architecture par un “anéantissement symbolique partiel” vient opérer une déconstruction de la mémoire officielle prônée par le régime nazie et incarnée dans son architecture, celle de la supériorité et de l’éternité. «Au sein de l’architecture conçue par les Ruff, à base de recettes connues - centralité, homothétie et surdimension -, il installe un corps étranger, décalé, à base de biais et d’obliques. L’entrée est à la fois discrète et crue. Avec son auvent en surplomb et son escalier d’accès, elle perce, comme une lance vide un abcès, l’angle septentrional du bâtiment en barrette nord, manière d’en bouleverser la symétrie, puis amorce une longue oblique, dans les trois dimensions, qui traverse le bâtiment dans la diagonale pour finir par un belvédère vertigineux sur ce qui aurait du être le cœur du KongresBhalle Cette flèche de 130m, par ses deux extrémités marque le début et la fin du parcours.”» Dans le cas des vestiges de la rue Walicow, la violence sous-jacente de l’histoire du lieu doit être révélée - tout du moins dans la partie associée à des pratiques commémoratives - pour pouvoir être dépassée. Pour le pôle de recouvrement du souvenir, le projet travaille avec une nouvelle expression : celle de l’oblique et des biais (fig.68) qui rendent le parcours sinueux et viennent le séquencer. La fluidité du déplacement des corps dans l’espace est ainsi mise à mal. Comme dans le projet du centre de documentation, le projet va venir travailler avec la rhétorique formelle de la faille. Les deux volumes opaques sont fendus sur toute leur hauteur par deux failles respectives qui sont le prolongement du tracé des passerelles. Elles maintiennent l’usager dans une distance relative avec le sol, mais aussi avec ce qui se passe à l’intérieur de ces mystérieux volumes. L’usager peut ainsi traverser le site sans pénétrer dans les espaces qui s’y accrochent de part et d’autre, il peut donc rester extérieur. La succession des failles opérées contribuent à créer une véritable mise en tension de l’espace, où l’usager est écrasé par la masse. L’échelle des espaces n’est plus une échelle humaine mais celle de la violence irrationnelle de la guerre et des génocides.
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C/ Le vide comme matière première Comment travailler le vide comme matière brute ?
1) le vide comme anti-monument 9. Joseph NASR Le rien en architecture, l’architecture du rien Editions L’Harmattan, Paris, 2010
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La première partie traitait de la figure du négatif, c’est-à-dire de la mise en image d’un objet matérialisé par la matière mais aussi par sa forme, forme que l’on peut reproduire par l’inversion vide / plein. Le vide est alors constitué en objet. La deuxième partie traitait de la recomposition de l’image d’un objet par le vide, opération qui passe par une destruction relative et trouve sa pertinence dans une intervention critique sur l’existant. La troisième partie interroge la dimension monumentale de l’espace vide, dans son registre physique et symbolique. La “matérialité” du vide devient matière première du projet, il est façonné comme une matière brute. Désormais considéré comme finalité, il est la composante première du projet et se fait matériau. Ce “matériau” est obtenu en creusant à partir d’une matière première comme c’est le cas de la chapelle Bruder-Klaus, ou au contraire en se laissant délimité par des pleins comme dans le cas du musée juif de Berlin. Le “musée” de l’Holocauste de Berlin conçu par D. Libeskind est paradoxal dans sa nature : il expose en réalité très peu de collections dans une architecture défiant la fonctionnalité. Il se compose d’une continuité d’espaces “vides” déclinés sous de nombreuses formes : larges circulations au sous-sol, vides verticaux sur toute la hauteur de l’édifice, etc. La raison ? Il ne s’agit pas tant de renseigner sur les événements passés que de faire l’expérience d’espaces vides comme matérialisation de l’absence. Tout le musée s’offre ainsi comme un vaste dispositif destiné à mettre en scène non pas l’espace mais le ressenti même de vide et de l’exacerber. Ce vide qui, dans un renversement hiérarchique plie l’espace urbain à sa rhétorique, acquière une relative autonomie. La “tour du cri” (fig.69), un espace vide aux dimensions monumentales, est ainsi traitée comme un volume extérieur indépendant et monolithique, où le visiteur peut faire l’expérience de l’écho de sa voix. “Le vide architectural de ces énormes murs en béton nu symbolise l’œuvre inachevée qui restera à jamais vide, rappelant la césure, la rupture ainsi que le vide culturel et humain laissé par l’Holocauste des Juifs d’Europe. Dans l’interprétation de l’Holocauste, la parole s’absente, le silence est langage, vision et écoute. “Le trop de silence appelle le cri”.9
Le vide se fait l’outil d’une crise de la représentation. Cette crise du récit historique qu’ont provoqué les événements totalitaires du XXème siècle est en fait une crise de l’éthique qui aboutit à une crise de la représentation du passé. Rapidement, la matérialisation de la mémoire se heurte à l’incapacité de représenter l’irreprésentable dans sa littéralité car elle pose le paradoxe suivant : l’horreur ne peut être évoquée que dans son incapacité à être représentée. C’est à ce moment-là qu’apparaissent les ruines “mémorielles” que sont Oradour-sur-Glane, le dôme de Genbaku ou encore l’église du souvenir, “inventées” après la Seconde Guerre Mondiale. Elle s’accompagne de l’érection de toute une génération de “monuments de souvenirs” allant du mémorial au musée historique qui partagent la caractéristique commune de révéler l’irreprésentable par le vide comme dans le projet de D. Libeskind. Cette crise de la représentation est bien illustrée par le Monument contre le fascisme d’Harburg. Il s’agit d’une colonne de 12m inaugurée en 1986 à Hambourg, vouée à disparaître. Elle disparut finalement en 1993, et est désormais visible par fragment au travers d’une fenêtre meurtrière. Cette “architecture” se positionne en critique de la valeur mémorielle accordée au monument, elle est d’ailleurs restée célèbre pour sa qualification d’“anti-monument». Le concepteur, J. Gerz, qui a beaucoup réfléchi sur la notion de “mémoire” déclare : “Nous invitons les citoyens de Harburg et les visiteurs de cette ville à ajouter ici leurs noms aux nôtres. Cela doit nous inciter à être et demeurer vigilants. Au fur et à mesure que nos noms couvriront cette colonne de 12 m, elle s’enfoncera progressivement dans le sol. Un jour, elle aura totalement disparue et la place du monument de Harburg contre le fascisme sera vide. Car rien ne peut au long cours s’ériger à notre place contre l’injustice”. Le vide devient le support d’une mise en mémoire de l’irreprésentable et va même jusqu’à s’affranchir du “plein” dans le Monument contre le fascisme ou encore dans “2 146 pavés - monument contre le racisme Särrebruck - J. Gerz. Le vide trouve sa justification en lui-même, s’autonomise et vient accueillir la part immatérielle de l’architecture. Il s’agit de mettre en valeur les composantes intangibles avec lesquelles travaillent le projet. On peut ainsi retrouver une écriture analogue dans les espaces considérés comme “sacrés”. p. 111
Fig.69 Le vide emphasique comme matière première La «tour du cri» du musée juïf de Berlin, architecte : Libeskind, 2001
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Fig.70 l’association entre masse et lumière zénithale comme composantes d’un espace liturgique Vue en contre-plongée de la chapelle Bruder-Klaus
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2) le vide spirituel La chapelle Bruder-Klaus (fig.70), l’architecte P. Zumthor vient travailler avec le vide mais cette fois-ci en creusant dans la masse, opération complémentaire de celle de la “tour du cri” du musée juif. La masse est obtenue par le damage successifs de couches de béton. La matière a été ensuite littéralement évidée par le processus de fabrication de l’espace. On a mis feu aux troncs de bois disposés “en tente” qui composait le coffrage du béton. Les troncs de bois calcinés ont ensuite été évacués. “Les termites creusent. Creuser n’est pas construire, n’est pas fabriquer une pièce ou fabriquer un espace. Creuser est dégager un vide ; il s’agit là d’une autre opération que celle de construire un espace. Comme on le voit avec les projets de Koolhaas, de Herzog et de Meuron, MRVDV ou encore Holl, cette opération d’excavation a partie liée avec le monolithisme. On ne peut en effet réellement creuser que dans une masse, un solide, ce que l’on peut nommer par extension un poché. Et la forme de cette masse ou de ce solide, est fondamentalement indifférente, ou peut être le résultat de contraintes contextuelles ou programmatiques assumées de façon littérale. Le poché n’est donc plus lié à une problématique spatiale, au sens où l’entendaient Kahn, Venturi et Rowe, mais à une stratégie du vide, comme l’entend Koolhaas.” Bien que la forme et le processus de composition soient organique, j’aimerai mettre en place un espace aux caractéristiques similaires pour les espaces de recueillement dont la surface (env. 100m2) correspond à une architecture de petite dimension mais de grande symbolique comme vu dans les exemples précédents. Ainsi si la forme extérieure est contrainte, elle agit comme rappel formel d’un édifice disparu, l’espace intérieur s’autonomise de cette enveloppe et déjoue toutes les hiérarchies compositionnelles habituelles par le travail du poché.
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Travail du poché “Si les opérations sont architecturales, elles s’adressent à un milieu qu’il n’est pas requis de fractionner et d’articuler en pièces distinctes. Le poché emporte l’idée de continuité, que la figure soit considérée par rapport au fond, ou que le fond le soit par rapport à la figure, dans une alternance possible des inversions successives du blanc et du noir, du positif et du négatif, du plein et du vide, de la convexité et de la concavité, déjouant encore les hiérarchies compositionnelles habituelles.”, on retrouve donc cette opération d’inversion vide/plein déjà évoquée dans les lignes ci-dessus
Conclusion IIIème partie : La forme du vide de l’espace urbain de Varsovie peut être considéré comme une trace de son passé tourmenté. Le vide devient alors un objet en soi, possédant une forme et une identité, dont il convient de préserver l’intégrité dans une stratégie du vide. L’enjeu est alors de transformer ce vide “inerte” en un vide signifiant ainsi que de le rendre lisible aux yeux des personnes amenées à traverser le lieu. Le vide va ainsi être activé de deux manières : d’une part de manière formelle par un travail de complémentarité avec le plein venant enchâsser ce vide comme négatif ensuite de manière symbolique dans un rapport de complémentarité / d’association avec la trace. Le dispositif d’inversion vide/plein associé à une valorisation des traces du passé permet ainsi au projet d’exprimer une absence signifiante dans l’espace urbain. Cette stratégie du vide sera appliquée comme outil d’intervention sur les bâtiments existant intégrés au projet. Cette fois-ci, le vide n’est plus un objet dont la forme et l’identité doivent rester intelligible mais un outil taillant dans l’épaisseur de la matière pour ménager des porosités qui permettront d’autres appropriations du lieu. En recomposant, voir en abolissant les hiérarchies initiales, il vient déconstruire la pratique d’un lieu pour la recomposer autrement et opérer un renversement des usages. De fait, il en recompose aussi l’image et la signification qu’il a dans l’espace social. Ce procédé d’intervention s’avère efficace lorsqu’il faut opérer une mise à distance critique avec une histoire tragique ou encore révéler la violence sous-jacente du passé d’un lieu. L’expression du vide se fait alors violente, dans une lutte avec la matière, où celui vient fendre, transpercer, ou encore amputer et scarifier. La violence ainsi révélée par l’architecture, elle peut être appropriée, et éventuellement dépasser par l’usager du lieu.
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Fig.71 Les deux volumes qui investissent les anciennes cours sont fendus par le passage des passerelles Document personnel (2019)
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La mise en récit - rendre la trace intelligible Comment rendre la trace intelligible ? 1
L’expérience dite “expérience du Campement de Millie” soulève le problème de l’interprétation des vestiges du passé. Menée par un groupe d’étudiants en anthropologie de l’université d’Alberta au début des années 1970, elle avait pour but d’estimer le degré de validité des modes de raisonnement et d’interprétation archéologiques dont on ne pouvait habituellement pas contrôler la véracité. L’idée était d’étudier selon des techniques archéologiques un site occupé récemment, d’en reconstituer le fonctionnement grâce à l’étude des vestiges découverts sur place, puis de soumettre les résultats obtenus à l’un de ses anciens habitants. L’échec de cette expérience prouve que “le monde des objets matériels est donc moins évident que nous ne sommes portés à le croire (…) paradoxalement, leur temporalité nous échappe.”2 Ramené au contexte du projet, cela explique qu’il y a donc nécessité de «faire parler” les traces en les gratifiant d’un contexte qui permettra d’en faire la lecture. “(...) des vestiges abandonnés ou oubliés reçoivent une nouvelle signification lorsqu’ils sont placés dans des contextes radicalement réinvestis, contextes que peut-être seule l’architecture est en mesure de créer”,3 M. L., p. 23 Comment créer un contexte permettant de rendre la trace intelligible ?
