LeMag' n°6

Page 1

REPORTAGE

FRANCIS HUSTER STEVE SUISSA

DANS LES COULISSES D'AROUTZ HA-KNESSET

eMag’ N°6 AVRIL - MAI 2016

20

L'ÈRE DU WEB FOCUS SUR LA CYBER DÉLINQUANCE

le

m

ag .

co .il

LeMag.co.il

INTERVIEW EXCLUSIVE

LeMag’ N°6 AVRIL-MAI 2016 20,00

RENCONTRE AVEC CLAUDE LELOUCH ET ELSA ZILBERSTEIN

PATRICK DRAHI Patron de HOT et I24NEWS

JUSQU'OÙ IRA-T-IL ?

84 PAGES D’ENQUÊTES, D’INVESTIGATION ET DE DÉCRYPTAGE France Métropolitaine 4,85 € - Israël 20 ₪ - Belgique : 5 € - Suisse : 5,25 CHF - Canada 6,86 CAD - Luxembourg : 5 € - Dom-Tom 7 € Avril - Mai 2016 • LEMAG.CO.IL • leMag’ N°6 • 1


SOMMAIRE AVRIL - MAI 2016 LeMag’ N° 6

Le 12 mai prochain, Israël célébrera son 68ème anniversaire. LeMag’ prend un peu d’avance pour lui souhaiter un Happy Birthday à sa manière.

8

C'EST DANS L'AIR

10

REPORTAGE

co .il

8

5 ÉDITO Comment Israël a changé le monde en sept décennies

Aroutz Ha-Knesset Une chaine au cœur du pouvoir

13 PEOPLE

Amir Haddad Le Franco-Israélien a été choisi pour représenter la France à Stockholm, le 14 mai prochain. Coup de cœur

ag .

14

14 CULTURE 16

Présentes dans le monde entier, ses œuvres parlent pour elle. Brigitte NaHoN, artiste forte et fragile à la fois, s’expose dans leMag’

6

• Avril - Mai 2016 • LEMAG.CO.IL • leMag’ N°6

L'INVITÉ DU MAG

Francis Huster et Steve Suissa Les deux stars de la scène théâtrale parisienne nous livrent leur vision d’un métier auquel ils ont voué leur vie

20 ENTREPRENDRE

m

le On en parle peu, mais la donation d’un bien immobilier à un mineur peut se révéler judicieuse…dans certains cas. Eclairages

L’art de l’équilibre

Brillant, hyperactif, déterminé. Qu’est-ce qui fait courir Patrick Drahi ?

24 IMMOBILIER

Un penthouse, tout le monde en rêve. Alors combien ça coûte ?

24

36

ÈRE DU WEB

40

À LA UNE

Pirates du Net Craquer des passwords, contourner un firewall, infecter des ordinateurs. C’est leur spécialité, c’est notre angoisse !

Le Tribunal rabbinique de Jérusalem a décidé d’isoler socialement et religieusement Oded Guez, l’un de ces hommes qui s’obstinent à refuser le guet à leur épouse. Interview exclusive


Retrouvez LeMag’ sur www.lemag.co.il et sur facebook/lemag.co.il

DOSSIER CONSO

54

L'AN PROCHAIN À JÉRUSALEM

Nos charriots ne cessent de se remplir. Comment consomme-t-on ? Décryptage au travers de chiffres, d’une interview, de témoignages et de bons plans. C’est votre dossier leMag’.

Formations professionnelles Quelles options pour les olim ?

TRIBUNE LIBRE

Céline Ahnine est une infirmière en colère. Elle nous le fait savoir

63 SANTÉ

63

Les programmes minceurs qui permettent d'aborder les fêtes en toute sérénité

ag .

62

Comment adapter ses compétences aux couleurs du pays

co .il

44

54

Maigrir en toute sérénité

66

LOISIRS

68

C'EST L'HISTOIRE...

72

RENCONTRE AVEC…

Jeux et Enigmes

de Nathan Diament Un homme qui n’a pas oublié

m

Claude Lelouch et Elsa Zilbertsein Ils étaient en Israël, nous les avons croisés

VIVRE AUTREMENT

Ashdod : Drone city ? Les drones pourraient, dans un avenir proche, devenir l'un des moyens de liaison civile les plus utilisés. Ashdod veut tenter l’expérience. LeMag’ veut comprendre

le

76

81

BON À SAVOIR Adresses et infos utiles

68

La famille qui l’a sauvé pendant la Shoah a été décorée du titre de ‘Justes parmi les nations’. Soixante ans plus tard, clin d’œil de l’histoire, Nathan Diament siège dans cette commission guidée par l’éthique, la morale et la reconnaissance

Avril - Mai 2016 • LEMAG.CO.IL • leMag’ N°6 • 7


C’EST DANS L’AIR LEMAG’

COMMENT ISRAËL A CHANGÉ LE MONDE EN 68 ANS (SEULEMENT!)

1

ce, sans utilisation d'hormones de croissance. En moyenne, 12.083 kg de lait par vache en 2014, contre 10.097 kg aux Etats-Unis. Leur secret ? Une informatisation des données liées à la génétique, à la fertilité et au quotidien des vaches couplée à un patrimoine génétique unique en son genre. La ‘Israeli-Holstein’ serait ainsi la plus résistante au monde…

2

ag .

LUNETTES MAGIQUES Destinées aux non-voyants, les lunettes mises au point par le professeur Zeev Zalevsky, chef du génie électrique et nanophotonique à l’Université Bar-Ilan, traitent une image puis la reconstituent sous forme de signal envoyé à un ensemble de petits miroirs situés à quelques millimètres des yeux de l’utilisateur. Les miroirs envoient ensuite un ensemble de vibrations à la cornée qui « ressent » dès lors les objets dans l’espace. « C’est comme si vous fermiez les yeux et ressentiez votre entourage avec vos doigts, vous pouvez imaginer ce qui est en face de vous », a déclaré Zalevsky.

co .il

Il n’y a pas de problèmes, mais que des solutions. Telle pourrait être la devise de ce pays qui a transformé la mer en or bleu et le sable en villes ultra modernes. Défiant la nature, la logique et les hommes, Israël ne cesse de révolutionner le monde depuis 1948. Inventions, innovations, technologies ou concepts, le petit Etat juif n’en finit pas d’étonner la planète, à qui il propose de retrouver la vue, de manger différemment, de mieux se soigner et même d’inventer de nouveaux modes de vie. A la veille du soixantième huitième anniversaire d’Israël, leMag’ lui rend hommage à sa manière.

1

4

m

ÇA NE FAIT PLUS MAL ! PillCam, la petite capsule ingérable munie d’une mini-caméra permettant d’explorer le corps du patient sans douleur a conquis le monde pour son efficacité et la réduction du stress générées par ce système d’investigation médicale sans douleur. On le doit à Given Imaging, aujourd’hui leader mondial dans le développement et la promotion de solutions médicales non invasives.

2

le

MINI TOMATE Née dans les années quatrevingt-dix dans la faculté d’agriculture de Rehovot, la tomate cerise inventée par les Professeurs Nahum Kedar et Haim Rabinowitz, a révolutionné nos assiettes et nos apéritifs ! Récipiendaire du prestigieux Prix d’Israël en 2006 (notamment), le Pr Kedar, décédé en 2015, est considéré comme le fondateur de l’agriculture High-Tech. 3 … ET MAXI VACHES À LAIT Les vaches israéliennes produisent la plus grande quantité et la meilleure qualité de lait au monde et

8

MORT AUX POILS ! EpiLady, le célébrissime premier épilateur électrique a été créé par Yair Dar et Shimon Yahav, en 1986, et fabriqué au Kibbutz Goshrim. Depuis, il est parvenu à assurer sa place de leader mondial sur le marché des soins de beauté en vendant près de 30 millions de machines à tuer l’un des plus grands ennemis des femmes ! 5

• Avril - Mai 2016 • LEMAG.CO.IL • leMag’ N°6

3

4

5


ROULER ÉLECTRIQUE … C’est rouler Better Place. ‘Better Place’ ou l’idée d’un ‘monde meilleur’ dans lequel les voitures ne polluent plus. C’est le concept de l’homme d’affaire visionnaire Shai Agassi, à l’origine de la voiture électrique (créée en 2007) utilisée et commercialisée aujourd’hui dans le monde entier. 6

7

7 PETITE MAIS COSTO ! Mais que ferait-on sans elle ? La clé USB (disk on ki en hébreu), l’incontournable petit appareil de stockage portable, a été imaginé par Dov Moran en 1988, dans l’objectif premier d’améliorer les performances du disque et de la disquette (paix à leurs âmes…) mais surtout après que le jeune ingénieur du Technion ait perdu toutes les données de son ordinateur, tombé en panne lors d’une démonstration cruciale. Ou comment transformer une mésaventure en gros succès…

ag .

8

9

8

MICROSOFT WINDOWS XP : PRESQUE UN CITOYEN ISRAÉLIEN La plus grande partie du système d'exploitation Windows XP a été réalisée par Microsoft Israël. « Si vous faites le calcul, Microsoft est presque autant une société israélienne qu’une société américaine » expliquait en 2008, le PDG de Microsoft, Steve Ballmer. (Pour info, les seuls centres de R&D de Microsoft et Cisco dans le monde en dehors des Etats-Unis se trouvent en Israël et la première filiale de Intel hors des Etats-Unis a été ouverte en Israël.)

11

9

12 13

‫© באדיבות הקרן למורשת הכותל‬

le

m

10

10 DÔME DE FER Grâce à cette technologie, les Israéliens sont devenus "invincibles" et ont privé leurs voisins Gazaoui du plaisir de voir Israël réduit à un champ de mines. ‘Kipat Barzel’, comme on l’appelle affectueusement, est le meilleur chien de garde du pays. L’intercepteur officiel de missiles a été mis au point dans les années quatre-vingt-dix.

co .il

6

vers le monde.

WAZE Même les plus doués ont perdu le sens de l’orientation à cause de lui. En attendant, grâce à ce GPS ultra intelligent, développé par Ehud Shabtaï, on ne perd plus le nord ! En 2012, l'application a été téléchargée 15 millions de fois à tra-

" DÉMOCRATIE AU MOYEN-ORIENT " Label israélien déposé. Concept politique et sociétal auquel les Israéliens sont très attachés mais dont la spécificité est de n’être viable que sur l’étroitissime territoire israélien. Hors des frontières d’Israël, la ‘Démocratie au Moyen-Orient’ disparait, se fane ou se transforme en révolution sanguinaire. 11

12 HOUTZPA Inventée par les Israéliens pour compenser leurs angoisse existentielle et stress quotidien, la Houtzpa est une notion 100% ‘made in Israel’ et ne s’acquiert qu’au prix d’un long entrainement. Une fois maitrisée, c’est délicieux. Elle permet de passer devant tout le monde dans une file d’attente, d’écraser les pieds du voisin sans s’excuser dans le bus ou d’entrer dans le cabinet du médecin sans avoir pris rendez-vous.

INVITER UN PRÉSIDENT À PARLER À UN MUR. Pratique inventée par les Israéliens – ils sont les seuls à avoir oser – pour convaincre tous les grands de ce monde de passage en Israël à venir se recueillir devant le lieu le plus saint du judaïsme. (NDLR : Les plus convaincus finissent aussi par placer un courrier dans ce même mur…) 13

Romane Hassoun

BON ANNIVERSAIRE ISRAEL ! Avril - Mai 2016 • LEMAG.CO.IL • leMag’ N°6 • 9


REPORTAGE LEMAG’

AROUTZ HA-KNESSET

co .il

Une chaîne au cœur du pouvoir

I

ag .

Rattachée à la Deuxième chaîne nationale (Aroutz 2), qui elle-même compte parmi les plus populaires sur le créneau de l'info en Israël, la chaîne 99, plus connue sous le nom de Aroutz Ha-Knesset, émet depuis une dizaine d'années et semble avoir trouvé sa place et sa légitimité sans difficulté. Une programmation habile qui alterne retransmissions en direct des séances du Parlement avec des émissions historiques, liées à l'actualité et bien sûr, à la politique. Lancée en mai 2004 et diffusée du dimanche au jeudi, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, Aroutz Ha-Knesset a creusé son sillon, affirmé sa singularité et fait désormais partie intégrante du PAF israélien. Orit Harel, chargée des relations publiques de la chaîne et Sarah Ozeri qui y office en tant que productrice, nous ont ouvert les portes de la rédaction. Comment fonctionne cette chaîne si proche des arcanes du pouvoir ? Comment garde-t-elle la bonne distance pour nous proposer la vision la plus juste de la vie législative israélienne ? Plongée au cœur de la ruche.

le

m

l me faut vadrouiller une bonne demi-heure au sein du célébrissime et très vaste bâtiment de la Knesset avant de repérer enfin, au premier étage, le grand panneau m'indiquant que je suis arrivée aux portes de la chaîne 99. Nous sommes un mercredi matin, l'ambiance est plutôt calme au sein d'une rédaction studieuse qui ne se formalise pas de ma présence. Je suis accueillie par Sarah Ozeri qui m'entraîne rapidement à l'intérieur du studio d'enregistrement où les projecteurs sont éteints et les caméras immobiles.

Entre deux émissions, nous investissons le lieu et la jeune productrice prend la parole pour évoquer sans préambule les débuts de la chaîne. Pourquoi une chaîne au cœur du Parlement ? « C’est la Knesset qui a décidé de créer cette chaîne pour que l'on puisse voir le travail du Parlement. C'est comme ça que la chaîne est née. Son budget lui a été alloué par le Parlement 10

• Avril - Mai 2016 • LEMAG.CO.IL • leMag’ N°6

lui-même, qui a fait, à l'époque, un appel d'offres auprès de plusieurs chaînes pour sa gestion et la prise en charge de son fonctionnement ». Le projet fait alors le tour du petit monde de l'audiovisuel israélien pour atterrir chez Aroutz 2 qui remporte la mise. Une rédaction se met rapidement en place. La Knesset octroie un budget annuel de dix-neuf millions de shekels à la nouvelle chaîne. Aroutz 2 se charge du reste. « Je ne suis pas employée par l’État mais par Aroutz 2 chez qui je travaille en tant que productrice » m’explique Sarah. Les renforts de la chaîne tutrice impriment très vite leur marque de fabrique et se chargent de la conduite d'antenne. Une installation pérenne ? Non. Au mois d'août, la Knesset remettra sur le marché le canal 99 et lancera un nouvel appel d'offres. Alors, des changements en perspective ? « Ce n'est pas sûr. Si Aroutz 2 remporte l’appel d’offres rien ne chan-

gera. Dans tous les cas, nous resterons ici, dans le bâtiment de la Knesset. Pour des raisons de confort. On est au cœur du Parlement, on peut réaliser des reportages d'ici, tout est plus facile » explique la jeune femme qui me laisse deviner que le confort, c'est aussi d'être intégré au budget de fonctionnement de la Knesset... DES PROGRAMMES TOUJOURS LIÉS À L’ACTUALITÉ Orit, productrice et chargée des relations publiques de la chaîne, me détaille une programmation qui se veut aujourd'hui de plus en plus diversifiée, tout en ayant pour objectif de coller avant tout à l'actualité : « Quand le Parlement se réunit, nous sommes, bien entendu, tenus de le retransmettre. Il y a des caméras partout dans la salle et nous avons une régie spécialement dédiée à ces séances. On nous demande aussi de diffuser trois commissions par jour, que nous choisis-


Aroutz Ha-Knesset, c'est au quotidien :

ag .

co .il

Des émissions retransmettant les séances de la Knesset, donnant ainsi à voir le véritable travail du parlement, sans filtrage éditorial. Des nouvelles mises à jour en direct dans le magazine quotidien de la chaîne. Une couverture en live des principaux événements politiques, des interviews exclusives et une analyse au cordeau de l'actualité. Au moins vingt-cinq émissions sont réalisées dans le studio de la chaîne pendant la semaine, toutes liées à la politique et allant de l'économie, la sécurité, les questions sociales à l'art et la littérature.

le

m

sons selon les thèmes qui y sont débattus. Et puis, il y a les rendez-vous invariables de la journée qui constituent la colonne vertébrale de l'antenne. D'abord un magazine quotidien sur l'actualité du jour, programmé en milieu d’après-midi. ‘Studio libre’ accueille des invités tout au long de l'émission, et le JT du soir. Classique. En dehors de cela, nous produisons plus de vingt émissions par semaine sur des sujets qui couvrent des thèmes comme la justice, l'économie, la politique … Nous avons aussi un programme qui traite de la politique sur internet. Et des programmes humoristiques. C'est très varié ». Aroutz Ha-Knesset, c'est également beaucoup de documentaires historiques. « Nous en diffusons pas mal, sur la Knesset et l'histoire de la Knesset, l'histoire d'Israël, les guerres. Nos programmes sont repris également par Aroutz 2 et Aroutz 10 » indique Sarah qui précise la présence régulière, dans l’une des émis-

sions proposées, « de célébrités, pas forcément politiques, par exemple des chanteurs, des écrivains qui sont toujours en rapport avec l'actualité ».