1. expérience mentionnée par Laurent OLIVIER dans Le sombre abîme du temps : mémoire et archéologie, op. cit. pp 53-56. 2. Laurent OLIVIER Le sombre abîme du temps : mémoire et archéologie, op. cit. p. 56 3. Mari LENDING et Peter ZUMTHOR Présences de l’histoire Scheidegger & Spiess, Zurich, 2018, p. 23
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Fig. 72 Vue sur la cour du fond depuis une cage d’escaliers de service du n°14 dit «Kamienico» Photo prise par Szary Burek (2019)
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Fig. 73 Intérieur d’un salon du n°14 dit «Kamienico» Photo prise par Szary Burek (2019)
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Fig. 74 Vue d’une des cages d’escaliers de service de la première cour du n°14 dit «Kamienico» Photo prise par Szary Burek (2019)
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Fig. 75 Vue du dernier niveau d’un pièce appartement en fond de cour du n°14 dit «Kamienico» Photo prise par Szary Burek (2019)
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A/ La nature paradoxale du temps Comment mettre en lien le passé avec le présent ? le révolu avec l’actuel ? 1) la construction du récit comme lieu “hors temps” 4. Sigmund FREUD Lettre du 10 Janvier 1900 in Freud 1966, p. 65 5. Laurent OLIVIER Le sombre abîme du temps : mémoire et archéologie, op. cit. p. 256 6. Ibid p. 260
L’exemple précédent met en lumière le caractère paradoxal du temps. Non seulement la reconstruction d’un passé vécu par d’autres est toujours l’instauration d’hypothèses, mais la reconstitution de son propre passé est une “restructuration après coup du souvenir”. Ainsi S. Freud écrivait “Tous les refoulements, 4 s’accomplissent sur des souvenirs et non des expériences”. On a donc raison de rappeler l’importance de la structuration après coup qui scinde le moment de l’expérience de celui de sa restructuration. (…) La construction spontanée de cette histoire est, à chaque fois, le résultat d’une évaluation rétrospective du passé, dont le lieu, contrairement à ce que l’on pourrait croire, n’est pas le moment du temps où a lieu cette négociation : c’est plutôt celui d’un “hors-temps” qui n’a pas de localisation précise dans la chronologie, dans le sens où, étant l’endroit où se négocie l’identité des événements ou des créations archéolo5 giques, il est situé entre le passé et le présent ; c’est-à-dire en réalité nulle part” La mise en relation du passé et du présent se ferait donc dans un “hors-temps”. “Les objets ne sont pas autre chose que la réification de cette relation, son inscription dans la matière” (…) “En fait, c’est en se situant dans un “hors-temps” réciproque que passé et présent trouvent l’occasion de coïncider et de s’éclai6 rer l’un l’autre”. Il a déjà été évoqué que travailler par ajout contemporain avec des traces authentiques permettait d’instaurer une “profondeur temporelle”, mais celle-ci consiste en la représentation de l’oeuvre du temps, d’une présence du passé, d’un “sentiment de l’histoire”. Il apparaît que le “hors temps” n’est pas le temps de la matière, ni celui des vestiges, mentionné jusqu’à présent, mais le temps “à l’intérieur” de l’individu, celui qui est présent pour l’individu dans un dispositif architectural, c’est donc un temps de la mémoire qui agit comme reconstruction du souvenir c’est-à-dire comme constitution du récit personnel. Mais comment instaurer un “hors-temps” ?
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La description du “hors-temps” par L. Olivier s’apparente curieusement à la description du temps liturgique formalisé par E. Mircea. “Pas plus que l’espace, le Temps n’est, pour l’homme religieux, homogène ni continu” (… ) “Le temps du sacré est par sa nature même réversible (…). Tout temps liturgique, consiste
dans la réactualisation d’un événement sacré qui a eu lieu dans un passé mythique. Le temps sacré ne s’épuise pas”,7 Une première piste consiste donc à concevoir des espaces retranscrivant formellement les caractéristiques des espaces “sacrés”. Il s’agit le plus souvent d’espaces où l’observateur perd ses référentiels temporels extérieurs. Il se matérialise donc souvent par un espace introverti, propice au recueillement, orientant les vues sur des éléments de permanence du contexte, considérés comme immuables (rapport au ciel, au paysage ou au sol). La lumière souvent verticale et zénithale participe à la définition de cet espace temporel spécifique. Mais plus simplement, l’expérience du “hors temps” peut déjà être expérimentée sur le site de la rue Walicow lors de la déambulation dans le bâtiment en ruine du Kamieniko (fig.72-75). Il est connu depuis longtemps que la contemplation des ruines ouvre un champ de tension entre passé et futur, raison pour laquelle la figure de la ruine été constituée en véritable esthétique souvent qualifiée d’ “esthétique des ruines”. “(…) entre leurs passés multiples et leur fonctionnalité perdue, ce qui s’en laisse percevoir est une sorte de temps hors histoire auquel l’individu qui les contemple est sensible comme s’il l’aidait à com8 prendre la durée qui s’écoule en lui.” Ainsi, après la visite du pavillon Sint-Jozef laissé à l’état de ruine par l’intervention de l’agence ADVVT (fig.76), le critique Philip Ursprung raconte qu’en déambulant dans ce bâtiment il a “senti, pendant un instant, que le temps était littéralement exposé” et “qu’il pouvait presque toucher le passé et presque saisir le futur” “ni en chantier, ni en cours de démolition, l’édifice semble figé pour un temps indéfini, comme en suspens, aussi ouvert au visiteur qu’à un imprédictible futur.” 2) l’esthétique de la ruine Mais qu’est-ce qu’une ruine ? L’Unesco définit la ruine comme “un bâtiment qui a perdu une part si importante de sa forme et de sa substance originelle, que son unité potentielle en tant que structure fonctionnelle a aussi été perdue”.9 Elle est donc une trace partielle définie par l’absence d’une partie de sa matérialité. Et c’est de par sa fonctionnalité perdue que se créée son rapport si particulier au temps. La ruine, par sa discontinuité spatiale, va générer une discontinuité temporelle par contraste avec le milieu dans lequel elle existe. « Un bâtiment en cours de construction n’est pas encore en servitude. Il est si anxieux de l’être qu’aucun brin d’herbe ne peut pousser à son pied, si haut est l’esprit de l’existence qu’il désire. Quand il est achevé et en service, le bâtiment veut dire : “Regardez, je vais vous raconter comment j’ai été fait.” Personne n’écoute. Chacun s’affaire à aller de pièce en pièce. Mais, quand le bâtiment est en ruine 10 et libéré de sa servitude, l’esprit émerge disant la merveille qu’un bâtiment ait été construit. »
7. Éliade MIRCEA Le sacré et le profane Coll. Folio essais, Gallimard, Paris, 1965, p. 63 8. Marc AUGÉ Le temps en ruine Galilée, Paris, 2003 9. définition donnée dans le rapport de FEILDEN et JOKILEHTO Management guidelines for world cultural heritage sites Rome, 1990
10. Louis I. KAHN Silence et lumière Éditions du linteau, Paris, 1996
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Fig. 76
Le pavillon Sint-Jozef préservé dont le statut de ruine a été maintenu Pavillon de l’hôpital Sint-Jozef, Melle, Belgique, architecte : ADVVT, 2018
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11. Pierre CHABARD Transformé en “installation architecturale à ciel ouvert” (fig.76), le pavillon Sint-Jozef de l’hôpital psy«Ruine à l’endroit» in D’A chiatrique Karus à Melle s’offre désormais “à la déambulation et à la rêverie” ainsi qu’au passage des n°266, 2018, p. 74 éléments. En 2014, une vaste opération de restructuration du complexe prévoie la démolition de quatre anciens pavillons dont celle déjà initiée puis ajournée du Sint-Jozef. Sur le conseil de l’agence BAVO, toute la communauté de Karus est invitée à participer à une réflexion collective. Les intenses discussions construisent de proche en proche la valeur des anciens pavillons, aussi bien personnelle que collective, architecturale que symbolique, plus mémorielle que patrimoniale. “Il devient finalement évident pour tout le monde que le pavillon Sint-Jozef, même partiellement démoli, même impropre à accueillir des salles 11 de soins ou des chambres de patients, doit absolument subsister sous une forme ou sous une autre”. Le contrat de démolition est finalement annulé et le budget afférant de 200 000 euros, réaffecté à sa conservation pour un programme “d’espace monumental de plein air”.
La proposition de l’agence aDVVT possède, dans sa simplicité et dans son évidence, une certaine radicalité. Elle propose «seulement” de maintenir le bâtiment en état : stopper sa disparition et garder ce qui peut l’être. Il s’agit simplement de créer les conditions architecturales de sa survie. L’édifice est en quelque sorte évidé, il est débarrassé de son second œuvre et de certains planchers. Seule l’enveloppe est conservée dans son intégrité comme si, hormis les façades et refends de briques d’une matérialité plus pérenne, le reste avait succombé sous l’action du temps. ADVVT équipe celui-ci pour une sorte de veille active qui n’empêche pas d’en jouir intensément dans l’immédiat et n’hypothèque aucun de ses possibles. Libéré de tout impératif fonctionnel (même le clos et le couvert), le bâtiment semble formuler non seulement de nouveaux usages mais aussi de nouvelles façons de dispenser les soins. L’intervention de l’agence aDVVT en conservant intact l’édifice tel que le temps l’a livré, en perpétue l’aspect anachronique, celui-là même qui ouvre une brèche dans le temps. Il en résulte l’établissement d’une relative continuité dans la discontinuité consubstancielle de la ruine. Elle ne résulte pas d’un compromis mais d’un parti pris fort. Appliqué au bâtiment ruiné et dysfonctionnel qu’est le Kamienico (fig.72-75), cette «fuite hors du temps” permet de préserver ce registre temporel si particulier qui trouve son sens dans son positionnement sur le parcours. Localisée entre le pôle de recherche, immergé dans le temps de la ville, et le pôle de “recouvrement du passé”, plongé dans le temps de la restructuration du souvenir, la ruine s’offre comme un espace de transition spatial mais aussi temporel. Unique accès aux espaces de recueillement qui se fait au niveau du deuxième étage du bâtiment, il est en fait le seuil, l’antichambre, des espaces évoquant la mémoire des disparus.
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Fig. 77 La stabilisation du Kamieniko dans son état de ruine Coupe sur la maquette du Kamieniko, éch. 1/200
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Comme dans le cas du pavillon Sint-Jozef, il s’agit de stopper la disparition du bâtiment et d’en conserver le statut de ruine. Il subira donc le même traitement. Il sera déshabillé de tout le 2nd œuvre et de la couverture (cloisons, plafonds, enduits, électricité, plomberie, les menuiseries ayant déjà été déposées). Il sera réduit à ses façades de briques, ses refends, ses escaliers, sa charpente subsistante. La suppression de certains planchers s’avérera nécessaire afin d’aller chercher un rapport au ciel dans l’ancien intérieur, comme évoqué dans les pages précédentes. Le programme comme “espace monumental en plein air” (excepté au niveau du rdc qui abritera quelques fonctions d’accueil comme par exemple un espace d’information) générera l’ambiguïté intérieur / extérieur propre à la ruine qui sera notamment exacerbé par la couverture du volume central possédant un occulus (fig.77). Le reste de la toiture sera remontée avec une couverture en polycarbonate, allusion formelle à la transparence des ruines.
12. formulation de Pierre CHABARD dans «Ruine à l’endroit» in D’A n°266 Op. cit. p. 79
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Seulement conserver en état la ruine du Kamienico est-ce un “plaisir solitaire d’architecte” ? La ruine peutelle sortir du statut d’objet de contemplation qui la définit ? “Benjamin considère l’architecture comme à l’abri de toute contemplation, du moment qu’elle fait l’objet d’un “usage”. Comme dans le projet du pavillon Sint-Jozef, le Kamieniko est laissé sans affectation particulière, mais pas sans usage. L’usage est créé par le contexte de manière analogue. Grâce à la communication qui le relie aux autres programmes et l’intègre comme partie d’une nouvelle totalité, le 14 Walicow, par sa position centrale, acquière un statut d’espace pivot. Il va constituer le lien entre les différents pôles, notamment au niveau du sol et au niveau référent du deuxième étage par un jeu de passerelle. Il est par conséquent amené à être traversé. D’un bâtiment qui fonctionnait de manière autonome on bascule à un bâtiment indissociable de l’ensemble dans lequel il prend désormais place et qui devient nouveau référent. L’exclusion consubstancielle à la figure de la ruine peut ainsi être modérée.
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Fig.78 Le langage spatial qui permet d’orienter les pratiques commémoratives Mémorial aux juifs d’Europe assassinés, Berlin, architecte : Peter Eisenmann, 2005
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B/ Le langage de l’espace édifié Comment mettre en œuvre le récit par le langage spatial ? Quel type de récit ? 1) la modalité exemplaire
13. Mari LENDING et Peter ZUMTHOR Présences de l’histoire Op. cit. p. 30 14. Mari LENDING et Peter ZUMTHOR Présences de l’histoire Op. cit. p. 32
“(…) On nous remémore un sentiment pour quelque chose qui est absent mais qui nous est très familier.13 (…) Les gestes architecturaux peuvent dire plus longs que les mots, ou pour le moins, quelque chose de 15. Tzvetan TODOROV différent. Les gestes physiques d’un bâtiment sont plus primaires, plus directement reliés aux capacités Les abus de la mémoire op. cit. p. 30 sensorielles de notre corps que les pensées ou les mots” 14 Comme évoqué dans l’introduction, T. Todorov mentionnait deux formes de réminiscence guidées par l’usage : la forme littérale et la forme exemplaire. Qu’est-ce que la modalité exemplaire ? “Ou bien cet événement - mettons un segment douloureux de mon passé ou de celui du groupe auquel j’appartiens - est préservé dans sa littéralité (ce qui ne veut pas dire sa vérité), il reste un fait intransitif, ne conduisant pas au-delà de lui-même. (…) (…) j’ouvre ce souvenir à l’analogie et à la généralisation, j’en fais un exem15 Les modes de rémiplum et j’en tire une leçon ; le passé devient donc principe d’action pour le présent”. niscence peuvent être associés à la grille de réinterprétation du passé qui va lui donner en quelque sorte sa couleur. Nous avons en effet vu qu’investir un site c’est livrer un récit rétrospectif de son passé. Le Mémorial aux juifs assassinés d’Europe de P. Eisenman privilégie une de représentation du passé qui agit sur un mode de réminiscence exemplaire. Il suit le principe d’exemplarité, où l’événement commémoré est “ouvert à la généralisation” : “sans nier la singularité de l’événement même, je décide de l’utiliser, une fois recouvré, comme une instance parmi d’autres d’une catégorie plus générale, et je m’en sers comme d’un modèle pour comprendre des situations nouvelles, avec des agents différents”.16Fait extraordinaire, le mémorial ne possède ainsi aucune signalétique : symboles religieux, plaques, ou inscription. Le lieu tente de «faire sens” par les seules armes du langage spatial réduit à sa plus simple expression : la répétition du module d’une stèle de béton s’apparentant formellement à l’image d’une tombe. La mise en récit résultante, non nominative, ne peut donc que se présenter comme l’interprétation d’une histoire non explicite. Le lieu compose avant tout avec l’histoire personnelle des individus car il renvoie à une mémoire qui n’est pas nominative.