L’ARÈNE POLITIQUE EN LIVE : FAUT-IL TOUT MONTRER ? Le fil rouge reste les sessions de la Knesset. Alors, comment retransmet-on les débats et surtout cette parole vivante qui peut dévier, fourcher à tout moment ? Comment les députés composent-ils avec cet œil de Big Brother constamment braqué sur eux ? La régie opère-t-elle des coupes, que se passe-t-il au montage ? Car ici, c'est toute l'arène politique qui est en représentation. Et qui s'oublie, aussi, parfois. Alors, au-delà des vœux pieux de transparence, Aroutz 99 peut-elle tout montrer ? Orit précise : « En fait, dans l'Assemblée, les députés n'ont pas le droit de manger, de boire, ni de parler au téléphone. Ils le savent, mais ils le font quand

même. Malgré les caméras qui tournent ! La question est : est-ce qu'on le montre ou non ? De leur côté, ils le savent, rien n'est innocent. Si quelqu'un s'endort ou se gratte le nez, on évitera de montrer cela à l'antenne. C'est une base éthique que nous avons établie au sein de la rédaction : on ne montre pas ces choses-là. Le carton rouge, cela ne nous intéresse pas ». Pourtant en régie, les images surprennent parfois et les plans décalés ne manquent pas : plaisanteries, attitudes débonnaires… Sarah est formelle : « On montre ce qui se passe. Mais on ne fait pas de montage : tout est en live ». Un souvenir reste, cette image qui a créé le buzz et fait le tour de la rédaction. Orit se souvient : « Un jour, un député qui siégeait à l'assemblée a été filmé jouant sur son IPad. D'habitude, on zappe ce type d'images. Mais en régie, ils ont fait un zoom ! On voyait comment il jouait, etc. On l'a repris ensuite dans plusieurs de nos émissions pour en rire. Avril - Mai 2016 • LEMAG.CO.IL • leMag’ N°6 • 11


CULTURE LEMAG’

co .il

'Equilibre' by Brigitte NaHoN

ag .

Sculpture permanente installée en extérieur devant le Palais de justice et les remparts de la ville d’Avignon, inaugurée pour l’exposition « La Beauté, 2000 ». Cette œuvre en acier inoxydable « poli jusqu’à la transparence », précise Brigitte Nahon, « est un hommage à la justice tout en rappelant sa fragilité ». Fidèle à sa quête, Brigitte Nahon décline dans cette œuvre les thèmes qui lui sont chers : le vide et le plein, l’équilibre et le déséquilibre, la masse transcendée jusqu’à la légèreté absolue, l’espace et le temps. « La vie est issue d’un savant dosage entre ces concepts. La vie est une prise de risques infinie. C’est ce que je veux traduire dans mes œuvres », nous explique l’artiste qui a choisi de s’installer à Tel Aviv, depuis 2008. Utilisant des matériaux variés - acier, plexiglas, papier, fil, eau, cristal de Baccarat, cuivre, charbon, pierre, bois, Brigitte Nahon sculpte, tisse, mélange, effiloche et unit la matière pour la rendre encore plus belle, encore plus aérienne.

le

m

LA VIE EST UNE PRISE DE RISQUES INFINIE. C'EST CE QUE JE VEUX TRADUIRE DANS MES ŒUVRES "

14 14

•• Avril Avril -- Mai Mai 2016 2016 •• LEMAG.CO.IL LEMAG.CO.IL •• leMag’ LeMag’N°6 N°6


Brigitte NaHoN

le

m

ag .

co .il

Référence internationale dans le monde de l’art contemporain, Brigitte Nahon est née à Nice, en 1960. Après des études aux Beaux-arts d’Aix-en-Provence et à la Sorbonne, elle reçoit le prestigieux prix ‘’Villa Medicis’’ « Hors Les Murs », en 1994, ce qui conduit l’artiste à Manhattan, où elle vit pendant quatorze ans. En 1995, Nahon présente à la Biennale de Venise l’exposition ‘Posyr Lirketche G’, une installation de globes de verre et d’eau. En 1999, elle tient une exposition personnelle, ‘Revenniir Zagaizz’, à la Galerie Jérôme de Noirmont à Paris. Conjointement, elle crée sa plus grande sculpture, ‘Le Passage’, qui est présentée à l’exposition de sculptures contemporaines, « Les Champs de la Sculpture 2000 », sur les Champs Élysées. En 2002, son installation, ‘Dancing Reeds’, est placée dans le hall d’entrée du nouveau bâtiment de la société Progressive Insurance à Cleveland, dans l’Ohio. Cette œuvre devient alors la première sculpture monumentale permanente de l’artiste exposée aux États-Unis.

par Caroll Azoulay

Avril--Mai Mai2016 2016••LEMAG.CO.IL LEMAG.CO.IL••LeMag’ leMag’ N°6 N°6 •• 15 Avril 15


ENTREPRENDRE LEMAG’

m

ag .

co .il

© DR

le

JUSQU'OÙ IRA PATRICK DRAHI ?

Impossible de rester indifférent devant le parcours que mène tambour battant l’homme d’affaires – Franco-Israélien, faut-il le préciser – Patrick Drahi. Consacré par Forbes comme la première fortune de l’État hébreu, leMag’ a cherché à en savoir plus sur ce milliardaire, fort discret, à qui tout semble réussir. 20 20

•• Avril leMag’N°6 N°6 Avril -- Mai Mai 2016 2016 •• LEMAG.CO.IL LEMAG.CO.IL ••leMag’

N

é à Casablanca en 1963, dans une famille juive marocaine, de parents enseignants, Patrick Drahi est diplômé de Polytechnique et s’inscrit à l’École nationale supérieure des Télécommunications, vingt ans plus tard. Il travaille quelque temps chez Philips, puis décide de se lancer dans l’ouverture entrepreneuriale du câble, en déployant des réseaux dans le sud de la France et en région parisienne. Grâce à cette stratégie, il détient, dès 2003, 99 % des réseaux câblés de France. Son groupe Altice rachète Numéricable, Noos, France Telecom Câble, TDF Câble, UPC France, puis SFR en avril 2014. Il fait également l’acquisition de sociétés de Télécom au Portugal, dans l’Outremer français, en Israël (Hot) et même aux États-Unis (achat de Cablevision). Coté à la Bourse d’Amsterdam en janvier 2014, Altice affronte une première rebuffade avec l’échec d’une offre sur le groupe Bouygues Telecom. Mais l’homme a d’autres fers au feu, notamment dans la presse : il sauve Libération de la faillite, prend la direction du groupe l’Express et s’adjuge tous les titres du groupe Roulata. David Jortner


10 Milliards d'€

50 Millions d'€ Intérêts de la dette remboursés chaque mois par SFR

5 à 10 %

Taux annuels auxquels emprunte son groupe ALTICE

31 Milliards d'€ Ce que vaut le groupe ALTICE aujourd’hui

ag .

Fortune que Patrick Drahi possède, nette de dettes

co .il

NATURELLEMENT, UNE TELLE RÉUSSITE NE POUVAIT QUE SUSCITER CRITIQUES ET JALOUSIE

Dans l’opinion française – à la différence de ce que prône la morale protestante ou l’idéologie américaine – l’argent est suspect. Il a nécessairement mauvaise odeur. On reproche à Patrick Drahi d’avoir placé le siège de ses holdings dans des paradis fiscaux – ce que font allègrement toutes les grandes multinationales, et notamment les 50 plus grosses entreprises européennes (et leurs 5.848 filiales). Peut-on le blâmer de jouer – mieux que beaucoup d’autres – le jeu du capitalisme ultra libéral d’aujourd’hui ? Il a épluché – lui et ses avocats – toute la législation des états abritant des avantages fiscaux : le Luxembourg, la Grande-Bretagne, l’Irlande, la Suisse : il n’y a là rien d’illégal et son groupe a son siège aux Pays-Bas, au cœur de l’Union Européenne. Plus préoccupant est le traitement des salariés dans les sociétés nouvellement acquises par le groupe et son « management en mode commando ». Mais là encore, son groupe est en phase avec les politiques sociales des sociétés occidentales, selon lesquelles, la vocation d’un chef d’entreprise n’est pas de créer des emplois, mais de rendre viable une structure de production.

DES RACHATS PAR ENDETTEMENT

le

m

Devant cette insolente success-story, nombre d’observateurs pointent du doigt l’immense risque que fait courir la stratégie de Patrick Drahi à son groupe, lequel a un jour expliqué : « Avec un groupe présent sur 15 territoires, 46 millions de clients et un chiffre d’affaires de 24 milliards d’euros, le ratio d’endettement est bien plus faible que celui d’un ménage qui emprunte pour acheter son appartement ». Tous ses concurrents s’accordent à dire que la dette est sa drogue. Il explique : « Quand vous empruntez un million à une banque, vous avez un problème. Mais si elle vous prête un milliard, c’est le sien ». Pour l’heure, Drahi est considéré comme « too big to fail », trop gros pour faire faillite. Pour preuve, quand il engage plusieurs milliards d’euros, les banques revendent ses dettes, et le risque Drahi s’éparpille ainsi à travers le monde entre les mains de centaines d’investisseurs inconnus. Alors : qu’est-ce qui fait courir Patrick Drahi ? Vivant discrètement en Suisse, avec sa femme et leurs quatre enfants, on ne lui connaît aucun goût pour l’extravagance, le luxe ou la consommation ostentatoire. Son rêve, transmettre son groupe à ses enfants. Décrit par le Financial Times comme « plutôt Easy Jet que jet set », très engagé dans des projets philanthropiques dans les domaines de l’éducation et de la recherche en Israël et en France, la question de savoir ce qui motive Patrick Drahi reste donc en suspens...

JE SUIS MOINS ENDETTÉ QU'UN MÉNAGE QUI ACHÈTE UN APPARTEMENT " Le 27 mai 2015 devant les députés de l’Assemblée Nationale

Avril -- Mai Mai 2016 2016 •• LEMAG.CO.IL LEMAG.CO.IL •• leMag’ leMag’ N°6 N°6 •• 21 Avril 21


ENTREPRENDRE LEMAG’ Patrick Drahi est né à Casablanca, le 20 août 1963, dans une famille juive du Maroc, de deux parents professeurs de mathématiques.

co .il

Naissance du fonds d’investissement Altice.

Il rentre à l’École Polytechnique et poursuit ses études à l’École nationale supérieure des télécommunications

1983

2002

2001

Début laborieux avec la création de Sud Câble Services à Cavaillon, dans le Vaucluse.

le

m

1963

1994

ag .

1978

Il s’installe avec sa famille à Montpellier, en France. Ce câblo-opérateur d’Alsace est le premier d’une longue série d’acquisitions. 22

• Avril - Mai 2016 • LEMAG.CO.IL • leMag’ N°6


Dans le dernier classement annuel des grandes fortunes mondiales réalisé par le magazine Forbes, Patrick Drahi était positionné à la 57ème place mondiale mais en première position, en Israël, avec une fortune estimée à 16 milliards de dollars. Au total, neuf Israéliens figurent dans le top 500 de Forbes.

Numericable, France Télécom Câble, TDF Câble, Drahi devient un poids lourd des réseaux en France.

Achat de SFR et deVirgin Mobile Patrick Drahi, talonné par Bouygues Telecom, va signer un chèque de 12 milliards d’euros. Un plan qui semble tenir la route, puisque depuis son rachat, et en dépit du départ de 500.000 clients, la rentabilité de SFR a augmenté de 21 %.

le

m

2005

2013

ag .

2012

Pour financer les dettes contractées, le groupe Altice doit rembourser chaque mois plus de 50 millions d’euros, empruntés à un taux annuel de 7,5 %. Tout cela est obtenu par une politique drastique de réduction des coûts. L’idée maîtresse de cette stratégie est que les profits d’une entreprise dépendent de sa taille : c’est le modèle anglo-saxon du LBO (« leverage buy out »). Devant le volume des engagements du groupe, l’agence Moddy de notation des entreprises lui conseille de « réaliser des économies et de réduire son endettement l’année prochaine ».

co .il

Achat de Numericable

Rachat de Portugal Telecom et de Suddenlink (USA)

2015 Campagne de pub lancée par I24 News, le 7 janvier 2015 (quelques heures avant l’attentat contre Charlie Hebdo), sur 8.500 panneaux Decaux à Paris et dans une dizaine de villes françaises. Créée par P. Drahi en juillet 2013, installée à Jaffa, et composée d’une équipe de 250 personnes, dont 150 journalistes, venus de 35 pays et de toutes confessions, I24 News se veut internationale et plurielle. « Nous recevons aussi bien des représentants du gouvernement, que ceux du Hamas ou de l’autorité palestinienne », aime à préciser son directeur, Frank Melloul.

Avril - Mai 2016 • LEMAG.CO.IL • leMag’ N°6 • 23


co .il

L’ÈRE DU WEB LEMAG’

le

m

ag .

Comment les nouvelles technologies facilitent toutes les arnaques

36

• Avril - Mai 2016 • LEMAG.CO.IL • leMag’ N°6


co .il ag . m

le

Bien plus juteuses qu’une attaque de banque, les nouvelles technologies permettent de siphonner à distance des comptes bancaires et de détourner la trésorerie des entreprises. Mondialement, les revenus de la cyber délinquance sont évalués à 200 milliards de dollars par an. Et comme un lecteur averti en vaut deux : présentation (non exhaustive, malheureusement) de quelques arnaques récentes – et d’autres, plus classiques, qu’il convient de connaître pour s’en prémunir. Aujourd’hui, les truands du 21ème siècle sont des as de l’internet : profitant du fait que nombre de transactions financières se font par informatique, craquer des passwords, contourner un firewall, infecter des ordinateurs sont devenus des activités fort lucratives.

Avril - Mai 2016 • LEMAG.CO.IL • leMag’ N°6 • 37


le

m

ag .

co .il

L’ÈRE DU WEB LEMAG’

Le virus DRIDEX, un redoutable cheval de Troie C’est la bête noire de toutes les cyber polices qui traquent sur le web les fraudeurs de la dernière génération. Victimes : particuliers et PME, négligents ou peu experts en sécurité informatique. Ce virus se fraie un chemin dans leurs ordinateurs en dissimulant un Cheval de Troie dans un mail anodin contenant une pièce jointe. Aussitôt ouverte, celle-ci infecte la machine cible en déployant un logiciel de collecte de données. Il va récupérer des numéros de compte et des passwords, puis les transmettre à un serveur distant qui va ordonner des virements automatiques. 38

• Avril - Mai 2016 • LEMAG.CO.IL • leMag’ N°6

Plus de 50.000 ordinateurs dans le monde seraient déjà touchés. Une variante du Dridex consiste à paralyser un ordinateur ou le réseau informatique d’une société. Les cyber pirates affichent alors à l’écran une demande de rançon en échange du retour des machines à leur bon fonctionnement. Comme très souvent les victimes ne tiennent pas à se faire connaître, les autorités de lutte contre la cyber criminalité peinent à remonter à la source de ces attaques.


Les fraudeurs peuvent puiser directement dans un compte bancaire

co .il

Avant la réforme bancaire européenne entrée en vigueur le 1er août 2014, pour payer une facture, la banque devait recevoir l’assentiment du débiteur (titulaire du compte) qui signait une autorisation de prélèvement et mentionnait les coordonnées du bénéficiaire. Désormais, avec l’accord SEPA (« Single Euro Payment Area » : espace unique de paiement en euros) les choses vont plus vite. Il suffit d’adresser à son créancier un document (avec son numéro d’identification bancaire IBAN), lequel se chargera de tout. Mais dès lors l’intermédiaire de confiance n’est plus la banque mais le bénéficiaire. Un faux prestataire peut se présenter avec un faux mandat et obtenir le paiement de celui-ci. Bien-sûr il devra disposer d’un identifiant, validé par l’autorité

bancaire – en France, c’est l’ICS (« identifiant créancier SEFA ») – mais il suffit de monter une entreprise virtuellement crédible pour l’obtenir. Certaines banques ont pris les devants, en établissant une « liste blanche » de créanciers autorisés, mais ce système est lourd car il bloque automatiquement les règlements ponctuels. D’autres banques – elles sont rares – préfèrent avertir leurs clients quand un prélèvement SEPA se met en place sur leur compte. En tout cas, la faille de ce nouveau mode de paiement a déjà fait des ravages en Europe : rien qu’en Grande-Bretagne, 40.000 personnes en ont été victimes. Nombre de mafias de l’Europe de l’Est ont investi ce créneau, ciblant de grandes entreprises. Seule parade : surveiller quotidiennement les mouvements de son compte bancaire. Fort heureusement, Israël se tient à l’égard d’un tel système. Mais sous la pression de l’OCDE, les choses pourraient changer.

Particulièrement vicieux, le détournement de carte SIM

ag .

Attention aux faux ordres de virement internationaux

le

m

Désormais classique : le comptable d’une société reçoit un mail lui annonçant un changement de coordonnées pour un virement bancaire. Plus habile : profitant d’un déplacement du patron à l’étranger (et d’une bonne connaissance de l’entreprise cible), l’escroc, se faisant passer pour lui, demande un transfert de toute urgence sur un compte discret, pour « faciliter une transaction » (c’est-à-dire : verser un pot-de-vin). Pour parfaire l’opération, le fraudeur envoie même un ordre de paiement accompagné de la signature, parfaitement imitée, du chef d’entreprise… Toutes ces manœuvres ont déjà coûté 250 millions d’euros à nombre de sociétés européennes.

Les cartes de crédit continuent à donner lieu à de multiples fraudes

Les débits frauduleux sur CB ont augmenté de 67 % en 4 ans. Exemple : au restaurant, au moment de payer, Monsieur remet sa carte de crédit au serveur. Celui-ci, prétextant avoir oublié le lecteur de carte, s’éloigne un instant et en profite pour relever habilement les 3 chiffres du numéro d’identification. Récupérant ensuite les 16 chiffres de la CB, enregistrés dans le lecteur, il

Payer avec son téléphone est désormais courant. Comme son portable ne marche plus (« réseau indisponible »), Monsieur se rend chez son vendeur qui lui explique que sa carte Sim est défectueuse. On lui en remet une autre. En fait, il ignore que son identité a été usurpée pour obtenir une carte Sim à son nom et détourner sa ligne. Avant que Monsieur s’en rende compte, l’escroc va pouvoir ordonner en ligne des transferts d’argent et effectuer des achats au nom de sa victime. Parade : en cas de panne de portable, vérifier au plus vite ses comptes, pour limiter au maximum le temps pendant lequel l’escroc va pouvoir passer des virements frauduleux.

pourra tout à loisir l’utiliser en se faisant passer pour vous. Seule parade : ne jamais perdre sa carte des yeux. Autre arnaque plus récente, qui concerne les cartes bancaires permettant le paiement par contact : il existe un logiciel qui, par simple toucher, télécharge automatiquement sur un smartphone les numéros de votre carte. Parade : protéger sa carte par un étui en aluminium – sûr, mais plutôt contraignant ! David Jortner Avril - Mai 2016 • LEMAG.CO.IL • leMag’ N°6 • 39


À LA UNE LEMAG’

L'affaire du Guet

Oded s’obstine, se disant prêt à assumer toutes les conséquences. Il reste très procédurier, mettant des bâtons dans les roues à chaque étape du jugement et réussissant même à repousser la mise en pratique de cette dernière sanction. Il aime à garder le pouvoir, c’est la seule chose qui lui reste. Il n’y rien de logique dans son attitude. Heureusement, depuis quelques semaines, les juges ont rendu leur décision publique.

le

m

ag .