16. Ibid. p. 30
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Fig. 79 La double paroi ajourée perméable à l’air et à la lumière entoure l’espace des fouilles Vue du «parcours muséal» au niveau des fondations Fig. 80 La façade apparaît comme une coupe d’un sol organique où les vestiges semblent fossilisés Vue de la façade sur rue
Fig. 81 L’église a été bomabardée pendant la Seconde Gerre Mondiale Vue des vestiges de l’église Sainte-Colombe après les bombardements
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Le résultat est selon moi redoutablement efficace. Sur la photographie (fig.78) on voit la multiplicité d’appropriation générée par le lieu. En fonction de l’usage qui est fait par le visiteur, il devient tour à tour espace de vie et espace mortifère ces deux registres ne semblant nullement s’exclure en un même lieu. Cette multiplicité d’usages est en partie générée par l’alternance dynamique des vides et des pleins. Lorsqu’on pénètre dans le cœur du mémorial, le sol et les stèles se déforment venant créer une épaisseur fluctuante. L’espace se fait oppressant en orchestrant les disparitions et réapparitions soudaines des corps dans le quadrillage de volumes. Mais ce dispositif simple qui génère un sentiment d’insécurité et d’angoisse devient paradoxalement un dispositif permettant le jeu. Ainsi, à l’occasion de diverses visites du lieu, j’ai pu observer des parties de cache-cache entre les “tombes” où adultes et enfants jouent à se faire peur. Si l’on regarde à nouveau la photographie, on peut se demander si l’homme marchant sur les “tombes” est en train de jouer.
17. la brique «Kolumba» a été fabriquée par le briquetier danois Christian Petersen, elle a permis d’exécuter avec précision la jonction avec les nervures ornementales de la maçonnerie gothique
2) la mémorisation dans la matière L’exemple précédent illustre l’importance de la matérialité dans l’intelligibilité du message que l’architecture se fait un devoir de restituer. Quelle matérialité mettre en œuvre dans le projet ? Elle devra rassembler les traces éparses du passé dans un langage formel cohérent et incarner une architecture qui assume sa présence et ne s’évanouit pas dans le site. Le choix se portera donc sur une matérialité massive qui tentera de révéler l’existant par l’opacité et non par la transparence. Les matériaux choisis seront des matériaux bruts, mis en œuvre avec le moins de traitements possibles, car ces matériaux devront être en capacité d’être altérés tout en restant fonctionnel, pour qu’on puisse y lire la mémorisation du temps. Par sa masse et sa capacité d’inertie, la matière minérale est propre à être potentiellement marquée par l’usure du temps et altérée, elle peut donc éventuellement se constituer en support de réactivation du passé à son tour. Cette spécificité de la matière minérale est tirée à partie dans le Kolumba Kunstmuseum de Cologne (fig.80). L’architecte P. Zumthor abolit les rapports hiérarchiques entre les différents éléments historiques du site : une église gothique tardive détruite par les bombes (fig.81), dans le sol de laquelle des fouilles ont mis à jour, couche après couche, les fondations de l’église, parvenant jusqu’aux vestiges des murs romains. Par la matérialité, il donne simplement à voir les processus d’agrégation et d’accumulation du temps. Une brique17très fine conçue spécialement pour l’occasion et mise en œuvre sans joints de dilata-
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Fig.82 La paroi ajourée diffracte les rayons du soleil et filtre les vues vers l’extérieur Photo intérieure de la maquette au niveau de l’équipement des archives de la reconstruction, ech. 1/200
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tion permet la jonction avec l’existant en s’appuyant sur les murs des fondations. La nouvelle matérialité, conçue dans le prolongement de l’ancienne, agit ainsi comme métaphore d’un sol organique stratifié et sédimenté par l’œuvre du temps. Les façades extérieures se transforment ainsi en coupe où l’on peut lire depuis la rue les différentes époques stratifiées en hauteur, où les vestiges apparaissent comme fossilisés. Comme au Kolumba Kunstmuseum (fig.79), le projet de la rue Walicow travaille principalement avec la matérialité massive mais poreuse d’une façade de briques ajourée. Cependant, un autre matériau minéral - en l’occurrence le béton - est additionné au dispositif des façades afin de créer une véritable “rhétorique de la matérialité” dans un jeu de double paroi. Les deux matériaux sont chacun investis d’une fonction et viennent matérialiser un registre d’expression spécifique au sein du projet. La brique qui fait référence au tissu de la ville d’avant-guerre constitué essentiellement d’édifices en brique, cherche avant tout à créer un lien d’unité formelle avec les différents éléments du projet et du contexte. C’est un matériau qui se patine facilement, et dont le calepinage permet de redonner une échelle humaine au lieu. Le béton, plus adapté pour des raisons structurelles, vient exprimer par ses propriétés plastiques une certaine violence, notamment dans le pôle mettant en scène la violence de l’histoire du lieu. Le béton vient alors rappeler l’univers militaire et la thématique de l’enfermement. La combinaison de deux enveloppes aux matérialités tranchées, de par leur couleur et leur texture, renforce la notion d’intériorité. Elle génère une façade épaisse qui vient contenir un espace d’entre-deux sur toute la longueur des volumes créés. Il s’opère alors une gradation entre l’espace urbain et social et le coeur des volumes dont les usages réclament d’avantage d’intimité. La brique est utilisée pour exprimer la matérialité de la limite extérieure, en contact avec l’espace urbain (fig.83). Paroi simple non structurelle elle est ajourée donc perméable à l’air et à la lumière. Au besoin, elle est doublée d’une paroi vitrée. Cette paroi à clairevoie remplit plusieurs fonctions (fig.82). Elle laisse passer la lumière tout en filtrant les vues notamment le long du linéaire de logements. Ensuite elle maintient par sa porosité, le caractère extérieur et publique de l’espace d’entre deux. Enfin elle diffracte les rayons directs du soleil pour les programmes de bibliothèque et pour le centre d’archives. Le béton quant à lui est utilisé pour la structure porteuse (poteaux-poutres), ainsi que pour le parcours linéaire - afin d’assurer les longues portées des multiples séquences où la passerelle est suspendue sans point d’appui au sol-, le second œuvre (gardecorps, etc.) et les ajouts ponctuels sur l’existant - afin de les dissocier.
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Fig.83 Une enveloppe de brique ajourée vient moduler la porosité de la façade extérieure Élévation Nord, éch. 1/500
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C/ L’espace vécu Comment ce récit va-t-il être vécu et perçu ?
1) la “reconstruction émotionnelle” 18
La trace habitée possède la particularité d’être une trace vécue de l’intérieur. “(…) Du fait de notre appartenance au monde, et lorsque nous utilisons un bâtiment, nous sommes toujours sujets à d’innombrables émotions, images et souvenirs. C’est ce que j’aimerais comprendre et orchestrer dans mes projets”. Posons l’hypothèse que la mémoire corporelle, c’est à dire celle enregistrée lors de l’expérience du lieu, peut rentrer en résonnance avec les éléments du récit collectif mis en jeu par le lieu. Nous en revenons à l’exemple du mémorial aux juifs assassinés d’Europe où le mode exemplaire du récit est mis en place par l’expérience du lieu, notamment au moyen de l’expérience des dimensions de l’espace par le corps. Cette approche assume la nature paradoxale du temps évoquée plus haut car elle met en exergue la part de subjectivité et d’imaginaire que suppose l’acte de reconstruction du passé ou de restructuration du souvenir. “Le souvenir est dans une très large mesure une reconstruction du passé à l’aide de données empruntés au présent, et préparée d’ailleurs par d’autres reconstructions faites à des époques antérieures et d’où l’image d’autrefois est sortie déjà bien altérée. (…) Sans doute nous reconstruisons mais cette reconstruction s’opère suivant des lignes déjà marquées et dessinées par nos autres souvenirs ou par les souvenirs des autres.” 19
18. Mari LENDING et Peter ZUMTHOR Présences de l’histoire Op. cit. p. 71 19. Maurice Halbwachs La mémoire collective Op. cit. 20. formulation de Pierre CHABARD «L’architecture contre l’histoire» in D’A n°266 Op. cit. p. 61-68 21. Mari LENDING et Peter ZUMTHOR Présences de l’histoire Op. cit. p. 72
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Qualifiée d’ “approche phénoménologique”, la démarche de Zumthor se pense comme une “réponse émotionnelle par leur sensibilité” censée susciter une “expérience qui éveille une conscience émotionnelle de l’histoire du lieu”. “(…) Lorsque je parle de reconstruction émotionnelle, j’entends par là permettre et stimuler des sentiments d’empathie voire de compassion, mais aussi une curiosité ludique qui pousse à faire l’expérience d’un lieu. Les volumes noirs et les espaces intérieurs que j’ai conçus pour le projet de Sauda sont une tentative de créer un environnement émotionnel qui témoigne de la vulnérabili21 té de ceux qui ont travaillé dans la mine.”
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Fig. 84 Une entaille dans la matière topographique Plan du musée de l’Holocauste Yad Vashem Fig. 85 Les corps sont contraints à un parcours sinueux en «couture» La travée centrale du musée de l’Holocauste Yad Vashem (2004)
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22. Ibid. p. 73 Ce qui est essentiel dans la notion de “reconstruction émotionnelle” telle que l’entend P. Zumthor, c’est qu’il s’agit d’une “expérience partagée” entre l’architecte et l’individu, où l’architecte tente de créer mettre en présence les composantes immatérielles des lieux par la mobilisation des sens de l’individu parcourant l’édifice construit. “Je peux utiliser des matériaux, de la lumière, de l’ombre et des sons pour composer une œuvre d’architecture et lui donner une présence que la plupart des gens pourront associer avec quelque chose de leur propre paysage émotionnel. Nous venons tous de quelque part, nous sommes tous remplis d’images hautement personnelles qui nous sont chères, nous sommes remplis d’histoire. J’aime travailler avec cela”.22Mais plus globalement, il s’agit aussi d’une expérience partagée par les individus faisant collectivement l’expérience d’un espace.
2) la “mémoire du lieu” comme mémoire corporelle Le musée de l’Holocauste Yad Vashem conçu par l’architecte Moshe Safdie, ne se contente pas de restituer l’histoire de la Shoah mais tente par sa spatialité de créer un “paysage émotionnel” tentant de mobiliser les ressentis et les souvenirs du visiteur. L’allée centrale, bordée par les hautes et épaisses parois en dévers, ne se traverse pas directement d’un bout à l’autre sauf par le regard. Si elle est un lieu de passage, le parcours y est contraint : les visiteurs passent de salles en salles en traversant ce hall uniquement transversalement (les balustrades, protégeant les objets exposés au niveau du sol, empêchant la traversée) (fig.85). C’est physiquement, par le chemin sinueux, en couture, que le public participe à réaliser la suture de cette ouverture. On comprend alors que ce “couloir” est en réalité bien plus substanciel : si nous avons tout d’abord le sentiment qu’il fissure et dissocie le musée, il est en fait le lieu de la suture dont les tranchées d’exposition seraient les agrafes, et le flux des visiteurs le fil tissant notamment le lien entre le passé et le présent. Il est intéressant de noter l’analogie du dispositif en plan avec celui du projet de centre de documentation de Nuremberg (fig.84) Comme pour le musée de l’Holocauste Yad Vashem, l’expérience physique de l’ensemble rue Walicow va participer à la mise en récit. Le lieu va être appréhendé et expérimenté au travers de la répétition de trois couples d’actions antagonistes. Le couple d’action voir / ne plus voir ou encore être vu / disparaître nécessite la mise en œuvre de la notion de porosité. Celle-ci est générée dans le projet déjà par la création répétée de vides destinés à laisser passer les vues, puis par le traitement de la façade et le travail de son épaisseur qui contribuent à créer une succession d’espaces au caractère tantôt intime tantôt urbain.