Comment le Rabbinat a-t-il été amené à rendre publique ses sanctions à l'encontre d'Oded ? Après deux douloureuses années de mariage, j’ai dû m’enfuir dans un refuge pour femmes. C’est à partir de là que j’ai entamé une procédure de demande de guet auprès du Rabbinat. La première année, les dayanim (juges) - qui ont toujours été très respectueux dans leur démarche - ont cherché à comprendre la situation. Ils nous ont, Oded et moi, auditionnés plusieurs fois. Ils ont procédé à des vérifications et nous ont demandé de rencontrer un conseiller conjugal. Oded n’y mettait aucune bonne volonté, il ne voulait participer à rien. Il disait que c’est du ‘hiloul Hashem (profanation du nom de D.ieu ) que de divorcer. Le tribunal rabbinique a rapidement compris à qui il avait à faire. Les juges ne voulaient surtout pas le dresser contre eux, ils tentaient d’aller dans son sens, en cherchant la meilleure des options. Dans notre cas, ils ont alors changé le statut : de « mitsva » (commandement), nous sommes passés au «'hiyouv» (obligation) de divorcer. En parallèle, ils lui ont retiré son passeport et son permis de conduire, limitant l’usage de son compte bancaire. Mais rien n’y a fait, même après l’édiction d’une « har’hakat dérabénou tam » pour l’isoler de la vie sociale et exercer une plus grande pression sur lui, et après la suspension de ses fonctions de l’université de Bar Ilan. Aujourd’hui encore,

co .il

Vous avez certainement aperçu son visage sur les réseaux sociaux ces dernières semaines. Une photo partagée par des milliers d’utilisateurs afin de relayer la décision du Tribunal rabbinique de Jérusalem d’isoler socialement et religieusement Oded Guez, un citoyen israélien qui s’obstine à refuser le guet à son épouse depuis maintenant quatre ans. En rendant publiques ses nom, photo et informations personnelles, l’instance religieuse a procédé de façon inédite afin de faire céder l’individu. Comment ce père de deux enfants, docteur en physique, professeur à Bar Ilan et détenteur d’un titre de rabbin, en est-il arrivé là ? Pour leMag’, sa jeune "épouse" dévoile, sous couvert d’anonymat, les contours d’une affaire inédite.

40

• Avril - Mai 2016 • LEMAG.CO.IL • leMag’ N°6

Quel a été l'attitude de votre entourage ? Mes proches se sont toujours tenus à mes côtés, et ce, dès que j’ai eu à leur confier les maltraitances que mon mari m’a infligées. Ils se rendaient bien compte que je ne m’épanouissais pas dans mon couple, que je « fanais » littéralement, que quelque chose de malsain se tramait à la maison. Ils auraient voulu que je donne plus d’éléments à la presse, que j’explique publiquement les raisons pour lesquelles je tenais absolument à obtenir mon guet (divorce). Mais je ne souhaite pas rentrer dans les détails. À travers le mot « maltraitance », on comprend déjà beaucoup de choses. D’autant que mon seul but est d’obtenir le guet, inutile de susciter un esprit de vengeance chez Oded. Comment réussissez-vous à surmonter la situation ? Avant de prendre la décision de le quitter, j’étais naïve, je vivais une « petite

shoah » intérieure, j’avais espoir que tout s’arrange. Mais à un moment donné, je n’ai plus eu le choix, c’était une question de « pikoua’h nefesh » (sauver sa vie). Même encore aujourd’hui, Oded continue à cacher à son entourage que nous sommes séparés. Certains de ses proches m’ont appelée pour me dire qu’ils n’étaient absolument pas au courant. Je me sentais très mal à l’aise, j’étais de plus en plus marginalisée. Il m’était désagréable de parler de la situation. Certains disaient que sans guet, on ne peut plus faire partie de la société. J’ai eu peur quand l’affaire est sortie au grand jour, mais grâce aux réactions positives dans l’ensemble, je me sens mieux. Pensez-vous avoir un rôle à jouer à l'avenir ? J’ai été indirectement approchée par des femmes qui vivent le même type de situation. Je leur fais volontiers part de mon expérience. Cela rassure beaucoup et met en garde ceux qui se refuseraient à donner le guet. Si l’affaire est sortie dans les médias, c’est dans l’espoir que cela fasse bouger les mentalités, que cela ouvre des portes à toutes les femmes d’Israël. Depuis quatre ans, je suis active et je vais vers les autres, je suis invitée à des conférences, je parle à la radio, dans la presse écrite. Je continuerai à faire passer le message. Propos recueillis par Katia Epelbaum


DIVORCE ET LOI JUIVE

A

Sur le thème du statut de la femme dans le judaïsme, difficile de ne pas céder à la polémique tant la voix des contestataires se fait puissante et parfois même violente. N’en déplaise à certains, le droit juif est favorable à la femme. S’il existe incontestablement des affaires scandaleuses de guet, c’est bien pour des raisons idéologiques et humaines qui dénaturent la bonne application du droit juif au sein des tribunaux rabbiniques. Il y a plus de trente ans déjà, le Rav Ovadia Yossef se penchait minutieusement sur le cas des femmes dont les maris étaient présumés morts au combat lors de la guerre de Kippour en 1973. Il bouleversait ainsi « l’ordre établi » en « libérant » un millier d’épouses « enchaînées ». Depuis, nombreuses sont les associations créées pour monter au créneau en faveur des femmes agounot alors que les tribunaux rabbiniques en Israël tentent d’appliquer par leur jurisprudence, multiples contraintes à l’encontre des maris récalcitrants. Dernier en date, un fait sans précédent pour le monde juif orthodoxe : à travers la mise en application de son jugement, le Bet Din de Tel Aviv est à l’origine de l’emprisonnement, en mars dernier, d’un père, homme d’affaires américain et donateur conséquent de la ‘Hassidout Erlau, ayant longtemps enjoint son fils à ne pas accorder le divorce à sa femme. Un jugement

de 45 pages qui dénonce l’action du père « jouant un rôle central et actif dans le refus de son fils à transmettre le guet ». Autre situation délicate que celle de cette femme ‘harédite, mère de sept enfants, arrêtée et menottée en janvier 2015 pour avoir refusé d’accepter le divorce. Là encore, le tribunal rabbinique s’est appliqué à la contrainte, ordonnant à la police de procéder à son arrestation après qu’elle ne se soit pas présentée devant la cour. L’année dernière, un débat avait secoué le Bet Din de Safed, un juge ayant accordé le divorce à une femme dont le mari se trouvait dans un état végétatif. Récemment, en novembre 2015, le tribunal juif de Londres s’est, lui aussi, illustré dans cette mouvance en publiant une annonce dans le Jewish Chronicle à l’encontre d’un mari récalcitrant, pourtant divorcé civilement depuis 2002, appelant la communauté à le bannir jusqu’à ce qu’il cède. Amorcée en septembre 2015, la refonte des tribunaux rabbiniques en Israël est peut-être à l’aube d’évolutions historiques au sein de l’institution. Selon certains observateurs, ce mouvement - fruit de la pénurie de juges (dayanim) notamment choisis par les partis religieux politiques à la Knesset – répondrait à des tendances plus larges des différentes courants du judaïsme. K.E

le

m

ag .

co .il

u regard de la Loi juive, un couple n’est réellement divorcé qu’à travers la transmission d’un acte de divorce donné par le mari à l’épouse. Dans la mesure où le judaïsme considère le mariage comme l’union de deux âmes, il prévoit un processus extrêmement minutieux pour aboutir à leur séparation, si les circonstances l’exigent. Un processus qui passe par la rédaction d’un document personnalisé en présence d’un Bet din (tribunal rabbinique), à la condition nécessaire que les deux parties soient consentantes. Sans guet, le couple demeure marié et ne peut en aucun cas légitimer une nouvelle union conjugale. Le « cas d’Oded Guez » soulève ici l’épineux problème des femmes « agounot », littéralement « enchaînées » à leur mariage, alors qu’il existe également des hommes victimes du refus de leur épouse à consentir au guet. Pour remédier à ces situations de blocage, des associations juives militent aujourd’hui en faveur de la signature d’accords prénuptiaux avant le mariage religieux, solution notamment soutenue par le rav Ovadia Yossef. Face à l’étendue des griefs avérés contre Oded Guez, le Tribunal rabbinique de Jérusalem a fait usage de la « har’hakat déRabbénou Tam », une mesure de droit hébraïque datant du XIIème siècle, énoncée par Rabbénou Tam, petit-fils de Rachi. Par cette voie, il entend mettre le récalcitrant au ban de la société, en lui refusant de monter à la Torah ou d’être inclus dans un minyan par exemple. Une mesure inédite qui, en 2016, prend toute sa force, à travers la viralité inhérente aux réseaux sociaux. Un fait qui prouve que les instances du judaïsme surfent, elles aussi, sur leur temps ! K.E

POURQUOI NE FAUT-IL PAS CÉDER AU MANICHÉISME !

Avril - Mai 2016 • LEMAG.CO.IL • leMag’ N°6 • 41


co .il

le

m

ag .

p.50

LE SOCIO-ÉCONOMISTE DANIEL GOTTLIEB DÉCRYPTE NOS COMPORTEMENTS DE CONSOMMATEURS. INTERVIEW

p.46

CHIFFRES CONSOMMER, ÇA COÛTE CHER !

44

• Avril - Mai 2016 • LEMAG.CO.IL • leMag’ N°6

p.48

TÉMOIGNAGES COMMENT GÈRE-T-ON NOTRE BUDGET ?


DOSSIER

co .il

CONSO

ag .

De ‘pays kibboutz’, Israël est devenu un pays d’extrême consommation. Centres commerciaux et Duty Free XXL, les Israéliens aiment acheter et consommer ''jusqu’à plus soif'' même si pour cela, ils doivent jongler avec des découverts qui donnent parfois le vertige. LeMag’ s’est penché sur ces paradoxes et ces tendances en cette veille de fête et autres festivités de printemps.

le

m

Dossier coordonné par Caroll Azoulay

p.52

LES BONS PLANS POUR DÉPENSER MOINS

Avril - Mai 2016 • LEMAG.CO.IL • leMag’ N°6 • 45


DOSSIER CONSO

LE DÉFI DU CONSOMMATEUR :

co .il

E

CRÉDIT À LA CONSOMMATION : attention à la spirale

+5,6 %

+6,2 %

+8,9 %

2013

2014

2015

La consommation à crédit fait désormais partie des comportements d’achats de l’Israélien.

LES ACHATS À CRÉDIT EN 2015 :

le

m

ag .

n dépit du coût de la vie et de la tendance qu'ont les Israéliens à user (et abuser ?) du crédit, la consommation des ménages, en cette veille de Pessah 2016, reste un moteur de croissance indéniable dans le pays. Et elle se porte très bien. Après une hausse de 3,7% en 2014, elle a encore bondi de 4,5% en 2015. Dans ce contexte, baisser les prix de première nécessité, et ceux de l’alimentation en particulier, est devenu l’une des priorités du gouvernement. Y réussira-t-il avant les quelques semaines qui précèdent la fête ? Quand on sait que la période des achats débute environ un mois plus tôt, il y a là un véritable défi à relever. Intensifier la concurrence, diminuer les droits de douane pour l'ensemble des produits importés de la chaîne agroalimentaire, des mesures audacieuses que Moshé Kahlon, le ministre des Finances, envisagerait comme des remèdes incontournables à la cherté de la vie. En attendant ces changements, dignes de l'ouverture de la Mer Rouge, les Israéliens font montre de pragmatisme et rivalisent d'ingéniosité pour boucler leur fins de mois. Ainsi, s'il l'on consomme toujours plus, on consomme différemment. Durant ces dix dernières années, la vente des produits sans marque dans les grandes surfaces a fait un bond dans tous les secteurs et se confirme. Et pour les seuls rayons de l’alimentation, cette tendance a marqué une hausse de 20 %. Des solutions pour baisser la facture que les familles plébiscitent. Le concept des « boutiques express » a aussi séduit les consommateurs désireux de contrôler leurs pulsions d'achat et les tentations qui en découlent. La banque, les supermarchés, la restauration (Poalim Express, Shufersal Express ou Cofix, pour ne citer qu'eux) se sont engouffrés dans la brèche. Et côté loisirs, la tendance est au cocooning. On aménage son chez-soi, on investit dans l'ameublement, on soigne sa déco. Et pour le programme du soir, on dévorera son pop-corn (+ 11% des ventes) et ses biscuits apéritifs (+ 7%), devant un bon film, un livre passionnant ou en surfant sur internet... Karine Sarfati

46

• Avril - Mai 2016 • LEMAG.CO.IL • leMag’ N°6

Produits d’alimentation : + 4,6% Biens manufacturés (comme habillement et ameublement) : + 8,6% Services : + 9,9%

LES POSTES CLÉS DU BUDGET QUI ONT EXPLOSÉ EN 5 ANS :

+60% Immobilier

LE A S

+45%

+29%

+22%

Alimentation Shopping Frais de transports et de santé

Des consommateurs ont déclaré reporter leurs achats, attendre les soldes, et même préférer les articles d’occasion.


13 142

Budget moyen d'un ménage israélien (2014)

3.692

pour le logement

2.984

pour les transports et télécommunications

1.974

22,7% 15%

Des ménages dépensent plus qu’ils ne gagnent

vend 60% des fromages et produits laitiers. En Israël, le lait coûte 37% plus cher qu’en Europe

12,48%

884

6,7%

582

5,82%

pour la santé

pour l’ameublement

3,8%

707

5,4%

m

499

pour l’habillement

le

pour les loisirs

COMPARER LES PRIX AVANT DE PRENDRE LA DÉCISION D'ACHETER :

33%

La viande bovine en Israël coûte 73% de plus qu’en Europe !

10

marques s’accaparent 57% du marché de l’agroalimentaire

69%

Pourcentage des familles qui vivent régulièrement en étant à découvert

RÉDUIRE LES DÉPENSES ET ÉVITER L'ACHAT DE PRODUITS INUTILES :

38%

SALE

1.820

pour la culture et l’éducation

40%

MONOPOLE :

ag .

pour l’alimentation

28,1%

co .il

DÉPENSER SANS S'ENDETTER

des ménages le font au supermarché, avant et pendant les soldes, comparant les prix pratiqués en Israël avec l’étranger

des Israéliens refusent d'être influencés par les publicités et les offres promotionnelles

Avril - Mai 2016 • LEMAG.CO.IL • leMag’ N°6 • 47


DOSSIER CONSO

co .il

DES CONSOMMATEURS, PAS DES FLAMBEURS

Entre la cigale et la fourmi, c'est vite tranché. Parmi les personnes interrogées, on notera cette constante : de la mesure, et des dépenses somme toute maîtrisées. Pas de folie, une certaine défiance vis à vis de la consommation à crédit, et une tendance à vouloir d'abord, coûte que coûte, boucler ses fins de mois. Focus sur ces consommateurs pragmatiques désireux de cibler leurs priorités. Avant tout. Meirav, Agent immobilier, divorcée, un enfant à charge

le

m

ag .

Le budget dépenses courantes : Je dépense environ mille shekels par mois pour mes courses. Cela inclut aussi ce dont mon fils de vingt-un mois a besoin : des couches, des lingettes, bref, tout le quotidien. Dans mes gros postes, je dois prévoir le coût du maon (crèche) pour mon fils, pour lequel je paye, tous les mois, mille six-cents shekels. En Israël, on utilise beaucoup le paiement en tachloumim. Malheureusement, on oublie trop souvent que les dettes s’accumulent et se rajoutent aux priorités... Et avec tous ces calculs, c’est difficile de se retrouver ! Il m’arrive donc souvent d’être à découvert. J’ai des mois avec, et des mois sans. Travaillant dans l'immobilier, je n'ai pas de salaire fixe. Cela fait partie des aléas, c’est un choix. Je suis une jeune maman récemment divorcée donc je fais attention et il n'y a pas de nouveautés ou d'imprévus dans mes dépenses .Je n’ai pas assez de marge pour avoir des loisirs. Je sais qu’il faut du temps pour trouver un équilibre... Quand je vais faire mes courses, c'est souvent chez Rami Levy, pour ses prix, beaucoup plus intéressants que ceux des autres supermarchés. Sinon au quotidien, j’essaie de faire attention, dans tous les domaines, que ce soit l'alimentation, les vêtements ou le reste...

Le coût de la vie : La vie est chère, et les salaires ne suivent pas. Il y a un décalage parfois entre les dépenses que l'on peut faire et ce que l'on gagne... Et Pessah ? : C'est la première année où je vais faire Pessah en étant divorcée. Du coup, ce ne sera pas le même budget, étant donné qu'il n'y a qu’un seul salaire. Je vais devoir faire attention au prix du vin et des matzot, en fait, …un peu à tout. Je vais surtout inclure dans mon budget des activités pour mon fils, car il n'aura pas de maon pendant une semaine. La priorité ira donc, cette fois-ci, aux loisirs.