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Église place Chodna
Fig. 86 Le franchissement de la zone hors-ghetto désormais inaccessible pour les juifs Photo du pont reliant petit et grand ghetto au-dessus de la rue Chlodna Fig. 87 Le franchissement de la zone hors-ghetto désormais inaccessible pour les juifs Photo du pont de la rue Przebieg servant à relier les différentes enclaves intégrées au ghetto
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Fig. 88 La passerelle agit comme un «écho» dans le temps en mobilisant les sens des usagers Le franchissement de la passerelle devant le mur estropié du Kamienico, éch. 1/200
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Le couple d’actions être à l’intérieur / à l’extérieur est aussi largement sollicité. Tout au long du parcours se créée une ambiguïté assumée entre intérieur et extérieur qui atteint son paroxysme dans le traitement du Kamienico conservé comme ruine donc comme un “extérieur” à l’ “intérieur”. Enfin le couple d’action franchir / achopper est peut-être le plus présent dans le projet. L’usager peut faire l’expérience de la traversée du site sur quatre séquences différentes (fig.88) dont trois séquences extérieures (traversant des distances respectives entre 30 et 50m) et une à l’intérieur du Kamienico. Cette expérience du franchissement se veut un écho dans le temps de l’expérience de la traversée des ponts et passerelles qui assuraient la liaison des différentes parties des enclaves du ghetto. Car le pont de la rue Chlodna (fig.86), assurait certes la liaison la plus importante, mais elle n’était pas unique pour autant (fig.87). Les limites du ghetto n’étaient pas figées comme on aurait tendance à le penser (cf carte en annexe p.), elles se sont modifiées plusieurs fois selon le bon vouloir des nazis. La thématique de l’exclusion de la ville - et sa corollaire dans le cas du ghetto de Varsovie l’enfermement - peuvent être traités formellement de multiples manières (périmètre dessiné au sol comme c’est le cas dans certaines parties du centre de la ville, figure du labyrinthe, succession d’espaces fermés et aveugles, etc.). Mais la thématique du franchissement est représentative à la fois de l’acte exclusion de la communauté juive. Le moment du franchissement constituait aussi un des rares moments personnes recluses à l’intérieur du ghetto et celles à l’extérieur pouvaient s’apercevoir brièvement. Mais elle porte aussi en elle l’idée de transgression (dans son acception large signifie dépasser une limite avec le sens qui peut lui être associé).
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Si l’acte de franchir établit une correspondance avec l’histoire du ghetto, la rhétorique de l’exclusion doit aussi être mise en forme spatialement. Quel était donc le ressenti des personnes traversant le pont de la rue Chlodna en 1942 ? Sur les images d’archives, on peut noter que le pont de la rue Chlodna atteignait le deuxième étage des immeubles de la rue, soit au minimum 7m au-dessus du niveau de la rue alors que le mur du ghetto atteignait les 3m. Intentionnellement ou pas, cette hauteur “démesurée” avait pour conséquence de renforcer l’isolement des personnes amenées à l’emprunter. Le monde d’en bas était devenu désormais inaccessible, loin et proche à la fois. Cette hauteur caractéristique a servi de hauteur de référence pour le dispositif linéaire qui devient nouveau niveau référent à 8,20m. Situé à son extrémité à 3,85m au-dessus du niveau de la rue pour desservir les équipements, il atteint rapidement la hauteur de 8,20m soit une hauteur proche de celle du pont de la rue Chlodna, tandis qu’il longe l’ancien périmètre de délimitation du ghetto qui ceignait les immeubles 10, 12 et 14. Est ainsi mis en œuvre une relative exclusion des différents niveaux entre eux (vestiges non accessibles, sol, niveau référent à 8,20m).
Conclusion IVème partie : Le temps du récit est un temps aux caractéristiques particulières, car la mise en lien d’éléments du passé et du présent nécessaire s’établit dans le “hors-temps” d’un espace narratif reconstruit, un temps de fiction. Celui-ci va rentrer en résonnance avec le temps à l’intérieur de l’individu, le temps ressenti dont la perception est liée à celle de l’espace. En modifiant l’étalonnage des différents référents temporels du contexte (existant ou composé), le projet ne travaille pas seulement par séquences spatiales mais aussi par séquences temporelles. Le temps est volontairement “ralenti”, lors de la traversée du bâtiment des archives de la reconstruction, lors du franchissement du portail temporel que constitue le Kamieniko pour pénétrer dans l’espace des pratiques mémorielles où le parcours travaillant désormais en oblique incitent à s’extraire d’un temps rationnel et direct et à s’arrêter afin de prendre conscience de soi, des autres et du lieu. Ensuite il s’agit d’orienter le récit vers une “juste politique de la mémoire”. Celle-ci passe par l’exemplarité - c’est-à-dire la mise en récit selon un mode implicite, rendu intelligible par le façonnement des espaces et le travail de la matière. L’emploi de la matière minérale et la véritable rhétorique mise en place par un dialogue entre deux enveloppes aux matérialités tranchées, permettent de décliner tout au long du parcours des espaces seuils. Ce travail de l’enveloppe par couche est le résultat d’un travail des différentes couches de significations associées aux traces, permettant à l’usager de naviguer à sa guise entre différents registres de sens mis en œuvre dans l’épaisseur du bâtiment. Vers l’extérieur du dispositif, le rapport à l’histoire y est moins “pesant”. Vers l’intérieur, la mise en scène de la violence passée est mise en scène de manière plus crue. Enfin, la trace habitée possède la spécificité d’être vécue de l’intérieur. Elle peut donc organiser un récit par la mise en mouvement des corps dans l’espace. L’expérience du lieu vient alors nourrir, non pas un discours formulé, mais un registre d’émotion qui mobilise le ressenti et le souvenir des usagers dans une approche ludique et pédagogique. Le projet se propose donc d’établir une correspondance avec le passé mémorisée par le corps et de faire écho à l’expérience de l’exclusion vécue par la communauté juive de Varsovie lors de la Seconde Guerre Mondiale, expérience alors vécue comme réalité sociale mais aussi comme réalité spatiale et corporelle. La répétition des actions de franchissements dans le parcours liant les différents éléments programmatiques vient discrètement reconstituer l’expérience de la traversée des ponts reliant les différentes enclaves du ghetto. L’utilisateur gardera inconsciemment en mémoire la pratique du lieu, mémoire qu’il pourra mobiliser pour la mise en image d’un autre souvenir.
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Conclusion
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Éléments récapitulatifs de la démarche 1. Laurent OLIVIER Le sombre abîme du temps : mémoire et archéologie, op. cit., p. 114
Nous avons convenu dans l’introduction que les différentes alternatives spatiales proposées dans le devenir des vestiges de guerre dans la ville sont formatées et figées car elles se méprennent sur la notion de “temps” collectivement construite et ne compose pas avec sa nature paradoxale. Elles sont donc réduites à mettre en œuvre deux solutions opposées : “muséification” ou “table rase” ou encore la réunion de ces deux processus dans une compromission. Pour sortir de cette polarité, il convient de requestionner les 2. Ibid. p. 272 notions de “temps”, de “mémoire”, et de “trace”. “Encore faut-il savoir que le souvenir n’est pas la réminiscence de ce qui a existé, mais sa ré-invention, et que la perpétuation du passé n’est pas la conserva3. formulation de Walter tion du passé mais sa transformation”1“Cette approche reconnaît la survivance et la répétition comme un BENJAMIN dans Paris, objet particulier d’étude, en appréhendant les matériaux de la mémoire non pas comme des témoins mais capitale du XIXème siècle comme des signes”.2 Ainsi, conserver les vestiges en état comme support d’une mémoire figée c’est aussi Les Éditions du Cerf, tenter d’en arrêter la signification dans le temps et donc les condamner à la désuétude. L’alternative la 1989, p. 464 plus juste est donc de les réintégrer dans un nouvel ensemble fonctionnel et signifiant et d’accepter l’idée 4. formulation de Peter que l’intervention va nécessairement modifier la représentation du passé dans un récit qui est nécessaireZUMTHOR dans Prément une prise de parti. sences de l’histoire Op. cit. p. 24
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Parce que les traces matérielles sont “l’apparition d’une proximité” qui permet de se saisir du passé et que “rien ne peut égaler la force de la substance historique même”,4 le projet va composer avec les vestiges authentiques. Le nouvel ensemble architectural aura pour objectif la valorisation des traces du passé ainsi qu’une réinterprétation dans leur usage et dans leur signification. Le dispositif spatial alternant équipement culturel public et espace public dans une solution de continuité contribuera à créer une concordance entre la pratique du lieu et les fonctions qu’il abrite – en résonnance avec l’histoire du lieu. Le projet va travailler en strates d’espaces verticaux proposant ainsi plusieurs rapports au sol et à la matérialité de la trace du passé, ainsi que selon des séquences transversales définies par la présence forte des pignons sur le site “respectés”. Le dispositif résultant permet ainsi de lier les traces dans un ensemble cohérent et de les “faire exister” dans un lieu caractérisé par des sauts d’échelle gigantesques, leur évitant ainsi le caractère de fragments anecdotiques.
Conjugué par différents dispositifs spatiaux - travail du négatif, la recomposition de formes et d’espaces par le vide, la faille, la brèche, etc. - le vide est travaillé comme véritable matériau du projet. La résultante est une architecture plus “vide” que “pleine” qui s’offre comme un dispositif poreux mettant en jeu des transparences spatiales, par la traversée du regard, mais aussi temporelles, c’est-à-dire des transparences échelonnées dans le temps comme celles opérées par la disparition de bâtiments. Celles-ci opèrent une mise en mémoire. Cette porosité permet de renverser ponctuellement la nature, l’usage et la symbolique des espaces. Ainsi l’espace public n’est plus tant celui animé par la rue mais celui contenu à l’intérieur des bâtiments qui révèlent les traces de l’histoire de la ville et de ses habitants dans l’intimité de cette proximité nouvelle avec la matière. Mais si l’on veut faire usage du passé dans le présent, il faut organiser son intelligibilité. La mise en récit nécessite la mise en forme du récit d’un cadre spatial et temporel mais aussi d’assurer la cohérence des différents éléments entre eux c’est-à-dire de donner à voir leurs interactions. Ce cadre spatial sera mis en œuvre selon le principe d’exemplarité défini par T. Todorov notamment en opérant un travail de recouvrement activé plutôt par la mémoire gestuelle et corporelle
Les dispositifs opérant la subversion de la polarité initiale « patrimonialisation - table-rase » Dans l’introduction, nous avions posé que le projet se proposait à l’origine comme une alternative aux processus de “muséification” ou à la “mémorialisation” du patrimoine de guerre en permettant un autre mode d’interaction avec le passé. Mais maintenant comment définir l’architecture résultante ? Est-ce un mémorial ? Un musée ? Peut-être un musée - mémorial ? Force est de constater que l’ensemble emprunte effectivement des caractéristiques formelles et fonctionnelles communes à la typologie du musée, ainsi qu’à celle du mémorial. Pourtant par une approche spatiale critique et distanciée, elle ne tombe pas dans l’excès d’une “muséification” ou une “mémorialisation” du patrimoine de guerre qui toutes deux restreignent les possibilités d’appropriation du passé dans un mode socialement convenu. Quels éléments de ces différentes typologies le projet reprend t-il et comment organise-t-il une critique de ceux-ci par son langage spatial ?
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5. Laurent OLIVIER Le sombre abîme du temps : mémoire et archéologie, op. cit., p. 97
Le projet possède des fonctions analogues à celles du mémorial : il tente une réconciliation des temporalités en redonnant leur place aux objets disparus et aux morts dans “l’actuel”, c’est-à-dire dans le quotidien et dans la pratique de la ville. “Parce qu’il a désormais de nouveau sa place matérielle dans l’actuel, le 5 passé, suspendu jusqu’alors, peut enfin avoir eu lieu et apaiser le présent”. Cette “reconstruction émotionnelle” accorde plus de valeur aux rapports que les disparus entretenaient avec les objets qu’aux objets 6. Jochen GERZ en eux-mêmes. Cependant le projet se constitue autant en la mise en scène des traces de la violence qui Rede an die Jury des génère les pratiques mémorielles, qu’en une mise en scène de la constitution de la mémoire en temps réel Denkmals für die ermordeet non plus comme retrospection. Cela revient à opérer la mise en scène des personnes parcourant le lieu, ten Juden Europas par exemple au moyen de jeux de cadrage lors des multiples séquences de franchissement. Les individus 14 novembre 1997. sont comme pris à partis, mis devant leurs responsabilités et participent comme coauteur responsables rappelant ainsi que “Les lieux de mémoire sont les hommes pas les monuments”6 7. formulation de Peter ZUMTHOR dans Présences de l’histoire Op. cit. p. 48 8. cf cycle de la mémoire matérielle défini dans l’introduction
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Travaillant avec la préservation et la valorisation de traces matérielles authentiques, et de par le statut privilégié qu’elle leur accorde dans la composition d’espaces contemporains, l’approche du projet s’appa7 rente à une “approche archéologique” proche de celle de P. Zumthor. Puisqu’elle interroge les objets qui ont survécu du passé, elle ne traite pas tant de ce à quoi ressemblait les temps anciens que de ce qui est arrivé à ces choses qu’ont produites les hommes du passé. Formellement cela se traduit par un travail en couches et en strates et d’épaisseur proche de la figure du palimpseste. MAIS espace urbain mettant en lien les éléments formels et programmatiques des mécanismes mettre en évidence la constitution sous nos yeux d’une mémoire vivante organique et d’une histoire qui se veut une retrospective d’un passé construite depuis le présent dont l’habitant comme l’usager est un des “constitueurs” ajout de constructions contemporaines chargée de donner du sens aux traces sur le site et en réinterpréter le code et les usages, réinterprétation qui passe dans certains cas par une destruction partielle nécessaire Bien qu’établissant des correspondances historiques, cette intervention n’est pas non plus un musée d’histoire à proprement parler, car elle donne à voir une histoire qui se pense comme une retrospective d’un passé construite depuis le présent. Elle opère donc par l’abolition de la hiérarchie des temporalités et l’orchestration d’un temps qui n’est plus linéaire mais un hors-temps proche d’un temps organique et cyclique,8 une mise à distance critique avec l’histoire “conventionnelle”. L’histoire racontée par le lieu se fait implicite.