48

• Avril - Mai 2016 • LEMAG.CO.IL • leMag’ N°6

Carole, Esthéticienne, mariée, cinq enfants dont deux à la maison Le budget dépenses courantes : Nous dépensons entre quatre mille et quatre mille cinq cents shekels tous les mois pour l'alimentation et les dépenses courantes. Shampoing, lessive, produits ménagers... Je ne répartis pas mes dépenses. Je vais au supermarché et je prends tout ce qui me manque et ce dont j'ai besoin, sans faire de budget pour l'épicerie ou les fruits et légumes en particulier. La première chose à prélever du salaire c'est la machkenta, le rembour-

sement du crédit pour l'achat de notre appartement, et l'assurance. En ce qui concerne les coûts de scolarité, il me reste deux adolescents à la maison donc c'est gérable... Pour l'habillement, les deux travaillent donc ils se débrouillent. Les plus grosses dépenses viennent de l'alimentation. Malheureusement, je n'ai pas du tout recours à des bons plans dans ma façon de consommer ! Je sais par exemple qu'au marché les fruits et légumes me coûteraient moins chers… Pareil si j'acceptais de me déplacer dans deux ou trois supermarchés différents pour tout ce que je dois acheter. Mais je n'ai pas le temps. Après, c'est aussi une question de confort, et économiser de l'argent aux dépens de mon temps et de ma santé, c'est inenvisageable. Je n'y arrive pas. Le coût de la vie : Oui c'est vrai, le coût de la vie est cher par rapport aux salaires. A mon avis, une majorité de consommateurs n'arrivent pas à boucler leurs fins de mois. Nous, par exemple, nous avons une autorisation de découvert. C'est sûr qu'on ne s'en prive pas et qu'on y a recours tout le temps ! Tous les mois. A la banque, on nous a même proposé d’élargir notre possibilité de découvert, mais on a refusé ! Alors on dépense, et puis quand il n'y a plus d’argent, …et bien on fait avec ! Les crédits aussi, on évite, parce que nous avons déjà une mashkenta. On nous en a proposés, mais on sait très bien que si


APPRENDRE L'ÉQUILIBRE BUDGÉTAIRE : L'OBJECTIF DE PAAMONIM

Elyahou, Marié, à la retraite

le

m

Le budget dépenses courantes : Si j'inclus les restaurants, l'alimentation et les courses, nous dépensons autour de deux mille shekels par mois. En ce qui me concerne, j'ai eu quelques turbulences dans ma vie professionnelle, avec notamment la vente de ma société. Nous n'avons pas de problème de budget, nous évitons simplement les dérapages. Les bons plans pour dépenser moins, ce n'est pas trop notre genre mais c'est sûr que si on a le choix entre aller au supermarché discount ou à la petite épicerie du coin, on choisira la première option. Pour les loisirs, si on veut passer des vacances dans un bel hôtel, on fera plus attention après. Ma femme aime beaucoup les restaurants, se faire plaisir, acheter des vêtements par exemple, sans abuser pour autant. Le coût de la vie : Le coût de la vie en Israël n'est pas particulièrement élevé, maintenant si on

de donner du poisson », Paamonim aide les familles en situation de crise économique à relever les défis auxquels elles sont confrontées, et à parvenir à une situation d’équilibre budgétaire. Cette aide se matérialise par un coaching individuel des familles via la présence d’un accompagnateur qui les aide à recouvrer leur indépendance économique par un suivi ultra personnalisé : renégociation du crédit bancaire, soutien juridique, conseils de gestion, self contrôle efficace des dépenses, demande d’aides sociales, etc… Grace à cette dynamique, les familles retrouvent peu à peu leur place sur le marché du travail, intègrent les méthodes nécessaires pour équilibrer leur budget, gérer leurs dettes et résoudre d’autres problèmes économiques complexes. L’association propose également des programmes éducatifs afin d’enseigner aux familles comment éviter de subir de plein fouet une crise économique. Chaque année, ce sont 4.500 familles qui sont accompagnées par l’association Paamonim, dont de nombreuses familles francophones et d’immigrants. Composée de 2.500 volontaires spécialisés et formés à la gestion, Paamonim est présente du nord au sud d’Israël grâce à ses bureaux opérationnels qui travaillent en coopération avec les autorités locales. Récompensée par de nombreux prix nationaux, Paamonim a notamment été classée comme l’une des dix associations les plus efficaces d’Israël. A.Bendayan

co .il

Dans son rapport publié en 2015, le Contrôleur de l’État, Yossef Shapira, tirait la sonnette d’alarme concernant l’augmentation de l’endettement des ménages entre 2008 et 2014. Les dettes des foyers israéliens auraient ainsi augmenté de 60% pour atteindre 433 milliards de shekels à la fin 2014 et 455 milliards en septembre 2015. Une situation particulièrement préoccupante que l’association Paamonim tente d’endiguer au quotidien en promouvant la responsabilité économique des familles et des personnes. Fondée en 2002 sur le principe : « Il vaut mieux apprendre à pêcher que

ag .

l'on commence à prendre un petit crédit à droite et à gauche, on se retrouve vite surendetté. Donc on ne part pas en vacances, on s'habille moins... Mais je comprends que les gens y aient recours à cause de la cherté de la vie. Et on a forcément plus tendance à dépenser qu'à économiser parce que les salaires sont trop justes... Et Pessah ? : Des vacances ? Non. Nous sommes en Israël depuis huit ans et nous ne sommes jamais partis pour la fête. Une excursion oui, mais aller à l'hôtel dans le cadre d'un vrai séjour, non. Notre priorité à Pessah, c'est le seder avec toute la famille. Bien sûr, nous avons un budget pour la fête, sans acheter pour autant des produits chers ou très haut de gamme. Maintenant, les vacances, on voudrait bien, mais ça n'est pas notre priorité. Pessah, pour nous, c'est d'abord et avant tout des fêtes en famille.

compare avec le niveau des salaires, c'est autre chose… Les Israéliens ne sont pas assez rebelles, ne se défendent pas assez. Contracter des crédits, c'est une vision à court terme, et une réalité qu'on ne devrait pas accepter. Les cartes bancaires sont données trop facilement, avec n'importe quel plafond. Ce ne sont pas des solutions réelles. Moi, j'ai opté pour une carte à débit immédiat. Bien qu'on puisse bénéficier d'un découvert de dix mille shekels, on sait très bien que cet argent n'est pas gratuit. Et Pessah ? : Ce cas de figure est un peu particulier car je n'ai pas de famille nombreuse. Donc jusqu’à présent, nous n'avons pas eu de budget conséquent pour la fête. On sait que les dépenses sont plus importantes, bien sûr. A titre d'exemple, on a pris trois jours de vacances à hol haomed dans un hôtel au bord de la mer. Mais c'est tout, nous ne prévoyons pas sinon de budget spécial. D.P

www.paamonim.org

Avril - Mai 2016 • LEMAG.CO.IL • leMag’ N°6 • 49


ag .

co .il

L’AN PROCHAIN À JERUSALEM LEMAG’

FORMATIONS PROFESS QUELLES OPTIONS POUR

m

O

On assiste à une explosion des formations professionnelles destinées aux olim. Opportunité d’intégration ou option de reconversion réussie. Tout est possible. LeMag’ a vérifié.

le

pter pour une formation professionnelle quand on cherche du travail en Israël n'est pas une décision à bâcler ou à prendre à la légère. Elle représente une chance de se renouveler et nécessite de faire un bilan de son expérience afin de mûrir son virage. Plusieurs paramètres entrent en jeu : le temps dont on dispose, le budget que l'on peut y consacrer, la prise en charge dont on peut bénéficier éventuellement en tant que nouvel immigrant. Mais ça n'est pas tout. Doiton envisager une formation pour se perfectionner, pour adapter ses compétences à la couleur du pays ou bien se reconvertir en optant résolument pour une nouvelle voie ? Faire le grand écart ou rester dans son milieu professionnel d'origine en recyclant son expérience française ? Se 54

• Avril - Mai 2016 • LEMAG.CO.IL • leMag’ N°6

former en hébreu ou en français ? Une fois ces questions tranchées (et un rendez-vous plus que recommandé avec un conseiller professionnel), on mettra le cap sur les aides aux olim. L'option principale reste le dispositif "Voutcher" pour les nouveaux immigrants et citoyens de retour dans le domaine de l'emploi. Cette aide est en fait une bourse à la formation qui peut être financée jusqu'à 80% par l’État et plafonnée à 7.000 shekels maximum. Le but ? Faciliter l'intégration sur le marché du travail des nouveaux immigrants, en leur ouvrant un plus grand choix professionnel en Israël. Ce droit est valable dix ans pour l'olé à partir de sa date d'alyah. Il faut au préalable avoir suivi un oulpan et vouloir se former à une compétence recherchée sur le marché de l'emploi. Attention donc : il faut présenter une demande crédible avec un devis complet du coût de la formation, un programme d'études et une attestation de


co .il ag .

m

SIONNELLES LES OLIM ?

le

reconnaissance de l'organisme professionnel choisi. Dernière chose : n'allez pas choisir une spécialisation en chinois ou des cours sur l'histoire de l'art égyptien. La formation est censée vous ouvrir le plus rapidement possible les portes du monde du travail, donc pragmatisme et réalisme sont à inclure dans les critères de vos choix. Vous vous poserez sûrement aussi cette question : pourquoi choisir une formation dans un organisme privé ? Tout simplement parce que les formations gratuites ne couvrent pas tous les besoins des olim et se font de plus en plus rares depuis une dizaine d'années. Voici donc une sélection de plusieurs écoles qui ont ouvert des sections francophones destinées aux nouveaux immigrants. Différents métiers et compétences sont proposés par ces différents organismes habilités à accueillir les ayants droit au "Voutcher".