“Ces héritages du passé subsistent très rarement en tant que tels ; ils sont en quelque sorte réinterprétés à mesure qu’ils trouvent un nouvel usage dans un présent pour lequel ils n’ont pas été faits. En retour, ils transmettent par l’intermédiaire de cette incessante “remise en jeu” quelque chose, souvent très ancien, a présent, que celui-ci retravaille et enrichit. En sorte que l’histoire transmise par ces vestiges, loin d’être explicite comme on pourrait le croire au premier coup d’oeil, est au contraire implicite, discrète, jamais directement apparente”9 Dispositifs opérant la subversion de la polarité initiale « patrimonialisation - table-rase » Le positionnement peut à première vue sembler contradictoire et paradoxal. Il reflète effectivement et donne à voir la nature paradoxale du temps et des objets qui en sont issus – des vestiges et de la mémoire. Cependant le projet ne relie pas les traces du passé et éléments disparates du lieu dans un processus cumulatif d’addition mais les imbrique dans un processus de symbiose qui souligne l’interdépendance et les interactions réciproques de ces éléments entre eux au moyen d’un espace public suspendu. Ils participent ensemble à la génération d’un récit commun où chaque élément vient donner du sens aux autres, et ce récit est la succession des expériences offertes par le lieu faisant ainsi appel à la mémoire individuelle pour reconstituer l’unité et le sens de l’ensemble. Ainsi la mise en récit et la prise de parti qui en résulte est en fait la prise de parti de l’usager est aussi importante que celle que l’architecte mobilise par son architecture. Pour définir ce travail, je pense rétrospectivement que l’ensemble du complexe regroupé des trois pôles que j’ai conçu s’apparente plus à une forme “d’oeuvre d’art” immersive de grande dimension, ou encore à une “installation architecturale à ciel ouvert” aux dimensions monumentales, comme le soulignait P. Chabard à propos de l’intervention d’aDVVT pour le pavillon Sint-Jozef. Quel que soit le passé auquel elle est fait allusion (traumatique ou ordinaire), et quel qu’en soit le sens qu’en recompose l’individu à partir des vestiges et du langage spatial, cette architecture gomme la distinction entre l’histoire et l’individu. Sa principale qualité est donc sa fonction esthétique, au sens de sa capacité à procurer des émotions et à faire prendre conscience du tangible comme de l’intangible à travers la perception des formes et de la matière. Elle évoque des réalités historiques et sociales comme toile de fond à travers un cadre perceptif dont la finalité reste l’émotion, et se pose donc dans la ligne tracée par les “anti-monument” de J. Gerz. 10
9. Laurent OLIVIER Le sombre abîme du temps : mémoire et archéologie, op. cit., p. 56 10. je fais référence au «Monument contre le facisme d’Hambourg» ou encore «2146 pavés - monument contre le rascisme» à Sarrebrück
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La question du devenir de ces espaces revêt une dimension encore plus actuelle et alarmante car elle illustre le contexte mondial actuel. Le monde est en conflit, en entraînant dans sa chute des villes entières comme Alep, Palmyre ou Mossoul. Dans ces villes, les mêmes questions se poseront que celles qui se sont jouées à Varsovie, les réponses ne seront sûrement pas les mêmes. Que faire du vide issu des destructions ? Que faire des ruines et des décombres ? Quelle place accordée à la mémoire de la disparition dans le quotidien de la ville ?
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Annexes
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Documents historiques
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République populaire de Pologne 1952 -1989
1919
L’histoire du site
Destruction de la ville par les forces spéciales allemandes Sept.1945 - Déc. 1945
En 1940, les immeubles 10, 12, 14 rue Walicow sont intégrés à la zone du petit ghetto. Ils sont rapidement surpeuplés. Un appartement du n°14 contient jusqu’à 14 personnes. Le mur de la brasserie Jung, encore debout, fait office de mur séparatif, relayé par le mur en brique qui coupe la rue Walicow en son milieu
Le mur pignon du n°14 rue Walicow sert de barricade lors de l’insurrection de Varsovie. La façade sera partiellement démolie par un goliath, engin chenillé chargé d’acheminer des explosifs jusqu’à sa cible
Construction du quartier Muranow-Nowolipki 1949 - ?? Reconstruction de la vieille ville 1947 - 1956
Le quartier qui sépare les alentours du palais de la culture de l’ensemble résidentiel Muranow - Nowolipki, en ruines, est laissé à l’abandon. Il est renommé le Far West par les habitants
Pologne prospective
Construction du quartier MDM Construction du 1950 - 1952 palais de la culture et des sciences 1952 - 1955
Avec ses 19 barres de 420 logements, l’opération Za Zelazna Brama (1965-1972) devient une des opérations emblématiques du régime. Elle se veut une réappropriation de l’unité d’habitation de le Corbusier adaptée aux standards du socialisme, où chaque personne dispose d’une surface de 11 m2
Les immeubles ne sont plus habités depuis 2004 Une fresque murale est créée par l’artiste Wictor Malinowski en Mai 2009, elle est accompagnée d’une plaque expliquant l’histoire du bâtiment
Une installation artistique en souvenir des victimes de l’holocauste est mise en place au n°14 en 2013 par le studio Talmon Biran En 2018, le 14 rue Walicow est classé au registre des monuments historiques
Fig.89 Frise historique Document réalisé par l’auteur (2019) De 1940 à 1942, l’îlot est partiellement intégré au petit ghetto Août 1944 Destruction partielle de la façade du n°14 rue Walicow par un goliath Août 1944
Construction du quartier Za Zelazna Brama 1965 - 1972
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L 20 ivra 1 is
République de Pologne 1989 - ...
ad op te C un Va ons no 20 rs tr uv 04 ov uct ea ie io u n pl du an Le m d’ us in s n ur ée 20 scr ° ba de 07 its 10 ni sm au , 12 l’i ns e re , 1 ur gi 4 re st et ct re 1 Co i o co 7 P n n m rue de 20 olo str m 07 gn uct un W a - 2 e ion de lic 01 du s ow 2 m s m on o us um nt ée In en de ts au scr l’h 20 re ip is 19 gi tio to st n i re re du ju de p ïv s éri e zo m en ne èt re s In pr d s u ot g au cr é 20 re ip gé he 19 gi tio es tto st n re de de s v s es m ti on ge O um s l’ uv en du pe exp ert ts mu u m r m os r e hi r u i 20 sé an ti d st du o e 23 e en n or g du te iq h ue et gh du s to et to
République Populaire de Pologne (1952 - 1989)
L 19 a v 92 ille
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Ve rs ai e Tr 19 ait 19 é d
Ghetto de Varsovie Nov. 1940 - Juin 1943
Transition (1945 - 1952)
Le centre-ville est détruit à 85%, la vieille ville et le périmètre du ghetto sont réduits à un tas de décombres
pa
Traité de Versailles la Pologne accède à l’indépendance 1919
rl es na zi In s s Av ur ril re c - M ti o ai n 19 du 43 g he In tt s Ao ur o de ût re c - S ti Va o ep n rs ov te de m V ie br a e rs 19 ov 44 ie
Seconde guerre mondiale (1939 - 1945)
L M ibé i-J ra an tio vi n er d M 19 e V 19 un 45 ar i 45 ci so pa vi lis e at io n d A es tr do te a ois pt rr ai 19 rch an ion ns 47 ive s du s du p de B la la OS n d re (p e co ro re ns d co tr uc ns uc tio tr tio n uc n) de tio Le s n su p de lis bs lan 19 me tit se 49 e ue xe st au n pr p nal oc la d E la n d u r m u é 19 tat g é 50 isa un BO im tio iq S, e c n ue le o de m a s rc réa mu te hi lis n rr te m ist ai ct e e ns ur so se e ci d’ aét at
Deuxième République de Pologne (1919-1939)
Fig.90 Carte des vestiges du ghetto de Varsovie Document réalisé par Pawel E. Weszpinski d’après les archives d’État de Varsovie
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Fig.91 Carte des frontières du ghetto de Varsovie avant la grande liquidation Document réalisé par Pawel E. Weszpinski d’après les archives d’État de Varsovie
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Article du 23 Avril 2019 publié par Metro Warszawa, Krzysztof Strzałkowski Traduction Valentine Richebé
Waliców 14 à Wola est l’une des adresses les plus connues des amoureux de l’histoire de Varsovie. Et l’un des rares immeubles qui a résisté à l’adversité - il a souffert pendant la Seconde Guerre mondiale, mais est toujours debout. Pendant de nombreuses années, il a été menacé de démolition, mais après un long et dur combat, le conservateur des monuments et les militants de la ville, ont réussi à la sauver. Le n°14 rue Waliców a été inscrit au registre des monuments. L’année dernière, le logement a été sécurisé et empêché d’y entrer, mais notre photographe préféré a réussi à visiter à nouveau le bâtiment et à prendre des photos.
La sécurisation de l’immeuble au n°14 rue Waliców dans le quartier de Wola à Varsovie a commencé en septembre 2018 et tous les amoureux de l’architecture ancienne ont poussé un soupir de soulagement. Entre temps le mur aveugle du bâtiment a été étayé, un toit temporaire a été posé et les fenêtres ont été maçonnées. Ces actions consistent à sécuriser le bâtiment jusqu’à sa rénovation. Nous vous rappelons qu’en 2015, l’inspecteur de supervision de la construction de Poviat avait décidé que l’immeuble n’était adapté ni à l’usage, ni à la rénovation, et avait ordonné sa démolition dans les 12 prochains mois. Heureusement, les activistes urbains sont rapidement intervenus. Des militants du groupe «Kamien i co?» et soutenus par des anciens résidents ont réussi à convaincre les autorités que le bâtiment de Waliców devait être entièrement protégé.
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Couronné de succès en mars 2018, le Waliców 14 - ainsi que les bâtiments voisins - a été inscrit au registre des monuments, qui a été approuvé par le conservateur des monuments de la voïvodie de Mazowiecki. La même année, en septembre, la sécurisation du bâtiment a commencé. Cependant, avant que les ouvriers ne pénètrent dans le bâtiment, le «Grey Burek» s’est glissé dans l’immeuble de Waliców. Ce n’est pas la première fois qu’un photographe et amateur de lieux abandonnés partage ses photos avec notre rédaction. Il s’agit également de la deuxième visite de «Burek» à Waliców 14. Comme il l’écrit, «il y avait encore du mobilier à l’époque». A cette époque, seuls les murs nus menacaient les logements. Aujourd’hui toutes les fenêtres sont recouvertes de panneaux de particules et le toit a probablement été renforcé pour que l’eau ne s’écoule pas à l’intérieur.
L’immeuble de Waliców 14 a été témoin de l’histoire de Varsovie. Fondée au XIXe siècle, il appartenait initialement à Ernestyna Golde. Peu de temps après la fin de la Première Guerre mondiale, les appartements du bâtiment ont commencé à être loués. Depuis lors, des dizaines de résidents sont passés par les murs de Waliców. Pendant la Seconde Guerre mondiale, Waliców 14 a été au centre de tous les événements tragiques. La frontière du ghetto de Varsovie traversait le centre du bâtiment - les nombres pairs des appartements étaient du côté du ghetto et les nombres impairs du côté aryen. En 1944, lorsque le soulèvement de Varsovie a éclaté, l’immeuble était l’un des principaux points de la défense polonaise. Son mur servait de barricade. Pendant le soulèvement, le bâtiment a subi de nombreux dégâts. C’est alors que l’immeuble de Waliców 14 a été incendié par les nazis, et une grande partie de la façade avant s’est effondrée après l’attaque d’un «Goliath». Après la guerre, l’immeuble a encore longtemps abrité les habitants de Varsovie - les derniers locataires n’ont déménagé qu’en 2004. La raison du départ était le très mauvais état du bâtiment, qui risquait de s’effondrer. Il semble que certains d’entre eux aient quitté les appartements à la hâte, car il y avait des meubles, des jouets et des photos sur les murs. Sur les photos de «Grey Burek» de 2019, vous pouvez voir que la plupart des objets abandonnés par les anciens résidents ont déjà disparu. Que se passera-t-il ensuite pour le bâtiment de Waliców ? Initialement, on craignait que le bâtiment ne soit repris par un promoteur et qu’un autre immeuble moderne ne soit construit à sa place. Heureusement, le quartier et tous les bâtiments sont toujours entre les mains de la ville. En avril 2019, le maire du district de Wola, où se trouve l’immeuble, a parlé avec beaucoup d’enthousiasme de l’inscription de Waliców 14 au registre des monuments. Il a souligné que l’immeuble était un symbole du quartier et a estimé qu’il serait désormais possible de le revitaliser. Il a également révélé comment il voit l’avenir du bâtiment. «Nous voulons que la ville ait à l’avenir une institution culturelle municipale accessible à tous les résidents, Krzysztof Strzałkowski.
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Article du 1 Avril 2018 publié par Metro Warszawa, Sylwia Arlak «Jour du jugement» - a écrit l’association «Kamień i co?», Qui se bat pour préserver les vieux bâtiments. Il y avait beaucoup à faire. L’immeuble°14 de la rue Walicow dans le quartier de Wola à Varsovie est l’un des rares bâtiments qui se trouvaient dans le ghetto et qui ont survécu jusqu’à ce jour. Maintenant, c’est devenu un monument. L’un des immeubles les plus célèbres de Varsovie a été inscrit au registre des monuments. Pendant longtemps, les habitants se sont battus pour cela, au côté de l’association «Kamien i co?» soutenue par les anciens résidents. Leur action a été couronnée de succès le 30 mars de cette année. Ensuite, le conservateur des monuments de la voïvodie de Mazowiecki est entré dans une équipe de dépendances à ul. Waliców 14 au registre des monuments. L’association ‘Kamień i co?’ l’a décrit comme «la journée judiciaire». Les militants ont longtemps cherché à préserver l’immeuble négligé, qui était destinée à la démolition. Ils ont publié une pétition signée par près de 2 000 personnes, ont fait connaître l’affaire en contactant un conservateur, un bureau de district et même le président de la ville. «Le point culminant de cette lutte de plusieurs mois a été la protection totale et la conservation de l’ensemble», écrit l’association. «Nous ne déposons pas nos armes, nous allons maintenant nous battre pour sécuriser le toit. Le Wolski Ostaniec le plus caractéristique survivra », souligne-t-il., cf notre article de l’année dernière. Nous vous rappelons l’histoire fascinante de l’immeuble à Waliców et vous la montrons de l’intérieur. Pour y arriver, il ne suffit pas d’entrer par la porte - il faut une échelle, ou du moins une planche. Beaucoup, cependant, ignorent l’inscription «Attention. Il menace de s’effondrer.» Je risque de voir ce que les habitants qui ont quitté le lieu il y a seulement une dizaine d’années ont laissé derrière eux. Les fenêtres et les portes en briques, les fenêtres cassées ou une clôture en étain autour du bâtiment font une impression sombre. Et pourtant, le bâtiment n’est jamais en pénurie de curieux.
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Il y a seulement treize ans, quatre locataires habitaient encore Waliców 14. Bien que le bâtiment soit en ruine, ceux qui ont eu l’occasion de regarder à l’intérieur ont l’impression que le temps s’est arrêté là. Parmi les fours déchirés, les installations arrachées des murs, les traces de sans-abri, on trouve également des souvenirs d’anciens habitants. En quittant leurs appartements à la hâte, ils ont laissé non seulement des meubles, des journaux, des calendriers, des affiches, des vêtements, des jouets pour enfants, mais même des photos.
Ces endroits fascinent. Feliks Świrczewski s’est rendu à Waliców 14 avec son appareil photo en janvier 2017. «Pour certaines raisons, les gens ne prennent pas tout», dit-il. - Mon amie, quand elle a déménagé avec ses parents d’un autre immeuble - parce qu’il devait être démoli - a laissé beaucoup de choses. Livres, documents, vieilles photos de famille. Quand j’ai demandé pourquoi, elle m’a répondu qu’il n’y avait pas le temps. Elle était fermement convaincue que ce qu’ils laissaient là disparaîtrait pour toujours. En fait, elle a même des clés pour rentrer. Aujourd’hui, je regrette qu’elle n’ait pas tout pris - explique Świrczewski dans une interview à Metrowarszawa.pl Est-ce que quelque chose l’a étonné lors de sa visite ? - Je me demandais quels sentiments accompagnaient les gens qui vivaient aux étages supérieurs contre le mur de la partie amputée du bâtiment. Une vie suspendue - explique le photographe qui ajoute : «Il y avait aussi quelque chose comme un arbre. Soit pour l’aération, soit pour les ascenseurs. Avec un toit conique en verre. Cela m’a surpris. Je n’ai encore jamais vu une telle association» Mais Feliks ircwirczewski n’est pas le seul à être attiré par l’atmosphère mystérieuse du bâtiment. Pas une semaine ne passe sans visite d’un voyageur. L’immeuble abandonné, conçue par le célèbre architecte de Varsovie Józef Napoleon Czerwiński, attire toujours les descendants d’anciens résidents et passionnés d’histoire. Il est un témoin silencieux du passé. Pendant l’occupation pendant la Seconde Guerre mondiale, le logement faisait partie du ghetto juif. Il était littéralement à 20 mètres du mur séparant les «sous-humains» du monde. C’est l’un des rares bâtiments du ghetto qui a survécu à ce jour. La façade de l’immeuble a probablement été endommagée par une bombe aérienne. Sur le côté ouest, nous voyons un mur rouge sale avec des marques de balle. C’est ici que vivait le chanteur et écrivain juif Menachem Kipnis et le fils de l’artiste-peintre peignant des affiches de film, le poète et auteur-compositeur Władysław Szlengel. Après la liquidation du «petit» ghetto en 1943, un groupe de Juifs s’y est caché, y compris Dr Edward Reichter. Dans l’immeuble, on peut trouver des objets inhabituels, comme une photo de mariage d’un couple probablement prise il y a plusieurs décennies. Et aussi le «Dictionnaire des connaissances civiques» de PWN de 1970, qui était utilisé par les étudiants de l’enseignement professionnel et général. Il y a aussi des choses plus banales qui datent probablement du temps où l’immeuble était encore habitée - des calendriers des années 80 ou des affiches de boysband américains des années 90.
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«Nous étions à Walicow pendant six mois», se souvient Edward Reichter. Décrit ensuite les conditions.- 14 personnes vivaient dans une pièce. Parmi eux, la famille Grynberg avec leur fils de 16 ans, Bolek, Abeb - un fabricant bien connu et riche de Łódź avec sa femme, un couple marié Czertów âgé - des gens implacables qui voulaient un maximum de confort même aux dépens des autres, un célèbre antiquaire de Varsovie Kienzingow, un garçon de 11 ans Sémitique et sœur de sept ans avec un beau visage aryen - il énumère. Il ajoute que tous ont été cachés par Sergius - un officier de Białystok, propriétaire terrien de Stolin en Biélorussie. Ils ne veulent pas qu’ils détruisent le célèbre immeuble. «Il y a beaucoup d’endroits abandonnés dans la capitale, mais c’est spécial» Le sort de l’immeuble n’est pas indifférent à ses anciens résidents. - Je suis vraiment désolé pour ce bâtiment - dit Michał, qui vivait au numéro 19 à Waliców 14 il y a quelques années.- Une belle maison d’habitation d’avant-guerre. J’ai entendu dire qu’il devait être démoli et je m’en inquiète. Mais je soupçonne que s’il avait été restauré par la ville, il y aurait eu immédiatement un propriétaire avec des papiers falsifiés - dit-il. À son avis, le président Hanna Gronkiewicz Waltz ferait «sauter» l’immeuble. - La ville ne ferait que perdre de l’argent. Malheureusement, c’est à cela que ressemble la prise en charge des anciens immeubles en Pologne - ajoute-t-il. «Près de tout. Se promener dans la vieille ville était la norme» Michał se souvient de la façon dont il vivait à Waliców. - Il semblerait que la vie dans une maison d’habitation, qui avait été témoin de tant d’événements terrifiants, aurait pu me déprimer. Mais aucune de ces choses - soutient-il. Il a vécu à Walicow pendant trois ans. - C’était mon premier appartement après avoir quitté mes parents. Je me souviens très bien de cette période. Proche de tout. Promenades dans les parcs de Saski, Krasinski, Old Town, le centre était la norme - dit-il. Plus tôt, dit-il, il a vécu à Muranów pendant 25 ans. - J’adore ces vieux bâtiments. Détruit ou rénové, cela ne fait aucune différence pour moi. Vous pouvez même dire que les premiers ont un effet apaisant sur moi.
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Carnet de recherches
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Toutes les illustrations présentées dans les pages qui suivent ont été réalisées par l’auteur et sont extraites du carnet de projet. Elles ne représentent pas le projet final mais les hypothèses esquissées dans le processus de conception. Elles ne sont pas présentées dans un ordre chronologique mais permettent néanmoins de retracer l’évolution formelle du projet.
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Étude préliminaire de la bibliothèque d’histoire de la ville Coupe longitudinale de la bibliothèque d’histoire de la ville en pilotis au-dessus des fondations exhumées (2019)
Étude préliminaire du complexe entrée - centre d’archives de la reconstruction de la ville Coupe longitudinale du bâtiment des archives des la reconstruction en pilotis au-dessus des fondations exhumées (2019)
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Études préliminaires de façades pour le pôle 3 Élévations du linéaire de la façade Est (2019), éch. 1/500
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Études de matérialité et volumétrie Perspectives du bloc d’entrée (2019)
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Études de matérialité et volumétrie Coupes du volume contenant l’espace de recueillement (2019)
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Les sources
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Bibliographie
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Ouvrages sur l’historiographie BENJAMIN Walter (2000), “Sur le concept d’histoire” dans Œuvres, t. III, collection Folio essais, Gallimard, traduction Maurice de Gandillac, Paris FARGE Arlette (1997), Des lieux pour l’histoire, Seuil, Paris KRACAUER Siegfried (2006), L’histoire des avant-dernières choses, Stock, Paris Ouvrages sur la ville de Varsovie et son histoire BÉRARD Ewa et JACQUAND Corinne (2009), Architectures au-delà du mur, 1989-2009, Berlin-Varsovie-Moscou, A. et J. Picard, Paris BECK Ulrich (1986), Risiko Gesselschaft (La société du risque), Suhrkamp, Berlin EDELMAN Marek (2002), Mémoires du ghetto de Varsovie, Liana Levi, Paris GILLABERT Matthieu et VAUCHER Fanny (2016), Varsovie Métropole, Histoire d’une capitale (1862 à nos jours), Noir sur Blanc, Varsovie GORCZYCA Łukasz et KACZYNSKI Michał (2016), Ruiny Warszawy, Raster, Varsovie Ouvrages de littérature CALVINO Italo (2013), Les villes invisibles, Gallimard, Paris p. 176
OSTACHOWICZ Igor (2016), La nuit des Juifs-vivants, L’Antilope, Paris
Iconographie
p. 177
p. 14
Fig. 1 : les habitants de Varsovie face à la mémoire Source : tirée du livre Ruiny Warszawy, GORCZYCA Łukasz et KACZYNSKI Michał (2016), Raster, p. 123 Photo de Michael Nash dans Picture of the week, Life, Avril 1947
p. 16
Fig. 2 : Un modèle du cycle matériel de la mémoire Source : tirée du livre Le sombre abîme du temps : mémoire et archéologie, OLIVIER Laurent (2008), Seuil, p. 282 Illustration de Laurent Olivier
p. 20
Fig. 3 : Vue générale de la Kaiser-Wilhelm-Gedächtniskirche Source : tirée du livre Egon Eiermann (1904-1970), Architect and designer, KAPPEL Kai (2004), Hatje CantzOstfildern-Ruit, p. 54 Photo de Horstheinz Neuendorff
p. 20
p. 178
Fig. 4 : Mosaïque dans le hall du mémorial avec craquelures préservées, Source : tirée du livre Egon Eiermann (1904-1970), Architect and designer, KAPPEL Kai (2004), Hatje CantzOstfildern-Ruit, p. 56 Photo d’auteur inconnu
p. 24
Fig. 5 : Le théâtre de Marcellus à Rome vers 1880 : depuis le Moyen-Âge obturé et occupé ensemble par des familles patriciennes et des artisans Source : tirée du livre L’allégorie du patrimoine, CHOAY Françoise (1996), p. 161 Photo de l’auteur
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Fig. 6 : Champ de définition de la “mémoire” Document personnel (2019)
MÉMOIRE
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Pierre Nora Des lieux pour l’histoire
p. 26
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Paul Ricoeur La mémoire, l’histoire l’oubli
Rapport du présent au passé Distinction souvenir
Maurice Halbwachs La mémoire collective
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City of Warsaw - Historical Warsaw
p. 28
Fig. 7 : vue aérienne de Varsovie en 1935 Source : tirée du site internet http://mapa.um.warszawa.pl/
http://mapa.um.warszawa.pl/mapaApp1/mapa?service=mapa_his...
City of Warsaw - Historical Warsaw
p. 29
Fig. 8 : vue aérienne de Varsovie en 1945
wydruk mapy w skali 1: 32000 The obtained data or information may only be used at the risk and responsibility of the users. The City of Warsaw does not guarantee that the data will be accessible at all times, or that it will always be up-to-date. The data included in the City of Warsaw map service might not fully reflect the actual condition because, i.a.,: the data collected for the City of Warsaw map service is acquired by way of various procedures, and in various periods, from entities keeping public registers, and from private databases; the collection of data for the City of Warsaw map service can be influenced by various circumstances - including force majeure, the quality of the transmission service, and the dates of the data transfer; generally, the City of Warsaw is not authorised to independently verify, amend, update, change or remove any collected data, except for the public registers kept by the Mayor of Warsaw under the applicable legal regulations. The public registers kept by the Mayor of Warsaw in accordance with separate legal regulations which are made available in the map service include: the land and buildings records, the administrative division, register of towns, streets and addresses, real estate price and value registry, the basic map, orthophotomap, photoplans, aerial mosaics, and other archival cartography studies, land-use plans, the Register of Objects of Cultural Heritage. Lindleys plans presented in the map service of the Capital City of Warsaw comes from the State Archive in Warsaw. In the matter of issuing copies, consents to the publication and exhibitions, please contact the State Archive in Warsaw.
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Source : tirée du site internet http://mapa.um.warszawa.pl/
02/01/2020 à 22:29
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p. 30
Fig. 9 : Photo du mur pignon de l’immeuble n°14 rue Walicow (Juin 2019) Document personnel (Juin 2019)
p. 34
Fig. 10 : photo du peloton “Agaton” patrouillant aux alentours des ruines du petit ghetto Source : archives Photo de Stefan Baluk
p. 35
Fig. 11 : Élévation de la façade Nord du site, éch. 1/500 Document personnel (2019)
p. 36
p. 180
Fig. 12 : Le théâtre de Marcellus à Rome vers 1880 : depuis le Moyen-Âge obturé et occupé ensemble par des familles patriciennes et des artisans Source : tirée du livre L’allégorie du patrimoine, CHOAY Françoise (1996), p. 161 Photo de l’auteur
Fig. 13 : Élévation de la façade Est de la rue Walicow, éch. 1/500
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Document personnel (2019)
Fig. 14 : Élévation de la façade de l’ex brasserie Jung rue Walicow, éch. 1/250
p. 37
Document personnel (2019) http://mapa.um.warszawa.pl/mapaApp1/mapa?service=mapa_his...