Pour bénéficier d'une subvention, il vous faut réunir :

1 L'accord de l'école pour suivre la formation

2 La preuve que vous avez suivi jusqu'au bout votre oulpan en Israël (une personne ayant un niveau d'hébreu satisfaisant et ayant été dispensée de l'oulpan doit prouver via des attestations qu'elle a étudié la langue à l'école).

3 Une attestation indiquant : * Les dates de début et fin de la formation * Le nombre d'heures de la formation * Le programme d'études * Le coût de la formation Pour recevoir votre aide, il faudra apporter ces documents à votre conseiller emploi (yoets taasouka) du ministère de l'Intégration dont vous dépendez. Avril - Mai 2016 • LEMAG.CO.IL • leMag’ N°6 • 55


C'EST L'HISTOIRE ... LEMAG’

co .il

...D’un homme qui n’a pas oublié

N

ag .

© DR

Enfant caché pendant la guerre par un couple belge, Nathan Diament enquête aujourd’hui sur ces héros de l’ombre qui ont risqué leur vie pour sauver des Juifs.

le

m

ous sommes dans les années soixante. La Shoah est encore un sujet tabou mais le jeune Etat d'Israël attribue la plus grande des reconnaissances aux sauveurs de la famille de Nathan Diament. Celle de ‘Juste parmi les Nations’. Une distinction dont Nathan devient familier puisque lui-même va siéger, près de soixante ans plus tard, à la Commission qui attribue le fameux titre, à Yad Vashem. Pour ce survivant, la boucle est bouclée... Dans quel contexte voyez-vous arriver la Seconde guerre mondiale ? Nathan Diament : Mes parents sont tous deux originaires de Pologne, mais nous vivons en Belgique. Nous sommes trois enfants, trois garçons. J’ai un frère ainé et un frère cadet. Nous assistons à la montée du nazisme et en 1940, aux évènements effrayants de la conquête de la Belgique par l'Allemagne. Mon père décide alors que nous devons fuir, comme de 68

• Avril - Mai 2016 • LEMAG.CO.IL • leMag’ N°6

nombreux autres Belges, vers la France. Mes parents, mon jeune frère et moi arrivons au bout de quelques jours à Paris mais mon frère ainé, quant à lui, reste en Belgique. Après nous avoir trouvé un logement, mon père, très inquiet, y retourne pour tenter de le retrouver. C’est à ce moment-là que nous sommes pris et emprisonnés dans un camp d’internement en France, ma mère, mon jeune frère et moi-même. Lorsque mon père revient, il trouve une maison vide. Apres quelques recherches, il apprend où nous sommes retenus en captivité et réussit à soudoyer les gardes. C'est la première fois où nous sommes sauvés…où nous échappons à la déportation. C'est en 1942 que nous avons tous réellement été cachés. Mon frère cadet, dans une famille de paysans dans le nord de la Belgique. L’ainé est allé vivre en pension. Mes parents se sont cachés dans un appartement, un peu comme Anne Frank... Quant à moi, j'ai trouvé refuge auprès d'une famille aristocratique francophone,

à Gand, chez qui je suis resté pendant deux ans. Comment se déroule votre sauvetage ? En 1942, près d’un million de Belges sont déjà partis. Ils se sont enfuis en France. Et la situation s'est aggravée lentement pour les Juifs. Cette année-là, l'étoile jaune est devenue obligatoire pour les enfants, dès l’âge de six ans. Mes parents décident donc de nous cacher. Mon plus jeune frère trouve refuge chez un couple de paysans, et moi, je suis caché grâce à une femme qui s’appelle Andrée Geulen. Elle fait partie d'un réseau qui a réussi à cacher plus de trois mille enfants en Belgique. Ils ont presque tous survécus… Voici comment cela se déroule : la mère emmène l'enfant à la gare et le laisse sur place. Cette femme, ou l’une de ses collaboratrices, le récupère, le met dans un train et le transfère dans une autre ville. Ma mère agit donc de la même manière. Elle me laisse à la gare et cette femme, Andrée


ier, cousine De gauche a droite : Didi Coll in Didier Brunin et Lucien Brun

de Ginette Brunin, Ginette

m

le

Comment vivez-vous cette période ? D'une manière formidable… J'ai des photos de ma famille, et les Brunin me conseillent de les placer à coté de mon lit. « Tu peux ainsi raconter tous les soirs à tes parents ce qui s'est passé durant la journée », me disent-ils. Ils avaient cette intelligence-là. A l'époque, c'était tout de même très spécial. Tout le monde n'était pas fin psychologue ! Je passe donc ces deux années du mieux possible, et grâce à eux, j'apprends le français, étant donné qu'on ne peut pas m'envoyer à l'école. Les enfants peuvent découvrir que je suis juif. Chez les garçons il y avait ce problème, aller aux toilettes dans une école pouvait

Brunin, Nathan Diament,

Je n'ai jamais prononcé mon vrai nom pendant la guerre. Comme tous les autres enfants cachés… On nous disait : « A partir de maintenant, vous avez un autre nom ». Et nous n'avons pas trahi ce nom…”

ag .

Vous avez donc changé d'identité… Oui. A mon arrivée, on m'avait demandé quel était mon prénom et j'avais donné ce nom-là. Je n'ai jamais prononcé mon vrai nom pendant la guerre. Comme tous les autres enfants cachés… On nous disait : « A partir de maintenant, vous avez un autre nom ». Et nous n'avons pas trahi ce nom… J'arrive donc chez la famille Brunin, avec cette brosse à dents et quelques timbres de ravitaillement obtenus par l'intermédiaire de ce réseau. Ils racontent à leurs connaissances que je suis un enfant qui vient d'une famille ayant subi les bombardements. Mais la mère de M. Brunin prend peur à mon arrivée et leur dit: « C'est dangereux, ne laissez pas l'enfant ici. Vous mettez en danger toute la famille ». Mais au bout d'un certain temps, elle m'accepte. Je suis resté chez eux deux ans.

co .il

Geulen, me met dans un train en direction de Gand. Je suis alors âgé de quatre ans. Là-bas, on me place dans une maison avec d'autres enfants. Arrivent alors M. et Mme Brunin... Lui est un grand avocat en Belgique. Je garde encore cette image de leur arrivée : ils portent tous les deux des imperméables et tiennent un chien. Ils me demandent gentiment : « Veuxtu venir chez nous ? ». Je leur réponds : « Peut-être, pour un petit moment... ». Plus tard, ils m'ont raconté que lorsque je suis arrivé, j'avais juste une brosse à dents dans ma poche… et je m'appelais Albert Dumont...

se révéler très risqué... Mme Brunin me donne donc elle-même des cours de français et elle me lave tous les soirs. Deux domestiques s'occupent de la maison mais elle ne leur confie jamais cette tâche-là. Elle a bien trop peur d'une dénonciation. La majorité des personnes arrêtées, familles ou enfants, ont été dénoncées.

Que se passe-t-il ensuite ? Vers la fin de la guerre, ma mère tient à me voir. Elle est très pessimiste : « C'est la fin, nous allons être arrêtés, nous savons que tous les Juifs vont être rapidement arrêtés. On voudrait voir si notre enfant est entre de bonnes mains ». On lui permet donc de venir. Elle fait le voyage de Bruxelles à Gand via des tramways, parce qu'elle a peur de prendre le train, et après tout un voyage bien compliqué, elle arrive pour constater que je suis très heureux. Monsieur Brunin lui dit : « S'il vous arrive quelque chose, nous l'adopterons. » Ma mère lui répond alors : « Que va-t-il se passer ? » et il a cette phrase pour la réconforter : « En juin, il va y avoir le débarquement. Gardez courage ». Mais il n'est sûr de rien à ce moment-là. Personne ne

sait. Il n'empêche, quand mes parents apprennent cela, ils savent désormais que la fin de la guerre se rapproche. Et cela les soulage… C'est ce que m'a raconté ma mère bien plus tard. Et en effet, le débarquement a lieu ! Quelques mois plus tard, c'est la fin de la guerre, Caen est libérée, Bruxelles aussi. Ma mère demande à ce que je sois gardé encore quelques mois, le temps d'installer notre nouvel appartement. Je reviens alors à la maison... L'une des images que je garde de mon retour est celle-ci : il y a un garçon qui m’accueille avec mon père à la gare, et qui me dit « Je suis un ami de la famille ». Lorsqu’on arrive à la maison, il s'avère que c'est mon frère plus âgé. Un peu plus tard, mon petit frère nous rejoint. Il est dans un coin, bien habillé, et il ne parle que le flamand. Parce qu'il a été caché chez des Flamands ! Et aucun d'entre nous ne peut communiquer avec l’autre ! Ce sont des images qui restent. La mémoire est faite souvent d'instantanés. Il y a des souvenirs que l'on raconte, et puis il y a des images qui restent gravées. Et moi, je garde l'image de cet enfant avec qui on ne peut pas parler. Avril - Mai 2016 • LEMAG.CO.IL • leMag’ N°6 • 69



Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.