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City of Warsaw - Historical Warsaw
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Fig. 15 : Vue aérienne du site en 1945
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Source : tirée du site internet http://mapa.um.warszawa.pl/ REAL
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Fig. 16 : Plan des fondations potenriellement enfouies entre 1m et 2m au-dessous du niveau de la rue, éch. libre REAL
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The obtained data or information may only be used at the risk and responsibility of the users. The City of Warsaw does not guarantee that the data will be accessible at all times, or that it will always be up-to-date. The data included in the City of Warsaw map service might not fully reflect the actual condition because, i.a.,: the data collected for the City of Warsaw map service is acquired by way of various procedures, and in various periods, from entities keeping public registers, and from private databases; the collection of data for the City of Warsaw map service can be influenced by various circumstances - including force majeure, the quality of the transmission service, and the dates of the data transfer; generally, the City of Warsaw is not authorised to independently verify, amend, update, change or remove any collected data, except for the public registers kept by the Mayor of Warsaw under the applicable legal regulations. The public registers kept by the Mayor of Warsaw in accordance with separate legal regulations which are made available in the map service include: the land and buildings records, the administrative division, register of towns, streets and addresses, real estate price and value registry, the basic map, orthophotomap, photoplans, aerial mosaics, and other archival cartography studies, land-use plans, the Register of Objects of Cultural Heritage. Lindleys plans presented in the map service of the Capital City of Warsaw comes from the State Archive in Warsaw. In the matter of issuing copies, consents to the publication and exhibitions, please contact the State Archive in Warsaw.
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Document personnel (2019)
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pp. 46-47
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LOCAUX POTENTIELLES FUTURES FOUILLES
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MUSEES HISTOIRE DE LA VILLE Musée insurrection Musée Pawiak Musée Polin Musée reconstruction vieille ville
3
LIEU RECUEILLEMENT
LIEU RECUEILLEMENT
RESTAURANT
S = 1500 m2 (bibliothèque)
S > 2500 m2 (archives)
ARCHIVES ET BIBLIOTHÈQUE SUR L’HISTOIRE DE LA VILLE
MUSEES HISTOIRE DE LA VILLE Musée insurrection Musée Pawiak Musée Polin Musée reconstruction vieille ville
Centre d’archives
1
Lien programmatique
2
RUINES N°10
RUINES N°12
RUINES N°14
Amphithéâtre 500 places
Salles de colloques (x2)
Espace d’exposition
Bureaux de recherche (x9)
S = 1000 m2
UNITÉ DE RECHERCHE SUR LA VILLE
CENTRE D’INTERPRÉTATION
Espace traversant publique et gratuit à usage
La time line
7
Passé
DENKMAL
1
Au croisement des rues Grzybowska et Walicow
Futur
d’accès limité (type jarOrganigramme dins programmatique qui ferment le soir)
4
Futur
EHRENMAL
Le bâti est lui-même présenté comme une oeuvre d’art visitable depuis l’intérieur Présent
A l’endroit des vestiges intéressants, dans le retrait
p. 39
Fig. 17 : Élévation de la façade Sud du site, éch. 1/500
Document personnel (2019)
Praga N N N
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2
Fig. 18 : carte de la zone d’étude
Nowolipki 5
Document personnel
Srodmiescie
6
Fig. 19-21 : évolution des trois îlots d’étude de 1891 à nos jours
Source : depuis des documents du site http://mapa.um.warszawa.pl/ Document personnel (2018)
Fig. 22 : Organigramme spatial de la répartition des programmes sur le site
Document personnel (2019)
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Fig. 23: Organigramme programmatique des liens potentiels avec la ville
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Document personnel (2019)
Ilôt 3 (Z.Z.B.)
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Documents personnels (2019)
p. 55
ende Voie traversante Dilatation de la voie en place
Commerces
Jardin d’enfant
Commerces
Voie piétonne
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Zone de parking
Sec teu rd up Pa lai sd e
Walicow
Fig. 24 : Coupes schématiques des paysages traversés lors du parcours sur la voie piétonne mise en place, éch. libre
ansversal Axe tr
p. 54
Fig. 25 : Croquis des lieux de transitions du parcours
Jardin, parc Place publique Points d’ancrage relatif à l’histoire Points d’ancrage relatif à la pratique de la ville
Documents personnels (2019) Commerces
Logements
Fig. 26 : Diagramme-schéma des connexions avec l’existant Muranow-Nowolipki II
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Université
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Musée de la prison Pawiak
Rue Zelazna
Gare centrale
120 m
120 m
120 m
Document personnel (2019)
Musée du ghetto
Mémorial de la déportation
300 m
600 m
450 m
Rue Smocza
Rue Nowolipki
Rue Nowolipie
Avenue Solidarnosci
Rue Ogrodowa
250 m
Zone de parking
Rue Chlodna
Avenue Jana Pawla II
N°14, le Kamienico
Rue Krochmalna
Rue Ciepla 500 m
N°12
Rue Grzybowska
N°10 rue Walicow
180 m
60 m
180 m
Rue Walicow
Vestiges du mur du ghetto
p. 183
p. 60
Fig. 27 : photographie de l’immmeuble n°12 rue Walicow Photographie personnelle (2019)
p. 61
Fig. 28 : photographie de l’immmeuble n°12 rue Walicow Photographie personnelle (2019)
p. 62
Fig. 29 : photographies de l’immeuble n°10 Photographies du workshop de l’école polytechnique de Milan (2017)
p. 63
p. 184
Fig. 30 : photographies de l’immeuble n°10 Photographies du workshop de l’école polytechnique de Milan (2017)
p. 64
Fig. 31 : Le plan du tracé des fondations des immeubles de la rue Walicow Source : tirée de la revue El Croquis n°170 (2013), p. 193 Photo de Hisao Suzuki
p. 65
Fig. 32 : Schémas de la signification apportée aux traces matérielles et de la oratique associée Documents personnels Source : tirée de la revue El Croquis n°170 (2013), p. 207 Photo de Hisao Suzuki
p. 66
Fig. 33 : Muséification des vestiges archéologiques de Praça Nova - maquette du projet Source : tirée de la revue El Croquis n°170 (2013), p. 193 Photo de Hisao Suzuki
p. 66
Fig. 34 : Muséification des vestiges archéologiques de Praça Nova - la reconstitution des volumes originels vu de l’intérieur Source : tirée de la revue El Croquis n°170 (2013), p. 207 Photo de Hisao Suzuki
p. 185
p. 68
Fig. 35 : Réhabilitation du marché de Braga Source : tirée de la revue AV Monografias n°151 (2011), p. 27 Photo de Manuel Magalhaes
p. 68
Fig. 36 : Réhabilitation du marché de Braga Source : tirée de la revue AV Monografias n°151 (2011), p. 28 Photo de Duccio Malagamba
p. 70
Fig. 37 : Le musée d’art récent de Bucarest (2018) - volume extérieur vu depuis la rue Source : tirée de la revue D’A n°268 (2019), p. 116 Photo de Cosmin Dragomir
p. 70
p. 186
Fig. 38 : Le musée d’art récent de Bucarest (2018) - façade sur cour Source : tirée de la revue D’A n°268 (2019), p. 119 Photo de Cosmin Dragomir
p. 72
Fig. 39 : schémas de distribution des immeubles n0 10, 12 et 14 rue Walicow
Mitoyen
RUE WALICOW
Documents personnels (2019) RUE ICCHOKA LEJBA PERECA
p. 73
Fig. 40 : propositions de plans d’aménagement des niveaux 2 et 3 Photographie personnelle (2019)
p. 76
Fig. 41 : Réhabilitation du neues museum - niveau 2, salle romaine avant /après réhabilitation Source : tirée de la revue El Croquis n°150 (2009), p. 62 Photographies d’Utz Zscharnt, Christian Richters et Jörg von Bruchhausen / Stiftung PreuBischer Kulturbesitz / David Chipperfield Architects
p. 76
Fig. 42 : Réhabilitation du neues museum - la cour égyptienne et sa plateforme Source : tirée de la revue Éxé n°8 (2012), p. 34 et p. 39 Photographies d’Utz Zscharnt, Christian Richters et Jörg von Bruchhausen / Stiftung PreuBischer Kulturbesitz / David Chipperfield Architects
p. 80
Fig. 44 : le reclassement de la rue Prozna Source : tirée du site internet www.shabbat-goy.com Photo de Jacques Lahitte
p. 81
Fig. 45 : immeuble réhabilité par l’agence a7ag Source : tirée du site internet detailsdarchitecture.com Photo de Bartosz Makowski
p. 82
Fig. 46 : propositions schématiques de façade sur rue Grzybowska Source : tiré du carnet de projet Document personnel (2020)
pp. 84-85
p. 188
Fig. 47-48 : Vues sur le pôle d’équipement et sur le niveau de la rue et des vestiges depuis la rue Grzybowska, éch. 1/200 Photographies personnelles (2019)
pp. 88-89
Fig. 49-52 : Vues aériennes de Varsovie Source : tirée du site internet http://mapa.um.warszawa.pl/
p. 90
Fig. 53 : Maquette d’étude des volumes du site, éch. 1/1000 Source : photographie personnelle (2019)
p. 92
Fig. 54 : La place de l’amphithéâtre de Lucques en Italie Source : coupe et axonométrie tirées du livre Squares : urban spaces in Europe (2015), Birkhäuser, pp. 106107
p. 94
Fig. 55 : Vue de la Risiera de San Sabba Source : tirée du site internet https://www.flickr.com Photo de Mauro Corso & Sara Bertoni
p. 189
p. 96
Fig. 56 : plan du R+1 de l’état actuel de la prison St-Michel et de celui du projet de reconversion Source : tirée du rapport de P.F.E. Conserver par le vide : fragmentation d’une hétérotopie - ancienne prison Saint-Michel de Toulouse de Juliette POCHARD, ENSA Paris-Val de Seine, Paris, 2018, p. 152
pp. 98-99
Fig. 57-61 : Propositions d’implantation sur le site - maquettes d’étude, éch. 1/1000 Photographies personnelles (2019)
p. 100
Fig. 62 : L’intervention “Conical Intersect” de l’architecte G. Matta-Clark (1975) Source : tirée de l’exposition “Gordon Matta-Clark Anarchitect” à la galerie du Jeu de Paume (2018) Photo de la Collection SFMOMA. © Estate of Gordon Matta-Clark / Artists Rights Society (ARS), New York
p. 102 Fig.
p. 190
63 : l’aménagement des immeubles n°10 et 12, éch. 1/200
Document personnel (2020)
p. 104
Fig. 64 : schémas des propositions d’intervention sur le bâtiment n°14 rue Walicow, éch. 1/500 Documents personnels (2019)
p. 105 Fig.
65 : plans d’aménagements du rdc et R+2 du n°14 Walicow, éch. 1/625
Document personnel (2020)
p. 106
Fig. 66 : Plan d’étage de l’auditorium placé en suspension au-dessus du niveau d’entrée Source : tirée de l’article «L’épine au flanc» de Jean-François Pousse in Techniques & architecture n°458 (2002), p. 102
p. 106
Fig. 67 : Reconversion du centre de documentation et d’exposition de l’ancien siège des congrès du parti nazi (2001) - ex salle d’honneur Source : tirée de la revue Techniques et architecture n°458 (2002), p. 104 Photo de Photos Gerhard Hagen/Archipress et Gerald Zugmann
p. 191
p. 108 Fig.
68 : Plan d’aménagement du niveau référent R+2
Document personnel (2020), éch. 1/500
p. 112 Fig.
69 : La «tour du cri» du musée juif de Berlin (2001)
Source : tirée du site internet http://www.geraldineandrieu.com Photo de Geraldine Andrieu
p. 113 Fig.
70 : chapelle Bruder Klaus (2007) vue en contre-plongée
Source : tirée du livre Peter Zumthor (1998-2001) : réalisations et projets, Tome 3, DURISCH Thomas (2014), Scheidegger & Spiess, p. 135 Photo de Pietro Savorelli, Bagno a Ripoli
pp. 116117
Fig. 71 : propositions pour la façade Est du site Document personnel (2020), éch. 1/500
p. 120
Fig. 72 : photographies de l’immeuble n°14 rue Walicow Source : tirée de l’article «W słynnej kamienicy na Waliców 14. Zanim ją zamurowano, fotografowi udało się zajrzeć do środka» dans metro warszawa sur le site internet http://metrowarszawa.gazeta.pl/ Photo de Szary Burek
p. 121 Fig.
73 : photographies de l’immeuble n°14 rue Walicow
Source : tirée de l’article «W słynnej kamienicy na Waliców 14. Zanim ją zamurowano, fotografowi udało się zajrzeć do środka» dans metro warszawa sur le site internet http://metrowarszawa.gazeta.pl/ Photo de Szary Burek
p. 122
Fig. 74 : photographies de l’immeuble n°14 rue Walicow Source : tirée de l’article «W słynnej kamienicy na Waliców 14. Zanim ją zamurowano, fotografowi udało się zajrzeć do środka» dans metro warszawa sur le site internet http://metrowarszawa.gazeta.pl/ Photo de Szary Burek
p. 123 Fig.
75 : photographies de l’immeuble n°14 rue Walicow
Source : tirée de l’article «W słynnej kamienicy na Waliców 14. Zanim ją zamurowano, fotografowi udało się zajrzeć do środka» dans metro warszawa sur le site internet http://metrowarszawa.gazeta.pl/ Photo de Szary Burek
p. 126
Fig. 76 : Pavillon de l’hôpital Sint-Jozef, Melle, Belgique, architecte : ADVVT, 2018 Source : tirée de l’article de Pierre CHABARD «Ruine à l’endroit» in D’A n°266 (2018), p. 75 Photo de Flip Dujardin
p. 128
Fig. 77 : la déambulation au travers des vestiges au Kolumba Kunstmuseum (2007) Document personnel (2020)
p. 130
Fig. 78 : Mémorial aux juifs d’Europe assassinés de Berlin (2005) Source : tirée du site internet https://www.thoughtco.com Photo de Sean Gallup / Getty Images
p. 132
p. 194
Fig. 79 : la déambulation au travers des vestiges au Kolumba Kunstmuseum (2007) Source : tirée du livre Peter Zumthor (1990-1997) : réalisations et projets, Tome 2, DURISCH Thomas (2014), Scheidegger & Spiess, p. 157 Photographie d’Hélène Binet, Londres / Deutsches Architekturmuseum DAM, Francfort-sur-le-Main
p. 132
Fig. 80 : façade principale du Kolumba Kunstmuseum de Cologne (2007) Source : tirée du livre Peter Zumthor (1990-1997) : réalisations et projets, Tome 2, DURISCH Thomas (2014), Scheidegger & Spiess, p. 148 Photographie d’Hélène Binet, Londres / Deutsches Architekturmuseum DAM, Francfort-sur-le-Main
p. 132
Fig. 81 : détail de la façade du Kolumba Kunstmuseum de Cologne (2007) Source : tirée du livre Peter Zumthor (1990-1997) : réalisations et projets, Tome 2, DURISCH Thomas (2014), Scheidegger & Spiess, p. 154 Photographie d’Hélène Binet, Londres / Deutsches Architekturmuseum DAM, Francfort-sur-le-Main
p. 134
Fig. 82 : photo de l’intérieur de la maquette du pôle 1 Document personnel (2020)
p. 136
Fig. 83 : Élévation de la façade Nord, éch. 1/500 Source : tiré du carnet de projet Document personnel (2020)
p. 195
p. 138
Fig. 84 : Plan du musée de l’Holocauste Yad Vashem (2004), architecte Moshe Safdie Source : tirée du livre Jewish identity in contemporary architecture, SACHS Angeli et VAN VOOLEN Edward (2004) Prestel, Munich, p. 95
p. 138
Fig. 85 : La travée centrale du musée de l’Holocauste Yad Vashem (2004), architecte Moshe Safdie Source : tirée du livre Jewish identity in contemporary architecture, SACHS Angeli et VAN VOOLEN Edward (2004) Prestel, Munich, p. 96
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Fig. 86 : photo du pont de la rue Chodna Source : tirée du site internet du Jewish Historical Institute http://www.jhi.pl Crédits photo de Bundesarschiv Bild 101I-134-0791-26A Ludwig Knobloch 1941
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Fig. 87 : photo du pont de la rue Przebieg Source : tirée du site internet www.shabbat-goy.com Crédits photo de Bundesarschiv Bild 101I-134-0791-26A Ludwig Knobloch 1941
Alentours du palais de la culture
Fig. 88 : Le franchissement de la passerelle devant le mur estropié du Kamienico, éch. 1/200 Document personnel (2020)
Annexe République populaire de Pologne 1952 -1989
L’histoire du site
Destruction de la ville par les forces spéciales allemandes Sept.1945 - Déc. 1945
En 1940, les immeubles 10, 12, 14 rue Walicow sont intégrés à la zone du petit ghetto. Ils sont rapidement surpeuplés. Un appartement du n°14 contient jusqu’à 14 personnes. Le mur de la brasserie Jung, encore debout, fait office de mur séparatif, relayé par le mur en brique qui coupe la rue Walicow en son milieu
Le mur pignon du n°14 rue Walicow sert de barricade lors de l’insurrection de Varsovie. La façade sera partiellement démolie par un goliath, engin chenillé chargé d’acheminer des explosifs jusqu’à sa cible
De 1940 à 1942, l’îlot est partiellement intégré au petit ghetto Août 1944
Construction du quartier Muranow-Nowolipki 1949 - ?? Reconstruction de la vieille ville 1947 - 1956
Le quartier qui sépare les alentours du palais de la culture de l’ensemble résidentiel Muranow - Nowolipki, en ruines, est laissé à l’abandon. Il est renommé le Far West par les habitants
Fig. 89 : Frise chronologique Document personnel (2019) des
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République Populaire de Pologne (1952 - 1989)
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Ghetto de Varsovie Nov. 1940 - Juin 1943 1919
Transition (1945 - 1952)
Le centre-ville est détruit à 85%, la vieille ville et le périmètre du ghetto sont réduits à un tas de décombres
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Seconde guerre mondiale (1939 - 1945)
Traité de Versailles la Pologne accède à l’indépendance 1919
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Deuxième République de Pologne (1919-1939)
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ville historique
p. 141
Construction du quartier MDM Construction du 1950 - 1952 palais de la culture et des sciences 1952 - 1955
Avec ses 19 barres de 420 logements, l’opération Za Zelazna Brama (1965-1972) devient une des opérations emblématiques du régime. Elle se veut une réappropriation de l’unité d’habitation de le Corbusier adaptée aux standards du socialisme, où chaque personne dispose d’une surface de 11 m2
p. 156
Les immeubles ne sont plus habités depuis 2004 Une fresque murale est créée par l’artiste Wictor Malinowski en Mai 2009, elle est accompagnée d’une plaque expliquant l’histoire du bâtiment
Une installation artistique en souvenir des victimes de l’holocauste est mise en place au n°14 en 2013 par le studio Talmon Biran En 2018, le 14 rue Walicow est classé au registre des monuments historiques
Fig. 90 : Carte des vestiges du ghetto de Varsovie Construction du quartier Za Zelazna Brama 1965 - 1972
Destruction partielle de la façade du n°14 rue Walicow par un goliath Août 1944
Source : Document réalisé par Pawel E. Weszpinski d’après les archives d’État de Varsovie
p. 157
Fig. 91 : Carte des frontières du ghetto de Varsovie avant la grande liquidation Source : Document réalisé par Pawel E. Weszpinski d’après les archives d’État de Varsovie
p. 197
p. 198
Les compléments
p. 199
Index
Hystéréchronie
«Temps de latence que l’on observe très fréquemment dans l’histoire des sites ou des occupations humaines entre un événement particulier ayant lieu à un moment quelconque du temps et l’effet qu’il provoque par la suite, parfois très longtemps après.» OLIVIER Laurent, “De l’archéologie du paysage à l’archéologie de la mémoire” dans Le sombre abîme du temps, Seuil, Paris, 2008, p. 103
Mémoire collective
«Le souvenir, ou l’ensemble de souvenirs, conscients ou non, d’une expérience vécue et/ou mythifiée par une collectivité vivante de l’identité dans laquelle le sentiment du passé fait partie intégrante.» NORA Pierre, sous la direction de LE GOFF J., “La mémoire collective” dans La nouvelle Histoire, Complexes, Paris, 1978, p. 398
Objet-mémoire
«Un objet-mémoire est un objet dans lequel le temps s’inscrit, ou plus exactement c’est une entité matérielle dans laquelle s’enregistre la mémoire d’un moment du temps.» OLIVIER Laurent, Le sombre abîme du temps, Seuil, Paris, 2008, p. 198
Ruine
p. 200
«Construction qui a perdu une part si importante de sa forme et de sa substance originelle, que son unité potentielle en tant que structure fonctionnelle a aussi été perdue» FEILDEN, JOKILEHTO (1990), Management guidelines for world cultural heritage sites, Rome, définition reprise par LEBLANC Antoine dans “La conservation des ruines traumatiques : un marqueur ambigu de l’histoire urbaine”, L’espace géographique, Editions Belin, pp. 253-266
Trace
«La trace est l’apparition d’une proximité, quelque lointain que puisse être ce qui l’a laissé (et) l’aura est l’apparition d’un lointaine quelque proche que puisse être ce qui l’évoque» BENJAMIN Walter, Paris, capitale du XIXème siècle, Les Éditions du Cerf, 1989, p. 464
Uchronie
«Faculté d’indétermination que possède chaque moment du temps vis-à-vis de son futur, c’est-à-dire des formes ultérieures auxquelles les formes du moment présent donneront éventuellement lieu» OLIVIER Laurent (2008), “De l’archéologie du paysage à l’archéologie de la mémoire” dans Le sombre abîme du temps, Seuil, Paris, p. 103
Urbicide
«Violences qui visent la destruction d’une ville non en tant qu’objectif stratégique, mais en tant qu’objectif identitaire» TRATNJEK Bénédicte, Géographie de la ville en guerre, 2008
Usage exemplaire de «L’usage littéral, qui rend l’événement ancien indépassable, revient en fin de compte à soumettre le préla mémoire sent au passé.» TODOROV Tzvetan (1995), “Mémoire et justice” dans Les abus de la mémoire, Arléa, Paris, p. 31
Usage littéral de la mémoire
«L’usage exemplaire, en revanche, permet d’utiliser le passé en vue du présent, de se servit des leçons des injustices subies pour combattre celles qui ont cours aujourd’hui, de quitter le soi pour aller vers l’autre» TODOROV Tzvetan (1995), “Mémoire et justice” dans Les abus de la mémoire, Arléa, Paris, p. 31
p. 201
Table des matières
p. 202
COMPRENDRE L’EXISTANT - LES ENJEUX DE LA RÉACTIVATION DU PASSÉ
p. 31
Quels sont les enjeux de la réactivation du passé dans la ville de Varsovie ? A/ La distinction entre histoire et mémoire
p. 32
Quelle valeur accorder aux vestiges de la rue Walicow ? 1) la mobilisation autour des vestiges de l’immeuble n°14 rue Walicow
p. 32
2) vestiges et correspondances historiques
p. 33
B/ Le rapport du présent au passé
p. 43
Comment ces vestiges peuvent-il réintégrer l’ «actuel» ? 1) le conflit des temporalités
p. 43
2) la continuité du passé dans le présent
p. 48
C/ L’articulation de l’individuel au collectif
p. 50
Comment peuvent-il tisser une nouvelle relation avec la ville ? 1) du musée à l’espace public
p. 50
2) l’établissement de continuités avec la ville
p. 53
COMPOSER AVEC L’EXISTANT - LA TRACE COMME RÉCONCILIATION DES TEMPORALITÉS
p. 59
Comment recomposer du lien dans un lieu aux temporalités et aux récits fragmentés ? A/ Éléments de permanence
p. 67
Comment peut-on réactualiser la trace ? Comment le passé se perpétue t-il dans l’actuel ? 1) trace et répétition
p. 67
2) quand la trace réintègre un nouvel ensemble
p. 69
B/ Trace première et trace «authentique»
p. 75
Faut-il travailler avec des traces «authentiques» ? 1) objets-mémoires et discontinuité
p. 75
2) approche archéologique
p. 78
C/ Expérimenter la trace
p. 83
Comment expérimenter la trace ? p. 204
1) trace et échelle
p. 83
2) trace et dispositif pour la révéler
p. 83
COMPOSER PAR LE VIDE, RÉVÉLER LES ESPACES PAR L’ABSENCE
p. 87
Quel processus de composition peut révéler le processus de disparition propre au passé du lieu ? A/ Le vide comme possible support d’une mise en mémoire
p. 91
Comment investir un lieu dont la structure du vide doit-être conservée ? 1) quand le vide devient trace
p. 91
2) quand le vide s’associe à la trace
p. 95
B/ Le vide comme force de (dé)composition
p. 101
Comment recomposer l’image d’un objet par le vide ? 1) la déconstruction
p. 101
2) la décomposition
p. 107
C/Le vide comme matière première
p. 110
Comment travailler le vide comme matière brute ? 1) le vide comme anti-monument
p. 110
2) le vide spirituel
p. 114
IV. LA MISE EN RÉCIT DU TEMPS - RENDRE LA TRACE INTELLIGIBLE
p. 119
Comment rendre la trace intelligible ? A/ La nature paradoxale du temps
p. 124
Comment mettre en lien le passé avec le présent ? le révolu avec l’actuel ? 1) la construction du récit comme «hors temps»
p. 124
2) l’esthétique de la ruine
p. 125
B/ Le langage de l’espace édifié - organiser le récit
p. 131
Comment mettre en œuvre le récit par le langage spatial ? Quel type de récit ? 1) la modalité exemplaire
p. 131
2) la mémorisation dans la matière
p. 133
C/ L’espace vécu - faire l’expérience du lieu
p. 137
Comment ce récit va-t-il être vécu et perçu ? p. 206
1) la «reconstruction émotionnelle» de Peter Zumthor
p. 137
2) la «mémoire du lieu» comme mémoire corporelle
p. 139
ANNEXES
A/ Travaux de recherches
p. 153
1) documents historiques
p. 154
2) carnet de recherches
p. 163
p. 171
B/ Les sources 1) Bibliographie
p. 172
2) Table iconographique
p. 177
p. 199
C/ Les compléments 1) index
p. 200
2) table des matières
p. 202
p. 207
p. 208
Que faire des vestiges de guerre dans la ville ? Quel futur leur donner ? S’il apparaît que le futur est largement conditionné par le passé, il convient de s’interroger sur la violence qui les a générées et des manières de la dépasser. Lorsque cette dernière est, comme dans le cas de Varsovie “ville-martyre», constitutive de l’identité de la ville et de celle de ses habitants, la disparition de ces lieux menace-t-elle la mémoire de la ville ? La disparition des traces aboutit elle à la disparition de la violence ? C’est en fait la relation du présent au passé qui est l’enjeu ; la question que pose tout édifice de l’ancrage dans le temps prend ici une ampleur dramatique gonflée d’enjeux moraux comme celui de devoir de mémoire. Entre désir de «lieux de mémoire» et volonté d’annihiler la violence par l’effacement des traces en proclamant un futur nouveau, les interventions oscillent entre deux postures radicales : la muséification des lieux et la table rase. Quelle architecture proposer pour un futur apaisé ?